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L'OMC et les pays en développement
30/08/11
Les pays en développement représentent aujourd'hui 80% de la population mondiale pour seulement 20% du
revenu mondial, mais leur poids dans l'économie globale ne cesse de croître. Perçus comme des marchés
potentiels ou de futurs concurrents, ces pays revendiquent dès à présent un rôle plus important au sein des
institutions internationales. Philippe Vincent vient de publier un livre (1) qui retrace d'une part, l'évolution du
statut de ces pays depuis le début du GATT jusqu'à la naissance de l'OMC, d'autre part, leur statut actuel au
sein de l'Organisation mondiale du commerce.
Institution internationale née en 1994 dans le
prolongement de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce plus connu sous son acronyme
anglais, GATT, l'Organisation mondiale du commerce (OMC) est avant tout un forum de négociations comme
l'était le GATT avant elle. Voulue après la chute du mur de Berlin en 1989, l'OMC se caractérise «par un
retour au libéralisme pur et dur», souligne Philippe Vincent, chargé de cours adjoint à la Faculté de droit
de l'université de Liège. «Avec quelques poches de protectionnisme comme l'agriculture ou, jusqu'il y a
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quelques années, le textile». C'est dans ce contexte libéral, qui n'est remis en question que par une poignée
d'altermondialistes, que se développe depuis les années 1990 le commerce mondial. Un commerce qui a
vu, ces vingt dernières années, l'émergence de nouvelles puissances économiques comme la Chine, l'Inde ou
le Brésil. Mais à côté de ces pays émergents, d'autres demeurent, voire s'enfoncent davantage chaque jour,
dans la pauvreté. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et la mise en place du GATT, la situation tant
politique qu'économique n'a cessé d'évoluer et a connu de nombreux bouleversements, de la décolonisation
à la fin de l'URSS. La première partie de l'ouvrage de Philippe Vincent est ainsi consacrée à l'évolution du
traitement des pays en développement sur la scène commerciale du GATT à l'OMC, soit de 1947 à 1994.
La seconde partie revient sur la situation actuelle et aborde le statut des pays en développement au sein de
l'Organisation mondiale du commerce. Avant de poursuivre plus avant, il convient d'abord d'essayer de définir
ces pays en développement. Un exercice d'autant plus difficile qu'il n'existe «aucune définition généralement
admise de la notion de 'pays en développement'», rappelle Philippe Vincent. «Il n'est plus possible de parler
de ces pays comme d'un bloc homogène. Il existe en effet peu de points communs entre le Burkina Faso,
l'Arabie saoudite ou le Brésil.»
Quels pays en développement ?
Afin de clarifier la notion à défaut de fournir une définition précise qui n'existe pas et qui, de toute manière, ne
conviendra pas à l'hétérogénéité de ces pays, l'auteur opère une distinction entre (au moins) trois catégories
de pays en développement. «La première regrouperait les 'nouveaux pays industrialisés' (NPI). Le terme fut
forgé en 1979 par l'OCDE. Il désigne les pays en développement connaissant une croissance rapide du niveau
absolu d'emploi dans le secteur industriel, une part des exportations de produits industriels dépassant 25%
des exportations totales et une diminution rapide de l'écart existant entre leur revenu réel par habitant et
celui des pays industriels avancés.» On retrouve en 1979 des pays comme le Brésil, le Mexique, la Corée
du Sud, Hong Kong, Singapour, etc. D'autres pays ont rejoints ou sont susceptibles de rejoindre ce groupe
comme l'Indonésie, la Malaisie et bien sûr la Chine et l'Inde. Pointons que certains pays n'aiment pas cette
dénomination de NPI car ils risquent de perdre des avantages liés à leur statut de pays en développement.
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La deuxième catégorie qui se
situe «à l'autre bout de l'échelle, reprendrait les 'pays les moins avancés' (PMA), les plus pauvres des pays
en développement. Ceux-ci sont définis depuis 1971 par le Comité de la planification du développement
de l'Organisation des Nation unies comme les pays connaissant un produit intérieur brut bas, un retard
dans le développement humain et une vulnérabilité économique en raison du manque de diversification de
la production et des exportations». En 2010, 50 pays, parmi lesquels on note une majorité de pays africains,
entraient dans cette catégorie. Ils n'étaient que 25 en 1971. Ces pays représentent moins de 0,5% du
commerce mondial. «Une troisième catégorie reprendrait (en vrac) tous les autres pays en développement.
Loin d'être homogène, elle regrouperait des pays aussi différents que le Koweït (29e au classement IDH), le Sri
Lanka (104e), le Pakistan (139e) et la Côte d'Ivoire (166e sur 179, et pourtant non considérée comme PMA).»
Dans cette catégorie, on compte, par exemple, des pays exportateurs d'un monoproduit non renouvelable,
comme le pétrole, qui risquent, une fois les réserves épuisées, de basculer dans les PMA. Last but not least,
penchons-nous sur la définition retenue par le GATT et l'OMC. «Le GATT a toujours eu une approche assez
pragmatique du problème de la définition des pays en développement. Ceux-ci étaient définis comme les
parties contractantes 'dont l'économie ne peut assurer à la population qu'un faible niveau de vie et qui n'en
sont qu'au premier stade du développement économique'», note l'auteur. Avec le Système généralisé des
préférences (SGP), le GATT a ensuite opté pour le système de l'auto-élection : «Chaque membre détermine
lui-même s'il se considère comme 'développé' ou en 'développement'. Les autres membres peuvent cependant
lui refuser le statut de 'pays en développement', notamment dans le cadre de l'application du SGP».
Des origines du GATT à la naissance de l'OMC
Dès l'entame de l'ouvrage, Philippe Vincent explique sa démarche : «L'OMC constitue à l'heure actuelle le
principal instrument de régulation des échanges internationaux. L'étude du statut qui y réservé aux pays
du Sud est par conséquent un bon baromètre de l'attention accordée par les différents gouvernements aux
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problèmes spécifiques rencontrés par ces pays sur la scène commerciale internationale». Le traitement des
pays en développement et son évolution au sein du GATT et l'OMC est un sujet politique et économique que
l'auteur analyse sur le plan juridique en mettant, par exemple, l'accent sur la continuité entre les principes
fondamentaux de l'Accord général de 1947 qui a prévalu à la naissance du GATT et les principes consacrés
par les différents accords annexés à l'accord instituant l'OMC. A l'instar de nombreuses institutions et
organisations internationales toujours en activité aujourd'hui, le GATT est issu de la Seconde Guerre mondiale.
Les gouvernements américains et européens étaient conscients que les mesures protectionnistes édictées
durant la crise des années 1930 avaient au final davantage aggravé qu'amélioré la situation économique.
Une aggravation qui avait été une des causes de la guerre. C'est dans ce contexte qu'est donc négocié cet
Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce dont l'objectif visait à la libéralisation des échanges
internationaux. Une libéralisation qui devait se réaliser progressivement via les trois principes fondamentaux
du GATT qui en constituent toujours la colonne vertébrale : la libéralisation des échanges internationaux de
marchandises par l'interdiction des restrictions quantitatives et la consolidation des tarifs douaniers ; la non-
discrimination ; la réciprocité. En ce qui concerne la libéralisation des échanges, quelques exceptions ont
été prévues à l'interdiction des restrictions quantitatives, notamment pour l'agriculture qui constitue toujours
aujourd'hui un point de friction entre les pays en développement et les pays développés au sein de l'OMC. Les
premiers reprochant aux seconds de protéger leur agriculture en la subventionnant, ce qui permet d'ailleurs
à ces derniers d'exporter des produits agricoles à des prix compétitifs mais artificiels dans les pays en
développement. Cette exception est un bel exemple d'entorse à la philosophie libérale qui est de mise à
l'Organisation mondiale du commerce.
Libéralisation internationale des échanges
Dès les premières années du GATT, des exceptions ont également été prévues pour les pays en
développement dont l'économie n'était pas au niveau de celles des pays développés. En d'autres termes, il
s'agissait de ne pas appliquer des règles égales à des marchés qui n'étaient pas égaux. Comme le déclara
le représentant de l'Inde en 1954 à la IXe session des parties contractantes du GATT, «equality of treatment
is only equitable among equals». L'évolution du statut des pays en développement au sein du GATT s'est
déroulée durant les années 1950 et 1960 sur fond de décolonisation. Nombre de nouveaux Etats étaient
d'anciennes colonies, et les métropoles, essentiellement européennes, ont été davantage sensibles à accorder
à ces pays un traitement favorisé. A la différence des Etats-Unis qui ont toujours prôné haut et fort le libre-
échange sans frontières. Au fil des années, un traitement différencié s'est donc institué avec les pays en
développement. Mais comme l'explique Philippe Vincent, au final, «la dualité des normes applicables aux pays
en développement s'était révélée insatisfaisante pour toutes les parties. Les pays du Nord reprochaient à leurs
partenaires du Sud de se comporter en 'free riders', bénéficiant des dispositions les plus favorables du système
commercial international sans faire eux-mêmes de concessions ni ouvrir leurs marchés à la concurrence
internationale. Les pays en développement, quant à eux, critiquaient les politiques protectionnistes des pays
développés, notamment dans les secteurs textiles et agricoles. Elles les empêchaient d'occuper les parts
de marché auxquelles ils auraient légitimement pu prétendre dans le cadre d'une application stricte du libre-
échange». La situation va évoluer au début des années 1980 avec l'arrivée au pouvoir de gouvernements
conservateurs aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne qui vont faire souffler un vent néo-libéral sur leurs pays et
les institutions internationales. Sur fond de crise économique. En 1989, la chute du mur de Berlin allait ouvrir un
boulevard au «libéralisme pur et dur». Et le nombre de pays en développement qui continuent à appliquer des
politiques commerciales restrictives ne cesse de diminuer. «La signature des accords de Marrakech clôturant
les négociations de l'Uruguay Round allait marquer le point d'orgue de la libéralisation internationale des
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échanges. Même la crise financière de 2008 n'a guère modifié les choses, ni porté atteinte à l'image de l'OMC»,
conclut Philippe Vincent.
(1) Philippe Vincent, L'OMC et les pays en développement, Larcier, Bruxelles, 2010, 400 pages.
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