Novembre 2015, n°202
INDICIBLE
Ce qui ne peut être exprimé ne peut être écrit…
Elle est là.
Elle rode.
Elle frappe.
Elle aiguise le malheur.
Elle suspend notre mémoire et nos souvenirs.
Elle immobilise notre souffle et fige le silence.
Elle serpente les terrasses de la Belle Equipe et du Carillon.
Elle s’impose au Stade de France.
Elle rugit au Comptoir Voltaire.
Elle jaillit au café Bonne Bière, et au Casa Nostra.
Elle tourmente les trottoirs du Petit Cambodge.
Elle s’acharne sur la scène du Bataclan.
Aujourd’hui mes mots te sont adressés, chère mort du 13 novembre 2015.
Prends garde, on n’oubliera pas.
Les attentats du 13 novembre 2015 en France, revendiqués par l’organisation terroriste de l’Etat
Islamique, dite « Daech », faisant état de 129 morts et de 352 blessés dont 99 en situation d’urgence
absolue, ont plongé le pays et le monde entier dans l’indicible.
Ces attentats sont les plus meurtriers perpétrés en France depuis la Seconde Guerre Mondiale et les
seconds en Europe après les attentats de Madrid du 11 mars 2004.
Des repères de vie pour de nombreuses personnes ont disparu.
A en croire le juge antiterroriste Marc Trévidic : « les jours les plus sombres sont devant nous ».
Mais je m’y refuse. La mort jalouse la vie, elle la traque, elle l’étrangle de peur d’y être séduite.
Crois-moi ma chère mort, nous sommes ta nouvelle terreur…
N’oublie pas que derrière ton arrogance, se cache ta faiblesse, notre force pour nous : la liberté.
Aux mots manquants, nous avons notre chant.
« Tremblez, tyrans et vous perfides
L’opprobre de tous les partis,
Tremblez ! Vos projets parricides
Vont enfin recevoir leur prix !
Tout est soldat pour vous combattre,
S’ils tombent nos jeunes héros,
La terre en produit de nouveaux,
Contre vous tout prêts à se battre ! ».
(Couplet 4 de La Marseillaise)
Chère mort du 13 novembre et des autres jours, je t’adresse ces quelques mots. Ne les oublie pas, ils
feront écho en toi à chaque instant où tu apparaîtras :
« La nuit n’est jamais complète.
Il y a toujours, puisque je le dis
Puisque je l’affirme
Au bout du chagrin
Une fenêtre ouverte
Une fenêtre éclairée,
Il y a toujours un rêve qui veille,
Désir à combler, faim à satisfaire, un cœur généreux
Une main tendue, une main ouverte,
Des yeux attentifs,
Une vie, la vie à se partager ».
(Paul Eluard)
Anne Fauré, Bâtonnier de l’Ordre