Quattrocento - la première Renaissance en Italie

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Quattrocento - la première Renaissance en Italie
La bataille de San Romano durant le Quattrocento annonce l'avènement de la
cité de Florence et de ses marchands sur la scène européenne.
Le quattrocento, contraction de mille quattrocento en italien, correspond au
XV° siècle italien; s'y déroule le mouvement appelé Première Renaissance. Au
Quattrocento, un profond changement s'opère en Italie. Une nouvelle ère
fleurit, une ère qui rompt avec le Moyen Age qualifié généralement d’ère de
l’ignorance : c'est le début de la Renaissance.
Les premières œuvres issues de ce renouveau artistique voient le jour à
Florence au début du XVe siècle mais s’appuient sur des recherches antérieures
entreprises quelques décennies plus tôt. À la fin du Moyen Âge, la figure de
l’Homme prend le pas sur toutes les autres préoccupations : il s’agit
d’accorder à l’Homme une nouvelle dimension, de lui offrir à nouveau un rôle
actif dans la réalisation de lui-même. C’est ainsi que les recherches plastiques
des artistes s’orientent principalement sur la question de l’espace : comment
percevons-nous l’espace qui nous entoure et comment pouvons-nous le
reproduire dans une œuvre d’art ? Ce problème met d’emblée en évidence la
difficulté à mettre en phase ce regard profondément attentif que l’on porte sur
la nature et la transposition de celle-ci sur une surface plane, ce qui constitue
en soi un acte artificiel, parce qu’intellectuel. La transposition du réel a ainsi
constitué l’une des questions artistiques les plus fécondes de la Renaissance.
Un certain nombre d’outils et de techniques sont alors mis au point : l’étude de
la perspective, celle des proportions fondées sur le canon anthropomorphique,
et enfin l’étude de l’anatomie et du mouvement qui en constituent les
principales composantes.
LE CONCOURS DES PORTES DU BAPTISTERE DE FLORENCE EN 1401
Le concours mis en place pour la réalisation de la deuxième porte du baptistère
de Florence — qui s’inspire de la porte sud sculptée par Andrea Pisano entre
1330 et 1336 — est souvent considéré comme un acte fondateur de la
Renaissance artistique. Parmi les sculpteurs confirmés comme Jacopo della
Quercia, deux jeunes artistes participent au concours d’orfèvrerie qui les invite
à proposer leur version de l’« histoire du sacrifice d’Isaac », sous la forme
d’une histoire, c’est-à-dire d’une représentation narrative d’une scène
biblique, et non plus d’une simple évocation. Les deux orfèvres font preuve
d’une sensibilité humaniste et d’un souci de représentation presque
naturaliste. Toutefois, leurs contributions (que l’on peut admirer aujourd’hui à
Florence, au musée national du Bargello) s’avèrent assez différentes : Lorenzo
Ghiberti, qui remporte le concours, dispose sur son panneau les différents
éléments nécessaires au récit et évoque un rite antique dans un esprit proche
de l’allégorie. Le choix de Filippo Brunelleschi, en revanche, met l’accent sur
le rapport de forces entre les protagonistes et sur la brièveté dramatique de
l’action. Vingt années auront été nécessaires à Ghiberti pour achever son
projet. Entre 1425 et 1452, il réalise également la troisième porte du
baptistère, surnommée « Porte du paradis » par Michel-Ange.
LA COEXISTENCE DE TENDANCES OPPOSEES
Le rejet de l’époque gothique par les acteurs de la Renaissance a souvent été
exagéré. En effet, même si les artistes cherchent à établir un nouveau langage
plastique, ils s’appuient fortement sur des œuvres originales créées à la fin du
Moyen Âge. Ainsi, ils retiennent de Giotto son dessin unificateur, de Giovanni
Pisano une plastique exaltée au service de la narration, et d’Arnolfo di Cambio
ses recherches architecturales globalisant volume et décoration. Dans ce
contexte, certains choisissent de défendre la tradition byzantino-gothique,
comme Gentile da Fabriano, formé à Venise (l’Adoration des Mages, 1423,
galerie des Offices, Florence). De même, à l’instar de Masaccio, des artistes
pourtant considérés comme les plus renaissants, continuent d’employer le fond
d’or (Crucifixion du polyptyque du Carmine de Pise, 1426, museo nazionale di
Capodimonte, Naples).
LEON BATTISTA ALBERTI : THEORIE ET PRATIQUE ARTISTIQUES
Les artistes de la première Renaissance estiment qu’il est nécessaire de
joindre à leurs travaux les écrits qui fondent leur art. Ainsi, de nombreux
traités permettant de fournir des outils théoriques à la pratique artistique
voient le jour ; le plus souvent, ces livres sont rédigés par les artistes euxmêmes, ou par des penseurs humanistes ayant une pratique artistique. C’est le
cas du plus célèbre d’entre eux, Leon Battista Alberti, philosophe, lettré,
mathématicien, théoricien de l’art et surtout architecte. Dans chacune de ses
réalisations, Alberti tente d’appliquer ses théories. Ainsi, lorsqu’il complète la
façade de l’église Santa-Maria-Novella de Florence en 1470, il s’inspire des
décors issus du roman toscan (comme ceux de la cathédrale d’Empoli, par
exemple), mais il rationalise les formes par l’usage d’un module qui procure
un équilibre pondéré à la surface. Alberti est par ailleurs reconnu pour son
traité De pictura (De la peinture, 1425), dédié à Brunelleschi, dans lequel il
présente la théorie la plus approfondie de la perspective renaissante.
LA CIVILISATION RECHNIQUE
Tous ces savoirs ne provenaient pas uniquement de la redécouverte des livres
latins ou grecs dont les hommes du Moyen Âge avaient oublié l’existence dans
les bibliothèques des monastères. Dans le cas de la perspective, la remise au
jour d’Euclide et de Vitruve a certes joué un rôle capital, mais c’est
l’observation de la pratique qui a permis de forger des concepts réellement
nouveaux. Le cas de Brunelleschi à cet égard est exemplaire. Les travaux qu’il
réalise pour la porte du baptistère de Florence montrent que l’expérimentation
n’a pas nécessairement pour fonction de vérifier une hypothèse comme on le
ferait aujourd’hui, mais que l’expérience elle-même sert à constituer la
théorie. Lorsqu’il est chargé en 1418 de poursuivre l’édification de la coupole
de la cathédrale Santa Maria del Fiore à Florence (commencée en 1294 par
Arnolfo di Cambio), Brunelleschi développe une technique de double coque
autoportée pour répondre précisément aux contraintes. Il ne se contente pas
d’appliquer les techniques habituellement employées qui, d’évidence,
n’auraient pas permis de construire une coupole sur un tambour d’un diamètre
aussi important (voir Dôme de Florence). Formé dans l’atelier de Ghiberti, le
Florentin Donatello se nourrit des expériences de Brunelleschi pour composer
un bas-relief représentant Saint Georges et le dragon (1416-1420, musée
national du Bargello, Florence), dont le modelé à peine prononcé marque une
étape dans l’application de la perspective et sert de modèle aux recherches
picturales de ses successeurs.
LA PEINTURE HUMANISTE
À Florence, le contexte historique et social se prête à l’innovation : les
Médicis, fondateurs d’une dynastie récente, affirment et légitiment leur cour
en s’entourant de lettrés et d’artistes aux idées novatrices. Laurent le
Magnifique appelle ainsi à ses côtés Marsile Ficin et Politien, qui échafaudent
une philosophie néoplatonicienne venant justifier le régime monarchique. En
revanche, cet environnement politique ne doit pas masquer les recherches
menées individuellement par les artistes humanistes et négliger la fonction
donnée à l’art, qui est aussi contribution à l’élaboration du savoir. L’œuvre de
Sandro Botticelli est représentative d’un art voué au beau idéal, réservé à un
petit cercle d’initiés. La signification du Printemps (1481, galerie des Offices,
Florence) se perçoit à travers un réseau complexe de références
mythologiques, mais le sens conceptuel de l’œuvre ne restait, à l’époque,
accessible qu’aux philosophes introduits dans les milieux intellectuels liés aux
Médicis. Cette peinture devenait ainsi un outil d’identification pour une classe
socioculturelle très restreinte.
LES MODALITES DE LA CONNAISSANCE : THEOLOGIE ET MATHEMATIQUES
Lorsque, à la fin des années 1430, Piero della Francesca s’installe à Florence,
il est confronté à une diversité déroutante de courants artistiques : certains
artistes, comme Fra Angelico, s’attachent à doter la peinture sacrée d’une
valeur humaniste (retable du couvent San Marco, v. 1439) ; d’autres, comme
Paolo Uccello, réalisent des compositions strictement géométriques pour
dépeindre des univers fantasmés (Saint Georges terrassant le dragon, v. 1440,
The National Gallery, Londres) ; d’autres encore préfèrent explorer en
profondeur les capacités mimétiques de l’art : c’est le cas de Masaccio dont
les fresques de l’église du Carmine, achevées quelques années plus tôt
(v. 1424), ont provoqué un véritable choc culturel. Cependant, ces différentes
tendances répondent toutes aux mêmes préoccupations fondamentales. Piero
della Francesca s’interroge sur les raisons d’une telle diversité de formes,
alors que les motivations sont communes à tous. Il se met en quête d’un
système de peinture universel, synthétique, susceptible d’unifier les
oppositions formelles et de proposer un modèle reproductible. La foi qu’il
place dans la capacité des mathématiques à rationaliser la perception du
monde se retrouve à l’évidence dans la Flagellation du Christ (v. 1453-1460,
Galleria Nazionale delle Marche, Urbino), l’un des exemples les plus éclatants
de l’emploi d’un théorème dans la peinture. Naturellement, cette perfection du
système était, selon lui, à l’image de la perfection divine.
LEONARD DE VINCI, EMBLEME DE LA RENAISSANCE HUMANISTE
À plusieurs égards, l’exemple de Léonard de Vinci est particulièrement
représentatif de l’esprit Renaissance. Mathématicien, physicien, inventeur,
peintre, architecte, ingénieur, il réalise une carrière cosmopolite qui lui fournit
de multiples occasions de confronter son savoir et son expérience à des
situations nouvelles. À travers ses recherches picturales, il s’attache à rendre
le phénomène physique de la transmission de la lumière, de la matérialité de
la transparence, du rapport entre le signe et le référent, etc. Dans l’Adoration
des Mages (1481, galerie des Offices, Florence), il cherche à saisir la façon
dont un événement apparaît dans la peinture et peut être compris par le
spectateur comme un élément du récit. Il propose une synthèse édifiante de
son art dans la Vierge aux rochers (1483-1486, musée du Louvre, Paris), où il
expérimente la technique du sfumato, qui lui permet d’intégrer des transitions
extrêmement subtiles entre les différentes zones de couleurs, prenant l’aspect
d’une sorte de brume délicate ou d’effet vaporeux. Pour Léonard, l’art est une
voie de connaissance et d’exploration du monde et non un moyen de projection
de l’individualité de l’artiste ; c’est la raison pour laquelle son idéal réside
dans une peinture qui ne trahit pas la main de son exécutant, mais qui dépasse
les limites étroites d’un individu.
LA CIVILISATION DES COURS ITALIENNES : FERRARE, MANTOUE, URBINO
À l’image des Médicis à Florence, plusieurs grandes familles italiennes
constituent des cours fréquentées par de nombreux artistes et lettrés. À
Urbino, ville natale de Raphaël, le duc Federico da Montefeltro commande au
Dalmate Luciano Laurana un palais dont l’architecture marque le passage de
l’habitation défensive du Moyen Âge à la résidence conçue pour la
représentation. Il s’entoure d’artistes recherchés, comme Melozzo da Forlì ou
Baccio Pontelli (1450-1495), qui réalise pour lui en 1476 un étonnant cabinet
(studiolo) en marqueterie. À Ferrare, la famille d’Este lance de grands travaux
de réaménagement urbanistique et commande à Biagio Rossetti (v. 1447-1516)
le palais des Diamants, dont le nom est évocateur de son aspect extérieur.
Grâce à Cosmè Tura et à Francesco del Cossa, les seigneurs de Ferrare
favorisent l’émergence d’une culture figurative émilienne, distincte de la
tradition toscane, liée aux Médicis. Un peu plus tard, c’est la ville de Mantoue,
patrie de Virgile, qui s’illustre à travers les grands travaux commandés par la
famille Gonzague. Pour afficher sa grandeur, elle s’assure la fidélité de Jules
Romain, le plus doué des élèves de Raphaël, peintre et architecte d’exception
(palais du Tè, 1524-1530).
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