Une introduction `a la droite de Berkovich sur Z
J´erˆome Poineau
IRMAR
Universit´e de Rennes 1, Campus de Beaulieu
35042 Rennes Cedex, France
courriel : jerome.poineau@univ-rennes1.fr
Ce texte vise `a pr´esenter en quelques lignes la droite analytique sur Zau sens
de V. G. Berkovich. Les d´efinitions de l’espace lui-mˆeme et du faisceau structural se
trouvent dans [1], §1.5., mais, `a notre connaissance, son ´etude syst´ematique n’a pas ´et´e
entreprise auparavant. Dans la derni`ere partie de ce texte, nous donnons deux exemples
d’applications aux eries arithm´etiques convergentes au sens de D. Harbater (cf. [3]).
Signalons que, dans un souci de clart´e, nous avons choisi de restreindre notre expos´e
au cas de la droite analytique sur Z, mais que les constructions et r´esultats restent
valables pour tout anneau d’entiers de corps de nombres.
1 L’espace affine analytique sur Z
Soit nN. Le scema An
Zest efini, ensemblistement, comme l’ensemble des id´eaux
premiers de Z[T1,...,Tn].
Rappelons que l’ensemble An
Zest en bijection avec l’ensemble des classes d’´equivalence
de morphismes
Z[T1,...,Tn]k,
o`u kest un corps. Deux morphismes vers des corps k1et k2sont dits ´equivalents s’ils
s’inscrivent dans un diagramme commutatif de la forme suivante :
k1
Z[T1,...,Tn]//
55
k
k
k
k
k
k
k
k
k
k
k
k
k
k
k
k
))
S
S
S
S
S
S
S
S
S
S
S
S
S
S
S
Sk0
??
?
?
?
?
?
?
?
?
k2
.
En outre, si xesigne un point de An
Z, il existe un corps k(x), appel´e corps r´esiduel,
et un morphisme Z[T1, . . . , Tn]k(x) par lequel tous les morphismes repr´esentant x
1
21 L’ESPACE AFFINE ANALYTIQUE SUR Z
se factorisent.
Si nous esirons faire de la eom´etrie analytique, nous aurons besoin de disposer de
notions de normes et de convergence. Pour d´efinir l’espace analytique An,an
Z, nous allons
donc modifier la efinition pr´ec´edente en imposant aux corps kd’ˆetre munis de valeurs
absolues pour lesquelles ils sont complets. En ce qui concerne la relation d’´equivalence,
nous imposons de plus aux morphismes k0k1et k0k2d’ˆetre des isom´etries. Cette
d´efinition correspond `a la efinition 1.5.1 de [1].
Comme pr´ec´edemment, si xesigne un point de An,an
Z, il existe un corps valu´e
complet H(x), que nous appellerons corps esiduel compl´et´e, et un morphisme
Z[T1,...,Tn]H(x)
par lequel tous les morphismes repr´esentant xse factorisent.
Cette fois-ci, l’ensemble des classes d’´equivalence que l’on obtient est en bijection
avec l’ensemble des semi-normes multiplicatives sur Z[T1,...,Tn], c’est-`a-dire l’ensemble
des applications |.|:Z[T1,...,Tn]R+erifiant les propri´et´es suivantes :
i) |0|= 0 et |1|= 1 ;
ii) f, g Z[T1,...,Tn],|f+g| ≤ |f|+|g|;
iii) f, g Z[T1,...,Tn],|fg|=|f||g|.
D´ecrivons explicitement cette bijection. `
A un morphisme ϕde Z[T1, . . . , Tn] vers un
corps valu´e complet (k, |.|), on associe la semi-norme multiplicative
Z[T1,...,Tn]ϕ
k|.|
R+.
R´eciproquement, soit |.|xune semi-norme multiplicative sur Z[T1,...,Tn]. L’ensemble px
des ´el´ements sur lesquels elle s’annule est un id´eal premier de Z[T1, . . . , Tn]. Le quo-
tient est un anneau int`egre sur lequel la semi-norme |.|xinduit une valeur absolue. Le
corps H(x) est le compl´et´e du corps des fractions de cet anneau pour cette valeur
absolue. La construction nous fournit un morphisme
Z[T1,...,Tn]H(x).
Nous munissons, en outre, l’espace analytique An,an
Zde la topologie la plus grossi`ere
qui rende continues les applications d’´evaluation, c’est-`a-dire les applications de la forme
An,an
ZR+
|.|x7→ |P|x,
avec PZ[T1,...,Tn].
3
Nous pouvons ´egalement munir l’espace analytique An,an
Zd’un faisceau d’anneaux O
(cf. [1], d´efinition 1.5.3). Une fonction analytique sur un ouvert Ude An,an
Zest une
application
UG
xU
H(x)
qui est localement limite uniforme de fractions rationnelles sans pˆoles.
2 La droite analytique sur Z
Dans cette partie, nous allons nous ineresser `a la droite analytique sur Z. Avant
cela, il est utile de comprendre l’espace A0,an
Z, que nous noterons M(Z). Le th´eor`eme
d’Ostrowski nous permet d’en obtenir une description explicite : ses points sont
i) la valeur absolue triviale |.|0;
ii) les valeurs absolues archim´ediennes |.|=|.|ε
, avec ε]0,1] ;
iii) pour tout nombre premier p, les valeurs absolues p-adiques |.|p,ε =pεvp(.), avec
ε]0,+[ ;
iv) pour tout nombre premier p, la semi-norme |.|p,=|.|+
pinduite par la valeur
absolue triviale sur Fp.
Topologiquement, nous disposons ´egalement d’une description explicite. Chacune
des branches p-adiques est hom´eomorphe `a [0,+] et la branche archim´edienne est
hom´eomorphe `a [0,1]. Il nous reste `a d´ecrire les voisinages du point |.|0: ce sont les
parties de M(Z) qui contiennent enti`erement toutes les branches, `a l’exception d’un
nombre fini, et qui contiennent un voisinage de |.|0dans chacune des branches restantes.
On en d´eduit, en particulier, que l’espace M(Z) est compact.
Nous pouvons ´egalement d´ecrire explicitement les sections du faisceau structural sur
les ouverts de M(Z). Nous renvoyons pour cela `a la figure 2.
Maintenant que nous avons d´ecrit l’espace topologique formant la base, nous pou-
vons nous ineresser `a l’espace A1,an
Zlui-mˆeme. Remarquons que nous disposons d’un
morphisme de projection
π:A1,an
ZM(Z).
En effet, toute semi-norme multiplicative sur Z[T] en induit une sur Z.
Cela nous permet d’obtenir une premi`ere description topologique de la droite ana-
lytique sur Z: la fibre de πau-dessus du point xM(Z) est isomorphe `a la droite
de Berkovich sur le corps H(x). Si H(x) = R, cette droite est isomorphe au quo-
tient de l’espace Cpar la conjugaison complexe. Nous ne chercherons pas `a obtenir de
description topologique plus pr´ecise et en donnerons seulement quelques propri´et´es.
42 LA DROITE ANALYTIQUE SUR Z
23p
|.|0
|.|ε
p
|.|ε
+
H= (Fp,|.|0)
H= (R,|.|ε
)
H= (Q,|.|0)
H= (Qp,|.|ε
p)
ε
ε
0
1
0
Fig. 1 – L’espace M(Z).
Th´eor`eme 2.1. La droite analytique A1,an
Zest un espace topologique s´epar´e, localement
compact, connexe par arcs et localement connexe par arcs, de dimension topologique 3.
Le morphisme de projection π:A1,an
ZM(Z)est ouvert.
Nous allons, `a pr´esent, ecrire quelques anneaux de sections globales sur des ouverts
de la droite analytique A1,an
Z. Soient Ω un ouvert de M(Z) et rR
+. Nous noterons
k.kla norme uniforme sur Ω. efinissons un ouvert Ω(r) de A1,an
Zpar
Ω(r) = π1(Ω) ∩ {xA1,an
Z| |T(x)|< r}.
Les sections du faisceau structural sur l’ouvert Ω(r) s’expriment simplement en fonction
de celles sur Ω : ce sont les s´eries
X
i0
aiTiO(Ω)[[T]]
telles que le rayon de convergence de la s´erie
X
i0
kaikTi
5
O=Q2
2
3p
5
O=Z1
6
O=R
O=Z3
Fig. 2 – Le faisceau structural sur M(Z).
soit sup´erieur ou ´egal `a r.
Introduisons des notations. Soit fQ[[T]]. Nous noterons R(f) le rayon de conver-
gence de la erie fvue comme erie de C[[T]], o`u Cest muni de la valeur absolue
usuelle |.|. Pour tout nombre premier p, nous noterons Rp(f) le rayon de convergence
de la erie fvue comme erie de Cp[[T]], o`u Cpest muni de la valeur absolue p-adique
normalis´ee |.|p.
Soient tN,p1,...,ptdes nombres premiers et ε1,...,εt>0. Supposons que Ω
soit l’ouvert de M(Z) qui contienne le segment [|.|0,|.|p11[ de la branche p1-adique,
. . . , le segment [|.|0,|.|ptt[ de la branche pt-adique et l’inegralit´e de toutes les autres
branches. Alors les ´el´ements de O(Ω(r)) sont exactement les s´eries
fZ1
p1···pt[[T]]
erifiant les conditions suivantes :
R(f)ret i[[1, t]], Rpi(f)r1i.
Ces eries doivent donc erifier `a la fois des conditions de convergence archim´edienne
et p-adiques.
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