Thorie des crises financires et des crises du systme bancaire

publicité
ETUDE
SEPTIEME SESSION
L’ECONOMIE VIETNAMIENNE APRES SON ENTREE A L’OMC
Le risque systémique bancaire au
Vietnam : Tendances récentes et
évolutions possibles
François-Xavier Bellocq
Département de la Recherche
Agence Française de DéveloppemenT
Danang, les 26 et 27 février 2008
1/15
Le risque systémique bancaire au Vietnam :
Tendances récentes et évolutions possibles
TABLE DES MATIÈRES
1. UN SYSTÈME BANCAIRE EN TRANSITION ET TRES OPAQUE.............................................. 3
1.1. LA TRANSITION ET SES ENJEUX ................................................................................................... 3
1.2. TRES FORTE INCERTITUDE SUR LA SITUATION BILANTIELLE DU SYSTEME BANCAIRE CONSOLIDE ...... 5
2. SYSTEME BANCAIRE ET CYCLE FINANCIER........................................................................... 6
2.1. LES SEQUENCES DE LA CRISE ASIATIQUE ET LA NOTION D’EUPHORIE FINANCIERE DE F. MISHKIN .... 6
2.2. ENTREES DE CAPITAUX, CYCLE DU CREDIT ET PRIX DES ACTIFS AU VIETNAM ................................. 8
2.3. LA DOLLARISATION : UN RISQUE POTENTIEL MAIS A CE JOUR LIMITE ............................................ 10
3. LES EVOLUTIONS ENVISAGEABLES ...................................................................................... 13
BIBLIOGRAPHIE : ....................................................................................................................... 15
2/15
L’objectif de cet article est de présenter une analyse du risque systémique au Vietnam en
s’appuyant sur les connaissances théoriques développées dans le champ de la
macroéconomie financière depuis la fin des années 90. Cette orientation nous permet de
dresser les grands enjeux auxquels se trouve confronté le système bancaire de cette
économie simultanément en transition, en rattrapage rapide et en phase d’ouverture
internationale. Dans ce cadre, une première partie présente deux caractéristiques
centrale de ce système bancaire, c’est-à-dire sa libéralisation progressive et son opacité.
Une deuxième partie analyse les risques découlant du cycle financier et de la dollarisation
des bilans. Enfin, une troisième partie propose une réflexion prospective fondée sur trois
scénarios possibles d’évolution.
1. UN SYSTEME BANCAIRE EN TRANSITION ET TRES OPAQUE
1.1. LA TRANSITION ET SES ENJEUX
Dans les années 80, l’organisation du système bancaire vietnamien relevait du modèle de
la monobanque (one-tier system) dans lequel la Banque centrale est l’unique banque du
pays, contrôlant à la fois le volume, le coût et l’allocation sectorielle du crédit. Ce modèle,
qui était alors typique des systèmes bancaires entièrement administrés des économies
socialistes, commence à être réformé à partir de 1990 avec l’émergence d’un système
hiérarchisé en deux niveaux (two-tier system) modifiant totalement l’organisation du
secteur bancaire. Dans ce mode d’organisation, les fonctions de la banque centrale
consistent à réguler le système financier alors que les banques de second rang (ou
banques commerciales) ont pour fonction de fixer le volume du crédit et son allocation
sectorielle. Les banques commerciales créées dans le cadre du two-tier system se
composent de quatre grosses banques d’Etat et d’une banque d’Etat plus petite (State
Owned Commercial Banks ou SOCB), en position largement dominante sur le marché,
d’une quarantaine de banques partiellement privées (Joint-Stock Banks ou JSB) et d’une
multitude de caisses de crédits populaires (People’s Credit Funds).
Depuis le début de la décennie 2000, l’USBTA (2001) puis l’adhésion à l’OMC (effective
en 2007) ont permis de lancer une nouvelle phase du processus de réforme. La
libéralisation du secteur bancaire à horizon 2010 est en effet un engagement pris par les
autorités vietnamiennes au titre de l’USBTA, engagement qui a ensuite été généralisé
auprès de l’ensemble des Etats-membres de l’OMC au titre de la clause de la nation la
plus favorisée. Cette nouvelle phase de la réforme devrait ainsi aboutir à la montée en
puissance des banques internationales dans le capital bancaire vietnamien (les banques
étrangères étant déjà en mesure - en tout cas dans les textes - d’ouvrir des filiales à
100% sous leur contrôle dès 2007). La nouvelle phase de réforme a été formalisée dans
un document cadre - également appelé road map – signé par le premier ministre
vietnamien le 24 mai 2006. Elle prévoit plusieurs modifications d’envergure d’ici 2010 :
réforme de la Banque centrale (State bank of Vietnam ou SBV) et de la supervision
bancaire (avec mise en place progressive des critères prudentiels de Bâle I puis de Bâle
II) ; ouverture partielle du capital des SOCB (equitization) ; à terme, plus grande ouverture
du secteur aux banques étrangères (leur participation au capital après equitization étant
actuellement soumise à un seuil de 30% pour les pools de banques et de 15% pour une
banque étrangère seule).
Cette réforme aura des conséquences importantes pour les State Own Commercial
Banks (SOCB) que l’Etat vietnamien cherche à adosser à des banques internationales
afin de consolider leurs bilans et leurs méthodes de gestion (une réforme assez similaire
à celle entreprise en Chine depuis quelques années). Dans ce cadre, l’Etat cherche à
assainir le bilan des banques publiques en vue de leur privatisation progressive. Plusieurs
3/15
injections de capital ont été réalisées au début de la décennie 2000 alors que des
structures de défaisance étaient constituées pour alléger les bilans des créances non
performantes.
Parallèlement à l’émergence d’un système hiérarchisé (two-tier system), l’objectif de faire
monter en puissance le capital privé dans le capital bancaire, la libéralisation des taux
d’intérêt et la volonté de développer les marchés financiers révèlent que l’esprit des
réformes entreprises depuis une quinzaine d’années a pour ambition de rompre avec les
ressorts de la répression financière. La répression financière est une notion théorique
faisant référence à toutes les formes de contrôle, direct ou indirect, que les autorités
publiques exercent sur le système financier. Ces contrôles peuvent être de différents
types : place prépondérante du capital public dans le capital bancaire ; fixation des taux
d’intérêt selon des procédures administrées (ce qui se traduit en général par des taux
réels faibles ou négatifs) ; plafonnement du crédit ; dans certains cas, constitution de
réserves obligatoires élevées pour financer le déficit budgétaire de l’Etat. Sur ce plan, la
trajectoire en œuvre au Vietnam est similaire à celles observées dans de nombreux pays
en développement au cours des années 80 et 90 à la suite des critiques théoriques très
fortes formulées par McKinnon et Shaw 1 sur les principes de la répression financière. Ces
deux auteurs soulignent que l’organisation administrée des systèmes financiers comporte
en effet de nombreuses zones de sous-optimalité : les canaux de l’épargne sont sousdéveloppés et l’épargne a un rendement faible, voire négatif ; le volume d’investissements
est réduit car les fonds disponibles sont peu importants (autrement dit, les banques sont
dans un rôle d’intermédiation très imparfait) ; la qualité de l’investissement est influencée
dans le sens d’une moindre prise de risque (fonctionnant dans un environnement où les
ressources sont limitées, et n’étant pas en mesure de faire pleinement payer le prix du
risque, les banques accordent la priorité aux entreprises les plus solides). A l’inverse, les
modèles de McKinnon et Shaw montrent que la libéralisation financière permet d’accroître
l’épargne domestique et le volume du crédit, tout en diversifiant les projets financés.
De fait, les réformes bancaires au Vietnam correspondent désormais à un développement
très rapide du crédit bancaire (voir la seconde partie de cet article). Ceci dessine les
enjeux auxquels le système bancaire est aujourd’hui confronté : il s’agit de conserver la
maîtrise des réformes de libéralisation financière, en faisant émerger les dispositifs
essentiels à la régulation du financement d’une économie de marché, dans un contexte
où la croissance du crédit est pourtant extrêmement rapide. Dans ce cadre, le risque
potentiel serait que la libéralisation produise des modifications de structures financières
beaucoup plus rapides que la capacité de réponse des politiques publiques en matière
prudentielle, tant au niveau de l’adoption de textes plus contraignants qu’au niveau de
leur mise en œuvre effective. Mis en perspective à partir de l’histoire financière des pays
en développement, un tel risque apparaît comme un risque sérieux. En effet, la transition
de la répression à la libéralisation financière a consisté en une séquence potentiellement
dangereuse, ayant parfois débouché sur des crises financières, dans un certain nombre
de pays en développement à partir des années 80 2 . Autrement dit, le développement
rapide d’un secteur bancaire dont le mode d’organisation est par ailleurs en transition,
renforce la nécessité d’un dispositif de régulation compatible avec les exigences d’une
économie émergente en croissance forte et en phase d’intégration progressive à la
finance globalisée. Nous revenons sur ce point fondamental dans la deuxième partie de
cet article.
1
R. McKinnon (1973), Money and capital in economic development, The Brookings Institution, Washington.
E. Shaw (1973), Financial deepening in economic development, Oxford University Press, New York.
2
C. Diaz-Alejandro (1985), “Good-bye financial repression, hello financial crash”, in Journal of Development
Economics, 19.
4/15
1.2. TRES FORTE INCERTITUDE SUR LA SITUATION BILANTIELLE DU SYSTEME BANCAIRE
CONSOLIDE
Héritage du régime de répression financière que la road map entend réformer, la
transparence du système financier vietnamien est aujourd’hui plus que limitée. De fait, il
n’est pas possible d’établir un diagnostic complet sur la situation bilancielle de ce secteur
en raison du manque d’information sur les indicateurs révélant, en première analyse, le
risque systémique : capitalisation, qualité de l’actif, provision, liquidité, équilibre du bilan
en devise, rentabilité. Le niveau d’incertitude sur la capitalisation et la qualité de l’actif,
deux éléments d’analyse permettant d’apprécier les éventuelles tensions auxquelles font
face les systèmes bancaires émergents, est un obstacle à l’élaboration d’un diagnostic
complet.
1.2.1. INCERTITUDE SUR LA CAPITALISATION
Les informations disponibles ne permettent pas d’évaluer précisément les ratios de
solvabilité du secteur bancaire mais il existe néanmoins un consensus selon lequel les
banques vietnamiennes sont globalement sous-capitalisées, la SBV elle-même ayant
pour objectif d’accroître le montant minimum du capital.
En 2004, une estimation réalisée par les services du FMI avait déterminé le besoin en
capital du secteur bancaire consolidé entre 15 et 25% du PIB 3 . La recapitalisation des
banques publiques par l’Etat, en vue de leur privatisation partielle (equitization), et la
montée en puissance du capital étranger dans certaines JSV ont probablement permis
d’améliorer la capitalisation du secteur mais celle-ci demeure probablement faible en
regard de la croissance soutenue du crédit et du potentiel de volatilité propre aux
économies émergentes en croissance soutenue.
Aussi, selon les estimations réalisées par Fitch en 2006 4 , le ratio de solvabilité (Capital
Adequacy Ratio) serait de l’ordre de 5% en moyenne, soit un niveau très inférieur de ceux
enregistrés dans d’autres pays d’Asie émergente (14% en Thaïlande, 13% en Malaisie,
22% en Indonésie 5 ). Héritage du crédit administré et de la répression financière, les
SOCB ont connu depuis les années 90 des tensions de solvabilité chroniques imposant à
l’Etat vietnamien des recapitalisations successives. La situation des SOCB, qui
représentent le cœur de la structure bancaire en contrôlant 75% des actifs, serait en fait
très contrastée.
1.2.2. INCERTITUDE SUR LA QUALITE DE L’ACTIF ET LES PROVISIONS
Historiquement, le caractère administré de la relation de crédit (et notamment le policy
lending) a entravé le développement de la culture du risque dans les établissements de
crédit et plus particulièrement dans les banques publiques. Résultat, celles-ci concentrent
aujourd’hui l’essentiel des prêts non performants selon la SBV. Ce phénomène est
probablement en voie de s’estomper au niveau du secteur dans son ensemble pour deux
raisons : les JSB montent en puissance dans la structure bancaire sur la base d’un mode
de gouvernance plus proche des standards internationaux que celui des banques
publiques ; et, à partir de 2004, les activités de policy lending des banques d’Etat ont été
transférées à des institutions financières spécialisées (DAF et Vietnam Bank for Social
Policies).
3
B. Aitken (2004), “Can Vietnam outgrow its banking sector problems ?”, in IMF Selected Issues, SM/04/379.
I. Tan et P. Tebbutt (2006), “The Vietnam banking system”, in Fitch Country Report, 24 mars.
5
Données issues de : FMI (2007), Global Financial Stability Report, septembre.
4
5/15
En tout état de cause, la culture du risque demeure balbutiante alors même que le crédit
est en très forte croissance. Dans ce contexte, l’impossibilité d’obtenir une image claire de
la qualité des portefeuilles de créances et des provisions empêche la définition d’un
diagnostic complet sur la qualité de l’actif bancaire : comptabilisé selon les standards
comptables locaux, le taux de prêts non performants est de l’ordre de 3% selon la SBV ; il
serait autour de 15% selon les estimations de Fitch réalisées sur la base des normes IAS
(International Accounting Standards) 6 .
2. SYSTEME BANCAIRE ET CYCLE FINANCIER
2.1. LES SEQUENCES DE LA CRISE ASIATIQUE ET LA NOTION D’EUPHORIE FINANCIERE DE F.
MISHKIN
Plusieurs modèles de tensions financières on été élaborés à partir de la fin des années 90
pour rendre compte, ex post, des enchaînements ayant conduit aux crises financières
dans les pays émergents 7 . Ces modèles cherchent à articuler la dynamique des
mouvements internationaux de capitaux et l’évolution des structures financières
domestiques, notamment à l’échelon microéconomique. Par conséquent, les séquences
conduisant au déclenchement de la crise sont assez largement indépendantes de
l’évolution des fondamentaux macroéconomiques (la relation de dépendance entre
dégradation des fondamentaux et crise est en tout cas moins forte que dans les modèles
élaborés dans les années 80 pour rendre compte des crises de la dette). Empiriquement,
la pertinence de ces modèles est forte dans le cas des économies émergentes alliant
croissance économique forte et intégration progressive à la finance globalisée. Ils sont
donc utiles pour cadrer les risques auxquels le système bancaire vietnamien fait face
actuellement.
Dans ce type de modèles, la montée des risques macro-financiers résulte de
l’accélération des entrées de capitaux dans des systèmes financiers domestiques
marqués par d’importantes déficiences sur le plan informationnel et prudentiel. Dans une
première phase, même si elles permettent de consolider la croissance, les entrées de
capitaux étrangers sont un des éléments déclencheurs des déséquilibres de bilans. C’est
particulièrement le cas dans les systèmes bancaires où la facilité d’accès aux capitaux
étrangers permet un endettement en devises qui sert à financer des crédits en monnaie
locale (le taux des emprunts en devises étant plus faible que le taux des crédits accordés
en monnaie locale, les marges d’intermédiation sont fortes). Au cours de cette première
phase, la croissance s’accompagne de déséquilibres financiers que les marchés ne
perçoivent que très imparfaitement en raison du climat général « d’euphorie » 8 . Dans une
seconde phase, c’est au contraire la « neurasthénie » qui s’installe : en effet, dans un
climat de défiance progressive qui conduit les investisseurs étrangers et notamment les
banques étrangères à réduire la maturité de leurs créances, le déséquilibre du bilan en
devises (actifs en monnaie locale financés sur la base de passifs en devises)
s’accompagne d’un déséquilibre de maturités (actifs long terme financés sur la base d’un
passif de plus en plus court). Cette montée de la tension sur la liquidité du système
financier correspond à une situation de surendettement externe à court terme
(accroissement du ratio dette externe à court terme sur réserves en devises). La liquidité
bancaire se trouve ainsi au cœur des séquences décrites par ce type de modèle.
6
I. Tan et P. Tebbutt (2006), “The Vietnam banking system”, in Fitch Country Report, 24 mars.
P. Pesenti et C. Tille (2000), « The economics of currency crises and contagion: an introduction », in Federal
Reserve Bank of New York Economic Policy Review, septembre.
P. Krugman (2001), « Crisis : the next generation ? », Razin Conference, Tel Aviv University, 25-26 mars.
Pour une synthèse : A. Cartapanis (2004), « Les crises de change : qu’avons-nous appris depuis 10 ans ? » ,
in Economie Internationale, Vol. 7, n°1.
8
F. Mishkin (1998), «Lessons from the Asian crisis », in Journal of International Money and Finance, 18 (4).
7
6/15
Le déclenchement de la crise résulte alors d’un choc exogène ou de l’épuisement
endogène du cycle financier :
i. Les modèles du choc exogène insistent sur le jeu des anticipations 9 . Chez les
créanciers internationaux, en raison de bilans de plus en plus dégradés, un événement
relativement mineur peut conduire à une brusque modification des anticipations sur la
soutenabilité du financement de l’économie. Un tel choc peut alors précipiter la crise : les
banques locales ne parviennent plus à renouveler aussi facilement que par le passé leurs
dettes en devises ce qui entraîne des sorties nettes de capitaux compte tenu des
échéances de remboursement. Ces tensions sur la liquidité en devises provoquent la
chute du change qui, en retour, conduit à l’insolvabilité bancaire en raison du currency
mismatch. Les revenus générés par l’actif en monnaie locale ne sont plus suffisants pour
honorer un passif en devises qu’il faut désormais rembourser à un taux de change
déprécié. L’insolvabilité est d’autant plus brutale que la crise s’est diffusée au secteur réel,
provoquant ainsi la dégradation de la qualité de l’actif bancaire en raison de
l’accroissement des prêts non performants et de la chute des cours boursiers et
immobiliers.
ii. Les modèles de l’épuisement endogène sont inspirés de la théorie minskienne
du cycle financier. Ils offrent une lecture selon nous très complète des tensions
financières potentiellement en œuvre dans une économie émergente dynamique et
attractive aux yeux des investisseurs internationaux 10 . La croissance du PIB en tendance
longue attire des capitaux étrangers qui stimulent la hausse des cours boursiers. Le
financement des entreprises est ainsi facilité tant auprès des marchés (augmentation de
capital, émission obligataire) qu’auprès des banques (la hausse de la valeur boursière de
leurs fonds propres jouant comme un collatéral). Cependant, la forte hausse des cours
boursiers, en conduisant à un gonflement de la valeur de marché des fonds propres des
entreprises, peut se traduire progressivement par une désarticulation entre sphère
financière et sphère réelle : le ratio dettes/fonds propres peut alors être décroissant alors
que le ratio dettes/revenus augmente. Cela s’explique par le fait qu’en repoussant la
contrainte de liquidité et en se traduisant par un accroissement de l’investissement en
volume, la croissance du crédit, elle-même adossée aux entrées massives de capitaux,
débouche sur une baisse progressive de la rentabilité du capital (l’augmentation du stock
de capital en réduit la productivité marginale). Empiriquement, trois phases peuvent être
distinguées :
‰
dans une première phase, le cours des actions et du crédit bancaire
croissent plus vite que la valeur ajoutée mais celle-ci demeure néanmoins sur une
tendance de croissance soutenue. Cette phase correspond à une certaine euphorie
sur les marchés ce qui complexifie la juste évaluation du risque. C’est pourtant dans
cette phase de croissance que le risque est en voie de dégradation progressive ;
‰
dans une deuxième phase, les effets du sur-investissement commencent
à apparaître au grand jour dans certains secteurs (immobilier, construction) et la
croissance du PIB ralentit. La qualité de l’actif bancaire se dégrade (montée du taux
de prêts non performants). Parallèlement, la défiance progressive des investisseurs,
notamment étrangers, se traduit par des pressions sur la liquidité en devises. Le
ralentissement de la conjoncture renforce la contrainte d’endettement ;
dans une dernière phase, la défiance se généralise provoquant des
sorties nettes de capitaux, la baisse des cours et la chute du change. C’est la phase
au cours de laquelle la dynamique haussière du cycle financier vient se briser sur les
contraintes d’endettement propre à l’économie réelle que la sur-liquidité avait jusque
‰
9
P. Artus (2000), Crises de pays émergents. Faits et modèles explicatifs, Economica, Paris.
M. Aglietta (2005), Macroéconomie financière, La découverte, Paris.
10
7/15
là masquées : la hausse du ratio dettes/revenus initié dans la phase précédente
s’accélère et la hausse du ratio dettes/fonds propres s’enclenche du fait de la baisse
des cours sur les marchés financiers. Les tensions sur la liquidité provoquent des
tensions sur la solvabilité qui elles-mêmes renforcent l’assèchement de la liquidité en
« boucles auto-renforçantes ». L’économie est en situation de crise macro-financière.
Dans n’importe quel cas (choc exogène ou épuisement endogène), les entrées de
capitaux étrangers se tarissent brusquement (« sudden stop ») et entraîne l’illiquidité du
secteur bancaire et, partant, une crise de change conduisant à l’insolvabilité bancaire.
Cette situation peut alors être qualifiée de crise jumelle. Si les fondamentaux ne sont pas
à l’origine du déclenchement de la crise, celle-ci provoque néanmoins d’importants
déséquilibres macroéconomiques (chute du change, hausse de l’inflation, explosion de la
dette publique et baisse du PIB notamment). Certains de ces déséquilibres peuvent saper
durablement l’efficacité de la politique macroéconomique : l’exécution budgétaire est
fragilisée par l’explosion de l’endettement public consécutif au coût de la recapitalisation
bancaire et à la dépréciation du change ; la politique monétaire est restrictive pour rétablir
les équilibres externes et casser l’inflation. C’est ainsi la croissance potentielle qui peut
être négativement affectée par ce type de crise. Ce fut le cas en Indonésie après 1998, où
les conséquences de la crise financière ont été particulièrement violentes.
Modèle de 3ème génération : le déclenchement de la crise par épuisement
endogène du cycle financier
SEQUENCE 1 :
SEQUENCE 2 :
Le ratio (Dettes/Fonds propres aux prix Le
ratio
(Dettes/Revenus)
de marché) est à la baisse grâce à la commence à augmenter, idem du
hausse des cours
ratio
(Charges
financières/Revenus)
Entrées
massives de
capitaux
internationaux
Currency
mismatch
dans les
bilans
bancaires
Le ratio (Dettes/Fonds propres) est à la hausse
et la croissance des ratios (Dettes/Revenus) et
(Charges financières/Revenus) accélère. La
crise est ici une crise de bilans
Défiance des investisseurs internationaux
face à hausse du ratio Dettes/Revenu
Sur-investissement et surcapacité productive
Hausse du ratio (Dettes
CT/Réserves devises)
puis sorties nettes Ktaux
Croissance
du crédit
>à
croissance
du PIB
SEQUENCE 3 :
Baisse de la rentabilité du
capital dans sphère réelle
Chute
réserves
taux de
change
+
Hausse du prix
des actifs
financiers
Ralentissement du PIB
Baisse
prix des
actifs
Maturity
mismatch
dans Bques
Banques :
crise de
liquidité
devises
Crise de solvabilité bancaire qui provoque
une contraction du crédit aux entreprises
Contraction du PIB + rupture du paiement
des engagements externes
2.2. ENTREES DE CAPITAUX, CYCLE DU CREDIT ET PRIX DES ACTIFS AU VIETNAM
Le secteur bancaire vietnamien est-il en train de connaître une dynamique financière
assimilable aux phases d’euphorie financière décrite dans les modèles qui viennent d’être
présentés ? De fait, on observe depuis quelques années une croissance très importante
des entrées de capitaux dans le système financier de ce pays, la croissance économique
et l’adhésion à l’OMC ayant considérablement accru son attractivité internationale. Ainsi,
en 2007, malgré un déficit courant qui a probablement atteint un niveau conséquent, la
génération nette de devises de cette économie peut être estimée à 9 Mds USD soit 13 à
14% du PIB environ (graphiques 1 et 2).
8/15
Graphique 1 : Décomposition de la balance globale
(Mds USD)
Graphique 2 : Décomposition de la balance globale
(en % du PIB)
15
25%
13
11
9
balance des capitaux
20%
balance courante
15%
balance globale
25%
balance des capitaux (g)
balance courante (g)
balance globale (d)
20%
15%
10%
10%
5
5%
5%
3
0%
0%
-5%
-5%
7
1
-1
-10%
-3
-10%
2002
-5
2002
2003
2004
2005
2006
2003
2004
2005
2006
2007 (est.)
2007
(est.)
Source : FMI et AFD/RCH (A. Silve)
Ces flux entrants alimentent ainsi la très forte croissance du crédit bancaire observée
depuis le début de la décennie : l’encours de crédit est en effet passé de 30% à 70% du
PIB depuis la fin des années 90. En outre, les entrées de capitaux étrangers
correspondent depuis 2006 à une très forte progression de l’indice de la bourse d’Ho Chi
Minh ville (+280% entre début 2006 et le mars 2007 pour le VNI – Viet Nam Index) et à un
accroissement sensible de sa volatilité. A l’inverse, dans le sillage des turbulences
financières mondiales, cet indice a fortement reculé depuis la fin de l’année dernière,
montrant ainsi la sensibilité croissante du prix des actifs vietnamiens aux évolutions de la
conjoncture internationale.
Graphique 3 : Crédit bancaire
(en % du PIB)
Graphique 4 :
Indice boursier
80
1200
70
1000
60
50
800
40
600
30
400
20
200
10
0
1990
1995
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
0
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
Sources : FMI, Ecowin, calculs AFD (donnée du mois de mars pour l’année 2007)
Dans la phase très fortement haussière du VNI, les activités de financement des banques
vietnamiennes ont participé à la croissance des indices boursiers. En réponse, les
autorités monétaires ont cherché à réguler les excès d’un cycle financier insoutenable. A
partir de janvier, les banques ont été tenues de cesser dans l’année le financement de
leurs fonds d’investissement et d’accroître le poids en risque des crédits octroyés à ces
fonds de 100 à 150% 11 . Puis, à partir de juin, les banques ont été tenues de limiter le
crédit octroyé à ces fonds à 3% de leur encours total de crédit. Enfin, elles ont été
obligées à rapporter mensuellement leurs expositions sur ce type de fonds à la SBV. A ce
stade, il semble que les portefeuilles titres les plus importants en proportion du bilan sont
concentrés dans les petites JSB, les SOCB ayant au contraire des positions largement
inférieures au plafond de 3% selon les informations de la SBV.
11
FMI (2007), Vietnam – Staff Report for the 2007 article IV consultation, août.
9/15
L’emballement des marchés d’actifs vietnamiens observé entre début 2006 et mi-2007
montre la nécessité d’encadrer un marché financier encore jeune et se développant dans
un contexte de forte croissance de la liquidité. C’est dans ce contexte que la Commission
d’Etat sur les opérations de bourse (State Securities Commission) cherche à renforcer la
transparence financière des sociétés cotées. Ceci apparaît indispensable dans un
contexte où le nombre d’introductions en bourse a très fortement progressé au cours des
dernières années (notamment en décembre 2006 afin de profiter d’avantages fiscaux qui
prenaient fin à cette date).
Au total, l’approfondissement du système financier (mesuré à partir de l’accroissement du
ratio crédit/PIB) est bien sûr une évolution positive dans la mesure où cela correspond au
développement de l’intermédiation bancaire et donc à l’accroissement de la capacité de
financement de l’économie. Il faut cependant tenir compte de la qualité institutionnelle,
pourtant si difficile à mesurer, pour envisager le caractère soutenable de la forte
croissance du crédit bancaire. Théoriquement, on peut craindre en effet que les capitaux
étrangers alimentent en liquidités un système financier encore fragile en termes de
supervision, de gestion des risques et de transparence des débiteurs.
Aussi, même si la croissance du crédit permet une accélération de la croissance
économique et la dilution du taux de prêts non performants à court terme, l’allocation des
ressources peut à terme se révéler défaillante au point de faire croître les vulnérabilités
financières dans les bilans des banques et des entreprises. Sur le plan
macroéconomique, ces vulnérabilités – en particulier des leviers d’endettement trop
élevés et d’importants dés-adossements des bilans en devises – constituent une
composante importante du risque systémique propre au phase de décollage économique
très rapide et peuvent amplifier les tensions financières en cas de chocs (chute du change
et hausse des taux d’intérêt notamment).
2.3. LA DOLLARISATION : UN RISQUE POTENTIEL MAIS A CE JOUR LIMITE
La dollarisation est un élément structurant du système financier vietnamien qui doit être
pris en compte dans un diagnostic sur le risque systémique. En raison d'un taux de
dollarisation des dépôts relativement élevé bien qu’en baisse (actuellement de l'ordre de
25% contre plus de 40% en 2000), une partie de l'intermédiation bancaire génère des
crédits libellés en devises (pratiquement exclusivement en dollars). Résultat, 22% de
l'encours de crédit est aujourd’hui dollarisé mais cette dollarisation a en fait connu deux
phases au cours des dernières années :
‰
entre 2000 et 2004, la dollarisation des crédits a augmenté avec
l'accroissement du spread entre les taux d'intérêt en dong et en dollar, ce spread
passant alors de 240 à 710 pdb, en raison des tendances opposées entre le
desserrement de la politique monétaire américaine et le resserrement de la politique
monétaire vietnamienne ;
‰
à l’inverse, le taux de dollarisation a diminué entre 2004 et début 2007,
probablement à la suite du resserrement de la politique monétaire américaine.
10/15
Graphique 5 : Part des crédits en devises dans le total des crédits (en %)
25
20
15
10
5
0
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
Source : FMI, Statistical Appendix, calculs de l’auteur (donnée du mois de mars pour l’année 2007)
Tableau 1 : Taux d’intérêt et spread sur les crédits en dong et en dollars (en %)
2005
2006
2007
Court terme, en dong
9,8
8,8
9,9
10
10,7
12
Moyen terme, en dong
10,4 9,9
10,8
10,7
11,7
13,6
Court terme, en devises
7
4,6
4,3
3,1
3,6
5,5
Spread en pdb entre CT dong et CT devises
280 420
560
690
710
650
Source : FMI, Statistical Appendix, calculs de l’auteur (donnée du mois de mars pour l’année 2007)
2000 2001
2002
2003
2004
11,8
13,7
5,5
630
11,8
13,7
5,7
610
L'ouverture de crédits en devises permet aux banques d’équilibrer leurs bilans en devises
et de limiter leur exposition directe au risque de change dans un environnement où les
instruments de couverture sur les variations de change du Dong sont inexistants. Ainsi, le
taux de couverture des dépôts dollarisés par les créances dollarisées a fortement
progressé au cours des dernières années : il est passé de 40% en 2001 à 80% environ au
début de 2007 (graphique 6). De ce point de vue, le secteur bancaire vietnamien montre
un bilan en devises relativement équilibré : les dépôts en devises (nets des créances en
devises) représentent entre 3 et 4 points du PIB au début de 2007 contre près de 11
points du PIB en 2001 ; en tenant compte des actifs en devises autres que les créances,
les bilans en devises sont probablement proche de l’équilibre. De ce point de vue, le
secteur bancaire vietnamien a ainsi un profil de bilan nettement différent de celui des
banques asiatiques avant les crises de changes de 1997-98.
Graphique 6 : Crédits et dépôts en devises (en % du PIB) et ratio de couverture
Crédit en devises - échelle de gauche
Dépots en devises - échelle de gauche
Crédit en fx/Dépots en fx - échelle de droite
22,0
0,9
20,0
0,8
18,0
0,7
16,0
0,6
14,0
12,0
0,5
10,0
0,4
8,0
0,3
6,0
0,2
4,0
0,1
2,0
0,0
0,0
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
Source : FMI, Statistical Appendix, calculs de l’auteur (donnée du mois de mars pour l’année 2007)
11/15
Même si le secteur bancaire consolidé parvient à générer un bilan en devises
globalement équilibré, tous les risques liés à la dollarisation du système financier n’en
sont pas pour autant annulés :
‰
le fait que le régime de change vietnamien soit ancré au dollar (ancrage à
crémaillère) peut être perçu comme une couverture implicite du risque de change par
les emprunteurs, comme c'était le cas dans les pays d'Asie du Sud-Est avant la crise
de 1997-98. Pour les entreprises du secteur des biens non échangeables (c’est-à-dire
celles qui n’exportent pas et ne génèrent donc pas de revenus en devises), une
perception biaisée du risque de change peut être un facteur de risque important. De
ce point de vue, comme la Banque des Règlements Internationaux a pu le souligner à
plusieurs reprises au cours des dernières années, l’ouverture de crédit en devises
permet aux banques de limiter leur risque de change mais peut se traduire par
l’accroissement de leur risque de crédit si ce type de financement génère un risque de
change aux bilans de leurs contreparties ;
‰
par ailleurs, le déséquilibre de maturité serait important entre les dépôts en
devises (relativement courts) et les créances en devises (pouvant parfois être
attribuées sur du très long terme, de 12 à 15 ans dans certains cas selon une étude
certes un peu ancienne de la Banque mondiale 12 ). Même si ce déséquilibre ne peut
pas être mesuré précisément compte tenu du manque d'information, il existe
probablement dans le système financier vietnamien un risque de liquidité en devises
important.
Or, comme dans tout système financier dollarisé, la capacité de la Banque centrale à
réguler le risque de liquidité en devises - c'est-à-dire à assurer la liquidité des passifs en
devises du système bancaire si les banques venaient à faire appel à sa fonction de
prêteur en dernier ressort - est limité. Ceci n'est pas un risque spécifique au Vietnam mais
relève bien de la contrainte fondamentale que connaissent les banques centrales opérant
en système financier dollarisé : seules les relations avec le reste du monde sont
susceptibles de générer des dollars ; les banques centrales, autres que la Réserve
Fédérale américaine, n'ont pas ce pouvoir. Leur fonction de prêteur en dernier ressort
étant atrophiée, elles peuvent rapidement ne plus être en mesure d'assurer la stabilité du
système financier dés lors que des tensions apparaissent sur les passifs dollarisés des
banques opérant sous leur contrôle. Par conséquent, lorsque ce risque de liquidité se
matérialise dans le cadre de régime de change ancré au dollar américain, via des retraits
massifs de dépôts en dollar, l'ajustement s'effectue généralement par une dévaluation
conséquente de la monnaie nationale dont les effets sont d'autant plus violents que
l'économie concentre un risque de change important.
Comment mesurer ce risque découlant de la régulation partielle d'un système monétaire
dollarisé par la Banque centrale ? Une mesure simple consiste à comparer les liquidités
en devises accumulées par la Banque centrale et les besoins potentiels de liquidités en
devises de l'économie. Dans le cas du Vietnam, cet exercice donne les résultats suivants:
‰
le ratio réserves en devises de la SBV sur dépôts en devises du système
bancaire a augmenté significativement entre 2000 et 2006 pour approcher 100%
(graphique 7). Ce niveau de couverture est confortable si on le compare à ceux
observés dans des économies dollarisées à risque systémique élevé (ce ratio était par
exemple de 0,34 en Argentine avant la double crise bancaire et de change). De plus,
la très forte croissance des réserves de change enregistrée au début de 2007 suite au
sur-financement externe du Vietnam mentionné dans le point 2.2 de cet article a porté
ce ratio aux alentours de 150 % ;
12
Banque mondiale (2002), Banking sector review : Vietnam, juin.
12/15
pour mesurer plus complètement l'écart entre la liquidité en devises de la
SBV et le besoin potentiel de devises de l'économie, il convient néanmoins d'ajouter
au dénominateur, outre les dépôts en devises, le service de la dette externe et la
valeur des importations. Envisagée comme telle, la capacité de couverture du besoin
potentiel en devises de la SBV n’a pas évolué significativement entre 2000 et 2006 en
raison de la forte croissance des importations. En revanche, ce ratio a probablement
augmenté significativement en 2007 (il pourrait avoir atteint un niveau compris entre
25% et 30% selon nos estimations).
‰
Graphique 7 : Ratios de liquidité en devises de la SBV (en %)
160%
140%
120%
100%
80%
60%
40%
20%
0%
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
Ratio réserves en devises de la BC/dépôts en devises du secteur bancaire
Ratio réserves en devises de la BC/dépôts en devises + service dette externe
Ratio réserves en devises de la BC/dépôts en devises + importations + service dette externe
Source : FMI, calculs de l’auteur, (donnée du mois de mars pour l’année 2007)
Au total, et pour autant que l'on puisse en juger sur la base des données disponibles, le
risque d’une crise de liquidité en dollars découlant d’un choc portant sur des structures
financières dollarisées est aujourd’hui assez faible. En outre, si la dollarisation du système
financier demeure une composante objective du risque systémique vietnamien, plusieurs
indicateurs révèlent que la dollarisation n’augmente pas et qu’elle a au contraire tendance
à baisser légèrement depuis quelques années.
3. LES EVOLUTIONS ENVISAGEABLES
Dans ce cadre, une analyse prospective du risque systémique vietnamien permet
d’identifier trois scénarios pouvant être associés à des probabilités aujourd’hui assez
différentes :
‰
le premier scénario est celui de la poursuite de réformes graduelles faisant
– lentement – évoluer le système bancaire selon les objectifs définis dans la road
map. Dans ce cadre, la montée en puissance des banques internationales dans le
capital bancaire vietnamien permet de réaliser des transferts de savoir-faire
débouchant sur des méthodes de gestion plus efficaces et une base en capital plus
solide, notamment après l’equitization des SOCB. Ce scénario, proche de celui qui
semble en œuvre en Chine depuis quelques années, profite pleinement de
l’attractivité du pays et de son ouverture internationale suite à l’adhésion à l’OMC. La
qualité de la supervision s’améliore et la culture du risque se propage dans les
établissements de crédit. En termes d’économie politique, sa réalisation nécessite
néanmoins que les réformes puissent s’imposer plusieurs années durant aux intérêts
ayant profité du caractère administré de l’allocation du crédit, ce qui passe
probablement par un affaiblissement relatif des entreprises publiques dans les
rapports de forces locaux. En outre, ce scénario nécessite de développer les
dispositifs juridiques encadrant la relation de crédit dans une économie de marché,
13/15
c’est-à-dire la transparence financière des entreprises, le droit des créanciers et le
droit des faillites. Au total, ce scénario n’est pas acquis mais paraît néanmoins le plus
probable compte tenu du cap retenu par les autorités publiques depuis quelques
années et des transformations effectivement constatées dans l’organisation du
secteur bancaire. A court terme, la crise financière qui touche les systèmes bancaires
américain et européen peut néanmoins lui être défavorable. La plus forte aversion au
risque qui devrait caractériser les banques occidentales dans les trimestres voire les
années à venir pourrait, en effet, ralentir nettement leur stratégie de diversification
internationale et limiter ainsi le rythme de leur pénétration du marché vietnamien. Le
manque de main d’œuvre qualifiée dans le secteur bancaire peut en en outre ralentir
les effets bénéfiques escomptés, notamment sur le plan des procédures de contrôle et
de la culture du risque au sein des établissements de crédit ;
‰
le deuxième scénario est celui d’un processus de réformes produisant peu
d’effets en raison de sa trop grande lenteur alors que la situation macroéconomique
du pays se détériore. A ce niveau, la dégradation de la compétitivité vietnamienne,
suite à la résurgence de tensions inflationnistes et des hausses de salaires résultant
de la pénurie de main d’œuvre qualifiée, est une hypothèse plausible dans un
exercice de prospective. Dans ce cadre, on peut envisager une dégradation
progressive du compte courant débouchant sur des tensions affectant la liquidité en
devises. La SBV parvient néanmoins à amortir ces tensions grâce à un niveau de
réserves initialement confortable mais doit ajuster sa politique monétaire pour résorber
les déséquilibres de la balance des paiements sans nuire à la stabilité financière des
banques ;
‰
le dernier scénario est un worst case dans lequel la libéralisation financière
alimente une très forte croissance du crédit et une inflation sur les prix d’actifs, que le
système ne parvient pas à réguler, et qui finit par faire monter le taux de prêts non
performants à des niveaux insoutenables pour la base en capital. Ce scénario est
plausible et il correspond à des séquences clairement identifiées dans l’histoire des
pays émergents ayant libéralisé leurs systèmes financiers sans faire progresser
parallèlement leur capacité de supervision et leur culture du risque. Sur ce plan,
l’émergence de banques commerciales adossées à des groupes industriels
récemment constatée est probablement à surveiller avec attention.
14/15
BIBLIOGRAPHIE :
B. Aitken (2004), “Can Vietnam outgrows its banking sector problems ?”, in IMF Selected
Issues, SM/04/379.
M. Aglietta (2005), Macroéconomie financière, Repères, La découverte.
P. Alvarez-Plata et A. Garcia-Herrero (2007), « To dollarize or to de-dollarize :
Consequences for monetary policy », Papier préparé pour la Banque Asiatique de
Développement, septembre.
P. Artus (2000), Crises de pays émergents. Faits et modèles explicatifs, Economica,
Paris.
Banque mondiale (2002), Banking sector review : Vietnam, juin.
FX Bellocq et JR Chaponnière (2006), “Vietnam : Les vulnérabilités macro-financières
associées au processus d’émergence », Document de Travail de l’AFD, n°11, janvier.
FX Bellocq (2008), « Dix ans après la crise asiatique : Où sont passées les zones de
vulnérabilités macro-financières dans les pays émergents », in La Lettre des Economistes
de l’AFD, n°18, janvier.
U. Calmen (2005), « Monetary policy in Vietnam : the case of a transition country », in BIS
Papers, n°31.
C. Diaz-Alejandro (1985), “Good-bye financial repression, hello financial crash”, in Journal
of Development Economics, 19.
FMI (2007), Vietnam – Staff Report for the 2007 article IV consultation, août.
FMI (2007), Global Financial Stability Report, septembre.
P. Krugman (2001), « Crisis : the next generation ? », Razin Conference, Tel Aviv
University, 25-26 mars.
F. Mishkin (1998), «Lessons from the Asian crisis », in Journal of International Money and
Finance, 18 (4).
P. Pesenti et C. Tille (2000), « The economics of currency crises and contagion : An
introduction », in Federal Reserve Bank of New York Economic Policy Review,
septembre.
A. Silve (2007), Rapport sur le risque pays du Vietnam, Document interne du Groupe
AFD.
TAC (2007), “Analyse et diagnostic du système bancaire vietnamien”, Rapport pour
l’Agence Française de Développement, octobre.
I. Tan et P. Tebbutt (2006), “The Vietnam banking system”, in Fitch Country Report, 24
mars.
V. Thanh, S. Chea S. Ouk et L. Xuan Sang (2007), “How have the CLV economies been
exposed to financial vulnerabilities ?”, in IDS Bulletin, Vol. 38, N°4.
15/15
Téléchargement