Charlotte en parlant du libertin : « Il faut que ce soit queuque gros, gros Monsieur, car il a du dor à son habit
tout depis le haut jusqu'en bas. »
Le changement de costume de certains personnages est à plusieurs reprises indiqué ou suggéré. Par exemple,
au début de l'acte III, Molière précise que Don Juan est maintenant en habit de campagne (costume de voyage),
et que Sganarelle est déguisé en médecin, et on peut supposer qu'à l'acte IV, Don Juan, de retour chez lui, porte
une tenue d'intérieur, et Sganarelle des vêtements de valet. À l'acte l, scène 3, Elvire apparaît en costume de
voyage, et à l'acte IV, scène 6, elle se voile pour rendre visite à Don Juan.
(Dans La nuit des rois le caractère spectaculaire naît surtout du mouvement, des changements de lieux, de la
complexité de l’intrigue, des déguisements, et de la révélation finale)
La métamorphose - L'illusion – le fantastique.
Les trucages produits par la machinerie, les effets d'ombre et de lumière, tous les procédés qui donnent aux
spectateurs l'illusion que le réel et le surnaturel se confondent, sont également des éléments baroques.
Ainsi, à l'acte III, scène 5, nous pénétrons avec Sganarelle dans le tombeau du Commandeur que Don Juan tua
en duel quelques mois plus tôt; à deux reprises, la statue qui représente le mort baisse la tête pour répondre à
l'invitation à dîner de Don Juan : « Demande-lui s'il veut venir souper avec moi!» dit le libertin en s'adressant à
son valet. « Ce serait être fou que d'aller parler à une statue!»répond Sganarelle. « Fais ce que je te dis!»
ajoute Don Juan. Sganarelle exécute l'ordre de son maître et l'homme de pierre acquiesce d'un signe de tête.
Dès la découverte de la statue, Sganarelle avait déjà noté: « Il jette des regards sur nous qui me feraient peur, si
j'étais tout seul.!»
La scène mêle le surnaturel à une plaisanterie : Don Juan se promène et il invite une statue à souper ; le
spectateur assiste en même temps que le libertin à la métamorphose de la statue ; l'illusion est renforcée par
l'atmosphère macabre du tombeau ; l'homme de pierre se transforme, il bouge, mais en même temps, c'est un
mort qui s'anime, qui ressuscite. Plus tard, à l'acte IV, scène 8, cette triple dimension baroque -métamorphose,
illusion, confusion totale entre l'imaginaire et la réalité- sera renforcée : la statue du Commandeur viendra dîner
chez Don Juan ; elle entrera dans la maison, marchera, parlera, repartira.
Enfin, à l'acte V, scène 6, la statue apparaît, parle, serre la main de Don Juan, et disparaît avec le libertin ;
l'intervention finale de la machinerie donne à la mort de Don Juan un caractère magique : « Le tonnerre
tombe avec un grand bruit et de grands éclairs sur Don Juan ; la terre s'ouvre et l'abîme ; et il sort de grands
feux de l'endroit où il est tombé." (Molière souligne l'aspect extraordinaire du spectacle par la répétition de «
grand ").
Dès l'acte V, scène 5, cette mort est d'ailleurs annoncée par une apparition : un spectre en femme voilée
apparaît, il s'exprime vraisemblablement avec la voix d'Elvire : « Je crois connaître cette voix!» déclare Don Juan
; le spectre se transforme ensuite pour représenter le Temps avec sa faux à la main ; puis il s'envole lorsque
Don Juan veut le frapper avec son épée.
(Dans La nuit de rois, le fantastique est beaucoup moins présent. Il n’y a aucun événement surnaturel. Mais le
thème de l’illusion est très exploité à travers notamment les jeux de masques et de changements d’identité.)
Le comédien Don Juan - l'hypocrite.
L'art baroque est également une vision théâtrale de la vie : toute démarche banale se transforme en geste de
parade, en acte d'ostentation, en situation spectaculaire. Ainsi Don Juan est un personnage baroque, car
parallèlement à sa dimension scénique spécifique (c'est un rôle qui est interprété sur scène par un acteur), il se
comporte à l'intérieur de la pièce de Molière comme le metteur en scène des autres personnages, ou comme
un comédien qui interprète un numéro de sa composition par exemple quand il fait l’hypocrite à l'acte V,
scènes 1 et 3. On retrouve ici la problématique baroque du theatrum mundi!: cette idée que la vie est une
illusion et que les hommes tiennent des rôles. Le vertige que provoque ces «!mises en scène!» qui se
superposent rend bien compte des interrogations baroques sur la fugacité de la vérité. On retrouve cette
dimension dans la nuit des rois.