Site académique Aix-Marseille Histoire et Géographie
Apprendre et enseigner l’histoire de l’Europe
(Atelier pédagogique des Quatrièmes Rencontres de la Durance - 2004)
Christine Colaruotolo
Le 1er mars 2004
Professeure au Lycée Marseilleveyre
MARSEILLE
christine.colaruotolo@wanadoo.fr
Mettre l’histoire à l’heure européenne est un des thèmes au cœur du colloque inter - IREGH qui
s'est tenu à Dijon en 1995 "Enseigner l'Europe pour donner une représentation partagée de
l'Europe d'hier et d'aujourd'hui pour construire l'Europe de demain". Oui. Mais quelle Europe ?
Et comment faire et enseigner une histoire de l’Europe qui pourrait aussi jouer son rôle dans
une éducation à la citoyenneté ? Enfin, quels sont les enjeux qui sous tendent l'enseignement
d'une histoire européenne ?
Place l'histoire de l'Europe dans les programmes et les manuels d'histoire en
France
Dés les années 1950, le Conseil de l'Europe organise des rencontres sur les manuels et les
programmes d'histoire pour réfléchir à des convergences possibles. En octobre 199l, à Vienne,
lors d'une réunion des ministres de l'éducation des états membres, les objectifs éducatifs sont
clairement définis : "L'éducation doit sensibiliser les jeunes au rapprochement des peuples et
des États européens... Elle doit les aider à prendre conscience de leur identité européenne, sans
qu'ils perdent de vue pour autant leurs responsabilités à l'échelle mondiale, ni leurs racines
nationales, régionales et locales... Les jeunes doivent être incités à façonner l'Europe
conformément aux valeurs qui constituent leur ritage commun". À cette fin, il faut leur
"donner une conscience plus aiguë des facteurs historiques qui ont façonné l'Europe".
Au travers de cette citation transparaît l'idée qu'il y a bien une identité européenne qui repose
sur un héritage politique et culturel commun et que l'un des rôles de l'enseignement est de
développer la prise de conscience de cette identité. C'est à partir de 1995, que les programmes
de l'enseignement secondaire français s'inscrivent dans une perspective européenne. Enseigner
" la dimension européenne " telle qu’elle est définie dans les textes officiels suppose de prendre
en compte l’Union Européenne mais aussi la grande Europe.
De la 6e à la 3e les programmes d'histoire sont organisés autour de la constitution progressive
du patrimoine européen grâce aux apports des civilisations grecque, romaine, du judéo-
christianisme en 6e, de l'Humanisme et de la Renaissance en 5e une place réduite étant
accordée aux autres civilisations (civilisation précolombienne.) Mais l'Europe est surtout au
cœur du programme d'histoire de 4e cent sur l'Europe du XVII e au XIX e siècle et du
programme de 3e qui couvre la période de1914 à nos jours et aborde la question de l'Europe au
travers notamment des deux Guerres mondiales, la construction européenne.
Concentrons-nous sur le programme d'histoire1 de 4e. Centsur l'histoire de l'Europe et de la
France du début XVII e siècle à la fin du XIX e siècle, il privilégie l'histoire nationale et très
secondairement l'histoire d'autres pays européens (chapitre sur la monarchie anglaise au XVII e
siècle.) Rares sont les chapitres consacrés aux civilisations extra-européennes hors-mis la
naissance des Etats-Unis. Ces civilisations sont évoquées rapidement dans le chapitre consacré
aux relations commerciales tissées entre l'Europe et le reste du monde au XVII e siècle (carte p
7 Hatier) mais surtout au travers de l'expansion européenne du XIX e siècle. Quelle image de
l'Europe et de son histoire les manuels scolaires de 4e renvoient t-ils ?
1 L'analyse des manuels d'histoire - géographie de 4e a été réalisée à partir des éditions suivantes : Bordas 1998, Hachette 2002, Hatier, Magnard 1998
Une Europe aux contours flous
Dans le manuel Magnard 4e (p 164 -165) un document intitulé La dame Europe (Prague 1592)
introduit la partie géographie du programme centrée au tour de la question : "qu'est-ce que
l'Europe ?". Cette représentation d'une Europe personnifiée, réalisée par Heinrich Bungalow.
Cette illustration centrée sur le royaume de Bohême, illustre les principales caractéristiques de
l'Europe : son uni(il s'agit d'une personne), sa diversité et ses divisions (c'est une mosaïque
de royaumes) et l'imprécision de ses limites à l'est puisque la dame n'a pas de pieds. Cette
illustration est accompagnée d'une introduction dans laquelle le rôle de l'histoire dans la
définition de l'identieuropéenne est réaffirmé : "L'Europe est une création de l'Histoire : ce
qui réunit et divise les Européens est un héritage complexe façonné depuis des millénaires".
Fluctuantes les frontières de l'Europe le sont tout au long de l'histoire mais elles le sont aussi
d'un manuel d'histoire à l'autre: si à l'est, la partie occidentale de l'empire de Russie apparaît
dans la plupart des cartes de l'Europe en 1600, la délimitation géographique au sud est
beaucoup plus floue. Dans un planisphère (Hachette 2002 p10) présentant l'Europe (en rouge)
et ses colonies au début du XVII e siècle l'Empire Ottoman est exclu de l'espace européen alors
que dans les cartes suivantes il fait partie intégrante de l'Europe (p 8 et 10.) Dés les premiers
chapitres du Bordas 4e et tout au long du manuel, la couleur grise est attribuée à l'Empire
Ottoman contrairement aux pays européens aux couleurs vives. Mais comment interpréter ce
choix ? L'Empire Ottoman est-il considéré comme n'appartenant pas l'Europe ? Ne fait-il pas
partie des pays étudiés en 4e ? Ou sous la dénomination "Europe" faut-il plutôt comprendre
implicitement que seule l'Europe occidentale est réellement au cœur de l'étude? Pourtant, dans
le chapitre consacré aux mouvements libéraux et nationaux du XIX e siècle (p138-140), un
tableau d'Eugène Delacroix la Grèce mourante (1826) et le résumé font allusion aux
soulèvements grecs et aux troubles dans la ninsule Balkanique jusque là sous domination de
la Turquie musulmane. Enfin n'oublions pas que les élèves de 4e étudient parallèlement l'Europe
en géographie et que l'une des premières questions abordées est la délimitation de ses
frontières géographiques. Or, les cartes actuelles de l'Europe (Hachette p 202) excluent
clairement la Turquie. Plutôt déconcertant pour des élèves, non ?
Dans la troisième partie du programme, l'Europe et son expansion au XIX e siècle, le même
constat peut être réalisé dans les chapitres consacrés à l'âge industriel qui sont presque
entièrement bâtis autour de documents concernant la France. Le cas de l'Angleterre, en raison
de l'antériorité de son développement industriel est évoqué mais la dimension européenne
n'est envisagée qu'au travers de quelques documents disséminés (cartes, statistiques) qui
exclus les pays moins industrialisés. Quant aux documents à l'échelle régionale, ils sont
quasiment inexistants.
Les cahiers d'élèves remplis de cartes intitulées "l'Europe en …" sont aussi révélateurs à cet
égard. Dans la plupart des cas, aucune réelle réflexion n'est menée avec les élèves sur les
fluctuations historiques des frontières européennes jusqu'à nos jours. Pourtant, une telle
réflexion serait nécessaire afin de faire prendre conscience aux élèves que ce coupage qui
remonte au Moyen-Age (programme de 5e) est en fait une construction culturelle. L'examen
des représentations spatiales de l'Europe à partir d'une comparaison ou d'une superposition de
cartes serait également intéressant car elle permettrait d'appréhender l'espace européen,
tantôt contracté, tantôt dilaté même si dans la pratique elle reste plus difficile à réaliser car les
cartes sont distribuées au cours d'années successives. Cette approche comparative permettrait
notamment de voir avec les élèves que l'Europe s'achève se situe l'Autre, l'ennemi ou
l'inconnu. Et cette démarche est d'autant plus utile que nous distribuons aux élèves le plus
souvent des planisphères européo-centrés qui leurs donnent une représentation du monde
l’Europe est au centre et là encore, parfois, sans le moindre commentaire.
De même une réflexion, le découpage chronologique employé s'avère cessaire. Avant le
traité de Rome, les dates proposées sont rarement placées dans une perspective européenne. A
tel point que l'Europe ne semble pas d'avoir d'enracinement dans le passé. Si les temps forts de
l'histoire de l'Europe sont évoqués dans les programmes d'histoire de la 5e à la 3e, une Europe
de la Renaissance, des Lumières, une Europe occupée et libérée, l'absence de continuité dans le
récit historique est criante et ne peut que nuire à la constitution d'un passé européen et à son
apprentissage.
Une Europe, champ de bataille ?
L'Europe ne serait-elle qu'un champ de bataille comme le laisse entendre le dessin de Plantu2 ?
L'analyse des couvertures de manuels d'histoire de 4e tendent à confirmer cette vision. Sur
quatre manuels étudiés, deux d'entre - eux donnent une image belliqueuse de la France : la
couverture du Bordas représente la garde nationale de Paris partant pour l'armée en
Septembre1792 tandis que celle du manuel Hachette (2003) représente Napoléon franchissant
le Grand St Bernard illustrant la France et son expansion en Europe au XVIII e siècle.
La période XVII e siècle est effectivement ponctuée par des conflits : le programme de 4e
s'ouvre sur la guerre de 30 ans avec un tableau de Sébastien Vrancx représentant une scène de
pillage d'un village flamand pendant la guerre de Trente ans (Hachette doc. 2 p11) accompagné
d'un texte de Mazarin sur l'expansion française puisse poursuit parles guerres sous le règne de
Louis XIV. Dans les chapitres sur la Révolution française et l'Empire, les manuels accordent une
large place aux guerres. Les pays voisins nommés européens dans les chapitres précédents
deviennent des envahisseurs. Quant aux coalitions"elles sont présentées non comme des
alliances européennes mais comme une menace contre la souveraineté française."Les guerres
napoléoniennes font l'objet de dossiers illustrés par une multitude de tableaux représentant les
différentes batailles. Toutefois, en contre-point, certains manuels comme le Hachette (p 92 à
95) offrent des documents émanant d'auteurs étrangers permettant une confrontation de points
de vue tant sur la Révolution française que sur l'expansion napoléonienne en Europe. Les autres
pays européens sont évoqués le plus souvent au travers de la figure de leurs dirigeants lors du
congrès de Vienne en 1815 (Magnard doc. 2 p 86) ou lors du partage du monde à la fin du XIX
e siècle, le modèle de l'Etat - Nation dominant durant cette période. C'est donc encore une
image d'une Europe conquérante ou qui se déchire qui est renvoyée par les manuels. Or, selon
l'historien Philippe Joutard il faudrait plutôt s'attacher à montrer que"l'Europe n'est pas faite que
de tensions et de conflits."
Une Europe culturelle ?
En 4e le patrimoine artistique européen est évoqué lors des chapitres consacrés à l'art baroque
et classique même si c'est Versailles qui est retenu comme document patrimonial. La primauté
accordée au patrimoine culturel français est nette et seulement deux dossiers sont consacrés à
Rembrandt au XVII e siècle et à Verdi aux XIX e siècle (Hachette p152.) Au XVIIIe siècle, le
mouvement des Lumières est présenté essentiellement à partir d'extraits d'ouvrages de
philosophes français reflétant en cela la contribution française. Les références à la propagation
de ses idées en Europe sont très rares et il faut regarder du côté des résumés pour découvrir
une phrase y faisant allusion. Le manuel Bordas évoque dans une phrase "les Despotes
éclairés."
Enfin, dans l'ensemble des manuels les chapitres présentant les différents courants artistiques
du XIX e siècle sont dominés par des oeuvres françaises à l'exception des tableaux de Van
Gogh (Bordas p 132.) La seule allusion à l'influence de l'art extra-européen se fait au travers
d'un masque africain dans les dossiers consacrés aux Demoiselles d'Avignon de Pablo Picasso.
Au terme de l'analyse des manuels d'histoire de 4e français, les écarts constatés entre l'histoire
de France et de celle de l'Europe nous amènent à parler plutôt de "l'illusion de l'histoire
européenne.3" Les moments de l'histoire européenne sélectionnés sont ceux qui croisent
l'histoire de France. La primauté de l'histoire de France est nette et son enseignement est avant
tout chargé de nourrir la conscience nationale.
Voyons maintenant, quelle est la place de l'histoire de l'Europe dans l'histoire enseignée en
Allemagne et en Angleterre?
Dans les programmes et manuels scolaires allemands
En Allemagne dès leur troisième année scolaire dans l’enseignement primaire, les élèves
reçoivent des cours de "'sciences humaines'" (Heimat-und Sachunterricht), une matière qui
regroupe la géographie, l'histoire et… la physique ! L'histoire devient une matière scolaire à part
2 Plantu, Le Monde, 1992
3 J.B Charrier, J. Maréchal, Cl Mercier, F. Sœurs (sous le direction de)
L'Europe, objet d'enseignement ? Actes du colloque Inter - IREGH de Dijon, 7-8 novembre1995,CNDP
entière dès la sixième année (de 11 à 12 ans.) L'analyse des manuels allemands se révèle plus
difficile à réaliser car chaque Land dispose d'une large autonomie pour la fixation de ses
programmes scolaires. On trouve donc non seulement des manuels par niveau et par éditeur
mais aussi par Land ou par groupe de Länder. La France figure rarement en tant que telle dans
les programmes scolaires allemands. Il s'agit parfois d'une option (dans le cadre d'un choix
entre la France et la Grande-Bretagne par exemple), souvent d'un traitement occasionnel dans
un contexte thématique (la construction européenne notamment.)
C'est seulement à partir de la classe 8 (14 ans) qui correspond au lycée en France que le
programme couvrant la période XVII e siècle et XIX e siècle prend en compte la dimension
européenne avec l'étude des Lumières, l'étude de la Révolution française et de ses
conséquences et les mouvements nationaux et libéraux de 1848. En classe 9 (15-16 ans) le
programme débute par l'étude de l'empire allemand en 1871 et se prolonge par l'analyse de la
période contemporaine jusqu'en 1945 avec l'étude des conséquences de la Première Guerre
mondiale et notamment du traité de Versailles, la République de Weimar et le III e Reich. A
noter que la Première Guerre mondiale, bien que présente dans tous les programmes scolaires
des lands, tend à s'estomper dans la mémoire collective au profit de la Seconde Guerre
mondiale et du nazisme ressentis comme plus urgent à enseigner. Le programme d'histoire est
centré dans la classe 10 sur l'étude du monde au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la
Guerre froide et l'histoire de l'Allemagne de1945 aux années 1990 avec la "révolution
tranquille" de 1989
Mais enseigner l'histoire de l'Europe suppose que le pays arrive lui-même à gérer son propre
passé. C'est le défi qu'a et doit encore relever l'Allemagne. Suite à la réunification de
l'Allemagne, ce sont les programmes ouest-allemands qui se sont imposés aux nouveaux
landers de l'Est, les manuels d'histoire de l'Est trop imprégnés de la vision idéologique du
régime déchu étant immédiatement détruits. Dans un premier temps, des ouvrages élaborés à
l'Ouest datant des années 1980 ont été réédités et augmentés d’un chapitre sur la réunification.
Mais ils se sont avérés en complète rupture avec la vision que les Allemands de l'Est avaient de
leur histoire.
"On y insistait sur le système répressif du régime communiste ou encore sur l’intégration de la
RDA au système soviétique. La réunification était présentée sous un jour positif, sans évoquer
les espoirs déçus à l’Est" rappelle Falk Pingel, directeur de l’Institut Georg-Eckert pour l’étude
internationale des manuels scolaires.
Les enseignants étaient par ailleurs confrontés à un dilemme devant expliquer à leurs élèves
"pourquoi la vérité d’hier n’était plus celle d’aujourd’hui, note Andréa Schwärmer, qui a lui-
même enseigné l’Histoire dans le Land de Thuringe. Ceux-là ont perdu toute crédibilité et ont dû
se résigner à quitter l’enseignement". Depuis 1995, de nouveaux ouvrages sont apparus
élaborés par des auteurs appartenant aux deux parties de l'Allemagne prenant en compte de
manière plus nuancée qu’auparavant, toutes les facettes de la société est-allemande au travers
de biographies individuelles. Ainsi un chapitre est consacré à la comparaison du rôle de la
femme dans les sociétés est et ouest-allemande. La présentation du régime nazi et de
l'Holocauste est également abordée sous un nouvel angle dans les programmes d'histoire du
land de Brandebourg qui ont fait l'objet d 'une révision. Une place accrue est réservée à certains
thèmes comme la vie quotidienne en RDA, la période nazie et l’Holocauste, la comparaison
entre stalinisme et nazisme ou encore le rôle des mouvements citoyens dans la chute du régime
est-allemand. «En RDA, rappelle Falk Pingel, le national-socialisme était présenté comme une
perversion du système capitaliste. On ne le comparait évidemment pas au régime stalinien et
l’on parlait très peu du système concentrationnaire et de ses victimes."
Actuellement, la grande majorité des historiens allemands s’accordent aujourd’hui sur une
interprétation commune de l’Histoire de la RDA. Les manuels tiennent compte du fait que les
nouvelles générations n’ont pas vécu l’Histoire qu’on leur enseigne et présente à l'aide de
témoignages variés la naissance des mouvements citoyens de 1989 et la manière dont la
jeunesse est-allemande a vécu la réunification afin de provoquer un débat.
Dans les programmes et manuels scolaires britanniques
Les élèves entre 11-14 ans ont une 1Heure 30 de cours d'histoire par semaine. A partir de 14
ans et l'histoire devient une option soit 2 Heures 30 par semaine pour les élèves de 14-16 ans
et jusqu'à 5 heures pour les élèves de 16-18 ans. Les programmes sont centrés sur l'histoire
nationale du XI e siècle au début du XX e siècle. L'histoire de l'Europe n'est envisagée qu'au
travers de l'étude d'une période de l'histoire européenne avant 1914 laissée au choix puis au XX
e siècle au travers de l'étude des deux Guerres mondiales, l'Holocauste, la Guerre froide et son
impact sur la Grande Bretagne et le monde. A noter que dans un manuel d'histoire anglais, le
chapitre traitant de la Première Guerre mondiale s'ouvre par un débat historiographique autour
des origines de la Première Guerre mondiale avant de présenter la guerre elle-même (les
grandes phases…)
Au total, l'analyse des programmes et des manuels d'histoire français, allemand et anglais
renforce l'idée que la vision de l'Europe est amplement subordonnée à l'histoire nationale des
pays. L'Europe et son histoire n'ont donc guère de lisibilité pour les élèves. Mais comment le
pourraient-elles alors qu'elles sont encore enjeu de débat au sein de la communauté scientifique
?
Elle montre, en outre, toute la difficulté à faire cohabiter des mémoires nationales divergentes,
sinon contradictoires. Lors d'un colloque international l'Europe face à ses "passés douloureux4
organisé en décembre 2003 à Prague et réunissant la France l'Allemagne, la Pologne et la
République Tchèque, une historienne polonaise affirmait "Oui, à l'Europe mais nous y entrerons
avec nos morts ! ". A la veille de l'élargissement de l'Union Européenne, on se rend compte à
quel point l'enjeu est de taille "le passé étant toujours, en politique, l'affaire du présent."
Une histoire comparative, premier pas vers une histoire de l'Europe ?
La dimension européenne et les perspectives socio-économiques et culturelles peuvent être
intégrées dans les sujets les plus couramment enseignés : les deux Guerres mondiales, les
dictatures de l’Entre-Deux-Guerres, la Guerre froide…
Ceci suppose une relecture des histoires nationales et l'adoption d'une approche comparative
de ces histoires préalables nécessaires à une histoire européenne. Dans cette optique, un
colloque international, l'Europe face à ses "passés douloureux", a été organi en décembre
2003 à Prague réunissant la France, l'Allemagne, la Pologne et la République tchèque afin de
"neutraliser [les] moments douloureux de l’histoire européenne " et voir"la manière dont les
Etats européens ont cherché à surmonter ces " stigmates"historiques pour accepter de vivre
ensemble dans une Europe pacifique."
Le thème choisi ici est l'image de l'ennemi durant la Première Guerre mondiale à partir
d'un croisement de sources françaises et allemandes. Cette séance s'intégre dans le cadre d'une
séquence plus large intitulée Regards croisés sur les relations franco-allemande au XX e siècle,
premiers pas vers une histoire européenne ?
Pourquoi ce choix ? Les images de l'ennemi ont dominé et ont pesé sur les relations franco-
allemandes durant la Première Guerre mondiale et au-delà encore. Après 1945 elles ont
disparu, non à la suite d'une décision voulue par les responsables politiques, même si Adenauer
et de Gaulle ont ouvert la voie dans ce sens, mais plutôt par la volonté déclarée des deux
nations toutes entières. Les programmes éducatifs et culturels y ayant contribué. L'objectif n'est
pas de renforcer ces représentations mais de voir comment et pourquoi elles ont été
construites et comment elles ont pu peser sur les relations franco-allemandes et être
surmontées.
Regards croisés sur les relations franco-allemande au XX e siècle, premiers pas
vers une histoire européenne ? I/ L'image de l'ennemi durant la Première Guerre mondiale
Fil directeur
Cerner la place respective de la première guerre mondiale dans les consciences collectives
française et allemande.
Niveau collège 3e
Séquence 2 h
4 Alexandra Laignel-Lavastine, Les mémoires blessées de l'Europe, Le Monde 27 Décembre 2003
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