Cours du 03/10/08 Aspect théorique: Aristote (384-322 ACN) Les théories dʼAristote ont profondément influencé le théâtre occidental. Il était lʼélève de Platon et il a fondé lʼécole philosophique appelée: “Le Lycée”. Son traité: “La poétique” sur lʼépopée et la poésie surtout au théâtre. Ce livre nous est parvenu par fragments. Aristote considère la tragédie comme supérieure à lʼépopée et va examiner les rapports de la tragédie et de lʼhistoire. Platon condamne le théâtre car lʼart est une imitation du réel et nʼest, que pour Platon, quʼune imitation des apparences. Le théâtre copie un réel qui est déjà un reflet et déjà condamnable, Aristote ne prend pas le même point de vue que son maître et il reconnaît que le théâtre est caractérisé par la mimésis: Cʼest la caractéristique quʼaurait le théâtre de copier le réel mais en le reconfigurant. Cette mimésis est plutôt la manière dont le théâtre transforme le réel. Cet aspect de la mimésis ne pose pas de problème mais cʼest la conséquence quʼen tire Aristote: Il dit quʼà partir du moment où le théâtre transpose la réalité, il permet de purifier le spectateur de ses émotions, de ses passions. Cʼest ce quʼon appelle la catharsis. Cʼest le fait que la tragédie ne raconte pas seulement ce quʼil sʼest passé mais anticipe ce quʼil va se passer. Le spectateur éprouve un mal quʼil pourrait lui advenir où il est pris de pitié face à ce qui pourrait lui advenir. Le théâtre occidental va se constituer. La mimésis ne va pas être remise fondamentalement en question jusquʼau XXième siècle. Remise en question dans la deuxième moitié du XXième siècle selon laquelle le théâtre serait une représentation dʼune réalité. A lʼépoque classique (XVIième-XVIIième siècle), des passions violentes peuvent rendre le spectateur plus pur. Au XVIIIième siècle, cela va un peu varier. Pour Rousseau, les larmes quʼon peut éprouver par cette catharsis nʼapporte rien de positif. Le théâtre, pour Rousseau, nʼest pas assez valorisé et va favoriser la fête, moins ambigu. Au XIXième siècle, en éprouvant cette passion, le spectateur à un plaisir de soulagement. Sʼil y a une perfection formelle, cela va soulager le spectateur. La grande remise en question de cette catharsis au XXième siècle vient de Bertolt Brecht. Cette identification est dénoncée par Brecht et il dit que le spectateur est privé de sa liberté et de son esprit critique. Lʼapport dʼAristote est sans doute la relation quʼil pose entre le texte et le spectacle. En fait, véritablement, Aristote dégage des normes: 1. Les personnages doivent être en action et certainement pas les raconter. 2. Le théâtre tragique doit être fondé sur la fable. Il doit donc y avoir le développement dʼune action 3. Il valide la mimésis. Et pour que le spectateur reconnaisse quelque chose, il faut que ce quʼon montre au spectateur soit vraisemblable. Donc il ne faut pas dʼinvraisemblance. 11 4. Aristote compare la tragédie à un bel animal et il dit que, finalement, pour obtenir lʼidée de beauté, il faut de lʼordre dans les différentes parties quʼon assemble. Il faut que ses parties constituent un tout et il faut que si on met de côté un morceau, lʼensemble éclate. La structure de la tragédie doit avoir un commencent, un milieu et une fin. 5. Lʼaction doit être fondée sur lʼunité mais en même temps, il y a une vision du monde et de lʼhomme fondé sur lʼunité et un ensemble homogène. Le mur du fond, dans le théâtre antique, commence à sʼélever. On commence à voir un début de fermeture du théâtre. Conception complètement remise en question aujourdʼhui car les architectures modernes de théâtre présente des façades vitrées et qui prennent le contre-pied de ce lieux clos qui va sʼinstaller durant toute lʼhistoire du théâtre. Tragédie: Seyneque. Autant Molière que Shakespeare vont puiser dans la tragédie. 12 Chapitre sur lʼhistoire du Moyen-Age au théâtre Le Moyen-Age est à la fois une civilisation de lʼécrit. On ne sort pas du cadre religieux au Moyen-Age (grâce aux textes écrits). Mais cʼest aussi une civilisation de lʼoral (beaucoup de gens sont analphabètes). Beaucoup de choses sont lues en public. - Premier élément contradictoire mais fondamental: une civilisation de lʼécrit (du sacré) mais où lʼoral est très présent pour transmettre lʼécrit et la religion. - Deuxième chose du théâtre au Moyen-Age: Sa diversité. En ce qui concerne le répertoire, il est fondé sur deux sources: 1. Un théâtre religieux. 2. Un théâtre profane. Le théâtre religieux: Lié aux périodes de la vie liturgique (Noël, Pâques, Pentecôte) et on retrouve un nombre de type de pièces qui sont jouées en lien à la liturgie: - Les drames liturgiques (courte incrustation introduite dans la cérémonie religieuse). Ces moments vont sʼémanciper de la liturgie pour devenir autonomie. Ce sont les sujets de la bible, de la vie des Saints. Ils seront ensuite montrés en langue vulgaire et non plus en latin, on va introduire des machineries. Ils vont devenir des moments théâtraux autonomes. - Les jeux. Plus long que les drames liturgiques présentant des drames, des légendes, etc... - Au XIVième siècle (guerre et peste) vont se développer les miracles. Des narrations qui parlent dʼune action humaine où vont intervenir lʼélément divin pour le dénouement. - Au XVième siècle, les mystères. Cʼest le théâtre total du Moyen-Age. Tableau écrit sur les éléments de la bible. Tout cela est connu de la population en ce qui concerne les personnages mais sur les événements de lʼhistoire, on ne va pas révéler quelque chose aux gens. Ils sont fondés sur la passion du Christ en général et sont très long (peuvent durer plusieurs jours (jusquʼà 20 jours!)) et présentent parfois plus de 100 à 200 personnages. On peut trouver du comique ou du satyrique dans le théâtre religieux. Les diables peuvent sʼagiter sur scène en faisant rire mais également en faisant peur. Le théâtre profane: - Il y a également des jeux. - On a des “dits”. - Des soties, où la société est considérée comme lʼespace de la folie - Les moralités. Où les personnages sont des allégories comme la gourmandise, la vertu. - Enfin, Un des types qui a eu une pérennité beaucoup plus grande est évidemment la farce. La farce nʼest pas exclusivement un genre du Moyen-Age mais le mot apparaît bien à cette période. Avec la farce, on a un type de théâtre qui est repris et dʼavantage joué à travers les époques. Une des plus connues est “La farce du cuvier” Le cuvier est une cuve pour la lessive et présente la mère, la femme et Jacquinot qui se fait harceler par sa mère et sa femme. La femme qui avait le dessus tombe dans le cuvier relativement grand et la situation change puisquʼelle redevient la femme qui est conforme à la société. Il nʼy a aucun processus de transformation. Les choses reviennent dans un 13 ordre acceptable par lʼordre social. De la même manière, les personnages, leurs nombres est relativement limité. On trouve un nombre relativement restreint de situations entre les personnages (relation entre le maître et le valet, entre le riche et le pauvre, entre le mari et la femme, entre le médecin et le malade, entre le curé et le fidèle). Les personnages ne sont pas des caractères. Ce sont essentiellement des types. Ici on a le mari berné dans “La farce du cuvier”. Cela réfracte la construction de la société médiévale qui est une société statique et fermée où les rôles sont relativement figés. Les mobiles de lʼaction sont des besoins primaires (besoin dʼargent, besoin de sexe, amour, haine, pouvoir, etc..). Ce qui découle de ces caractéristiques est quʼil nʼy a pas une grande liberté. Cʼest un monde relativement mécanique qui ne bouge que par lʼintervention divine. À propos des auteurs, en général, les textes sont anonymes sauf quelques oeuvres. Les droits dʼauteurs apparaissent bien plus tard, au XVIIIième siècle grâce à Beaumarchais. Quʼen est-il de la position du théâtre dans lʼespace social? En ce qui concerne la géographie, on peut considérer quʼon fait un peu du théâtre partout. Le théâtre sacré est à lʼintérieur de lʼéglise, sʼémancipe de la liturgie et sort de lʼéglise. On jouera des miracles sur les parvis de lʼéglise puis sur les places. Au Moyen-Age, le théâtre nʼa pas de lieu spécifique, on fait du théâtre partout. Il nʼy a pas de bâtiments théâtral. On peut avoir des spectacles en rond, les décors sont répartis en rond et les acteurs se trouvent dans les spectateurs, il nʼy a donc pas de distinction. On peut jouer à lʼextérieur de la ville donc on peut avoir énormément de public pour venir voir le spectacle. Selon des témoignages, il pouvait y avoir jusquʼà 80000 personnes assistant à un spectacle en dehors de la cité. Cʼest un théâtre qui est clairement populaire. Cʼest un théâtre destiné à lʼensemble de la population, on ne sort pas du cadre religieux. Cʼest une manière de transmettre la connaissance religieuse aux gens, cʼest une manière dʼenseigner la religion par le biais du théâtre. Il faut permettre aux gens de comprendre le message religieux. Il peut y avoir ou non des gradins plus ou moins important. Cʼest un théâtre qui peut être relativement riche. Des gens qui vont payer pour faire des spectacles en achetant des costumes, etc.... Il y aura une émancipation de la bourgeoisie au XIIème siècle. On va voir les premiers pas dʼune sorte de professionnalisation des acteurs à travers les guildes et les confréries. Configuration qui permet de mieux vivre économiquement. Ces confréries vont édicter des règles pour la qualité des spectacles, de la loyauté de ceux qui y travaillent. Les deux compagnies/confréries les plus importantes: - “Les confrères de la passion”. Première troupe professionnelle et ils ont même eu un local fixe. - “Les clairs de la basoche” composé de clercs et dʼavocats. Le public vient même jusquʼà camper sur place pour les représentations des mystères. Les prêtres choisissent leurs rôles en fonction de leur voix et de leur physionomie. Cependant, pour le théâtre profane, il faut des acteurs plus doués car il y a des effets comiques plus difficiles à jouer. Il y a déjà lʼébauche de la transmission dʼun art de maître à élève. Les acteurs peuvent être loués dʼune ville à lʼautre. 14 La caractéristique du décor dans le théâtre religieux est un décor simultané. Appelé les mansions. Les mansions figurent différents lieux (jusquʼà une vingtaine maximum) qui représentent les différentes villes où se déroulent les actions religieuses (Nazareth, Jérusalem, le Vatican, etc...). Lʼensemble des lieux sont figurés et visibles des spectateurs les uns à côté des autres. Les décors ne représentent pas réellement le lieu, cʼest plus symbolique. Le spectateur peut se déplacer car lʼacteur se déplace et se met devant le décor adéquat. On a, dans ces décors, dʼun côté, le paradis, et de lʼautre, lʼenfer. Pour lʼenfer, on constate des effets spéciaux (diable maquillé tout de noir), on a un souci, un effet dʼimpressionner le public et on a recours à des effets spéciaux car les miracles et mystères foisonnent de décapitation ou bien de marcher sur lʼeau, etc... Les maîtres des effets spéciaux sont appelés les maîtres des secrets. Ces côtés fermés du décors, mais ouvert, dans la mesure où dʼun côté, on lʼenfer, de lʼautre, le paradis, referme le décor. Cʼest la conception dʼun monde fermé, caractéristique du Moyen-Age. Dans les textes, on trouve des moments où on a des hurlements des démons qui répondent aux Anges. La perspective est multiple. Multiplicité des lieux, des époques et des points de vue. Tout cela est juxtaposé sans quʼil y ai pour autant un lien logique. Le meneur de jeu réglait la représentation. Les mansions peuvent être juxtaposés sur la hauteur. Le théâtre du Moyen-Age est différent dʼaujourdʼhui puisquʼétant joué en extérieur, on ne peut couper la lumière, on ne demande pas aux gens de se taire donc les gens rient et sont bruyants. Intrication des représentations liées à la vie de la cité (joué sur les marchés, scène sur des tonneaux, etc...). La multiplicité est caractéristique des cadres de pensées de lʼépoque. Tout cela mélange le comique, le sérieux; les genres peuvent même se mélanger. Il y a une théâtralisation du personnage et non de la personne. Lʼhomme, selon la configuration chrétienne, est une unité. Mais cette unité est contestée selon lʼordre social (les classes de pauvres et de riches). Cʼest la fonction de faire oublier cet ordre social pour montrer quʼau fond, il y a cette unicité à laquelle aboutit le théâtre profane. Les mystères finiront pas être interdit par le parlement de Paris au XViième siècle. En ce qui concerne les survivances de ce théâtre médiéval, on ne peut plus trop les reconnaître aujourdʼhui mais cela fait partie de lʼhéritage commun. Ariane Mnouchkine fera des spectacles sur tréteaux (survivance du théâtre médiéval). Faire un spectacle qui nʼexclut pas les gens. Les spectateurs défilent devant les différents tréteaux. Cʼest plus une citation quʼune survivance du théâtre médiéval. Il y a des survivances liées au mystère. Tous les 10 ans, en Bavière, on rejoue une scène de la passion (18 heures avec entractes). Il y a des survivances de la farce. Vient du latin médiéval. Juste dans le cinéma, on peut trouver des avatars de la farce. La farce est un théâtre pauvre, cela explique en partie comment il a pu se perpétuer mais également en ce qui concerne les types de scènes et de situations proposées. La farce est dʼabord du théâtre comique, généralement une pièce courte et qui est fondée sur le rythme. Cʼest un bel enjeu pour le jeu de lʼacteur, la performance de ce dernier. On a 15 vu quʼil y avait des récurrences de situations de maris trompés, liés aux appétits, aux instincts. Mais, au Moyen-Age, tout rentre dans lʼordre. On en retrouve des traces chez Molière, dans tous ce qui est de lʼordre du burlesque (Charlie Chaplin) du grotesque. Au théâtre, il y a un artiste qui a repris ce théâtre, cette farce, cʼest Dario Fo. Dario Fo Né en 1926 en Italie, cet artiste hors norme à reçu le prix de littérature en 1997. Il est, à la fois, auteur et comédien, directeur de troupe. Il va dʼabord jouer des farces traditionnelles avec sa femme avec une troupe ambulante. Puis, Dario Fo va créer une sorte de théâtre bourgeois. A un moment donné, laurée des années 70, il va se détourner de ce théâtre bourgeois et jouer dans des endroits nonconventionnels: - Ecoles - Marchés - Usines Il proposera des débats après ses représentations. Il y a une sorte de lutte prolétarienne. Il va rompre avec le parti communiste. Ce qui lʼa rendu célèbre est sa recherche avec le théâtre du Moyen-Age. Dans les années 70, la grande rupture en 68 (toute une génération se révolte contre lʼordre en place), il y a une recherche de lʼauthenticité et passe, en théâtre, par un refus des grands textes, de la diction, du jeu dʼacteur, etc... Dario Fo va réellement va se rendre réellement célèbre en 69 avec ses “Mystero Buffo” (mystères bouffes). Il sʼémancipe de la règle, de la norme religieuse qui dictait les mystères. On retrouve les traces, les structures de ces théâtres religieux afin de sʼen moquer. Cʼest un théâtre de lʼimmédiat, il sʼadresse directement au public, lʼinterpeller. Il fait le jongleur sur scène. Il est seul sur scène, non déguisé et non habillé, il nʼy a pas non plus de décors. Pourquoi a-t-on dʼavantage de subversion par rapport au Moyen-Age? OUI. Ce passage montre clairement que le message religieux, passe mieux en étant ironisé. Il y a bien une subversion dans le message transmit même si, à la base, le sujet traité reste le même quʼau Moyen-Age. Effectivement, Dario Fo sʼappuyait sur la tradition théâtrale du Moyen-Age et reprenait certaines formes. Dario Fo critique par lʼhumour, les formes du message religieux. 16