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Allergie aux insectes : Hyménoptères, Moustiques et Taons Allergie aux insectes : Hyménoptères, Moustiques et Taons
L’histoire de l’allergie aux venins d’insecte remonte à 2674 avant J-C avec la mort du
pharaon Ménès après une piqûre d’Hyménoptère. Il faut attendre 1930 pour les premières
désensibilisations aux extraits de corps totaux d’abeille et de guêpe, et 1974 pour les
désensibilisations avec les extraits de venins purs.
Les trois dernières décennies ont vu la prévalence des maladies allergiques augmenter
de manière significative, avec même un doublement entre 1995 et 2000. L’allergie aux
hyménoptères n’échappe pas à cette règle avec 3 % des adultes et 0,5 % des enfants
présentant une réaction systémique lors d’une piqûre. Ce chiffre peut atteindre jusqu’à 40
% chez les sujets exposés, notamment les apiculteurs, surtout amateurs, et leur famille. Il
faut savoir que la sensibilisation aux venins d’hyménoptère dans la population générale est
estimée jusqu’à 25 % mais qu’il n’existe pas de critères permettant de reconnaître parmi
les patients sensibilisés, ceux qui vont développer une réaction systémique à une prochaine
piqûre. Les piqûres d’hyménoptère peuvent induire une allergie mortelle. Plusieurs décès
sont rapportés par an en France, et plusieurs centaines en Europe.
Le diagnostic est d’abord clinique. C’est la nature de la réaction clinique secondaire à la
piqûre qui va guider la prise en charge diagnostique et thérapeutique. L’interrogatoire est
donc primordial. Il va d’abord chercher à identifier l’insecte coupable. Outre la description
par le patient, l’identification est fortement facilitée par l’utilisation de fiches en couleur
avec des photos des insectes. La clinique doit être détaillée permettant ainsi de classer
la réaction en stades de gravité. Si les réactions sous forme de manifestations cutanéo-
muqueuses ou cardio-respiratoires sont faciles à classifier, le diagnostic clinique est plus
difficile en cas de malaise sans mesure tensionnelle. Cette imprécision peut faire classer la
réaction soit en légère-modérée soit en réaction sévère en l’absence de valeur tensionnelle
notée. Cet élément est quasiment toujours absent, or c’est sans doute le plus important à
noter par le médecin appelé auprès du patient.
Pour les hyménoptères, devant une réaction systémique qui peut aller de l’urticaire
généralisée au choc anaphylactique, un bilan allergologique s’impose. Les tests cutanés
en sont la première étape et reposent sur les IDR jusqu’à la concentration de 1µg/ml pour
les venins d’abeille, guêpe Vespula et Poliste. Les prick tests sont moins sensibles que les
IDR. Le dosage des IgEs n’est pas indispensable au diagnostic si la clinique est confirmée
par les tests cutanés. Néanmoins, ils sont utiles pour affiner le diagnostic, surtout avec
l’arrivée des recombinants. Actuellement, 4 recombinants unitaires sont à disposition: rApi
m 1, rVes v 1, rVes v 5 et r Pol d 5. Les allergènes recombinants permettent dans certaines
situations cliniques de différencier les polysensibilisations liées à des allergènes communs
(hyaluronidases) ou aux carbohydrates, des vraies allergies. En cas de diagnostic difficile,
comme les discordances entre la clinique et la biologie ou un bilan négatif, le test d’activation
des basophiles est indiqué. Ce test ne doit jamais être réalisé en première intention. Le
dosage des IgGs n’a pas d’intérêt diagnostique en routine. Il peut parfois venir en aide en
cas de non identification de l’hyménoptère, ou d’une polysensibilisation cutanée et sérique,
s’il est réalisé dans le mois qui suit la piqûre avec réaction. L’augmentation des IgGs pour
un hyménoptère et non pour l’autre orientera l’identification vers l’hyménoptère pour lequel
une augmentation des IgGs est notée.
Pour les autres insectes comme les moustiques et les taons, les tests cutanés comme les
IgEs qui utilisent les corps totaux ont une mauvaise sensibilité et ne sont pas d’une grande
aide au diagnostic, mais les allergies sévères à ces insectes sont rares.
Le traitement repose sur 3 aspects : les mesures prophylactiques, le traitement des
accidents immédiats et le traitement de fond.
- Les mesures prophylactiques consistent à informer le sujet allergique aux hyménoptères
des risques de récidives en cas de nouvelle piqûre. De ce fait il faut l’inciter à respecter les
consignes de prudence visant à réduire le risque de piqûre : éviter de stationner près de
ruches ou d’essaims, de marcher pieds nus, de porter des vêtements de couleurs vives,
limiter l’usage des parfums, des déodorants, pique-niquer avec prudence, ne pas s’agiter
en présence d’hyménoptères, éviter de rester au soleil le corps mouillé ou recouvert d’huile
solaire, et surtout être porteur d’une trousse d’urgence qui doit contenir de l’adrénaline
auto-injectable. En cas de piqûre d’abeille, il importe de retirer rapidement le dard demeuré
dans la peau, en évitant de le comprimer afin de ne pas injecter le contenu restant du sac
à venin.
- Le traitement de la réaction immédiate dépend de sa gravité. Les réactions locales peu
étendues seront traitées par application locale de glace, avec au besoin administration
d’un antihistaminique en cas de prurit important. Dans les réactions loco-régionales
sévères, l’adjonction de corticoïdes oraux pendant 2 à 5 jours paraît justifiée, associés aux
antihistaminiques. Les réactions systémiques, quel que soit le type, imposent un traitement
d’urgence : allonger le patient en position tête basse, jambes relevées à 90° ; appeler le
médecin ou le SAMU ; si apparition de signes cardio-respiratoires, injection d’adrénaline
auto-injectable si disponible.
- Le seul traitement efficace en cas de réaction systémique est la désensibilisation spécifique.
L’efficacité de l’immunothérapie (ITS) aux venins d’hyménoptères est bien documentée.
L’indication de ce traitement se fonde sur l’anamnèse d’une réaction généralisée à la
piqûre d’une abeille, d’une guêpe ou d’un autre hyménoptère, la preuve d’une allergie au
venin d‘hyménoptères par des tests cutanés et/ou les IgE spécifiques sériques et sur la
connaissance de l’histoire naturelle de cette allergie.
L’indication est certaine en présence d’une histoire de réaction sévère avec symptômes
cardiovasculaires ou respiratoires et des tests positifs. Les réactions légères ou modérées
avec tests positifs et prédominance de symptômes cutanés ne seront traitées par ITS que
lorsque le patient est fortement exposé, a développé des symptômes à répétition, a une
altération de sa qualité de vie, a une pathologie cardio-vasculaire associée. La durée de
l’ITS est au minimum de 5 ans. Plus de 80 % des patients repiqués après l’arrêt de l’ITS
restent protégés. Les rechutes sont plus fréquentes chez les patients avec des réactions
anaphylactiques très sévères avant le traitement, chez ceux qui développent des réactions
allergiques systémiques pendant l’ITS, soit aux injections, soit à des piqûres par l’insecte en
question, ou si l’ITS a duré moins de 5 ans (3 ans semblent insuffisants). Par conséquent,
une durée de cinq ans est recommandée pour l’ITS, voire même plus longtemps pour
les patients ayant des réactions très sévères ou des réactions allergiques au cours de
l’immunothérapie, ou pour les sujets très exposés comme les apiculteurs.
»Introduction