BURN OUT, UN MOT À LA MODE ? Conceptualisé il y a 4

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BURNOUT
, UN MOT À LA MODE?
Conceptualisé il y a 4 décennies, le burnout est devenu «à la mode»
depuis quelques années. Le sujet est régulièrement à la une des
émissions de télé ou de radio. Une alerte sur Google, célèbre moteur
de recherche, identi e entre 1 et 4 articles de presse publiés quoti-
diennement en France sur ce thème. Un petit coup de fatigue,
une baisse de moral et tout un chacun se sent de se plaindre à
ses proches ou à ses collègues qu’il a fait un burnout… Le terme
effraie les patrons et les DRH qui se précipitent vers les cabinets
de conseil spécialisés pour demander à ce que leurs salariés soient
formés au plus vite à « prévenir le burnout » ou encore au « bonheur
au travail ». Et comme si cela ne suf sait pas, voici maintenant le
bore out ! Les esprits sceptiques pourraient presque être tentés dy
voir là une nouvelle tactique des consultants, coachs ou autres
psychologues pour mieux vendre leur dernière prestation
Malheureusement cette banalisation dessert les réelles victimes du
burnout. Ellealimente leur sentiment de honte d’être atteint dun mal
un peu ou que certains peuvent associer à de la paresse ou encore
de la faiblesse. La popularisation du concept n’incite pas non plus les
entreprises ou les institutions à une réelle politique de prévention,
beaucoup se contentant de formations de développement personnel,
utiles et appréciées des salariés en général, mais sans pour autant
remettre en cause le fonctionnement et lorganisation du travail.
Pourtant le burnout est un syndrome sérieux, décrit initialement
dans les années 1970 chez les soignants. Les victimes, consirées
auparavant comme des personnes dynamiques, sur lesquelles on
pouvait compter, se disent vidées de toute leur énergie, un peu
comme une batterie qui serait complètement à plat. Les décom-
pensations peuvent être graves, allant jusquau suicide. Pourceux
qui sarrêtent à temps, la reconstruction est longue, plusieurs mois
à plusieurs années. Elle demande un travail sur soi, sur le sens que
l’on donne à sa vie, parfois douloureux mais qui peut s’avérer être
une renaissance.
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2LE
BURNOUT
EST-IL UNE MALADIE ?
Les médecins, psychiatres et psychologues utilisent des classi ca-
tions internationalement reconnues pour classer les maladies comme
le DSM-V (5e édition du manuel diagnostic et statistique des troubles
mentaux rédigé par lAssociation Américaine de Psychiatrie) ou la
CIM-10 (10 édition de la Classi cation Internationale des Maladies
réalisée par l’Organisation Mondiale de la Santé). Dans ces classi -
cations, le burnout nest pas considéré comme une maladie1 en tant
que telle comme le diabète, l’hypertension ou encore pour citer des
pathologies liées au psychisme, la dépression, les troubles anxieux
ou encore les conduites addictives. Les maladies sont en effet reliées
à une ou plusieurs causes précises et les patients présentent des
symptômes bien dé nis qui sont listés. En revanche, le burnout
est un syndrome qui est cité par la CIM parmi les « autres troubles
relevant de la sphère mentale » au même titre que le « stress lié à
l’emploi ». Les syndromes sont dé nis comme des ensembles de
signes cliniques ou de symptômes qui apparaissent plus ou moins
simultanément sans être pour autant reliés à un élément causal
précis. Les spécialistes saccordent généralement pour décrire le
burnout comme un « état d’épuisement physique, émotionnel et
mental qui résulte dun investissement prolongé dans des situations
de travail exigeantes sur le plan émotionnel ». Pour autant, d’un point
de vue pratique, les victimes du burnout sont bel et bien malades
d’une fatigue physique et émotionnelle dune intensité telle quelle
est dif cilement compréhensible à ceux qui ne l’ont pas connue ou
approchée.
1. Le terme maladie sera néanmoins utilisé pour désigner le burnout dans la suite
de l’ouvrage, dans le sens commun de ce terme.
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QUELLE EST L’ORIGINE DU CONCEPT ?
Le concept de burnout désignant un ensemble de symptômes qui
affectait avant tout les soignants est apparu au cours des années
1970 aux États-Unis.
H. Freudenberger, psychiatre et psychanalyste tenait sa consul-
tation chaque jour dans un hôpital de New-York. Après ses heures
habituelles de travail, il recevait également des patients toxicomanes
dans une free clinic et ne rentrait pas souvent chez lui avant 2 heures
du matin. Après de nombreux mois à ce rythme, il avait fortement
maigri, devenait parfois cynique et inattentif aux demandes de ses
patients. À la demande de sa famille, il consentit à prendre quelques
jours de vacances, mais il fut incapable de partir. Il senferma chez
lui et dormit pendant plusieurs jours. Il commença ensuite des
séances d’auto-analyse en s’enregistrant avec un magnétophone.
Ces séances furent pour lui salvatrices et lui permirent de concep-
tualiser le syndrome de burnout.
Le terme burnout était utilisé à lépoque en médecine pour décrire
l’état de patients toxicomanes victimes de l’utilisation excessive
de drogues dures. H. Freudenberger transforma ce concept,
l’employant pour décrire ce qui se passait en lui, mais également
chez de nombreux bénévoles de la free clinic, pourtant motivés par
une cause en laquelle ils croyaient. Burnout signi e en anglais
« s’éteindre, se consumer complètement ». H. Freudenberger  t
la comparaison entre l’état des personnes atteintes et celle dun
immeuble après un incendie : l’intérieur est entièrement vide, même
si lextérieur semble intact.
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4QUELS SONT LES SYMPTÔMES PHYSIQUES
DU
BURNOUT
?
Lensemble des symptômes physiques qui peuvent se manifester lors
d’un burnout sont dits non spéci ques, c’est-à-dire quils peuvent
être dus à de nombreuses maladies. Cela peut parfois rendre le
rapport avec le travail dif cile à établir pour le médecin généraliste,
car la cause « travail » est rarement évoquée en première intention
par le patient lui-même. La personne consulte pour des troubles
du sommeil, des maux de tête, des nausées, des troubles gastro-
intestinaux variés allant des remontées acides systématiques à la
constipation ou diarrhée chronique, des problèmes dermatologiques
(eczéma, psoriasis). Les douleurs du dos, du cou, du coude ou des
épaules (les fameux TMS ou Troubles Musculosquelettiques), les
bromyalgies peuvent également très fréquemment masquer une
souffrance au travail ou un burnout. Le symptôme le plus carac-
téristique du burnout est une fatigue intense qui nest pas ou peu
soulagée par le repos. Même si la personne revient de vacances
calmes et agréables, dès le retour au travail elle se dit « vidée » et
na pas ou peu dénergie pour accomplir les tâches quotidiennes.
Lemédecin fait alors pratiquer des analyses diverses et variées pour
véri er si le patient na pas des carences, une maladie de la thyroïde,
une leucémie… Généralement les analyses se révèlent plus ou moins
normales. Toutefois, à des stades plus avancés, si le candidat au
burnout continue de négliger les signaux dalarmes que sont corps
lui envoie, des pathologies plus graves, telles que des accidents
cardio-vasculaires (infarctus, accident vasculaire cérébral), des
paralysies, des troubles hormonaux peuvent se manifester.
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QUELS SONT LES SYMPTÔMES PSYCHIQUES
ETCOMPORTEMENTAUX DU
BURNOUT
?
La personne en
burnout
ressent un vide énergétique intense qui la
rend vulnérable aux frustrations. Elle n’a plus la capacité de faire face
aux tracas quotidiens, s’irrite facilement, se met en colère pour des
broutilles ou de manière disproportionnée. Elle devient négative et tout
sens de l’humour semble lavoir abandonnée, à lexception de celui
exprimé sur un ton moqueur et méprisant. Pessimiste, elle se trouve
souvent quali ée de « résistante au changement ». Lépuisement
émotionnel peut également se manifester par des crises de larmes
qui semblent sans raison apparente à l’entourage. À un stade avancé,
elle peut devenir incapable de la moindre empathie pour autrui et
se comporter très cyniquement. Une in rmière peut par exemple
considérer « qu’un patient souffre parce qu’il le mérite » ou un chef
d’équipe traiter ses subordonnés comme des pions quil peut utiliser
à sa guise. La violence verbale et parfois même physique peut être
banalisée. La maltraitance quelquefois constatée dans des institu-
tions où l’on devrait prendre soin des autres, comme les maisons de
retraite, les hôpitaux ou les lieux d’accueil du public en dif culté, est
le plus souvent le fait de soignants, éducateurs ou assistants sociaux
en état de
burnout
mais qui continuent pourtant à se rendre chaque
jour sur leur lieu de travail, comme robotisés. Peu à peu, la personne
en
burnout
se désinresse ainsi de son travail, se désengage et en
arrive à manifester un désintérêt global et une perte d’estime de soi
qui sont une porte ouverte vers une dépression sévère. Les victimes
de
burnout
peuvent aussi se sentir extrêmement anxieuses et pour
« tenir le coup » se tournent vers diverses substances (alcool, drogues,
médicaments) : excitants le matin (café, boissons énergisantes, etc.)
et relaxants le soir (alcool, anxiolytiques). Chaque jour un peu plus,
les voilà pris dans la spirale des addictions. Chez certains patients,
la décompensation1 du
burnout
peut se manifester sous forme d’épi-
sodes délirants nécessitant une hospitalisation.
1. En psychologie, certaines pathologies sont dites compensées. Elles existent en
effet de manière latente mais napparaissent pas du fait de défenses propres à
chacun. Lorsque cet équilibre est rompu, les symptômes apparaissent et on parle
alors de décompensation.
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