IV. Médicaments ayant les protéines pour cible Cours Organique ­ 2ème Ing.IMC F. Mullie (Dr. Sc.) IV.1. Structure des protéines La compréhension du mécanisme d'interaction médicament protéine ⇒ Connaissance de la structure des protéines: ­ structure primaire ­ structure secondaire ­ structure tertiaire ­ structure quaternaire IV.1.1. Structure primaire des protéines = ordre d'enchaînement des acides aminés. La séquence est donnée en partant de l'AA N­terminal vers le C­terminal = sens de la synthèse des protéines IV.1.2. Structure secondaire des protéines Correspond à un arrangement régulier des acides aminés selon un axe. Il ∃ 2 types principaux de structure secondaire: ­ l'hélice α: ­ le feuillet plissé β: IV.1.2.1. Hélice α La structure secondaire de type α résulte de l'en­ roulement de la chaîne protéique de façon à ce que les liaisons peptidique qui en constituent l'épine dorsale aient la possibilité de former des liaisons H entre elles. Les liens H sont selon l'axe de l'hélice les résidus pointent en dehors. IV.1.2.2. Feuillet β Superposition de 2 chaînes protéiques antiparallèles liées par des ponts H et qui sont plissés de manière à constituer un angle entre les plans des groupes peptidiques. Les résidus des AA pointent perpendiculairement aux feuillets pour réduire les interactions stériques. IV.1.3. Structure tertiaire des protéines = façon selon laquelle la protéine se dispose dans l'espace pour former: ­ des protéines fibreuses (conformation très ordonnée) ­ des enzymes (reployées sur elles mêmes en structure complexe) ­ des récepteurs (idem) IV.1.3.1. Exemple de la myoglobine Repliements de la chaîne protéique = liés à l'existence de résidus encombrants ou chargés. La structure de la molécule = organisée selon les 3 directions de l'espace. Structure stabilisée par : * liaisons hydrogènes entre les résidus d'AA (ex: ser ­­­lys). * liaisons ioniques (ex: glu ­­­lys). * liaisons hydrophobes (ou VdW) entre les résidus apolaires. * ponts disulfures entre les résidus de cystéine (pas ds l'ex). De plus pour ce type de structure (structure globulaire), les résidus d'acides aminés apolaires se situent préférentiellement au centre de la structure où ils peuvent s'associer par liaisons hydrophobes. Tandis que les résidus polaires ou ioniques se situent à la périphérie où ils peuvent s'associer entre eux par liaison hydrogène ou ionique, ou encore avec l'eau par liaison hydrogène IV.1.3.2. Pourquoi un tel reploiement se produit­il? = spontané, conséquence directe de structure primaire = se fait automatiquement lors de la synthèse = conformation la + avantageuse point de vue E ➥ résidus d'AA apolaires au centre associés par des liaisons hydrophobes. ➥ résidus polaires ou ioniques à la périphérie où ils s'associent par liaisons H ou ioniques entre eux, ou avec l'eau. Liaisons covalentes ➥ ponts disulfure (250 kJ/mole) ex: Cys – Cys Liaisons ioniques ➥ entre gr. fonctionnels de charge opposée (~ 20 kJ/mole) ex: carbonate – ammonium (Asp – Lys) Liaisons hydrogène ➥ entre atomes électronégatifs (O,N) et H attachés à de tels atomes (7 – 40 kJ/mole) Ser – Ser Streptavidin­biotine Forces de Van der Waals ➥ interaction entre molécules hydrophobes (gr aromatiques, gr aliphatiques) (~ 2 kJ/mole) Interaction vdW Phe ­ Phe Interaction vdW avec V462 et codon T19 Interactions répulsives ➥ lorsqu'un gr hydrophile (ex: gr amino) est trop proche d'un gr hydrophobe (ex cycle arom) ou si 2 gr voisins portent la même charge. H2N NH3+ Répulsion Répulsion NH3+ Importance relative des interactions liantes ➥ point de vue des forces: covalente > ionique > liaison H > liaison vdW ➥ le plus important point de vue de la structure tertiaire liaisons vdW et H >> liaisons covalentes et ioniques gd nbre AA impliqués peu AA impliqués 8 AA → forces vdW 1AA → pont S­S 8 AA → liaisons H 4 AA → liaisons ioniques ➥ Structure la + stable avec gr hydrophiles en surface pour interagir avec eau → structure finale sous contrôle de l'hydrophobicité IV.1.4. Structure quaternaire des protéines Correspond à l'association de plusieurs sous unités protéiques (les protomères) pour former une protèine dite oligomérique. Les sous unités peuvent être liées entre elles par : * Des liaisons H entre les résidus d'AA * Des liaisons ioniques de 2 sous unités * Des liaisons vdW entre les résidus apolaires * Des ponts disulfures IV.1.4.1. Exemple de l'hémoglobine Repliements de la chaîne protéique = liés à l'existence de résidus encombrants ou chargés. La structure de la molécule = organisée selon les 3 directions de l'espace. Ici 4 protomères, 2 entités α et 2 entités β (terminologie ≠ structure secondaire). IV.1.4.2. Formation de dimères Les liaisons ioniques sont appelées à jouer un rôle + important ici que dans les structures tertiaires. Interactions hydrophobes (vdW) si 2 protéines ont une aire hydrophobe en surface, il est + avantageux de s'assembler en dimère. IV.1.5. Conclusion Etude du mode d'action d'un médicament ➥ structure tertiaire = importante ➥ largement conditionnée par structure primaire IV.1.6. Prion (Prp = protéine du prion) = protéine (ds cellules neuronales) qui a la capacité de pouvoir changer de conformation (primaire et secondaire): forme normale non pathogène ↔ forme modifiée pathogène Le prion (proteinaceous infectious particle) a: ➥ la capacité à transmettre la nouvelle conformation aux Prp ➥ envahir ainsi les cellules nerveuses ➥ se transmettre aux cellules filles après division ➥ s'accumuler dans le cytoplasme des neurones ➥ entraîner la destruction des neurones (méca. incompris) ⇒ il est responsable d'une des formes de la Maladies de Creusfeld Jacobs (MCJ) et de l'encéphalopathie spongforme bovine (ESB). IV.1.6.1. MCJ et ESB ➥ lors de l'infection, le prion pénètre le neurone, où il se reproduit de façon exponentielle, allant jusqu'à provoquer littéralement l'explosion de la cellule nerveuse. Malheureusement il n'existe encore aucun moyen thérapeutique pour soigner ces maladies qui seraient transmissibles d'un individu à l'autre et dans une certaine mesure d'une espèce à l'autre. IV.1.6.2. Propriétés de la protéine normale (Prp­p) ➥ = impliqué dans le fonctionnement normal de la cellule, ses fonctions, essentielles, ne sont pas connues précisément. ➥ impliquée dans le processus de différenciation et d'adhésion des cellules, ➥ rôle protecteur antioxydant (?) ➥ rôle vis­à­vis de la mort cellulaire programmée (apoptose) ➥ rôle dans le repliement d'autres protéines IV.1.6.3. Propriétés de la protéine anormale (Prp­sp) ➥ = responsable de la maladie et résulte d'une modifcation de sa structure tridimentionnelle, d'origine imprécise. Propriétés physico­chimiques atypiques se traduisant par: ➥ très grande résistance aux moyens de désinfections stérilisation (chaleur, produits chimiques, enzymes,...) ➥ capacité d'autoagrégation ⇒ formation de dépôts notamment dans le cerveau ⇒ mort neuronale. IV.1.6.4. Nature de l'agent «infectieux prion ». = encore controversée et sujette à hypothèses ➥ aucun ADN / ARN n'a pu être associé à l'infectiosité ➥ la Prp­sp est isolée chez les sujets malades, est­il un Agent Transmissible Non conventionnel (ATNC)? Téorie du prion (S. Prusiner) = la mieux étayée. Théorie d'un virus conventionnel (trop petit pour être détecté) Théorie du virino (petit ADN/ARN masqué par des protéines prion) Théorie de la molécule auto­chaperonne (capable de modifier sa propre conformation. IV.1.6.5. Traitement curatif Molécules testées ⇒ ralentissement de la maladie ➥ quinacrine, un antipaludéen ➥ polysulfate de Pentosan Mais ce sont des maladies de l'encéphale, séparé de la circulation sanguine par une barrière hémato­encéphalique empêchant la plupart des molécules. IV.2. Action de certains médicaments sur les protéines Types de protéines avec lesquelles certains médicaments interagissent: IV.2.1. Les protéines de transport IV.2.2. Les protéines structurales IV.2.3. Les enzymes IV.2.4. Les récepteurs IV.2.1. Protéines de transport comme cible. ➥ localisées dans la membrane plasmique ➥ rôle de «contrebandières» vis­à­vis de la cellule ➥ introduisent de manière clandestine des molécules avec entités polaires (AA, oses, ions Me) provenant de l'alimentation et nécessaires à la synthèse des protéines, glucides et acides nucléiques ➥ hydrophobes en périphérie ➥ contiennent une poche hydrophile IV.2.1.1. Mécanisme de transport Sur bord externe de la membrane, une molécule polaire s'attache à la protéine, est «happée» et emprisonnée dans la poche hydrophile et transportée. IV.2.1.2. Site de reconnaissance et spécificité Protéines de transport = spécifiques ➥ ont un site de reconnaissance pour encapsuler leur «client» spécifique. Certains médicaments dupent la protéine de transport ➥ se font passer pour des molécules habituellement prises en charge ➥ se font transporter à l'intérieur de la cellule ou simplement à l'intérieur des membranes plasmiques ➥ se lient fortement à la protéine et deviennent des pension ­naires permanents, bloquant les transfert IV.2.1.3. Cocaïne et dépresseurs tricycliques La cocaïne se lie avec une protéine de transport et empêchent la noradrénaline, un neurotransmetteur, de repénétrer dans les neurones. ⇒ ➚ [noradrénaline] dans les synapses du système nerveux. = même effet qu'administrer un médicament qui mime la noradrénaline. IV.2.1.4. Fluoxétine (Prozac®) Antidépresseur inhibiteur sélectif de la protéine de transport dont le rôle consiste à prendre en charge la sérotonine, un neurotransmetteur. IV.2.2. Protéines structurales pour cibles. Ne servent, en principe, pas de cible aux médicaments ➥ une exception, la tubuline ➥ formation, dans le cytoplasme de la cellule, de microtubules par polymérisation ➥ rôle des microtubes: ­ maintient de la forme de la cellule ­ phénomène d'exocytose ­ libération des neurotransmetteurs ­ intervention dans mobilité cellule ­ rôle fondamental dans la division cellulaire IV.2.2.1 Polymérisation de la tubuline Diamètre ext.: ~ 24 nm Diamètre int.: ~ 10 nm Polymérisation de 2 protéines, la tubuline α et la tubuline β qui s'associent pour former des doublets stabilisés par des GTP. ­ Changement de conformation des protéines ⇒ assemblage des doublets en profilament. ­ 13 profilaments forment ensembles le microtube (cytosquelette). ­ Si le GTP s'hydrolyse en GDP, le microtube devient instable et se dépolymérise (équilibre dynamique contrôlé par cellule). Tubuline polymérisation Microtube dépolymérisation Equilibre dynamique finement contrôlé par la cellule. Agents de dépolymérisation: ➥ vinblastine (acaloïde de la pervenche) ➥ colchicine (acaloïde de la colchicine) Agents empêchant la dépolymérisation: ➥ Taxol (taxoïde) Vinblastine Taxol IV.2.2.2 Neutrophiles. ➥ cellules mobiles qui protègent l'organisme vis­à­vis des infections. ➥ interviennent dans les processus inflammatoires ➥ peuvent s'infiltrer au niveau des articulations et provoquent l'arthrite (inflammation) Traitement: obliger les microtubes à se dépolymériser de manière à ce que les neutrophiles perdent leurs mobilité et ne peuvent se déplacer vers les articulations. IV.2.2.3 Colchicine Alcaloïde qui se lie à la tubuline et oblige les microtubes à se dépolymériser. Anti­inflammatoire, utilisé dans le traitement de la goutte. Nombreux effets secondaires. IV.2.2.4 Médicaments antitumoraux. p 34 fig 3.20 Description schématique de la division d'une cellule Lorsque la cellule est sur le point de se diviser, ses microtubes se dé­ polymérisent en tubuline. Celle­ci se repolymérise ensuite pour former le fuseau (structure particulière) servant de guide pour le transfert des chromosomes de la cellule parentale vers des cellules filles. IV.2.2.5 Vincristine. Plusieurs médicaments antitumoraux très actifs fonctionnent en se fixant à la tubuline, ce qui a pour effet de bloquer le cycle de polymérisation / dépolymérisation. ⇒ actif pour contrecarrer le développement d'une tumeur La vincristine empêche la tubuline de dépolymériser et donc de former des fuseaux. (utilisée en polychimiothérapie du cancer) IV.2.2.6 Paclitaxel (Taxol, Paxene). Ce composé se fixe sur les microtubes qu'il stabilise, empêchant leur réorganisation nécessaire au déroulement de l'interphase et de la mitose. Il favorise également la mort des cellules par apoptose. La relation entre ces 2 effets reste à préciser. Le Paclitaxel issu de l'écorce de l'if du pacifique est utilisé en chimiothérapie de nombreux cancer (ovaire, sein, ..).