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pour
le Collège de F
rance
id
Busy': Louie boxe
10kWacquan4 30 ans, est l'un des plus sûrs espoirs de la sociologiefrançaise selon
Pierre Bourdieu. Pour comprendre le ghetto noir de Chicago, il a enfilé des gants de
boxe. Au Boys Club de Woodlawn, il a gagné son nom de combat: Busy » Louie
uand Curtis Strong, champion de
l'Illinois, montera sur le ring de
Deauville samedi soir pour affronter
le Guyanais Jacobin Yoma, deuxième
boxeur européen dans la catégorie
4
des super-plumes, il y aura trois
hommes dans son coin : Ed Carey,
son manager, James Strickland, son soigneur, et
un drôle de petit Blanc à lunettes et à la coupe de
116
LE NOUVEL OBSERVATEUR /NOTREÉPOQUE
« Busy » Louie à l'entraînement dans la salle de Vitry
cheveux black, le sociologue français Loïc Wac-
quant, dit « Busy » Louie. C'est Curtis lui-même
qui m'a demandé comme homme de coin,
se
réjouit "Busy" Louie. Il a dit qu'il n'accepterait
pas ce combat en France si je n'étais
pas dans
le
coin ce soir-là. »
Dans la salle, Curtis Strong aura
aussi des supporters, son sparing partner
Gary
« Ashante » Moore (« Shante »), « Mighty » Mike
Chears, « Killer » Keith Williams, les deux frères
Maurice et Ricardo Harris et les boxeurs de
l'Entente sportive de Vitry, sans qui ceux de
Chicago, faute de moyens n'auraient pas pu faire
le déplacement. Pour
moyens,
treize victoires,
deux défaites et deux nuls, c'est premier combat
hors des Etats-Unis. Une victoire contre Yoma lui
ouvrirait la voie des dix premiers mondiaux. Pour
Loïc Wacquant, ce sera le point d'orgue d'un
travail sociologique qui a commencé le 6 août
1988, jour où, pour la première fois, il a poussé la
porte du Boys Club de Woodlawn, sur la 63e Rue
du South Side de Chicago.
Début des années 80. Très jeune et brillant
diplômé d'HEC, le Montpelliérain Loïc Wac-
quant ne se sent pas l'âme d'un cadre. Il poursuit
en parallèle des études de sociologie à Nanterre.
Un jour, il assiste à une conférence de Pierre
Bourdieu à PEcole polytechnique : « Question de
politique». C'est le choc:
«Je n'avais rien compris,
mais j'avais senti qu'il y avait là quelque chose
d'important. Je l'ai attendu à la sortie. A 3 heures
du matin, j'étais fixé : c'était bien cela que je
voulais faire. »
Cette année-là, HEC fête son
centenaire. Une plaquette à la gloire de l'école
célèbre l'événement sans l'ombre d'un recul
critique. Loïc Wacquant lui répond par un cin-
glant : « Production scolaire et reproduction
sociale - l'Autre Histoire d'une grande école
(1881-1981) ». Où l'on voit planer l'ombre du
maître...
Par la magie du service national, Loïc se
retrouve bientôt à Nouméa en plein soulèvement
canaque. Une fois de plus, il s'immerge. Sous sa
pression, le programme de recherche prudem-
ment intitulé
e
Changement social dans le Pacifi-
que » devient
e
Reproduction et transformation
d'une société dominée dans le Pacifique». Travail-
lant sans relâche jour et nuit pendant deux années,
il sillonne la brousse et publie deux livres
« l'Ecole inégale » puis
e
Jeunesse canaque et
Coutume ». En 1985, il rejoint à l'université de
Chicago le professeur William Julius Wilson, l'un
des pontes de la sociologie des ghettos.
Le campus de Hyde Park est un îlot blanc
coincé entre la 47
e
Rue au nord et la 61
e
Rue au sud,
où commence le quartier black de Woodlawn. On
ne sort pas du campus. Une police privée pa-
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