Université de Poitiers – René Descartes
U.F.R. de Sciences Humaines et Arts
N° attribué par la bibliothèque
THESE
pour obtenir le grade de
DOCTEUR DE L’UNIVERSITE DE POITIERS
Discipline : Philosophie
présentée et soutenue publiquement
le 11 juin 2009
par
Wouanssi Eké
Titre :
Les Silences de Heidegger : Prolégomènes pour une piété questionnante.
Sous la direction de
Monsieur le professeur Bernard Mabille
Membres du Jury :
Monsieur le Professeur Alain BOUTOT – Université de Dijon
Madame Claudie LAVAUD – Professeur des Universités Bordeaux
A
Mon père,
Ma mère,
Mes mères,
Mon épouse,
Mes frères et sœurs.
REMERCIEMENTS
De ma première rencontre avec Heidegger à ce jour où je suis jugé sur texte sur l’ensemble de ce qu’il m’a
appris, 20 années sont passées ; de la première ligne de ce texte à la dernière, 6 années se sont écoulées : des
années interminables au cours desquelles le découragement, l’existence agressive et la solitude ont failli
l’emporter.
Mais je n’avais pas le droit de me trahir ni de trahir tous ceux que j’ai admirés, ceux qui m’ont éveillé et
ceux de qui je dois mon chemin : Monsieur Assalé Aka Bwassi m’ouvrit un texte de Heidegger, Madame
Tanella Boni me montra le chemin de l’Histoire de la philosophie, Monsieur Biaka Zasseli fit de moi un homme,
Monsieur Dibi Kouadio me fixa les yeux et Monsieur Mabille me les a gardés ouverts sur l’essence de la pensée
critique. Mais si Monsieur Vetö n’était intervenu personnellement au consulat de France à Abidjan et n’avait
guidé ici mes premiers pas dans la recherche, jamais ce travail n’aurait vu le jour. Que tous ces éminents
enseignants trouvent ce jour l’expression de ma profonde gratitude.
J’avais longtemps cru que les Pères jésuites d’Abidjan avaient parié sur un vieux cheval en m’octroyant
« contre mon gré », une bourse d’études universitaires : je m’étais trompé. Pour toutes leurs œuvres à travers le
monde, je leur dédie ce travail à travers les Pères Alain Renard en Afrique, Edmond Bizard et Alain de
Survilliers à Poitiers. Qu’au firmament où il vit désormais, le Père René Roy récolte les fruits des graines qu’il a
semées ici-bas.
Je voudrais également que la Sœur Directrice Paule Florence Abo, le personnel et toutes les élèves du
collège Notre Dame du Plateau à Abidjan trouvent ici toute l’expression de ma reconnaissance et de mon
indéfectible attachement.
Pour avoir toujours été là au moment où j’avais besoin de soutien et de consolation, je veux dire merci à
Monsieur François Vezin et à Monsieur Jean-Marie Billé, aux familles Landart, Picard et Drouard.
Et à tous ceux nombreux qui auraient voulu, légitimement s’entendre nommer ici, j’adresse mes sincères
remerciements pour l’attention qu’ils ont portée à ce travail ; souvent, le silence est la forme la plus éloquente
d’une parole émotive. C’est en ce sens que nous parlent les silences de Martin Heidegger.
I N T R O D U C T I O
1
La quasi totalité des œuvres de Heidegger revendique presque ouvertement
un retour aux « sources ». Ces sources, dans le projet phénoménologique,
renvoient à ce qu’il appelle l’autre commencement (andere Anfang) c’est-à-dire,
le moment où la parole inaugure la pensée comme philosophie. On ne peut donc
lire Heidegger qu’en interprétant ce qui dans sa pensée, comprend ce retour aux
sources comme commencement originel. Or ce commencement, du point de vue
même de l’ontologie, quoi qu’en dise Heidegger, ne peut-il pas être considéré
comme théologique ?
En effet, on peut considérer comme point de départ de la pensée de
Heidegger le problème de l’oubli de l’être ; à partir de la pensée de l’être et la
quête du fondement1 de l’étant, sa démarche n’a cessé de s’affronter à la
métaphysique entendue comme onto-théo-logie c’est-à-dire le lieu du logos, de
la raison et du fondement du divin. Il paraît donc légitime de penser que ce
retour aux sources ou mieux ce qu’il a appelé lui-même Ein Rückblick auf der
Weg ne serait certainement pas étranger au problème théologique. Or, ce
problème théologique n’est pas apparent dans ses œuvres ; c’est donc en
envisageant cette inapparence comme silence que l’on peut mettre à l’épreuve le
lien immanent avec la quête du divin. Le problème de l’oubli de l’être est donc
plus large que l’unique question de l’être. La première page de Etre et Temps
rappelle l’aporie de l’étant ; celle de la Lettre sur l’humanisme annonce la
nécessité de repenser la question de l’être : car « penser, c’est l’engagement par
et pour l’Etre 2 ».
Etre et penser sont donc chez Heidegger une question primordiale. Pour
cette question primordiale, Heidegger remonte volontiers à Platon et à Aristote
et même davantage. Le contexte est donc métaphysique, métaphysique qu’il se
propose de détruire3 avec l’ontologie fondamentale ou mieux, l’analytique
existentiale. Et comme l’attesteront plus tard certaines publications notamment
1 Entendu comme άρχή (fondement, principe) chez Aristote.
2 Martin Heidegger, Lettre sur l’humanisme, trad. Roger Munier, éd Aubier, Paris, 1964, p. 29.
3 « Détruire » dans les textes de Heidegger signifie dépassement.
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