Les auteurs du livre

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Les auteurs du livre :
« L'enseignement de l'histoire-géographie
de l'école élémentaire au lycée,
vecteur de propagande ou fondement de l'esprit critique ?
Paris, le 26/09/2009
à Madame Laurence De Cock
Nous avons écrit L'enseignement de l'histoire-géographie de l'école élémentaire au lycée,
vecteur de propagande ou fondement de l'esprit critique ? afin de susciter un débat parmi nos
collègues historiens et enseignants. Nous avons donc lu avec beaucoup d'attention la critique de
notre ouvrage que vous avez donnée le 16 septembre au site les Clionautes.
Un vrai débat n’exclut pas la sévérité de la critique, nous sommes tout à fait prêts à
l'accueillir, et même nous la souhaitons. Nous ne considérons pas que notre travail soit parfait ni
complet. Nous souhaitons l’enrichir, le préciser, le perfectionner, et nous tirons profit volontiers de
quelques unes de vos remarques. Certaines ne manquent pas toutefois d’interroger tout lecteur
attaché à la liberté d’expression. Les éditions L'Harmattan auraient, selon vous, commis une
« grossière maladresse éditoriale » en acceptant de nous publier. Le livre n’aurait-il donc pas dû
sortir ? La liberté d'expression n’est-elle pas d’abord celle de qui pense autrement ?
Un vrai débat exclut de surcroît évidemment tout procédé polémique qui prêterait à
l’interlocuteur des opinions ou des vues qui ne sont pas les siennes, voire opposées aux siennes.
Aussi nous permettrez-vous de marquer notre étonnement devant quelques affirmations contenues
dans votre article.
Vous citez l'ouvrage Elèves sous influence dans lequel il y a quatre ans Eve Bonnivard et
Barbara Lefebvre dénonçaient les manuels d'histoire comme américanophobes et altermondialistes.
Nous n'avons évidemment rien de commun avec ces auteurs et vous le savez bien puisque vous
nous avez lus. Vous écrivez néanmoins une même analyse de manuels...suggérant à vos lecteurs
qu'il existe une parenté entre notre collectif et ces deux auteurs visiblement inspirées par les cercles
sarkozystes ou lepénistes. Cet amalgame vise-t-il à nous disqualifier d'entrée de jeu ? Nous le
regretterions vivement.
Vous nous reprochez de n'avoir étayé la deuxième partie de l'ouvrage que sur des analyses de
manuels... En réalité ces analyses sont mises en relation avec les injonctions officielles telles
qu'elles apparaissent dans les BO et les instructions officielles (plus de trente occurrences en petite
note).
Vous nous reprochez d'ignorer la sociologie qui met en lumière « la ronde des acteurs »
participant de près ou de loin à « la chaîne de fabrication des prescriptions scolaires ». Nous
n'ignorons pas que les auteurs de manuels sont dans l'ensemble des professionnels sérieux
(d'ailleurs nous avons souligné que certains manuels offrent des leçons et/ou des dossiers
documentaires intéressants) mais dans cette ronde des acteurs il y en a qui pèsent plus lourd que
d'autres : les financiers qui contrôlent l'édition scolaire par exemple, dont vous avez raison de
souligner qu'ils sont plus sensibles au « marketing de la séduction et du spectaculaire » qu'à notre
exigence civique d'enseigner l'histoire telle que les historiens sérieux tentent de l'établir en obéissant
aux règles de leur métier...D’ailleurs une des annexes de notre livre leur est consacrée.
Surtout qui fait mouvoir la chaîne ? Nous accusons les ministres successifs, quelles que
soient leurs appartenances politiques d'avoir voulu détruire un enseignement rationnel de l'histoire :
Bayrou, ministre de l'Education Nationale des gouvernements Balladur et Juppé, qui a introduit
l'enseignement du fait religieux décroché de toute mise en contexte historique et à qui nous devons
ce programme de seconde désarticulé, dont les béances chronologiques interdisent à nos élèves
toute appréhension de la causalité historique ; Jack Lang (le socialiste) qui a fait la promotion du
rapport Debray écrit peu après les attentats du 11 septembre 2001 explicables selon lui par le
wahhabisme (qu'il fallait enseigner de toute urgence !) et point du tout par la géographie du pétrole
et les alliances entre le gouvernement américain et les féodaux les plus rétrogrades de cette planète,
qu'ils soient afghans ou saoudiens ; les conclusions de ce rapport Debray furent appliquées par les
ministres de droite qui se sont succédé depuis lors. Avons-nous eu tort de formuler ces accusations ?
Délirons-nous en victimes de la « rhétorique du complot » ?
Notre livre est le cri d’alarme de collègues du rang devant une instrumentalisation
idéologique sans précédent de l’enseignement de l’histoire et de la géographie. Nous avons voulu
montrer, par une analyse fouillée des programmes, des manuels et de la pédagogie officielle, le
caractère réactionnaire d’une offensive qui vise à légitimer l’Union Européenne, à présenter la
mondialisation comme un fait « naturel » incontournable, à imposer un modèle social et intellectuel
« catholico-centré » (la charité et la piété du bon «saint Louis »!!! seul roi de l'époque médiévale
inscrit au programme de cinquième tandis que l'étude sérieuse de la Révolution française et de
l'égalité des droits qu'elle a proclamée est proprement sabotée !), à criminaliser les révolutions
présentées comme intrinsèquement porteuses du « totalitarisme » selon la vulgate née des écrits de
François Furet et de Stéphane Courtois. Nous dénonçons le silence suspect sur les massacres
sanglants qui ont accompagné la conquête coloniale, silence qui permet d'accréditer la thèse de la
« mission civilisatrice » des colonisateurs. Nous dénonçons une offensive idéologique, vous nous
reprochez de ne pas avoir écrit un traité de pédagogie.
Notre ambition était-elle légitime ? Avons-nous atteint notre but ? Vous n'en soufflez mot.
Un de nos correspondants nous écrit : « il semble que le livre présenté sur Clionautes et celui que
vous avez écrit soient deux livres différents. »
Vous nous faites grief de ne pas avoir analysé la manière dont les professeurs et les élèves
utilisent les manuels et de ne pas faire état d’observations de classe. Notre petite équipe composée
d'enseignants en activité et de retraités ayant une longue expérience n'avait pas la possibilité
matérielle et administrative d'organiser une enquête dans les établissements scolaires afin d'avoir
une vue d'ensemble. Mais surtout, là n'était pas notre propos.
La pédagogie nous intéresse tout autant que vous, mais visiblement nous ne portons pas le
même jugement que vous sur la pédagogie dite de l'éveil et de ses avatars socio-constructivistes. Ce
qui relève strictement de votre liberté intellectuelle ... et de la nôtre ! Nous maintenons que cette
entreprise dite de « l'éveil » fut « obscurantiste ». « Formules à l'emporte pièces », dites-vous,
reproches « éculés », « poncifs ». Le débat n'est donc pas clos, encore faut-il le mener honnêtement
en évitant de nous prêter des convictions qui nous sont étrangères. Vous suggérez (certes avec un
point d'interrogation mais à peine dubitatif) que l'époque lavissienne était pour nous une « époque
bénie » dont nous regretterions la disparition. Vous supposez que nous souhaitons imposer un
encyclopédisme apparenté au « gavage des oies ». Nous vous prions de relire à ce sujet dans le
chapitre I les pages écrites sur les rapports entre pouvoir politique, programme d'histoire et
pratiques pédagogiques officielles ou dissidentes (Dewey, Cousinet, Freinet, Roger Gal, Decroly).
Vous admettez que les discours des socio constructivistes, derniers pédagogues à la mode en
IUFM sont abscons. Certes, mais ces discours abscons enrobent une prescription pédagogique
depuis longtemps imposée par les différents ministères de l'Education nationale et dont vous ne
dites rien. Nous ne pensons pas que l'élève soit capable de construire par lui-même son propre
savoir, puisque précisément il entre en classe pour l'acquérir avec ses professeurs. Nos modernes
pédagogistes semblent avoir trouvé la pierre philosophale : le document et la discussion en groupe.
Mais qui sélectionne les documents ? Qui les replace dans leur contexte ? Qui a l'autorité
nécessaire (celle que confère la culture) pour écarter les contresens, les préjugés de la classe
engendrés par le milieu ? Sur tous ces points, nous défendons le rôle irremplaçable du professeur,
de l'historien, du rédacteur de manuel honnête qui s'efforce à rédiger de bons textes de vulgarisation
à partir d'une connaissance actualisée des travaux d'historiens mais qui se trouve étranglé
aujourd'hui par des programmes à larges béances où l'on chercherait en vain une analyse sérieuse de
la société d'ancien régime sans laquelle on ne peut comprendre la Révolution Française, une analyse
sérieuse de la société tsariste sans laquelle on ne peut comprendre l'année 1917, une analyse
sérieuse de la crise de 1929 sans laquelle on ne peut comprendre la fin de la république de Weimar
ni l'ascension de Hitler, ni la marche à la guerre mondiale, une analyse sérieuse de l'expansion
coloniale sans laquelle on ne peut comprendre le sous-développement...D'ailleurs le problème ne se
pose même pas : on n'en étudiera pas les causes « supposées », ose écrire le ministre.
Nous dénonçons cette politique obscurantiste, et les pédagogistes qui la servent quand ils
opposent constamment méthode et acquisition de connaissances structurées. Il est nécessaire de
défendre les acquis de la civilisation contre les ministres, leurs serviteurs ignorants ou ambitieux
parmi lesquels nous rangeons entre autres cet intervenant sur France Culture (le 19 septembre dans
l'émission « la suite dans les idées ») qui a fustigé le « fardeau scolaire de la géographie » !
Supprimons les professeurs de géographie, que d'économies en perspective et que d'ignorants
nouveaux, proie des démagogues d'aujourd'hui et de demain !
Vous conviendrez avec nous que les clionautes n'ont à croire personne sur parole. Laissonsles juger sur pièces. Dans cet esprit, vous ne verrez aucun inconvénient, nous en sommes
convaincus, à ce que nous vous demandions de faire paraître cette réponse sur le même site et à la
suite de votre article.
Pour l'équipe qui a rédigé ce livre,
Odile Dauphin, Rémy Janneau, Jean-Jacques Marie, Nicole Perron
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