REVUE DE PRESSE – LA FAUSSE SUIVANTE - FEVRIER 2012
Sous la boxe des mots, le désir des corps
Entre temps les glissements progressifs du désir s'en seront donnés à cœur joie dans un jeu de plus en plus trouble que la
mise en scène de Nadia Vonderheyden met en branle dès le prologue (de son invention). Non seulement la comtesse devient
sincèrement amoureuse du Chevalier (d'une femme donc) lequel n'est pas insensible au désir qu'il (elle) suscite chez cette
jeune veuve provinciale à la sensualité communicative. Frontin, le valet de la parisienne, ayant révélé à Trivelin le véritable sexe
du Chevalier, ce dernier se fait passer à ses yeux pour la servante de sa maîtresse, si bien que Trivelin la drague effrontément.
Les classes autant que les sexes sont trompeurs. Et si le trompeur est trompé « ou le fourbe puni » (c'est le sous-titre de la
pièce), on voit que le mensonge ou la dissimulation sont les meilleurs alliés de la vérité, les politiciens apprécieront.
Nadia Vonderheyden inscrit la pièce dans une ambiance de carnaval avec masques, serpentins et une musique répétitive qui
parfume l'air de sensualité (son Jean-Louis Imbert). Un carnaval sans âge, d'hier comme d'aujourd'hui : le seul présent du
spectacle est celui de la représentation. Laquelle est structurée comme une soirée boxe, des saynètes visuelles et sonores
tenant lieu de minute de repos. Entre deux rounds de mots où l'on rend mot pour mot. Chacun des rounds marquant des points
du côté de la perversité.
Sous la perversité, la modernité
D'où la modernité stupéfiante du spectacle, très proche de ce que cerne Gilles Deleuze dans son texte sur « Klossowski ou le
corps-langage » (In « Logique du sens », Editions de minuit) quand il écrit :
« Ce qu'on appelle pervers, c'est précisément cette puissance d'hésitation objective dans le corps, cette patte qui n'est ni droite
ni gauche, cette détermination par cascade, cette différenciation ne supprimant jamais l »indifférencié qui se divise en elle, ce
suspens qui marque chaque moment de la différence, cette immobilisation qui marque chaque moment de la chute. »
Enfin Nadia Vonderheyden se place résolument du côté du jeune Marivaux (comme on dit le jeune Brecht avec la part
d'effronterie que cela recèle) écrivant cette pièce pour les acteurs de la Comédie italienne bien plus alertes et doués pour
l'improvisation que les comédiens français de l'époque. Elle aussi parie sur la capacité d'invention des acteurs et les dirige
comme de l'intérieur, en sœur.
En résidence au théâtre Charles Dullin de Chambéry, ils ont répété deux fois un mois. Le premier mois, en juillet dernier a
consisté essentiellement en un travail d'improvisation, d'essais, de pistes (héritage de D-G. Gabily). Ils se sont retrouvés en
décembre pour un second mois, texte su, nourris de ce travail préparatoire qui n'est pas pour rien dans l'excitation que suscite
cette « Fausse suivante ».
INFOS PRATIQUES
"La fausse suivante" de Marivaux mis en scène par Nadia Vonderheygen
Espace Malraux, scène nationale de Chambéry et de la Savoie
jusqu'au 14 janvier , mardi 20h30, du meredi au samedi 19h30 04 79 85 55 43 et www.espacemalraux-chmbery.fr.Tournée :
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Théâtre de Vidy-Lausanne du 18 janvier at 5 février
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Scène nationale de Sénart, Combs-la-ville du 15 au 17 février
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Espace des arts Chalon-sur-Saône du 23 au 24 février
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La Passerelle, Saint-Brieuc du 21 au 22 mars
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Les salins, Martigues, le 3 avril