évolution du lien professionnel entre les médecins du canada et

ÉVOLUTION DU LIEN PROFESSIONNEL ENTRE LES MÉDECINS DU CANADA ET NOTRE
SYSTÈME DE SANTÉ : OÙ EN SOMMES-NOUS ?
APERÇU
Ce document fait le point sur le lien professionnel entre les médecins et le système de santé. Une revue du concept
du professionnalisme médical et des tensions qui peuvent surgir entre le soin d’un patient et la prise en
considération des besoins généraux de la société présente quelques éléments de base. Notre façon de comprendre ce
que signifie être médecin a évolué considérablement au fil des ans et la profession médicale est maintenant mise au
défi de clarifier le rôle qu’elle est prête à jouer dans la transformation de notre système de santé.
Nous en sommes arrivés à ce point en raison d’une convergence de plusieurs facteurs. La régionalisation des soins
de santé a entraîné un changement des rôles de leadership joués par les médecins en exercice et des possibilités qui
s’offrent à eux de contribuer vraiment au changement du système. Aussi, les médecins sont maintenant moins
susceptibles d’intervenir dans les soins administrés en milieu hospitalier, ce qui a fait disparaître la collégialité et les
échanges entre pairs. L’évolution des modèles de participation des médecins et les changements de la démographie
médicale ont aussi soulevé des problèmes et des enjeux nouveaux au cours des dernières années.
L’Association médicale canadienne (AMC) souhaite que ses médecins membres et les autres interlocuteurs examinent
dans l’optique de trois principes (autonomie, représentation et imputabilité) les défis et les possibilités auxquels font
actuellement face les médecins du Canada alors qu’ils essaient de s’engager dans le système de san. Un solide
leadership médical sous-tend ces concepts importants. Les compétences de leadership sont essentielles pour permettre
aux médecins de participer activement à des échanges portant sur une elle transformation du système.
LES PRINCIPALES RECOMMANDATIONS DE L’AMC SONT LES SUIVANTES :
Il faut fournir aux médecins les outils de leadership et l’appui nécessaires pour leur permettre de participer
individuellement et collectivement aux discussions sur la transformation du système de santé du Canada.
Il faut offrir aux médecins des occasions réelles de contribuer à tous les niveaux de la prise de décision avec
des partenaires engagés et fiables, il faut les inclure dans le processus décisionnel comme collaborateurs
valables.
Les médecins doivent reconnaître leurs obligations individuelles et collectives (comme membres de l’équipe
de soins de santé et membres d’une profession) et leur imputabilité envers leurs patients, envers leurs
collègues et envers le système de santé et la société.
Les médecins doivent pouvoir intervenir librement pour le compte de leurs patients d’une façon qui
respecte l’opinion d’autrui et sera susceptible d’entraîner des changements réels dont bénéficieront leurs
patients et le système de santé.
Les médecins doivent participer régulièrement et continuellement à des initiatives bien conçues et validées
d’amélioration de la qualité qui soient de nature éducative et leur permettent d’obtenir la rétroaction et les
compétences nécessaires pour optimiser le soin des patients et l’issue des soins.
Le soin des patients doit être fondé sur l’équipe multidisciplinaire, la transition d’un contexte de soins à un
autre doit être souple et des modèles de financement et autres doivent être en place pour permettre aux
médecins et aux autres fournisseurs de soins de santé d’occuper entièrement le champ d’exercice de leurs
activités professionnelles.
INTRODUCTION
Le concept du professionnalisme médical a toujours été défini essentiellement par la nature et la primauté de la
relation entre chaque médecin et patient, ainsi que par l’obligation fiduciaire des médecins dans le contexte de cette
relation. Le premier principe du Code de déontologie de l’AMC énonce de façon succincte l’obligation fondamentale du
médecin :
Tenir compte d’abord du mieux-être du patient
1
.
Depuis la dernière moitié du XXe siècle, on met toutefois de plus en plus l’accent sur la nécessité pour les médecins
de tenir compte aussi des besoins collectifs de la société en plus de ceux de chacun de leurs patients. Comme
l’indique le Code de déontologie de l’AMC, ils doivent :
Tenir compte du bien-être de la société en matière de santé.
Ce virage de la réflexion a au moins deux causes. Premièrement, la science médicale a réalisé des progrès énormes
qui permettent aux médecins de faire beaucoup plus pour prolonger la durée et la qualité de la vie de leurs patients,
mais ces changements ont inévitablement un coût que finit par payer l’ensemble de la société. Deuxièmement,
depuis la Seconde Guerre mondiale, les gouvernements du Canada interviennent de plus en plus dans le
financement des soins de santé par les recettes fiscales. C’est pourquoi on demande de plus en plus aux médecins
d’être prudents dans l’usage qu’ils font des ressources consacrées aux soins de santé et de rendre de plus en plus
compte de leur façon de les utiliser.
La charte fondatrice de l’American Board of Internal Medicine (ABIM) de 2002 sur le professionnalisme médical
préconise l’engagement des médecins envers une distribution équitable de ressources limitées : « Tout en répondant
aux besoins des patients en particulier, les médecins sont tenus de fournir des soins de santé fondés sur la gestion
judicieuse et rentable de ressources cliniques limitées
2
. » On a aussi parlé dans ce cas de professionnalisme civique.
Lesser et ses collègues ont proposé un point de vue systémique du professionnalisme qui émane de la relation
patient-médecin dans le contexte d’interactions plus générales avec les membres de l’équipe de soins de santé, le
milieu de la formation et l’environnement extérieur, les échanges avec les payeurs et les organismes de
réglementation, sans oublier les déterminants socioéconomiques de la santé
3
. Comme les ressources disponibles
pour les soins de santé sont limitées, il surgira des tensions entre le soin des patients en particulier et les besoins
collectifs de la société, ce qui est compréhensible, et ces tensions pourront parfois être très difficiles à dissiper pour
les médecins en particulier.
Comme l’indique la politique de l’AMC sur Le professionnalisme médical (mise à jour 2005) :
Le professionnalisme médical comprend à la fois la relation entre un médecin et un patient et un contrat social entre les médecins
et la société. Celle-ci accorde des privilèges à la profession, y compris la responsabilité exclusive ou première de la prestation de
certains services et un grand degré d’autoréglementation. En contrepartie, la profession convient d’utiliser les privilèges en
question principalement au bénéfice d’autrui et, accessoirement seulement, pour son propre avantage
4
.
La prestation, la gestion et la gouvernance des soins de santé sont devenues plus complexes avec le temps et c’est
pourquoi le secteur des soins de santé comporte maintenant environ un emploi sur 10 au Canada. Au Canada, il y a
plus d’une vingtaine de professions de la santé réglementées et de nombreux gestionnaires professionnels employés
à divers titres, dont beaucoup ont été peu exposés aux réalités quotidiennes de la pratique de la médecine clinique
ou ne l’ont pas été du tout. Même si l’on reconnaît la nécessité très réelle et importante de la collaboration
interprofessionnelle et du travail d’équipe, il en découle inévitablement des rivalités sur le plan de l’influence à
exercer dans le système de santé.
Dans la mise à jour 2005 de sa politique sur le professionnalisme médical, l’AMC reconnaît le besoin de
changement.
Évolution : facteurs qui interviennent actuellement
dans les échanges
Régionalisation : La plupart des provinces et des
territoires ont adopté un modèle de gouvernance
régionale, ce qui a réduit le nombre des médecins qui
participent à la gouvernance clinique des établissements
de soins de santé.
Milieu de pratique : La participation des médecins à la
prise de décision réelle en contexte tant hospitalier que
communautaire pose des défis.
Participation : Les changements des modèles de
participation des médecins sont à l’origine de
l’incertitude qui règne au sujet de la protection de
l’emploi dont les médecins pourrait bénéficier.
Changement de la démographie et des habitudes
de pratique : Suite aux changements, il peut arriver que
les pratiques comptent moins de patients et ouvrent
leurs portes moins longtemps.
Tout en gardant la responsabilité globale du soin des patients, les médecins doivent pouvoir échanger de façon constructive avec
d’autres professionnels de la santé dans le contexte d’une équipe interdisciplinaire. Il faut renforcer et consolider la relation entre
les médecins et leurs collègues. Lorsque tous les praticiens des soins de santé conjuguent leurs efforts pour tendre vers un but
commun, dans un contexte d’appui et de collégialité, ce sont les soins aux patients qui en bénéficient.
Les médecins sont maintenant mis au défi de clarifier exactement ce qu’ils sont prêts à faire pour promouvoir la
transformation du système de santé qui est des plus nécessaires et de préciser comment ils établiront des
partenariats avec des patients, d’autres fournisseurs et le système afin d’atteindre ce but commun. Il en découle une
occasion importante pour les médecins de maintenir leur rôle de chef de file dans l’initiative sur la transformation
des soins de santé dans l’intérêt de leurs patients tout en redéfinissant leur relation avec le système (qui s’entend
dans ce contexte des administrateurs de soins de santé, des gouvernements et de leurs représentants, des districts
sanitaires, des établissements de soins de santé et d’organismes semblables) afin de s’assurer qu’ils ont une place
réelle et valable à la table décisionnelle, aujourd’hui et à l’avenir.
CONTEXTE
Les administrateurs de la santé, les dirigeants des ministères de la Santé et les analystes des politiques de santé
répètent depuis la dernière décennie et plus que les médecins « ne font pas partie du système de santé », qu’ils sont
des entrepreneurs indépendants et non des employés et qu’ils font trop souvent partie du problème et non de la
solution.
Au cours de cette période, plusieurs événements ont diminué le rôle du médecin dans la gouvernance clinique au
Canada pour transformer à divers degrés la relation professionnelle et collégiale entre les médecins et leur région
sanitaire, leur établissement de soins de santé et leur communauté en une relation régie de plus en plus par
l’arbitraire législatif ou la réglementation.
Régionalisation
À commencer par le Nouveau-Brunswick en
1992, toutes les administrations à l’exception de
l’Ontario, du Territoire du Yukon et du Nunavut
ont adopté le modèle de gouvernance régionale.
Ce changement a fait disparaître les conseils
d’administration des hôpitaux et des services
communautaires dans une région géographique
pour les remplacer par un seul conseil régional.
La gouvernance clinique est maintenant assurée
par un comité consultatif médical (CCM)
régional. Des provinces comme la Saskatchewan
reconnaissent le rôle de l’association du
personnel médical du district (ou de la région).
Ce virage a eu un effet profond sur la réduction
du nombre des médecins qui participent à la
gouvernance clinique des établissements de soins
de santé.
La régionalisation a créé un autre sous-produit : dans à peu près tous les niveaux de compétence, les médecins ne
siègent plus aux conseils de direction. Il y a toujours des médecins qui sont chefs de département et chefs de section
dans des régions ou dans des établissements hospitaliers en particulier, mais les niveaux d’appui et la rémunération
varient considérablement, surtout en dehors des grandes régions ou des grands établissements, et ces postes
n’intéressent pas les médecins à certains endroits.
Milieu de pratique
Outre une présence diminuée au niveau de la gouvernance clinique, les médecins sont moins susceptibles
qu’auparavant de participer activement à la régie des hôpitaux. En passant, beaucoup de médecins, en particulier
dans les grandes agglomérations urbaines, déclarent avoir été « sortis » du contexte hospitalier et se sentir de plus en
plus exclus du processus décisionnel dans ces établissements. La diminution de leur engagement dans les hôpitaux a
eu un autre effet, soit la disparition de la collégialité professionnelle que favorisaient auparavant les contacts au salon
du personnel médical ou les consultations informelles dans les couloirs.
Il y a eu, en milieu communautaire, des événements positifs sur le plan du leadership des médecins et de la
gouvernance clinique. L’Ontario et l’Alberta ont mis en œuvre de nouveaux modèles de financement et de
prestation des soins primaires qui favorisent la direction d’équipes multidisciplinaires par les médecins et au moins
deux tiers des médecins de famille de chacune de ces administrations se sont inscrits à ces modèles. La Colombie-
Britannique a créé des divisions de médecine familiale sur l’initiative du Comité des services de médecine générale
(comité mixte du ministère de la Santé et de l’Association médicale de la Colombie-Britannique) où des groupes de
médecins de famille se constituent à l’échelon local ou régional et travaillent en partenariat avec la régie sanitaire et
le ministère de la Santé pour atteindre des buts communs en soins de santé.
À l’avenir, la régionalisation aura probablement des répercussions sur les médecins qui pratiquent dans la
communauté. Il se dégage au Canada une tendance claire à obliger tous les médecins d’une région à occuper un
poste à l’intérieur de la région sanitaire s’ils veulent avoir accès à des ressources publiques comme des services de
laboratoire et de radiologie. Il pourrait aussi à l’avenir en découler des mesures comme des activités imposées
d’amélioration de la qualité qui pourraient être d’une efficacité variable et ne seront pas nécessairement harmonisées
avec les besoins des médecins sur le plan de l’apprentissage.
Participation des médecins
Les contacts entre médecins et hôpitaux ont toujours passé par un modèle basé sur les privilèges. Ce modèle, qui a bien
fonctionné en général, vise à donner aux médecins la liberté nécessaire pour défendre raisonnablement les intérêts
des patients5. La loi et les règlements exigent aussi que ce modèle comporte des procédures minimales sur le
renouvellement, la limitation et la suppression des privilèges et que des procédures garantissent que cela se fait dans
un contexte équitable et structuré. Le CCM de l’hôpital étudie généralement les demandes de privilèges des
médecins et recommande les nominations et les renouvellements. Le CCM joue donc un rôle lorsqu’il s’agit de
garantir la sécurité des soins dans la région ou l’hôpital5.
Les types de relations entre médecins et hôpitaux, y compris l’emploi ou les contrats, attirent de plus en plus d’attention
depuis peu. Ces arrangements peuvent varier du contrat d’emploi, semblable à celui d’autres professionnels comme
les infirmières et les thérapeutes, jusqu’à l’entente de services qui prévoit que le médecin fournit à l’hôpital des
services médicaux à titre d’entrepreneur indépendant5. L’Association canadienne de protection médicale (ACPM) et
d’autres intervenants intéressés craignent toutefois que beaucoup des cadres procéduraux et des mesures de
protection prévus dans le règlement des hôpitaux qui ont trait aux modèles basés sur les privilèges ne s’appliquent
pas nécessairement à d’autres arrangements et que les médecins qui concluent de telles ententes contractuelles
puissent dans certains cas constater que l’on met fin à leur nomination à l’hôpital ou à l’établissement sans qu’ils
aient de recours. En vertu de tels arrangements, il se peut que les médecins n’aient pas accès à l’équité procédurale et
au droit d’appel qui existent dans le modèle basé sur les privilèges.
Une approche relativement nouvelle est celle du modèle basé sur la nomination, qui vise à combiner un grand nombre
des mesures de protection associées au modèle basé sur les privilèges aux avantages qu’offre le modèle basé sur
l’emploi pour ce qui est de la prévisibilité et de la spécificité. Ce modèle applique en général les processus utilisés
pour accorder ou renouveler les privilèges à la résolution des problèmes liés au rendement5.
On a soutenu que des modifications du statut relié aux nominations et des modèles de relations peuvent avoir un
effet nuisible sur la relation entre les professionnels et les établissements de soins de santé6. Même si l’on a signalé
ce phénomène spécifiquement dans le contexte de l’imagerie diagnostique, il peut toucher d’autres spécialités aussi.
Il faut aussi signaler que les enjeux soulevés dans le présent document s’appliquent à tous les membres de la
profession, quels que soient leurs arrangements ou leurs lieux actuels ou futurs de pratique.
Évolution des caractéristiques démographiques et des tendances de la pratique des médecins
Il est bien connu que les caractéristiques démographiques et les tendances de la pratique des médecins ont changé
considérablement au cours des dernières années. Il s’est écrit beaucoup de choses au sujet de l’effet que ces
changements pourraient avoir sur la médecine, sur le soin des patients, sur les listes d’attente et sur la capacité des
patients d’avoir accès à des services7. Il est aussi bien connu que des « facteurs liés aux habitudes de vie », c’est-à-dire
les efforts déployés par de nombreux médecins pour établir un équilibre travail-vie plus sain, peuvent jouer un rôle
dans la détermination du type ou de la nature de la pratique clinique que choisissent les nouveaux diplômés en
médecine et avoir un effet sur leurs heures de travail et le nombre de patients qu’ils accueillent.
Tous ces changements signifient qu’il se peut que des pratiques cliniques comptent moins de patients et soient
ouvertes moins longtemps qu’auparavant. Les médecins sont de plus en plus mis au défi de décrire comment ils
comprennent leur engagement d’assurer que tous les patients ont accès en temps opportun à des soins de santé de
qualité dans le système canadien tout en établissant un équilibre avec leur capacité de faire des choix personnels
dans leurs meilleurs intérêts.
Autrement dit, comment pouvons-nous aider les médecins à adapter leurs pratiques cliniques, du moins dans une
certaine mesure, en fonction des besoins de la population ?
DISCUSSION
La participation des médecins à une transformation réelle du système de santé soulève clairement des défis et des
obstacles, mais elle offre aussi des possibilités de participation et de dialogue, particulièrement lorsque les médecins
du Canada montrent qu’ils sont des partenaires disposés et engagés dans le processus. On ne peut retarder la
transformation des soins de santé simplement parce qu’elle oblige à prendre des décisions difficiles et à modifier le
statu quo. Peu importe comment nous sommes parvenus à la situation actuelle, les relations entre les médecins et
d’autres parties doivent évoluer pour répondre aux besoins futurs. Dans les efforts qu’ils déploient à cet égard, les
médecins doivent recevoir l’aide à la fois des régies et des établissements locaux de santé et d’organismes comme
l’AMC et ses homologues provinciales et territoriales.
Les médecins doivent, individuellement et collectivement, démontrer ce qu’ils sont prêts à faire pour appuyer le
processus et les contributions qu’ils sont disposés à apporter pendant que nous allons de l’avant. Ils doivent aussi
s’engager à ce que la profession médicale constitue un élément important de la solution aux défis que le système
canadien doit relever actuellement.
Nous analysons certains de ces défis dans l’optique de l’autonomie, de la représentation et des imputabilités que
sous-tend le concept du leadership des médecins.
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