RETOU R D’EXPÉRI ENCE POLE SANTE LEONARD DE VINCI Des flux de patients optimisés jusqu’au cœur du bloc opératoire Le Pôle Santé Léonard de Vinci a fait appel au Cabinet Igloo pour fluidifier les entrées/sorties de patients du bloc opératoire de sa clinique. Cette mission a débouché sur divers projets : séparation en circuits long et court , réorganisation de l’arsenal, ainsi que mise en place d’une base de données produits et de chemins de préparations, développement d’un outil d’ordonnancement des flux opératoires pour communiquer en temps réel les évolutions et les modifications aux autres services … sans oublier de pérenniser la démarche par l’embauche d’une Directrice Supply Chain. Une vraie révolution dans la clinique ! C omment optimiser les flux d’un pôle de santé qui béné ficie de 5.000 m2 de bloc opératoire pour 450 lits ? Comment gagner en efficacité vis-à-vis du patient et du personnel soignant, tout en réduisant les coûts sans pénaliser la qualité des soins ? C’est pour résoudre cette « quadrature du cercle » que Thierry Chagnaud, Directeur Général Délégué du Pôle Santé Léonard de Vinci à Chambray-Les-Tours, a voulu intégrer une vision et des méthodes de Supply Chain Management dans sa clinique et qu’en 28 N°98 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - OCTOBRE 2015 décembre 2013, il a fait appel à Nicolas Picquerey, Fondateur du Cabinet Igloo (voir SCMag N°95). Séparation des flux en circuits long et court En janvier 2014, Nicolas Picquerey entame une 1ère mission visant à « désengorger les flux du bloc opératoire ». « Le bloc est le cœur du réacteur et sa bonne organisation passe par celle de la bonne remontée/descente des patients », analyse le consultant. Or, 2 fois par jour, vers 11 h et vers 16 h 30, l’unique sas où s’effectuent les contrôles pré et post-opératoires des patients est saturé. Ce qui perturbe la réalisation de la suite du programme des opérations. Le consultant recommande dès avril 2014 de mettre en place 2 circuits distincts : un « long », pour les patients subissant des interventions lourdes, acheminés en brancards et un « court », pour les interventions de courte durée. Le but ? Fluidifier l’activité des blocs opératoires en séparant des flux qui ©C.POLGE Une des 8 salles d’opérations du Pôle Santé Léonard de Vinci de Chambray-les-Tours (37) ©C.POLGE ©C.POLGE Nicolas Picquerey, Fondateur d’Igloo et à l’initiative de l’application Good Plan sur tablette de pilotage d’activités de blocs opératoires. ©C.POLGE Viviane Lavergnat, Responsable de l’hospitalisation ambulatoire : « Consulter les informations sur tablette permet de rassurer les patients et leurs familles sans déranger les responsables de blocs et de salle de réveil ». Catherine Padilla, Chef du secteur Aseptique : « Je suis certaine qu’utiliser la tablette sera bien à terme ». Sophie Le Ru, Chef du secteur Endocrinologie : « Ce que j’attends de la tablette, c’est surtout de communiquer de l’information sur l’avancement de notre planning vers l’extérieur, dans les services de médecine ». OCTOBRE 2015 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE ■ N°98 ©C.POLGE Sabrina Rabotteau, Responsable de la salle de réveil (à gauche), accompagnée de Sonia et Nathalie, membres de son équipe : « Les 2 sas ont permis de fluidifier l’activité en supprimant les engorgements ». ©C.POLGE Un process plus fluide Ainsi les brancardiers sont pilotés par des infirmières orientatrices (une par sas contre 2 dans le même sas auparavant). Ces dernières leur demandent de remonter un patient et de descendre ensuite un patient à proximité, ce qui leur fait économiser du temps de déplacement. Le patient arrive au sas, l’infirmière contrôle son identité et lui pose les questions de contrôle du protocole préopératoire. Si tout est OK, le patient est amené dans une zone d’attente où l’infirmière panseuse du chirurgien viendra le chercher pour l’emmener à la salle d’opération. A l’issue de l’intervention, le patient intubé/ventilé arrive en salle de réveil avec l’anesthésiste et la panseuse de salle, qui transmet les informations aux aides-soignantes et aux infirmières affectées au suivi du patient en attente d’élimination des produits anesthésiants. Une fois que les fonctions vitales ont repris leur rythme normal, le patient pourra se faire administrer des antalgiques. Un contrôle de sortie est ensuite effectué par l’anesthésiste, qui signe l’autorisation de sortie du patient. Ce dernier peut alors être transféré par un brancardier jusqu’à sa chambre. Le processus de sortie s’effectue au moyen d’une tablette munie de l’application « Good Plan » qui vise à suivre en temps réel les flux du bloc opératoire. « Chaque poste de la salle de réveil a un numéro. Pour des raisons de confidentialité, nous ne donnons pas le nom du patient, mais l’infirmier va dire à son aide-soignant : « Mets le poste 7 au départ ». Avec la tablette, il valide que le patient est prêt à sortir, ce qui informe l’orientatrice qui pilote les brancardiers, explique Sabrina Rabotteau, Responsable de la salle de réveil. Elle poursuit : Le fait d’avoir 2 sas a permis de supprimer les engorgements du midi et d’éviter que 2 patients s’y trouvent en Thierry Chagnaud, Directeur Général Délégué du Pôle Santé Léonard de Vinci ©C.POLGE n’ont pas le même rythme. Mais aussi descendre et remonter les patients en « juste à temps » tout en optimisant l’activité des brancardiers par un couplage des montées/descentes des patients. Pour ce faire, il a fallu créer un 2nd sas alloué au circuit court. En outre, un fauteuil a été conçu sur-mesure avec 3 des 11 brancardiers afin de garantir un acheminement à la fois confortable et sûr pour les patients, et pratique pour les brancardiers (voir encadré page 30). 29 RETOU R D’EXPÉRI ENCE même temps, ce qui posait des problèmes de confidentialité. Remonter les patients en fauteuil est aussi un gain de temps pour les brancardiers. » … et les produits volumineux comme des champs opératoires. ©C.POLGE Partie de l’arsenal où sont stockés les dispositifs issus de la stérilisation (boîtes métal dotées d’une étiquette et d’un plomb)… ©C.POLGE ©C.POLGE Infirmière orientatrice travaillant encore à la fois sur papier et avec la tablette Good Plan. Un partage du programme d’opérations en temps réel via une application sur tablette « En amont, le fait d’avoir 2 sas améliore la disponibilité des patients pour les interventions et leur évite d’attendre inutilement aux abords des salles d’opération en cas de retard au bloc. Supprimer les blocages journaliers contribue aussi à réduire le stress des orientatrices », souligne Nicolas Picquerey. Mais un problème d’information subsistait. En effet, le bloc opératoire se compose de 3 entités : endoscopie, hyperaseptique et aseptique, ayant chacune une Responsable, en plus de celle de la Salle de Réveil. En raison du ré-ordonnancement permanent lié aux patients et au déroulement des interventions, ces 4 responsables échangeaient beaucoup par téléphone, ce qui était chronophage et induisait un décalage permanent dans l’information, le temps qu’elle circule… De même, les services d’hospitalisation n’étaient pas toujours informés en temps réel des modifications de planning ou d’interventions. D’où le lancement d’un gros chantier de communication. « J’ai cherché un système mobile pour partager l’information en temps réel, mais je n’en ai pas trouvé », avoue Nicolas Picquerey. Il existe bien un système de gestion de Un fauteuil de brancardage a été conçu spécifiquement après chaque usage pour des raisons d’hygiène. Tout ceci en tenant compte des besoins exprimés par leurs utilisa- devrait contribuer, en plus d’un confort accru pour le teurs. Les brancardiers ont demandé que le fauteuil puisse patient, à réduire le nombre d’heures travaillées par les facilement s’incliner au moyen d’une poignée située sur le brancardiers à volumétrie constante. ■ CP côté afin d’allonger rapidement le patient si nécesLe fauteuil est inclinable pour ramener, si nécessaire, saire. Sur le plan pratique, ils ont également souhaité les patients du circuit court que les roues unidirectionnelles, plus grosses et avec en position allongée. des roulements de bonne qualité, soient placées à l’avant. Ils ont aussi requis un appui-tête réglable, des cale-pieds, l’ajout d’un point de fixation de poche à urine, de goutte-à-goutte et d’un porte dossier à l’arrière. Il a aussi fallu prévoir un frein de blocage des roues arrière pouvant être actionné par une pédale. Enfin, les tenues des patients transférés en fauteuil ont été revues : ils sont habillés de pyjamas et non de simples blouses pour des raisons de pudeur. Des couvertures complètent le dispositif. Le fauteuil est nettoyé et la couverture changée par les brancardiers 30 N°98 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - OCTOBRE 2015 ©C.POLGE Conception d’un fauteuil sur-mesure ©C.POLGE Adressage logistique des 2.300 références de l’arsenal. ©C.POLGE Une plus forte rotation des patients en ambulatoire à iso-qualité de prise en charge Une vingtaine d’utilisateurs sont concernés par Good Plan : les 3 Responsables de blocs, la Responsable de la salle de réveil, les 2 orientatrices, plus des personnes des services d’hospitalisation, en consultation. Connectée au système central qui lui transfère le matin le planning théorique des interventions sur 8 jours glissants, la tablette va permettre, tout au long de la journée de modifier le planning en fonction des aléas et de communiquer en Wifi via un serveur une situation à jour visible en temps réel par tous les services concernés. Un code couleur visualise le statut du patient (à appeler, appelé, descendu au bloc, en salle d’opération, en salle de réveil, apte à sortir et sorti). Dès qu’une anomalie est détectée (ex : dépassement de temps), la case correspondant au patient concerné clignote. De même, si un patient prévu en intervention n’a pas été descendu au bloc avant 18h, la case correspondante dans le planning vire au rouge pour alerter les responsables et prendre les décisions idoines. « La tablette aide mes équipe à mieux faire leur travail, souligne Viviane Lavergnat, Responsable de l’hospitalisation ambulatoire. La consulter permet de rassurer les patients et leurs familles sans déranger les responsables de blocs. On y voit où en est le patient, si le bloc a pris du retard. Pouvoir donner de l’information qualifiée apaise tout le monde. De même, en fin de journée vers 20 h, en cas de retard, soit le personnel attend que le patient sorte un peu plus tard (jusqu’à 21h/21h30), soit une prise en charge par du personnel de nuit peut être Chariots préparés en attente d’acheminement dans les salles d’opérations. Seconde partie de l’arsenal réimplantée par bloc et par famille de produits pour optimiser le rangement et la préparation des chariots. ©IGLOO planning dans le SIH (Système Informatique Hospitalier), mais il suppose des saisies dans un bureau, alors que les personnes sont mobiles. Une solution RFID a aussi été envisagée mais abandonnée pour des raisons de coût. Nicolas Picquerey a donc décidé, d’abord avec la société Airweb, puis avec Sétélia, sur la base d’un cahier des charges élaboré par Igloo avec les Responsables, de développer sur tablette une application de partage du programme des opérations en temps réel, avec des alertes. Baptisée Good Plan, cette solution voit sortir mi-octobre une version 1.2 intégrant des améliorations fortement attendues par les utilisateurs de la version 1.0 (voir encadré page 32). anticipée si la sortie va au-delà de 22h. Pour l’ambulatoire, compte-tenu de la forte rotation des patients, cette facilité d’accès à l’information est un réel apport pour mieux planifier notre activité par rapport à celle du bloc. Avec le circuit court, nous avons gagné en nombre de patients/ journée. Nous sommes à 85 patients par jour sur une base de 50 lits, soit à 120 %/130 %. Nous sommes montés à 150 % avec des pointes à 160 %, ce qui n’est pas négligeable, tout en ayant une bonne qualité de prise en charge des patients (ravis de partir plus tôt !) », se félicite-t-elle. Réimplantation de l’arsenal Un autre chantier important a été de revoir l’implantation de l’arsenal (stock de proximité desservant les 3 blocs opératoires), alimenté par la pharmacie centrale et la stérilisation via un monte-charge. L’objectif de cette réorganisation était d’améliorer la productivité de la préparation des chariots, de permettre à tous les profils de postes (et plus seulement aux infirmières) de préparer les chariots destinés aux interventions chirurgicales et de mettre en place un WMS pour gérer les stocks et les préparations de commandes. La réimplantation a été menée en septembre 2014. Elle a consisté à percer des accès latéraux, à identifier des zones par typologie de flux (bloc destinataire, famille de produits), à instaurer une codification logistique (lettre de A à E de haut en bas, nombre de gauche à droite), à dégager un emplacement pour les chariots préparés par vacation (matin, après-midi ou lendemain) au lieu de les mettre en attente dans les couloirs du bloc opératoire. Une zone de retour, dans des paniers, des produits non utilisés a aussi été aménagée avant leur remise en stock en fin de journée. « Cela améliore la fiabilité du stock et la qualité de préparation de commandes des chariots tout en dégageant du temps pour les infirmières », résume Nicolas Picquerey. Certaines infirmières, habituées à faire plaisir aux chirurgiens en devançant leurs OCTOBRE 2015 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE ■ N°98 31 RETOU R D’EXPÉRI ENCE moindres désirs, voient avec nostalgie une page se tourner. « Lâcher prise pour les infirmières qui étaient habituées à réaliser les tâches de A à Z pour les patients n’est pas évident, admet Catherine Padilla, Chef du secteur aseptique. Les prochaines générations apprendront le bloc avec des préparations gérées par des logisticiens, pas de souci. Il faut gérer la transition et les anciennes qui forment les nouvelles », relève-t-elle. Constitution d’une base articles solide Un autre projet découlant de la refonte de l’organisation de l’arsenal est celui de la constitution d’une base articles définissant de manière intelligible pour tout un chacun les références à ranger et prélever. En plus du pilotage des flux patients sur tablette, Catherine Padilla est en charge du chantier de mise à jour de la Base de Données produits. « Je délègue beaucoup !, reconnaît-elle. Une vingtaine d’infirmières ont été formées pour s’en occuper à tour de rôle mais la difficulté est de dégager du temps sur une période suffisamment longue. Les nouvelles fonctionnalités devraient nous aider », positive-t-elle. Jusque-là, les articles étaient définis de manière peu formelle par des zones de texte au kilomètre laissées à la libre expression des utilisateurs. Une BDD aurait pu être créée ex nihilo pour les 2.300 références concernées, mais cette base doit dialoguer avec les systèmes de la pharmacie ainsi que de la stérilisation, et intégrer leurs information, d’où le rapatriement de 53.000 lignes devant être formalisées, puis complétées par les données logistiques. Un gros travail qui n’a pu être effectué que par des infirmières connaissant les produits. 2.000 photos d’implantation des salles d’opération en fonction des chirurgiens et des types d’interventions sont en cours d’ajout à la base. « L’idée est de disposer au mieux les articles préparés en salle, en tenant compte par exemple des souhaits de positionnement des instruments du chirurgien, de son mode opératoire personnalisé, de ses habitudes… tout en constituant une base de connaissances aisément accessible qui garantit la polyvalence des infirmières », indique Nicolas Picquerey. Recrutement d’une Directrice SC Pour pérenniser la démarche d’évolution vers les bonnes pratiques de SCM en interne, Thierry Chagnaud a décidé d’ou- vrir un poste de Directeur Supply Chain pour le Pôle de Santé Léonard de Vinci. Igloo là encore, a contribué à la définition de fonction, au contenu de poste et au recrutement. C’est Laure Jacques Felix qui a été recrutée en septembre pour piloter les flux patients, gérer et piloter l’équipe de logisticiens de l’arsenal ainsi que celle des brancardiers d’un point de vue administratif, physique et des systèmes d’information. D’autres chantiers d’amélioration seront menés avec son concours : la fusion du stock de l’arsenal et de la pharmacie pour éviter les surstocks et les ruptures, le déploiement des tablettes dans les services externes, comme la radiologie… « Souvent, la radiologie est indépendante de l’établissement de soin. Selon les protocoles, elle doit cependant y intervenir fréquemment (ex : radio de contrôle après l’intervention). Lui donner de la visibilité devrait lui permettre de s’organiser pour limiter les points de blocage au sein de la clinique dans une démarche win/win », envisage Nicolas Picquerey. Par ailleurs, grâce aux tablettes, la clinique vise à terme le « zéro papier », du moins en dehors du dossier patient qui lui reste obligatoire… ■ CATHY POLGE Les 12 améliorations de Good Plan version 1.2 1. Ergonomie revue par une Web Designeuse 2. Drag & drop intégré pour faciliter les modifications de planning (salle d’opération, heure…) 3. Possibilité d’introduire des patients en urgence dans le planning 4. Temps de réponses divisés par 2 (14 s à 7 s) pour les changements majeurs 5. Intégration d’un code brancardier pour un meilleur suivi de leurs missions 6. Affichage des alertes par type d’anomalie pour une meilleure réactivité et possibilité de paramétrage des alertes 7. Envoi d’alertes sur les anomalies vers des listes établies par mail et SMS 8. Possibilité d’ajouter des commentaires via la création d’une zone de texte libre et l’ajout d’un menu déroulant avec des commentaires types, pour gagner du temps 9. Optimisation des temps de changement de bloc 10. Intégration des adresses (de 1 à 25) des postes de salles de réveil via un menu déroulant pour faciliter la validation des arrivées et des départs des patients de la salle de réveil et mieux piloter les brancardiers. 11. Rouleaux de changements d’horaires plus ergonomiques (par tranches de 5 min) 12. Ajout d’une ligne de temps rouge positionnant le « maintenant » de manière visuelle dans le planning. 32 N°98 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - OCTOBRE 2015 ©C.POLGE La version 1.2 de l’application Good Plan, développée par Igloo en partenariat avec la division Digitale de la société Sétélia, et dont le recettage vient d’être finalisé, intègre de nombreuses améliorations : La mise à disposition de statistiques via un accès web par consolidation des clics sur tablette est en cours de développement. L’application veut proposer des d’analyses périodiques et la possibilité pour les utilisateurs de construire leurs propres indicateurs. Le logiciel Good Plan va être proposé à la vente par Igloo en France, Belgique et en Allemagne (Nicolas Picquerey) et au Royaume-Uni, par un consultant du cabinet. Il sera également commercialisé aux Emirats, au Maghreb, au Liban et au Benelux dans le cadre d’un partenariat avec Sétélia. ■ CP