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injections de capital ont été réalisées au début de la décennie 2000 alors que des
structures de défaisance étaient constituées pour alléger les bilans des créances non
performantes.
Parallèlement à l’émergence d’un système hiérarchisé (two-tier system), l’objectif de faire
monter en puissance le capital privé dans le capital bancaire, la libéralisation des taux
d’intérêt et la volonté de développer les marchés financiers révèlent que l’esprit des
réformes entreprises depuis une quinzaine d’années a pour ambition de rompre avec les
ressorts de la répression financière. La répression financière est une notion théorique
faisant référence à toutes les formes de contrôle, direct ou indirect, que les autorités
publiques exercent sur le système financier. Ces contrôles peuvent être de différents
types : place prépondérante du capital public dans le capital bancaire ; fixation des taux
d’intérêt selon des procédures administrées (ce qui se traduit en général par des taux
réels faibles ou négatifs) ; plafonnement du crédit ; dans certains cas, constitution de
réserves obligatoires élevées pour financer le déficit budgétaire de l’Etat. Sur ce plan, la
trajectoire en œuvre au Vietnam est similaire à celles observées dans de nombreux pays
en développement au cours des années 80 et 90 à la suite des critiques théoriques très
fortes formulées par McKinnon et Shaw1 sur les principes de la répression financière. Ces
deux auteurs soulignent que l’organisation administrée des systèmes financiers comporte
en effet de nombreuses zones de sous-optimalité : les canaux de l’épargne sont sous-
développés et l’épargne a un rendement faible, voire négatif ; le volume d’investissements
est réduit car les fonds disponibles sont peu importants (autrement dit, les banques sont
dans un rôle d’intermédiation très imparfait) ; la qualité de l’investissement est influencée
dans le sens d’une moindre prise de risque (fonctionnant dans un environnement où les
ressources sont limitées, et n’étant pas en mesure de faire pleinement payer le prix du
risque, les banques accordent la priorité aux entreprises les plus solides). A l’inverse, les
modèles de McKinnon et Shaw montrent que la libéralisation financière permet d’accroître
l’épargne domestique et le volume du crédit, tout en diversifiant les projets financés.
De fait, les réformes bancaires au Vietnam correspondent désormais à un développement
très rapide du crédit bancaire (voir la seconde partie de cet article). Ceci dessine les
enjeux auxquels le système bancaire est aujourd’hui confronté : il s’agit de conserver la
maîtrise des réformes de libéralisation financière, en faisant émerger les dispositifs
essentiels à la régulation du financement d’une économie de marché, dans un contexte
où la croissance du crédit est pourtant extrêmement rapide. Dans ce cadre, le risque
potentiel serait que la libéralisation produise des modifications de structures financières
beaucoup plus rapides que la capacité de réponse des politiques publiques en matière
prudentielle, tant au niveau de l’adoption de textes plus contraignants qu’au niveau de
leur mise en œuvre effective. Mis en perspective à partir de l’histoire financière des pays
en développement, un tel risque apparaît comme un risque sérieux. En effet, la transition
de la répression à la libéralisation financière a consisté en une séquence potentiellement
dangereuse, ayant parfois débouché sur des crises financières, dans un certain nombre
de pays en développement à partir des années 802. Autrement dit, le développement
rapide d’un secteur bancaire dont le mode d’organisation est par ailleurs en transition,
renforce la nécessité d’un dispositif de régulation compatible avec les exigences d’une
économie émergente en croissance forte et en phase d’intégration progressive à la
finance globalisée. Nous revenons sur ce point fondamental dans la deuxième partie de
cet article.
1 R. McKinnon (1973), Money and capital in economic development, The Brookings Institution, Washington.
E. Shaw (1973), Financial deepening in economic development, Oxford University Press, New York.
2 C. Diaz-Alejandro (1985), “Good-bye financial repression, hello financial crash”, in Journal of Development
Economics, 19.