N°83 SUPPLY CHAIN MAGAZINE - AVRIL 2014
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TABLE RONDE
©CARLOSCASTILLA-FOTOLIA
Immobilier
logistique
Un marché sous
hautes tensions
Le MIL (Marché de l’Immobilier
Logistique) semble en panne de
croissance dans l’Hexagone. La
demande placée est en baisse,
mais les opérations « clés-en-
main » se taillent la part du lion,
à défaut d’une offre existante
adaptée. Certaines zones souf-
frent même d’un déficit d’actifs.
Par ailleurs, le fait que les loyers
locatifs sont jugés trop bas
fait pratiquement l’objet d’un
consensus parmi les nombreux
acteurs du domaine réunis à
Paris le 27 mars dernier lors
d’une Table Ronde organisée
par Supply Chain Magazine. En
revanche, les points de vue
divergent entre constructeurs,
promoteurs ou investisseurs
quant aux perspectives d’évo-
lution de cette situation. Une
chose est sûre, l’absence de
croissance affecte bien toute la
Supply Chain de l’immobilier
logistique !
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Karim Abdellaoui,
Président et fondateur d’APRC
Le groupe APRC est présent depuis
2006 en France et au Maghreb (plus
particulièrement en Algérie) avec une
activité de contractant général, con-
cepteur et réalisateur de bâtiments
clés-en-main, mais aussi, plus récem-
ment, de promotion immobilière. Il
compte 50 personnes pour un CA
d’environ 50 M, dont 65 % pour
l’activité logistique.
Les participants
©C.POLGE
©C.POLGE
Philippe Arfi,
Directeur Général France
de Goodman
Goodman est un groupe australien
côté à la bourse de Sydney, à la fois
investisseur, développeur et gestion-
naire de plates-formes logistiques. En
France, l’un de ses marchés clés, il
emploie une vingtaine de personnes
et son portefeuille est d’environ
900.000 m2.
Désigné volontaire, c’est
Laurent Sabatucci (EOL)
qui inaugure cette nou-
velle Table Ronde Supply
Chain Magazine sur l’im-
mobilier logistique avec un rapide
point sur le marché : « Nous observons
d’une part une demande placée de
l’existant qui baisse de 15 à 25 %
selon les secteurs géographiques, et
d’autre part une augmentation très
forte du nombre de bâtiments clés-en-
main, qui représentent 50 % des
transactions à certains endroits ».
« Sur le marché lillois, le clés-en-main
a été leader dans les transactions
récentes, avec Amazon, mais aussi les
36.000 m2du prestataire Log’Solu-
tions pour son client Electro Dépôt »,
confirme, à l’échelle régionale, Antoine
Tostain (Tostain & Laffineur), qui note
également que le patrimoine existant
disponible est actuellement très limité
dans ladite région. Même constat pour
Didier Terrier (Arthur Loyd) : « L’offre
de bâtiments existants est assez res-
treinte et n’est surtout pas du tout
adaptée à la demande. Dans certaines
zones, notamment en région lyon-
naise, il y a une absence de foncier qui
fera perdre peut-être trois ans pour
développer ce type d’actifs ». « L’une
des conséquences de l’absence de pro-
duction en blanc depuis longtemps, et
des nombreux développements de clés-
en-main, c’est effectivement des libé-
rations de bâtiments qui correspon-
dent de moins en moins aux aspira-
tions des utilisateurs », analyse pour
sa part Didier Malherbe (CBRE).
Croissance en volumes
Laurent Horbette (Gicram) estime que
le succès du clés-en-main peut s’ex-
pliquer en partie par la volonté de
massifier qui conduit à une augmen-
tation de la taille des entrepôts recher-
chés par les utilisateurs, qu’ils ne
trouvent pas dans le stock existant.
Jean-Claude le Lan (Argan) en profite
pour tenter d’écarter le sujet du
« blanc ». « Ce marché de rationalisa-
tion et donc de massification n’est pas
adapté aux constructions en blanc car
il est très difficile de trouver le pro-
duit disponible à l’endroit souhaité »,
fait-il remarquer, en ajoutant qu’en
l’absence de croissance et avec une
offre abondante, la pression sur les
niveaux de loyers et les prix du neuf
est très forte. « Je pense que notre
marché est en croissance, réagit Lau-
rent Sabatucci, car même si effective-
ment il y a des bâtiments vides et que
le parc croît de 5 à 6 % par an avec les
clés-en main, le taux de vacance n’aug-
mente pas. Dans certaines régions il est
même très bas, comme en région
PACA, à Lille ou à Lyon. » Pour Alain
Panhard, l’augmentation importante du
nombre de clés-en-main n’est pas un
phénomène de mode, mais la consé-
quence d’un marché d’occasion, quali-
fié de « fond de cuve », de moins en
moins adapté à la demande. « Quand les
stocks se réduisent, les bâtiments qui
restent sur le carreau sont les moins
bons, les moins bien adaptés et les
moins bien situés », lance-t-il.
Polémiques autour
des « fonds de cuve »
« C’est vrai que le clé-en-main est un
marché dynamique, mais en même
temps il existe aussi des bâtiments qui
se libèrent régulièrement et se repla-
cent relativement facilement », inter-
vient Hélène Fort (Parcolog), qui cite
en exemple un entrepôt à Hénin-
Beaumont reloué en trois mois. « Oui,
et à bon prix ! », s’autorise en passant
Antoine Tostain. L’allusion aux « fonds
de cuve » fait aussi réagir Caroline
Grandjean : « Sogaris gérait à fin
2013 un parc d’un petit peu plus de
500.000 m2d’entrepôts en France,
dont certains datent des années 60.
Pour autant, notre taux de remplis-
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Les participants
©C.POLGE
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©JP.GUILLAUME
Olivier Barge,
Directeur projets Europe du Sud
chez Prologis
Basé à San Francisco, Prologis est
investisseur, développeur et gestion-
naire d’actifs immobiliers logistiques.
Son effectif est de 1.500 personnes
dans le monde son patrimoine s’élève
à 53 millions de m2de bâtiments en
gestion dans une vingtaine de pays.
Hélène Fort,
Directrice Générale de Parcolog
Parcolog, fondé en 2000, appartient
depuis huit ans au groupe Generali.
L’activité de cet investisseur en fonds
propres se concentre sur le dévelop-
pement de clés-en-main locatifs et
la promotion immobilière dans le
domaine logistique, avec un patri-
moine d’un million de m2en France.
Marc Frappa,
Directeur Général
de Faubourg Promotion
Filiale du groupe Idec (210 M de
CA), Faubourg Promotion est une
société de promotion immobilière spé-
cialisée dans les bâtiments logistiques
et l’immobilier d’entreprise sur toute
la France. Elle a enregistré en 2013
90 Mde prises de commandes. Le
groupe Idec est également investis-
seur et constructeur au travers d’au-
tres filiales.
sage s’élève à 97 %, car tout dépend
de la manière dont ils ont été pensés et
positionnés. En l’occurrence, ils sont
très proches des agglomérations et
répondent à une forte demande en
matière de distribution urbaine ». A
l’inverse, Philippe Arfi (Goodman) est
plutôt d’accord avec la métaphore des
fonds de cuve, et ne considère pas le
retour des projets en blanc comme
une option viable. « Nous sommes sur
des baux de courte durée, et la matu-
rité du portefeuille fond comme neige
au soleil. Je crois beaucoup plus dans
la rotation des actifs, qu’il faut savoir
acheter mais aussi vendre au bon
moment, et dans le clés-en-main.
Nous en avons réalisé un certain nom-
bre ces dernières années pour quelques
grands clients, notamment dans l’e-
commerce ».
Blanc rarement, gris souvent
« Je suis d’accord, il n’est pas raison-
nable demain de faire des opérations
en blanc un peu partout comme on l’a
fait il y a quelques années, mais pour
autant, nous avons décidé d’en lancer
une ou deux par an dans des zones où
il n’y a pas d’offres », précise Olivier
Barge (Prologis). Pour Laurent Hor-
bette, le blanc n’est plus d’actualité
depuis des années, à l’inverse des pro-
jets en « gris » (acquisition du foncier
et réalisation de l’ensemble des
démarches préalables). « Nous faisons
tous du gris aujourd’hui en raison de
la complexité du processus adminis-
tratif, qui prend entre 12 et 15 mois
pour obtenir toutes les autorisations de
construire et d’exploiter le bâtiment ».
Le blanc est également une « aberra-
tion » pour Alain Panhard : « Nous ne
sommes plus en 2002, où il a fallu
satisfaire très vite une demande très
importante. Actuellement, les utilisa-
teurs s’y prennent au moins un an à
l’avance, ce qui couvre largement le
délai de construction, avec le double
avantage sur un projet en blanc de ne
pas avoir à donner un an de franchise
de loyer, et de se retrouver face à
l’impossibilité d’adapter le bâtiment
aux besoins précis de l’utilisateur ».
« Quand j’ai parlé de construction en
blanc à Lyon, il s’agit d’un contexte
exceptionnel, tient à préciser Didier
Terrier. A l’Isle-d’Abeau, sur un parc
de 1,7 M de m2d’entrepôts classe A et
classe B, les seules disponibilités sont
un bâtiment de 20.000 m2qui sera
prêt en fin 2014, 14.000 m2chez Pro-
logis, 9.000 m2chez GE et 12.000 m2
chez Proudreed. C’est la même chose
dans la Plaine de l’Ain, et très peu de
terrains sont disponibles. Alors dans
un contexte comme celui-là, quand on
s’appelle Goodman ou Prologis, si on
n’est pas capable de faire du blanc, il
faut changer de métier ! »
La mécanisation
et le clé-en-main
Marc Frappa (Faubourg Promotion)
revient sur le phénomène du « clés-
en-main ». « Nous constatons une ten-
dance au sur-mesure dans les deman-
des des chargeurs qui veulent des bâti-
ments adaptés à leurs besoins de plus
en plus détaillés et précis. En parti-
culier dans tous les projets trans-
stockeurs qui ont tendance à se déve-
lopper beaucoup au niveau de la
grande distribution. Cela reste un sujet
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TABLE RONDE
Les participants
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©C.POLGE
Caroline Grandjean,
Président du directoire de Sogaris
Investisseur et développeur de sites
logistiques, Sogaris est une société
d’économie mixte créée en 1960 dont
l’actionnariat est à 80 % public (Ville
de Paris et les trois départements
de petite couronne). Elle est proprié-
taire de huit sites en exploitation
(518 000 m2), notamment sur l’Ile de
France.
Laurent Horbette,
Directeur Général France de Gemfi
(groupe Gicram)
Gemfi est la branche promotion et
développement du groupe français
Gicram, qui compte également des
structures spécialisées sur l’architec-
ture ou l’activité de contractant. Gemfi
intervient en France sur cinq marchés
principaux : Ile-de-France, Marseille/
Saint-Martin-de-Crau, Toulouse, Bor-
deaux et Rouen/Rennes).
Jean-Claude le Lan,
Président et Fondateur d’Argan
Foncière française cotée en Bourse,
spécialisée en développement et en
gestion de plates-formes logistiques,
Argan possède un patrimoine de
1,3 M de m2, soit 45 plates-formes,
valorisées à 900 M. Ses revenus
locatifs en 2014 sont estimés à
66 M. Son activité a enregistré
+25 % en 2013.
délicat en termes administratifs parce
que beaucoup de fonciers n’ont pas de
PLU prévus avec des grandes hau-
teurs », indique-t-il. « Il y a une vraie
tendance de fond sur la mécanisation,
et la France est plutôt en retard sur le
sujet comparée à d’autres pays, que ce
soit au nord de l’Europe mais égale-
ment en Italie ou au nord de l’Espagne,
déclare Roland Paul (GSE). C’est une
direction que nous sommes tous en
train de prendre et qui pousse naturel-
lement vers des bâtiments spécifiques
et de grande taille », estime-t-il. Jean-
Paul Rival (Concerto Développement)
rappelle que la mécanisation n’est pas
un terme générique. Certains systèmes
sont tellement spécifiques qu’ils carac-
térisent le bâtiment, mais d’autres, de
type multishuttle ou goods to man,
permettent de réutiliser le bâtiment à
terme, tout en étant le meilleur gage
pour l’investisseur que le locataire qui
a dépensé plusieurs Mdans ce genre
de système restera au-delà de la durée
contractuelle du bail. « Je pense en
effet que cette évolution de l’automa-
tisation, avec l’arrivée de systèmes
innovants tels que Boa Concept ou
Scallog, va être pour les investisseurs
un avantage qui pourra être mis en
avant sur des bâtiments existants »,
ajoute Laurent Sabatucci.
Alerte sur la chaîne de valeur
Karim Abdellaoui (APRC) oriente alors
la discussion sur les niveaux des
valeurs locatives, inchangés depuis
20 ans, et qu’il considère inadéquats
compte-tenu de la complexité crois-
sante des opérations à réaliser en
amont, et de la richesse des cahiers
des charges, en termes de prestations.
Il pousse ce cri d’alarme : « Je me
tourne vers les gros propriétaires :
remontez vos loyers, il n’est plus pos-
sible de louer les entrepôts à 42 le m2
parce que vous cassez la chaîne de
valeur et que cela entraîne une des-
truction massive de rentabilité chez les
entreprises de sous-traitance et chez
les contractants généraux. Nous n’ar-
rivons plus à gagner notre vie sur les
marchés français du clés-en-main. Les
cahiers des charges de nos clients sont
beaucoup plus précis et généreux en
termes de prestations, mais cette géné-
rosité ne se retrouve pas dans les bud-
gets d’investissements, note-t-il avec
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Les participants
Didier Malherbe,
Directeur Général Adjoint
chez CBRE
Société américaine de conseil et de
commercialisation en matière
d’immobilier, CBRE compte 37.000
employés dans le monde (dont deux
tiers environ aux Etats-Unis). La filiale
française compte 750 personnes, dont
une soixantaine pour la ligne de busi-
ness activités logistiques, dirigée par
Didier Malherbe (200 transactions par
an en moyenne en Ile de France).
Julien Mongoin,
Directeur du développement
de Barjane
Le groupe Barjane est une foncière
familiale d’une dizaine de collabora-
teurs basée près d’Aix en Provence et
créée en 2006. Il dispose également
d’une structure d’aménagement, de
développement, de promotion et de
gestion de parcs d’activités dédiées à
des plates-formes logistiques, aux
business parks et au retail.
Alain Panhard,
Président du groupe Panhard
Fondé en 1995, le groupe Panhard a
démarré par une activité de promo-
tion (Panhard Développement), com-
plétée ces dernières années par deux
autres pôles : Panhard Réalisations et
Panhard Investissement. En 2013, le
groupe a également créé une foncière
spécialisée dans les parcs d’activités en
Ile-de-France.
un brin d’ironie. Vous nous forcez,
Messieurs les promoteurs, à devenir
vos concurrents. C’est ce qui nous a
poussés à nous orienter sur du mon-
tage d’opérations dans les zones en
tension, à remembrer les opérations
pour nous permettre de sécuriser du
chiffre d’affaires à long terme, mais
avec un niveau de rentabilité correct.
Cette année, nous développerons envi-
ron 500.000 m2de dépôts de permis
de construire et nous souhaitons faire
de même l’année prochaine. A Vedène,
nous n’avons pas déposé le permis de
construire que l’opération est déjà
pré-réservée, à un loyer entre 48 et
50 le m2», annonce-t-il avec enthou-
siasme. « C’est effectivement la situa-
tion du marché, c’est de la survie, et
ça ne peut pas durer très longtemps.
Le niveau de prix actuel est une catas-
trophe, et on le voit au niveau des
dépôts de bilan parmi tous nos sous-
traitants », acquiesce son concurrent
contractant général Roland Paul.
Les loyers vont-ils augmenter ?
« Les valeurs locatives sont effective-
ment trop basses. Elles vont nécessai-
rement remonter un peu, c’est à peu
près certain, comme on le constate
dans les autres pays sur lesquels nous
intervenons », affirme Olivier Barge,
qui considère par ailleurs que les coûts
de construction, eux, ont augmenté
d’environ 30 le m2par rapport à
ceux pratiqués il y a deux ou trois
ans. « Le prix de revient des opérations
a considérablement augmenté et c’est
vrai que l’élasticité des loyers est fai-
ble. Nous avons tous la responsabilité
de faire progresser les valeurs loca-
tives parce que les terrains sont plus
chers, les coûts constructibles aussi
avec les nouvelles spécificités tech-
niques et les certifications environne-
mentales, les taxes sont considérable-
ment plus élevées, et le portage de
foncier est de plus en plus long pour
obtenir toutes les autorisations. Nous
devrions faire prendre aussi cons-
cience à nos locataires qu’un bâtiment
représente en volume 15 % de plus
qu’il y a 10 ans, puisque la hauteur
libre moyenne sous poutre a aug-
menté », énumère Laurent Horbette.
« Les loyers n’augmenteront pas, c’est
totalement faux », rétorque Philippe
Arfi, en invoquant la réalité du mar-
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Laurent Sabatucci, Jean-Paul Rival,
Didier Malherbe, Didier Terrier
et Julien Mongoin
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