122 | La Lettre du Psychiatre • Vol. VI - n° 4 - juillet-août 2010
Résumé
Un syndrome de dysrégulation dopaminergique (SDD) observé chez des patients parkinsoniens traités par
agonistes dopaminergiques a récemment fait l’objet de publications. Le “modèle parkinsonien”, a ainsi
remis au goût du jour une approche dimensionnelle de deux maladies psychiatriques : la dépression et
la schizophrénie. À partir de l’hypothèse d’une voie finale dopaminergique commune, nous avons repris
les différentes hypothèses étiopathogéniques de ces deux maladies. L’approche dopaminergique doit
être relativisée, mais elle a le mérite de réconcilier les différentes approches et hypothèses étiologiques
développées ces dernières années dans ces deux maladies plurifactorielles. Elle ouvre ou relance des pers-
pectives de recherche dans le domaine de la neurotransmission dopaminergique et de la pharmacologie
des épisodes dépressifs ou psychotiques résistants aux thérapeutiques classiques.
Mots-clés
Dopamine
Dépression
Schizophrénie
Summary
Patient with Parkinson’s disease
may suffer from behavioural
disorders when treated with
dopamine agonists. These
disorders have been regrouped
into a dopamine dysregulation
syndrome. We hypothesised
that depression and schizo-
phrenia may be other specific
dopamine dysregulation disor-
ders. A dopamine approach of
these two disorders may have
therapeutic and pharmaco-
logical implications.
Keywords
Dopamine
Depressive disorder
Schizophrenia
(tronc cérébral) vers le striatum dorsal (putamen et
noyau caudé). Elle est impliquée dans la planification
et le contrôle du mouvement ;
➤La voie mésolimbique, projection neuronale de
l’aire tegmentale ventrale vers le noyau accumbens,
l’amygdale et l’hippocampe, participe aux circuits
de la récompense et de la motivation ;
➤
La voie mésocorticale, dont les neurones plus
médians que les précédents ont des projections de
l’aire tegmentale ventrale vers les cortex cingulaire
antérieur, enthorinal et préfrontal, est impliquée
dans la concentration et les fonctions exécutives,
en particulier la mémoire de travail.
➤
La voie tubéro-infundibulaire, composée de
projections neuronales du noyau arqué hypothala-
mique vers l’éminence médiane hypothalamique,
contrôle la libération d’hormones de croissance via
la prolactine ;
➤
La voie incerto-hypothalamique, dont les
neurones se projettent de l’incerta vers l’amygdale
et l’hypothalamus, est impliquée dans les compor-
tements sexuels.
Ces 5 grandes voies sont au cœur des hypothèses
dopaminergiques actuelles concernant la dépression
et la schizophrénie.
Le “modèle parkinsonien”
Plusieurs éléments récents concernant la maladie
de Parkinson, comme l’individualisation du SDD,
l’observation des effets des agonistes dopaminer-
giques ou de la stimulation cérébrale profonde, ont
remis sur le devant de la scène les théories dopa-
minergiques dans la dépression et la schizophrénie.
La maladie de Parkinson idiopathique – et sa triade
symptomatique classique (rigidité-akinésie-hyper-
tonie) – est connue pour résulter d’une atteinte de
la voie dopaminergique nigrostriée. Certains symp-
tômes survenant plus tardivement dans l’évolution
de la maladie comme la dépression, l’anhédonie, le
déficit de motivation ou l’apathie pourraient résulter
d’une atteinte dégénérative à plus long terme des
voies dopaminergiques mésolimbiques, comme cela
a été démontré chez l’animal puis chez l’homme (5).
Une étude récente en imagerie cérébrale par tomo-
graphie par émission de positrons (TEP) a permis de
corréler la symptomatologie dépressive de patients
parkinsoniens avec un déficit en transporteur de la
dopamine dans les régions corticales limbiques (6).
L’utilisation de nouveaux traitements dans la
maladie de Parkinson a permis de préciser les rôles
respectifs des différentes voies dopaminergiques.
Depuis 2000 ont en effet été regroupés sous une
même entité syndromique neuropsychiatrique – le
SDD – différents troubles du comportement surve-
nant préférentiellement chez des patients traités
par agonistes dopaminergiques : hyperactivité
nocturne, somnolence diurne, modifications du
régime alimentaire, développement d’une activité
créatrice et de bricolage, hypersexualité, comporte-
ments de prise de risque, jeu pathologique, achats
compulsifs, activités répétitives de punding (définies
comme relevant d’une intense fascination pour des
mouvements répétés et apparemment dépourvus de
signification, comme la collection, le rangement ou
le déplacement d’objets) [7] et addiction aux traite-
ments dopaminergiques (1). Ces troubles semblent
régresser à la diminution des doses d’agonistes
dopaminergiques prescrites, notamment à la suite
de l’implantation d’électrodes de stimulation chro-
nique sous-thalamique. Cette dernière technique
thérapeutique développée depuis 1995 a permis de
préciser quelles étaient les zones limbiques du noyau
sous-thalamique impliquées dans le contrôle des
émotions. Le lien entre troubles neuropsychiatriques
et agonistes dopaminergiques a été étudié plus
précisément par certains auteurs qui ont retrouvé,
chez l’animal puis chez l’homme, des effets anti-
dépresseurs des agonistes dopaminergiques (en
l’occurrence le pramipexole) comparables à ceux
de certains antidépresseurs sérotoninergiques (8, 9).
Plus récemment, il a même été mis en évidence
un lien entre les propriétés antidépressives de ces
molécules et leur affinité spécifique pour les récep-
teurs D3-dopaminergiques, de localisation limbique
préférentielle (10). Dans le passé, d’autres substances
dopaminergiques avaient déjà été utilisées à des fins
antidépressives : l’amineptine (Survector
®
), retiré
du marché parce que provoquant une hypertension
artérielle pulmonaire, et le bupropion (Zyban®),
prescrit aujourd’hui en France dans le maintien de
l’abstinence après sevrage tabagique. Ces deux molé-
cules, qui possédaient des effets thymiques modérés