Thorie des crises financires et des crises du systme bancaire

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SEPTIEME SESSION
L’ECONOMIE VIETNAMIENNE APRES SON ENTREE A L’OMC
ETUDE
Le risque systémique bancaire au
Vietnam : Tendances récentes et
évolutions possibles
François-Xavier Bellocq
Département de la Recherche
Agence Française de DéveloppemenT
Danang, les 26 et 27 février 2008
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Le risque systémique bancaire au Vietnam :
Tendances récentes et évolutions possibles
TABLE DES MATIÈRES
1. UN SYSTÈME BANCAIRE EN TRANSITION ET TRES OPAQUE.............................................. 3
1.1. LA TRANSITION ET SES ENJEUX................................................................................................... 3
1.2. TRES FORTE INCERTITUDE SUR LA SITUATION BILANTIELLE DU SYSTEME BANCAIRE CONSOLIDE...... 5
2. SYSTEME BANCAIRE ET CYCLE FINANCIER........................................................................... 6
2.1. LES SEQUENCES DE LA CRISE ASIATIQUE ET LA NOTION DEUPHORIE FINANCIERE DE F. MISHKIN.... 6
2.2. ENTREES DE CAPITAUX, CYCLE DU CREDIT ET PRIX DES ACTIFS AU VIETNAM ................................. 8
2.3. LA DOLLARISATION : UN RISQUE POTENTIEL MAIS A CE JOUR LIMITE ............................................ 10
3. LES EVOLUTIONS ENVISAGEABLES...................................................................................... 13
BIBLIOGRAPHIE : ....................................................................................................................... 15
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L’objectif de cet article est de présenter une analyse du risque systémique au Vietnam en
s’appuyant sur les connaissances théoriques développées dans le champ de la
macroéconomie financière depuis la fin des années 90. Cette orientation nous permet de
dresser les grands enjeux auxquels se trouve confronté le système bancaire de cette
économie simultanément en transition, en rattrapage rapide et en phase d’ouverture
internationale. Dans ce cadre, une première partie présente deux caractéristiques
centrale de ce système bancaire, c’est-à-dire sa libéralisation progressive et son opacité.
Une deuxième partie analyse les risques découlant du cycle financier et de la dollarisation
des bilans. Enfin, une troisième partie propose une réflexion prospective fondée sur trois
scénarios possibles d’évolution.
1. UN SYSTEME BANCAIRE EN TRANSITION ET TRES OPAQUE
1.1. LA TRANSITION ET SES ENJEUX
Dans les années 80, l’organisation du système bancaire vietnamien relevait du modèle de
la monobanque (one-tier system) dans lequel la Banque centrale est l’unique banque du
pays, contrôlant à la fois le volume, le coût et l’allocation sectorielle du crédit. Ce modèle,
qui était alors typique des systèmes bancaires entièrement administrés des économies
socialistes, commence à être réformé à partir de 1990 avec l’émergence d’un système
hiérarchisé en deux niveaux (two-tier system) modifiant totalement l’organisation du
secteur bancaire. Dans ce mode d’organisation, les fonctions de la banque centrale
consistent à réguler le système financier alors que les banques de second rang (ou
banques commerciales) ont pour fonction de fixer le volume du crédit et son allocation
sectorielle. Les banques commerciales créées dans le cadre du two-tier system se
composent de quatre grosses banques d’Etat et d’une banque d’Etat plus petite (State
Owned Commercial Banks ou SOCB), en position largement dominante sur le marché,
d’une quarantaine de banques partiellement privées (Joint-Stock Banks ou JSB) et d’une
multitude de caisses de crédits populaires (People’s Credit Funds).
Depuis le début de la décennie 2000, l’USBTA (2001) puis l’adhésion à l’OMC (effective
en 2007) ont permis de lancer une nouvelle phase du processus de réforme. La
libéralisation du secteur bancaire à horizon 2010 est en effet un engagement pris par les
autorités vietnamiennes au titre de l’USBTA, engagement qui a ensuite été généralisé
auprès de l’ensemble des Etats-membres de l’OMC au titre de la clause de la nation la
plus favorisée. Cette nouvelle phase de la réforme devrait ainsi aboutir à la montée en
puissance des banques internationales dans le capital bancaire vietnamien (les banques
étrangères étant déjà en mesure - en tout cas dans les textes - d’ouvrir des filiales à
100% sous leur contrôle dès 2007). La nouvelle phase de réforme a été formalisée dans
un document cadre - également appelé road map – signé par le premier ministre
vietnamien le 24 mai 2006. Elle prévoit plusieurs modifications d’envergure d’ici 2010 :
réforme de la Banque centrale (State bank of Vietnam ou SBV) et de la supervision
bancaire (avec mise en place progressive des critères prudentiels de Bâle I puis de Bâle
II) ; ouverture partielle du capital des SOCB (equitization) ; à terme, plus grande ouverture
du secteur aux banques étrangères (leur participation au capital après equitization étant
actuellement soumise à un seuil de 30% pour les pools de banques et de 15% pour une
banque étrangère seule).
Cette réforme aura des conséquences importantes pour les State Own Commercial
Banks (SOCB) que l’Etat vietnamien cherche à adosser à des banques internationales
afin de consolider leurs bilans et leurs méthodes de gestion (une réforme assez similaire
à celle entreprise en Chine depuis quelques années). Dans ce cadre, l’Etat cherche à
assainir le bilan des banques publiques en vue de leur privatisation progressive. Plusieurs
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injections de capital ont été réalisées au début de la décennie 2000 alors que des
structures de défaisance étaient constituées pour alléger les bilans des créances non
performantes.
Parallèlement à l’émergence d’un système hiérarchisé (two-tier system), l’objectif de faire
monter en puissance le capital privé dans le capital bancaire, la libéralisation des taux
d’intérêt et la volonté de développer les marchés financiers révèlent que l’esprit des
réformes entreprises depuis une quinzaine d’années a pour ambition de rompre avec les
ressorts de la répression financière. La répression financière est une notion théorique
faisant référence à toutes les formes de contrôle, direct ou indirect, que les autorités
publiques exercent sur le système financier. Ces contrôles peuvent être de différents
types : place prépondérante du capital public dans le capital bancaire ; fixation des taux
d’intérêt selon des procédures administrées (ce qui se traduit en général par des taux
réels faibles ou négatifs) ; plafonnement du crédit ; dans certains cas, constitution de
réserves obligatoires élevées pour financer le déficit budgétaire de l’Etat. Sur ce plan, la
trajectoire en œuvre au Vietnam est similaire à celles observées dans de nombreux pays
en développement au cours des années 80 et 90 à la suite des critiques théoriques très
fortes formulées par McKinnon et Shaw1 sur les principes de la répression financière. Ces
deux auteurs soulignent que l’organisation administrée des systèmes financiers comporte
en effet de nombreuses zones de sous-optimalité : les canaux de l’épargne sont sous-
développés et l’épargne a un rendement faible, voire négatif ; le volume d’investissements
est réduit car les fonds disponibles sont peu importants (autrement dit, les banques sont
dans un rôle d’intermédiation très imparfait) ; la qualité de l’investissement est influencée
dans le sens d’une moindre prise de risque (fonctionnant dans un environnement où les
ressources sont limitées, et n’étant pas en mesure de faire pleinement payer le prix du
risque, les banques accordent la priorité aux entreprises les plus solides). A l’inverse, les
modèles de McKinnon et Shaw montrent que la libéralisation financière permet d’accroître
l’épargne domestique et le volume du crédit, tout en diversifiant les projets financés.
De fait, les réformes bancaires au Vietnam correspondent désormais à un développement
très rapide du crédit bancaire (voir la seconde partie de cet article). Ceci dessine les
enjeux auxquels le système bancaire est aujourd’hui confronté : il s’agit de conserver la
maîtrise des réformes de libéralisation financière, en faisant émerger les dispositifs
essentiels à la régulation du financement d’une économie de marché, dans un contexte
où la croissance du crédit est pourtant extrêmement rapide. Dans ce cadre, le risque
potentiel serait que la libéralisation produise des modifications de structures financières
beaucoup plus rapides que la capacité de réponse des politiques publiques en matière
prudentielle, tant au niveau de l’adoption de textes plus contraignants qu’au niveau de
leur mise en œuvre effective. Mis en perspective à partir de l’histoire financière des pays
en développement, un tel risque apparaît comme un risque sérieux. En effet, la transition
de la répression à la libéralisation financière a consisté en une séquence potentiellement
dangereuse, ayant parfois débouché sur des crises financières, dans un certain nombre
de pays en développement à partir des années 802. Autrement dit, le développement
rapide d’un secteur bancaire dont le mode d’organisation est par ailleurs en transition,
renforce la nécessité d’un dispositif de régulation compatible avec les exigences d’une
économie émergente en croissance forte et en phase d’intégration progressive à la
finance globalisée. Nous revenons sur ce point fondamental dans la deuxième partie de
cet article.
1 R. McKinnon (1973), Money and capital in economic development, The Brookings Institution, Washington.
E. Shaw (1973), Financial deepening in economic development, Oxford University Press, New York.
2 C. Diaz-Alejandro (1985), “Good-bye financial repression, hello financial crash”, in Journal of Development
Economics, 19.
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1.2. TRES FORTE INCERTITUDE SUR LA SITUATION BILANTIELLE DU SYSTEME BANCAIRE
CONSOLIDE
Héritage du régime de répression financière que la road map entend réformer, la
transparence du système financier vietnamien est aujourd’hui plus que limitée. De fait, il
n’est pas possible d’établir un diagnostic complet sur la situation bilancielle de ce secteur
en raison du manque d’information sur les indicateurs révélant, en première analyse, le
risque systémique : capitalisation, qualité de l’actif, provision, liquidité, équilibre du bilan
en devise, rentabilité. Le niveau d’incertitude sur la capitalisation et la qualité de l’actif,
deux éléments d’analyse permettant d’apprécier les éventuelles tensions auxquelles font
face les systèmes bancaires émergents, est un obstacle à l’élaboration d’un diagnostic
complet.
1.2.1. INCERTITUDE SUR LA CAPITALISATION
Les informations disponibles ne permettent pas d’évaluer précisément les ratios de
solvabilité du secteur bancaire mais il existe néanmoins un consensus selon lequel les
banques vietnamiennes sont globalement sous-capitalisées, la SBV elle-même ayant
pour objectif d’accroître le montant minimum du capital.
En 2004, une estimation réalisée par les services du FMI avait déterminé le besoin en
capital du secteur bancaire consolidé entre 15 et 25% du PIB3. La recapitalisation des
banques publiques par l’Etat, en vue de leur privatisation partielle (equitization), et la
montée en puissance du capital étranger dans certaines JSV ont probablement permis
d’améliorer la capitalisation du secteur mais celle-ci demeure probablement faible en
regard de la croissance soutenue du crédit et du potentiel de volatilité propre aux
économies émergentes en croissance soutenue.
Aussi, selon les estimations réalisées par Fitch en 20064, le ratio de solvabilité (Capital
Adequacy Ratio) serait de l’ordre de 5% en moyenne, soit un niveau très inférieur de ceux
enregistrés dans d’autres pays d’Asie émergente (14% en Thaïlande, 13% en Malaisie,
22% en Indonésie5). Héritage du crédit administré et de la répression financière, les
SOCB ont connu depuis les années 90 des tensions de solvabilité chroniques imposant à
l’Etat vietnamien des recapitalisations successives. La situation des SOCB, qui
représentent le cœur de la structure bancaire en contrôlant 75% des actifs, serait en fait
très contrastée.
1.2.2. INCERTITUDE SUR LA QUALITE DE LACTIF ET LES PROVISIONS
Historiquement, le caractère administré de la relation de crédit (et notamment le policy
lending) a entravé le développement de la culture du risque dans les établissements de
crédit et plus particulièrement dans les banques publiques. Résultat, celles-ci concentrent
aujourd’hui l’essentiel des prêts non performants selon la SBV. Ce phénomène est
probablement en voie de s’estomper au niveau du secteur dans son ensemble pour deux
raisons : les JSB montent en puissance dans la structure bancaire sur la base d’un mode
de gouvernance plus proche des standards internationaux que celui des banques
publiques ; et, à partir de 2004, les activités de policy lending des banques d’Etat ont été
transférées à des institutions financières spécialisées (DAF et Vietnam Bank for Social
Policies).
3 B. Aitken (2004), “Can Vietnam outgrow its banking sector problems ?”, in IMF Selected Issues, SM/04/379.
4 I. Tan et P. Tebbutt (2006), “The Vietnam banking system”, in Fitch Country Report, 24 mars.
5 Données issues de : FMI (2007), Global Financial Stability Report, septembre.
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