
INTRODUCTION
Le concept du professionnalisme médical a toujours été défini essentiellement par la nature et la primauté de la
relation entre chaque médecin et patient, ainsi que par l’obligation fiduciaire des médecins dans le contexte de cette
relation. Le premier principe du Code de déontologie de l’AMC énonce de façon succincte l’obligation fondamentale du
médecin :
Tenir compte d’abord du mieux-être du patient
.
Depuis la dernière moitié du XXe siècle, on met toutefois de plus en plus l’accent sur la nécessité pour les médecins
de tenir compte aussi des besoins collectifs de la société en plus de ceux de chacun de leurs patients. Comme
l’indique le Code de déontologie de l’AMC, ils doivent :
Tenir compte du bien-être de la société en matière de santé.
Ce virage de la réflexion a au moins deux causes. Premièrement, la science médicale a réalisé des progrès énormes
qui permettent aux médecins de faire beaucoup plus pour prolonger la durée et la qualité de la vie de leurs patients,
mais ces changements ont inévitablement un coût que finit par payer l’ensemble de la société. Deuxièmement,
depuis la Seconde Guerre mondiale, les gouvernements du Canada interviennent de plus en plus dans le
financement des soins de santé par les recettes fiscales. C’est pourquoi on demande de plus en plus aux médecins
d’être prudents dans l’usage qu’ils font des ressources consacrées aux soins de santé et de rendre de plus en plus
compte de leur façon de les utiliser.
La charte fondatrice de l’American Board of Internal Medicine (ABIM) de 2002 sur le professionnalisme médical
préconise l’engagement des médecins envers une distribution équitable de ressources limitées : « Tout en répondant
aux besoins des patients en particulier, les médecins sont tenus de fournir des soins de santé fondés sur la gestion
judicieuse et rentable de ressources cliniques limitées
. » On a aussi parlé dans ce cas de professionnalisme civique.
Lesser et ses collègues ont proposé un point de vue systémique du professionnalisme qui émane de la relation
patient-médecin dans le contexte d’interactions plus générales avec les membres de l’équipe de soins de santé, le
milieu de la formation et l’environnement extérieur, les échanges avec les payeurs et les organismes de
réglementation, sans oublier les déterminants socioéconomiques de la santé
. Comme les ressources disponibles
pour les soins de santé sont limitées, il surgira des tensions entre le soin des patients en particulier et les besoins
collectifs de la société, ce qui est compréhensible, et ces tensions pourront parfois être très difficiles à dissiper pour
les médecins en particulier.
Comme l’indique la politique de l’AMC sur Le professionnalisme médical (mise à jour 2005) :
Le professionnalisme médical comprend à la fois la relation entre un médecin et un patient et un contrat social entre les médecins
et la société. Celle-ci accorde des privilèges à la profession, y compris la responsabilité exclusive ou première de la prestation de
certains services et un grand degré d’autoréglementation. En contrepartie, la profession convient d’utiliser les privilèges en
question principalement au bénéfice d’autrui et, accessoirement seulement, pour son propre avantage
.
La prestation, la gestion et la gouvernance des soins de santé sont devenues plus complexes avec le temps et c’est
pourquoi le secteur des soins de santé comporte maintenant environ un emploi sur 10 au Canada. Au Canada, il y a
plus d’une vingtaine de professions de la santé réglementées et de nombreux gestionnaires professionnels employés
à divers titres, dont beaucoup ont été peu exposés aux réalités quotidiennes de la pratique de la médecine clinique
ou ne l’ont pas été du tout. Même si l’on reconnaît la nécessité très réelle et importante de la collaboration
interprofessionnelle et du travail d’équipe, il en découle inévitablement des rivalités sur le plan de l’influence à
exercer dans le système de santé.
Dans la mise à jour 2005 de sa politique sur le professionnalisme médical, l’AMC reconnaît le besoin de
changement.