Supply Chain Magazine 83

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TABLE RONDE
Le MIL (Marché de l’Immobilier
Logistique) semble en panne de
croissance dans l’Hexagone. La
demande placée est en baisse,
mais les opérations « clés-enmain » se taillent la part du lion,
à défaut d’une offre existante
adaptée. Certaines zones souffrent même d’un déficit d’actifs.
Par ailleurs, le fait que les loyers
locatifs sont jugés trop bas
fait pratiquement l’objet d’un
consensus parmi les nombreux
acteurs du domaine réunis à
Paris le 27 mars dernier lors
d’une Table Ronde organisée
par Supply Chain Magazine. En
revanche, les points de vue
divergent entre constructeurs,
promoteurs ou investisseurs
quant aux perspectives d’évolution de cette situation. Une
chose est sûre, l’absence de
croissance affecte bien toute la
Supply Chain de l’immobilier
logistique !
Un marché sous
hautes tensions
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N°83 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - AVRIL 2014
©CARLOSCASTILLA-FOTOLIA
Immobilier
logistique
Croissance en volumes
Laurent Horbette (Gicram) estime que
le succès du clés-en-main peut s’expliquer en partie par la volonté de
massifier qui conduit à une augmentation de la taille des entrepôts recherchés par les utilisateurs, qu’ils ne
fié de « fond de cuve », de moins en
moins adapté à la demande. « Quand les
stocks se réduisent, les bâtiments qui
restent sur le carreau sont les moins
bons, les moins bien adaptés et les
moins bien situés », lance-t-il.
Polémiques autour
des « fonds de cuve »
« C’est vrai que le clé-en-main est un
marché dynamique, mais en même
temps il existe aussi des bâtiments qui
se libèrent régulièrement et se replacent relativement facilement », intervient Hélène Fort (Parcolog), qui cite
en exemple un entrepôt à HéninBeaumont reloué en trois mois. « Oui,
et à bon prix ! », s’autorise en passant
Antoine Tostain. L’allusion aux « fonds
de cuve » fait aussi réagir Caroline
Grandjean : « Sogaris gérait à fin
2013 un parc d’un petit peu plus de
500.000 m2 d’entrepôts en France,
dont certains datent des années 60.
Pour autant, notre taux de remplis-
©C.POLGE
Les participants
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D
ésigné volontaire, c’est
Laurent Sabatucci (EOL)
qui inaugure cette nouvelle Table Ronde Supply
Chain Magazine sur l’immobilier logistique avec un rapide
point sur le marché : « Nous observons
d’une part une demande placée de
l’existant qui baisse de 15 à 25 %
selon les secteurs géographiques, et
d’autre part une augmentation très
forte du nombre de bâtiments clés-enmain, qui représentent 50 % des
transactions à certains endroits ».
« Sur le marché lillois, le clés-en-main
a été leader dans les transactions
récentes, avec Amazon, mais aussi les
36.000 m2 du prestataire Log’Solutions pour son client Electro Dépôt »,
confirme, à l’échelle régionale, Antoine
Tostain (Tostain & Laffineur), qui note
également que le patrimoine existant
disponible est actuellement très limité
dans ladite région. Même constat pour
Didier Terrier (Arthur Loyd) : « L’offre
de bâtiments existants est assez restreinte et n’est surtout pas du tout
adaptée à la demande. Dans certaines
zones, notamment en région lyonnaise, il y a une absence de foncier qui
fera perdre peut-être trois ans pour
développer ce type d’actifs ». « L’une
des conséquences de l’absence de production en blanc depuis longtemps, et
des nombreux développements de clésen-main, c’est effectivement des libérations de bâtiments qui correspondent de moins en moins aux aspirations des utilisateurs », analyse pour
sa part Didier Malherbe (CBRE).
trouvent pas dans le stock existant.
Jean-Claude le Lan (Argan) en profite
pour tenter d’écarter le sujet du
« blanc ». « Ce marché de rationalisation et donc de massification n’est pas
adapté aux constructions en blanc car
il est très difficile de trouver le produit disponible à l’endroit souhaité »,
fait-il remarquer, en ajoutant qu’en
l’absence de croissance et avec une
offre abondante, la pression sur les
niveaux de loyers et les prix du neuf
est très forte. « Je pense que notre
marché est en croissance, réagit Laurent Sabatucci, car même si effectivement il y a des bâtiments vides et que
le parc croît de 5 à 6 % par an avec les
clés-en main, le taux de vacance n’augmente pas. Dans certaines régions il est
même très bas, comme en région
PACA, à Lille ou à Lyon. » Pour Alain
Panhard, l’augmentation importante du
nombre de clés-en-main n’est pas un
phénomène de mode, mais la conséquence d’un marché d’occasion, quali-
Karim Abdellaoui,
Philippe Arfi,
Président et fondateur d’APRC
Le groupe APRC est présent depuis
2006 en France et au Maghreb (plus
particulièrement en Algérie) avec une
activité de contractant général, concepteur et réalisateur de bâtiments
clés-en-main, mais aussi, plus récemment, de promotion immobilière. Il
compte 50 personnes pour un CA
d’environ 50 M€, dont 65 % pour
l’activité logistique.
Directeur Général France
de Goodman
Goodman est un groupe australien
côté à la bourse de Sydney, à la fois
investisseur, développeur et gestionnaire de plates-formes logistiques. En
France, l’un de ses marchés clés, il
emploie une vingtaine de personnes
et son portefeuille est d’environ
900.000 m2.
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TABLE RONDE
©JP.GUILLAUME
Olivier Barge,
Hélène Fort,
Marc Frappa,
Directeur projets Europe du Sud
chez Prologis
Basé à San Francisco, Prologis est
investisseur, développeur et gestionnaire d’actifs immobiliers logistiques.
Son effectif est de 1.500 personnes
dans le monde son patrimoine s’élève
à 53 millions de m2 de bâtiments en
gestion dans une vingtaine de pays.
Directrice Générale de Parcolog
Parcolog, fondé en 2000, appartient
depuis huit ans au groupe Generali.
L’activité de cet investisseur en fonds
propres se concentre sur le développement de clés-en-main locatifs et
la promotion immobilière dans le
domaine logistique, avec un patrimoine d’un million de m2 en France.
Directeur Général
de Faubourg Promotion
Filiale du groupe Idec (210 M € de
CA), Faubourg Promotion est une
société de promotion immobilière spécialisée dans les bâtiments logistiques
et l’immobilier d’entreprise sur toute
la France. Elle a enregistré en 2013
90 M€ de prises de commandes. Le
groupe Idec est également investisseur et constructeur au travers d’autres filiales.
sage s’élève à 97 %, car tout dépend
de la manière dont ils ont été pensés et
positionnés. En l’occurrence, ils sont
très proches des agglomérations et
répondent à une forte demande en
matière de distribution urbaine ». A
l’inverse, Philippe Arfi (Goodman) est
plutôt d’accord avec la métaphore des
fonds de cuve, et ne considère pas le
retour des projets en blanc comme
une option viable. « Nous sommes sur
des baux de courte durée, et la maturité du portefeuille fond comme neige
au soleil. Je crois beaucoup plus dans
la rotation des actifs, qu’il faut savoir
acheter mais aussi vendre au bon
moment, et dans le clés-en-main.
Nous en avons réalisé un certain nombre ces dernières années pour quelques
grands clients, notamment dans l’ecommerce ».
une ou deux par an dans des zones où
il n’y a pas d’offres », précise Olivier
Barge (Prologis). Pour Laurent Horbette, le blanc n’est plus d’actualité
depuis des années, à l’inverse des projets en « gris » (acquisition du foncier
et réalisation de l’ensemble des
démarches préalables). « Nous faisons
tous du gris aujourd’hui en raison de
la complexité du processus administratif, qui prend entre 12 et 15 mois
pour obtenir toutes les autorisations de
construire et d’exploiter le bâtiment ».
Le blanc est également une « aberration » pour Alain Panhard : « Nous ne
sommes plus en 2002, où il a fallu
satisfaire très vite une demande très
importante. Actuellement, les utilisateurs s’y prennent au moins un an à
l’avance, ce qui couvre largement le
délai de construction, avec le double
avantage sur un projet en blanc de ne
pas avoir à donner un an de franchise
de loyer, et de se retrouver face à
l’impossibilité d’adapter le bâtiment
aux besoins précis de l’utilisateur ».
« Quand j’ai parlé de construction en
blanc à Lyon, il s’agit d’un contexte
exceptionnel, tient à préciser Didier
Terrier. A l’Isle-d’Abeau, sur un parc
de 1,7 M de m2 d’entrepôts classe A et
classe B, les seules disponibilités sont
un bâtiment de 20.000 m2 qui sera
prêt en fin 2014, 14.000 m2 chez Prologis, 9.000 m2 chez GE et 12.000 m2
chez Proudreed. C’est la même chose
dans la Plaine de l’Ain, et très peu de
terrains sont disponibles. Alors dans
un contexte comme celui-là, quand on
s’appelle Goodman ou Prologis, si on
n’est pas capable de faire du blanc, il
faut changer de métier ! »
Blanc rarement, gris souvent
« Je suis d’accord, il n’est pas raisonnable demain de faire des opérations
en blanc un peu partout comme on l’a
fait il y a quelques années, mais pour
autant, nous avons décidé d’en lancer
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Les participants
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La mécanisation
et le clé-en-main
Marc Frappa (Faubourg Promotion)
revient sur le phénomène du « clésen-main ». « Nous constatons une tendance au sur-mesure dans les demandes des chargeurs qui veulent des bâtiments adaptés à leurs besoins de plus
en plus détaillés et précis. En particulier dans tous les projets transstockeurs qui ont tendance à se développer beaucoup au niveau de la
grande distribution. Cela reste un sujet
TABLE RONDE
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Les participants
Caroline Grandjean,
Laurent Horbette,
Jean-Claude le Lan,
Président du directoire de Sogaris
Investisseur et développeur de sites
logistiques, Sogaris est une société
d’économie mixte créée en 1960 dont
l’actionnariat est à 80 % public (Ville
de Paris et les trois départements
de petite couronne). Elle est propriétaire de huit sites en exploitation
(518 000 m2), notamment sur l’Ile de
France.
Directeur Général France de Gemfi
(groupe Gicram)
Gemfi est la branche promotion et
développement du groupe français
Gicram, qui compte également des
structures spécialisées sur l’architecture ou l’activité de contractant. Gemfi
intervient en France sur cinq marchés
principaux : Ile-de-France, Marseille/
Saint-Martin-de-Crau, Toulouse, Bordeaux et Rouen/Rennes).
Président et Fondateur d’Argan
Foncière française cotée en Bourse,
spécialisée en développement et en
gestion de plates-formes logistiques,
Argan possède un patrimoine de
1,3 M de m2, soit 45 plates-formes,
valorisées à 900 M€. Ses revenus
locatifs en 2014 sont estimés à
66 M€. Son activité a enregistré
+25 % en 2013.
délicat en termes administratifs parce
que beaucoup de fonciers n’ont pas de
PLU prévus avec des grandes hauteurs », indique-t-il. « Il y a une vraie
tendance de fond sur la mécanisation,
et la France est plutôt en retard sur le
sujet comparée à d’autres pays, que ce
soit au nord de l’Europe mais également en Italie ou au nord de l’Espagne,
déclare Roland Paul (GSE). C’est une
direction que nous sommes tous en
train de prendre et qui pousse naturellement vers des bâtiments spécifiques
et de grande taille », estime-t-il. JeanPaul Rival (Concerto Développement)
rappelle que la mécanisation n’est pas
un terme générique. Certains systèmes
sont tellement spécifiques qu’ils caractérisent le bâtiment, mais d’autres, de
type multishuttle ou goods to man,
permettent de réutiliser le bâtiment à
terme, tout en étant le meilleur gage
pour l’investisseur que le locataire qui
a dépensé plusieurs M€ dans ce genre
de système restera au-delà de la durée
contractuelle du bail. « Je pense en
effet que cette évolution de l’automatisation, avec l’arrivée de systèmes
innovants tels que Boa Concept ou
Scallog, va être pour les investisseurs
un avantage qui pourra être mis en
avant sur des bâtiments existants »,
ajoute Laurent Sabatucci.
termes de prestations, mais cette générosité ne se retrouve pas dans les budgets d’investissements, note-t-il avec
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Alerte sur la chaîne de valeur
Karim Abdellaoui (APRC) oriente alors
la discussion sur les niveaux des
valeurs locatives, inchangés depuis
20 ans, et qu’il considère inadéquats
compte-tenu de la complexité croissante des opérations à réaliser en
amont, et de la richesse des cahiers
des charges, en termes de prestations.
Il pousse ce cri d’alarme : « Je me
tourne vers les gros propriétaires :
remontez vos loyers, il n’est plus possible de louer les entrepôts à 42 € le m2
parce que vous cassez la chaîne de
valeur et que cela entraîne une destruction massive de rentabilité chez les
entreprises de sous-traitance et chez
les contractants généraux. Nous n’arrivons plus à gagner notre vie sur les
marchés français du clés-en-main. Les
cahiers des charges de nos clients sont
beaucoup plus précis et généreux en
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Les participants
Julien Mongoin,
Alain Panhard,
Directeur Général Adjoint
chez CBRE
Société américaine de conseil et de
commercialisation en matière
d’immobilier, CBRE compte 37.000
employés dans le monde (dont deux
tiers environ aux Etats-Unis). La filiale
française compte 750 personnes, dont
une soixantaine pour la ligne de business activités logistiques, dirigée par
Didier Malherbe (200 transactions par
an en moyenne en Ile de France).
Directeur du développement
de Barjane
Le groupe Barjane est une foncière
familiale d’une dizaine de collaborateurs basée près d’Aix en Provence et
créée en 2006. Il dispose également
d’une structure d’aménagement, de
développement, de promotion et de
gestion de parcs d’activités dédiées à
des plates-formes logistiques, aux
business parks et au retail.
Président du groupe Panhard
Fondé en 1995, le groupe Panhard a
démarré par une activité de promotion (Panhard Développement), complétée ces dernières années par deux
autres pôles : Panhard Réalisations et
Panhard Investissement. En 2013, le
groupe a également créé une foncière
spécialisée dans les parcs d’activités en
Ile-de-France.
un brin d’ironie. Vous nous forcez,
Messieurs les promoteurs, à devenir
vos concurrents. C’est ce qui nous a
poussés à nous orienter sur du montage d’opérations dans les zones en
tension, à remembrer les opérations
pour nous permettre de sécuriser du
chiffre d’affaires à long terme, mais
avec un niveau de rentabilité correct.
Cette année, nous développerons environ 500.000 m2 de dépôts de permis
de construire et nous souhaitons faire
de même l’année prochaine. A Vedène,
nous n’avons pas déposé le permis de
construire que l’opération est déjà
pré-réservée, à un loyer entre 48 et
50 € le m2 », annonce-t-il avec enthousiasme. « C’est effectivement la situation du marché, c’est de la survie, et
ça ne peut pas durer très longtemps.
Le niveau de prix actuel est une catastrophe, et on le voit au niveau des
dépôts de bilan parmi tous nos soustraitants », acquiesce son concurrent
contractant général Roland Paul.
dans les autres pays sur lesquels nous
intervenons », affirme Olivier Barge,
qui considère par ailleurs que les coûts
de construction, eux, ont augmenté
d’environ 30 € le m2 par rapport à
ceux pratiqués il y a deux ou trois
ans. « Le prix de revient des opérations
a considérablement augmenté et c’est
vrai que l’élasticité des loyers est faible. Nous avons tous la responsabilité
de faire progresser les valeurs locatives parce que les terrains sont plus
chers, les coûts constructibles aussi
avec les nouvelles spécificités techniques et les certifications environnementales, les taxes sont considérablement plus élevées, et le portage de
foncier est de plus en plus long pour
obtenir toutes les autorisations. Nous
devrions faire prendre aussi conscience à nos locataires qu’un bâtiment
représente en volume 15 % de plus
qu’il y a 10 ans, puisque la hauteur
libre moyenne sous poutre a augmenté », énumère Laurent Horbette.
« Les loyers n’augmenteront pas, c’est
totalement faux », rétorque Philippe
Arfi, en invoquant la réalité du mar-
Laurent Sabatucci, Jean-Paul Rival,
Didier Malherbe, Didier Terrier
et Julien Mongoin
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Didier Malherbe,
Les loyers vont-ils augmenter ?
« Les valeurs locatives sont effectivement trop basses. Elles vont nécessairement remonter un peu, c’est à peu
près certain, comme on le constate
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TABLE RONDE
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Roland Paul,
Jean-Paul Rival,
Laurent Sabatucci,
Directeur Général de GSE
Avec un CA d’environ 450 M€ pour
450 personnes, GSE est contractant
général, spécialisé dans la conception
et construction de bâtiments, dans le
monde de la logistique pour les deux
tiers de l’activité. Basée à Avignon, la
société GSE est présente dans la plupart des pays d’Europe ainsi qu’en
Chine.
Directeur Général Adjoint
de Concerto European Developer
Filiale du groupe Affine, foncière cotée
sur NYSE Euronext Paris et qui dispose d’un patrimoine d’ 1 Md€ en
bureaux, commerces et bâtiments
logistiques, Concerto est un développeur d’immobilier logistique, avec une
expertise en ingénierie logistique (projets clés en main, reconversion / réhabilitation de sites proches de centres
urbains, etc.).
PDG et Fondateur d’EOL
Créée il y a 13 ans, EOL une société
de conseil et d‘étude en matière d’immobilier industriel et logistique (location, vente, construction) avec cinq
bureaux en France et une cinquantaine de collaborateurs. Au cours des
12 derniers mois, ses équipes ont
conclu plus de 350.000 m² de nouvelles opérations représentant environ
180 M⇔ d’investissement.
ché, et surtout le professionnalisme
des clients donneurs d’ordres, de
mieux en mieux organisés pour structurer leur cahier des charges et créer la
compétition.
site PSA que nous développons actuellement au sud de Paris », intervient
Olivier Barge, qui déclare attendre
avec impatience l’avènement du
fameux « choc de simplification ». « J’ai
dénombré en un an 27 procédures
d’autorisation en cours : permis d’aménager, de construire, de démolir, la loi
sur l’eau, etc., qui font chaque fois
l’objet d’une nouvelle enquête publique. J’espère que le public est bien
informé ! », lâche-t-il ironiquement en
rappelant également qu’il existe des
contre-exemples « flagrants », pour un
grand opérateur dans le nord de la
France, où les permis de construire
et les autorisations d’exploiter ont
été obtenus en trois mois. Caroline
Grandjean y va également de son
anecdote : « Nous attendons désespérément que le permis que nous avons
déposé en décembre 2012 pour le terminal ferroviaire urbain de Chapelle
Internationale dans le 18e arrondissement de Paris, nous soit accordé pour
août 2014, soit plus d’un an et demi
après. L’enquête publique a eu lieu en
fin d’année dernière. L’enquêteur a
donné un avis favorable comme chacun des services concernés, mais il
faut à nouveau confirmer leur avis… ».
Sous le choc
des délais administratifs
« Ce qui permet d’avoir encore des
rendements qui tiennent la route, c’est
le coût de l’argent faible. Mais si
demain les taux augmentent ? De fait,
ces niveau de loyers ne pourront pas
continuer à perdurer, c’est une hérésie
quand on regarde la valeur locative
des biens », s’exprime Julien Mongoin
(Barjane). Avant de rebondir sur les
contraintes administratives. « Même
pour une opération en gris, si on veut
être large sur les rubriques ICPE pour
faciliter la commercialisation du projet, il nous arrive d’être retoqués par
la Dreal qui nous demande d’en supprimer certaines, ce qui limite forcément le spectre des clients potentiels ».
« Concernant les délais administratifs,
j’aimerais vous donner l’exemple du
parc logistique Les Chevrons, l’ancien
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Les participants
N°83 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - AVRIL 2014
Le poids de la fiscalité
« Une autre variable très importante
est le problème du foncier, car la
valeur foncière, elle, a continué à augmenter, intervient Alain Panhard.
Avec la RCB, la redevance sur la création de bureaux dans le secteur de
l’Ile-de-France, on ne peut quasiment
plus rien faire parce que la fiscalité
pour la construction a doublé en trois
ans. Sur certaines opérations pour
lesquelles il faut redéposer un permis,
l’impact est énorme en termes de fiscalité. » « Les locataires donnent l’impression de ne payer guère plus cher
depuis des années, sauf qu’ils payent
la fiscalité locative, qui est extrêmement élevée en France. En considérant
le coût global, fiscalité comprise, ce
que font tous les utilisateurs aujourd’hui, ce n’est plus la même musique
et on s’aperçoit que les loyers sont
davantage comparables à ceux d’autres européens », fait remarquer Didier
TABLE RONDE
Tensions sur les coûts
et les loyers
Pour Karim Abdellaoui, ces arguments
de l’inflation de la fiscalité et du coût
d’acquisition des fonciers ne sont pas
suffisants pour expliquer le fait que
les coûts de construction ne peuvent
pas augmenter. « Votre seule variable
d’ajustement, qui représente 70 %
du bilan d’opération, est la valeur
de construction. Et aujourd’hui elle
explose ! Il faut augmenter les coûts
de construction auxquels vous passez
les marchés, ce n’est pas dans l’intérêt des opérateurs donneurs d’ordre de
casser une chaîne de construction, qui
est en grande difficulté », insiste-t-il à
nouveau. « Vous commencez un peu à
m’agacer, lui lance alors Hélène Fort,
sachez que nous les propriétaires ne
sommes pas des nababs, nous ne
gagnons pas du tout bien notre vie.
Quant aux loyers, je pense qu’on ne
peut pas les augmenter parce que nos
clients finaux ne peuvent pas payer
plus : ils regroupent leurs entrepôts
dans des bâtiments XL pour rationaliser leurs coûts logistiques, c’est un des
seuls éléments sur lesquels ils peuvent
jouer », assène-t-elle. Olivier Barge se
garde de tout fatalisme sur ce sujet, en
citant la démarche engagée par Prologis avec l’Oréal sur le parc de
Vémars, où le locataire a pris en
charge un certain nombre d’investissements, notamment l’éclairage LED,
source d’économie sur les coûts d’exploitation de l’entrepôt. « Avoir une
offre différenciante est très difficile,
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N°83 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - AVRIL 2014
©C.POLGE
Malherbe. « La fiscalité est en train
d’exploser du fait de la décentralisation, ajoute Antoine Tostain, et on
peut avoir des disparités de 5 €/m2
d’un village à l’autre sur un même
territoire. Par ailleurs, ce qui est
grave, c’est que l’administration fiscale débarque dans les entrepôts et dès
qu’elle voit un convoyeur, l’entrepôt
est reclassé en bâtiment industriel, ce
qui multiplie par trois la taxe foncière
du bâtiment », poursuit-il. Illustration
par Hélène Fort, qui cite le cas d’un de
ses clients, à Rennes : « Ils se sont
faits requalifiés parce qu’ils possèdent
un malheureux convoyeur, et la taxe
foncière représente désormais 50 %
du loyer ! ».
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Les participants
Didier Terrier,
Antoine Tostain,
Directeur Général
d’Arthur Loyd Logistique
Arthur Loyd Logistique est une filiale
du groupe Arthur Loyd créée en septembre 2011. Basée à Lyon et à Paris,
il s’agit d’une structure de conseil en
immobilier logistique spécialisée dans
la commercialisation et le montage
d’opérations. Son effectif est de six collaborateurs. Elle s’appuie également
sur les 60 agences du réseau Arthur
Loyd sur le territoire français.
Cogérant de Tostain & Laffineur
Real Estate Solutions
Créée il y a 10 ans, TLRE est une
société de conseil en immobilier spécialisée sur le nord de la France, sur
les marchés des bureaux, des entrepôts logistiques et du commerce. Son
effectif est de 18 personnes, avec un
siège à Villeneuve d’Ascq et une
agence à Amiens.
car les technologies dont nous parlons
sont à la portée de chacun d’entre
nous. Ce que vous avez fait à Vemars,
je l’ai fait à Roye [ndlr : 51.000 m2
loués également à l’Oréal], par exemple. Le vrai problème, c’est l’absence
de croissance. C’est un problème
d’économie générale. Il faudra peutêtre apprendre à vivre avec des marges
moins importantes, c’est probablement
ce qui nous attend », envisage JeanClaude le Lan.
que la logistique urbaine ne peut être
traitée isolément car personne n’est
prêt à en payer le surcoût. Cela passe
donc par une approche collaborative,
de mutualisation, alors que les acteurs
existants sont dans une logique
concurrentielle directe. Nous voyons
poindre une logique de tiers de
confiance ou d’organisateur de flux,
qui ne serait ni un chargeur ni un
prestataire. C’est un nouveau métier à
créer dont nous pourrions être partie
prenante », dévoile-t-il. En marketing,
cette volonté de sortir d’une logique
d’affrontement où tout le monde tire
sur les prix pour créer une nouvelle
demande s’appelle la Stratégie Océan
Bleu. Qui d’autre est prêt pour le
grand plongeon ? ■
PROPOS RECUEILLIS PAR
JEAN-LUC ROGNON
Comment se différencier ?
« Pour se distinguer, il est fondamental d’avoir de très bons fonciers, très
bien placés », assure Marc Frappa en
citant l’exemple de Wissous, aux
portes de Paris, où Faubourg Promotion va mettre sur le marché un foncier de 35 ha, aux termes de quatre
ans de travail. Le mot de la fin revient
à Jean-Paul Rival, pour qui la clé de la
différenciation réside dans l’invention
de nouveaux services permettant aux
utilisateurs de faire des économies sur
leur Supply Chain. « Chez Concerto,
nous militons par exemple sur le fait
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