ÉVOLUTION DU LIEN PROFESSIONNEL ENTRE LES MÉDECINS DU CANADA ET NOTRE SYSTÈME DE SANTÉ : OÙ EN SOMMES-NOUS ? APERÇU Ce document fait le point sur le lien professionnel entre les médecins et le système de santé. Une revue du concept du professionnalisme médical et des tensions qui peuvent surgir entre le soin d’un patient et la prise en considération des besoins généraux de la société présente quelques éléments de base. Notre façon de comprendre ce que signifie être médecin a évolué considérablement au fil des ans et la profession médicale est maintenant mise au défi de clarifier le rôle qu’elle est prête à jouer dans la transformation de notre système de santé. Nous en sommes arrivés à ce point en raison d’une convergence de plusieurs facteurs. La régionalisation des soins de santé a entraîné un changement des rôles de leadership joués par les médecins en exercice et des possibilités qui s’offrent à eux de contribuer vraiment au changement du système. Aussi, les médecins sont maintenant moins susceptibles d’intervenir dans les soins administrés en milieu hospitalier, ce qui a fait disparaître la collégialité et les échanges entre pairs. L’évolution des modèles de participation des médecins et les changements de la démographie médicale ont aussi soulevé des problèmes et des enjeux nouveaux au cours des dernières années. L’Association médicale canadienne (AMC) souhaite que ses médecins membres et les autres interlocuteurs examinent dans l’optique de trois principes (autonomie, représentation et imputabilité) les défis et les possibilités auxquels font actuellement face les médecins du Canada alors qu’ils essaient de s’engager dans le système de santé. Un solide leadership médical sous-tend ces concepts importants. Les compétences de leadership sont essentielles pour permettre aux médecins de participer activement à des échanges portant sur une réelle transformation du système. LES PRINCIPALES RECOMMANDATIONS DE L’AMC SONT LES SUIVANTES : Il faut fournir aux médecins les outils de leadership et l’appui nécessaires pour leur permettre de participer individuellement et collectivement aux discussions sur la transformation du système de santé du Canada. Il faut offrir aux médecins des occasions réelles de contribuer à tous les niveaux de la prise de décision avec des partenaires engagés et fiables, il faut les inclure dans le processus décisionnel comme collaborateurs valables. Les médecins doivent reconnaître leurs obligations individuelles et collectives (comme membres de l’équipe de soins de santé et membres d’une profession) et leur imputabilité envers leurs patients, envers leurs collègues et envers le système de santé et la société. Les médecins doivent pouvoir intervenir librement pour le compte de leurs patients d’une façon qui respecte l’opinion d’autrui et sera susceptible d’entraîner des changements réels dont bénéficieront leurs patients et le système de santé. Les médecins doivent participer régulièrement et continuellement à des initiatives bien conçues et validées d’amélioration de la qualité qui soient de nature éducative et leur permettent d’obtenir la rétroaction et les compétences nécessaires pour optimiser le soin des patients et l’issue des soins. Le soin des patients doit être fondé sur l’équipe multidisciplinaire, la transition d’un contexte de soins à un autre doit être souple et des modèles de financement et autres doivent être en place pour permettre aux médecins et aux autres fournisseurs de soins de santé d’occuper entièrement le champ d’exercice de leurs activités professionnelles. INTRODUCTION Le concept du professionnalisme médical a toujours été défini essentiellement par la nature et la primauté de la relation entre chaque médecin et patient, ainsi que par l’obligation fiduciaire des médecins dans le contexte de cette relation. Le premier principe du Code de déontologie de l’AMC énonce de façon succincte l’obligation fondamentale du médecin : Tenir compte d’abord du mieux-être du patient 1. Depuis la dernière moitié du XXe siècle, on met toutefois de plus en plus l’accent sur la nécessité pour les médecins de tenir compte aussi des besoins collectifs de la société en plus de ceux de chacun de leurs patients. Comme l’indique le Code de déontologie de l’AMC, ils doivent : Tenir compte du bien-être de la société en matière de santé. Ce virage de la réflexion a au moins deux causes. Premièrement, la science médicale a réalisé des progrès énormes qui permettent aux médecins de faire beaucoup plus pour prolonger la durée et la qualité de la vie de leurs patients, mais ces changements ont inévitablement un coût que finit par payer l’ensemble de la société. Deuxièmement, depuis la Seconde Guerre mondiale, les gouvernements du Canada interviennent de plus en plus dans le financement des soins de santé par les recettes fiscales. C’est pourquoi on demande de plus en plus aux médecins d’être prudents dans l’usage qu’ils font des ressources consacrées aux soins de santé et de rendre de plus en plus compte de leur façon de les utiliser. La charte fondatrice de l’American Board of Internal Medicine (ABIM) de 2002 sur le professionnalisme médical préconise l’engagement des médecins envers une distribution équitable de ressources limitées : « Tout en répondant aux besoins des patients en particulier, les médecins sont tenus de fournir des soins de santé fondés sur la gestion judicieuse et rentable de ressources cliniques limitées2. » On a aussi parlé dans ce cas de professionnalisme civique. Lesser et ses collègues ont proposé un point de vue systémique du professionnalisme qui émane de la relation patient-médecin dans le contexte d’interactions plus générales avec les membres de l’équipe de soins de santé, le milieu de la formation et l’environnement extérieur, les échanges avec les payeurs et les organismes de réglementation, sans oublier les déterminants socioéconomiques de la santé3. Comme les ressources disponibles pour les soins de santé sont limitées, il surgira des tensions entre le soin des patients en particulier et les besoins collectifs de la société, ce qui est compréhensible, et ces tensions pourront parfois être très difficiles à dissiper pour les médecins en particulier. Comme l’indique la politique de l’AMC sur Le professionnalisme médical (mise à jour 2005) : Le professionnalisme médical comprend à la fois la relation entre un médecin et un patient et un contrat social entre les médecins et la société. Celle-ci accorde des privilèges à la profession, y compris la responsabilité exclusive ou première de la prestation de certains services et un grand degré d’autoréglementation. En contrepartie, la profession convient d’utiliser les privilèges en question principalement au bénéfice d’autrui et, accessoirement seulement, pour son propre avantage4. La prestation, la gestion et la gouvernance des soins de santé sont devenues plus complexes avec le temps et c’est pourquoi le secteur des soins de santé comporte maintenant environ un emploi sur 10 au Canada. Au Canada, il y a plus d’une vingtaine de professions de la santé réglementées et de nombreux gestionnaires professionnels employés à divers titres, dont beaucoup ont été peu exposés aux réalités quotidiennes de la pratique de la médecine clinique ou ne l’ont pas été du tout. Même si l’on reconnaît la nécessité très réelle et importante de la collaboration interprofessionnelle et du travail d’équipe, il en découle inévitablement des rivalités sur le plan de l’influence à exercer dans le système de santé. Dans la mise à jour 2005 de sa politique sur le professionnalisme médical, l’AMC reconnaît le besoin de changement. Tout en gardant la responsabilité globale du soin des patients, les médecins doivent pouvoir échanger de façon constructive avec d’autres professionnels de la santé dans le contexte d’une équipe interdisciplinaire. Il faut renforcer et consolider la relation entre les médecins et leurs collègues. Lorsque tous les praticiens des soins de santé conjuguent leurs efforts pour tendre vers un but commun, dans un contexte d’appui et de collégialité, ce sont les soins aux patients qui en bénéficient. Les médecins sont maintenant mis au défi de clarifier exactement ce qu’ils sont prêts à faire pour promouvoir la transformation du système de santé qui est des plus nécessaires et de préciser comment ils établiront des partenariats avec des patients, d’autres fournisseurs et le système afin d’atteindre ce but commun. Il en découle une occasion importante pour les médecins de maintenir leur rôle de chef de file dans l’initiative sur la transformation des soins de santé dans l’intérêt de leurs patients tout en redéfinissant leur relation avec le système (qui s’entend dans ce contexte des administrateurs de soins de santé, des gouvernements et de leurs représentants, des districts sanitaires, des établissements de soins de santé et d’organismes semblables) afin de s’assurer qu’ils ont une place réelle et valable à la table décisionnelle, aujourd’hui et à l’avenir. CONTEXTE Les administrateurs de la santé, les dirigeants des ministères de la Santé et les analystes des politiques de santé répètent depuis la dernière décennie et plus que les médecins « ne font pas partie du système de santé », qu’ils sont des entrepreneurs indépendants et non des employés et qu’ils font trop souvent partie du problème et non de la solution. Au cours de cette période, plusieurs événements ont diminué le rôle du médecin dans la gouvernance clinique au Canada pour transformer à divers degrés la relation professionnelle et collégiale entre les médecins et leur région sanitaire, leur établissement de soins de santé et leur communauté en une relation régie de plus en plus par l’arbitraire législatif ou la réglementation. Évolution : facteurs qui interviennent actuellement dans les échanges Régionalisation À commencer par le Nouveau-Brunswick en 1992, toutes les administrations à l’exception de l’Ontario, du Territoire du Yukon et du Nunavut ont adopté le modèle de gouvernance régionale. Ce changement a fait disparaître les conseils d’administration des hôpitaux et des services communautaires dans une région géographique pour les remplacer par un seul conseil régional. La gouvernance clinique est maintenant assurée par un comité consultatif médical (CCM) régional. Des provinces comme la Saskatchewan reconnaissent le rôle de l’association du personnel médical du district (ou de la région). Ce virage a eu un effet profond sur la réduction du nombre des médecins qui participent à la gouvernance clinique des établissements de soins de santé. Régionalisation : La plupart des provinces et des territoires ont adopté un modèle de gouvernance régionale, ce qui a réduit le nombre des médecins qui participent à la gouvernance clinique des établissements de soins de santé. Milieu de pratique : La participation des médecins à la prise de décision réelle en contexte tant hospitalier que communautaire pose des défis. Participation : Les changements des modèles de participation des médecins sont à l’origine de l’incertitude qui règne au sujet de la protection de l’emploi dont les médecins pourrait bénéficier. Changement de la démographie et des habitudes de pratique : Suite aux changements, il peut arriver que les pratiques comptent moins de patients et ouvrent leurs portes moins longtemps. La régionalisation a créé un autre sous-produit : dans à peu près tous les niveaux de compétence, les médecins ne siègent plus aux conseils de direction. Il y a toujours des médecins qui sont chefs de département et chefs de section dans des régions ou dans des établissements hospitaliers en particulier, mais les niveaux d’appui et la rémunération varient considérablement, surtout en dehors des grandes régions ou des grands établissements, et ces postes n’intéressent pas les médecins à certains endroits. Milieu de pratique Outre une présence diminuée au niveau de la gouvernance clinique, les médecins sont moins susceptibles qu’auparavant de participer activement à la régie des hôpitaux. En passant, beaucoup de médecins, en particulier dans les grandes agglomérations urbaines, déclarent avoir été « sortis » du contexte hospitalier et se sentir de plus en plus exclus du processus décisionnel dans ces établissements. La diminution de leur engagement dans les hôpitaux a eu un autre effet, soit la disparition de la collégialité professionnelle que favorisaient auparavant les contacts au salon du personnel médical ou les consultations informelles dans les couloirs. Il y a eu, en milieu communautaire, des événements positifs sur le plan du leadership des médecins et de la gouvernance clinique. L’Ontario et l’Alberta ont mis en œuvre de nouveaux modèles de financement et de prestation des soins primaires qui favorisent la direction d’équipes multidisciplinaires par les médecins et au moins deux tiers des médecins de famille de chacune de ces administrations se sont inscrits à ces modèles. La ColombieBritannique a créé des divisions de médecine familiale sur l’initiative du Comité des services de médecine générale (comité mixte du ministère de la Santé et de l’Association médicale de la Colombie-Britannique) où des groupes de médecins de famille se constituent à l’échelon local ou régional et travaillent en partenariat avec la régie sanitaire et le ministère de la Santé pour atteindre des buts communs en soins de santé. À l’avenir, la régionalisation aura probablement des répercussions sur les médecins qui pratiquent dans la communauté. Il se dégage au Canada une tendance claire à obliger tous les médecins d’une région à occuper un poste à l’intérieur de la région sanitaire s’ils veulent avoir accès à des ressources publiques comme des services de laboratoire et de radiologie. Il pourrait aussi à l’avenir en découler des mesures comme des activités imposées d’amélioration de la qualité qui pourraient être d’une efficacité variable et ne seront pas nécessairement harmonisées avec les besoins des médecins sur le plan de l’apprentissage. Participation des médecins Les contacts entre médecins et hôpitaux ont toujours passé par un modèle basé sur les privilèges. Ce modèle, qui a bien fonctionné en général, vise à donner aux médecins la liberté nécessaire pour défendre raisonnablement les intérêts des patients5. La loi et les règlements exigent aussi que ce modèle comporte des procédures minimales sur le renouvellement, la limitation et la suppression des privilèges et que des procédures garantissent que cela se fait dans un contexte équitable et structuré. Le CCM de l’hôpital étudie généralement les demandes de privilèges des médecins et recommande les nominations et les renouvellements. Le CCM joue donc un rôle lorsqu’il s’agit de garantir la sécurité des soins dans la région ou l’hôpital5. Les types de relations entre médecins et hôpitaux, y compris l’emploi ou les contrats, attirent de plus en plus d’attention depuis peu. Ces arrangements peuvent varier du contrat d’emploi, semblable à celui d’autres professionnels comme les infirmières et les thérapeutes, jusqu’à l’entente de services qui prévoit que le médecin fournit à l’hôpital des services médicaux à titre d’entrepreneur indépendant5. L’Association canadienne de protection médicale (ACPM) et d’autres intervenants intéressés craignent toutefois que beaucoup des cadres procéduraux et des mesures de protection prévus dans le règlement des hôpitaux qui ont trait aux modèles basés sur les privilèges ne s’appliquent pas nécessairement à d’autres arrangements et que les médecins qui concluent de telles ententes contractuelles puissent dans certains cas constater que l’on met fin à leur nomination à l’hôpital ou à l’établissement sans qu’ils aient de recours. En vertu de tels arrangements, il se peut que les médecins n’aient pas accès à l’équité procédurale et au droit d’appel qui existent dans le modèle basé sur les privilèges. Une approche relativement nouvelle est celle du modèle basé sur la nomination, qui vise à combiner un grand nombre des mesures de protection associées au modèle basé sur les privilèges aux avantages qu’offre le modèle basé sur l’emploi pour ce qui est de la prévisibilité et de la spécificité. Ce modèle applique en général les processus utilisés pour accorder ou renouveler les privilèges à la résolution des problèmes liés au rendement5. On a soutenu que des modifications du statut relié aux nominations et des modèles de relations peuvent avoir un effet nuisible sur la relation entre les professionnels et les établissements de soins de santé6. Même si l’on a signalé ce phénomène spécifiquement dans le contexte de l’imagerie diagnostique, il peut toucher d’autres spécialités aussi. Il faut aussi signaler que les enjeux soulevés dans le présent document s’appliquent à tous les membres de la profession, quels que soient leurs arrangements ou leurs lieux actuels ou futurs de pratique. Évolution des caractéristiques démographiques et des tendances de la pratique des médecins Il est bien connu que les caractéristiques démographiques et les tendances de la pratique des médecins ont changé considérablement au cours des dernières années. Il s’est écrit beaucoup de choses au sujet de l’effet que ces changements pourraient avoir sur la médecine, sur le soin des patients, sur les listes d’attente et sur la capacité des patients d’avoir accès à des services7. Il est aussi bien connu que des « facteurs liés aux habitudes de vie », c’est-à-dire les efforts déployés par de nombreux médecins pour établir un équilibre travail-vie plus sain, peuvent jouer un rôle dans la détermination du type ou de la nature de la pratique clinique que choisissent les nouveaux diplômés en médecine et avoir un effet sur leurs heures de travail et le nombre de patients qu’ils accueillent. Tous ces changements signifient qu’il se peut que des pratiques cliniques comptent moins de patients et soient ouvertes moins longtemps qu’auparavant. Les médecins sont de plus en plus mis au défi de décrire comment ils comprennent leur engagement d’assurer que tous les patients ont accès en temps opportun à des soins de santé de qualité dans le système canadien tout en établissant un équilibre avec leur capacité de faire des choix personnels dans leurs meilleurs intérêts. Autrement dit, comment pouvons-nous aider les médecins à adapter leurs pratiques cliniques, du moins dans une certaine mesure, en fonction des besoins de la population ? DISCUSSION La participation des médecins à une transformation réelle du système de santé soulève clairement des défis et des obstacles, mais elle offre aussi des possibilités de participation et de dialogue, particulièrement lorsque les médecins du Canada montrent qu’ils sont des partenaires disposés et engagés dans le processus. On ne peut retarder la transformation des soins de santé simplement parce qu’elle oblige à prendre des décisions difficiles et à modifier le statu quo. Peu importe comment nous sommes parvenus à la situation actuelle, les relations entre les médecins et d’autres parties doivent évoluer pour répondre aux besoins futurs. Dans les efforts qu’ils déploient à cet égard, les médecins doivent recevoir l’aide à la fois des régies et des établissements locaux de santé et d’organismes comme l’AMC et ses homologues provinciales et territoriales. Les médecins doivent, individuellement et collectivement, démontrer ce qu’ils sont prêts à faire pour appuyer le processus et les contributions qu’ils sont disposés à apporter pendant que nous allons de l’avant. Ils doivent aussi s’engager à ce que la profession médicale constitue un élément important de la solution aux défis que le système canadien doit relever actuellement. Nous analysons certains de ces défis dans l’optique de l’autonomie, de la représentation et des imputabilités que sous-tend le concept du leadership des médecins. Autonomie Les médecins jouissent toujours, dans une grande mesure, de ce qu’on appelle couramment l’autonomie clinique ou professionnelle, ce qui signifie qu’ils peuvent prendre, pour leurs patients, des décisions basées sur les éléments précis du contact clinique. Afin de garder cette autonomie, les médecins doivent continuer d’appliquer le concept des normes cliniques pour réduire au minimum les variations entre les pratiques tout en reconnaissant qu’il faut absolument permettre des différences individuelles au niveau des soins basées sur les besoins de patients en particulier. L’autonomie professionnelle joue un rôle vital dans la prise de décisions cliniques et est au cœur même de la relation médecin-patient. Les patients doivent sentir que les médecins prennent des décisions dans le meilleur intérêt de leurs patients et qu’ils ne sont pas indûment limités par des contraintes externes ou systémiques. Dans le contexte de cette prise de décision, il se peut aussi que les médecins doivent réfléchir attentivement à l’équilibre approprié entre les besoins du patient et le Messages clés – Autonomie bien de la société en général. Au cours des dernières années, les gouvernements ont parfois eu recours à la « massue législative » pour obliger les médecins à se conformer aux besoins du système de santé, minant ainsi l’autonomie personnelle ou individuelle des médecins. Les médecins se sont toujours organisés pour assurer la permanence aux services d’urgence et dans les autres services critiques des hôpitaux, ce qui s’est révélé de plus en plus difficile au cours des dernières années, particulièrement dans le cas des petits hôpitaux qui desservent des régions peu peuplées et où les médecins sont peu nombreux. Les médecins ne doivent pas oublier que leur autonomie personnelle et leur autonomie professionnelle sont des entités distinctes. En ce qui concerne l’autonomie professionnelle, il importe que les médecins tiennent compte de l’équilibre approprié entre les besoins du patient et le bien de la société en général. Il se peut que les médecins doivent réfléchir à ce qu’ils sont prêts à concéder comme autonomie personnelle afin de contribuer à l’atteinte des objectifs de la société. En travaillant en collectivité et en collaboration, entre eux et avec les gouvernements et d’autres partenaires, les médecins peuvent trouver des façons créatrices d’établir cet équilibre approprié. Les médecins doivent continuer de s’assurer qu’ils ne confondent pas l’autonomie personnelle et professionnelle et qu’ils continuent de garantir que les soins de santé sont vraiment axés sur les patients. Les médecins ont des droits, mais aussi des obligations à cet égard et ils doivent continuer de suivre la voie de la collaboration dans le leadership et la prise de décision. Cette orientation inclut l’engagement continu envers le concept de la réglementation dirigée par la profession, ainsi que la mobilisation et la participation réelles des médecins dans le système. Les médecins continueront certes d’attacher de la valeur à leur autonomie clinique et professionnelle et à la protéger, et avec raison, car c’est aussi dans les meilleurs intérêts de leurs patients. Il se peut toutefois qu’ils doivent tenir compte des aspects de l’autonomie personnelle et individuelle qu’ils peuvent être disposés à céder pour le plus grand bien commun. Il se peut, par exemple, que les médecins doivent collaborer entre eux et avec les administrateurs et le système pour que les périodes de garde soient organisées et maintenues afin d’éviter qu’elles soient imposées par la loi, les régions ou les établissements. Ils devront peut-être envisager de modifier leur façon de pratiquer afin de servir davantage de patients et d’éviter que les patients qui ont besoin d’un médecin de premier recours soient oubliés et que la charge de travail totale que représente le soin des patients soit équilibrée de façon plus équitable entre les collègues. Les nouveaux modèles de soins primaires établis par l’Ontario et l’Alberta au cours de la dernière décennie, qui prévoient une couverture plus étendue en dehors des heures normales, sont un exemple d’une telle initiative. En collaborant, tant individuellement que collectivement, les médecins trouvent des façons créatrices d’établir un équilibre entre leur autonomie personnelle très importante et les besoins du système et de leurs patients. Ces efforts constituent un solide début pendant que la profession démontre qu’elle est prête à s’engager à fond avec d’autres interlocuteurs pour transformer le système. Pour reprendre des propos tenus pendant la discussion qui a eu lieu au cours de la réunion du Conseil général de l’AMC en août 2011 : Les médecins doivent sonder attentivement leur conscience individuelle et collective et montrer aux gouvernements et aux autres partenaires que nous sommes prêts à jouer notre rôle dans la réforme du système et que nous sommes des partenaires crédibles dans cet exercice. Toutes les parties à la discussion, et non seulement les médecins, doivent pouvoir s’entendre sur une compréhension appropriée de l’autonomie professionnelle si l’on veut que le système de santé réponde aux besoins actuels et futurs de la population canadienne. Représentation La représentation par les médecins a été définie ainsi : L’intervention d’un médecin qui vise à promouvoir les changements sociaux, économiques, éducationnels et politiques qui atténuent la souffrance et les menaces à la santé et au mieux-être humains qu’il ou elle définit par son travail et son expertise8. Il peut s’agir de représenter un seul patient pour l’aider à obtenir du financement dont il a besoin pour payer des médicaments, ou d’exercer sur le gouvernement des pressions pour qu’il instaure des changements au niveau du système. La façon dont chaque médecin choisit ses efforts de représentation et le moment où il choisit de donner suite à sa décision dépendent entièrement du médecin en cause, mais collectivement, les médecins reconnaissent depuis longtemps leur obligation d’intervenir pour le compte de leurs patients en particulier, de groupes de patients, ainsi qu’au niveau de la société, pour qu’on établisse des changements comme une répartition plus équitable des ressources et une préparation adéquate aux pandémies. Les médecins ont toujours représenté leurs patients dans de nombreux domaines, mais divers facteurs comme la législation provinciale ou territoriale, les organismes de réglementation et les contrats avec les hôpitaux se sont conjugués pour les rendre plus réticents à jouer ce rôle important. C’est pourquoi le soin global des patients peut en souffrir et la relation patient-médecin peut être menacée. Les règlements des hôpitaux exhortent ou obligent de plus en plus les médecins à consulter leur établissement ou leur région sanitaire avant d’intervenir en public à des fins de représentation. Dans au moins une région sanitaire, les médecins sont obligés de signer une entente de nondivulgation. C’est pourquoi beaucoup de médecins craignent les représailles lorsqu’ils décident d’intervenir. La capacité d’intervenir pour le compte de leurs patients constitue un concept et un principe fondamentaux pour les médecins du Canada. Le Code de déontologie de l’AMC encourage en fait les médecins à intervenir pour le compte de la profession et de la population. Les patients ont besoin de sentir que leurs préoccupations sont entendues et les médecins doivent se sentir à l’abri des représailles lorsqu’ils font entendre ces préoccupations. Messages clés – Représentation La capacité d’intervenir pour le compte de leurs patients constitue un concept fondamental et un principe de base pour les médecins du Canada. Non seulement les médecins interviennent sur des questions qui sont reliées directement au soin des patients, mais ils peuvent aussi être appelés, en tant que dirigeants communautaires, à intervenir en regard d’autres enjeux d’importance pour la société, comme la protection de l’environnement ou les déterminants sociaux de la santé. La ligne de démarcation peut être fine entre une représentation appropriée et susceptible d’entraîner un changement important et réel, et la représentation que d’autres pourront voir comme obstructive ou contreproductive. L’AMC a décrit les facteurs dont les médecins doivent tenir compte lorsqu’ils décident de se lancer ou non dans des initiatives de représentation et réfléchissent à la façon de procéder. Un milieu de représentation qui fonctionne bien et est respectueux joue un rôle essentiel dans la planification des soins de santé. Il faut faire des choix tous les jours en soins de santé. Les gouvernements qui cherchent à équilibrer leurs budgets doivent savoir que la population peut accepter qu’il y aura des choix difficiles à faire et qu’on les fera – mais qu’il y a moins de chance qu’elle montre son appui si les médecins et leurs patients ne croient pas que l’on sollicite leur opinion et qu’il en est tenu compte dans le cadre du processus. Les fournisseurs de soins de santé des premières lignes, dont beaucoup travaillent dans l’isolement relatif, dans un bureau ou en contexte communautaire, doivent aussi sentir qu’ils ont leur mot à dire. L’AMC appuie la nécessité d’une tribune où les médecins de premier recours peuvent s’exprimer d’une seule voix (et faire en sorte que cette voix soit entendue et respectée) dans un contexte communautaire. Sans compter la représentation en faveur d’enjeux liés directement au soin des patients, il se peut aussi que les médecins soient appelés à intervenir, en tant que dirigeants communautaires, en faveur d’autres grandes questions d’importance pour la société comme la protection de l’environnement ou les déterminants sociaux de la santé. Ces efforts de représentation peuvent aussi être très importants. La ligne de démarcation peut être fine entre une représentation appropriée et susceptible d’entraîner un changement important et réel, et la représentation que d’autres intéressés considéreront comme obstructive ou contreproductive. Une activité de représentation qui pourrait être jugée appropriée dans un cas pourrait ne pas l’être dans un contexte différent, ce qui complique encore davantage les choses. Les médecins doivent indiquer clairement au nom de qui ils interviennent et s’ils ont été autorisés à le faire. S’ils ont des questions au sujet des répercussions médicolégales possibles de leurs activités de représentation, ils voudront peut-être aussi consulter leur fournisseur d’assurance responsabilité professionnelle (p. ex., ACPM). Selon les faits de chaque cas, les médecins peuvent avoir à tenir compte aussi d’autres facteurs lorsqu’ils décident si, quand et comment ils se lanceront dans des activités de représentation. Ils doivent de plus savoir que les organisations médicales qui les représentent, comme les sociétés nationales de spécialistes, les associations médicales provinciales et territoriales et l’AMC, pourraient peut-être les aider à lancer leurs initiatives, dans certaines situations. Les médecins ne doivent pas se sentir seuls lorsqu’ils représentent leurs patients, surtout lorsqu’ils le font d’une manière raisonnable qui devrait entraîner un changement réel et important. Facteurs dont les médecins doivent tenir compte lorsqu’ils décident d’entreprendre ou non des initiatives de représentation et réfléchissent à la façon de procéder S’agit-il d’un domaine ou d’une question qui a un effet, direct ou indirect, sur le soin des patients ? Si l’activité de représentation porte fruit, le changement ou le résultat prévu améliorera-t-il la situation et aura-t-il un effet bénéfique sur le soin des patients ou l’accès aux soins ? Y a-t-il d’autres partenaires, comme des collègues médecins, d’autres fournisseurs de soins de santé ou des organismes, qui pourraient vouloir participer ou qui subiront des effets directs ? Faudrait-il les consulter avant d’entreprendre l’activité ? Est-il possible de commencer par des communications internes avant de dévoiler publiquement les préoccupations ? Est-il possible de régler la question de façon satisfaisante en privé plutôt qu’en public ? Y a-t-il un avantage précis à ce que le public soit informé de la question ? Suis-je convaincu de connaître tous les détails pertinents et les points saillants de la situation ? Dois-je réunir plus de renseignements avant d’entreprendre l’activité ? Est-ce que je risque de divulguer des renseignements privés ou confidentiels sans chercher d’abord à obtenir le consentement des patients ou des parties en cause ? Quel sera l’effet de l’activité sur mes collègues de travail et l’établissement où je pratique ? S’il risque d’y avoir un effet négatif, y a-t-il quelque chose à faire pour l’atténuer avant de lancer l’activité ? Si j’interviens pour le compte d’un groupe ou d’un organisme, est-ce que j’ai l’autorité nécessaire pour parler au nom de quelqu’un d’autre ? Sinon, est-ce que j’ai bien précisé que je n’interviens pas au nom de tiers ? Imputabilité L’imputabilité des médecins comporte trois niveaux : ils doivent rendre compte aux patients qu’ils servent, à la société et au système de santé, ainsi qu’à leurs collègues et à leurs pairs. Imputabilité envers les patients La relation médecin-patient est sans pareille. Basée idéalement sur la confiance et l’ouverture absolues, cette relation permet un échange libre d’information entre le patient et le médecin. Les patients voient souvent leur médecin dans leurs moments les plus vulnérables, lorsqu’ils font face à une maladie. D’autres fournisseurs de soins de santé apportent certes des contributions essentielles au soin des patients, mais aucun ne maintient les relations fiduciaires sans pareilles qui sont au cœur même du rôle du médecin et qui sont reconnues par la loi. Les médecins s’acquittent de leurs responsabilités envers chacun de leurs patients de diverses façons importantes. Ils fournissent à leurs patients des services cliniques et optimisent leur disponibilité de façon à être en mesure de voir les patients et répondre à leurs besoins en temps opportun. Ils assurent le suivi des résultats d’examens. Ils facilitent les consultations avec d’autres médecins et fournisseurs de soins et assurent le suivi des résultats de ces consultations au besoin. Lorsqu’ils ne sont pas personnellement disponibles, ils veillent à ce que les patients aient accès à des soins en dehors des heures normales de bureau et en cas d’urgence. Les médecins peuvent aussi s’acquitter autrement de leur obligation de rendre compte à leurs patients. Ils peuvent participer à des activités d’agrément afin de veiller à ce que leur pratique réponde aux normes reconnues. Ils peuvent assurer, en participant à des activités d’acquisition continue du savoir et de maintien de la compétence, qu’ils prennent des décisions cliniques fondées sur les meilleures données probantes disponibles. Ils peuvent entreprendre des analyses de leurs habitudes d’établissement d’ordonnances pour assurer qu’elles sont conformes aux meilleures normes en vigueur. Toutes ces activités peuvent aussi servir à maximiser l’uniformité à l’intérieur d’une pratique et entre celles-ci et minimiser au besoin la variabilité entre les pratiques. Imputabilité envers la société et le système de santé Messages clés – Imputabilité Les médecins doivent reconnaître leurs obligations individuelles et collectives (comme membres de l’équipe de soins de santé et membres d’une profession) et leur imputabilité envers leurs patients, leurs collègues et le système de santé et la société. L’imputabilité des médecins à ce niveau est plus complexe, ce qui est compréhensible. En général, la société et le système L’AMC a formulé des recommandations de santé du Canada procurent aux médecins une précises pour assurer que les médecins sont rémunération comportant une autonomie clinique en mesure de satisfaire à leur obligation importante démontrée par la réglementation dirigée par la envers le système de santé de fournir des profession et par une grande confiance. Dans certains cas, les soins de grande qualité. médecins ont aussi accès à un établissement où pratiquer et à des ressources nécessaires comme des services d’IRM et des salles d’opération. En contrepartie, les médecins conviennent de placer leurs intérêts personnels au second plan afin de se concentrer sur ceux de leurs patients et ils conviennent de fournir des services médicaux nécessaires. On peut donc analyser l’imputabilité en fonction de l’ampleur des services nécessaires fournis (c.-à-d. que les patients ont un accès raisonnable à ces services) et aussi du niveau de qualité des services en question. Il est clair qu’il est impossible de tenir compte de l’accès ou de la qualité indépendamment de l’ensemble du système, mais aux fins du présent document, nous nous concentrerons sur le rôle du médecin. La question du niveau et de l’intégralité de la prestation des services a été abordée jusqu’à un certain point ci-dessus dans le contexte de l’autonomie des médecins. Les médecins sont des personnes qui doivent, individuellement et collectivement, veiller à ce que les patients aient accès à des soins médicaux et à des suivis opportuns. Ils doivent aussi veiller à ce que la transition d’un type de soins à un autre (par exemple, de l’hôpital en milieu communautaire) soit aussi transparente que possible compte tenu des limites actuelles du système. Les médecins doivent aussi, collectivement et individuellement, veiller à ce que la qualité des soins qu’ils prodiguent soit la meilleure possible. Ils doivent chercher à instaurer une « juste culture de la sécurité » qui encourage à tirer des leçons des événements indésirables et des quasi-incidents afin de renforcer le système et, le cas échéant, d’informer les fournisseurs de soins de santé et les patients pour aider à prévenir des événements semblables à l’avenir9. Des milliers d’articles et des centaines d’ouvrages ont été publiés sur l’assurance et l’amélioration de la qualité. Du point de vue des médecins, nous voulons pouvoir avoir accès à des processus et des ressources qui nous fourniront de la rétroaction opportune au sujet de la qualité de nos soins cliniques d’une façon qui nous aidera à optimiser l’évolution de l’état de santé des patients et qui sera considérée comme éducative plutôt que punitive. Comme profession autoréglementée, la médecine a déjà mis en place de solides mécanismes redditionnels pour assurer le maintien des normes appropriées de soin. Afin d’assurer que les médecins peuvent satisfaire à leur obligation de rendre compte au système de santé de soins de grande qualité, l’AMC a formulé une série de recommandations portant sur des activités d’amélioration continue de la qualité (ACQ) (voir encadré ci-dessous). Les médecins doivent prendre le contrôle du programme de la qualité. Les nouveaux diplômés en médecine qui commencent à pratiquer sont issus de systèmes de formation où ils ont accès à des commentaires constants sur leur rendement, mais ils se retrouvent dans une situation où la rétroaction est inexistante ou de qualité insuffisante pour les aider à s’occuper de leurs patients. Les organismes de réglementation et les établissements de soins de santé ont un intérêt légitime à mesurer et à améliorer le rendement des médecins, mais ceux-ci doivent finalement se charger eux-mêmes d’assurer qu’ils fournissent à leurs patients les soins de la plus grande qualité possible et qu’il existe des mécanismes pour assurer que c’est en fait le cas. Recommandations de l’AMC en matière d’amélioration continue de la qualité Que les activités d’amélioration continue de la qualité (ACQ) visent en bout de ligne à améliorer les résultats pour les patients. Que tous les médecins aient accès à des initiatives d’ACQ à participation volontaire dans leur domaine d’activité clinique et d’expertise. Qu’afin d’aider à renforcer la capacité en ACQ, on mette davantage l’accent sur l’apprentissage de l’amélioration de la qualité à tous les paliers de la formation des médecins et qu’on augmente le financement consacré à la recherche sur la qualité et l’effet des initiatives d’ACQ. Que les médecins acceptent de participer activement et volontairement à ces activités. Que les résultats de ces évaluations et l’information produite par les exercices d’ACQ demeurent rigoureusement confidentiels à moins d’exigences contraires imposées par un organisme de réglementation professionnel ou par la loi. Que les médecins bénéficient de leur participation à ces activités à la fois par l’optimisation de l’évolution de l’état de santé des patients et par l’agrément de ces initiatives aux fins de la certification et du maintien de la compétence. Que toute comparaison repose sur les meilleurs données scientifiques disponibles, objectives et mises à jour. Que ces activités aient un objectif éducatif plutôt que punitif. Que tous les renseignements sur les patients demeurent confidentiels, mais qu’ils soient anonymisés et agrégés de façon à appuyer les activités de recherche et d’analyse portant sur l’ACQ. Que du financement soit mis à la disposition de ces initiatives et que les coûts en soient partagés de façon raisonnable. Que lorsqu’il est pertinent et approprié de le faire, le financement détourné de telles activités soit réinvesti dans des initiatives d’ACQ. Que les médecins aient leur mot à dire dans la façon de réinvestir pour le bien public toute économie découlant d’activités d’ACQ. Que toute collecte de données ou de renseignements supplémentaires se fasse de façon à minimiser l’effet sur le temps que les médecins peuvent consacrer à des activités de soin direct des patients. Que ces activités soient menées principalement par des médecins en exercice dans des groupes comme des divisions de soins primaires et de soins spécialisés en contextes à la fois institutionnels et communautaires. Que les organismes de réglementation et les régies régionales de la santé puissent aussi avoir un rôle à jouer dans ces initiatives. Qu’il soit obligatoire d’éviter le dédoublement de ces activités à des niveaux multiples. Que les médecins communautaires aient un accès égal à ces initiatives. Que les instruments d’ACQ choisis produisent une rétroaction valide et réelle pour les médecins participants. Même s’il n’y pas d’instrument parfait, l’AMC signale que la mise en œuvre relativement récente des « évaluations à 360 º » comme outil d’apprentissage pour les médecins a recueilli des appuis à des endroits comme le Royaume-Uni. Imputabilité envers les collègues Les médecins doivent aussi rendre compte à leurs pairs médecins et à d’autres fournisseurs de soins de santé. Si le concept de la « collégialité » ou de la relation de coopération saisit une grande partie de cette imputabilité, il y a aussi d’autres aspects. Des données anecdotiques indiquent fortement que beaucoup de dirigeants médicaux se retrouvent marginalisés par leurs pairs. Ils décrivent comment on considère qu’ils sont « passés de l’autre côté » lorsqu’ils décident de réduire leurs activités cliniques ou d’y renoncer afin de se lancer en administration et en leadership. Les médecins doivent plutôt valoriser, encourager et appuyer leurs pairs qui consacrent leur temps à des activités aussi importantes. Les médecins devraient en outre échanger activement avec leurs collègues administrateurs lorsqu’ils ont des préoccupations ou des améliorations à suggérer. La collaboration est absolument vitale à la prestation de soins sécuritaires et de qualité. Les médecins doivent aussi s’assurer qu’ils font tout en leur pouvoir pour contribuer à un environnement « sécuritaire » où il est possible d’entreprendre des activités de représentation et d’ACQ. Cela peut signifier encourager des collègues médecins à participer à ces initiatives et servir d’exemple à des pairs en participant volontairement à des activités d’ACQ. Les médecins doivent aussi rendre des comptes afin d’assurer que le transfert d’un médecin à un autre est aussi transparent que possible. Cela inclut notamment participer à des activités d’amélioration de la qualité et de l’opportunité à la fois des demandes de consultation et de la communication des résultats, et assurer des communications professionnelles et collégiales avec d’autres médecins et avec tous les membres de l’équipe. Enfin, les médecins doivent s’entraider face à des questions de santé et de mieux-être individuel. Cette entraide peut inclure le soutien et le soin de collègues atteints d’une maladie physique ou psychologique et peut aussi consister à prendre des mesures d’aménagement et à couvrir les heures de garde et les responsabilités professionnelles des médecins qui ne peuvent plus répondre aux exigences de la pratique à temps plein pour quelque raison que ce soit. Leadership médical « Il n’y a pas un seul système de santé très performant dans le monde qui ne bénéficie pas d’un solide leadership médical. » Dan Florizone, sous-ministre de la Santé de la Saskatchewan Comme nous pouvons le voir à la suite de la discussion qui précède, il est absolument crucial d’avoir de solides dirigeants médicaux afin d’assurer que la relation entre les médecins et le système de santé est bénéfique pour les deux parties. Les médecins doivent collectivement s’assurer qu’ils appuient à la fois la formation requise pour produire de solides dirigeants médicaux et leurs collègues qui décident de jouer ce rôle de plus en plus important. Les médecins sont bien placés pour jouer des rôles de chefs de file dans le système de santé. Ils ont un savoir-faire et une expérience sans pareils à la fois des soins individuels aux patients et du système comme entité. Comme profession, ils sont voués à faire passer les besoins de leurs patients avant les leurs, ce qui rehausse la crédibilité des médecins au niveau du leadership aussi longtemps qu’ils demeurent voués à cette valeur importante. Le leadership ne consiste pas seulement à améliorer la vie professionnelle des médecins : il vise aussi à aider à assurer la norme la plus rigoureuse possible de soin des patients dans un système efficient qui fonctionne bien. Dans le contexte de leurs activités de leadership, les médecins doivent veiller à avoir constamment des partenaires de grande qualité et très fiables qui tiendront leurs promesses et leurs engagements, et à ce que le processus décisionnel tienne attentivement compte de leur contribution et l’utilise. Ces partenaires peuvent inclure les représentants au plus haut niveau des pouvoirs publics et d’autres comme des organismes de réglementation de médecins et des gestionnaires de haut niveau. S’ils ne veillent pas à échanger avec les bonnes personnes, les médecins ne pourront optimiser leurs initiatives de leadership. Il faut appuyer et encourager comme il se doit les activités de leadership des médecins. Beaucoup de médecins se sentent de plus en plus marginalisés lorsqu’on tient des réunions importantes ou offre des possibilités de formation pendant qu’ils s’occupent directement des patients. Les administrateurs non cliniciens ont du temps réservé pour ces activités et sont rémunérés pour y participer, mais les médecins doivent soit rater ces discussions afin de répondre aux besoins de leurs patients, soit annuler des cliniques ou des périodes en salle d’opération. Cette obligation a des répercussions négatives sur le soin des patients et constitue une désincitation financière (parfois importante) à la participation des médecins. Des administrations ont reconnu qu’il s’agit là d’un problème et veillent à ce que les médecins soient rémunérés pour leur participation. Les patients souhaitent que leurs médecins participent davantage aux décisions stratégiques et les médecins doivent veiller à le faire en recourant à des mécanismes appropriés de financement, à des activités d’apprentissage par la réflexion, aux crédits de perfectionnement professionnel et continu pour la formation en administration et la participation aux activités administratives, en aidant à choisir le bon porte-parole, ce qui inclut l’établissement de lignes directrices sur les modes de sélection et de lignes directrices à l’intention des porte-parole sur la façon de représenter vraiment le point de vue de la profession. La formation en leadership des médecins doit se dérouler dans tout le continuum de l’éducation en médecine, depuis les tout premiers débuts à la faculté de médecine jusqu’aux activités de perfectionnement professionnel continu chez les cliniciens. Il faudrait idéalement repérer en début de carrière les médecins qui s’intéressent à des postes de leadership et qui ont des aptitudes et les encourager à participer à des activités de leadership et à suivre de la formation en la matière par des moyens comme des programmes de mentorat et avec l’aide de leur établissement pour qu’ils suivent des cours et des séances de formation qui leur permettront d’améliorer et de raffiner leurs techniques de leadership. Des mesures prises sur plusieurs fronts visaient à appuyer le développement professionnel des médecins dans des rôles de leadership. Depuis les années 1990, le Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada (CRMCC) applique son cadre CanMEDs sur les rôles et les compétences dans les programmes de formation médicale postdoctorale offerts au Canada. Le Collège des médecins de famille du Canada (CMFC) a aussi adopté le cadre CanMEDs qui établit sept rôles principaux pour les médecins. Le rôle de gestionnaire et celui de promoteur de la santé sont deux des plus pertinents dans le contexte de la relation entre les médecins et le système de santé10. Ces rôles mettent en évidence l’importance de la participation des médecins aux activités de leadership et de participation dans le système et sont importants autant pour les médecins en formation que pour ceux qui sont actifs. En tant que gestionnaire, le médecin participe à part entière à l’organisation des soins de santé : il met en œuvre des pratiques durables, il prend des décisions concernant l’affectation des ressources et il contribue à l’efficacité du système de soins de santé. En tant que promoteur de la santé, le médecin utilise son expertise et son influence de façon responsable pour promouvoir la santé de patients en particulier, de collectivités et de populations. Des compétences habilitantes clés ont été définies pour chaque rôle et le CRMCC a créé tout un éventail de documents de formation pour appuyer le cadre. L’AMC offre depuis presque 30 ans le programme de l’Institut de gestion médicale (IGM) afin de fournir de la formation aux médecins qui souhaitent occuper des postes de leadership et de gestion. L’IGM est offert en mode « inscription ouverte » dans les principales villes du Canada et aussi « à l’interne » grâce à des liens de longue date établis avec des hôpitaux et des régions sanitaires (p. ex., zone de Calgary de Services de Santé Alberta [SSA]). En 2010, l’AMC et la Société canadienne des médecins gestionnaires (SCMG) ont lancé le Programme de certification des médecins gestionnaires canadiens (Canadian Certified Physician Executive ou CCPE). Il est possible d’obtenir le titre de CCPE évalué par les pairs par la voie de la formation basée sur l’achèvement des cours de l’IGM ou par celle de l’admissibilité par la pratique basée sur une expérience de leadership11. L’AMC établit aussi des partenariats avec plusieurs associations médicales provinciales et territoriales pour fournir de la formation en leadership. L’AMC a conclu des ententes avec les associations médicales de la Saskatchewan, de l’Ontario et du Québec et elle en conclura avec celles des quatre provinces de l’Atlantique et l’Association médicale de l’Alberta–SSA en 2012. Des écoles de commerce universitaires ont en outre créé des programmes de formation de dirigeant à l’intention des chefs de file de la santé. Au cours de la dernière décennie, plusieurs médecins ont occupé des postes de chefs de la direction dans les principaux organismes universitaires de santé du Canada. À l’étranger, il est reconnu que le leadership des médecins joue un rôle crucial dans la réussite des efforts d’amélioration des services de santé 12, 13. Il est crucial que des médecins bien formés et qualifiés jouent des rôles de leadership si l’on veut assurer que les médecins continuent de jouer un rôle pivot dans la transformation du système de santé du Canada. L’AMC et ses membres appuient sans réserve nos collègues médecins qui consacrent leur temps et leur énergie à ces activités de leadership et l’AMC continuera de jouer un rôle de premier plan en appuyant et formant les dirigeants médicaux de demain. CONCLUSION : LA VISION DE L’AMC POUR LE NOUVEAU LIEN PROFESSIONNEL ENTRE LES MÉDECINS DU CANADA ET NOTRE SYSTÈME DE SANTÉ Nous avons étudié les facteurs qui nous ont amenés jusqu’ici, de même que les questions qu’il faut analyser et auxquelles il faut répondre pour pouvoir aller de l’avant. Le moment est venu pour les médecins du Canada de s’engager à participer vraiment à la transformation de notre système de santé. Le seul moyen d’y parvenir passe par les efforts concertés de toutes les parties, y compris les gouvernements, les autorités de la santé publique, les établissements de soins de santé, les médecins et d’autres fournisseurs de soins de santé. Cette transformation ne sera pas facile et elle ne se produira probablement pas sans notre engagement et des sacrifices de notre part. Le moment est toutefois venu pour les médecins de démontrer à leurs patients, à leurs collègues et à la société qu’ils sont prêts à faire leur part et à jouer leur rôle dans ce processus d’une importance cruciale, en cette période qui est aussi d’importance cruciale. Cela aidera les médecins à réaliser la vision de l’AMC sur la nouvelle relation professionnelle entre les médecins du Canada et le système de santé. Dans cette vision : Les médecins reçoivent les outils de leadership et l’appui nécessaires pour leur permettre de participer individuellement et collectivement aux discussions sur la transformation du système de santé du Canada. Les médecins ont des occasions réelles de contribuer à tous les niveaux de la prise de décision avec des partenaires engagés et fiables, et sont inclus dans le processus décisionnel comme collaborateurs valables. Les médecins reconnaissent leurs obligations individuelles et collectives (comme membres de l’équipe de soins de santé et membres d’une profession) et leur imputabilité envers leurs patients, envers leurs collègues et envers le système de santé et la société. Les médecins peuvent intervenir librement pour le compte de leurs patients d’une façon qui respecte l’opinion d’autrui et sera susceptible d’entraîner des changements réels dont bénéficieront leurs patients et le système de santé. Les médecins participent régulièrement et continuellement à des initiatives bien conçues et validées d’amélioration de la qualité qui sont de nature éducative et leur permettent d’obtenir la rétroaction et les compétences nécessaires pour optimiser le soin des patients et l’issue des soins. Le soin des patients est fondé sur l’équipe multidisciplinaire, la transition d’un contexte de soins à un autre doit être transparente et des modèles de financement et autres doivent être en place pour permettre aux médecins et aux autres fournisseurs de soins de santé d’occuper entièrement le champ d’exercice de leurs activités professionnelles. RÉFÉRENCES __________________________ 1. Association médicale canadienne. Code de déontologie de l’AMC. http://policybase.cma.ca/dbtwwpd/PolicyPDF/PD04-06F.pdf. Consulté le 05/20/11. 2. ABIM Foundation. Medical professionalism in the new millennium: a physician charter. Annals of Internal Medicine 2002; 136(3): 243-6. 3. Lesser C, Lucey C, Egener B, Braddock C, Linas S, Levinson W. A behavioral and systems view of professionalism. JAMA 2010; 304(24): 2732-7. 4. Association médicale canadienne. Le professionnalisme médical (mise à jour 2005). http://policybase.cma.ca/dbtwwpd/Policypdf/PD06-02F.pdf. Consulté le 06/03/11. 5. Association canadienne de protection médicale. L’évolution des relations médecins hôpitaux : Gérer les répercussions médico-légales du changement. 2011. https://www.cmpaacpm.ca/cmpapd04/docs/submissions_papers/com_2011_changing_physician-f.cfm. Consulté le 02/07/12. 6. Thrall JH. Changing relationship between radiologists and hospitals Part 1: Background and major issues. Radiology 2007; 245: 633-637. 7. Reichenbach L, Brown H. Gender and academic medicine: impact on the health workforce. BMJ. 2004; 329: 792–795. 8. Earnest MA, Wong SL, Federico SG. Perspective: Physician advocacy: what is it and how do we do it ? Acad Med 2010 Jan; 85(1): 63-7. 9. Association canadienne de protection médicale. Leçons à tirer des événements indésirables : Favoriser une culture juste en matière de sécurité dans les hôpitaux et les établissements de santé au Canada. 2009. http://www.cmpaacpm.ca/cmpapd04/docs/submissions_papers/com_learning_from_adverse_events-f.cfm. Consulté le 02/07/12. 10. Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada. Cadre CanMEDS 2005. http://www.royalcollege.ca/shared/documents/canmeds/the_7_canmeds_roles_f.pdf. Consulté le 05/20/11. 11. Société canadienne des médecins gestionnaires et Association médicale canadienne. Canadian Certified Physician Executive Candidate Handbook. http://www.cma.ca/multimedia/CMA/Content_Images/Inside_cma/Leadership/CCPE/2012CCPEHandbook_en.pdf. Consulté le 05/20/11. 12. Ham C. Improving the performance of health services: the role of clinical leadership. Lancet 2003; 361: 1978-80. 13. Imison C, Giordano R. Doctors as leaders. BMJ 2009; 338: 979-80.