Notions, enjeux et limites de la délégation d`activités étatiques

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Notions, enjeux et
limites de la
délégation
d’activités étatiques
François Bellanger,
Professeur à l’Université de Genève, avocat
2
Notions
Les activités étatiques.
La délégation.
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Les activités étatiques
¡  Les activités d’intérêt public.
¡  Les fonctions de puissance publique.
¡  Les fonctions de service public.
¡  Les activités économiques.
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Les fonctions de puissance
publique
¡  Les fonctions de puissance publique
comprennent les tâches d’autorité impliquant
l’exercice d’un pouvoir d’enjoindre, d’interdire,
voire de contraindre par l’usage de la force.
¡  Les actes de puissance publique se caractérisent
traditionnellement par le fait que la collectivité
publique peut exercer une contrainte sur le citoyen
en se fondant sur une réglementation de droit
public.
¡  Ces fonctions comprennent notamment les
tâches de régulation.
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Les fonctions de service
public
¡  Les fonctions de service public sont des activités
d’intérêt général.
¡  Elles sont assurées par l’administration avec une
organisation adéquate garantissant en principe:
¡  la continuité du service,
¡  l’uniformité de son prix et
¡  l’égalité de traitement entre les usagers.
¡  Du fait de son rôle d’intérêt public, l’activité de l’Etat
est faite à des conditions accessibles à tous les citoyens,
généralement sans égard au prix réel.
¡  L’Etat n’a aucun intérêt lucratif, contrairement aux
activités économiques.
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Les activités économiques
¡  L’Etat mène une activité économique lorsqu’il offre des
prestations pour lesquelles l’aspect économique prime l’intérêt
public.
¡  On peut distinguer deux hypothèses:
¡  L’activité étatique a pour principal objet de réaliser un revenu, avec
pour conséquence que la poursuite d’un intérêt public est secondaire
ou absente.
¡  L’entité publique fonctionne comme une entreprise, soit un
producteur de biens ou services participant de manière
indépendante au processus économique, du côté de l'offre ou de la
demande.
¡  L’Etat n’a pas un intérêt économique mais ses prestations se trouvent ou
pourraient se trouver en concurrence avec celles des entreprises de
l’économie privée.
¡  Dans ce cas, pour assurer la neutralité concurrentielle de l’Etat, les
activités de l’Etat sont considérées comme ayant un caractère
économique et traitées différemment des activités d’intérêt public.
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La délégation
¡  La délégation est une composante du processus
d’externalisation des tâches de l’Etat.
¡  La délégation consiste à transférer l’exécution de
certaines tâches à des entités privées ou publiques.
¡  Elle se distingue de la décentralisation, soit l’opération par
laquelle l’Etat transforme une unité administrative interne
en une unité externe autonome avec la personnalité
juridique ou crée une telle unité externe, en la chargeant
de l’exécution d’une tâche publique.
¡  La délégation se distingue du subventionnement
d’activités d’intérêt public menées des entités privées.
¡  La délégation n’est pas une forme de partenariat publicprivé ou PPP.
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Délégation et PPP
¡  Le terme de PPP « se réfère en général à des formes de
coopération entre les autorités publiques et le monde des
entreprises qui visent à assurer le financement, la construction,
la rénovation, la gestion ou l’entretien d’une infrastructure ou la
fourniture d’un service ».
¡  Le PPP ne constitue toutefois pas un rapport juridique sui
generis. En conséquence, la coopération entre les pouvoirs
publics et l’acteur privé doit se fonder soit sur le droit des
contrats, soit sur le droit des sociétés.
¡  On distingue ainsi deux types de PPP :
¡  le modèle contractuel dans lequel les divers intervenants du projet
passent un ensemble de contrats entre eux.
¡  le modèle d’entreprise ou modèle institutionnel, dans lequel le projet
est confié à une « société de projet » dotée de la personnalité
juridique et à laquelle participent aussi bien les mandants que les
mandataires ; les formes juridiques peuvent varier (société anonyme,
société d’économie mixte, association, fondation, etc.).
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L’externalisation des tâches
publiques
¡  La décentralisation comme la délégation peuvent
aboutir à trois formes de privatisation:
¡  La privatisation des structures.
¡  Utilisation d’une entité de droit public avec une
organisation proche de celle de l’économie privée
pour l’exécution d’une tâche publique.
¡  La privatisation de la gestion d’une tâche.
¡  L’Etat transfère l’exécution d’une tâche publique à
une entité privée, contrôlée par lui ou par un tiers.
¡  L’Etat vend intégralement la société chargée de
mener une tâche publique à des tiers.
¡  La privatisation de la tâche elle-même.
¡  L’Etat abandonne partiellement ou totalement la
tâche publique.
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Les enjeux
L’objet de la délégation d’activités étatiques.
Les critères de sélection des tâches en vue d’une
délégation.
Les modes de la délégation d’activités étatiques.
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L’objet de la délégation
d’activités étatiques
¡  Toutes les activités peuvent-elles être déléguées?
¡  Les activités d’intérêt public?
¡  Les activités commerciales?
¡  Il ne peut pas y avoir une seule réponse pour ces activités.
¡  Il est nécessaire d’effectuer une typologie plus approfondie de ces
activités.
¡  On peut se référer à celle effectuée par le Conseil fédéral dans son
Rapport du 13 septembre 2006 sur l’externalisation et la gestion des
tâches de la Confédération (rapport sur le gouvernement
d’entreprise).
¡  Il a distingué entre:
¡ 
¡ 
¡ 
¡ 
¡ 
les tâches ministérielles;
les prestations à caractère monopolistique;
les tâches de surveillance de l’économie ou de la sécurité;
les prestations fournies sur le marché;
les prestations internes de l’administration.
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Les tâches ministérielles
¡  Il s’agit :
¡  des tâches liées à la préparation des dossiers
politiques;
¡  des prestations relevant clairement de la puissance
publique et pouvant souvent impliquer d’importantes
interventions dans les droits fondamentaux.
¡  Ces tâches:
¡  requièrent un suivi politique étroit;
¡  ont un besoin marqué de coordination.
¡  Domaine: principalement fonctions de puissance
publique.
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Les prestations à caractère
monopolistique
¡  Ces tâches consistent en la fourniture de prestations
pour lesquelles il n’existe pas de marché du fait
principalement:
¡  de dispositions légales.
¡  de la volonté du législateur de garantir des prestations à
un coût inférieur à celui du marché.
¡  d’une défaillance du marché.
¡  Elles concernant notamment:
¡ 
¡ 
¡ 
¡ 
La formation.
La recherche.
La culture,
Les transports.
¡  Domaine: principalement fonction de service public.
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Les tâches de surveillance
de l’économie ou de la
sécurité
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¡  Ces tâches relèvent de la régulation.
¡  Elle couvrent deux domaines;
¡  Les tâches dans le domaine de la surveillance de l’économie, soit
toutes les activités de surveillance régulant le fonctionnement des
marchés et leurs défaillances dans le cadre de l’affectation des
biens et des prestations ou intervenant sur la fixation des prix.
¡  Les tâches de surveillance de la sécurité servent à protéger la
population ou certains acteurs du marché de dangers très divers en
relation avec la fourniture de prestations spécifiques sur le marché.
¡  Il peut s’agir de risques économiques, techniques ou sanitaires.
¡  Domaine: principalement fonction de puissance publique.
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Les prestations fournies sur le
marché
¡  Les prestations fournies sur le marché regroupent
des prestations d’infrastructure, comme celles
que fournissent par exemple la Poste et les CFF.
¡  Ces prestations sont fournies au moins pour partie
dans un régime concurrentiel, au prix du marché.
¡  Domaine: fonction de service public et activités
économiques.
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Les prestations internes de
l’administration
¡  Les prestations internes regroupent des tâches telles
que l’acquisition et la gestion de biens meubles et
immeubles, des ressources informatiques, du
personnel et des finances.
¡  Il s’agit de prestations préalables à l’exécution étatique
de tâches.
¡  Les prestations internes sont des tâches à caractère
principalement commercial. Il s’agit de fonctions au
service des fonctions de puissance publique et de
service public.
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Les critères de sélection des
tâches en vue d’une
délégation
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¡  Selon le Conseil fédéral, les critères de sélection des tâches
comme de la forme à utiliser pour leur exécution sont liées à leur
nature:
¡  Le lien avec l’exercice de la puissance publique.
¡  Degré d’intervention des mesures relevant de la puissance publique
dans les droits des personnes ou entreprises concernées?
¡  Le besoin de pilotage politique.
¡  Degré d’influence politique sur l’exécution des tâches?
¡  L’adéquation au marché.
¡  Degré de de disposition à la commercialisation?
¡  Besoin de coordination.
¡  Degré de coordination et d’harmonisation entre les unités
administratives.
¡  Les particularités éventuelles de la tâche.
¡  Besoin de visibilité dans ou hors de l’administration.
¡  Potentiel de synergies pour l’acquisition de prestations préalables
¡  Nécessité d’une gestion ciblée par unité ou potentiel de centalisation.
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Les tâches ministérielles
¡  Application des critères:
¡  Activités relevant principalement de l’exercice de la
puissance publique.
¡  Besoin marqué de pilotage politique.
¡  Peu ou pas d’adéquation au marché.
¡  Besoin élevé de coordination au niveau politique.
¡  Pas de justification particulière d’une externalisation.
¡  Tâches peu ou pas propices à une
externalisation
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Les prestations à caractère
monopolistique
¡  Application des critères:
¡  Activités relevant principalement du service public,
donc peu de lien avec la puissance publique.
¡  Besoin de pilotage politique variable.
¡  Adéquation au marché limitée car il s’agit pour
l’essentiel de prestations fournies en faveur de
l’économie générale.
¡  Faible besoin de coordination.
¡  Selon les circonstances, besoin fort d’autonomie
juridique et de visibilité.
¡  Activités se prêtant bien à une externalisation,
notamment une délégation.
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Les tâches de surveillance
de l’économie ou de la
sécurité
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¡  Application des critères:
¡  Activités relevant principalement de l’exercice de la puissance
publique.
¡  Faible besoin de pilotage politique, mais souvent grand besoin
d’indépendance.
¡  Adéquation au marché faible du fait de la nature des tâches
(régulation).
¡  Faible besoin de coordination.
¡  Nécessité particulière d’indépendance ou de distanciation du
monde politique comme motif fort pour une externalisation.
¡  Activités se prêtant bien à une externalisation, notamment une
décentralisation ou une délégation.
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Les prestations fournies sur le
marché
¡  Application des critères:
¡  Activités commerciale, soumises au moins en partie à la
concurrence, sans lien avec la puissance publique.
¡  Faible besoin de pilotage politique, dans la mesure où
la loi fixe les modalités d’un service minimal ou universel.
¡  Adéquation au marché forte.
¡  Faible besoin de coordination.
¡  Nécessité de disposer de conditions d’exercice de
l’activité similaires à celles des concurrents sur le
marché.
¡  Activités pouvant bénéficier d’une externalisation,
notamment une décentralisation ou une
délégation.
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Les modes de la délégation
d’activités étatiques
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¡  Le concessionnaire
¡  La concession de service public est l’acte par lequel une collectivité publique accorde à une
personne privée, le concessionnaire, le droit d’exercer tout ou partie des droits qu’elle détient
en vertu d’un monopole de droit, de fait ou virtuel.
¡  Le concessionnaire prend en charge l’activité concédée de manière indépendante et
s’engage à la remplir en son propre nom et à ses risques et périls. En principe, le
concessionnaire poursuit un intérêt lucratif; il estime que l’exercice de l’activité concédée
lui procurera un profit.
¡  Le délégataire
¡  Sur la base d’une loi formelle, une autorité étatique peut, par une décision ou un contrat,
déléguer l’exercice d’une tâche étatique à une personne privée, le délégataire.
¡  Le délégataire exerce son activité en son propre nom, mais pour le compte de l’Etat. Il a
donc notamment l’obligation de respecter les principes fondamentaux régissant le droit
administratif. De même, il se trouve dans un rapport de droit spécial avec l’Etat
¡  L’auxiliaire
¡  L’auxiliaire est dans une situation distincte du concessionnaire ou du délégataire, car il a
l’obligation légale d’exercer une tâche publique au nom et pour le compte de l’Etat.
¡  Il est ainsi chargé par la loi d’une mission ponctuelle qu’il doit exécuter sans aucune
autonomie selon des modalités déterminées avec précision. Tel est le cas, par exemple, de
l’employeur qui prélève l’impôt à la source sur le salaire de certains de ses employés pour
le compte de l’administration fiscale.
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Les limites
Les limites juridiques
Les limites fonctionnelles
Les limites politiques
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Les limites juridiques
¡  L’existence d’une base légale formelle:
¡  Pour la délégation.
¡  Pour le transfert éventuel d’une compétence
décisionnelle.
¡  La délégation de tâches publiques à un
organisme extérieur à l'administration peut
comprendre implicitement le pouvoir décisionnel
nécessaire à l'accomplissement desdites tâches
pour autant que cet exercice d'un pouvoir
décisionnel soit indispensable pour permettre à
l'organisme délégataire de tâches publiques
d'accomplir celles-ci (ATF 137 II 409, c. 6.2).
JDA 2015 - F. Bellanger
Exemple de clause de
délégation
¡ 
¡ 
25
L'art. 180 LAgr a la teneur suivante:
1
La Confédération et les cantons peuvent associer des entreprises ou des organisations à l'exécution de la loi ou créer des organisations
appropriées à cet effet.
2
La coopération de ces entreprises et de ces organisations est surveillée par les pouvoirs publics. L'autorité compétente doit définir leurs
tâches et leurs attributions. Leur gestion et leurs comptes sont soumis à cette autorité. Le contrôle parlementaire de la Confédération et des
cantons est réservé.
3
Le Conseil fédéral et les cantons peuvent autoriser ces entreprises et ces organisations à percevoir des émoluments appropriés afin de
couvrir les frais de leur activité. Le tarif de ces émoluments doit être approuvé par le département.
« 5.2 En l'espèce, l'art. 180 LAgr constitue sans conteste une base légale formelle qui donne de manière générale à la
Confédération la compétence de déléguer l'exécution de la loi sur l'agriculture à un organisme extérieur à l'administration. Par
ailleurs, il ressort clairement des dispositions prises par le Conseil fédéral pour réglementer la question du contrôle des AOP et des
IGP (selon la délégation de compétence prévue l'art. 16 al. 2 let. d LAgr), que cette tâche a été confiée, selon le voeu du
législateur (cf. supra consid. 4.3.9 avant-dernier paragraphe), à des organismes indépendants accrédités placés sous la
surveillance de l'OFAG et du SAS (cf. art. 18 al. 1 et 21 al. 4 ord. AOP). Ces organismes doivent agir dans le respect des exigences
minimales précisées dans l'ordonnance sur le contrôle édictée par le DFE (art. 18 al. 2 ord. AOP) et il leur appartient notamment,
à ce titre, de faire les différents contrôles détaillés aux art. 1 à 5 ord. DFE afin de pouvoir certifier la conformité des produits au
cahier des charges (cf. art. 16 al. 3 en lien avec l'art. 18 al. 1 ord. AOP). Ils doivent également signaler à différentes autorités les
irrégularités constatées lors des contrôles (art. 20 ord. AOP) et fournir à l'OFAG un rapport annuel détaillant notamment "le
nombre et le type des actions coercitives (entreprises) et des retraits de certification (prononcés)" (art. 6 let. c ord. DFE). Certes,
aucune disposition légale ou réglementaire ne confère formellement à l'OIC le pouvoir de rendre des décisions à l'encontre des
entreprises soumises à son contrôle, encore moins de leur infliger des sanctions en présence d'une irrégularité. On peut toutefois
déduire un tel pouvoir décisionnel du renvoi de l'art. 7 al. 1 OAccD aux normes européennes de la série EN 45000 (cf. supra
consid. 4.3.5 premier paragraphe). De plus, le Manuel de contrôle, qui fait partie intégrante de l'assurance qualité de l'OIC,
prévoit expressément que ce dernier peut prendre les sanctions litigieuses s'il constate des irrégularités. En tout état de cause, de
telles sanctions se laissent implicitement déduire de la réglementation (cf. en particulier l'art. 6 let. c ord. DFE précité) et elles
apparaissent indispensables pour que l'OIC puisse utilement mener à bien ses activités de contrôle et de certification et obtenir
des entreprises, le cas échéant par des mesures coercitives, qu'elles respectent leurs obligations. Il faut donc admettre que les
compétences déléguées à l'OIC incluent le pouvoir de rendre des décisions administratives, singulièrement des sanctions. 5.3
Partant, l'OIC doit être considéré comme délégataire d'une tâche publique et investi du pouvoir de rendre des décisions
administratives sujettes à recours auprès de l'OFAG (art. 180 LAgr) à l'encontre des entreprises soumises à son contrôle. (… » (ATF
138 II 134).
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Les limites juridiques - 2
¡  Les autres critères:
¡  L’intérêt public.
¡  La spécialité.
¡  La surveillance.
¡  Le contrôle du respect de ces critères?
¡  Le choix du délégataire?
¡  Respect de la neutralité concurrentielle de l’Etat?
¡  Application du droit des marchés publics ou de
procédures similaires?
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27
Les autres limites
¡  Les limites fonctionnelles.
¡  Les limites politiques.
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28
Je vous remercie…
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