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est simple, mais requiert de la disci-
pline. Il faut bien s’enraciner et inté-
grer des temps de silence pour prendre
régulièrement contact avec notre corps
et nos ressentis, comme nous l’en-
seignent les grands maîtres depuis tou-
jours. « C’est extrêmement important
de se connecter à nos racines, nous
dit le Dr Chambon. Lorsqu’on dit de
dépasser l’ego, ça ne signifie pas de le
dépasser pour aller se réfugier dans les
sphères spirituelles supérieures, dans
le “skying”, ou la reconnexion au ciel. Il
faut aussi pratiquer le “grounding”, la
reconnexion à la terre. Le corps est fait
des quatre éléments. La présence au
corps est donc importante pour retrou-
ver notre animalité, notre matérialité.
Le “grounding” est un exercice qui nous
permet de refaire le plein d’énergie en
se plaçant contre un arbre, en position
de Ji Qong, soit les deux pieds bien à
plat, les jambes légèrement fléchies,
la colonne vertébrale bien droite, en
respirant, en récupérant l’énergie de la
terre et en la faisant circuler dans tout
le corps. »
Vivre, à tous les niveaux!
Quand j’ai demandé à ces quatre per-
sonnes ce que signifiait Vivre pour elles,
elles m’ont d’emblée parlé de l’impor-
tance de la place de l’amour dans l’expé-
rience humaine et de l’importance d’être
là, ici et maintenant. Voilà pourquoi le
corps et les six sens sont des clés essen-
tielles à notre réalisation, car c’est grâce
à eux que le mouvement de la vie circule
en nous. « L’être humain est d’abord un
être spirituel, conclut Éric Dudoit. Nous
avons autant besoin de respirer, de
boire et de manger que d’être spirituel. »
Qu’est-ce que la spiritualité, si ce n’est
une voie pour goûter une dimension
encore plus profonde de la vie?
Mais cette vie, qui défile à vive allure,
est quand même fragile. Comme en té-
moigne madame Charland-Verville, « Le
seul fait de travailler en soins intensifs
permet de prendre conscience que la vie
ne tient qu’à un fil et qu’il faut absolu-
ment vivre à fond, ne pas avoir peur de
vivre pour ne pas craindre la mort. La
peur de la mort est en effet un frein qui
nous empêche de vivre une vie riche et
épanouie. Comme nous le rappelle le
Dr Chambon, le bonheur est dans les
petites choses terrestres. On n’est pas
sur terre pour être dans le ciel par des
méthodes spirituelles, sinon ça ne sert
à rien de descendre ici-bas. On vient
sur terre pour se rendre compte qu’on
peut faire des choses qu’on ne pourrait
faire nulle part ailleurs. La vie à tous les
niveaux sensoriels vaut la peine d’être
vécue, car même si elle est par moments
difficile, n’empêche qu’elle possède une
saveur incomparable. »
Cette saveur incomparable, ce sont nos
sens qui nous y donnent accès. C’est en
étant présent à notre corps que nous
pouvons goûter pleinement la saveur
de la vie. Quand on est véritablement
enraciné, on peut toucher à notre rai-
son d’être sur terre. Cette connexion
entre la conscience intuitive et le corps
nous donne accès à l’infini potentiel
que nous portons tous : l’amour incon-
ditionnel. « Par moment, dit Sonia Bar-
kallah, je crois que l’être humain peut
connaître ce qu’est l’amour incondition-
nel, c’est-à-dire aimer sans retour, sans
calcul. Aimer pour tout simplement faire
plaisir; aimer et aider les gens. Je pense
ceux qui y parviennent sont épanouis. »
Honorer ce temple…
Ce corps, si précieux, est donc la clé
qui nous permet d’accéder au sens de
notre existence par l’intermédiaire de
nos sens, le sixième gagnant vraiment
à être mieux connu. Pas étonnant que
les grands sages qualifient le corps de
temple! Honorons-le, bénissons-le et
écoutons-le pour qu’il nous livre toute
la grandeur et la beauté de la vie.
Je remercie Vanessa Charland-Verville,
Dr Olivier Chambon, Éric Dudoit et So-
nia Barkallah pour leur grande généro-
sité et leur merveilleuse contribution à
cet article.
38 VIVRE
car le terme est souvent employé de fa-
çon générale pour parler des patients en
état de conscience altérée. Le vrai coma,
dit-elle, est un état où le patient ne peut
plus être éveillé, où il ne réagit plus à son
environnement. Les patients en état de
conscience altérée sont premièrement
évalués de façon comportementale avec
des échelles standardisées prévues à cet
effet. On leur demandera par exemple
de nous serrer la main, de bouger les
jambes ou de suivre des yeux leur reflet
dans un miroir pour nous montrer qu’ils
sont conscients. Pour complémenter ces
évaluations, nous employons des tech-
niques comme l’Imagerie par résonance
magnétique fonctionnelle afin d’iden-
tifier des signes de conscience qui ne
seraient pas observables au chevet du
patient. On lui demande alors de s’imagi-
ner en train de jouer au tennis. S’il réagit
à la demande, on verra la zone associée
à l’activité prémotrice s’activer dans son
cerveau. On peut aussi lui demander de
s’imaginer à la maison. S’il répond, le gy-
rus hypocampique s’active. On peut donc
dire qu’il a compris puisqu’il a « effectué »
la tâche, et ce même si son corps ne
bouge plus. Cependant, chez un patient
qui est dans le coma, on n’observe plus
aucune activation dans le cerveau. Donc,
dans l’état de coma, il n’y a plus aucune
réaction ni du corps ni du cerveau. Et si
le coma persiste, devient irréversible, on
dira qu’il y a mort cérébrale.
La conscience peut-elle s’éteindre?
Mais la mort cérébrale signifie-t-elle la
mort de la conscience, de l’âme ou de la
psyché? Selon des recherches actuelle-
ment en cours, plusieurs scientifiques af-
firment que la conscience peut se mani-
fester en dehors du corps physique, sans
l’intervention du cerveau, sans même
avoir besoin des sens, et qu’elle survit à la
mort cérébrale. On peut donc se deman-
der comment on se sent lorsqu’une telle
situation se produit. Les personnes qui ont
vécu une EMI affirment qu’elles se sen-
taient légères, qu’elles ressentaient une
impression de bien-être profond, qu’elles
étaient capables de voir les choses avec
une vision périphérique de 360 degrés
ou encore de voir à distance ce qui se
passait ailleurs. Ces mêmes observations
sont rapportées par ceux qui ont vécu
une sortie de corps, comme Sonia Barkal-
lah qui en a vécu une à l’âge de quatorze
ans. « J’ai pu créer des interférences avec
la radio qui était pourtant éteinte, dit-elle
avec émerveillement. J’ai eu l’impression
de me connecter à un Tout. J’ai développé
certaines sensibilités et je pense que ça
fait partie des choses qui m’ont ouverte à
la spiritualité et à tous ces phénomènes
qui entourent l’inexplicable. »
Quand les sens s’affinent
Si le corps et les sens sont touchés lorsque
surviennent une maladie, une perte ou
encore une épreuve, c’est encore plus
probant lorsqu’on s’approche des fron-
tières de la mort. Étonnamment, alors que
le corps périclite, les sens, eux, s’affinent.
En effet, selon le Dr Chambon, les études
démontrent qu›entre 30 et 60 % des per-
sonnes en fin de vie relatent l’apparition
d’un proche décédé au moment du tré-
pas. C’est un phénomène qui s’observe
partout sur la planète. Il se manifeste
grâce à un accroissement de la sensibilité,
donnant ainsi accès aux perceptions ex-
trasensorielles et au monde de l’au-delà.
Les personnes en fin de vie peuvent
alors voir ou entendre des défunts, des
guides ou des êtres spirituellement éle-
vés. Elles peuvent accéder à des pay-
sages d’une beauté grandiose ou encore
entendre des musiques célestes. Selon
Éric Dudoit, ces expériences « servent
inévitablement à aider la personne à
partir plus sereinement, à vivre moins
de résistance. Je pense que l’univers
est très pédagogue pour les soignants.
À travers ces expériences, nous aussi
apprenons des choses ».
Libérer le corps pour mieux l’entendre
La fin de la vie nous enseigne donc que
nos sens sont importants pour nous ai-
der à mieux vivre cette grande transition
qu’est la mort. Ils nous permettent d’ac-
céder à d’autres niveaux de conscience.
Mais doit-on attendre la fin de la vie pour
découvrir ce potentiel latent en nous?
Pourquoi ne pas le laisser émerger alors
que nous sommes vivants? Mais com-
ment? me direz-vous.
Le Dr Olivier Chambon explique qu’il faut
d’abord libérer le corps des informations
qui y sont emprisonnées pour retrouver
la paix en soi. « Par exemple, dans les thé-
rapies reichiennes, par le massage, l’inter-
vention du toucher ou lors des mises en
mouvements appelées “acting”, on de-
mande à la personne de reproduire des
séquences motrices, émotionnelles ou
verbales associées à des interactions par-
ticulières qu’ils ont eues étant enfant, soit
avec leur environnement ou avec leurs
parents. Ça fait remonter plein de souve-
nirs, des parties de soi qui sont comme
des enfants intérieurs qu’on reconnait et
qui peuvent à nouveau exister ; des petits
bouts de soi qui s’actualisent par cette
mise en acte et que j’appelle des recou-
vrements d’âme. » Une fois le corps libéré,
il devient plus facile d’accéder à des ni-
veaux de conscience plus élevés.
Bien enraciné, mieux connecté
Alors comment, au quotidien, pouvons-
nous vivre pleinement les évènements
en évitant de refouler des petits bouts
de soi? Bonne question! La solution
VIVRE, c’est...
Mettre tous nos sens à profit
Si nous connaissons bien cinq de nos six sens, le sixième gagne vraiment à
être connu. Grâce à lui, il devient plus facile de comprendre le sens de notre
existence et d’avancer sur notre chemin sans nous éloigner de ce à quoi
nous sommes destinés.
DOSSIER Et si c’était vrai ?...
La mort cérébrale
signifie-t-elle la mort de la
conscience, de l’âme ou de la psyché?