TABLE RONDE Le MIL (Marché de l’Immobilier Logistique) semble en panne de croissance dans l’Hexagone. La demande placée est en baisse, mais les opérations « clés-enmain » se taillent la part du lion, à défaut d’une offre existante adaptée. Certaines zones souffrent même d’un déficit d’actifs. Par ailleurs, le fait que les loyers locatifs sont jugés trop bas fait pratiquement l’objet d’un consensus parmi les nombreux acteurs du domaine réunis à Paris le 27 mars dernier lors d’une Table Ronde organisée par Supply Chain Magazine. En revanche, les points de vue divergent entre constructeurs, promoteurs ou investisseurs quant aux perspectives d’évolution de cette situation. Une chose est sûre, l’absence de croissance affecte bien toute la Supply Chain de l’immobilier logistique ! Un marché sous hautes tensions 66 N°83 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - AVRIL 2014 ©CARLOSCASTILLA-FOTOLIA Immobilier logistique Croissance en volumes Laurent Horbette (Gicram) estime que le succès du clés-en-main peut s’expliquer en partie par la volonté de massifier qui conduit à une augmentation de la taille des entrepôts recherchés par les utilisateurs, qu’ils ne fié de « fond de cuve », de moins en moins adapté à la demande. « Quand les stocks se réduisent, les bâtiments qui restent sur le carreau sont les moins bons, les moins bien adaptés et les moins bien situés », lance-t-il. Polémiques autour des « fonds de cuve » « C’est vrai que le clé-en-main est un marché dynamique, mais en même temps il existe aussi des bâtiments qui se libèrent régulièrement et se replacent relativement facilement », intervient Hélène Fort (Parcolog), qui cite en exemple un entrepôt à HéninBeaumont reloué en trois mois. « Oui, et à bon prix ! », s’autorise en passant Antoine Tostain. L’allusion aux « fonds de cuve » fait aussi réagir Caroline Grandjean : « Sogaris gérait à fin 2013 un parc d’un petit peu plus de 500.000 m2 d’entrepôts en France, dont certains datent des années 60. Pour autant, notre taux de remplis- ©C.POLGE Les participants ©C.POLGE D ésigné volontaire, c’est Laurent Sabatucci (EOL) qui inaugure cette nouvelle Table Ronde Supply Chain Magazine sur l’immobilier logistique avec un rapide point sur le marché : « Nous observons d’une part une demande placée de l’existant qui baisse de 15 à 25 % selon les secteurs géographiques, et d’autre part une augmentation très forte du nombre de bâtiments clés-enmain, qui représentent 50 % des transactions à certains endroits ». « Sur le marché lillois, le clés-en-main a été leader dans les transactions récentes, avec Amazon, mais aussi les 36.000 m2 du prestataire Log’Solutions pour son client Electro Dépôt », confirme, à l’échelle régionale, Antoine Tostain (Tostain & Laffineur), qui note également que le patrimoine existant disponible est actuellement très limité dans ladite région. Même constat pour Didier Terrier (Arthur Loyd) : « L’offre de bâtiments existants est assez restreinte et n’est surtout pas du tout adaptée à la demande. Dans certaines zones, notamment en région lyonnaise, il y a une absence de foncier qui fera perdre peut-être trois ans pour développer ce type d’actifs ». « L’une des conséquences de l’absence de production en blanc depuis longtemps, et des nombreux développements de clésen-main, c’est effectivement des libérations de bâtiments qui correspondent de moins en moins aux aspirations des utilisateurs », analyse pour sa part Didier Malherbe (CBRE). trouvent pas dans le stock existant. Jean-Claude le Lan (Argan) en profite pour tenter d’écarter le sujet du « blanc ». « Ce marché de rationalisation et donc de massification n’est pas adapté aux constructions en blanc car il est très difficile de trouver le produit disponible à l’endroit souhaité », fait-il remarquer, en ajoutant qu’en l’absence de croissance et avec une offre abondante, la pression sur les niveaux de loyers et les prix du neuf est très forte. « Je pense que notre marché est en croissance, réagit Laurent Sabatucci, car même si effectivement il y a des bâtiments vides et que le parc croît de 5 à 6 % par an avec les clés-en main, le taux de vacance n’augmente pas. Dans certaines régions il est même très bas, comme en région PACA, à Lille ou à Lyon. » Pour Alain Panhard, l’augmentation importante du nombre de clés-en-main n’est pas un phénomène de mode, mais la conséquence d’un marché d’occasion, quali- Karim Abdellaoui, Philippe Arfi, Président et fondateur d’APRC Le groupe APRC est présent depuis 2006 en France et au Maghreb (plus particulièrement en Algérie) avec une activité de contractant général, concepteur et réalisateur de bâtiments clés-en-main, mais aussi, plus récemment, de promotion immobilière. Il compte 50 personnes pour un CA d’environ 50 M€, dont 65 % pour l’activité logistique. Directeur Général France de Goodman Goodman est un groupe australien côté à la bourse de Sydney, à la fois investisseur, développeur et gestionnaire de plates-formes logistiques. En France, l’un de ses marchés clés, il emploie une vingtaine de personnes et son portefeuille est d’environ 900.000 m2. AVRIL 2014 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE ■ N°83 67 TABLE RONDE ©JP.GUILLAUME Olivier Barge, Hélène Fort, Marc Frappa, Directeur projets Europe du Sud chez Prologis Basé à San Francisco, Prologis est investisseur, développeur et gestionnaire d’actifs immobiliers logistiques. Son effectif est de 1.500 personnes dans le monde son patrimoine s’élève à 53 millions de m2 de bâtiments en gestion dans une vingtaine de pays. Directrice Générale de Parcolog Parcolog, fondé en 2000, appartient depuis huit ans au groupe Generali. L’activité de cet investisseur en fonds propres se concentre sur le développement de clés-en-main locatifs et la promotion immobilière dans le domaine logistique, avec un patrimoine d’un million de m2 en France. Directeur Général de Faubourg Promotion Filiale du groupe Idec (210 M € de CA), Faubourg Promotion est une société de promotion immobilière spécialisée dans les bâtiments logistiques et l’immobilier d’entreprise sur toute la France. Elle a enregistré en 2013 90 M€ de prises de commandes. Le groupe Idec est également investisseur et constructeur au travers d’autres filiales. sage s’élève à 97 %, car tout dépend de la manière dont ils ont été pensés et positionnés. En l’occurrence, ils sont très proches des agglomérations et répondent à une forte demande en matière de distribution urbaine ». A l’inverse, Philippe Arfi (Goodman) est plutôt d’accord avec la métaphore des fonds de cuve, et ne considère pas le retour des projets en blanc comme une option viable. « Nous sommes sur des baux de courte durée, et la maturité du portefeuille fond comme neige au soleil. Je crois beaucoup plus dans la rotation des actifs, qu’il faut savoir acheter mais aussi vendre au bon moment, et dans le clés-en-main. Nous en avons réalisé un certain nombre ces dernières années pour quelques grands clients, notamment dans l’ecommerce ». une ou deux par an dans des zones où il n’y a pas d’offres », précise Olivier Barge (Prologis). Pour Laurent Horbette, le blanc n’est plus d’actualité depuis des années, à l’inverse des projets en « gris » (acquisition du foncier et réalisation de l’ensemble des démarches préalables). « Nous faisons tous du gris aujourd’hui en raison de la complexité du processus administratif, qui prend entre 12 et 15 mois pour obtenir toutes les autorisations de construire et d’exploiter le bâtiment ». Le blanc est également une « aberration » pour Alain Panhard : « Nous ne sommes plus en 2002, où il a fallu satisfaire très vite une demande très importante. Actuellement, les utilisateurs s’y prennent au moins un an à l’avance, ce qui couvre largement le délai de construction, avec le double avantage sur un projet en blanc de ne pas avoir à donner un an de franchise de loyer, et de se retrouver face à l’impossibilité d’adapter le bâtiment aux besoins précis de l’utilisateur ». « Quand j’ai parlé de construction en blanc à Lyon, il s’agit d’un contexte exceptionnel, tient à préciser Didier Terrier. A l’Isle-d’Abeau, sur un parc de 1,7 M de m2 d’entrepôts classe A et classe B, les seules disponibilités sont un bâtiment de 20.000 m2 qui sera prêt en fin 2014, 14.000 m2 chez Prologis, 9.000 m2 chez GE et 12.000 m2 chez Proudreed. C’est la même chose dans la Plaine de l’Ain, et très peu de terrains sont disponibles. Alors dans un contexte comme celui-là, quand on s’appelle Goodman ou Prologis, si on n’est pas capable de faire du blanc, il faut changer de métier ! » Blanc rarement, gris souvent « Je suis d’accord, il n’est pas raisonnable demain de faire des opérations en blanc un peu partout comme on l’a fait il y a quelques années, mais pour autant, nous avons décidé d’en lancer 68 ©C.POLGE ©C.POLGE Les participants N°83 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - AVRIL 2014 La mécanisation et le clé-en-main Marc Frappa (Faubourg Promotion) revient sur le phénomène du « clésen-main ». « Nous constatons une tendance au sur-mesure dans les demandes des chargeurs qui veulent des bâtiments adaptés à leurs besoins de plus en plus détaillés et précis. En particulier dans tous les projets transstockeurs qui ont tendance à se développer beaucoup au niveau de la grande distribution. Cela reste un sujet TABLE RONDE 70 ©C.POLGE ©C.POLGE ©C.POLGE Les participants Caroline Grandjean, Laurent Horbette, Jean-Claude le Lan, Président du directoire de Sogaris Investisseur et développeur de sites logistiques, Sogaris est une société d’économie mixte créée en 1960 dont l’actionnariat est à 80 % public (Ville de Paris et les trois départements de petite couronne). Elle est propriétaire de huit sites en exploitation (518 000 m2), notamment sur l’Ile de France. Directeur Général France de Gemfi (groupe Gicram) Gemfi est la branche promotion et développement du groupe français Gicram, qui compte également des structures spécialisées sur l’architecture ou l’activité de contractant. Gemfi intervient en France sur cinq marchés principaux : Ile-de-France, Marseille/ Saint-Martin-de-Crau, Toulouse, Bordeaux et Rouen/Rennes). Président et Fondateur d’Argan Foncière française cotée en Bourse, spécialisée en développement et en gestion de plates-formes logistiques, Argan possède un patrimoine de 1,3 M de m2, soit 45 plates-formes, valorisées à 900 M€. Ses revenus locatifs en 2014 sont estimés à 66 M€. Son activité a enregistré +25 % en 2013. délicat en termes administratifs parce que beaucoup de fonciers n’ont pas de PLU prévus avec des grandes hauteurs », indique-t-il. « Il y a une vraie tendance de fond sur la mécanisation, et la France est plutôt en retard sur le sujet comparée à d’autres pays, que ce soit au nord de l’Europe mais également en Italie ou au nord de l’Espagne, déclare Roland Paul (GSE). C’est une direction que nous sommes tous en train de prendre et qui pousse naturellement vers des bâtiments spécifiques et de grande taille », estime-t-il. JeanPaul Rival (Concerto Développement) rappelle que la mécanisation n’est pas un terme générique. Certains systèmes sont tellement spécifiques qu’ils caractérisent le bâtiment, mais d’autres, de type multishuttle ou goods to man, permettent de réutiliser le bâtiment à terme, tout en étant le meilleur gage pour l’investisseur que le locataire qui a dépensé plusieurs M€ dans ce genre de système restera au-delà de la durée contractuelle du bail. « Je pense en effet que cette évolution de l’automatisation, avec l’arrivée de systèmes innovants tels que Boa Concept ou Scallog, va être pour les investisseurs un avantage qui pourra être mis en avant sur des bâtiments existants », ajoute Laurent Sabatucci. termes de prestations, mais cette générosité ne se retrouve pas dans les budgets d’investissements, note-t-il avec N°83 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - AVRIL 2014 Alerte sur la chaîne de valeur Karim Abdellaoui (APRC) oriente alors la discussion sur les niveaux des valeurs locatives, inchangés depuis 20 ans, et qu’il considère inadéquats compte-tenu de la complexité croissante des opérations à réaliser en amont, et de la richesse des cahiers des charges, en termes de prestations. Il pousse ce cri d’alarme : « Je me tourne vers les gros propriétaires : remontez vos loyers, il n’est plus possible de louer les entrepôts à 42 € le m2 parce que vous cassez la chaîne de valeur et que cela entraîne une destruction massive de rentabilité chez les entreprises de sous-traitance et chez les contractants généraux. Nous n’arrivons plus à gagner notre vie sur les marchés français du clés-en-main. Les cahiers des charges de nos clients sont beaucoup plus précis et généreux en ©C.POLGE ©C.POLGE ©C.POLGE Les participants Julien Mongoin, Alain Panhard, Directeur Général Adjoint chez CBRE Société américaine de conseil et de commercialisation en matière d’immobilier, CBRE compte 37.000 employés dans le monde (dont deux tiers environ aux Etats-Unis). La filiale française compte 750 personnes, dont une soixantaine pour la ligne de business activités logistiques, dirigée par Didier Malherbe (200 transactions par an en moyenne en Ile de France). Directeur du développement de Barjane Le groupe Barjane est une foncière familiale d’une dizaine de collaborateurs basée près d’Aix en Provence et créée en 2006. Il dispose également d’une structure d’aménagement, de développement, de promotion et de gestion de parcs d’activités dédiées à des plates-formes logistiques, aux business parks et au retail. Président du groupe Panhard Fondé en 1995, le groupe Panhard a démarré par une activité de promotion (Panhard Développement), complétée ces dernières années par deux autres pôles : Panhard Réalisations et Panhard Investissement. En 2013, le groupe a également créé une foncière spécialisée dans les parcs d’activités en Ile-de-France. un brin d’ironie. Vous nous forcez, Messieurs les promoteurs, à devenir vos concurrents. C’est ce qui nous a poussés à nous orienter sur du montage d’opérations dans les zones en tension, à remembrer les opérations pour nous permettre de sécuriser du chiffre d’affaires à long terme, mais avec un niveau de rentabilité correct. Cette année, nous développerons environ 500.000 m2 de dépôts de permis de construire et nous souhaitons faire de même l’année prochaine. A Vedène, nous n’avons pas déposé le permis de construire que l’opération est déjà pré-réservée, à un loyer entre 48 et 50 € le m2 », annonce-t-il avec enthousiasme. « C’est effectivement la situation du marché, c’est de la survie, et ça ne peut pas durer très longtemps. Le niveau de prix actuel est une catastrophe, et on le voit au niveau des dépôts de bilan parmi tous nos soustraitants », acquiesce son concurrent contractant général Roland Paul. dans les autres pays sur lesquels nous intervenons », affirme Olivier Barge, qui considère par ailleurs que les coûts de construction, eux, ont augmenté d’environ 30 € le m2 par rapport à ceux pratiqués il y a deux ou trois ans. « Le prix de revient des opérations a considérablement augmenté et c’est vrai que l’élasticité des loyers est faible. Nous avons tous la responsabilité de faire progresser les valeurs locatives parce que les terrains sont plus chers, les coûts constructibles aussi avec les nouvelles spécificités techniques et les certifications environnementales, les taxes sont considérablement plus élevées, et le portage de foncier est de plus en plus long pour obtenir toutes les autorisations. Nous devrions faire prendre aussi conscience à nos locataires qu’un bâtiment représente en volume 15 % de plus qu’il y a 10 ans, puisque la hauteur libre moyenne sous poutre a augmenté », énumère Laurent Horbette. « Les loyers n’augmenteront pas, c’est totalement faux », rétorque Philippe Arfi, en invoquant la réalité du mar- Laurent Sabatucci, Jean-Paul Rival, Didier Malherbe, Didier Terrier et Julien Mongoin ©C.POLGE Didier Malherbe, Les loyers vont-ils augmenter ? « Les valeurs locatives sont effectivement trop basses. Elles vont nécessairement remonter un peu, c’est à peu près certain, comme on le constate AVRIL 2014 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE ■ N°83 71 TABLE RONDE ©C.POLGE Roland Paul, Jean-Paul Rival, Laurent Sabatucci, Directeur Général de GSE Avec un CA d’environ 450 M€ pour 450 personnes, GSE est contractant général, spécialisé dans la conception et construction de bâtiments, dans le monde de la logistique pour les deux tiers de l’activité. Basée à Avignon, la société GSE est présente dans la plupart des pays d’Europe ainsi qu’en Chine. Directeur Général Adjoint de Concerto European Developer Filiale du groupe Affine, foncière cotée sur NYSE Euronext Paris et qui dispose d’un patrimoine d’ 1 Md€ en bureaux, commerces et bâtiments logistiques, Concerto est un développeur d’immobilier logistique, avec une expertise en ingénierie logistique (projets clés en main, reconversion / réhabilitation de sites proches de centres urbains, etc.). PDG et Fondateur d’EOL Créée il y a 13 ans, EOL une société de conseil et d‘étude en matière d’immobilier industriel et logistique (location, vente, construction) avec cinq bureaux en France et une cinquantaine de collaborateurs. Au cours des 12 derniers mois, ses équipes ont conclu plus de 350.000 m² de nouvelles opérations représentant environ 180 M⇔ d’investissement. ché, et surtout le professionnalisme des clients donneurs d’ordres, de mieux en mieux organisés pour structurer leur cahier des charges et créer la compétition. site PSA que nous développons actuellement au sud de Paris », intervient Olivier Barge, qui déclare attendre avec impatience l’avènement du fameux « choc de simplification ». « J’ai dénombré en un an 27 procédures d’autorisation en cours : permis d’aménager, de construire, de démolir, la loi sur l’eau, etc., qui font chaque fois l’objet d’une nouvelle enquête publique. J’espère que le public est bien informé ! », lâche-t-il ironiquement en rappelant également qu’il existe des contre-exemples « flagrants », pour un grand opérateur dans le nord de la France, où les permis de construire et les autorisations d’exploiter ont été obtenus en trois mois. Caroline Grandjean y va également de son anecdote : « Nous attendons désespérément que le permis que nous avons déposé en décembre 2012 pour le terminal ferroviaire urbain de Chapelle Internationale dans le 18e arrondissement de Paris, nous soit accordé pour août 2014, soit plus d’un an et demi après. L’enquête publique a eu lieu en fin d’année dernière. L’enquêteur a donné un avis favorable comme chacun des services concernés, mais il faut à nouveau confirmer leur avis… ». Sous le choc des délais administratifs « Ce qui permet d’avoir encore des rendements qui tiennent la route, c’est le coût de l’argent faible. Mais si demain les taux augmentent ? De fait, ces niveau de loyers ne pourront pas continuer à perdurer, c’est une hérésie quand on regarde la valeur locative des biens », s’exprime Julien Mongoin (Barjane). Avant de rebondir sur les contraintes administratives. « Même pour une opération en gris, si on veut être large sur les rubriques ICPE pour faciliter la commercialisation du projet, il nous arrive d’être retoqués par la Dreal qui nous demande d’en supprimer certaines, ce qui limite forcément le spectre des clients potentiels ». « Concernant les délais administratifs, j’aimerais vous donner l’exemple du parc logistique Les Chevrons, l’ancien 72 ©C.POLGE ©C.POLGE Les participants N°83 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - AVRIL 2014 Le poids de la fiscalité « Une autre variable très importante est le problème du foncier, car la valeur foncière, elle, a continué à augmenter, intervient Alain Panhard. Avec la RCB, la redevance sur la création de bureaux dans le secteur de l’Ile-de-France, on ne peut quasiment plus rien faire parce que la fiscalité pour la construction a doublé en trois ans. Sur certaines opérations pour lesquelles il faut redéposer un permis, l’impact est énorme en termes de fiscalité. » « Les locataires donnent l’impression de ne payer guère plus cher depuis des années, sauf qu’ils payent la fiscalité locative, qui est extrêmement élevée en France. En considérant le coût global, fiscalité comprise, ce que font tous les utilisateurs aujourd’hui, ce n’est plus la même musique et on s’aperçoit que les loyers sont davantage comparables à ceux d’autres européens », fait remarquer Didier TABLE RONDE Tensions sur les coûts et les loyers Pour Karim Abdellaoui, ces arguments de l’inflation de la fiscalité et du coût d’acquisition des fonciers ne sont pas suffisants pour expliquer le fait que les coûts de construction ne peuvent pas augmenter. « Votre seule variable d’ajustement, qui représente 70 % du bilan d’opération, est la valeur de construction. Et aujourd’hui elle explose ! Il faut augmenter les coûts de construction auxquels vous passez les marchés, ce n’est pas dans l’intérêt des opérateurs donneurs d’ordre de casser une chaîne de construction, qui est en grande difficulté », insiste-t-il à nouveau. « Vous commencez un peu à m’agacer, lui lance alors Hélène Fort, sachez que nous les propriétaires ne sommes pas des nababs, nous ne gagnons pas du tout bien notre vie. Quant aux loyers, je pense qu’on ne peut pas les augmenter parce que nos clients finaux ne peuvent pas payer plus : ils regroupent leurs entrepôts dans des bâtiments XL pour rationaliser leurs coûts logistiques, c’est un des seuls éléments sur lesquels ils peuvent jouer », assène-t-elle. Olivier Barge se garde de tout fatalisme sur ce sujet, en citant la démarche engagée par Prologis avec l’Oréal sur le parc de Vémars, où le locataire a pris en charge un certain nombre d’investissements, notamment l’éclairage LED, source d’économie sur les coûts d’exploitation de l’entrepôt. « Avoir une offre différenciante est très difficile, 74 N°83 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - AVRIL 2014 ©C.POLGE Malherbe. « La fiscalité est en train d’exploser du fait de la décentralisation, ajoute Antoine Tostain, et on peut avoir des disparités de 5 €/m2 d’un village à l’autre sur un même territoire. Par ailleurs, ce qui est grave, c’est que l’administration fiscale débarque dans les entrepôts et dès qu’elle voit un convoyeur, l’entrepôt est reclassé en bâtiment industriel, ce qui multiplie par trois la taxe foncière du bâtiment », poursuit-il. Illustration par Hélène Fort, qui cite le cas d’un de ses clients, à Rennes : « Ils se sont faits requalifiés parce qu’ils possèdent un malheureux convoyeur, et la taxe foncière représente désormais 50 % du loyer ! ». ©C.POLGE Les participants Didier Terrier, Antoine Tostain, Directeur Général d’Arthur Loyd Logistique Arthur Loyd Logistique est une filiale du groupe Arthur Loyd créée en septembre 2011. Basée à Lyon et à Paris, il s’agit d’une structure de conseil en immobilier logistique spécialisée dans la commercialisation et le montage d’opérations. Son effectif est de six collaborateurs. Elle s’appuie également sur les 60 agences du réseau Arthur Loyd sur le territoire français. Cogérant de Tostain & Laffineur Real Estate Solutions Créée il y a 10 ans, TLRE est une société de conseil en immobilier spécialisée sur le nord de la France, sur les marchés des bureaux, des entrepôts logistiques et du commerce. Son effectif est de 18 personnes, avec un siège à Villeneuve d’Ascq et une agence à Amiens. car les technologies dont nous parlons sont à la portée de chacun d’entre nous. Ce que vous avez fait à Vemars, je l’ai fait à Roye [ndlr : 51.000 m2 loués également à l’Oréal], par exemple. Le vrai problème, c’est l’absence de croissance. C’est un problème d’économie générale. Il faudra peutêtre apprendre à vivre avec des marges moins importantes, c’est probablement ce qui nous attend », envisage JeanClaude le Lan. que la logistique urbaine ne peut être traitée isolément car personne n’est prêt à en payer le surcoût. Cela passe donc par une approche collaborative, de mutualisation, alors que les acteurs existants sont dans une logique concurrentielle directe. Nous voyons poindre une logique de tiers de confiance ou d’organisateur de flux, qui ne serait ni un chargeur ni un prestataire. C’est un nouveau métier à créer dont nous pourrions être partie prenante », dévoile-t-il. En marketing, cette volonté de sortir d’une logique d’affrontement où tout le monde tire sur les prix pour créer une nouvelle demande s’appelle la Stratégie Océan Bleu. Qui d’autre est prêt pour le grand plongeon ? ■ PROPOS RECUEILLIS PAR JEAN-LUC ROGNON Comment se différencier ? « Pour se distinguer, il est fondamental d’avoir de très bons fonciers, très bien placés », assure Marc Frappa en citant l’exemple de Wissous, aux portes de Paris, où Faubourg Promotion va mettre sur le marché un foncier de 35 ha, aux termes de quatre ans de travail. Le mot de la fin revient à Jean-Paul Rival, pour qui la clé de la différenciation réside dans l’invention de nouveaux services permettant aux utilisateurs de faire des économies sur leur Supply Chain. « Chez Concerto, nous militons par exemple sur le fait