Dossier d`accompagnement

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Dossier
d’accompagnement
La Cagnotte
Texte d’Eugène Labiche et Alfred Delacour
Mise en scène Julie Brochen
Avec Les Compagnons de Jeu
> Création d’après la mise en scène de 1994
Au Hall Kablé
Du mardi 24 mars au mercredi 13 mai 2008
Du mardi au samedi à 20h
Les dimanches 19 et 26* avril à 16h
Les lundis 30 mars*, 6 avril*, 4 et 11 mai à 20h
Relâche du 2 au 5 avril* ; du 10 au 13 avril, du 1er au 3 mai ;les lundis 20 et 27 avril ;
les dimanches 29 mars et 10 mai.
*Changements dus à l’organisation du sommet de l’OTAN à Strasbourg
Rencontre avec l’équipe artistique
mardi 5 mai à l’issue du spectacle
Journée d’études sur le théâtre de Labiche
Représentation avec audiodescription
mardi 14 avril
Mercredi 8 avril 2009
Représentation surtitrée en français
samedi 18 avril
Représentation surtitrée en allemand
dimanche 19 avril
Organisée avec l’Université de Strasbourg,
département des Arts du spectacle
de 9h à 12h30
à l’Université de Strasbourg, amphi de la MISHA
et de 14h à 18h30
au TNS – salle Bernard-Marie Koltès
(détail à la fin du dossier)
Contact TNS
Lorédane Besnier 03 88 24 88 47 / 06 86 66 20 43 / [email protected]
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La Cagnotte
De Eugène Labiche et Alfred Delacour
Mise en scène Julie Brochen
> Création d’après la mise en scène de 1994
Avec Les Compagnons de Jeu
Assistanat à la mise en scène
Costumes
Lumière
Scénographie
Maquillages et coiffures
Direction musicale
Avec
Christophe Bouisse
Marie Desgranges
Pierre Diot
Bernard Gabay
Flavien Gaudon
François Genty
Antoine Gouy
Vincent Leterme
Gildas Milin
Natacha Mircovich
Jean-Michel Portal
Jean-Christophe Quenon
Philippe Thibault
Production
Dates
Relâche
Salle
Pascal Tokatlian
Sylvette Dequest
Olivier Oudiou
Isabelle Neveux
Catherine Nicolas
Vincent Leterme
Benjamin / 1er garçon
Leonida
Colladan
Cocarel
Béchut / percussions
Beaucantin / agent de police / Joseph
domestique de Cocarel
Sylvain
3ème garçon / piano
Champbourcy
Blanche
Félix
Cordenbois
2ème garçon / contrebasse
Théâtre National de Strasbourg
Du 24 mars au 13 mai
Du mardi au samedi à 20h
Les lundis 30 mars*, 6 avril*, 4 et 11 mai à
20h
Les dimanches 19 et 26* avril à 16h
*Représentations ajoutées suite à l’annulation
de celles des 2, 3, 4 et 5 avril en raison de
l’organisation du sommet de l’OTAN à
Strasbourg.
du 2 au 5 avril (OTAN) ; du10 au 13 avril, du
1er au 3 mai ;
les lundis 20 et 27 avril et les dimanches 29
mars et 10 mai
Hall Kablé
Des bourgeois de la Ferté-sous-Jouarre décident de dépenser la cagnotte qu'ils ont
amassée en jouant aux cartes et de s'offrir une journée à Paris. Les quiproquos
s'enchaînent et transforment ce « voyage initiatique », cette odyssée, en réel cauchemar.
Dans un dispositif bifrontal, Julie Brochen nous fait plonger au cœur de cet univers
bouleversé, où le rire est nécessaire et salvateur. Ce spectacle a été fondateur de son
travail et des « Compagnons de jeu », compagnie qu'elle dirige depuis quinze ans.
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LABICHE ET SON TEMPS
I – Portrait de l’artiste en bourgeois
II – L’ère du rail
III – Le vaudeville
IV – Labiche et ses contemporains
V – Labiche redécouvert par les surréalistes
VI – Labiche, un auteur apolitique ?
LA CAGNOTTE MIS EN SCENE PAR JULIE BROCHEN
I – Entretien
II – Croquis de mise en place du décor
III – Etapes de recherche sur les costumes
IV – Résumé de la pièce
V – Extraits de scènes de La Cagnotte
LA CAGNOTTE : LECTURE DE JEAN JOURDHEUIL A
PROPOS DE LA MISE EN SCENE DE JEAN-PIERRE
VINCENT (1971 ET 1972 au TNS)
I – Notes dramaturgiques
II – Dessins et photos de la mise en scène de JeanPierre Vincent
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LABICHE ET SON TEMPS
I – Portrait de l’artiste en bourgeois
Labiche a quinze ans au moment où s'installe la monarchie de Juillet : c'est le moment
où l'irrésistible ascension de la bourgeoisie, commencée sous la Révolution, connaît une
accélération décisive. Cette classe sociale, aux configurations assez floues, participe
désormais au pouvoir.
« Enrichissez-vous »
La bourgeoisie n'a encore aucune homogénéité : constituée, d'une part, du peuple
nombreux des retraités, des employés, des petits commerçants, etc., qui sont conscients
d'être promus à une sorte de dignité sociale, tout en étant incertains de leur statut, elle
se différencie par le haut, d'autre part, avec l'apparition des grandes fortunes de la
banque, de l'industrie et du négoce, voire avec la fondation de véritables dynasties
familiales.
À cette bourgeoisie montante, Eugène Labiche appartient indubitablement : petit-fils de
notaire, fils d'un riche négociant, pourvu dès sa majorité d'une rente confortable, il suit
une ligne bien tracée, jusque dans les écarts de sa jeunesse. Après avoir jeté sa gourme
et accordé leur dû aux émois du romantisme ambiant (admirateur de Victor Hugo et de
Vigny, Chatterton le transporte), il canalise ses ambitions littéraires en choisissant
l'industrie du vaudeville, sans craindre de se définir comme un fabricant du rire, et il
épouse une jeune fille de son milieu, qui lui apporte dans sa corbeille 150 000 F.
Un comique bien rangé
Bon époux et bon père bientôt, il partage avec naturel les aspirations et les craintes de
son milieu. Républicain modéré en 1848, candidat malheureux à la Constituante, il
s'inquiète vite de la montée du désordre, et il rallie d'emblée le nouvel Empire, auquel il
demeurera fidèle jusqu'au bout. La Commune l'horrifie et la IIIe République, à ses
débuts, l'inquiète. Il se dit en souriant réactionnaire, tout en parachevant la réussite de
sa carrière sociale (gros propriétaire terrien, maire de sa commune, il est heureux de sa
Légion d'honneur, puis de son élection à l'Académie française) et de sa vie familiale (son
fils entrera au Conseil d'État).
Auteur, il est modeste et il se définit simplement comme un rieur : « Ma petite muse, ditil, c'est la bonne humeur. » Il met en scène le monde qu'il connaît le mieux, celui de la
petite et, parfois, de la moyenne bourgeoisie, qu'il sait inquiet de lui-même, de son
langage et de sa culture ; il ne fait rien de plus, en apparence, que d'en épingler les
ridicules, les manies et les fragilités, sans amertume. « Quelques-uns voient triste, écritil à Zola, moi, je vois gai, ce n'est pas ma faute, j'ai l'oeil fait comme ça. »
« Trop poli pour être honnête »
Ce portrait, cependant, est trop cohérent pour être vrai et Labiche, en bourgeois, est
pour ainsi dire trop poli pour que l'on s'y fie tout à fait. Pour nuancer ce qui précède,
plusieurs remarques s'imposent :
D'abord, Labiche a beau ne point refuser le qualificatif d'« entrepreneur de gaudrioles »
et accumuler lui-même les raisons pour éviter de se faire prendre au sérieux il n'en a pas
moins manifesté la plus impitoyable exigence quand il s'est agi de réunir ses oeuvres
complètes : de son immense production, il n'a alors conservé que cinquante-sept pièces
(soit une oeuvre sur quatre à peu près). Dans ses protestations d'insignifiance, il faut
sans doute voir une sorte de coquetterie, qui est un mélange de dignité et de modestie
vraie.
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Ensuite, surtout à partir de 1850, sa palette s'élargit et manifeste plus d'ambition : il ne
hausse certes pas le ton, mais il prend davantage de plaisir à pousser jusqu'à ses
extrêmes conséquences la logique du langage et des situations, imprime un rythme de
plus en plus fou à la mécanique de ses intrigues, et il donne à beaucoup de ses
personnages une cohérence implacable. Mieux encore : il applique son génie de
l'extravagance à enchaîner des aventures destructrices. Emile Zola remarque ainsi, le
premier, « le ton fantaisiste donné aux réalités les plus déplaisantes » dans beaucoup de
ses comédies. Les directeurs de théâtre de l'époque ne s'y trompent pas : celui du
Gymnase prédit au Voyage de M. Perrichon le four le plus noir, et celui du Palais-Royal
préfère quitter Paris le soir de la première du Chapeau de paille d'italie pour ne pas voir
tomber cette "risquade". Mêmes craintes, partagées par les comédiens eux-mêmes, à la
création de la Cagnotte.
On peut donc penser, avec le surréaliste Philippe Soupault, que Labiche « a fait tout ce
qu'il a pu pour donner le change et éviter qu'on ne lui accorde plus qu'il ne demandait ».
Son art exclut tout jugement moral, toute velléité de corriger les mœurs ou de fustiger
les caractères : il montre tout uniment comment les situations possèdent une logique
parfois infernale et détruisent tout par le seul jeu des mécanismes qu'elles enclenchent,
et comment aussi le langage peut se mettre à fonctionner tout seul, par et pour luimême, en vidant au passage les êtres de leur substance.
« Qu'est-ce que l'inquiétant ? Avant tout ce qui ne se déclare pas comme tel » : cette
définition de Roland Barthes s'applique parfaitement à la dramaturgie de Labiche, du
moins dans ses grandes pièces, et elle peut éclairer singulièrement la lecture et la
représentation de la Cagnotte.
Robert Abirached
La Cagnotte, Ed. Classiques Larousse
Portrait de Labiche par Daumier
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II – L’ère du rail
Le second Empire est pour la France, comme d'ailleurs pour l'Europe, la grande époque du rail.
Sous Louis-Philippe, les chemins de fer restaient encore le jouet auquel Thiers refusait de croire; la
Révolution de 48 avait failli consommer la ruine des compagnies, qui gardaient la fragilité de
l'enfance. L'extension des réseaux va se précipiter. En 1848: dix-huit millions de voyageurs; en
1869, cent onze millions. En 1848: trois mille kilomètres de rails; en 1870: dix-huit mille. Le
personnel employé comptait trente mille personnes, ses effectifs passent à cent quarante mille.
Dès les premières années du nouveau régime, les compagnies se fondent ou se refondent. 1852
voit se constituer les compagnies du Nord, d'Orléans, du P.L.M.; 1853, celle du Midi; 1854, le
Grand Central, l'Ouest; 1855, l'Est. Le réseau ferroviaire va devenir le système nerveux de la
nation. Jusqu'au second Empire les transports avaient été un effet; ils deviennent une cause: ils ne
se bornent plus à distribuer les marchandises, ils déterminent leur production; les gares se
construisent d'abord là où se trouvent les marchandises, près des mines, des chais, mais bientôt
les usines s'édifieront près des gares. Selon que le train passe ou ne passe pas, s'arrête ou ne
s'arrête pas, le village, le bourg sont promis à la prospérité ou à la récession.
Le transport, la vitesse vont devenir non seulement des moyens, mais des fins; et le cheminot,
avec le mineur et le métallo, un des grands protagonistes du monde de suie où germent les paradis
futurs du «mieux» et du «meilleur marché».
Avant même d'être mises en exploitation, les lignes nouvelles modifient la structure de la France;
leur construction seule suffit à transformer des hameaux, à créer des agglomérations dont les unes
subsistent et dont les autres disparaissent. Elle opère des rapprochements inattendus entre les
travailleurs de diverses provinces et de divers métiers; un village qui, depuis des siècles, vivait
replié sur soi, en un système quasi clos, voit soudain affluer une équipe de terrassiers qui changeront ses pensées et son vocabulaire.
L'influence du conducteur des travaux publics, de l'ingénieur et d'abord du polytechnicien va
grandir sur les ouvriers qui appliquent ses calculs et en vérifient la justesse. Influence d'ailleurs
réciproque; beaucoup de polytechniciens vont incliner vers le socialisme, sans qu'on puisse discerner s'ils y sont poussés par leurs hommes ou si eux-mêmes les y poussent.
Le chemin de fer va tout bouleverser, depuis la thésaurisation jusqu'à la stratégie; il enrichit, il
ruine, il provoque le développement rapide de stations thermales ou estivales, la mort des
diligences, des auberges - que l'automobile ressuscitera. Il est l'objet de spéculations et d'intrigues
infinies. Où passera la voie future ? Où s'arrêtera la locomotive ? Qui sait répondre à ces questions
deviendra riche, qui ne le sait pas risque de devenir pauvre. La France se peuple d'Oedipes
balbutiants. Elle hésite, rechigne plus que d'autres, tiraillée entre des intérêts concurrents, des
soucis divers, celui de la défense nationale, ceux des susceptibilités locales... elle choisit que Paris
devienne le grand noeud de ses communications ferroviaires. Choix peut-être irréversible.
Emmanuel BERL
Claude Monnet – Gare de Saint Lazare
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III – Le vaudeville
Vaudeville : synonyme, à l'origine, de chanson populaire, le mot "vaudeville" a
été utilisé ensuite pour désigner les couplets insérés dans le texte de leurs
spectacles par les comédiens italiens, puis dans le théâtre de foire.
Cette formule, de plus en plus utilisée au XVIIIe siècle, a engendré l'Opéra
Comique et elle a continué à être utilisée dans la comédie avec un tel succès
qu'un théâtre de vaudeville fut fondé en 1792.
Constitué en genre, le vaudeville suscita un très grand engouement sous l'Empire
et sous la Restauration.
Sous le second Empire, les couplets se mirent à tenir une place de plus en plus
discrète.
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IV – Labiche et ses contemporains
« Si vous posez une demi-douzaine de personnages que vous mettez d'abord
en contact par des moyens plus ou moins ingénieux ; puis, tous ensemble,
d'un seul coup, comme une caravane, vous les déplacez, et les voilà partis, à
la recherche d'un chapeau, comme dans le Chapeau de paille d'Italie ; pour
un voyage de plaisir à Paris, comme dans la Cagnotte ; pour la mer de Glace,
comme dans le Voyage de M. Perrichon ; pour Chamonix et les chutes de
l'Aar, comme dans le Prix Martin, il est presque impossible qu'un certain
comique de situation ne sorte pas de là. Vous avez eu soin d'ailleurs, dès le
premier acte, de mettre sur la figure de vos bonshommes un masque
grimaçant dont l'expression ne variera plus de toute la pièce et qui soulèvera
nécessairement le rire du parterre parce qu'il gardera, jusque dans les
situations les plus diverses, sa même expression stéréotypée. »
Ferdinand Brunetière, Revue des Deux Mondes,
15 septembre 1879
« Le propre de M. Labiche, c'est de pousser l'indifférence jusqu'à ne voir dans
les vices que de simples accidents comiques. Ses personnages sont le plus
souvent des poupées qu'il fait danser au-dessus des abîmes, pour rire de la
grimace qu'elles y font [...] J'ai souvent constaté que, dans la fantaisie,
l'audace pouvait aller très loin au théâtre. Du moment où il est bien convenu
entre l'auteur et le public qu'on plaisante, il est permis de tout montrer et de
tout dire. M. Labiche a excellé dans ce tour fantaisiste donné aux réalités les
plus déplaisantes. Son comique est fait des vérités cruelles de la vie
regardées sous leur côté caricatural et mises en œuvre par un esprit sans
amertume qui reste volontairement à la surface des choses. »
Émile Zola, Eugène Labiche, 1881,
V - Labiche redécouvert par les surréalistes
« [Labiche] savait que le rire qui secouait les spectateurs leur évitait de
regarder et qu'ils ne comprenaient pas ses véritables intentions. Les égoïstes,
avares, mesquins, suffisants qui, par bêtise et parce qu'ils se trompent les
uns les autres, finissent par échouer lamentablement étaient évidemment et
manifestement ridicules. [...] Si les habitants de La Ferté-sous-Jouarre et
ceux des communes du même ordre, c'est-à-dire des trois quarts de la
France, avaient, au lieu de rire, regardé dans ce miroir, ils auraient dû être
effrayés de vivre avec autant de mesquinerie et si peu de générosité et de
grandeur. Tous les mots qui font sourire, les répliques qui provoquent le rire
sont simplement atroces. Aucun écrivain français n'avait jamais osé peut-être
présenter les provinciaux sous un jour lugubre avec autant de brutale
franchise. C'est cette violence qui fait de Labiche un écrivain de grande
classe. »
Philippe Soupault, Eugène Labiche, 1964.
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V – Labiche, un auteur apolitique ?
Eugène Labiche est-il secrètement, voire «inconsciemment», un critique
féroce de la bourgeoisie, un Brecht qui s'ignore ? On sait que c'est en tout cas
de cette manière que l'ont interprété le surréaliste Philippe Soupault, et les
jeunes metteurs en scène marxisants des années 60, en Allemagne (Peter
Stein) puis en France (Patrice Chéreau et Jean-Pierre Vincent, dont les mises
en scène respectives de L’Affaire de la rue de Lourcine et de La Cagnotte sont
restées mémorables). Nous avons aujourd'hui de bonnes raisons de penser
que ces séduisantes variations reposent sur un malentendu fort répandu, qui
consiste en gros à rabattre le «bourgeois», au sens romantique et «art-pourl'art» du mot - le «philistin» autrement dit -, sur son acception sociologique
classique. Labiche ne cherche sans doute pas à faire rire son public de luimême, ce qui serait une gageure, mais à lui faire partager le mépris de
l'artiste pour le «salaud» - comme dira un siècle plus tard Jean-Paul Sartre -,
englué dans son «esprit de sérieux». Et le plaisir que nous prenons encore à
Labiche - certainement l'auteur comique français le plus joué dans le monde
après Molière - vient justement de l'universalité de ses caractères. On peut
penser que l'apolitisme obligé de la scène sous le Second Empire (si l'on ne
prend pas trop au sérieux les fausses audaces d'un Augier ou d'un Dumas fils)
est le handicap dont Labiche a fait une force. Au reste, nous savons que
Labiche, qui se retira «noblement» dans une propriété de Sologne dès que les
revenus tirés de son oeuvre le lui permirent, était aussi sordidement intéressé
et politiquement pusillanime que ses personnages les plus typiques. (...)
Daniel Lindenberg (extrait du Théâtre en France, Colin, Paris, 1989)
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LA CAGNOTTE MIS EN SCENE PAR JULIE BROCHEN
I – Entretien
Propos recueillis par Chantal Regairaz
Ma méthode est basée sur l’observation des riens.
Sherlok Holmes
Le TNS m’offre des perspectives nouvelles et va me permettre de poursuivre
un idéal de travail. Avec les Compagnons de jeu, il s’est forgé un esprit de
travail, d’amour du travail théâtral. Cet esprit, je le retrouve au TNS grâce à
la pluridisciplinarité du lieu. L’Ecole, les ateliers de construction, tout participe
à une articulation, une circulation des énergies. On peut passer des heures à
parler d’un accessoire, assister à la fabrication dans les ateliers. C’est le
prolongement idéal d’un processus d’élaboration qui est le nôtre depuis la
première heure.
Au départ, la création de la compagnie devait être l’occasion de faire La
Cagnotte et exclusivement La Cagnotte. Puis le parcours s’est fait et se
questionne tous les jours. Monter à nouveau La Cagnotte, avec les mêmes
acteurs, au TNS, c’est à la fois une célébration des 15 ans de compagnie et
une ouverture.
Ce qui me touche notamment dans la pièce, c’est le voyage des provinciaux à
Paris. Quand je suis arrivée à Paris, j’avais 15 ans et je me souviens avoir
regardé le costume des garçons de café, les brasseries parisiennes, avec un
regard déformant, comme au travers d’une loupe grossissante. On est dans
un univers de rêves enfantins dans des corps d’adultes. Si tout d’un coup ces
personnages-là cassent leurs coutures de vêtements, s’ils les éclatent, c’est
que leurs rêves à l’intérieur sont trop immenses. C’est l’odyssée de Monsieur
et Madame Tout le monde, pris dans des incompréhensions successives et
victimes d’un monde qui n’est pas le leur.
Il faut appréhender le théâtre de Labiche physiquement et avoir une capacité
à porter un regard étonné sur le monde. Quelque soit notre provenance, des
choses nous caractérisent et Labiche a là-dessus un regard très précis, au
scalpel. Il ne caricature pas. La caricature est dans la vie.
L’œuvre de Labiche, c’est une analyse féroce et très drôle de la France et du
caractère français. J’aime la façon dont il dépeint ce côté terre-à-terre et
mesquin. Je me reconnais dans cette petitesse-là, dans ces manies, dans ce
côté un peu provincial. Bien sûr, ça parle de la bourgeoisie – pas forcément
de la petite-bourgeoisie, de la bourgeoisie tout court – mais c’est surtout un
point de vue social et cynique sur notre caractère français ; c’est un portrait
acéré, comme ceux des cyniques grecs.
Flaubert disait : « Pour qu’une chose soit intéressante, il suffit de la regarder
longtemps. » Labiche, ce n’est pas un théâtre qui se joue vite. En tout cas, s’il
s’emballe, il faut tenir le cheval. C’est dans la rétention que c’est drôle. C’est
dans l’usure des nerfs qu’on arrive à atteindre un humour qui me ravit, me
réjouit. La province racontée par Labiche, c’est aussi de l’ennui à couper au
couteau. Ce n’est pas l’ennui tchekhovien, qui est lui très actif.
La défaite de Sedan a différé de 70 ans la promesse de la Révolution
française. Il a fallu attendre la 3ème République. Sous Napoléon III, c’est un
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régime de censure absolue, les grands travaux de Hausmann sont
l’expression du pouvoir dans la ville… Ce qui m’intéresse c’est la confrontation
de ce pouvoir contraignant avec la liberté, les rêves. Cette jubilation d’être
soi, y compris dans ses petitesses, mesquineries, manies. Si celles des
personnages sont si drôles, c’est parce qu’elles sont sans âge.
Le texte est incroyablement riche. C’est de la littérature, et poétique de
surcroît, qui m’évoque l’univers de Buster Keaton. Dans le premier acte, les
personnages sont à table en train de jouer aux cartes, et c’est tout. Et il faut
tenir ça. Le premier acte était justement le plus dur à trouver. On s’est
ensuite cassé les dents sur le dernier acte, tellement abstrait ! Puis, quand on
commence à entrevoir les rouages de la mécanique infernale contenue dans
le texte, on joue avec des rythmes qui sont aussi écrits. On se sent remontés
comme des mécaniques… quelque chose nous prend au corps.
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II – Croquis de la mise en place du décor
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III – Etapes de recherche sur les costumes
Seconde République et second empire (1848-1870)
Après des révolutions faites dans l'optimisme en 1848, réaction générale en Europe.
chez nous, les troubles de la IIème République sont peu favorables à des innovations
dans le costume, on observe en revanche sous le IIème Empire des mouvements en sens
contraire de la mode ; tandis que sous Louis-Philippe, on venait à la cour en pantalon,
Napoléon III rétablit l'obligation pour les invités de la culotte courte et des bas de soie, et
il crée pour les membres de sa « Maison » des costumes éclatants et multicolores;
cependant en dehors de la cour, le costume masculin continue à se simplifier.
L A SOCIÉTÉ. - Avec le développement industriel et celui de la population urbaine,
l'Empire est plus encore que la Monarchie de Juillet le règne de la bourgeoisie, d'une
bourgeoisie laborieuse et puritaine qui s'oppose à la « fête impériale », bien qu'elle doive
à l'Empire le cadre politique de sa prospérité, et que, pour le costume féminin, la cour
exerce son influence.
En revanche, la bourgeoisie qui avait vu surgir en dehors d'elle le monde des artistes,
tente d'annexer certaines élites de l'esprit La connaissance des styles est en sérieux
progrès, nous en verrons des exemples dans le costume féminin et on trouve dans tous
les appartements une salle à manger Henri II, un salon Louis XV, une chambre Louis XVI.
Le luxe se développe, avec le goût du confort, comme sous Louis XV.
COSTUME MASCULIN
Pour le LINGE, signalons que le faux-col est désormais ouvert devant et boutonné à la
chemise.
Le vêtement comporte toujours les 3 PIÈCES.
L'habit noir (avec souvent un col de velours) est désormais la tenue de soirée ou de
cérémonie; la redingote, longue et ajustée, se porte encore, mais deux nouveautés
apparaissent, la jaquette et le veston.
La jaquette a des pans arrondis, beaucoup plus courts qu'aujourd'hui.
Le veston, de teinte sombre, est d'abord croisé et ajusté, sorte de redingote à jupe
très courte; puis droit, à petits revers, et ajusté; enfin droit et ample.
Le gilet, de forme châle le plus souvent, se fait encore de couleur jusqu'en 1860, puis
il est assorti au veston ou à le jaquette.
Le pantalon, d'abord collant, connaît ensuite de nombreuses variations de largeur (à
pattes d'éléphant, à la hussarde,..). Les sous-pieds disparaissent en 1859.
L'étoffe est unie, rayée ou quadrillée.
Le manteau court sans manches, sorte de cape, est une nouveauté, mais on porte Ci
toujours des manteaux à pèlerine et de soi-disant burnous, sortes de pardessus à capuchon.
PARURE DE TÊTE. - Cheveux plus courts que sous le Romantisme, le collier de barbe fort
place aux favoris ou côtelettes; l'empereur porte l'impériale. La pointe de la moustache
se relève.
Le chapeau haut de forme en soie noire est le plus souvent porté; le chapeau melon,
minuscule et de couleur claire, apparaît vers la fin de l'Empire.
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COSTUME FÉMININ
Le LINGE comprend chemise, pantalon, fourreau assez long (il dépasse la robe chez les
fillettes en robe courte) et plusieurs jupons.
ETOFFES. - Les lourdes soieries dominent et l'emportent sur les velours. L'été on porte
jaconas, barège, brillantine, tulle. Beaucoup de dentelles (Chantilly noir ou blanc), de
rubans.
Les couleurs sont claires, peu éclatantes, avec prédominance des bleus, des verts et des
bruns.
Deux ROBES descendant jusqu'au sol se partagent la faveur : la robe à deux ou trois
jupes, la robe à multiples volants. La jupe de dessus, la plus courte, peut être garnie de
quilles, bandes verticales plus larges dans le bas et d'une autre couleur. Certaines jupes
unies s'ouvrent sur un soi-disant tablier.
Il apparaît vers 1851 un corsage taillé en veston masculin, ouvert sur un gilet blanc
boutonné jusqu'au col.
Quand la crinoline évolue en, la robe s'inspire de la polonaise.
A divers moments réapparaissent des manches anciennes : en pagodes, à crevés, à
bracelets, en sabots...
MANTEAUX. - Le shall de cachemire garde la vogue jusque vers 1865.
Le burnous justifie son nom que le burnous masculin : longs pans avec glands,
bas de manches. La rotonde est une pèlerine ouatée tombant jusqu'aux pieds.
Le mantelet s'orne d'un haut volant de dentelles ou d'effilés; avec la jupe à crinoline qui
le dépasse, il donne à la femme la silhouette d'un entonnoir renversé. Le pardessus est
ajusté, avec longues basques par derrière.
LES JAMBES sont gainées de bas de soie, les bottines sont en satin et à boutons (à
lacets pour les « eaux »).
Pour la COIFFURE, on peut distinguer 3 périodes : Jusqu'en 1860, sur des coiffures
tombantes, avec bandeaux et anglaises, on porte de grands chapeaux ou des capotes
enveloppant étroitement la tête et garnies d'un bavolet, ou encore la fanchon, rappelant
le mouchoir des paysannes noué sous le menton.
Après 1860, les coiffures hautes, haut chignon avec peignes voyants et boucles dans
le cou, se couvrent d'un chapeau rond : jusque vers 1865, puis d'un chapeau minuscule,
toque petit melon, chapeau bergère qui se plante sur le front en 1869.
ACCESSOIRES. - Selon la saison, le manchon ou l'ombrelle en chantilly noir à manche
articulé; l'éventail de dentelle; les mitaines; parfois une canne haute.
En résumé même variété et même fantaisie dans la forme du costume féminin que dans
les couleurs; ainsi s'accentue le contraste avec le sévère costume masculin, déjà notée
dans la période précédente, contraste en sens inverse de celui qui existe dans la nature,
puisque dans les espèces où s'observe un dimorphisme sexuel, les couleurs brillantes, les
crêtes, les crinières sont l'apanage du mâle.
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IV – La Cagnotte, un choc entre deux mondes
Résumé de la pièce
Acte premier : une soirée à La Ferté-sous-Jouarre, ou comment manger la
cagnotte ?
Nous sommes à La Ferté-sous-Jouarre dans le salon de M. Champbourcy, rentier qui
reçoit ses amis, comme à l'accoutumée, pour une partie de cartes : Colladan, riche
fermier, Cordenbois, pharmacien, Baucantin, percepteur, Félix Renaudier, jeune notaire.
Champbourcy vit avec sa sœur célibataire, Léonida, et Blanche, sa fille. Cette petite
société se réunit régulièrement, mais l'heure est pour chacun tout à fait solennelle ce
soir-là : il s'agit de compter la cagnotte amassée depuis un an et de se prononcer sur
l'usage de la somme réunie.
À travers les propos entrecroisés des personnages, qui se relaient à la table de jeu, nous
apprenons que Léonida a passé une petite annonce dans un journal pour trouver un
mari, que Colladan a un fils (Sylvain) étudiant à Grignon, que Félix est amoureux de
Blanche et s'apprête à demander sa main, tandis que le maître de maison a mal aux
dents.
Contrairement à ce qu'on pourrait attendre, ce n'est pas le mariage de Blanche qui fera
le sujet de l'intrigue (Champbourcy, occupé à compter, donne de l'espoir au prétendant),
mais bien le projet de dépenser la cagnotte. Léonida fait habilement triompher l'idée d'un
voyage à Paris. On vote : la « société » partira le lendemain matin, par le chemin de fer,
pour « le rendez-vous des arts, de l'industrie et des plaisirs », où chacun compte bien
réaliser sa petite idée.
Acte II : des provinciaux au restaurant. Une odyssée qui commence mal
En ce jour de mardi gras, où la capitale est particulièrement agitée, les citoyens de La
Ferté se retrouvent avec leurs paquets dans un restaurant (du boulevard Haussmann,
sans doute). Malgré l'assurance feinte de Champbourcy, ils sont totalement dépaysés :
ils ignorent tout des us et coutumes de la ville et, en particulier, de la manière de se
comporter au restaurant. Ils viennent d'être les témoins d'un vol à la tire, mais ils n'y
prêtent guère attention. Ils ont faim, et ils passent leur commande, non sans avoir
discuté point par point du menu et des prix.
En attendant de passer à table, Léonida s'ouvre à son frère de son projet de rendre visite
au directeur d’une agence matrinomiale, Cocarel, et, comme par hasard, Sylvain, le fils
de Colladan, qui a projeté de dîner là avec une grisette, tombe sur le groupe.
Et voici la première catastrophe : effarés par l'addition, qu'ils avaient mal évaluée, nos
provinciaux refusent de payer. Dispute, protestations, bruit. Et, pour comble d'infortune,
Champbourcy, en gesticulant, ouvre son parapluie, et il en tombe une montre. Le garçon
du restaurant, qui se méfiait déjà, emmène tout le monde au poste.
Acte III : où le groupe est pris pour une bande de voleurs et envoyé vers la
prison
La scène se déroule maintenant dans un bureau de police. Interrogé par M. Béchut,
secrétaire du commissaire, le groupe est de plus en plus suspect : les références qu'il
donne, les excuses qu'il allègue, les explications qu'il fournit ne servent qu'à augmenter
la confusion et les soupçons. Son compte est bon : en attendant d'emmener ce petit
monde au dépôt, on lui confisque tout ce qu'il a. Non seulement le langage même de
Champbourcy et de ses amis s'avère d'une inefficacité croissante, mais les voici
maintenant dépouillés de leurs objets et de leurs avoirs, réduits à leur dégaine (qui est
de plus en plus défaite), sans recours d'aucune sorte.
Tentent-ils de s'évader qu'ils aggravent encore leur situation en commençant à se salir
avec des plâtras. Béchut, cependant, semble intéressé par Léonida, mais il est trop tard :
20
la voiture de la police est là. Adieu Cocarel et cette bonne soirée que chacun se
promettait ?
Acte IV : une embellie qui tourne court
Voici les salons illuminés de Cocarel, directeur de l'agence matrimoniale où les voyageurs
de La Ferté se sont donné rendez-vous. Sylvain, arrivé le premier, est pris pour le
remplaçant d'un serveur, mais le malentendu est rapidement levé : c'est qu'il faut faire
place au coup de théâtre ménagé par Labiche. À peine Cordenbois, tout bombé et
sentant le détachant, est-il entré que les « prisonniers » arrivent à leur tour : ils ont
profité d'un encombrement causé par Carnaval pour fausser compagnie à leurs gardiens.
Cocarel essaie tant bien que mal de trouver qui il peut marier et avec qui. L'intrigue
semble bien être repartie dans la bonne humeur et à travers une cascade classique de
quiproquos. On s'empiffre, on parle dot, on tire des plans, et on finit par tomber sur le
partenaire qu'on attendait le moins. Mais, patatras, le dernier prétendant possible de
Léonida n'est autre que Béchut : un bref moment charmé, le policier reconnaît la bande.
Ce n'était qu'un répit : il faut, une fois encore, s'enfuir.
Acte V : au bord du gouffre, avant la bienveillante intervention du hasard
La scène, pour la première fois, est dans la rue. Le carnaval est fini, les masques sont
rangés, un fruitier et une épicière ouvrent leurs boutiques. Alentour, un de ces chantiers
dont le baron Haussmann a couvert Paris. C'est le début d'une nouvelle journée :
quelques fêtards attardés rentrent chez eux.
Soudain, délabrés, poussiéreux, écrasés de fatigue, surgissent les rescapés de la
cagnotte. ils ont dormi comme ils ont pu, Léonida dans une brouette, derrière la
palissade. Sans un sou, ils cherchent désespérément de nouvelles idées pour s'en sortir :
toutes échouent lamentablement, et la dégradation générale s'accélère encore. Il se met
à pleuvoir. Champbourcy tombe sur la devanture de l'épicier et casse un carreau ;
Sylvain, qui arrive fortement éméché, est jeté par son père sur un panier d'oeufs. Le
groupe ne sait littéralement plus où il en est et ce qu'il peut faire : il est en miettes, au
bord de la clochardisation.
Mais nous sommes dans une comédie, et Labiche avait gardé une carte dans sa manche
pour nous en faire souvenir : Félix, qui n'avait pas réussi à rejoindre le groupe, débarque
soudain, frais et dispos, et, ce qui vaut mieux encore, pourvu de son portefeuille. C'est
ainsi qu'il tire du guêpier où ils s'étaient mis son futur beau-père, sa fiancée et ses amis.
Tout est bien qui finit bien : le groupe peut rentrer à La Ferté-sousJouarre, chez lui.
Qu'est-il donc allé faire dans Paris, cette galère ?
Robert Abirached
La Cagnotte, Ed. Classiques Larousse
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V – Extraits de scènes de La Cagnotte
Personnages
Champbourcy, rentier
Colladan, riche fermier
Cordenbois, pharmacien
Sylvain, fils de Colladan
Félix Renaudier, jeune notaire
Baucantin, percepteur
Cocarel
Béchut
Léonida, sœur de Champbourcy
Blanche, fille de Champbourcy
Benjamin, garçon de café
Joseph, domestique de Cocarel
Tricoche, épicier
Madame Chalamel, fruitière
Deuxième garçon de café
Troisième garçon de café
Un gardien
Acte I, scène 4
Félix demande en mariage Blanche à son père Champbourcy occupé à compter sa
cagnotte.
CHAMPBOURCY, FÉLIX
FÉLIX, à part. Je tremble comme un enfant... Est-ce ridicule ! (Haut.) Monsieur
Champbourcy...
CHAMPBOURCY, comptant sans l'écouter. Douze, treize.
FÉLIX. L'émotion de ma voix et le trouble que j'éprouve...
CHAMPBOURCY. Allons ! bon!... vous me parlez... Je ne sais plus où j'en suis...
FÉLIX. Douze, treize.
CHAMPBOURCY. C'est ça... Quatorze, quinze.
FÉLIX. Doivent vous dire assez...
CHAMPBOURCY. Aidez-moi un peu... ça ira plus vite...
FÉLIX, passant à fa table, face à Champbourcy. Volontiers.
CHAMPBOURCY. Par piles de vingt. (Comptant.) Dix-sept, dix-huit.
FÉLIX. Monsieur Champbourcy... depuis quinze mois que j'ai le bonheur de connaître
mademoiselle Blanche...
CHAMPBOURCY. Comptez donc...
FÉLIX, prenant des sous et comptant. Trois, quatre, cinq... Je n'ai pu rester insensible...
CHAMPBOURCY. Un, deux...
FÉLIX. Six, sept... Aux charmes de sa personne...
CHAMPBOURCY. Trois, quatre.
FÉLIX. C'est ce qui fait... huit, neuf... que, aujourd'hui... Dix, onze...
CHAMFBOURCY. Sept, huit.
FÉLIX. J'ai l'honneur de vous demander... douze, treize, quatorze... la main de
mademoiselle votre fille.
CHAMPBOURCY. Tiens, un bouton ! ... Déjà deux que je trouve.
FÉLIX, à part. Il ne m'a pas entendu... (Haut.) J'ai l'honneur de vous demander la main
de mademoiselle votre fille...
CHAMPBOURCY. Attendez... Dix-huit, dix-neuf et vingt... une pile... Ça fait sept... sept
francs ! (Recommençant à compter.) Mon cher monsieur Renaudier... trois, quatre...
j'apprécie comme il le mérite, l'honneur que vous voulez bien me faire.
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FÉLIX. Ah ! monsieur !
CHAMPBOURCY. Où en étais-je ?
FÉLIX. Trois, quatre...
CHAMPBOURCY. Cinq, six... votre demande m'honore... sept, huit, neuf... je m'engage à
la prendre en sérieuse considération... Encore un bouton ! Qui diable a flanqué tout cela ?
Acte II, scène 3
Choisir le menu…
COLLADAN, au garçon. Monsieur, nous avons une cagnotte à manger... comme qui dirait
de l'argent trouvé, vous comprenez...
BENJAMIN, à part et soupçonneux. De l'argent trouvé !... Qu'est-ce que c'est que ces
gens-là ?...
CORDENBOIS. Maintenant, vous voilà au fait...
CHAMPBOURCY. Conseillez-nous...
BENJAMIN. Si ces messieurs désirent des côtelettes à la royale...
CHAMPBOURCY. Oh ! non ! pas de mouton
CORDENBOIS. Nous en mangeons tous les jours...
COLLADAN. Moi, j'en vends...
BENJAMIN. Alors nous avons des filets Chateaubriand.
CORDENBOIS. Oh ! pas de boeuf
CHAMPBOURCY. Tenez, nous allons vous dire tout-de-suite notre affaire... nous ne
voulons ni boeuf ni mouton, ni veau ni volaille.
COLLADAN. Ni pommes de terre, ni haricots, ni choux.
Acte II, scène 4
Les entreprises de Léonida
LÉONIDA. Lis cette lettre... que j'ai reçue hier à la Ferté-sous-Jouarre.
CHAMPBOURCY, ouvrant la lettre. Signé X... qu'est-ce que c'est que ça, X ?
LÉONIDA. C'est M. Cocarel... un intermédiaire obligeant...
CHAMPBOURCY. Ah !... le cornac !
LÉONIDA, blessée. Cornac !
CHAMPBOURCY, lisant. « Mademoiselle... venez vite !... j'ai votre affaire... un homme
dans une haute position, brun, gai, bien portant ; l'entrevue aura lieu demain soir à huit
heures. »
LÉONIDA. C'est aujourd'hui
CHAMPBOURCY, lisant. « Dans mes salons, rue Joubert, 55... Soyez exacte, et faitesvous accompagner d'un peu de famille... » (Parlé.) II faudrait lui écrire que nous sommes
à Paris.
LÉONIDA. C'est fait... Hier au soir, comme je ne pouvais dormir, je lui ai fait passer une
dépêche...
CHAMPBOURCY. Quarante sous !... tu vas bien, toi !
LÉONIDA. Théophile... puis-je compter sur ton bras pour m'accompagner ?
CHAMPBOURCY. Certainement... je ne suis pas fâché de voir ça... nous irons tous !
LÉONIDA. Comment ! M. Cordenbois et M. Colladan ?
CHAMPBOURCY. Nous ne leur dirons pas le motif... ça corsera la famille...
LÉONIDA, avec sentiment. Avant peu... il faudra nous séparer... (Elle l'embrasse.) Oh !
dis-moi que tu ne m'en veux pas !
CHAMPBOURCY.. Moi ? (Lui prenant la main.) au contraire chère enfant !... et, s'il faut te
le dire, ça me fait plaisir...
LÉONIDA. Comment ?
CHAMPBOURCY. Oui... parce que, depuis quelque temps... sans t'en apercevoir... tu
deviens aigre, quinteuses, rageuse, insupportable...
LÉONIDA. Par exemple !...
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CHAMPBOURCY. Du monde !... nous reprendrons cette conversation...
Acte II, scène 8
La découverte de l’addition
COLLADAN, toujours à table. Bon petit garçon ! ça ne se dérange pas... ça aime la terre.
CHAMPBOURCY. Onze heures !... ne perdons pas de temps ! Garçon, la carte !
BENJAMIN. Tout de suite, monsieur.
(Il sort.)
LÉONIDA. Nous allons d'abord nous débarrasser de nos commissions.
CORDENBOIS. Ensuite, je propose l'Arc de triomphe.
BENJAMIN, rentrant. L'addition demandée.
CHAMPBOURCY, prenant la carte. Voyons... total... Comment ! cent trente-sept francs
vingt-cinq centimes ?
TOUS, bondissant et se levant. Cent trente-sept francs !
CHAMPBOURCY, à Benjamin, qui apporte des bols et se tient debout derrière la table.
Qu'est-ce que c'est que ce plat-là ? Nous n'avons pas demandé ça !
BENJAMIN. Ce sont des bols... de l'eau de menthe !
COLLADAN, énergiquement. Nous n'en voulons pas !
CORDENBOIS. Remportez ça !
BENJAMIN. Mais ça ne se paye pas !
TOUS, exaspérés. Remportez ça !
CHAMPBOURCY. Cent trente-sept francs ! Vous vous êtes dit : « Ce sont des provinciaux,
il faut les plumer ! »
BENJAMIN. Mais, monsieur...
COLLADAN. Nous sommes aussi malins que toi, mon petit.
CORDENBOIS. D'ailleurs, les prix sont sur la carte.
CHAMPBOURCY. Donnez-moi la carte !
Acte III, scène 9
La tentative de fuite
CHAMPBOURCY. Flambés !
COLLADAN, poussant un cri. Ah !
TOUS. Quoi donc ?
COLLADAN. Ma pioche ! ils ont oublié ma pioche
TOUS. Eh bien ?
COLLADAN. Je fais un trou dans la muraille et nous filons par la maison voisine.
CHAMPBOURCY. Sublime (Colladan remonte vivement.)
LÉONIDA. J'aime mieux ça que la fenêtre.
CHAMPBOURCY. Allez ! dépêchez-vous
COLLADAN, lève la pioche et s'arrête. Oui, mais ils vont m'entendre cogner par là !
(Indiquant la droite.)
CHAMPBOURCY. C'est vrai !
LÉONIDA. Comment faire ?
COLLADAN. Chantez tant que vous pourrez... ça couvrira le bruit.
CHAMPBOURCY.. Comme dans Fualdès. (Aux femmes.) Allons !
BLANCHE. Mais quoi chanter ?
LÉONIDA. Mon grand air de Guillaume Tell !...
CHAMPBOURCY. Non ! ça ne fait pas assez de bruit... la chanson que j'ai composée pour
le banquet des pompiers... vous y êtes ? (À Colladan.) Tapez, vous !
(Colladan se met à frapper contre la muraille de droite pendant que les trois autres
chantent, groupés à gauche.)
CHAMPBOURCY, BLANCHE, LÉONIDA
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Air de Sologne
Chez nous est arrivé
Un Champenois crotté,
Il était si crotté
Qu'il en faisait pitié.
TOUS
Il secouait, secouait
Sa blouse, sa blouse
Il secouait, secouait
Sa blouse, tant qu'il pouvait.
(À la fin du couplet, plusieurs plâtras se détachent et tombent à terre.)
COLLADAN. Ah ! saperlotte ! qu'est-ce que nous allons faire de tout ça ?
CHAMPBOURCY. Dans nos poches... il y a de la place...
(Ils ramassent les débris et les mettent dans leurs poches.)
COLLADAN. Là !... maintenant continuons.
(Ils chantent.)
Et où le mettrons-nous ?
Dedans notre cellier.
BLANCHE, près de la porte, au fond, à gauche. Chut ! on ouvre la porte
CHAMPBOURCY. Ah ! sapristi ! et le trou, comment le cacher ?
COLLADAN. Nom d'un nom
CHAMPBOURCY. Ah ! Léonida ! plaque-toi-là !
(Il la pousse contre le mur, devant le trou.)
COLLADAN. Juste la mesure !
CHAMPBOURCY. Ne bouge pas.
Acte V, scène 4
Quand on n’a pas d’argent, on ne consomme pas
COLLADAN, seul. Je ne l'ai pas dit aux autres... il me reste une brioche.
(Il la tire de sa poche et la mange.)
CHAMPBOURCY, entrant du fond gauche et se querellant avec un garçon de café qui le
suit. A la Ferté-sous-Jouarre, c'est cinq sous !
LE GARÇON. À Paris, c'est huit sous
COLLADAN. Qu'est-ce qu'il y a ?
CHAMPBOURCY. Pour écrire, ils m'ont forcé à prendre quelque chose... j'ai demandé un
verre d'eau sucrée... c'est cinq sous...
LE GARÇON. Huit sous !
COLLADAN, bas, à Champbourcy. Allons, payez-le ...
CHAMPBOURCY, bas. Impossible ! j'ai acheté un timbre !
COLLADAN. Ah, bigre !
CHAMPBOURCY, au garçon. Voulez-vous six sous ?
COLLADAN, à part. Notre tout !
LE GARÇON. Quand on n'a pas d'argent, on ne consomme pas !
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LA CAGNOTTE : LECTURE DE JEAN JOURDHEUIL (1971)
A PROPOS DE LA MISE EN SCENE DE JEAN-PIERRE VINCENT
I – Dramaturgie d’Eugène Labiche
A propos de La Cagnotte, d’après Labiche
(première version)
I. La cruauté de Labiche
Labiche est généralement considéré comme un auteur tout à la fois gai et cruel. A nos
yeux la conjonction de ces deux qualificatifs ne va pas de soi.
Nous savons ce qu'il faut penser de la gaieté de Labiche (« Pour faire une pièce, il faut
avoir un bon estomac. La gaieté est dans l'estomac. ») : elle est fondamentalement
culinaire. Et nous ne craignons pas de nous poser quelques questions au sujet de sa
cruauté. La plupart des hommes de théâtre l'ayant acceptée comme une évidence, nous
avons été conduits à la considérer comme tout à fait problématique. Sans doute parce
que les vertus de l'évidence nous semblent de nature à engendrer et à entretenir les
méprises (c'est-à-dire l'ignorance) les plus durables.
Les admirateurs de Labiche, lorsqu'ils ont fini de rire, lorsqu'ils sortent de table, si par un
hasard imprévu ils sont conduits à s'interroger sur la signification de cette gaieté et de
cette cruauté présumée, ne peuvent que s'abandonner, au moins temporairement, à une
sorte de délectation morose sur les difficultés de vivre, sur leurs propres difficultés de
vivre, sur ce qu'ils imaginent être leur destin : ils digèrent mal. Ils n'ont pas, comme
Labiche, la faculté de s'en sortir par un mot d'esprit qui tout à la fois révélerait et
dissimulerait les motifs de leur malaise. Réduits à ne plus être que de pâles commisvoyageurs de l'esprit français ils s'en vont répétant les bons mots de leur auteur favori.
Il est clair que le « théâtre cruel » d'Eugène Labiche n'a rien à voir avec le « théâtre de la
cruauté » d'Antonin Artaud, sauf à considérer l'entreprise d'Artaud connue la critique
radicale de l'entreprise de Labiche.
Il. Labiche et Daumier
Les hommes de théâtre ont l'habitude d'aller chercher dans les caricatures de Daumier
de quoi figurer les personnages de Labiche. Il ne fait pas de doute que l'on trouve dans
les caricatures de Daumier des attitudes notées en trois coups de crayon qui semblent
prises sur le vif et qui sont quelquefois révélatrices de comportements publics ou privés
en ce qu'ils sont gouvernés par une idéologie massivement petite-bourgeoise. Mais ces
hommes de théâtre, dans la mesure où ils n'ont pas les idées très claires sur ce qui
distingue un personnage de théâtre d'une caricature (au-delà de l'analogie les
différences), tout entiers tendus vers la composition de personnages de théâtre qui
ressemblent aux personnages de Daumier, ne parviennent qu'à camper des silhouettes,
bloquant ainsi toute possibilité de jeu d'acteur au sens de développement d'une
gestuelle. Remarquons enfin que, par un effet en retour de l'idéologie qui gouverne leur
pratique, ces hommes de théâtre sont tout naturellement conduits à porter à l'actif de
Labiche ce qu'ils vont chercher dans les caricatures de Daumier : l'observation de
certains comportements sociaux.
III. Le mot et le rythme
Labiche appartient à cette catégorie d'écrivains de théâtre qui, dans la mesure où ils
éprouvent des difficultés à imaginer concrètement la gestuelle et la mimique de leurs
personnages, le comportement de leurs personnages en ce qu'il serait donné à voir,
concentrent et renferment dans le mot parlé toutes leurs propositions de jeu théâtral.
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Dans leurs pièces le mot parlé contient à l'état de sous-entendu ce que la vision d'un
comportement, là où il serait analysé et reproduit, pourrait nous découvrir de manière
directe. Les dialogues s'en trouvent inévitablement alourdis et finissent par manquer de
naturel. Pour compenser cette lourdeur qu'ils se refusent à reconnaître mais dont ils
s'attachent à pallier les inconvénients, la plupart des hommes de théâtre, lorsqu'ils ont à
mettre en scène une pièce de Labiche, obéissent à des exigences de rythme et en
viennent, inévitablement, à considérer le rythme comme l'essence même du théâtre.
IV. Texte, action, caractères
Le théâtre de Labiche, nous avons fini par nous en rendre compte, est un théâtre de
texte. Là où les personnages auraient pu s'affronter réellement, ils offrent seulement le
spectacle d'une innocente joute verbale. Les situations, souvent factices, tiennent tout
entières dans les quiproquos qui leur ont donné naissance. Et nous ne serions pas très
avancés si nous nous hasardions à parler de situations de langage! L'extrême agitation
des personnages de Labiche dissimule, au moins autant qu'elle révèle, le fait que dans ce
théâtre-là il ne se passe rien. Précisément parce que tout est dit. Là où nous croyions
découvrir un comique de situations, nous ne trouvons, tout bien considéré, qu'un
comique de caractères.
V. La théâtralité
Pour monter et adapter La Cagnotte, nous avons jugé nécessaire d'opérer d'emblée un
retournement. Nous avons fait passer au premier plan la recherche d'un style de jeu, la
production d'une gestuelle susceptible de rendre compte, de façon explicite, claire, non
travestie par le système théâtral de Labiche, des comportements petits-bourgeois des
personnages que nous avons à traiter. Ceci nous a conduits, par contrecoup, à conférer
au texte de Labiche, par rapport au jeu, une fonction de redoublement propre à signifier
l'aspect théâtral du comportement des petits-bourgeois, cette façon qu'ils ont d'en
remettre, de se donner à eux-mêmes le spectacle de leurs hauts faits qui toujours foirent
lamentablement, cette façon qu'ils ont de s'illusionner sur leur propre conduite. Bref, ce
spectacle vaut, à certains égards, comme une réflexion sur la théâtralité de la petite
bourgeoisie.
Mars 1971
27
II – Labiche et la théâtralité de la petite bourgeoisie
Dès les premières lectures de « la Cagnotte », nous avons remarqué que la dramaturgie
de Labiche réservait aux petits-bourgeois un traitement de faveur en leur assignant une
position centrale et reléguait à l'arrière-plan les autres personnages comme pour éviter
qu'ils ne sortent de leur fonction de faire-valoir. De ce fait, le Paris en constructiondémolition du baron Haussmann perdait toute réalité jusqu'à devenir un décor et la pièce
se refermait sur l'univers dérisoire des petits bourgeois en proie à leurs tourments. Il en
va des pièces de Labiche comme des films de Laurel et Hardy, le monde extérieur y est
irréalisé, les personnages secondaires y jouent le rôle de comparses, le comportement
(comique) qui consiste à exorciser l'indifférence hostile du monde extérieur et à chercher
le réconfort dans des rapports quasi familiaux (avec toutes les scènes de ménage que
cela implique) y est présenté comme relevant d'un trait de caractère. L'intention critique,
si tant est qu'il y en ait eu une, ne peut que tourner court.
Loin d'instruire le procès de la petite-bourgeoisie du Second Empire, Labiche, semblable
en cela aux grands bourgeois de son époque, se refuse à prendre le recul qui lui
permettrait de dépasser l'idée primaire selon laquelle les petits-bourgeois seraient
irrémédiablement bêtes.
Notre travail sur « la Cagnotte » a donc consisté à opérer à la représentation et sur le
texte certains décentrements. Cependant nous n'avons pas confronté les personnages de
Labiche à une vision réaliste du Paris de cette époque, nous n'avons pas installé sur le
plateau un décor tel que la ville de Paris soit à la représentation matériellement présente;
il ne fait pas de doute à nos yeux que, si nous l'avions fait, la dramaturgie de Labiche se
serait écroulée comme un château de cartes. Nous avons au contraire développé la vision
irréaliste que Labiche avait de Paris jusqu'à la rendre non naturelle et lui conférer le
statut d'une représentation allégorique qui en dit plus sur la conception que les petitsbourgeois se font de la capitale de la France que sur la ville de Paris telle qu'elle était.
Ceci étant nous avons pu nous attacher à représenter le comportement des petitsbourgeois entre eux, leur attitude à l'égard du monde extérieur, cette attitude qui est
cause justement qu'ils se referment sur eux-mêmes dans un mouvement de dénégation
du monde extérieur, cette façon qu'ils ont de se donner en spectacle comme s'ils avaient
déjà surmonté toutes les difficultés qui se trouvent sur leur chemin, cette façon qu'ils ont
de transformer leurs querelles domestiques en affaires d'Etat et qui les conduit à
considérer les affaires d'État comme leurs propres affaires domestiques, bref tout ce qui
en fit les plus serviles soutiens du césarisme de Napoléon III.
Avril 1971
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III – Dessins et photos de la mise en scène de JeanPierre Vincent
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Les Compagnons de Jeu
Julie Brochen - Mise en scène
Comédienne et metteur en scène, Julie Brochen dirige le Théâtre National de Strasbourg et son École
supérieure d’art dramatique depuis le 1er juillet 2008, après avoir dirigé le Théâtre de l'Aquarium de janvier
2002 à juillet 2008.
Julie Brochen a fondé sa compagnie Les Compagnons de Jeu en 1993 après trois années de formation au
Conservatoire National Supérieur d'Art Dramatique de Paris où elle fut élève de Madeleine Marion, Stuart
Seide et Piotr Fomenko. Parallèlement, elle suit, de 1990 à 1994, le cours de maîtrise du Théâtre de Moscou
sur le théâtre de Tchekhov dirigé par Anastasia Vertinskaia et Alexandre Kaliaguine au Théâtre des
Amandiers de Nanterre.
Comédienne de formation, elle débute dès 1988 avec Le Faiseur de théâtre de Thomas Bernhard mis en
scène par Jean-Pierre Vincent puis elle poursuit avec Faust de Fernando Pessoa mis en scène par Aurélien
Recoing ; Comment faire vivre le dit de Stuart Seide ; Tchekhov acte III (Oncle Vania, Les Trois sœurs et La
Cerisaie) d’Anton Pavlovitch Tchekhov mis en scène par Alexandre Kaliaguine et Anastasia Vertinskaia ;
Trézène mélodies, fragments chantés de Phèdre de Racine mis en scène par Cécile Garcia-Fogel ; Hortense
a dit : «Je m’en fous » de Georges Feydeau mis en scène par Pierre Diot ; La Rue du château mis en scène
par Michel Didym d’après les conférences des surréalistes sur la sexualité ; Le Régisseur de la chrétienté de
Sebastien Barry mis en scène par Stuart Seide ; Chapitre un avec Mathilde Monnier ; L’Échange de Paul
Claudel mis en scène par Jean-Pierre Vincent.
Elle signe sa première mise en scène, en 1994, La Cagnotte d’Eugène Labiche et Alfred Delacour présentée
au Théâtre de la Tempête à Paris puis Penthésilée d’Heinrich von Kleist jouée au Quartz à Brest et au
Théâtre de la Bastille. En 1998, elle met en scène Naissances nouveaux mondes, courtes pièces de Rodrigo
Garcia et Roland Fichet (Théâtre de Nîmes), Le Décaméron des femmes de Julia Voznesenskaya au Petit
Odéon. En 2000 aux côtés d’Hanna Shygulla, elle signe la mise en scène de Brecht, Ici et maintenant (Cité
de la musique à Paris) et Chronos kaïros (Trier, Allemagne). En 2001, elle monte son premier opéra Die
Lustigen nibelungen d’Oscar Straus au Théâtre de Caen.
En 2002, elle participe à la mise en scène de Père de Strindberg au côté de François Marthouret (Théâtre du
Gymnase à Marseille). La même année, elle signe la mise en scène de La Petite renarde rusée, opéra de
Léos Janaceck créé au Festival d’Aix-en-Provence. Pour l’Auditorium du Louvre à Paris, elle a mis en scène
Des passions sur des textes de Cratès, Diogène, Aristote, Ovide, Clément Rosset…, avec Emilie Valantin et
Jean Sclavis.
Après avoir travaillé quatre années durant sur le théâtre de Tchekhov, elle monte, en 2003, Oncle Vania
puis Le Cadavre vivant de Tolstoï en diptyque au Théâtre de l’Aquarium, deux spectacles dans le cadre du
Festival d’Automne à Paris.
En 2005, elle reprend le rôle d’Eléna dans Oncle Vania de Tchekhov au Théâtre de l’Aquarium. La même
année, elle crée Je ris de me voir si belle ou Solos au pluriel de Charles Gounod et Franck Krawczyk puis
Hanjo de Yukio Mishima joué au Théâtre de l’Aquarium dans le cadre du Festival d’Automne à Paris, et pour
lequel elle reçoit le Molière de la compagnie 2006.
En 2006, elle crée au festival d’art lyrique d’Aix-en-Provence L'Histoire vraie de la Périchole, d’après La
Périchole de Jacques Offenbach sous la direction musicale de Françoise Rondeleux et Vincent Leterme, repris
au Théâtre de l’Aquarium puis en tournée.
En 2007, elle crée L’Échange de Paul Claudel pour le Festival d’Avignon (au Cloître des Célestins). Le
spectacle tourne en France et en Suisse durant toute la saison 2007-2008.
Dans le cadre du Festival d’Automne à Paris de 2007 et à l’initiative de l’association artistique de l’ADAMI et
de l’opération Talents Cannes, elle crée Variations / Jean-Luc Lagarce - Paroles d'acteurs au Théâtre de
l'Aquarium, qu’elle reprend exceptionnellement au TNS en décembre 2008.
En novembre 2008, elle crée Le Voyage de Monsieur Perrichon au Théâtre du Vieux Colombier/ComédieFrançaise.
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Au cinéma, Julie Brochen a joué dans 24 mesures de Jalil Lespert, Le Leurre (C.M.) de Paul Vecchiali, Les
Yeux ouverts (C.M.) de J. Abecassis, La Vie parisienne (C.M.) d’Hélène Angèle, Comme neige au soleil et Le
Secret de Lucie de Louise Thermes, La Fidélité d’Andrzej Zulawski et Demon lover d’Olivier Assayas. À la
télévision, elle a joué dans La Tendresse de l’araignée et L'Impure de Paul Vecchiali, Jeanne, Marie et les
autres de Jacques Renard et La Voix de son maître de Luc Béraud.
Directrice et responsable pédagogique de l’Ecole du TNS, elle y dirige des ateliers de jeu auprès des deux
groupes actuellement en formation.
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Journée d'études sur le théâtre de Labiche
mercredi 8 avril 2009
Il s’agit, pour les artistes ou universitaires (département des Arts du spectacle), de
réfléchir à l’actualité du théâtre de Labiche, du point de vue de la dramaturgie, du jeu et
de la mise en scène. Les interventions prendront la forme d’entretien, de table ronde, de
communications et d’échanges avec le public
PROGRAMME
Mardi 7 avril, 20h
TNS-Hall Kablé (18 rue Jacques Kablé)
Représentation de La Cagnotte de Labiche dans la mise en scène de Julie Brochen,
Mercredi 8 avril, matinée
Université de Strasbourg, amphi de la MISHA
(allée du Général Rouvillois, en face de la Station tram Observatoire)
• 9 h 00 : Accueil
Modération d’Olivier NEVEUX (Université de Strasbourg)
• 9 h 30 : Armelle TALBOT (Université de Poitiers),
« Le vaudeville : figures imposées, figures libres »
• 10 h 00 : Présentation du Voyage de Monsieur Perrichon de Labiche par Geneviève
JOLLY (Université de Strasbourg) et projection d'extraits de la mise en scène de Julie
BROCHEN
• 10 h 30 : discussion et pause
Modération de Christophe TRIAU (Université Paris VII)
• 11 h 00 : Charlotte BOMY (Université de Strasbourg),
« Elfriede Jelinek, traductrice d'Eugène Labiche »
• 11 h 30: Geneviève JOLLY (Université de Strasbourg),
« Les avatars de l'argent dans La Cagnotte »
• 12 h 00 : discussion et pause
12 h 30-14 h 00 : déjeuner
Mercredi 8 avril, après-midi
Théâtre National de Strasbourg, salle Bernard-Marie Koltès
(1 avenue de la Marseillaise)
Modération d’Olivier NEVEUX (Université de Strasbourg)
• 14 h 00 : Marie-Aude HEMMERLÉ (Université de Strasbourg),
« L'Affaire de la rue de Lourcine mise en scène par Patrice Chéreau (1966)»
• 14 h 30 : Christophe TRIAU (Université Paris VII),
« L'Affaire de la rue de Lourcine mise en scène par Klaus Michael Grüber (1988) »
• 15 h 00 : discussion
•
15 h 30 : Table ronde sur les « raisons ou enjeux de mettre en scène Labiche », avec
Julie BROCHEN, Daniel JEANNETEAU et/ou Marie-Christine SOMA, Jean JOURDHEUIL,
modération de Chantal REGAIRAZ
Coordination :
Sandra Hummel/TNS – [email protected] et Andrée Pascaud/TNS – [email protected]
Geneviève Jolly/Université de Strasbourg – [email protected]
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