RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
Décision n° 06-D-29 du 6 octobre 2006
relative à des pratiques mises en œuvre par le GIE
Les Indépendants dans le secteur de la publicité radiophonique
Le Conseil de la concurrence (section II),
Vu les lettres enregistrées le 19 décembre 2003 et le 9 juin 2004, sous le numéro 03/0091F,
par lesquelles la société Canal 9 a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en
oeuvre par le GIE Les Indépendants dans le secteur de la publicité radiophonique ;
Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence et le
décret 2002-689 du 30 avril 2002 fixant les conditions de son application ;
Vu l’avis du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) en date du 15 juillet 2004 ;
Vu les engagements proposés par le GIE Les Indépendants en date du 6 juin 2006,
modifiés lors de la séance du 12 septembre 2006 et transmis sous forme écrite au Conseil
de la concurrence le 15 septembre 2006 ;
Vu les observations présentées par les sociétés Canal 9 et NRJ, le Groupement des Radios
Régionales de France (G2RF) et par le commissaire du Gouvernement ;
Vu les autres pièces du dossier ;
La rapporteure, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement et les représentants
de la société Canal 9 et du GIE Les Indépendants entendus lors de la séance
du 12 septembre 2006 ;
Le représentant de la société NRG Group étant entendu au titre de l’article L. 463-7 du
code de commerce ;
Adopte la décision suivante :
I. Constatations
1. Par lettres enregistrées le 19 décembre 2003 et le 9 juin 2004, la société Canal 9 a saisi le
Conseil de la Concurrence de pratiques mises en œuvre par le GIE Les Indépendants dans
le secteur de la radiophonie.
2. La société Canal 9 exploite la radio locale Chante France. Le GIE Les Indépendants est un
groupement d’intérêt économique qui a pour principal objet la commercialisation des
espaces publicitaires des radios à zone de diffusion locale ou régionale auprès
d’annonceurs nationaux ou internationaux. Chante France a demandé son adhésion au GIE
au printemps 2000, puis le 6 novembre 2002 et le 9 septembre 2003. Ses demandes n’ont
pas reçu de réponse. Estimant remplir les conditions d’appartenance au GIE, édictées par
celui-ci dans son contrat constitutif et dans son règlement intérieur, et considérant en outre
que l’appartenance au GIE est le seul moyen pour les radios locales d’accéder à la publicité
nationale, Canal 9 a saisi le Conseil de la concurrence des comportements du GIE le
19 décembre 2003. Le GIE a formellement refusé la candidature de la radio plaignante, le
16 avril 2004.
3. Dans sa saisine, Canal 9 critique l’absence d’objectivité et de transparence des conditions
d’adhésion au GIE, ainsi que le traitement arbitraire des candidatures. Ces pratiques
auraient eu comme résultat l’impossibilité de fait pour Chante France d’accéder au marché
de la publicité nationale.
A. LE SECTEUR DE LA PUBLICITÉ RADIOPHONIQUE
1. LES DIFFÉRENTS TYPES DE RADIOS ET LEUR ACCÈS A LA PUBLICITÉ NATIONALE
4. Le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA) classe les radios en cinq catégories :
La catégorie A : services associatifs éligibles au fonds de soutien à l'expression
radiophonique. Relèvent de cette catégorie les radios associatives dont les ressources
commerciales provenant des messages de publicité ou de parrainage sont inférieures
à 20 % de leur chiffre d'affaires. Ces radios ont pour vocation d'être des radios de
proximité, communautaires, culturelles ou scolaires. Radio Courtoisie, Radio Pays, Radio
Libertaire, Radio Soleil font partie des radios de catégorie A émettant à Paris.
La catégorie B : services locaux ou régionaux indépendants ne diffusant pas de programme
national identifié. Relèvent de cette catégorie les radios éditées par des sociétés ou des
associations, dont la zone de desserte couvre une population inférieure à six millions
d'habitants et qui sont indépendantes des réseaux nationaux. Elles ne doivent diffuser le
programme national identifié de ces derniers. Relèvent également de cette catégorie les
radios parisiennes indépendantes des réseaux nationaux bien que la zone de Paris couvre
une population supérieure à six millions d'habitants. Tel est le cas à Paris, de Méditerranée
FM, de Radio J, de Ado FM, de Oui FM, et de Média Tropical. Il convient de souligner la
particularité de la radio Chante France qui, bien qu'appartenant au même groupe que le
réseau national Skyrock, a néanmoins été classée par le CSA en catégorie B.
2
La catégorie C : services locaux ou régionaux diffusant le programme d'un réseau
thématique national. Relèvent de cette catégorie les radios dont la zone de desserte, à
l'inverse des radios de catégorie B, couvre une population de plus de six millions
d'habitants. Elles se caractérisent par la diffusion quotidienne d'un programme d'intérêt
local et, en complément, d'un programme identifié fourni par un réseau thématique à
vocation nationale. MFM Royan, Nostalgie Provence, NRJ Cherbourg appartiennent par
exemple à cette catégorie.
La catégorie D : services thématiques à vocation nationale. Relèvent de cette catégorie les
radios dont la vocation est la diffusion d'un programme thématique (musical,
économique...) sur le territoire national. Elles ne peuvent procéder à des décrochages
locaux. C'est, par exemple, le cas de Fun Radio, Radio Nova, BFM, Skyrock.
La catégorie E : services généralistes à vocation nationale. Relèvent de cette catégorie les
radios dont la vocation est la diffusion sur le territoire national d'émissions qui font une
large part à l'information et offrent une grande diversité de programmes. Elles ont la
possibilité, dans la limite d'une heure, d'effectuer des décrochages destinés à la diffusion
d'informations locales. Les radios RMC Info, RTL et Europe 1 appartiennent à la
catégorie E.
2. LA DISTINCTION ENTRE LA PUBLICITÉ NATIONALE ET LA PUBLICITÉ LOCALE
5. Les autorités de concurrence ont déjà eu l’occasion de se pencher sur le secteur de la radio.
En effet, le Conseil de le concurrence a défini à plusieurs reprises le marché de la publicité
radiophonique (décisions du Conseil de la concurrence n° 93-D-59 du 15 décembre 1993,
96-D-44 du 18 juin 1996, n° 2000-D-45 du 18 janvier 2001, avis n° 94-A-26
du 15 décembre 1994 relatif à la prise de contrôle par la Compagnie luxembourgeoise de
télédiffusion des stations Fun Radio et M40). Le ministre de l’économie, des finances et de
l’industrie, quant à lui, a eu l’occasion de distinguer, au sein du marché de la publicité
radiophonique, entre la publicité nationale et la publicité locale (lettre du 29 mai 1998 au
directeur général de NRJ relative à une concentration sur le marché de l’espace publicitaire
radiophonique).
6. Contrairement à la publicité locale, qui est réservée aux radios de catégorie A, B et C, la
publicité radiophonique nationale est ouverte à tous les types de radios. Cependant, compte
tenu du caractère limité de leur couverture géographique, les radios de dimension locale
n'offrent d’intérêt pour les annonceurs nationaux que si elles se groupent. En effet,
contrairement à la publicité locale, la publicité nationale a vocation à être diffusée sur
l’ensemble du territoire national, sans limitation géographique. C’est dans cet objectif que
le GIE Les Indépendants a été créé.
3. LE MARCHÉ DE LA PUBLICITÉ RADIOPHONIQUE NATIONALE
7. Sur ce marché de la publicité radiophonique nationale, on identifie : du côté de la
demande, les annonceurs et les agences médias (ou centrales d’achat d’espace publicitaire)
auxquelles les annonceurs confient la mise en place de leurs campagnes publicitaires et, du
côté de l’offre, les régies publicitaires.
8. Le secteur de la radio est dominé par quatre grands groupes : un groupe public, Radio
France (France Inter, France Info, Le Mouv’, France Bleu), et trois privés, Lagardère
Active Publicité (Europe 1, Europe 2, RFM), RTL Group (RTL, RTL2, Fun Radio) et NRJ
3
Group (NRJ, Chérie FM, Rires & Chansons, Nostalgie). Cette structure se retrouve dans la
vente d’espaces publicitaires au niveau national, qui est presque exclusivement assurée par
les régies des quatre leaders du secteur : Radio France Publicité, Lagardère Active
Publicité, IP France (RTL Group), et NRJ Régies. Les trois grandes régies privées
détiennent à elles seules environ 90 % du marché.
9. A côté de ces trois grands groupes privés, Skyrégie, qui appartient au groupe Orbus,
commercialise les offres de Skyrock et de Chante France et RMC Régies qui
commercialise les offres de RMC et BFM. Leur part de marché est beaucoup moins
importante que celle des trois grands groupes.
10. L’espace publicitaire radiophonique national des radios du GIE est commercialisé par
Régie Radio Music (RRM), filiale de Lagardère Active Publicité.
11.
ANNONCEURS NATIONAUX
(télécommunications, automobile, cosmétiques, banques, etc…)
|
AGENCES MÉDIAS (CENTRALES) : CARAT 30 %, MPG 30 %, ZENITH
OU RÉGIES PRIVÉES
LAP
30 %
(contrôlée par
Lagardère Active
Broadcast)
IP
30 %
(contrôlée par
RTL Group)
NRJ
30 %
(contrôlée
par Groupe
NRJ)
SKYRÉGIE
8 %
(Groupe Orbus)
RMC RÉGIES
2%
Stations et
réseaux contrôlés
par l'actionnaire
contrôlant la régie
Europe 1
Europe 2
RFM
RTL
Fun Radio
RTL 2
NRJ
Nostalgie
Rire &
Chansons
Chérie FM
Skyrock
Chante France RMC + BFM
(Nextradio)
Stations, réseau
ou groupement
non contrôlés par
l'actionnaire
contrôlant la régie
Radios Autoroutes
GIE Les Indépendants
- Produit "Les
Indépendants"
- Puissance Capitale
Sud Radio
Wit FM
MFM
B. LES ENTREPRISES CONCERNÉES
12. La société Canal 9 exploite la radio locale Chante France. Canal 9 appartient au groupe
Orbus, qui détient par ailleurs Skyrock. Ainsi, le groupe Orbus présente la particularité de
regrouper un réseau à vocation nationale thématique, Skyrock, lequel
exploite 123 fréquences dont 90 environ en catégorie D, et une radio locale de catégorie B,
Chante France. Chante France ne diffuse que de la publicité locale et de façon ponctuelle
de la publicité extra-locale. Pour ceci, elle passe par la régie du groupe Orbus, qui
commercialise également la publicité de Skyrock.
4
13. Créé en 1992, le GIE Les Indépendants a pour finalité d'agréger les audiences de certains
opérateurs radiophoniques de dimension locale afin de fournir une offre d'espaces
publicitaires groupés leur permettant d'accéder au marché publicitaire national. Ainsi,
l'objet social du GIE est limité à cette activité d'intermédiaire entre les radios et la régie. Le
GIE Les Indépendants regroupe l’essentiel de l’audience de la catégorie B (radios locales).
14. Deux statuts existent au sein du GIE, celui de membre et celui d’adhérent : les radios
membres sont responsables sur leurs biens propres des pertes éventuelles du GIE, ont un
préavis d’un an à respecter en cas de sortie du GIE, votent aux assemblées générales
notamment pour l’élection du conseil d’administration, et paient une cotisation ; les radios
adhérentes ne sont pas responsables des actes du GIE, ont un préavis de six mois en cas de
sortie, n’ont pas le droit de vote aux assemblées générales, et paient un droit d’entrée. Le
directeur général du GIE définit les premières comme les "copropriétaires" du GIE, les
secondes comme des "clients".
C. LES PRATIQUES DÉNONCÉES
15. Canal 9 considère que la seule façon pour une radio de catégorie B d’accéder à la publicité
nationale est d’intégrer le GIE Les Indépendants. Or, celui-ci aurait fixé des conditions
discriminatoires d’adhésion au groupement ou les appliquerait de façon discriminatoire.
1. LES CONDITIONS DAPPARTENANCE AU GIE LES INDÉPENDANTS ET AU PRODUIT "LES
INDÉPENDANTS"
a) L’entrée et le maintien au sein du GIE
16. Deux documents émanant du GIE traitent des conditions d’appartenance au groupement :
le "règlement intérieur du GIE" et le "mode d’emploi du nouvel adhérent aux
Indépendants".
Le règlement intérieur
17. Dans l’organisation actuelle, les candidats à l’entrée au GIE n’en ont pas connaissance : le
règlement intérieur s’adresse et s’impose aux adhérents et membres du GIE. S’agissant des
conditions d’entrée au GIE, le règlement intérieur s’impose plus particulièrement aux
membres de l’assemblée générale du GIE puisque celle-ci statue sur les entrées.
18. Les articles 6, 10, 11 et 12 du règlement intérieur définissent les critères que doivent
remplir les radios pour pouvoir être admises au sein du GIE. Seuls les articles 10 et 12
relatifs à l’indépendance sont en cause :
Article 10 – Catégorie de radio : l’article 10 ouvre la possibilité au GIE de faire
entrer en son sein aussi bien des radios de catégorie B (plus spécifiquement
concernées par l’objet du GIE) que des radios relevant d’autres catégories. Le
critère fondateur pour admettre les radios est l’indépendance de celles-ci, qui peut
être appréciée "en particulier, aussi bien sur le plan du capital et des dirigeants que
sur celui des programmes, et ce dans le cadre du pouvoir discrétionnaire attribué à
l’Assemblée Générale des membres".
Cet article octroie donc au GIE la possibilité de faire entrer ou de ne pas faire entrer
un candidat, quelle que soit sa catégorie.
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