LE PROJET
Dans la foulée des Molière de Vitez, Gwenaël Morin et sa troupe de jeunes acteurs reviennent à
Nanterre-Amandiers avec trois tragédies de Sophocle, Ajax, Œdipe et Électre dans trois nouvelles
traductions de Irène Bonnaud et Malika Bastin-Hammou. Il poursuit son exploration de ces « espaces
publics symboliques » que sont les classiques. Les règles du jeu sont les mêmes : faire du théâtre
avec rien, si ce nʼest la puissance du texte et lʼénergie des acteurs ; confier la distribution au hasard
pour sʼaffranchir des idées reçues et des répartitions traditionnelles des sexes ; ouvrir la scène à
lʼinattendu. Montées pour le plein air, ces trois pièces ne seront jouées quʼune seule fois et en
intégrale, au point du jour (à partir de 5h du matin) dans le parc André-Malraux le 10 septembre. Avec
Sophocle, Gwenaël Morin sʼapproche dʼune humanité en prise avec son propre destin, désespérant
de ne pouvoir totalement le maîtriser. Centrées autour de ses héros, ces tragédies qui appartiennent à
notre conscience collective mettent en scène des individus seuls, pris dans des conflits tragiques où
un ordre sʼoppose à lʼautre. Si Gwenaël Morin sʼen empare, cʼest moins pour les revisiter que pour
mettre à lʼépreuve notre capacité à habiter ces lieux communs que sont Ajax, Œdipe et Électre. Les
restituer au chaos dont elles sont sorties et travailler sans relâche une relation au monde par la
répétition et la perte de maîtrise. Provoquer lʼinattendu, causé par la découverte de ce que lʼon sait
déjà, mais qui surgit avec la même évidence quʼun vol soudain dʼoiseaux.
GWENAËL MORIN ET LE THÉÂTRE PERMANENT
Lʼhistoire débute en 2006-2007 alors que le metteur en scène en résidence aux Laboratoires
dʼAubervilliers, crée Philoctète dʼaprès Philoctète de Sophocle. Le spectacle joué dans et hors les
murs, affronte la difficulté du public à franchir les portes dʼun théâtre. En 2009, il lance lʼidée du
Théâtre Permanent et investit les Laboratoires pendant une année avec une équipe fixe de cinq
acteurs qui, quotidiennement, répète et mène des ateliers publics la journée, joue le soir. Un projet
dʼaffirmation et dʼintensification du théâtre, fondé - comme toujours chez Gwenaël Morin - sur une
expérience politique du point de vue de la création, du collectif, et sur le désir dʼinventer dans un lieu,
un environnement, avec un public.
Le résultat : un théâtre brut, sans fioritures, décor minimum, changements à vue, et lʼessentiel : une
équipe dʼacteurs qui ne lésinent pas sur lʼengagement. Gwenaël Morin insuffle lʼutopie au coeur de
son « Théâtre Permanent », lui restituant ainsi une vertu politique : la capacité à transformer les gens,
la réalité. Du théâtre à lʼemporte-pièce, des œuvres intemporelles innervées dʼune urgence toute
contemporaine : « Jʼai réalisé que le théâtre était un point dʼaffirmation individuelle dans le corps
collectif, la matérialisation dʼun acte politique dont les acteurs et le public partageaient la
responsabilité ». G. Morin