CHAPITRE III. LES CONNAISSANCES
FONDAMENTALES INFLUENÇANT
LORGANISATION DE
LA PREPARATION PHYSIQUE
Nous venons dévoquer la nécessité, pour le préparateur physique, de maîtriser
toute une gamme de connaissances pouvant lui permettre de comprendre,
justifier ou concevoir les différentes procédures de développement des qualités
physiques du sportif. Parmi ces connaissances, un certain nombre sont issues de
la recherche scientifique et, en particulier, des domaines de la physiologie et de la
psychologie. Il nous semble donc intéressant den effectuer une présentation
succincte, non pas avec une volonté de rigueur scientifique, mais dans loptique
dune approche utilitaire centrée sur les paramètres directement confirmés par
les situations de terrain.
Devant la multiplicité et la qualité des publications qui présentent ces différentes
connaissances, les entraîneurs se trouvent parfois un peu démunis lorsquil sagit
de passer du stade de linformation au stade de lutilisation. Des résultats
dexpériences, parfois un peu contradictoires, des analyses trop précisément
ciblées pour être aisément transférables à la réalité des pratiques, des
conclusions qui contredisent en apparence les constatations de terrain : autant de
facteurs qui freinent trop souvent les « velléités utilisatrices » des praticiens. Et
puis, avouons-le, il persiste dans lesprit de nombreux entraîneurs une forme si
profonde de soumission inconsciente vis-à-vis de la Science, quils hésitent bien
souvent à admettre et à révéler les divergences quils constatent entre les
conclusions des recherches de laboratoire et leurs propres observations sur le
terrain. Attitude dautant plus dommageable que, bien souvent, les scientifiques
eux-mêmes sont les premiers à solliciter des vérifications expérimentales
effectuées en situations réelles, tant ils ont conscience du caractère
nécessairement ponctuel et limité de leurs procédures.
Cest pourquoi, au risque dêtre critiqué, nous nhésiterons pas à présenter le
modèle explicatif que nous nous sommes construit, pour percevoir de façon plus
opérationnelle les savoirs scientifiques les plus utiles à la pratique de
lentraînement sportif.
Parmi eux figurent, en première place, ceux qui concernent les sources de
lénergie musculaire.
A. Les mécanismes de la resynthèse de ladénosine
triphosphate
Le muscle est le moteur du mouvement humain. Cest par lintermédiaire de ses
relâchements et de ses contractions, et des déplacements que ceux-ci imposent
aux leviers osseux, que nous pouvons agir, bouger, courir, sauter, etc. Mais, tout
comme un moteur diesel a besoin dun carburant spécifique pour fonctionner, le
muscle requiert une source dénergie particulière. Celle-ci se présente sous la
forme de molécules riches en éléments phosphore : ladénosine triphosphate (ou
ATP).
Cette molécule, logée au niveau des fibres musculaires, a la particularité, lorsque
celles-ci sont stimulées par linflux nerveux, de se dissocier en libérant de
lénergie capable de provoquer le raccourcissement de ces fibres. Le mouvement
peut ainsi samorcer et se poursuivre tant que lATP est présente au niveau
musculaire pour entretenir la réaction.
Mais ces réserves musculaires dATP sont peu importantes et se trouvent de ce
fait rapidement épuisées. La durée du mouvement serait donc limitée si
lorganisme ne fournissait pas simultanément un apport énergétique susceptible
de resynthétiser lATP au fur et à mesure de sa dégradation. LATP ainsi
reconstitué peut être alors à nouveau dégradé, fournissant ainsi de lénergie et
permettant lentretien de la contraction musculaire.
Lorganisme fait appel à trois mécanismes capables de procurer lénergie
nécessaire à la resynthèse de lATP au fur et à mesure de sa dégradation : la voie
anaérobie alactique, la voie anaérobie lactique et la voie aérobie.
Sils se mobilisent tous trois dès les premières secondes de lexercice, ils le font
avec une intensité et des caractéristiques très différentes.
1. Le processus dit anaérobie alactique
Puisque des trois mécanismes, il est celui qui senclenche le plus rapidement et
avec la plus forte intensité, le processus anaérobie alactique va fournir lessentiel
de lénergie nécessaire à la resynthèse de lATP dès les premières secondes de
lexercice. Même si son caractère réellement alactique est actuellement
controversé, les effets quil engendre au niveau de la contraction musculaire, dans
les phases initiales dun effort violent, le distinguent sensiblement de la suite des
efforts anaérobie.
Intensité
Ce processus est capable de fournir une grande quantité dénergie dans un laps
de temps très court et, par là même, de maintenir le renouvellement de lATP avec
une grande intensité. En conséquence, il permet deffectuer des exercices très
intenses à puissance maximale, ce qui savère extrêmement utile dans beaucoup
dactivités sportives (courses de vitesse, exercices de force ou de détente, etc.).
Capacité
À linverse, ce processus na pas le pouvoir dentretenir très longtemps la
contraction musculaire. Sollicité à son maximum dintensité, on doit considérer
quil est épuisé au bout denviron 7 s
1
, ce qui correspond parfaitement aux
réalités des observations de terrain.
Facteurs limitants
La cause la plus souvent admise pour expliquer cette faible capacité est la baisse
de la substance support de cette réaction au niveau des réserves musculaires.
Outre lATP déjà existant, le processus anaérobie alactique utilise également un
autre substrat présent dans les muscles, la créatine phosphate (CP). Or, la CP est
capable de resynthétiser lATP avec une grande intensité, mais nexiste quen
assez faible quantité au niveau musculaire.
Si lon ajoute à cela que les réactions chimiques à lorigine de la resynthèse de
lATP consomment la créatine phosphate en grande quantité, on comprend que
cette source dénergie va rapidement se tarir par absence de réserve énergétique.
Il devient évident que lun des buts de lentraînement à ce type deffort sera la
stabilisation, chez lathlète, dune concentration supérieure dATP et de CP
intramusculaires, et une utilisation plus efficace de lénergie produite (figure 3).
Effets du processus
Immédiatement enclenché, ce processus ne requiert pas doxygène pour
fonctionner (processus anaérobie). Par ailleurs, les produits de dégradation quil
crée ne viennent pas perturber la qualité de la contraction musculaire. Enfin, il
1
Même si elle ne corrobore pas toujours les résultats des recherches effectuées sur ce sujet,
nous insistons sur cette durée : en effet, nous avons constaté quelle correspondait toujours à
une baisse de lintensité dans les activités sportives effectuées à puissance maximale. Elle est
donc un repère essentiel pour lélaboration des moyens de développement de ce processus.
nest pas associé étroitement à la production dacide lactique (processus
alactique) qui génère une acidification du milieu intramusculaire capable
daffaiblir la qualité des contractions. Bien au contraire, les produits de sa
dégradation ont un effet bénéfique : ils « enclenchent », en quelque sorte, les
réactions énergétiques qui vont suivre. Ainsi, la glycolyse anaérobie et les
processus oxydatifs semblent être stimulés par le processus alactique. Ce constat
revêt un intérêt primordial, car il justifie les nombreuses procédures de terrain
qui recourent à des exercices « alactiques » pour développer les processus
lactiques ou aérobies (entraînement, échauffement, etc.).
Figure 3 Le
processus anaérobie
alactique.
2. Le processus lactique
Bien que débutant également dès les premières secondes de lexercice, le
processus anaérobie lactique senclenche avec une intensité tellement inférieure
à celle du processus alactique que son importance ne devient première dans la
resynthèse de lATP quaprès une dizaine de secondes. Cest également un
processus qui nutilise pas loxygène pour fonctionner, mais dont le substrat de
base est constitué dun sucre stocké au niveau musculaire et hépatique : le
glycogène. À la suite de réactions chimiques complexes, le glycogène se scinde en
unités glucose et produit de lacide pyruvique, de lhydrogène et de lénergie
(celle qui sert à resynthétiser lATP).
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