Les nouveaux outils diagnostiques et pronostiques de l`amylose

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Mise au point
mt 2013 ; 19 (3) : 229-36
Les nouveaux
outils diagnostiques
et pronostiques
de l’amylose systémique
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 04/06/2017.
Nadine Magy-Bertrand
Service de Médecine interne, CHU Jean Minjoz, 3, boulevard Fleming, 25 000 Besancon,
France
<[email protected]>
L’amylose est une maladie rare, de diagnostic difficile. La confirmation de la pathologie repose
sur l’identification histologique de dépôts amyloïdes. Le typage de l’amylose est important
pour décider de la thérapeutique qui sera proposée. Des nouveaux outils diagnostiques et
pronostiques ont été développés dans la pathologie amyloïde durant ces 10 dernières années.
Certains sont des outils anciens qui ont été réactualisés (notamment en médecine nucléaire).
D’autres outils font appel aux nouvelles techniques de biologie moléculaire telles que la
protéomique. L’utilisation de ces nouveaux outils et la hiérarchisation de leur emploi dans
la démarche diagnostique vis-à-vis d’une suspicion diagnostique d’amylose permettent une
meilleure prise en charge de la pathologie amyloïde.
Mots clés : amylose, imagerie par résonance magnétique, imagerie nucléaire, biomarqueurs,
imagerie nucléaire
doi:10.1684/met.2013.0410
L’
mt
Tirés à part : N. Magy-Bertrand
amylose, identifiée pour la première fois par Rokitansky en
1842 [1], est une maladie rare.
Les formes les plus fréquentes
d’amylose sont, par ordre de fréquence décroissante, l’amylose
immunoglobulinique (ou amylose
AL), l’amylose secondaire (ou amylose AA) et l’amylose à transthyrétine
(ou amylose à TTR). Il est très important de connaître dès la prise en
charge initiale quel est le type
d’amylose pour décider de la prise
en charge thérapeutique adaptée et
de la rapidité de mise en œuvre.
En effet, le pronostic de ces différents types d’amylose n’est pas
similaire, de même que les traitements qui peuvent être proposés. À
titre d’exemple, une chimiothérapie
à visée hématologique ne traite pas
une amylose secondaire et une greffe
hépatique n’est d’aucune utilité dans
l’amylose AL. Le typage du dépôt
amyloïde doit donc être le plus précis
possible. Le développement d’outils
pronostiques s’est avéré nécessaire
lorsque les traitements de l’amylose
et notamment ceux de l’amylose AL
se sont développés. L’amylose AL cardiaque est associée à une médiane
de survie de 6 mois en l’absence de
traitement ; il était donc nécessaire
de développer des outils permettant d’évaluer rapidement l’efficacité
du traitement initial proposé pour
envisager un changement en cas
d’inefficacité. Le but de cette revue
est de présenter les nouveaux outils
diagnostiques et pronostiques utilisés dans la pathologie amyloïde. Les
différents domaines d’exploration
de la pathologie amyloïde seront
détaillés : l’anatomo-pathologie, la
médecine nucléaire, la radiologie et
les biomarqueurs pronostiques.
Analyse
anatomo-pathologique
des tissus amyloïdes
L’affirmation
du
diagnostic
d’amylose passe par l’identification
des dépôts amyloïdes dans les tissus
cibles. La coloration de référence
Pour citer cet article : Magy-Bertrand N. Les nouveaux outils diagnostiques et pronostiques de l’amylose systémique. mt 2013 ; 19 (3) : 229-36
doi:10.1684/met.2013.0410
229
permettant l’identification des dépôts est le Rouge Congo.
Cette coloration identifie des dépôts déjà visibles par une
coloration standard de type HES (hématoxylline-éosinesafran). C’est la bi-réfringence jaune-verte des dépôts,
colorés par le Rouge Congo en lumière polarisée, qui signe
le caractère amyloïde du dépôt.
La technique du Rouge Congo a été ensuite complétée
par d’autres colorations telles que la thioflavine T et le
bleu Alcian. Ces colorations permettent d’identifier des
dépôts amyloïdes non identifiés par le Rouge Congo ou de
confirmer le Rouge Congo. Ces techniques de coloration
diagnostiquent la présence d’un dépôt amyloïde mais ne
préjugent en rien du type d’amylose concerné ni de la
charge amyloïde du tissu analysé.
Les techniques d’immunohistochimie (IHC) sont
actuellement couramment employées pour typer le dépôt
amyloïde. L’IHC qui utilise des anticorps anti-SAP
confirme la nature amyloïde du dépôt car le composant
est inclus dans tous les types de dépôts amyloïdes. L’IHC
peut également employer des anti-SAA, des anti-TTR, des
anti-chaînes légères d’immunoglobulines pour typer les
catégories les plus courantes d’amylose. Actuellement, il
est accordé une bonne fiabilité aux IHC avec anti-SAA et
anti-TTR et une fiabilité moyenne aux anti-chaînes légères
(contamination possible du prélèvement par le sang du
patient).
Afin d’affiner l’identification du précurseur amyloïde
et de préciser la quantité d’amylose présente dans le tissu,
des scores et des techniques ELISA ont été développées
durant des 5 dernières années. L’équipe de Hazenberg
et al. [2] a rapporté une technique associant un score
des dépôts amyloïdes observés sur la lame après Rouge
Congo et une quantification après extraction dans de la
guanidine des chaînes légères kappa et lambda présentes
Amylose AL kappa
A
dans le dépôt amyloïde identifié dans la graisse souscutanée du patient (figure 1). La figure décrit le cas d’une
amylose AL kappa et celui d’une amylose AL lambda.
Le ratio kappa/lambda des chaînes légères extraites du
dépôt est indicatif du caractère AL de l’amylose identifiée
et de la chaîne légère impliquée. Cette technique a également été développée dans le diagnostic de l’amylose
à transthyrétine. L’étude rapportée par Hazenberg et al.
[3] inclut 38 patients atteints d’ATTR, 70 sujets contrôles
et 17 sujets porteurs de la mutation de la TTR sans
maladie. La quantité de dépôt amyloïde a été scorée de
0 (<1% de la surface atteinte) à +4 (plus de 60 % de
la surface atteinte). Après cette quantification initiale, la
TTR a été extraite dans de la guanidine et une technique
ELISA sandwich a été employée pour déterminer la
concentration de TTR. La moyenne de la concentration
des patients avec ATTR était à 0,83 ng/mg contre 0,006
chez les contrôles. En retenant un seuil à 0,13 ng/mg,
32/38 ATTR étaient positifs (sensibilité de 84 %) 96 % des
contrôles étaient négatifs et 16/17 porteurs de mutation
sans maladie étaient sous le seuil de 0,13. La concordance entre le score histologique et la concentration était
satisfaisante dans tous les groupes. Ce type de technique
permet donc une identification certaine du précurseur
amyloïde et permettra dans le futur d’évaluer une réponse
thérapeutique.
Les techniques de biologie moléculaires
Elles permettent l’identification du précurseur amyloïde qu’il s’agisse de transthyrétine mutée, d’une
chaîne légère d’immunoglobuline ou d’une variante rare
d’amylose systémique telle que l’amylose à lysozyme.
Amylose AL lambda
B
1000
1000
Lambda (ng/mg graisse)
Kappa (ng/mg graisse)
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0
1+
2+
3+
4+
Score amyloïde
0
1+
2+
3+
4+
Score amyloïde
Figure 1. Concentration des chaînes libres liées à la maladie et le score d’amylose dans le tissu adipeux des patients avec amylose AL
(d’après [2]).
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Le développement actuel de ces techniques a pour
principal but d’identifier des précurseurs amyloïdes non
reconnus par les techniques histologiques classiques, par
les techniques immunohistochimiques et par les techniques d’immuno-électromicroscopie. Avec l’avènement
de la protéomique et le développement de la spectrométrie de masse, la tendance est l’association de plusieurs
techniques de biologie moléculaire. Lavatelli [4] et al. ont
ainsi rapporté une étude de cas permettant de démontrer l’apport de la spectrométrie de masse basée sur
la protéomique dans le diagnostic d’une amylose AL
(figure 2). Le patient est un homme de 62 ans qui présente une neuropathie périphérique. Les autres signes
cliniques sont une perte de poids, une dysphonie et
une amylose cardiaque (échocardiographie évocatrice,
NT-proBNP à 523 [n < 322 ng/L]). Des dépôts amyloïdes sont identifiés par le Rouge Congo à l’analyse
histologique d’une masse rétropéritonéale. En immunohistochimie, les marquages kappa/lambda sont peu
concluants. L’analyse des chaînes lourdes libres sériques
note une prédominance des chaînes ␮ et l’analyse des
chaînes légères libres sériques une prédominance des
chaînes lambda. Les analyses génétiques sont négatives
pour TTR, ApoAI, ApoAII, lyoszyme et fibrinogène. En
immuno-électromicroscopie de la graisse sous-cutanée
abdominale, les fibrilles amyloïdes sont en quantité abondante mais non marquées par les anticorps anti-␮ et
anti-lambda. L’analyse protéomique par technique 2DPAGE permet l’identification de protéines marquées par
les anticorps anti-lambda. L’analyse de ces protéines par
spectrométrie de masse (MALDI-TOF MS) et la comparaison à des séquences protéiques spécifiques révèle le
précurseur amyloïde qui est une chaîne légère lambda
(lambda V 10-54).
A
B
3
Imagerie nucléaire
et amylose systémique
Le diagnostic histologique d’une amylose systémique
par les techniques de coloration habituelles ne préjuge
pas de l’extension de l’amylose systémique et ne permet pas un suivi de l’efficacité des traitements entrepris.
L’imagerie nucléaire permet actuellement d’obtenir une
bonne visualisation de l’extension de certaines amyloses
systémiques [5] et peut, dans certains cas, autoriser un
suivi de l’efficacité des traitements.
La scintigraphie au composant P marqué
Il s’agit de la technique d’imagerie nucléaire la plus
utile dans le diagnostic de la localisation des dépôts amyloïdes dans l’ensemble du corps (figure 3). Le traceur
utilisé est le composant P marqué à l’iode 123 (123 I). Le
composant P est une glycoprotéine, non fibrillaire, dérivée de la protéine amyloïde sérique (SAP), présente dans
tous les types de dépôts amyloïdes (AL, AA, sénile, TTR,
etc. . .). La SAP circule normalement dans le sérum des
sujets sains. La scintigraphie au SAP marqué a été mise
au point par l’équipe londonienne de Pepys et est actuellement disponible au Royaume-Uni et aux Pays-Bas. La
diffusion de cette technique n’a pas été large car elle fait
appel à une protéine dérivée du sang : la SAP. La Food
and Drug Administration (FDA) américaine et les autorités sanitaires françaises ont refusé son développement sur
les territoires concernés en arguant du risque infectieux
hypothétique que le patient courait lors de cet examen.
La scintigraphie au SAP marqué permet de visualiser la
localisation des dépôts amyloïdes quel que soit le type
d’amylose [6] et un suivi de l’examen dans le temps permet
de juger de l’efficacité du traitement de l’amylose.
C
pt
D
Try
842.50
10
200
Anti-λ
50KDa
MW
SAP
ApoA-1
25KDa
115-133+Na
2008/03
1-12
134-153 or T
1244.63
2211.17
115-133
16-48 PyroClu
194-203 1098.00
3329.58
1711.60
Try
134-153 Methyl
1045.50
2225.2
16-45
107-133
3329.58
2807.56
45
W
M 31
21
14
Anti-µ
10
Lambda IGLV10-54
178-190
1743.50
98
65
Anti-µ Anti-λ
Figure 2. A)Immuno-électromicroscopie (17000x) montrant des fibrilles amyloïdes dans le tissu adipeux avec marquage anti-lambda et
antique␮ ; B) 2D-PAGE protéome du tissu adipeux ; C) Immunoblot des protéines extraites du tissu adipeux séparées par SDS-PAGE ; D)
Correspondance entre la séquence théorique en acides aminés de la chaîne lambda et la séquence de la protéine extraite de la moelle
osseuse (d’après [4]).
mt, vol. 19, n◦ 3, juillet-août-septembre 2013
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Mise au point
Développement des techniques d’imagerie
nucléaire pour l’exploration de l’amylose
cardiaque
Durant les 10 dernières années, les différentes techniques d’imagerie nucléaire ont essentiellement permis
d’approfondir la description de l’amylose cardiaque et de
la diagnostiquer plus précocement.
Les techniques permettent d’explorer l’innervation
cardiaque, le métabolisme cardiaque, la perfusion cardiaque, les dépôts amyloïdes et la fonction ventriculaire
(tableau 1) [7]. Ces techniques ont principalement été
développées dans l’étude de l’amylose cardiaque AL
(médiane de survie à 6 mois sans traitement) et dans
l’étude de l’amylose cardiaque à transthyrétine (recherche
d’une atteinte cardiaque précoce avant de prendre la décision d’une transplantation hépatique). Nous décrirons les
deux principales techniques employées en pratique clinique : la scintigraphie au 123 I-MIBG et la scintigraphie au
99
Tc-(pyro)phosphate.
La scintigraphie au 123 I-MIBG
Cette technique a initialement été développée il y a
plus de 20 ans pour évaluer les séquelles de l’infarctus du
myocarde notamment sous l’angle de l’innervation sympathique cardiaque. Le MIBG (métaïodobenzylguanidine)
est un agent neuronal bloqueur agissant sur le système
sympathique. Il adopte le même système de captation
et de stockage que la noradrénaline mais n’est pas soumis au même métabolisme. Ce composant marqué à 123 I
permet l’imagerie du système nerveux sympathique de
nombreux organes et en particulier du myocarde. Deux
indicateurs du fonctionnement sympathique myocardique
sont employés : le ratio H/M (heart/mediastinum) déterminé par le rapport entre la captation précoce du traceur
à 15-30 minutes et la captation tardive à 4 heures qui
évalue la distribution cardiaque sympathique et la fonction de captation des terminaisons nerveuses et le taux de
washout permettant d’évaluer la sympathicotonie (capacité de stockage du traceur). Plus le ratio H/M est bas, plus
l’atteinte du système nerveux sympathique cardiaque est
sévère. Il existe une corrélation importante entre l’atteinte
du système nerveux autonome au cours de l’amylose et la
sévérité de la dénervation cardiaque [8, 9]. La dénervation
cardiaque est essentiellement observée dans les neuropathies amyloïdes familiales (FAP) et dans les amyloses AL
avec atteinte du système nerveux autonome [9].
La scintigraphie au 99 Tc-(pyro)phosphate (figure 3)
Depuis 1977, les dérivés phosphatés marqués au Technétium sont employés pour dépister les dépôts amyloïdes
[10]. Les dérivés phosphatés marqués lient les composants calciques présents dans les dépôts amyloïdes. Trois
types de dérivés phosphatés peuvent être utilisés pour
cartographier les dépôts amyloïdes (tableau 1). Nous insisterons essentiellement sur la scintigraphie au 99m Tc-DPD
(diphosphates) qui permet de différencier une amylose cardiaque AL d’une amylose cardiaque à transthyrétine. Ce
diagnostic différentiel est important car dans le cas de
l’amylose cardiaque AL le pronostic est péjoratif et les
traitements sont des chimiothérapies (avec ou sans autogreffe de cellules souches) à entreprendre rapidement et,
dans le cas de l’amylose à TTR, le pronostic est meilleur et
Tableau 1. Mécanisme physiologique cardiaque exploré suivant la technique d’imagerie nucléaire [7].
Mécanisme physiologique cardiaque exploré
Innervation cardiaque
Métabolisme cardiaque
Technique d’imagerie nucléaire (SPECT)
123I-MIBG
123I-BMIPP
99mTc(V)-DMSA
Perfusion cardiaque
Dépôts amyloïdes
232
99mTc-sestamibi
et 201Tl
99mTc-aprotinine
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A
B
Figure 3. Vues antérieure et postérieure d’une scintigraphie au 99mTc-HDP (A) et d’une scintigraphie au 123I-SAP (B). La fixation
myocardique identifiée sur la scintigraphie osseuse n’est pas visible sur la scintigraphie au SAP marqué. Les deux examens montrent une
hyperfixation des grosses articulations. Les prises de contraste thyroïdiennes et gastriques sont physiologiques avec la scintigraphie au
SAP (d’après [5]).
les traitements passent essentiellement par la transplantation d’organes (foie-cœur). La distinction entre ces 2 types
d’amylose cardiaque s’effectue par la mesure de la captation du traceur qui est beaucoup plus importante en cas
d’amylose à TTR qu’en cas d’amylose AL [11].
Le TEP-scan
Les marqueurs radiopharmaceutiques utilisés lors de
la tomographie par émission de positrons et notamment le
18
F-FDG ont un intérêt limité dans l’exploration des amyloses systémiques. Cependant l’utilisation d’autres agents
radiopharmaceutiques, tels que le 11C-BF-227 qui permet
la visualisation des dépôts amyloïdes myocardiques au
cours de la neuropathie amyloïde familiale, induira sans
doute le développement de cette technique pour juger de
l’extension de l’amylose systémique [12].
Imagerie par résonance magnétique
et amylose cardiaque (figure 4)
L’atteinte du parenchyme cardiaque par les dépôts
amyloïdes est la plus péjorative en termes de pronostic.
Elle est la cause principale de décès au cours de l’amylose
AL avec une médiane de survie de 6 mois en l’absence
de traitement et est l’une des principales causes de décès
au cours de l’amylose à TTR. Son identification précoce
est importante. L’échocardiographie permet de suspecter
une amylose cardiaque par le diagnostic d’une cardiomyopathie restrictive avec parenchyme hyperbrillant et
hypertrophie du septum interventriculaire dont la taille a
une valeur pronostique [13]. Pour bien diagnostiquer une
amylose cardiaque, il faut un échographiste expérimenté.
La suspicion diagnostique d’amylose cardiaque peut également être étayée par l’IRM cardiaque. Il n’existe pas
de supériorité de l’IRM cardiaque dans le diagnostic par
rapport à un échographiste expérimenté mais l’IRM peut
guider la biopsie endomyocardique. L’IRM cardiaque n’est
pas adaptée pour la surveillance de l’évolution de la cardiopathie amyloïde sous traitement (cf. ci-dessous chapitre
biomarqueurs).
L’IRM permet de mettre en évidence des signes de cardiopathie restrictive et dans un second temps d’attribuer
cette cardiopathie à l’amylose. L’aspect, témoin de la
cardiopathie amyloïde, le plus spécifique à l’IRM est
l’existence d’un rehaussement tardif du myocarde après
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A
B
C
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Figure 4. Imagerie par résonance magnétique nucléaire cardiaque. Amylose cardiaque. A) hypertrophie pariétale du ventricule gauche
en coupe petit axe ; B) rehaussement tardif sous-endocardique en coupes petit axe ; C) incidence quatre cavités (d’après [13]).
injection de gadolinium [14, 15]. Le rehaussement tardif est sous-endocardique circonférentiel et est lié à
l’accumulation interstitielle de la protéine amyloïde. Le
rehaussement tardif est le reflet de la distribution de la
protéine amyloïde dans le tissu myocardique. La localisation sous-endocardique du rehaussement tardif est à
distinguer d’une localisation sous-épicardique ou transmurale sans topographie vasculaire observée au cours des
myocardites virales. Le rehaussement tardif spécifique présente une sensibilité de 80 à 86 %, une spécificité de 86
à 94 % avec une valeur prédictive positive de 95 %.
La cinétique du rehaussement tardif spécifique permet
d’évaluer la sévérité de l’infiltration amyloïde du myocarde. Le gradient du signal entre le sous-endocarde et le
sous-épicarde est évalué. Si le gradient est bas, cela signifie que l’infiltration s’étend jusqu’au sous-épicarde et que
donc l’atteinte est plus sévère [14, 15].
Il existe un signe moins spécifique d’amylose cardiaque à l’IRM qui est un rehaussement tardif diffus
hétérogène entraînant une difficulté à la réalisation des
séquences dites d’inversion-récupération. L’existence de
cette difficulté permet de suspecter une amylose cardiaque
alors que l’IRM cardiaque était réalisée pour une autre
indication.
L’IRM cardiaque permet un diagnostic précoce de la
cardiopathie amyloïde et évalue sa sévérité. Elle se doit
d’appartenir au groupe des examens paracliniques réalisés
en cas de suspicion de cardiopathie amyloïde.
Les biomarqueurs
pronostiques de l’amylose AL
La recherche de biomarqueurs pronostiques a essentiellement concerné l’amylose AL qui est la forme
d’amylose la plus sensible au traitement mais également
celle dont l’évolution péjorative est la plus rapide notamment en ce qui concerne l’amylose cardiaque. Il était
nécessaire d’établir des critères pronostiques pour pouvoir
réajuster le traitement hématologique à 3 mois et aug-
234
menter la survie des patients. L’équipe de Merlini [16] a
ainsi recueilli les données rétrospectives de 816 patients
atteints d’amylose AL issus de 7 centre internationaux de
référence dans la prise en charge de l’amylose AL avec une
évaluation de la survie à 3 mois et à 6 mois. Les données
présentées ci-dessous sont issues de cette étude et devront
être validées par des travaux prospectifs.
Les biomarqueurs témoins de la progression
hématologique de l’amylose AL
L’évaluation du ratio des chaînes légères libres kappa
et lambda dans le sang est une aide à l’établissement du
pronostic de l’amylose AL. Initialement la réalisation du
dosage permet d’établir la chaîne légère en cause dans
la formation du dépôt amyloïde AL (en fonction du ratio
kappa/lambda). La réponse au traitement hématologique
est évaluée par le DFLC (differential free light chains).
Exemple de calcul du différentiel : si lambda = 254 mg/L et
kappa = 24 mg/L, le DFL est égal à 254-24 soit 230 mg/L.
Sur le plan hématologique, il est considéré que le patient
est en réponse complète si la protéinurie de Bence-Jones
est négative et si le ratio kappa/lambda est normal. Dans ce
cas particulier, la ponction-biopsie osseuse a montré dans
tous les cas un taux de plasmocytes médullaires < 5 %, cet
examen ne doit donc pas être systématique. Le patient est
considéré comme très bon répondeur si le DFLC est inférieur à 40 mg/L. Le patient est un répondeur partiel si le
DFLC a diminué d’au moins 50 %. Dans toutes les autres
situations, le patient est considéré comme non-répondeur.
Si le patient est répondeur partiel ou non-répondeur à 3
mois, un changement de traitement doit être rapidement
proposé.
Les biomarqueurs témoins de la réponse
d’organe au cours de l’amylose AL
Amylose cardiaque
Une réduction de 30 % de la valeur initiale du NTproBNP ou une valeur de NT-proBNP inférieure à 300
ng/L sont considérées comme les témoins d’une bonne
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réponse cardiaque au traitement de l’amylose AL. Il
existe une bonne corrélation entre la survie au cours
de l’amylose cardiaque AL et les valeurs du NT-proBNP.
La survie est maximale quand le NT-proBNP s’améliore,
elle est moyenne quand il est stable et elle est médiocre
quand le NT-proBNP augmente. Les biais observés dans
l’application de cette règle sont principalement représentés par une insuffisance rénale sévère qui majorera
les chiffres de NT-proBNP. Dans ce cas, le pronostic des
patients avec un NT-proBNP en régression et celui de ceux
avec un NT-proBNP stable seront similaires. De la même
façon, certains traitements de l’amylose AL peuvent être
délétères pour la fonction cardiaque et majorer les chiffres
de NT-proBNP.
Les mêmes corrélations sont observées avec les troponines I et T. Une augmentation de la troponine I ou
de la troponine T de 33 % est associée à une réduction
significative de la survie des patients.
La réduction de la taille du septum interventriculaire
de 2 mm pour étayer la réponse cardiaque au traitement
de l’amylose AL est trop tardive. Elle survient avec un délai
souvent supérieur à 6 mois après le début du traitement
hématologique et ne permet pas une adaptation rapide du
traitement hématologique.
Amylose rénale
La réponse rénale est considérée comme satisfaisante
s’il existe une réduction de 50 % de la protéinurie des 24
heures sans réduction concomitante de la filtration glomérulaire de plus 25 % ou une élévation de la créatininémie
de plus de 0,5 mg/dL.
Amylose hépatique
Une bonne réponse hépatique est obtenue si on assiste
à une réduction de 50 % du taux des phosphatases alcalines et s’il existe une décroissance de 2cm de la taille
échographique du foie.
Biomarqueur pronostique de l’amylose à transthyrétine
Le modified body mass index (mBMI) a été proposé
au cours l’amylose à TTR pour évaluer l’état nutritionnel
des patients [17] et donc le retentissement de la maladie
amyloïde sur cet état. Il se calcule de la manière suivante :
valeur de l’albumine sérique en gramme par litre multiplié par le BMI. Les valeurs physiologiques sont comprises
entre 760 et 1000. Ce mBMI est utilisé pour corriger la
prise de poids liée aux œdèmes qui peuvent modifier le
calcul du BMI. Une valeur inférieure à 760 signale un
poids insuffisant, une valeur inférieure à 600 est témoin
d’une malnutrition sévère. Un des traitements validés de
l’amylose à TTR est la transplantation hépatique qui permet de synthétiser un variant non muté de la TTR. Le
patient n’est pas éligible pour la transplantation hépatique
si le mBMI est inférieur ou égal à 600 [18].
Conclusion
De nouvelles techniques de quantification histologique des dépôts amyloïdes et techniques d’identification
du type d’amylose par biologie moléculaire permettent
de mieux progresser dans le typage du dépôt amyloïde
et le suivi de la charge amyloïde en post-thérapeutique.
Les outils pronostiques, tels que les biomarqueurs, permettent d’adapter au plus près les traitements proposés
dans l’amylose AL. Il reste à identifier des traitements
efficaces de l’amylose à transthyrétine et de l’amylose
secondaire pour améliorer le pronostic global de la pathologie amyloïde.
Liens d’intérêts : aucun.
Références
1. Rokitansky K. Handbuch der speciellen pathologischen anatomica. Vienna : Braummuller Unuseidel ; 1842.
2. Bijzet J, van Gameren II, Limburg PC, Bos R, Vellenga E,
Hazenberg BPC. Diagnostic performance of measuring free light
chains in fat tissue of patients with AL amyloidosis. Amyloid
2011 ; 18(supp 1) : 71-2.
3. Hazenberg BPC, van Schijndel B, Bijzet J, Limburg PC, Bos R,
Haagsma EB. Diagnostic performance of transthyretin measurement
in fat tissue of patients with ATTR amyloidosis. Amyloid 2011 ; 18
(suppl 1) : 79.
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