La musique Baroque et la théorie des affects Durant la période baroque, l’éthique musicale moderne grandit dans la conviction que la mélodie modifie les états d’âme avec la même puissance que le vin et les drogues, sans consulter la volonté de l’auditeur; comme dans l’épisode des Sirènes où elle entraîne au suicide des équipages de marins qui auraient souhaité ne pas mourir. Le projet de retrouver ce pouvoir fait d’abord rêver les savants capables de lire le grec, Ficin, Pic, Valla. Puis le virus atteint les milieux musicaux. En effet, l’histoire d’Empédocle enseigne que la musique peut freiner les passions, mais il va de soi qu’une fois leur cause connue, elle peut aussi les provoquer. Il suffit de connaître les mécanismes de la perception. Les auteurs qui écrivent sur les pouvoirs de l’âme enseignent qu’à sa manière, l’âme parle; elle s’exprime dans le corps et dans tout ce qu’elle fait: elle détermine la démarche, la couleur des cheveux, les traits somatiques et le caractère de l’individu, et comme elle parle dans le corps, elle s’exprime dans le chant. Marsile Ficin (1433-1499) – «medicus mediceus », médecin et philosophe des Médicis à Florence -, enseigne que, comme l’imagination de la mère peut façonner l’embryon, l’esprit du compositeur peut concevoir une forme et «migrer» dans la mélodie, déterminant le choix des intervalles, du mode et des rythmes. La relation âme-harmonie est réciproque: l’âme est une sorte d’harmonie et l’harmonie musicale est une sorte d’âme. Et la racine grecque du mot melos, qui renvoie aux «membres anatomiques des animaux », peut prouver que la polyphonie est un «animal aérien» pourvu d’une «âme» et d’un affect (ethos) incarné dans un «corps sonore». La santé (de l'esprit ou du corps) varie en fonction de l'équilibre des humeurs dans le corps, la «crase» (du grec ancien krãsis, «mélange»). Brenno Boccadoro Professeur de musicologie (texte tiré du dossier de presse de Krasis)