Site académique Aix-Marseille Histoire et Géographie Apprendre et enseigner l’histoire de l’Europe (Atelier pédagogique des Quatrièmes Rencontres de la Durance - 2004) Christine Colaruotolo er Le 1 mars 2004 Professeure au Lycée Marseilleveyre MARSEILLE [email protected] Mettre l’histoire à l’heure européenne est un des thèmes au cœur du colloque inter - IREGH qui s'est tenu à Dijon en 1995 "Enseigner l'Europe pour donner une représentation partagée de l'Europe d'hier et d'aujourd'hui pour construire l'Europe de demain". Oui. Mais quelle Europe ? Et comment faire et enseigner une histoire de l’Europe qui pourrait aussi jouer son rôle dans une éducation à la citoyenneté ? Enfin, quels sont les enjeux qui sous tendent l'enseignement d'une histoire européenne ? Place l'histoire de l'Europe dans les programmes et les manuels d'histoire en France Dés les années 1950, le Conseil de l'Europe organise des rencontres sur les manuels et les programmes d'histoire pour réfléchir à des convergences possibles. En octobre 199l, à Vienne, lors d'une réunion des ministres de l'éducation des états membres, les objectifs éducatifs sont clairement définis : "L'éducation doit sensibiliser les jeunes au rapprochement des peuples et des États européens... Elle doit les aider à prendre conscience de leur identité européenne, sans qu'ils perdent de vue pour autant leurs responsabilités à l'échelle mondiale, ni leurs racines nationales, régionales et locales... Les jeunes doivent être incités à façonner l'Europe conformément aux valeurs qui constituent leur héritage commun". À cette fin, il faut leur "donner une conscience plus aiguë des facteurs historiques qui ont façonné l'Europe". Au travers de cette citation transparaît l'idée qu'il y a bien une identité européenne qui repose sur un héritage politique et culturel commun et que l'un des rôles de l'enseignement est de développer la prise de conscience de cette identité. C'est à partir de 1995, que les programmes de l'enseignement secondaire français s'inscrivent dans une perspective européenne. Enseigner " la dimension européenne " telle qu’elle est définie dans les textes officiels suppose de prendre en compte l’Union Européenne mais aussi la grande Europe. De la 6e à la 3e les programmes d'histoire sont organisés autour de la constitution progressive du patrimoine européen grâce aux apports des civilisations grecque, romaine, du judéochristianisme en 6e, de l'Humanisme et de la Renaissance en 5e une place réduite étant accordée aux autres civilisations (civilisation précolombienne.) Mais l'Europe est surtout au cœur du programme d'histoire de 4 e centré sur l'Europe du XVII e au XIX e siècle et du programme de 3e qui couvre la période de1914 à nos jours et aborde la question de l'Europe au travers notamment des deux Guerres mondiales, la construction européenne. Concentrons-nous sur le programme d'histoire de 4e. Centré sur l'histoire de l'Europe et de la France du début XVII e siècle à la fin du XIX e siècle, il privilégie l'histoire nationale et très secondairement l'histoire d'autres pays européens (chapitre sur la monarchie anglaise au XVII e siècle.) Rares sont les chapitres consacrés aux civilisations extra-européennes hors-mis la naissance des Etats-Unis. Ces civilisations sont évoquées rapidement dans le chapitre consacré aux relations commerciales tissées entre l'Europe et le reste du monde au XVII e siècle (carte p 7 Hatier) mais surtout au travers de l'expansion européenne du XIX e siècle. Quelle image de l'Europe et de son histoire les manuels scolaires de 4e renvoient t-ils ? 1 1 L'analyse des manuels d'histoire - géographie de 4e a été réalisée à partir des éditions suivantes : Bordas 1998, Hachette 2002, Hatier, Magnard 1998 Une Europe aux contours flous Dans le manuel Magnard 4e (p 164 -165) un document intitulé La dame Europe (Prague 1592) introduit la partie géographie du programme centrée au tour de la question : "qu'est-ce que l'Europe ?". Cette représentation d'une Europe personnifiée, réalisée par Heinrich Bungalow. Cette illustration centrée sur le royaume de Bohême, illustre les principales caractéristiques de l'Europe : son unité (il s'agit d'une personne), sa diversité et ses divisions (c'est une mosaïque de royaumes) et l'imprécision de ses limites à l'est puisque la dame n'a pas de pieds. Cette illustration est accompagnée d'une introduction dans laquelle le rôle de l'histoire dans la définition de l'identité européenne est réaffirmé : "L'Europe est une création de l'Histoire : ce qui réunit et divise les Européens est un héritage complexe façonné depuis des millénaires". Fluctuantes les frontières de l'Europe le sont tout au long de l'histoire mais elles le sont aussi d'un manuel d'histoire à l'autre: si à l'est, la partie occidentale de l'empire de Russie apparaît dans la plupart des cartes de l'Europe en 1600, la délimitation géographique au sud est beaucoup plus floue. Dans un planisphère (Hachette 2002 p10) présentant l'Europe (en rouge) et ses colonies au début du XVII e siècle l'Empire Ottoman est exclu de l'espace européen alors que dans les cartes suivantes il fait partie intégrante de l'Europe (p 8 et 10.) Dés les premiers chapitres du Bordas 4e et tout au long du manuel, la couleur grise est attribuée à l'Empire Ottoman contrairement aux pays européens aux couleurs vives. Mais comment interpréter ce choix ? L'Empire Ottoman est-il considéré comme n'appartenant pas l'Europe ? Ne fait-il pas partie des pays étudiés en 4e ? Ou sous la dénomination "Europe" faut-il plutôt comprendre implicitement que seule l'Europe occidentale est réellement au cœur de l'étude? Pourtant, dans le chapitre consacré aux mouvements libéraux et nationaux du XIX e siècle (p138-140), un tableau d'Eugène Delacroix la Grèce mourante (1826) et le résumé font allusion aux soulèvements grecs et aux troubles dans la péninsule Balkanique jusque là sous domination de la Turquie musulmane. Enfin n'oublions pas que les élèves de 4e étudient parallèlement l'Europe en géographie et que l'une des premières questions abordées est la délimitation de ses frontières géographiques. Or, les cartes actuelles de l'Europe (Hachette p 202) excluent clairement la Turquie. Plutôt déconcertant pour des élèves, non ? Dans la troisième partie du programme, l'Europe et son expansion au XIX e siècle, le même constat peut être réalisé dans les chapitres consacrés à l'âge industriel qui sont presque entièrement bâtis autour de documents concernant la France. Le cas de l'Angleterre, en raison de l'antériorité de son développement industriel est évoqué mais la dimension européenne n'est envisagée qu'au travers de quelques documents disséminés (cartes, statistiques) qui exclus les pays moins industrialisés. Quant aux documents à l'échelle régionale, ils sont quasiment inexistants. Les cahiers d'élèves remplis de cartes intitulées "l'Europe en …" sont aussi révélateurs à cet égard. Dans la plupart des cas, aucune réelle réflexion n'est menée avec les élèves sur les fluctuations historiques des frontières européennes jusqu'à nos jours. Pourtant, une telle réflexion serait nécessaire afin de faire prendre conscience aux élèves que ce découpage qui remonte au Moyen-Age (programme de 5e) est en fait une construction culturelle. L'examen des représentations spatiales de l'Europe à partir d'une comparaison ou d'une superposition de cartes serait également intéressant car elle permettrait d'appréhender l'espace européen, tantôt contracté, tantôt dilaté même si dans la pratique elle reste plus difficile à réaliser car les cartes sont distribuées au cours d'années successives. Cette approche comparative permettrait notamment de voir avec les élèves que l'Europe s'achève là où se situe l'Autre, l'ennemi ou l'inconnu. Et cette démarche est d'autant plus utile que nous distribuons aux élèves le plus souvent des planisphères européo-centrés qui leurs donnent une représentation du monde où l’Europe est au centre et là encore, parfois, sans le moindre commentaire. De même une réflexion, le découpage chronologique employé s'avère nécessaire. Avant le traité de Rome, les dates proposées sont rarement placées dans une perspective européenne. A tel point que l'Europe ne semble pas d'avoir d'enracinement dans le passé. Si les temps forts de l'histoire de l'Europe sont évoqués dans les programmes d'histoire de la 5 e à la 3e, une Europe de la Renaissance, des Lumières, une Europe occupée et libérée, l'absence de continuité dans le récit historique est criante et ne peut que nuire à la constitution d'un passé européen et à son apprentissage. Une Europe, champ de bataille ? 2 L'Europe ne serait-elle qu'un champ de bataille comme le laisse entendre le dessin de Plantu ? L'analyse des couvertures de manuels d'histoire de 4e tendent à confirmer cette vision. Sur quatre manuels étudiés, deux d'entre - eux donnent une image belliqueuse de la France : la couverture du Bordas représente la garde nationale de Paris partant pour l'armée en Septembre1792 tandis que celle du manuel Hachette (2003) représente Napoléon franchissant le Grand St Bernard illustrant la France et son expansion en Europe au XVIII e siècle. La période XVII e siècle est effectivement ponctuée par des conflits : le programme de 4e s'ouvre sur la guerre de 30 ans avec un tableau de Sébastien Vrancx représentant une scène de pillage d'un village flamand pendant la guerre de Trente ans (Hachette doc. 2 p11) accompagné d'un texte de Mazarin sur l'expansion française puisse poursuit parles guerres sous le règne de Louis XIV. Dans les chapitres sur la Révolution française et l'Empire, les manuels accordent une large place aux guerres. Les pays voisins nommés européens dans les chapitres précédents deviennent des envahisseurs. Quant aux coalitions"elles sont présentées non comme des alliances européennes mais comme une menace contre la souveraineté française."Les guerres napoléoniennes font l'objet de dossiers illustrés par une multitude de tableaux représentant les différentes batailles. Toutefois, en contre-point, certains manuels comme le Hachette (p 92 à 95) offrent des documents émanant d'auteurs étrangers permettant une confrontation de points de vue tant sur la Révolution française que sur l'expansion napoléonienne en Europe. Les autres pays européens sont évoqués le plus souvent au travers de la figure de leurs dirigeants lors du congrès de Vienne en 1815 (Magnard doc. 2 p 86) ou lors du partage du monde à la fin du XIX e siècle, le modèle de l'Etat - Nation dominant durant cette période. C'est donc là encore une image d'une Europe conquérante ou qui se déchire qui est renvoyée par les manuels. Or, selon l'historien Philippe Joutard il faudrait plutôt s'attacher à montrer que"l'Europe n'est pas faite que de tensions et de conflits." Une Europe culturelle ? En 4e le patrimoine artistique européen est évoqué lors des chapitres consacrés à l'art baroque et classique même si c'est Versailles qui est retenu comme document patrimonial. La primauté accordée au patrimoine culturel français est nette et seulement deux dossiers sont consacrés à Rembrandt au XVII e siècle et à Verdi aux XIX e siècle (Hachette p152.) Au XVIIIe siècle, le mouvement des Lumières est présenté essentiellement à partir d'extraits d'ouvrages de philosophes français reflétant en cela la contribution française. Les références à la propagation de ses idées en Europe sont très rares et il faut regarder du côté des résumés pour découvrir une phrase y faisant allusion. Le manuel Bordas évoque dans une phrase "les Despotes éclairés." Enfin, dans l'ensemble des manuels les chapitres présentant les différents courants artistiques du XIX e siècle sont dominés par des oeuvres françaises à l'exception des tableaux de Van Gogh (Bordas p 132.) La seule allusion à l'influence de l'art extra-européen se fait au travers d'un masque africain dans les dossiers consacrés aux Demoiselles d'Avignon de Pablo Picasso. Au terme de l'analyse des manuels d'histoire de 4e français, les écarts constatés entre l'histoire de France et de celle de l'Europe nous amènent à parler plutôt de "l'illusion de l'histoire 3 européenne. " Les moments de l'histoire européenne sélectionnés sont ceux qui croisent l'histoire de France. La primauté de l'histoire de France est nette et son enseignement est avant tout chargé de nourrir la conscience nationale. Voyons maintenant, quelle est la place de l'histoire de l'Europe dans l'histoire enseignée en Allemagne et en Angleterre? Dans les programmes et manuels scolaires allemands En Allemagne dès leur troisième année scolaire dans l’enseignement primaire, les élèves reçoivent des cours de "'sciences humaines'" (Heimat-und Sachunterricht), une matière qui regroupe la géographie, l'histoire et… la physique ! L'histoire devient une matière scolaire à part 2 Plantu, Le Monde, 1992 3 J.B Charrier, J. Maréchal, Cl Mercier, F. Sœurs (sous le direction de) L'Europe, objet d'enseignement ? Actes du colloque Inter - IREGH de Dijon, 7-8 novembre1995,CNDP entière dès la sixième année (de 11 à 12 ans.) L'analyse des manuels allemands se révèle plus difficile à réaliser car chaque Land dispose d'une large autonomie pour la fixation de ses programmes scolaires. On trouve donc non seulement des manuels par niveau et par éditeur mais aussi par Land ou par groupe de Länder. La France figure rarement en tant que telle dans les programmes scolaires allemands. Il s'agit parfois d'une option (dans le cadre d'un choix entre la France et la Grande-Bretagne par exemple), souvent d'un traitement occasionnel dans un contexte thématique (la construction européenne notamment.) C'est seulement à partir de la classe 8 (14 ans) qui correspond au lycée en France que le programme couvrant la période XVII e siècle et XIX e siècle prend en compte la dimension européenne avec l'étude des Lumières, l'étude de la Révolution française et de ses conséquences et les mouvements nationaux et libéraux de 1848. En classe 9 (15-16 ans) le programme débute par l'étude de l'empire allemand en 1871 et se prolonge par l'analyse de la période contemporaine jusqu'en 1945 avec l'étude des conséquences de la Première Guerre mondiale et notamment du traité de Versailles, la République de Weimar et le III e Reich. A noter que la Première Guerre mondiale, bien que présente dans tous les programmes scolaires des lands, tend à s'estomper dans la mémoire collective au profit de la Seconde Guerre mondiale et du nazisme ressentis comme plus urgent à enseigner. Le programme d'histoire est centré dans la classe 10 sur l'étude du monde au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la Guerre froide et l'histoire de l'Allemagne de1945 aux années 1990 avec la "révolution tranquille" de 1989 Mais enseigner l'histoire de l'Europe suppose que le pays arrive lui-même à gérer son propre passé. C'est le défi qu'a dû et doit encore relever l'Allemagne. Suite à la réunification de l'Allemagne, ce sont les programmes ouest-allemands qui se sont imposés aux nouveaux landers de l'Est, les manuels d'histoire de l'Est trop imprégnés de la vision idéologique du régime déchu étant immédiatement détruits. Dans un premier temps, des ouvrages élaborés à l'Ouest datant des années 1980 ont été réédités et augmentés d’un chapitre sur la réunification. Mais ils se sont avérés en complète rupture avec la vision que les Allemands de l'Est avaient de leur histoire. "On y insistait sur le système répressif du régime communiste ou encore sur l’intégration de la RDA au système soviétique. La réunification était présentée sous un jour positif, sans évoquer les espoirs déçus à l’Est" rappelle Falk Pingel, directeur de l’Institut Georg-Eckert pour l’étude internationale des manuels scolaires. Les enseignants étaient par ailleurs confrontés à un dilemme devant expliquer à leurs élèves "pourquoi la vérité d’hier n’était plus celle d’aujourd’hui, note Andréa Schwärmer, qui a luimême enseigné l’Histoire dans le Land de Thuringe. Ceux-là ont perdu toute crédibilité et ont dû se résigner à quitter l’enseignement". Depuis 1995, de nouveaux ouvrages sont apparus élaborés par des auteurs appartenant aux deux parties de l'Allemagne prenant en compte de manière plus nuancée qu’auparavant, toutes les facettes de la société est-allemande au travers de biographies individuelles. Ainsi un chapitre est consacré à la comparaison du rôle de la femme dans les sociétés est et ouest-allemande. La présentation du régime nazi et de l'Holocauste est également abordée sous un nouvel angle dans les programmes d'histoire du land de Brandebourg qui ont fait l'objet d 'une révision. Une place accrue est réservée à certains thèmes comme la vie quotidienne en RDA, la période nazie et l’Holocauste, la comparaison entre stalinisme et nazisme ou encore le rôle des mouvements citoyens dans la chute du régime est-allemand. «En RDA, rappelle Falk Pingel, le national-socialisme était présenté comme une perversion du système capitaliste. On ne le comparait évidemment pas au régime stalinien et l’on parlait très peu du système concentrationnaire et de ses victimes." Actuellement, la grande majorité des historiens allemands s’accordent aujourd’hui sur une interprétation commune de l’Histoire de la RDA. Les manuels tiennent compte du fait que les nouvelles générations n’ont pas vécu l’Histoire qu’on leur enseigne et présente à l'aide de témoignages variés la naissance des mouvements citoyens de 1989 et la manière dont la jeunesse est-allemande a vécu la réunification afin de provoquer un débat. Dans les programmes et manuels scolaires britanniques Les élèves entre 11-14 ans ont une 1Heure 30 de cours d'histoire par semaine. A partir de 14 ans et l'histoire devient une option soit 2 Heures 30 par semaine pour les élèves de 14-16 ans et jusqu'à 5 heures pour les élèves de 16-18 ans. Les programmes sont centrés sur l'histoire nationale du XI e siècle au début du XX e siècle. L'histoire de l'Europe n'est envisagée qu'au travers de l'étude d'une période de l'histoire européenne avant 1914 laissée au choix puis au XX e siècle au travers de l'étude des deux Guerres mondiales, l'Holocauste, la Guerre froide et son impact sur la Grande Bretagne et le monde. A noter que dans un manuel d'histoire anglais, le chapitre traitant de la Première Guerre mondiale s'ouvre par un débat historiographique autour des origines de la Première Guerre mondiale avant de présenter la guerre elle-même (les grandes phases…) Au total, l'analyse des programmes et des manuels d'histoire français, allemand et anglais renforce l'idée que la vision de l'Europe est amplement subordonnée à l'histoire nationale des pays. L'Europe et son histoire n'ont donc guère de lisibilité pour les élèves. Mais comment le pourraient-elles alors qu'elles sont encore enjeu de débat au sein de la communauté scientifique ? Elle montre, en outre, toute la difficulté à faire cohabiter des mémoires nationales divergentes, 4 sinon contradictoires. Lors d'un colloque international l'Europe face à ses "passés douloureux organisé en décembre 2003 à Prague et réunissant la France l'Allemagne, la Pologne et la République Tchèque, une historienne polonaise affirmait "Oui, à l'Europe mais nous y entrerons avec nos morts ! ". A la veille de l'élargissement de l'Union Européenne, on se rend compte à quel point l'enjeu est de taille "le passé étant toujours, en politique, l'affaire du présent." Une histoire comparative, premier pas vers une histoire de l'Europe ? La dimension européenne et les perspectives socio-économiques et culturelles peuvent être intégrées dans les sujets les plus couramment enseignés : les deux Guerres mondiales, les dictatures de l’Entre-Deux-Guerres, la Guerre froide… Ceci suppose une relecture des histoires nationales et l'adoption d'une approche comparative de ces histoires préalables nécessaires à une histoire européenne. Dans cette optique, un colloque international, l'Europe face à ses "passés douloureux", a été organisé en décembre 2003 à Prague réunissant la France, l'Allemagne, la Pologne et la République tchèque afin de "neutraliser [les] moments douloureux de l’histoire européenne " et voir"la manière dont les Etats européens ont cherché à surmonter ces " stigmates"historiques pour accepter de vivre ensemble dans une Europe pacifique." Le thème choisi ici est l'image de l'ennemi durant la Première Guerre mondiale à partir d'un croisement de sources françaises et allemandes. Cette séance s'intégre dans le cadre d'une séquence plus large intitulée Regards croisés sur les relations franco-allemande au XX e siècle, premiers pas vers une histoire européenne ? Pourquoi ce choix ? Les images de l'ennemi ont dominé et ont pesé sur les relations francoallemandes durant la Première Guerre mondiale et au-delà encore. Après 1945 elles ont disparu, non à la suite d'une décision voulue par les responsables politiques, même si Adenauer et de Gaulle ont ouvert la voie dans ce sens, mais plutôt par la volonté déclarée des deux nations toutes entières. Les programmes éducatifs et culturels y ayant contribué. L'objectif n'est pas de renforcer ces représentations mais de voir comment et pourquoi elles ont été construites et comment elles ont pu peser sur les relations franco-allemandes et être surmontées. Regards croisés sur les relations franco-allemande au XX e siècle, premiers pas vers une histoire européenne ? I/ L'image de l'ennemi durant la Première Guerre mondiale Fil directeur Cerner la place respective de la première guerre mondiale dans les consciences collectives française et allemande. Niveau collège 3e Séquence 2 h 4 Alexandra Laignel-Lavastine, Les mémoires blessées de l'Europe, Le Monde 27 Décembre 2003 Pourquoi ce choix ? - Intégrer la dimension européenne dans un sujet couramment enseigné : la Première Guerre mondiale. - Car l’historicisation des deux conflits mondiaux s’est amorcée et se poursuit actuellement.Démarche - Relecture des histoires nationales - Approche comparative de ces histoires, préalable nécessaire à une histoire européenne - Approche historiographique Objectifs - Quelles sont les différences et les points communs dans les formes d'expression du patriotisme en Allemagne et en France ? - Quelles sont les images de l'ennemi, déjà existantes, qui ont ressurgi pendant la Première Guerre mondiale en Allemagne et en France ? Supports - 4 Affiches de propagande (françaises et allemandes) II/ De la guerre à la réconciliation (1945 - à nos jours) 2e séance : 1h (2e trimestre) Objectif Comment ces représentations ont-elles pu peser sur les relations franco-allemandes jusqu’à nos jours et être surmontées ? Supports Une caricature allemande Un extrait du discours du chancelier Schröder du 9 mai 2000 Bibliographie - J.B Charrier, J. Maréchal, Cl Mercier, F. Sœurs (sous le direction de) L'Europe, objet d'enseignement novembre1995,CNDP. ? Actes du colloque Inter - IREGH de Dijon, 7-8 - Nicole Tutiaux - Guillon (sous la direction de) L'Europe entre projet politique et objet scolaire au collège et lycée, INRP, janvier 2002. - Jean Leduc, Enseigner l’histoire de l’Europe : un débat, Espaces-Temps, n° 66/67, 1998 - Alexandra Laignel - Lavastine, Les mémoires blessées de l'Europe, Le Monde 27 Décembre 2003 - Le panthéon des grands hommes européens, Le Monde 6 mars 2004 - Site Internet utilisé pour la séquence d'histoire 3e Regards croisés sur l'histoire des relations franco-allemande au XX e siècle : l'image de l'ennemi durant la Première Guerre mondiale en France et en Allemagne (1re séance). http://geogate.geographie.unimarburg.de/parser/parser.php?file=/deuframat/francais/3/schnei der/kap_1.htm L’Europe dans l’enseignement de l’histoire en Italie L’Europe dans les programmes italiens Contrairement à la France, l’Italie n’a pas connu de grande réforme du système éducatif depuis longtemps. L’organisation en cycles d’apprentissages est quasiment restée comme l’avait définie le philosophe Giovanni Gentile en 1923. Dans l’attente d’une réforme du cycle secondaire supérieur, de nombreux lycées ont adopté des projets expérimentaux. A l’instar des autres pays européens, l’Italie a la volonté d’intégrer l’étude de l’histoire de l’Europe dans l’étude de l’histoire. Certains établissements ont choisi de majorer la place accordée à l’histoire de l’Europe dans les programmes officiels. Les jeunes Italiens fréquentent une école très fragmentée et compartimentée en trois cycles : le cycle d’enseignement primaire (5 ans), le cycle d’enseignement secondaire moyen (3 ans) et le cycle d’enseignement secondaire supérieur (5 ans). Les enseignements d’histoire et de géographie sont distincts. Au cours du cycle d’enseignement secondaire moyen (scuola media), les élèves suivent 3 heures d’histoire-éducation civique par semaine. Au cours du cycle secondaire supérieur (liceo classico/scientifico), les élèves suivent 2 heures d’histoire les 2 premières années puis 3 heures les trois années suivantes. Les programmes d’histoire des 2ème et 3ème années de la scuola media (5ème et 4ème en France) prévoient l’étude de la formation et du développement de l’Europe (du Moyen-Age à nos jours). Le décret-loi du 4 novembre 1996 prévoit les dispositions relatives à la subdivision annuelle du programme d’histoire du cycle secondaire supérieur : «1ère année, de la Préhistoire aux deux premiers siècles de l’Empire romain ; 2ème année, de l’âge des Sévères à la moitié du XIV ème siècle ; 3ème année, de la crise socio-économique du XVIème siècle à la première moitié du XVIIème siècle ; 4ème année, de la seconde moitié du XVIIème siècle à la fin du XIXème siècle ; 5ème année, le XXème siècle ». L’étude de l’histoire de l’Europe est tantôt rapprochée de celle de l’histoire de la péninsule tantôt substituée à celle-ci : en 3ème année, « les élèves complètent leurs connaissances à propos des crises politiques en Italie et des guerres européennes durant les Temps Modernes », en 5ème année, les élèves étudient « l’époque contemporaine : les guerres mondiales, la Résistance, la lutte pour la démocratie en Europe ». L’Europe dans les manuels italiens La lecture des manuels d’histoire utilisés au cours des cycles secondaires moyen et supérieur laisse apparaître une richesse et une abondance des contenus qui contraste avec le nombre d’heures offert par le calendrier scolaire pour l’enseignement de la discipline. Les chapitres sont habituellement divisés en deux parties : la première consacrée aux connaissances encyclopédiques et la seconde réservée aux évaluations sommatives (schede di verifica). Lorsqu’ils évoquent l’histoire de l’Europe, les manuels italiens analysés (Carlo Signorelli, Zanichelli, Fabbri, Mondadori) prennent tous en compte l’Europe médiane et orientale quelle que soit la période considérée. L’Europe déborde largement les limites de l’Europe occidentale. Raconter l’histoire de l’Europe consiste à énumérer les caractéristiques historiques propres à chacun des Etats européens. Il s’agit de la juxtaposition des histoires nationales. L’exposé se termine le plus souvent par une page relative au patrimoine du pays étudié. Ainsi, le chapitre relatif à La politique européenne du XVIème siècle (La Storia dal Trecento alla metà del Seicento, A. Lepre, 1, Zanichelli, 2003, chapitre 8, pages 136 à 151) dresse le portrait de Charles Quint, de Philippe II, d’Elizabeth Ire… Le schéma adopté pour l’étude de l’histoire de l’Europe est similaire à celui que l’on retrouve concernant l’étude de l’histoire de l’Italie. En effet, lorsqu’il s’agit de décrire, d’expliquer, de commenter l’histoire nationale italienne, histoire somme toute récente, les manuels italiens optent pour une histoire comparée des différentes régions de la péninsule plutôt que de dégager les composantes de l’histoire de l’Italie. Fidèles aux programmes officiels, les manuels italiens replacent l’histoire de l’Italie dans la perspective européenne notamment lorsque cela fournit aux élèves « les instruments indispensables à la compréhension de l’histoire nationale ». En 5ème année de liceo, le programme prévoit l’étude de « L’âge de la restauration et des révolutions nationales». Pourquoi, au XIXème siècle, l’Europe a-t-elle été secouée par les mouvements libéraux et nationaux ? En vertu des programmes, le chapitre est divisé en trois U.D. (unità didattica ) : «1815-1848 : l’Europe entre tradition et renouveau», «L’Italie de la Restauration au Risorgimento» et «Du Risorgimento à l’unité italienne». L’origine, le déroulement et l’aboutissement des différents mouvements de contestation sont mis en perspective avec le cas italien. La difficile marche vers l’unité et l’indépendance s’inscrit dans le contexte européen. La plupart des manuels comportent un tableau synoptique dans lequel l’histoire nationale est comparée à l’histoire européenne. En ce qui concerne l’histoire contemporaine, il est à noter que les manuels italiens préfèrent évoquer rapidement les grandes phases du régime fasciste et consacrer de longs développements aux différents combats pour la démocratie. L’histoire européenne contemporaine se présente comme une histoire des idées politiques, des institutions et des faits sociaux. Lorsqu’ils retracent les principales étapes de la construction européenne, les manuels privilégient les aspects politiques et juridiques. Il s’agit de mettre en évidence les objectifs et le fonctionnement actuel des institutions. En Italie, les programmes d’histoire mettent l’accent sur l’histoire nationale. Cependant, certaines parties des programmes associent l’échelle italienne et l’échelle européenne. Bibliographie - Site Internet : http://www.edscuola.com - Site Internet : http://www.istruzione.it - Site Internet : http://www.portalescuola.it - Le sfide della storia, Fabio Cereda, Victor Reichmann, 1, Dal Trecento al Seicento, Carlo Signorelli Editore, Milano, 2003. - La storia dal Trecento alla metà del Seicento, Aurelio Lepre, 1, Zanichelli Editore, Bologna, 2002. - La storia del Novecento, Aurelio Lepre, 3, Zanichelli Editore, Bologna, 2002. - Le sfide della storia, Fabio Cereda, Victor Reichmann, 3, Il Novecento, Carlo Signorelli Editore, Milano, 2003. - Le società e la storia, G.L. Della Valentina, Edizioni Scolastiche Juvenilia, Milano, 1996. - Il manuale di storia, 2, Il mondo moderno, Edizioni Scolastiche Bruno Mondadori, Rozzano, 2000. - Il manuale di storia, 3, Il mondo del Novecento, Edizioni Scolastiche Bruno Mondadori, Rozzano, 2000. - Viaggio nella storia, 3, Antonio Londrillo, Mursia, Milano, 1997.