Nodule et cancer thyroïdien (241b)

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Corpus Médical – Faculté de Médecine de Grenoble
Nodule et cancer thyroïdien (241b)
Collège des enseignants d’Endocrinologie-Nutrition-Métabolisme, Professeur Olivier
CHABRE
Février 2005
Pré-Requis :
•
•
Physiologie thyroidienne
Séméiologie thyroidienne
Résumé :
Le nodule thyroidien est une pathologie fréquente, souvent associée à un
goitre dit " multinodulaire ". Il pose la question du nodule toxique, qui
est toujours associé à une TSH basse, et du cancer thyroidien, qui
justifie la pratique systématique d'une cytoponction à l'aiguille fine.
Les cancers thyroidiens différenciés, papillaires ou vésiculaires sont
sensibles à la TSH, sécrètent de la thyroglobuline, et leurs métastases souvent la
capacité de capter l'iode, toutes ces propriétés étant
utilisées dans le suivi et le traitement de ces cancers après chirurgie.
Les cancers différenciés ont généralement une évolution lente et un bon
pronostic. Par contre le cancer indifférencié ou anaplasique a une
évolution très rapide et un très mauvais pronostic. Le cancer médullaire
de la thyroide est une forme rare caractérisée par sa sécrétion de
calcitonine et son caractère familial dans 1/3 des cas.
Mots-clés :
Thyroglobuline, cytoponction, cancer papillaire, cancer vésiculaire, cancer médullaire,
iode 131.
Références :
•
Endocrinologie, Philippe CHANSON, Jacques YOUNG. DOIN InterMed.
Liens :
•
Site de l’Endocrinologie Diabétologie Maladies métaboliques (portail réservé aux
professionnels de santé et accessible aux étudiants en médecine) : http://www.sfendocrino.net
Exercices :
1. Les nodules thyroïdiens
1.1. Définition
C'est une notion clinique : tuméfaction cervicale inférieure mobile à la déglutition avec le
reste du corps thyroïde.
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Document : classification OMS des tumeurs de la thyroïde 1988
(Tous droits réservés)
1.2. Epidémiologie, position du problème
Très grande fréquence : nodules cliniques palpables dans 4 à 5 % de la population générale,
nodules infra cliniques mis en évidence à l'échographie dans plus de 50 % de la population de
60 ans. La fréquence des nodules augmente avec l'âge, les femmes sont plus touchées que les
hommes.
La découverte d'un nodule thyroïdien pose la question du cancer thyroïdien, sachant
qu'actuellement seuls 5 à 10 % des nodules opérés sont des cancers, la proportion étant
beaucoup plus faible pour les nodules échographiques.
La deuxième question est celle du nodule toxique.
1.3. Ainsi, la découverte clinique d'un nodule entraîne la
recherche d'arguments en faveur de la malignité
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1.3.1. Par l'interrogatoire et l'examen
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•
Terrain : jeune âge ou à l'opposé patients de plus de 60 ans avec un nodule isolé.
ATCD personnels d'irradiation du cou, actuellement traitement du Hodgkin, des
cancers ORL.
ATCD familiaux de cancers thyroïdiens qui font évoquer le carcinome médullaire et
le syndrome de Sipple ou NEM2 (association cancer médullaire de la thyroïde,
phéochromocytome, hyperparathyroïdie) mais il existe aussi des familles de cancer
papillaires et de cancers oxyphiles.
Signes cliniques locaux : nodule de plus de 3 cm, dur, douloureux, adhérent aux
structures de voisinage, présence d'adénopathies cervicales, signes de compression ou
d'irritation locale.
Signes cliniques généraux qui font rechercher un cancer médullaire : diarrhée
motrice, flush.
Cependant dans la plupart des cas de cancers thyroidiens tous ces signes sont absents,
l’examen clinique ne permet pas d’éliminer un cancer thyroidien.
1.3.2. Par les examens complémentaires
•
Le dosage de la TSH permet de repérer les nodules toxiques ou prétoxiques (TSH
basse : nodule probablement chaud à vérifier en scintigraphie d'emblée, ce caractère
fonctionnel avec extinction du parenchyme adjacent n'étant qu'exceptionnellement
associé à un cancer). Dans les cancers thyroidiens la TSH est généralement normale.
•
Le dosage de la calcitonine marqueur du cancer médullaire à demander en cas de
symptôme et pour certains au moins 1 fois devant tout nodule. La place de cette
exploration n’est pas encore consensuelle : son grand interêt est qu’elle permet le
diagnostic de tous les cancers médullaires, l’inconvénient est le très faible « rentabilité
» de l’examen (cancer médullaire très rare) et la difficulté d’interprétation des taux
faibles de calcitonine (diagnostic différentiel difficile entre microcarcinome
médullaire et simple hyperplasie des cellules C).
•
Echographie :
o un cancer est plus volontiers mal limité, hypoéchogène siège de petites
calcifications mais aucun critère échographique n'est suffisamment fiable pour
permettre un diagnostic de malignité.
o On attendra de l'échographie :
ƒ la mesure exacte de la taille du nodule : indication chirurgicale pour les
nodules solides de plus de 3 cm ; permettant une surveillance
longitudinale pour les nodules plus petits
ƒ le diagnostic entre kyste d'aspect liquidien et nodule plein ou remanié
ƒ la recherche de nodules infra cliniques associés faisant poser le
diagnostic de goitre multinodulaire plutôt que de nodule isolé.
•
Scintigraphie : seuls les nodules froids sont suspects de cancers mais ils représentent
85 % des nodules palpés. Le caractère non fixant n'est donc pas suffisamment
spécifique pour donner des arguments en faveur de la malignité. La scintigraphie est
donc plutôt un examen réservé aux nodules avec TSH basse, pour rechercher s’ils sont
toxiques.
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•
L'examen clef est la ponction cytologique à l'aiguille fine.
o On ponctionne les nodules cliniques ou suspects en échographie, la limite est
en général d'1 cm. La ponction permet d'analyser des cellules issues du nodule.
Parfois elle permettra aussi d'évacuer un kyste.
o Sous réserve d'une technique et d'une interprétation fiable et validée, celle-ci
donnera 4 types de résultats : bénin probable permettant de respecter le nodule,
malin indiquant formellement la chirurgie, douteux notamment dans les lésions
vésiculaires ou à cellules de Hurtle faisant discuter la chirurgie (un diagnostic
est nécessaire une lésion douteuse ne peut être en général laissée en place),
ininterprétable nécessitant une nouvelle ponction.
o Dans les nodules laissés en place, la ponction thyroïdienne sera renouvelée
pour augmenter la fiabilité du diagnostic.
Au total on peut proposer une stratégie diagnostique qui repose essentiellement sur la
cytoponction lorsque la TSH est normale.
Diagramme : stratégie diagnostique devant un nodule thyroïdien
Certains auteurs proposent en plus un dosage de la calcitonine
(O. Chabre)
1.4. Traitement
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Le traitement médical des nodules par hormones thyroïdiennes à dose frénatrice est peu
efficace. Il peut être discuté à titre de test, son résultat ne constitue pas un argument
permettant de réfuter une étiologie maligne.
Le traitement chirurgical consiste en une loboisthmectomie du côté du nodule avec examen
extemporané ou examen anatomo pathologique ultérieur qui décidera en fonction des résultats
(cancer ou non) et des facteurs pronostiques de gestes complémentaires: (totalisation, curage,
iode 131).
1.5. Surveillance
Tout nodule laissé en place requiert une surveillance longitudinale clinique devant s'assurer de
la stabilité des lésions.
2. Les cancers thyroïdiens
C'est un cancer rare, son incidence dans le registre des cancers de la thyroïde des département
de la Marne et des Ardennes est de :
5,57/100 000/an chez les femmes et de 1,67/100 000/an chez les hommes :
2.1. Les cancers différenciés de la thyroïde
2.1.1. Définition, épidémiologie
Ils se développent à partir de cellules thyroïdiennes vésiculaires (= thyréocytes). Prédominent
chez l'adulte jeune : âge moyen 45 ans, exceptionnel avant 10 ans. Prédominance féminine
2/1. Les irradiations cervicales dans l’enfance sont un facteur de risque. On distingue les
carcinomes (>10mm) des microcarcinomes (<10mm) : ceux-ci sont beaucoup plus fréquents
que les carcinomes (5 à 36% des adultes à l’autopsie) et ils ont un potentiel évolutif très
faible.
Ils représentent 80 % environ existent sous deux formes :
• cancer papillaire : 70 % des cancers thyroïdiens. Papilles : axe conjonctivovasculaire bordé d’une couche de cellules. Celles-ci ont des anomalies nucléaires
caractéristiques. Cancer souvent multifocal. Evolution généralement lente et locorégionale : intra-thyroïdienne et lymphatique : 30 à 65% des patients ont des
métastases ganglionnaires cervicales lors du diagnostic. Plus rarement métastases
pulmonaires : en général miliaire plus rarement tumeurs nodulaires.
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Photo : volumineuse métastase ganglionnaire d’un cancer thyroïdien papillaire
Cette adénopathie jugulo-carotidienne gauche est en rapport avec un cancer papillaire du lobe gauche de petite
taille (non visible sur la photographie). Les adénopathies métastatiques sont souvent plus petites.
(O. Chabre)
•
cancer vésiculaire (appelé follicular en anglais) : 20 % des cancers thyroïdiens.
Conserve une structure vésiculaire. Malignité affirmée par le caractère invasif vis-àvis de la capsule ou des vaisseaux thyroïdiens, ou par la présence de métastases : par
voie hématogène (poumons, os cerveau), plus rarement par voie lymphatique (20 à
35% des patients).
Photo : métastases iodofixantes d’un cancer thyroïdien vésiculaire (scintigraphie corps entier après
administration de 100 mci d’iode131)
L’exploration a été pratiquée après thyroïdectomie totale et « défreination » (sevrage en hormones
thyroïdiennes, TSH élevée).
Noter les foyers de fixation au niveau cervical (reliquats thyroïdiens ou adénopathies métastatiques) sternal,
lombaire (métastases osseuses).
(O. Chabre)
2.1.2. Présentation clinique : nodule
•
Le plus souvent palpable, indolore, peu évolutif. Consistance variable, généralement
ferme. Parfois le nodule n’est pas palpable (particularités anatomiques), et il est
découvert fortuitement par échographie. On admet alors qu’il ne doit être pris en
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•
•
compte que si il atteint 1cm (et il est alors le plus souvent palpable.) car sinon c’est un
microcarcinome (cf ci-dessus).
Rarement des signes de forte suspicion de malignité : consistance très ferme ou dure,
irrégulière, adénopathie cervicale palpable, dysphonie (paralysie récurrentielle), voire
dysphagie, adhérence aux tissus environnants.
Contexte euthyroïdien.
2.2. Les cancers médullaires sporadiques ou familiaux (nem2)
5%
2.3. Les autres : lymphome, métastases : 1 %
2.4. La classification TNM
•
•
Aide à prévoir le pronostic
Aide à planifier le traitement
T TUMEUR
• Tx : tumeur non mesurée
• T0 : tumeur non accessible cliniquement
• T1 : tumeur de moins de 1 cm
• T2 : tumeur entre 1 et 4 cm
• T3 : tumeur de plus de 4 cm limitée à la thyroïde
• T4 : tumeur dépassant la capsule
Quand la classification repose sur l'anatomie pathologique la lettre p sera rajoutée.
N GANGLIONS
• Nx : ganglions non mis en évidence
• N0 : pas de ganglion
• N1 : métastases
M METASTASES
• M0 : absence de métastase
• M1 : métastases
2.5. Les facteurs pronostiques
La notion de facteur pronostique permet, pour un malade donné, d'évaluer la gravité de son
cas et d'adapter la stratégie thérapeutique en fonction de cette gravité.
Les facteurs reconnus par la plupart des équipes sont :
•
•
•
•
l'âge supérieur à 45 -50 ans
la taille de la tumeur et notamment le stade T4
le type histologique : cancers peu différenciés
l'existence de métastase
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Un score pronostique peut être établi pour chaque malade lors du diagnostic.
2.6. Le diagnostic
Les signes cliniques :
• Le plus souvent : nodule isolé (cancer dans moins de 10 % des nodules)
• Parfois signes évocateurs d'emblée : gêne cervicale, compression, douleur, nodule dur,
adénopathies cervicales, flush et diarrhées en rapport avec un cancer médullaire. Les
signes locaux sont particulièrement marqués dans les cancers anaplasiques. Ils sont par
contre fréquemment absents dans les cancers différenciés : l’examen clinique ne suffit
jamais à éliminer un cancer.
• Parfois, métastases révélatrices plutôt adénopathies cervicales pour les cancers
papillaires, métastases à distance pulmonaires et osseuses pour le cancer vésiculaire.
La stratégie diagnostique a été exposée dans le chapitre nodules : elle repose essentiellement
sur la cytoponction puis l’examen anatomopathologique des nodules déclarés suspects à la
cytoponction.
2.7. Le traitement des cancers thyroïdiens différenciés
(papillaire et vésiculaire)
2.7.1. La chirurgie
Elle a pour objectif de retirer tout le tissu cancéreux cervical, un geste sur la thyroïde est en
règle associé à un geste sur les ganglions.
Selon les équipes, les protocoles chirurgicaux sont variables, ceux-ci s'adaptent au score
pronostique après un inventaire des lésions facilité par l'examen anatomo pathologique
extemporané.
Le plus souvent, en cas de cancer clinique (lésion de plus de 1 cm) on pratique une
thyroïdectomie totale ne laissant que quelques résidus protégeant les parathyroïdes et un
curage adapté.
Dans les microcancers < 1 cm souvent découverts fortuitement (leur pronostic est excellent et
les rechutes sont très rares) sur l'examen anatomopathologique définitif, il est souvent
possible de ne pas réopérer les patients, même si le geste pratiqué n'a été que partiel, en se
donnant les moyens de la surveillance longitudinale.
2.7.2. Utilisation thérapeutique de l'I 131 après la chirurgie
L'I131 est un élément essentiel dans le traitement et la surveillance des cancers thyroïdiens
différenciés à l'exclusion des autres cancers qui ne fixent pas l'iode. Cette méthode permet
d'effectuer une radiothérapie métabolique ciblée sur les cellules thyroïdiennes. La captation de
l’iode est fortement stimulée par la TSH : c’est pour cela que les traitements par l’iode 131
sont faits en hypothyroïdie (cf ci-dessous).
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Après thyroïdectomie totale l'I131 permet l'ablation de tout le tissu thyroïdien cervical restant
et le bilan des lésions à distance. Une fois la thyroïde entièrement détruite (préalable
indispensable à son efficacité) l’iode 131 pourra être utilisé pour traiter les métastases.
2.7.2.1. Préparation des malades
L'administration de l'I131 implique de mettre le patient en hypothyroïdie. L'élévation de la
TSH ainsi obtenue, stimule la captation de l'iode par les cellules thyroïdiennes (arrêt du
traitement de LT4 pendant 5 semaines, relais éventuel par la T3 dans les 15 premiers jours).
S'assurer de l'absence de surcharge iodée (bétadine, cordarone, examens radiologiques avec
produits de contraste iodé).
A l’avenir l’emploi de la TSH recombinante humaine (Thyrogen) permettra sans doute de
remplacer la mise en hypothyroidie des patients pour élévation de la TSH endogène. En 2005
l’emploi de la TSH recombinante est encore réservé au diagnostic de récidive (cf plus bas).
L'hospitalisation en chambre protégée est obligatoire dès que la dose administrée est
supérieure à 740 MBq (20 mCi) pour recueil des effluents. L'iode radioactif (3,7 GBq = 100
mCi) est administré sous forme de gélule. Aucun effet secondaire n'est à redouter tant que les
doses cumulées restent faibles, importance de la contraception chez la jeune femme (pas
de grossesse avant 1 an). Des mesures de radioprotection rigoureuses doivent être mises
en place.
2.7.2.2. Détection scintigraphique
Systématique 4 jours après la prise d'iode. Elle permet d'évaluer l'importance du reliquat
thyroïdien et d'effectuer un bilan des lésions à distance.
2.7.3. Le traitement frénateur
Il est systématique dans les cancers différenciés hormono-sensibles.
Les cancers différenciés de la thyroïde sont sensibles à la TSH qui joue un rôle de facteur de
croissance. La mise des patients sous thyroxine (le traitement frénateur) a pour but de
prévenir ce risque en inhibant la sécrétion hypophysaire de TSH. Le caractère efficace du
freinage est jugé sur le dosage de la TSH (< 0,2 µUI/ml) sans signe clinique d'hyperthyroïdie
(T3l qui reste normale). Bien sûr, le traitement est mis en place après le bilan des lésions par
scintigraphie).
2.7.4. Les autres traitements
•
•
L'irradiation externe : Utilisant les hautes énergies, l'irradiation peut être très utile :
o dans les formes extracapsulaires
o dans les métastases douloureuses
La chimiothérapie : elle est peu ou pas efficace dans les cancers différenciés.
2.7.5. Surveillance des patients
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La surveillance va reposer sur les éléments suivants : l'examen clinique, le dosage de la
thyroglobuline marqueur biologique du tissu thyroïdien, l'échographie cervicale, la réalisation
de scintigraphie corps entier à l'iode 131. D'autres explorations à visée morphologique seront
pratiquées en fonctions des résultats de ces examens.
2.7.5.1. L'examen clinique
Il consiste en la palpation attentive de la région cervicale à la recherche d'une récidive locale
et surtout d'adénopathie cervicale.
2.7.5.2. Le dosage de la thyroglobuline
La thyroglobuline (Tg) est le marqueur tumoral des cancers différenciés de la thyroïde après
thyroïdectomie totale. En l'absence de tissu thyroïdien, son taux doit être indétectable. Toute
élévation de ce taux indique la persistance d'un processus pathologique. Le dosage de la Tg
doit toujours être couplé à la recherche d'auto-anticorps anti-thyroglobuline qui interfèrent
dans le dosage de la Tg.
Le taux de Tg doit être vérifié après sensibilisation par la TSH obtenue par un arrêt du
traitement frénateur (4 semaines pour la thyroxine entraînent une stimulation des cellules
métastatiques) ou après injection de TSH recombinante (Thyrogen) ce qui évite de mettre le
patient en hypothyroïdie. Cette stratégie permet de détecter des taux de Tg élevés chez 6 %
des patients semblant indemnes de toute récidive ou métastase.
2.7.5.3. Les scintigraphies corps entier à l'iode 131
Les scintigraphies dites diagnostiques, utilisant de petites doses d’Iode 131 (2 à 5 mCi) ne
montrent généralement aucune fixation si la thyroglobuline reste indétectable après
stimulation par la TSH. Leur utilisation systématique est donc abandonnée. Par contre lorsque
la thyroglobuline s’élève au dessus s’un certain seuil on recommande d’administrer de fortes
doses d’Iode 131 (100mCi) sous stimulation par TSH (endogène, patient en hypothyroidie) ce
qui a un intérêt diagnostique et éventuellement thérapeutique.
2.7.5.4. Les examens morphologiques
L'échographie cervicale : c'est l'examen majeur de surveillance quand du tissu thyroïdien a été
laissé en place. Elle détecte les récidives locales et les adénopathies.
Quand la scintigraphie détecte une lésion son volume est précisé par un examen
morphologique ciblé.
Certaines métastases ne sont pas fonctionnelles, c'est-à-dire qu'elles ne fixent pas l'iode 131.
Se pose alors le problème de leur localisation lorsqu'elles ne sont révélées que par une
élévation de la Tg. La recherche de ces métastases reposent sur les examens morphologiques :
recherche d'une récidive locale par échographie cervicale, radio pulmonaire, scanner
cervicomédiastinal et thoracique, scintigraphie osseuse, échographie hépatique, scanner
cérébral.
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Le PET scan après injection Fluodesoxyglucose semble l’examen le plus sensible pour la
détection de ces métastases ne fixant pas l’iode 131.
La surveillance est réalisée selon un rythme qui répond à des protocoles précis
Cette attitude est modulable en fonction du groupe pronostique dans lequel se trouve le
patient, allégée pour les patients du groupe de bon pronostic.
Cette surveillance est maintenue à vie.
2.7.6. Les métastases
La fréquence des métastases varie de 10 à 20 % selon les séries.
La présence de métastases à distance dans les cancers différenciés de la thyroïde aggrave
considérablement le pronostic vital puisque seulement 23 % des patients sont vivants à 10
ans, alors que le taux de survie à 10 ans, en l'absence de métastases varie de 78 à 98 % selon
les études.
Elles sont découvertes dans la moitié des cas au moment du diagnostic.
Elles sont localisées par ordre de fréquence décroissante : aux poumons, à l'os, parfois aux 2
sites, plus rarement métastases cérébrales, hépatiques, exceptionnellement cutanées.
Seulement 2/3 des métastases sont fixantes
Les signes radiologiques : les métastases pulmonaires peuvent être infraradiologiques
découvertes par la scintigraphie à l'iode 131. Parmi les métastases osseuses isolées, seulement
11 % sont découvertes à un stade infra-radiologique.
Les métastases infra-radiologiques fixant l'iode 131 peuvent être contrôlées par cette
radiothérapie métabolique. Pour les autres lésions de multiples traitements doivent être
discutés.
3. Les cancers anaplasiques de la thyroïde
3.1. Définition
Egalement développés à partir de la cellule vésiculaire, ils sont caractérisés par leur
dédifférenciation et leur agressivité. 5 à 15 % des cancers thyroïdiens. Ils se voient
généralement après 50 ans et représentent probablement l’évolution d’un cancer différencié
non traité.
L'histologie est faite de cellules géantes, monstrueuses, envahissant et détruisant les structures
thyroïdiennes normales. Elles ne produisent pas de Tg, ne fixent pas l’iode, n’expriment pas
de récepteurs à la TSH.
3.2. Clinique
•
•
•
La tumeur : manifeste, d'évolution rapide (quelques semaines) volumineuse (> à 3 cm)
adhérente aux plans profonds et superficiels, extrêmement dure, parfois légèrement
inflammatoire.
Une dysphonie, une gène à la déglutition peuvent se manifester précocement.
Des ganglions sont volontiers palpables.
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•
Des signes généraux : asthénie, amaigrissement, anorexie, fébricule sont souvent
présents.
3.3. Diagnostic
•
•
•
La TSH est souvent normale, parfois légèrement élevée (hypothyroïdie par destruction
du tissu normal).
La cytologie signe le diagnostic, et permet le diagnostic différentiel avec les
lymphomes et cancers secondaires.
L'examen ORL, la radio pulmonaire et la TDM thoraco-cervicale précisent
l’extension.
3.4. Evolution
•
•
Spontanée : décès en quelques semaines ou mois, sur un mode essentiellement local
(envahissement, compression, rupture des gros vaisseaux).
La chirurgie complétée par un protocole de radiothérapie externe accélérée et une
chimiothérapie peuvent repousser l'échéance de quelques mois. L’évolution se fait
quand même vers le décès par récidive locale ou métastases à distance. La mise en
place d’une prothèse endotrachéale permet de lutter contre la compression trachéale
tumorale.
4. Le cancer médullaire de la thyroïde (cmt)
4.1. Définition et épidémiologie
5 à 8 % des cancers de la thyroïde. Tumeur des cellules C (parafolliculaires) de la thyroïde qui
sécrètent la calcitonine (CT). Il existe des formes sporadiques ou génétiques familiales (30%
des CMT). Les formes familiales sont soit isolées (CMT familial isolé) soit associées à un
syndrome de néoplasie endocrine multiple (NEM) de type 2 : NEM2A = CMT+
phéochromocytome +/- hyperparathyroïdie, NEM2B =CMT+neuromatose cutanéo-muqueuse
et syndrome Marfanoide +/-phéochromocytome, +/-hyperparathyroïdie. Toutes les formes de
CMT familial (isolé, 2A, 2B) sont dûes à la présence d’une mutation du gène RET. Mutation
germinale dominante, qui peut se rechercher sur une simple prise de sang (ADN leucocytaire).
Le risque de transmission de la mutation à l’enfant est de 50%. Donc dans les formes
familiales de CMT : un dépistage très précoce est possible en identifiant les enfants qui ont
reçu la mutation de RET. Ces enfants auront un traitement préventif radical : thyroïdectomie
totale à une âge très jeune (3 ans généralement).
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Photo : pièce de thyroïdectomie totale, cancer médullaire de la thyroïde
Forme familiale. Noter le caractère bilatéral. Les nodules étaient palpables.
(O. Chabre)
Photo : pièce de thyroïdectomie totale, cancer médullaire de la thyroïde
Forme familiale chez un patient identifié par dépistage familial. Noter que les lésions sont plus petites que dans
le cas précédent.
(O. Chabre)
4.2. Histologie, caractère sécrétoire, évolution
Immunohistochimie positive pour la Calcitonine et l’ACE. Il peut y avoir sécrétion d’autres
hormones par la tumeur (ex : ACTH). Dans les formes sporadiques la tumeur est souvent
unique, dans les formes familiales elle est généralement bilatérale ou associée à une
hyperplasie des cellules C.
Le CMT se voit à tout âge, il est caractérisé par sa diffusion lymphophile extrêmement
précoce (métastases ganglionnaires cervicales présentes chez 90% des patients porteurs d’un
CMT clinique), et son potentiel métastatique à distance (foie, poumon, os). Il est de moins
bon pronostic que les cancers différenciés de la cellule vésiculaire, la survie globale à 10 ans
des patients traités est 70%.
4.3. Clinique
Le nodule thyroïdien, +/- adénopathies sont souvent les seules manifestations.
On peut retrouver des signes lié à une lésion de NEM 2 associé (ex phéochromocytome) ou à
une sécrétion endocrine par le CMT (troubles du transit (diarrhée), flushs, voire syndrome de
Cushing)).
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4.4. Examens
TSH normale.
Au stade de nodule palpable la CT de base est en général très largement au dessus de la
normale (N<10 pg/ml) et elle est stimulable par la pentagastrine.
L’ACE est souvent élevé (ce n'est pas un critère sensible ni spécifique cependant).
La scintigraphie (non indispensable) retrouverait un nodule froid.
La cytologie confirme le diagnostic mais elle peut être prise en défaut, elle est moins sensible
que le dosage de la CT.
4.5. Traitement
Chirurgie difficile réservée à des équipes expertes. Thyroïdectomie totale avec curage
ganglionnaire cervical extensif qui est impérativement bilatéral dans les formes familiales
(récurrentiel+jugulo-carotidien). Avant chirurgie il faut avoir éliminé systématiquement un
phéochromocytome qui sera éventuellement traité en premier.
L’iode 131 n’a évidemment aucune place dans le traitement des cancers médullaires de la
thyroïde (les cellules C ne captent pas l’iode)
4.6. Dépistage et prise en charge des CMT familiaux
Il est fondamental de rechercher une forme familiale devant tout CMT, même apparemment
isolé. Cette recherche demande chez l’individu un examen clinique (syndrome Marfanoide,
neuromatose, signes de phéochromocytome..) et un dosage de calcémie, PTH, dérivés
methoxylés. Il faut établir un arbre généalogique et déterminer la CT de base et si possible
sous stimulation par la pentagastrine chez les apparentés au 1er degré. L’avènement de la
génétique a simplifié ce dépistage: si une mutation de RET est identifiée chez un individu elle
pourra être rapidement recherchée (sur le sang périphérique) chez les autres membres de sa
famille.
5. Les tumeurs rares de la thyroïde
5.1. Lymphomes
Soit lymphome primitif de la thyroïde soit localisation secondaire d’un lymphome généralisé.
2 à 3 % des tumeurs thyroïdiennes. La majorité des lymphomes primitifs se développent à
partir d’une thyroïdite auto-immune (Thyroïdite de Hashimoto). Sujets âgés (souvent 70 ans),
prédominance féminine 3/1.
Ils se présentent comme des nodules froids évolutifs avec parfois hypothyroïdie et signes
compressifs.
Le diagnostic repose sur l'étude immunohistochimique (population monomorphe du clone
lymphocytaire responsable).
Le traitement et le pronostic sont celui du lymphome: traitement chirurgical réservé aux
petites tumeurs, radiothérapie externe et chimiothérapie.
5.2. Cancers secondaires
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Corpus Médical – Faculté de Médecine de Grenoble
Ce sont des cancers extra thyroïdiens avec envahissement de la thyroïde. Le primitif est
généralement un cancer du colon, reins, seins, poumon, ou mélanome. Le plus souvent ces
cancers sont déjà diagnostiqués, leur généralisation est connue et l’apparition d'une tumeur de
la thyroïde n'est qu'un épiphénomène. Il peut rarement exister des problèmes diagnostiques
(métastase précessive).
6. Conclusion
La prise en charge du cancer de la thyroïde est particulièrement bien codifiée. 2 groupes de
patients s'opposent. Les plus nombreux ont un cancer thyroïdien bien différencié sans
métastase, de bon pronostic. Quand cela est nécessaire, l'iode 131 permet un traitement
spécifique in situ. Le traitement frénateur est un des éléments du contrôle à long terme.
Par contre, quelques patients ont un cancer peu différencié, qui fixe peu ou mal l'iode et dans
ce groupe le cancer de la thyroïde demeure d'évolution redoutable.
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