Surtout qui fait mouvoir la chaîne ? Nous accusons les ministres successifs, quelles que
soient leurs appartenances politiques d'avoir voulu détruire un enseignement rationnel de l'histoire :
Bayrou, ministre de l'Education Nationale des gouvernements Balladur et Juppé, qui a introduit
l'enseignement du fait religieux décroché de toute mise en contexte historique et à qui nous devons
ce programme de seconde désarticulé, dont les béances chronologiques interdisent à nos élèves
toute appréhension de la causalité historique ; Jack Lang (le socialiste) qui a fait la promotion du
rapport Debray écrit peu après les attentats du 11 septembre 2001 explicables selon lui par le
wahhabisme (qu'il fallait enseigner de toute urgence !) et point du tout par la géographie du pétrole
et les alliances entre le gouvernement américain et les féodaux les plus rétrogrades de cette planète,
qu'ils soient afghans ou saoudiens ; les conclusions de ce rapport Debray furent appliquées par les
ministres de droite qui se sont succédé depuis lors. Avons-nous eu tort de formuler ces accusations ?
Délirons-nous en victimes de la « rhétorique du complot » ?
Notre livre est le cri d’alarme de collègues du rang devant une instrumentalisation
idéologique sans précédent de l’enseignement de l’histoire et de la géographie. Nous avons voulu
montrer, par une analyse fouillée des programmes, des manuels et de la pédagogie officielle, le
caractère réactionnaire d’une offensive qui vise à légitimer l’Union Européenne, à présenter la
mondialisation comme un fait « naturel » incontournable, à imposer un modèle social et intellectuel
« catholico-centré » (la charité et la piété du bon «saint Louis »!!! seul roi de l'époque médiévale
inscrit au programme de cinquième tandis que l'étude sérieuse de la Révolution française et de
l'égalité des droits qu'elle a proclamée est proprement sabotée !), à criminaliser les révolutions
présentées comme intrinsèquement porteuses du « totalitarisme » selon la vulgate née des écrits de
François Furet et de Stéphane Courtois. Nous dénonçons le silence suspect sur les massacres
sanglants qui ont accompagné la conquête coloniale, silence qui permet d'accréditer la thèse de la
« mission civilisatrice » des colonisateurs. Nous dénonçons une offensive idéologique, vous nous
reprochez de ne pas avoir écrit un traité de pédagogie.
Notre ambition était-elle légitime ? Avons-nous atteint notre but ? Vous n'en soufflez mot.
Un de nos correspondants nous écrit : « il semble que le livre présenté sur Clionautes et celui que
vous avez écrit soient deux livres différents. »
Vous nous faites grief de ne pas avoir analysé la manière dont les professeurs et les élèves
utilisent les manuels et de ne pas faire état d’observations de classe. Notre petite équipe composée
d'enseignants en activité et de retraités ayant une longue expérience n'avait pas la possibilité
matérielle et administrative d'organiser une enquête dans les établissements scolaires afin d'avoir
une vue d'ensemble. Mais surtout, là n'était pas notre propos.
La pédagogie nous intéresse tout autant que vous, mais visiblement nous ne portons pas le
même jugement que vous sur la pédagogie dite de l'éveil et de ses avatars socio-constructivistes. Ce
qui relève strictement de votre liberté intellectuelle ... et de la nôtre ! Nous maintenons que cette
entreprise dite de « l'éveil » fut « obscurantiste ». « Formules à l'emporte pièces », dites-vous,
reproches « éculés », « poncifs ». Le débat n'est donc pas clos, encore faut-il le mener honnêtement
en évitant de nous prêter des convictions qui nous sont étrangères. Vous suggérez (certes avec un
point d'interrogation mais à peine dubitatif) que l'époque lavissienne était pour nous une « époque
bénie » dont nous regretterions la disparition. Vous supposez que nous souhaitons imposer un
encyclopédisme apparenté au « gavage des oies ». Nous vous prions de relire à ce sujet dans le
chapitre I les pages écrites sur les rapports entre pouvoir politique, programme d'histoire et
pratiques pédagogiques officielles ou dissidentes (Dewey, Cousinet, Freinet, Roger Gal, Decroly).
Vous admettez que les discours des socio constructivistes, derniers pédagogues à la mode en
IUFM sont abscons. Certes, mais ces discours abscons enrobent une prescription pédagogique
depuis longtemps imposée par les différents ministères de l'Education nationale et dont vous ne
dites rien. Nous ne pensons pas que l'élève soit capable de construire par lui-même son propre
savoir, puisque précisément il entre en classe pour l'acquérir avec ses professeurs. Nos modernes
pédagogistes semblent avoir trouvé la pierre philosophale : le document et la discussion en groupe.
Mais qui sélectionne les documents ? Qui les replace dans leur contexte ? Qui a l'autorité
nécessaire (celle que confère la culture) pour écarter les contresens, les préjugés de la classe