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Epreuve de français Nom :
o
Série : E1 Date : février 2016
Classe : 4e
N :
Durée : 3 périodes
Français
Don Juan, qui est infidèle à son épouse Doña Elvire, vient d’abandonner celle-ci en quittant leur
domicile. Il s’entretient avec son valet Sganarelle qui, scandalisé, n’approuve pas les
agissements de son maître.
Acte I, scène 2.
DON JUAN, SGANARELLE
SGANARELLE.- Moi, je crois, sans vous faire tort, que vous avez quelque nouvel amour en
tête.
DON JUAN.- Tu le crois ?
SGANARELLE.- Oui.
5 DON JUAN.- Ma foi ! tu ne te trompes pas, et je dois t’avouer qu’un autre objet1 a chassé Elvire
de ma pensée.
SGANARELLE.- Eh ! mon Dieu ! je sais mon Don Juan sur le bout du doigt, et connais votre
cœur pour le plus grand coureur du monde : il se plaît à se promener de liens
en liens, et n’aime guère à demeurer en place.
10 DON JUAN.- Et ne trouves-tu pas, dis-moi, que j’ai raison d’en user de la sorte ?
SGANARELLE.- Eh ! Monsieur.
DON JUAN.- Quoi ? Parle, coquin, fourbe, pendard.
SGANARELLE.- Assurément que vous avez raison, si vous le voulez ; on ne peut pas aller là
contre. Mais si vous ne le vouliez pas, ce serait peut-être une autre affaire.
15 DON JUAN.- Eh bien ! je te donne la liberté de parler et de me dire tes sentiments.
SGANARELLE.- En ce cas, Monsieur, je vous dirai franchement que je n’approuve point votre
méthode, et que je trouve fort vilain d’aimer de tous côtés comme vous faites.
20 25 30 DON JUAN.- Quoi ? tu veux qu’on se lie à demeurer au premier objet1 qui nous prend, qu’on
renonce au monde pour lui, et qu’on n’ait plus d’yeux pour personne ? La belle
chose de vouloir se piquer2 d’un faux honneur d’être fidèle, de s’ensevelir pour
toujours dans une passion, et d’être mort dès sa jeunesse à toutes les autres
beautés qui nous peuvent frapper les yeux ! Non, non : la constance3 n’est bonne
que pour des ridicules; toutes les belles ont droit de nous charmer, et l’avantage
d’être rencontrée la première ne doit point dérober aux autres les justes
prétentions qu’elles ont toutes sur nos coeurs. Pour moi, la beauté me ravit
partout où je la trouve, et je cède facilement à cette douce violence dont elle nous
entraîne. J’ai beau être engagé4, l’amour que j’ai pour une belle n’engage point
mon âme à faire injustice aux autres […] je me sens un coeur à aimer toute la
terre ; et comme Alexandre5, je souhaiterais qu’il y eût d’autres mondes, pour y
pouvoir étendre mes conquêtes amoureuses.
Epreuve de français SGANARELLE (à part).- Quelle pie ! Il n’en finit pas! (Haut) Il semble que vous avez appris cela
par coeur, et vous parlez tout comme un livre.
DON JUAN.- Qu’as-tu à dire là-dessus ?
35 SGANARELLE.- Ma foi ! j’ai à dire… je ne sais ; car vous tournez les choses d’une manière,
qu’il semble que vous avez raison ; et cependant il est vrai que vous ne l’avez
pas. J’avais les plus belles pensées du monde, et vos discours m’ont brouillé
tout cela. Laissez faire : une autre fois je mettrai mes raisonnements par écrit,
pour en disputer avec vous.
DON JUAN.- Tu feras bien.
40 SGANARELLE.- Mais, Monsieur, cela serait-il de la permission que vous m’avez donnée, si je
vous disais que je suis tant soit peu scandalisé de la vie que vous menez ?
DON JUAN.- Comment ? quelle vie est-ce que je mène ? (Il lève la main pour le gifler)
SGANARELLE (se protégeant la figure).- Fort bonne. Mais, par exemple, de vous voir tous les
mois vous marier6 comme vous faites…
45 DON JUAN.- Y a-t-il rien de plus agréable ?
SGANARELLE.- Il est vrai, je conçois que cela est fort agréable et fort divertissant, et je m’en
accommoderais assez, moi, s’il n’y avait point de mal ; mais, Monsieur, se
jouer ainsi d’un mystère sacré7, et…
50 DON JUAN.- Va, va, c’est une affaire entre le Ciel8 et moi, et nous la démêlerons bien
ensemble, sans que tu t’en mettes en peine.
Molière, Dom Juan (1663)
1. Désigne ici une femme
2. Se vanter
3. Fidélité
4. Marié à Done Elvire
5. Grand conquérant de l’Antiquité grecque
6. Dom Juan a de nombreuses conquêtes à qui il promet le mariage à chaque fois
7. Sganarelle critique le fait que son maître se moque du mariage
8. Dieu
Epreuve de français Compréhension de l’écrit.
1. Qu’éprouve Don Juan à l’égard de son épouse Elvire ? (1 pt)
Don Juan éprouve de l’indifférence envers Doña Elvire. En effet, il ne l’aime plus et vient de la
quitter : « Don Juan, qui est infidèle à son épouse Doña Elvire, vient d’abandonner celle-ci en
quittant leur domicile » (paratexte), « qu’un autre objet a chassé Elvire de ma pensée » (l.5).
2. Sur quel sujet Sganarelle critique-t-il le mode de vie de son maître ? (2 pts)
Sganarelle critique l’infidélité de son maître. En effet, il passe d’une relation à une autre et n’est
pas honnête dans ses sentiments : « se promener de liens en liens » (l.8-9), « n’aime guère à
demeurer en place » (l.9)
3. Quelles raisons Don Juan donne-t-il pour justifier ses infidélités continuelles ? (2 pts)
Pour justifier son infidélité, Don Juan affirme qu’il ne faut pas passer sa vie avec la première
personne aimée : « demeurer fidèle au premier objet qui nous prend » (l.18). De plus, il estime
qu’il ne faut pas renoncer à aimer les autres belles femmes qu’il rencontre : « toutes les autres
beautés qui nous peuvent frapper les yeux » (l.22). Enfin, selon lui, il serait ridicule de rester
fidèle à une même personne : « la constance n’est bonne que pour des ridicules » (l.23).
4. Relevez deux différents comiques employés dans cette scène. (3 pts)
Dans cette scène, nous pouvons relever le comique de mots à travers les jurons proférés par
Don Juan : « Parle, coquin, fourbe, pendard » (l.12). De même, le comique de gestes est
présent dans la didascalie à la ligne 42 : « Il lève la main pour la gifler ».
5. Quels traits de caractère de Sganarelle cette scène permet-elle de dégager ? (2 pts)
Sganarelle se montre sincère et malin. En effet, tout en disant ce qu’il pense à son maître, il
veille à ne pas le contredire pour ne pas le vexer : « Que vous avez raison, si vous le voulez »
(l.13), « je n’approuve point votre méthode » (l.16).
Connaissance de la langue.
1.a) Lignes 1 à 18, quel pronom chaque personnage utilise-t-il pour s’adresser à l’autre ? (1 pt)
Ligne 1 à 18, Sganarelle utilise le pronom « vous » tandis que Don Juan utilise le pronom
« tu » : « vous avez raison » (l.13), « je te donne » (l.15).
b) Qu’en concluez-vous sur la relation entre ces deux personnages ? (1,5 pts)
Il s’agit d’une relation de maître à valet. En effet, Sganarelle respecte Don Juan tandis que ce
dernier se comporte en supérieur.
Epreuve de français 2.a) A la ligne 45, dites quel type de phrase et niveau de langue (registre) sont employés. (1 pt)
Le type de phrase est interrogatif et le registre soutenu.
b) Pourquoi un tel niveau est-il utilisé ? (1pt)
Ce niveau de langue est utilisé parce que c’est le maître qui la dit et qu’il est supérieur à son
valet.
3.a) A quel mode sont conjugués les trois verbes soulignés, lignes 18 et 19? (0,5 pt)
Ces verbes sont au mode subjonctif.
b) Justifiez son emploi. (0,5 pt)
Ce mode est employé après un verbe de volonté.
4. « Il est vrai que vous ne l’avez pas » (l. 35)
a) Quelle tournure est-elle employée dans cette phrase ? (1 pt)
La tournure impersonnelle est employée dans cette phrase.
b) Quelles sont la nature et la fonction de chacun des éléments soulignés ? (2 pts)
Il → nature : pronom impersonnel ; fonction : sujet grammatical du verbe être.
Que vous ne l’avez pas →nature : proposition subordonnée conjonctive ; fonction : sujet logique
du verbe être.
5.a) Quelle forme de phrase est-elle employée dans : « Non, non, la constance n’est bonne
que pour les ridicules » ? (0,5 pt)
La forme de la phrase est négative.
b) Qu’exprime-t-elle ? (1 pt)
Elle exprime un refus catégorique.
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