Section 2 - Les politiques commerciales : l`affirmation d`une aversion

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Section 2 - Les politiques commerciales : l'affirmation d'une
aversion pour le protectionnisme visible
Pour isoler l’activité nationale des effets de la concurrence étrangère, l’Etat va mettre
en œuvre des politiques commerciales (instauration de droits de douane, de contingents, de
subventions, de normes, etc). L’impact de telles mesures sur le bien-être du pays protégé
dépend de sa taille et du degré de protection. Bien qu’a priori, le libre-échange apparaisse
comme le système optimal, le protectionnisme est largement utilisé, surtout dans les périodes
de crise et de mutation. Depuis le 1er choc pétrolier (1973), les efforts en faveur du
libéralisme (GATT puis OMC) se heurtent à un maintien des politiques commerciales
nationales. Mais à la solution du repli national, la voie de l’intégration régionale (zones de
libre-échange ou union douanières) est préférée pour se protéger dans une certaine mesure de
la concurrence des pays tiers.
On classe les instruments protectionnistes en deux grandes catégories : les droits de
douane et les nouveaux instruments protectionnistes (ou instruments non tarifaires). Cette
dernière catégorie regroupe tous les instruments en principe interdits par les accords
internationaux mais tolérés sinon acceptés dans les faits. Depuis sa création, l’un des objectifs
prioritaires de l’OMC a été de marginaliser le rôle des instruments non tarifaires en
interdisant leur utilisation dans de nouveaux accords et en demandant aux Etats membres la
transformation de ceux déjà existant en leur équivalent tarifaire.
A - L’analyse économique de la protection
Les pouvoirs publics peuvent limiter les importations de produits étrangers selon
plusieurs modalités (droits de douane, contingentements, normes, licences, marchés publics
réservés à des soumissionnaires nationaux, etc). Même si le droit de douane est moins utilisé
aujourd’hui, son analyse permet de saisir les effets complexes de la protection sur l’activité
nationale et étrangère. Tout d'abord, décrivons les droits de douane. C'est l'outil
protectionniste traditionnel et le mieux contrôlé par les instances internationales. Les
modalités d'application d'un droit de douane sont nombreuses et dépendent de l'objectif
recherché par le législateur. Le droit de douane ad valorem est le prélèvement, lors du
passage à la frontière d'une marchandise, d'un taux fixe en % sur la valeur C.A.F. (coût-
assurance-fret) du montant importé. Soit tj le taux ad valorem du droit sur le produit j et Pjm,
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son prix mondial unitaire C.A.F., le prix intérieur du bien importé j, noté Pjd est alors égal à
Pjd = Pjm . (1+tj).
Cette forme de droit de douane est très répandue dans le monde en dépit des
négociations internationales qui ont contribué depuis plus de cinquante ans à une forte
réduction des taux. La particularité du droit de douane ad valorem est d'offrir un niveau de
protection insensible aux variations du prix mondial du produit taxé. Il existe d'autres
modalités de droits de douane. Le droit de douane spécifique est le prélèvement sur la valeur
C.A.F. d'une taxe fixe t' par unité importée. Le prix intérieur du bien importé est alors Pd = Pm
+ t'. Les droits spécifiques sont beaucoup plus rares que les droits ad valorem. Par exemple,
certains jus d'orange sont taxés aux Etats-Unis depuis 1940 d'un droit de 35 cents par gallon.
Contrairement aux droits ad valorem, le niveau de protection offert par cette forme de droit
de douane varie avec le prix mondial : à la baisse lorsque le prix mondial augmente, à la
hausse lorsque le prix mondial baisse. Le droit de douane compensateur ou antidumping est
un prélèvement sur la valeur C.A.F. d'un montant variable destiné à égaliser le prix des
importations avec un prix objectif (prix seuil). L'Europe a imposé systématiquement de tels
prélèvements compensateurs sur ses importations agricoles jusqu’à l’accord de l’Uruguay
Round de 1994. Le droit compensateur augmente (ou baisse) lorsque le prix mondial baisse
(ou. augmente) La particularité du droit de douane compensateur est de garantir les secteurs
qu'il protège des baisses fortes et rapides des prix mondiaux (situation de l'agriculture), etc.
Droits de douane ad valorem dans 5 pays membres de
l’OMC (droits NPF appliquées en 1998, moyenne simple)
En %
Japon
EU
Union eur.
Inde
Vénézuela
Dont
Denrées alim.
transformées
Cuirs et
peaux
Textiles et
art. textiles
Chaussures et
chapeaux
7,3
18,6
20,9
9,2
28,5
4,5
15,3
3,5
10,2
8,9
4,7
13,9
2,6
9
7,9
29,8
61,1
15,6
37,6
40
12 ,4
18,7
13,3
18,7
19
Source : Base de données TRAINS.
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A côté des droits de douane sur les importations existent aussi des droits de douane ou
taxes à l'exportation. La taxation des exportations reste rare dans les pays développés. On la
retrouve davantage dans les pays en développement exportateurs de matières premières, pour
lesquels elle constitue une source de recettes publiques. Les droits de douane constituent la
forme la plus simple et la plus transparente des politiques commerciales parce qu'ils sont
aisément quantifiables et agissent directement sur les prix. Mais depuis quelques décennies, la
plupart des interventions gouvernementales en matière de politique commerciale utilisent
d'autres instruments dont l'action est plus indirecte et plus floue : subsides à l'exportation,
quotas d'importation, restrictions volontaires d'exportation, conditions de contenu local, droits
antidumping et compensateurs, protectionnisme par le change, accords sur les prix, etc.
1 - Les effets de l’instauration d’un droit de douane (hypothèses du petit pays et
du grand pays)
Analysons à partir du graphique ci-dessous, les effets d’un droit de douane dans un
pays A. L’analyse sera conduite sous l’hypothèse du petit pays (pays price taker), en situation
de concurrence pure et parfaite et de rendements constants. De plus, cette analyse est menée
en équilibre partiel, c’est-à-dire en raisonnant uniquement sur le marché d’un bien, le bien j.
Soit DD’, la courbe de demande domestique du bien j et OO’, la courbe d’offre
domestique de ce bien j dans ce pays. On remarque également la courbe d’offre
d’importations de bien j du Reste du monde au prix de libre -échange Pmj (droite parallèle à
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l’axe des abscisses). Lorsque le prix du bien j s’établit au niveau du prix mondial Pmj, les
consommateurs domestiques du pays A achètent une quantité OM aux producteurs nationaux,
consomment une quantité ON et la différence MN correspond à des importations de bien j du
Reste du monde pour satisfaire la demande domestique. Avec l’imposition d’un droit de
douane ad valorem tj, le prix domestique du bien j va s’élever et atteindre le niveau Pdj, la
quantité offerte par les producteurs nationaux augmente et atteint le niveau OM’,
l’importation diminue et s’établit au niveau M’N’ et la consommation domestique se
contracte et n’atteint plus que le niveau 0N’. La conclusion est désormais la suivante : la
situation des consommateurs s’est détériorée : ils consomment une quantide bien j plus
faible à un prix plus élevé. En revanche, la situation des producteurs nationaux s’est
améliorée : ils reconquièrent le marché intérieur et vendent davantage à un prix unitaire
supérieur. Un nouvel agent doit être considé: l’Etat qui va bénéficier de recettes
douanières. L’analyse met donc en évidence une modification des quantités produites,
consommées et importées induite par la variation du prix domestique du bien j. Une analyse
en termes de variation de surplus des agents économiques concernés est nécessaire pour
établir un effet net en termes de bien-être. L’imposition d’un droit de douane tj sur le prix
domestique du bien j conduit à une perte de bien - être : l’effet net est négatif.
Explicitons une telle situation. L’instauration d‘un tarif douanier conduit à une hausse
du prix du bien j : le surplus des consommateurs diminue et celui des producteurs augmente :
la diminution pour les consommateurs correspond aux surfaces a + b +c + d et la hausse pour
les producteurs s’établit à l’aire a. Les droits de douane perçus par l’Etat (aire c) représentent
un transfert entre les consommateurs et l’Etat (surplus de l’Etat). L’impact net du tarif
douanier sur les surplus des agents économiques se traduit par une perte nette de bien-
être égale à la surface a + c - (a + b + c + d), c’est-à-dire l’aire b + d. Plus précisément, le
triangle b représente une perte en termes de distorsion de production (le tarif douanier conduit
le producteur domestique à fournir trop de biens j) et le triangle d représente une perte en
termes de distorsion de consommation (le tarif douanier pousse les consommateurs nationaux
à consommer moins de biens j). C’est sur la base de cette démonstration classique que le
protectionnisme est condamné par les théories traditionnelles : il conduit à une affectation
inefficace des ressources. Cependant, le protectionnisme peut faire apparaître une situation
plus favorable dans le cas la nation qui se protège est un grand pays, c’est -à-dire un pays
dont la taille est suffisante pour qu’une modification des quantités achetées ait un impact sur
le prix du bien échangé (pays price maker). Supposons que le grand pays prenne une
disposition de protection. Ainsi, l’instauration par ce pays d’un tarif douanier conduit à un
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abaissement ders quantités achetées à l’étranger, ce qui va aboutir à la diminution du prix
mondial. Précisons cette situation.
Par rapport à l’analyse précédente (effet d’un droit de douane dans le cas d’un petit
pays), on ne considérera ici que l’offre et la demande d’importations d’un bien k. D0
représente la demande d‘importations du grand pays et S0, l’offre d’importations du Reste du
Monde. En situation de libre-échange, le grand pays importe la quantiQ0 à un prix P0. La
mise en place d’un droit de douane fait passer le prix domestique du bien k du niveau P0 au
niveau P1. Les consommateurs perçoivent alors une nouvelle courbe d’offre représentée par
S1. La quantité d’équilibre se réduit à Q1. Mais contrairement au petit pays, la baisse de la
demande émanant du pays importateur (le grand pays) va provoquer une baisse du prix
mondial. Après la mise en place du droit de douane, le prix mondial du bien importé k
s’établit en P2. Au final, le grand pays a établi un doit de douane de montant P1- P2. En
l’absence de producteurs nationaux, les consommateurs subissent une perte de surplus égale à
l’aire P0P1E1E0, l’Etat enregistre un gain égal à l’aire P2P1E1A. La variation de surplus
collectif est donc égale à l’aire P2P0BA - BE1E0. Cette variation peut être >0 (situation
favorable). Le droit de douane permettant de maximiser cette variation de surplus collectif est
dit «tarif optimal».
De façon générale, c’est sur la base des effets négatifs du protectionnisme que
différents travaux ont été entrepris pour évaluer la perte de bien-être induite par différentes
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