suis-je moi ? » Même si jʼai une certaine formation humaine, religieuse, théologique
qui me dispose à y répondre.
Être appelé auprès de quelquʼun qui ne va pas bien, qui va sʼen aller, nʼest en soi
jamais anodin. Je suis appelé comme prêtre, de par la mission que mon évêque mʼa
confiée. Notons quʼil y a aussi des laïcs en mission dʼEglise. Cela peut paraître
comme une nouveauté récente puisque cʼest à partir du milieu des années 1980 que
des charges dʼaumônerie dʼhôpital ont été attribuées à des laïcs. Mais cette présence
des laïcs nʼest pas si novatrice que cela si lʼon veut bien interroger lʼhistoire et
considérer la richesse du charisme hospitalier, avec la profusion de congrégations
religieuses hospitalières qui ont œuvré au long des siècles. Le sujet des relations
humaines en fin de vie ne touche pas seulement au noyau intime et profond de ce
qui fait notre humanité, il est aussi au cœur de notre identité et de notre vocation
chrétienne. Lʼhistoire le montre, et cela nous invite aussi à nous interroger sur la
place des chrétiens et leur action aujourdʼhui dans le domaine de la santé.
Je me souviens quʼà mes débuts en aumônerie, un confrère prêtre ayant une belle
expérience en pastorale de la santé me disait que cʼest un domaine ʻoù on se sent
vraiment prêtreʼ. On peut de la même manière souhaiter à chacun, dans la
confrontation à des questions comme celles de la fin de vie, dʼêtre ainsi conforté dans
sa foi et ses convictions de croyant.
Être appelé, cela veut dire que la relation ne sʼétablit pas à partir du ministre, mais du
patient (ou de ses proches). Cela nous situe dʼemblée dans une attitude dʼhumilité et
dʼécoute. On ne sʼapproche pas avec ses certitudes, son savoir, ses compétences.
On ne redira jamais assez – et nous le répétons inlassablement dans la formation de
nos aumôniers adjoints et membres dʼaumônerie – nous sommes là dʼabord pour
écouter. Pour accueillir. Combien plus dans les situations de fin de vie. Lʼaumônier vit
un dépouillement, il est lui même devant le mystère de la personne, de lʼêtre qui est
là, comme il est lui-même devant Dieu. Il nʼest pas un intermédiaire, il est dʼabord
aux côtés du patient, à se tourner avec lui et comme lui vers Dieu.
2/ Lʼaumônier est en relation avec différents protagonistes : famille, proches, équipes
soignantes, médecin parfois. Recevant les confidences du patient ou de ses proches.
Partageant dans une certaine mesure lʼinformation médicale.
Un petit exemple : récemment, je suivais une femme encore jeune en réanimation. Il
nʼy avait guère dʼespoir. Ses enfants souhaitaient prier auprès dʼelle. Mais le mari
était plus réticent, pas encore prêt... On avait convenu que je passe en fin de journée,
dʼautant quʼun membre de la famille était encore attendu. Je me suis alors enquis
auprès de lʼinterne si des soins étaient prévus à ce moment là. Il mʼa dit quʼelle serait
décédée avant. Jʼai pu lui demander alors dʼen parler plus explicitement à la famille.
On y a mis les formes. Cela a permis de célébrer sans attendre lʼonction des malades
et de mieux préparer cette famille à ce décès.
Lʼaumônier a une position tout à fait particulière. En relation avec les uns et les
autres selon les circonstances, et dans une position de neutralité au plan médical :
lʼaumônier nʼa aucun rôle décisionnaire, il nʼest en rien concerné par le devenir du
malade, il nʼa aucun projet sur lui. En cela, sa présence permet au malade de parler
très librement, et de pouvoir se confier en vérité.
Combien de fois des malades ont pu ainsi confier leur crainte dʼêtre un poids pour
leurs proches, ou sʼinquiéter de ce que décideraient les médecins à leur égard…