4) Les nodules thyroïdiens

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4) Les nodules thyroïdiens
4 a) définition : c'est une notion clinique : tuméfaction cervicale inférieure mobile à la déglutition
avec le reste du corps thyroïde
4 b) épidémiologie position du problème :
très grande fréquence : nodules cliniques palpables dans 4 à 5 % de la population générale,
nodules infra cliniques mis en évidence à l'échographie dans plus de 50 % de la population de 60 ans.
La fréquence des nodules augmente avec l'âge, les femmes sont plus touchées que les hommes.
La découverte d'un nodule thyroïdien pose le problème du dépistage du cancer thyroïdien,
sachant qu'actuellement seuls 5 à 10 % des nodules opérés sont des cancers, la proportion étant
beaucoup plus faible pour les nodules échographiques, mais sachant également tout l'intérêt de traiter
un cancer thyroïdien au stade précoce de nodule isolé sans métastases.
La grande question actuelle est d'améliorer la stratégie diagnostique des nodules thyroïdiens
dans le but de respecter une lésion bénigne et de traiter au plus tôt un cancer.
2 c) Ainsi, la découverte clinique d'un nodule entraîne la recherche d'arguments en faveur de la
malignité
Par l'interrogatoire et l'examen :
Terrain : jeune âge ou à l'opposé patients de plus de 60 ans avec un nodule isolé, sexe
masculin.
ATCD personnels d'irradiation du cou, actuellement traitement du Hodgkin, du cancer
du sein, des cancers ORL
ATCD familiaux de cancers thyroïdiens qui font évoquer le carcinome médullaire et le
syndrome de Sipple ou NEM2 (association cancer médullaire de la thyroïde, phéochromocytome,
hyperparathyroïdie) mais il existe aussi des familles de cancer papillaires et de cancers oxyphiles
Signes cliniques locaux : nodule de plus de 3 cm, dur, douloureux, adhérent aux structures de
voisinage, présence d'adénopathies cervicales, signes de compression ou d'irritation locale.
Signes cliniques généraux qui font rechercher un cancer médullaire : diarrhée motrice, flush.
Par les examens complémentaires
Le dosage de la TSH pour repérer les nodules toxiques ou prétoxiques (TSH basse : nodule
probablement chaud à vérifier en scintigraphie d'emblée, ce caractère fonctionnel avec extinction du
parenchyme adjacent n'étant qu'exceptionnellement associé à un cancer)
Le dosage de la calcitonine marqueur du cancer médullaire à demander en cas de symptôme et
pour certains au moins 1 fois devant tout nodule.
Echographie : un cancer est plus volontiers mal limité, hypoéchogène siège de petites
calcifications mais aucun critère échographique n'est suffisamment fiable pour permettre un diagnostic
de malignité.
On attendra de l'échographie :
la mesure exacte de la taille du nodule : indication chirurgicale pour les nodules solides de
plus de 3 cm ; permettant une surveillance longitudinale pour les nodules plus petits
le diagnostic entre kyste d'aspect liquidien et nodule plein ou remanié
la recherche de nodules infra cliniques associés faisant poser le diagnostic de goitre
multinodulaire plutôt que de nodule isolé.
Scintigraphie : seuls les nodules froids sont suspects de cancers mais ils représentent 85 %
des nodules palpés. Le caractère non fixant n'est donc pas suffisamment sensible pour donner des
arguments en faveur de la malignité. La scintigraphie est donc plutôt un examen réservé aux nodules
avec TSH basse.
L'examen clef est la ponction cytologique à l'aiguille fine. On ponctionne les nodules
cliniques ou suspects en échographie, la limite est en général d'1 cm. La ponction permet d'analyser
des cellules issues du nodule. Parfois elle permettra aussi d'évacuer un kyste.
Sous réserve d'une technique et d'une interprétation fiable et validée, celle-ci donnera 4 types de
résultats : bénin probable permettant de respecter le nodule, malin indiquant formellement la chirurgie,
douteux notamment dans les lésions vésiculaires ou à cellules de Hurtle faisant discuter la chirurgie
(un diagnostic est nécessaire une lésion douteuse ne peut être en général laissée en place),
ininterprétable nécessitant une nouvelle ponction.
Dans les nodules laissés en place, la ponction thyroïdienne sera renouvelée pour augmenter la
fiabilité du diagnostic.
2 d) Traitement
Le traitement médical des nodules par hormones thyroïdiennes à dose frénatrice est peu
efficace. Il peut être discuté à titre de test, son résultat ne constitue pas un argument permettant de
réfuter une étiologie maligne.
Le traitement chirurgical consiste en une loboisthmectomie du côté du nodule avec examen
extemporané ou examen anatomo pathologique ultérieur qui décidera en fonction des résultats (cancer
ou non ) et des facteurs pronostiques de gestes complémentaires: (totalisation, curage, iode 131).
4 e ) Surveillance
Tout nodule laissé en place requiert une surveillance longitudinale clinique devant s'assurer de la
stabilité des lésions.
5) Les cancers thyroïdiens (étiologie des nodules de la thyroïde)
C'est un cancer rare, son incidence dans le registre des cancers de la thyroïde des département de la
Marne et des Ardennes est de :
5,57/100 000/an chez les femmes et de 1,67/100 000/an chez les hommes :
5 1 – Anatomie pathologique (voir annexe)
5 1 1) LES CANCERS D’ORIGINE VESICULAIRE
LES CANCERS DIFFERENCIES DE BON PRONOSTIC : 85 %
- papillaire (métastasent par voie ganglionnaire), les plus fréquents : 50 à 60 %
- vésiculaire (voie sanguine) : 10 à 20 %
LES CANCERS PEU DIFFERENCIES DE MAUVAIS PRONOSTIC
- vésiculaire peu différencié
- anaplasique : 5 à 10 %
5 1 2) LES CANCERS MEDULLAIRES SPORADIQUES OU FAMILIAUX (NEM2) 5 %
5 1 3) LES AUTRES : lymphome, métastases : 1 %
5 2) La classification TNM
aide à prévoir le pronostic
aide à planifier le traitement
T TUMEUR
Tx tumeur non mesurée
T0 tumeur non accessible cliniquement
T1 tumeur de moins de 1 cm
T2 tumeur entre 1 et 4 cm
T3 tumeur de plus de 4 cm limitée à la thyroïde
T4 tumeur dépassant la capsule
Quand la classification repose sur l'anatomie pathologique la lettre p sera rajoutée.
N GANGLIONS
Nx ganglions non mis en évidence
N0 pas de ganglion
N1 métastases
M METASTASES
M0 absence de métastase
M1 métastases
5 3) Les facteurs pronostiques
La notion de facteur pronostique permet, pour un malade donné, d'évaluer la gravité de son cas et
d'adapter la stratégie thérapeutique en fonction de cette gravité.
Les facteurs reconnus par la plupart des équipes sont :
l'âge supérieur à 45 -50 ans
la taille de la tumeur et notamment le stade T4
le type histologique : cancers peu différenciés
l'existence de métastase
un score pronostique peut être établi pour chaque malade lors du diagnostic.
5 4) Le diagnostic
Les signes cliniques
Le plus souvent : nodule isolé (cancer dans moins de 10 % des nodules)
Parfois signes évocateurs d'emblée : gêne cervicale, compression, douleur, nodule dur,
adénopathies cervicales, flush et diarrhées en rapport avec un cancer médullaire. Les signes locaux sont
particulièrement marqués dans les cancers anaplasiques.
Parfois, métastases révélatrices plutôt adénopathies cervicales pour les cancers papillaires,
métastases à distance pulmonaires et osseuses pour le cancer vésiculaire.
La stratégie diagnostique a été exposée dans le chapitre nodules
5 -5) Le traitement
5 5 1) La chirurgie
Elle a pour objectif de retirer tout le tissu cancéreux cervical, un geste sur la thyroïde est en règle associé
à un geste sur les ganglions.
Selon les équipes, les protocoles chirurgicaux sont variables, ceux-ci s'adaptent au score pronostique
après un inventaire des lésions facilité par l'examen anatomo pathologique extemporané.
Le plus souvent, en cas de cancer clinique (lésion de plus de 1 cm) on pratique une thyroïdectomie totale
ne laissant que quelques résidus protégeant les parathyroïdes et un curage adapté.
Dans les microcancers < 1 cm souvent découverts fortuitement (leur pronostic est excellent et les rechutes
sont très rares) sur l'examen anatomopathologique définitif, il est souvent possible de ne pas réopérer les
patients, même si le geste pratiqué n'a été que partiel, en se donnant les moyens de la surveillance
longitudinale.
UN CAS PARTICULIERS
Cancer médullaire de la thyroïde (CMT) : thyroïdectomie totale avec curage ganglionnaire
complet bilatéral.
5 5 2) Utilisation thérapeutique de l'I 131 après la chirurgie
L'I131 est un élément essentiel dans le traitement et la surveillance des cancers thyroïdiens
différenciés à l'exclusion des autres cancers qui ne fixent pas l'iode. Cette méthode permet d'effectuer une
radiothérapie métabolique ciblée sur les cellules thyroïdiennes.
Après thyroïdectomie totale l'I131 permet l'ablation de tout le tissu thyroïdien cervical restant et le bilan
des lésions à distance. Une fois la thyroïde entièrement détruite (préalable indispensable à son efficacité)
il pourra être utilisé pour traiter les métastases.
Préparation des malades
L'administration de l'I131 implique de mettre le patient en hypothyroïdie. L'élévation de la TSH
ainsi obtenue, stimule la captation de l'iode par les cellules thyroïdiennes (arrêt du traitement de LT4
pendant 4 semaines, relais éventuel par la T3 dans les 15 premiers jours). S'assurer de l'absence de
surcharge iodée (bétadine, cordarone, examens radiologiques avec produits de contraste iodé). L'emploi
du thyrogène (TSH humaine recombinante) vient maintenant limiter ces périodes d'hypothyroïdie
provoquées.
L'hospitalisation en chambre protégée est obligatoire dès que la dose administrée est supérieure à
740 MBq (20 mCi) pour recueil des effluents. L'iode radioactif (3,7 GBq = 100 mCi) est administré sous
forme de gélule. Aucun effet secondaire n'est à redouter tant que les doses cumulées restent faibles,
importance de la contraception chez la jeune femme (pas de grossesse avant 1 an). Des mesures de
radioprotection rigoureuses doivent être mises en place.
Détection scintigraphique
Systématique 4 jours après la prise d'iode. Elle permet d'évaluer l'importance du reliquat thyroïdien
et d'effectuer un bilan des lésions à distance.
5 5 3) Le traitement frénateur
Il est systématique dans les cancers différenciés hormono-sensibles.
Les cancers différenciés de la thyroïde sont sensibles à la TSH qui joue un rôle de facteur de
croissance. La mise des patients sous thyroxine (le traitement frénateur) a pour but de prévenir ce risque
en inhibant la sécrétion hypophysaire de TSH. Le caractère efficace du freinage est jugé sur le dosage de
la TSH (< 0,2 µUI/ml) sans signe clinique d'hyperthyroïdie (T3l qui reste normale). Bien sûr, le
traitement est mis en place quand l'I131 n'est plus indiqué (après le bilan des lésions par scintigraphie).
5 5 4) Les autres traitements
L'irradiation externe
Utilisant les hautes énergies, l'irradiation peut être très utile :
dans les formes extracapsulaires
dans les métastases douloureuses
La chimiothérapie
Elle est peu ou pas efficace dans les cancers différenciés.
La chimiothérapie est une urgence dans les formes anaplasiques.
C'est le traitement principal dans les lymphomes de la thyroïde.
6) Surveillance des patients
La surveillance va reposer sur les éléments suivants : l'examen clinique, le dosage de la
thyroglobuline marqueur biologique du tissu thyroïdien, l'échographie cervicale, la réalisation de
scintigraphie corps entier à l'iode 131. D'autres explorations à visée morphologique seront pratiquées en
fonctions des résultats de ces examens.
6 1) L'examen clinique
Il consiste en la palpation attentive de la région cervicale à la recherche d'une récidive locale et
surtout d'adénopathie cervicale.
6 2) le dosage de la thyroglobuline
La thyroglobuline (Tg) est le marqueur tumoral des cancers différenciés de la thyroïde après
thyroïdectomie totale. En l'absence de tissu thyroïdien, son taux doit être indétectable. Toute élévation de
ce taux indique la persistance d'un processus pathologique. Le dosage de la Tg doit toujours être couplé à
la recherche d'auto-anticorps anti-thyroglobuline qui interfèrent dans le dosage de la Tg.
Le taux de Tg doit être vérifié après sensibilisation par la TSH obtenue par un arrêt du
traitement frénateur (4 semaines pour la thyroxine entraînent une stimulation des cellules
métastatiques). Cette stratégie permet de détecter des taux de Tg élevés chez 6 % des patients semblant
indemnes de toute récidive ou métastase.
6 3) les scintigraphies corps entier à l'iode 131
Elles sont à visée diagnostique et les doses utilisées, de 74 à 185 MBq (2 à 5 mCi) selon les
centres, ne nécessitent pas d'hospitalisation. Elles ne peuvent être réalisées qu'après arrêt du traitement
frénateur 4 semaines auparavant ou sous thyrogen. La scintigraphie corps entier est réalisée 3 jours après
l'administration de l'iode 131, à l'aide d'une gamma-caméra.
6 4) Les examens morphologiques
L'échographie cervicale : c'est l'examen majeur de surveillance quand du tissu thyroïdien a été
laissé en place. Elle détecte les récidives locales et les adénopathies.
Quand la scintigraphie détecte une lésion son volume est précisé par un examen morphologique
ciblé.
Certaines métastases ne sont pas fonctionnelles, c'est-à-dire qu'elles ne fixent pas l'iode 131. Se
pose alors le problème de leur localisation lorsqu'elles ne sont révélées que par une élévation de la Tg. La
recherche de ces métastases reposent sur les examens morphologiques : recherche d'une récidive locale
par échographie cervicale, radio pulmonaire, scanner cervicomédiastinal et thoracique, scintigraphie
osseuse, échographie hépatique, scanner cérébral.
La sur veillance est réalisée selon un rythme qui répond à des protocoles précis
Cette attitude est modulable en fonction du groupe pronostique dans lequel se trouve le patient, allégée
pour les patients du groupe de bon pronostic.
Cette surveillance est maintenue à vie.
7) Les métastases
La fréquence des métastases varie de 10 à 20 % selon les séries.
La présence de métastases à distance dans les cancers différenciés de la thyroïde aggrave
considérablement le pronostic vital puisque seulement 23 % des patients sont vivants à 10 ans, alors que
le taux de survie à 10 ans, en l'absence de métastases varie de 78 à 98 % selon les études.
Elles sont découvertes dans la moitié des cas au moment du diagnostic.
Elles sont localisées par ordre de fréquence décroissante : au poumons, à l'os, parfois aux 2 sites,
plus rarement métastases cérébrales, hépatiques, exceptionnellement cutanées.
Seuleument 2/3 des métastases sont fixantes
Les signes radiologiques : Les métastases pulmonaires peuvent être infraradiologiques
découvertes par la scintigraphie à l'iode 131. Parmi les métastases osseuses isolées, seulement 11 % sont
découvertes à un stade infraradiologique.
Les métastases infra-radiologiques fixant l'iode 131 peuvent être contrôlées par cette radiothérapie
métabolique. Pour les autres lésions de multiples traitements doivent être discutés.
CONCLUSION
La prise en charge du cancer de la thyroïde est particulièrement bien codifiée. 2 groupes de patients
s'opposent. Les plus nombreux ont un cancer thyroïdien bien différencié sans métastase, de bon pronostic.
Quand cela est nécessaire, l'iode 131 permet un traitement spécifique in situ. Le traitement frénateur est
un des éléments du contrôle à long terme.
Par contre, quelques patients ont un cancer peu différencié, qui fixe peu ou mal l'iode et dans ce groupe le
cancer de la thyroïde demeure d'évolution redoutable.
Classification OMS des tumeurs de la thyroïde 1988
I - TUMEUR PRIMITIVES
1) Tumeurs épithéliales
 Bénignes
Adénomes vésiculaires
- normovésiculaire, macrovésiculaire et microvésiculaire et trabéculaire, atypique à
cellules oxyphiles
 Malignes
Carcinomes différenciés de la thyroide d'origine vésiculaire
Carcinome papillaire et variantes
Carcinome vésiculaire et variantes
- minimal invasif (encapsulé)
- largement infiltrant
Carcinome médullaire dérivé des cellules C
- forme sporadique
- forme familiale
Carcinome indifférencié (anaplasique) de la thyroïde
Autres carcinomes :
- Carcinomes épidermoïdes, etc....
2) Tumeurs non épithéliales
- Hémangio-endothéliome malin, etc...
3) Lymphomes malins hodgkiniens et lymphomes malins non hodgkiniens
II - TUMEURS SECONDAIRES : METASTASES
Principales causes de nodule solitaire dans la thyroïde
 Adénomes vésiculaires
- macrovésiculaire (colloïde)
- microvésiculaire, trabéculaire, à cellules oxyphiles, atypique
 Kystes
- colloïde, simple, hémorragique.
 Thyroïdites
- thyroïdite aiguë et subaiguë (granulomateuse)
- thyroïdite lymphocytaire de type Hashimoto
- thyroïdite de Riedel
 Carcinomes
- carcinome papillaire et ses variantes
- carcinome vésiculaire et ses variantes
- carcinome médullaire
- carcinome anaplasique
- lymphome malin non hodgkinien
- métastases (cancer du rein, du sein, etc...)
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