"LES SOLILOQUES DE MARIETTE" REVUE DE PRESSE 2010 Dimanche 7 novembre 2010 "Alors moi, c'est pas un conseil, c'est presqu'un ordre (que je vous donne) tellement ce spectacle est merveilleux ! C'est "Les Soliloques de Mariette" ! C'est une comédienne qui s'appelle Anne Danais, qui est merveilleuse, qu'on ne connaissait pas à Paris pratiquement, elle est dans les Deux-Sèvres, en Charente-Poitou, et elle a eu l'idée géniale d'abouter les monologues de Mariette qui est la bonne dans Belle du Seigneur, la bonne d'Ariane. Et c'est une idée formidable parce que dans sa cuisine, tout en écossant les petits pois, tout en faisant le café, tout en ravaudant, elle raconte ce qu'elle entend, ce qu'elle perçoit des amours de sa jeune maîtresse avec Solal et c'est une façon indirecte de nous raconter cette histoire. C'est pro-di-gieux !!! C'est vraiment une grande émotion théâtrale. Alors c'est au Petit Montparnasse à 19h. Jacques Nerson "Ce commandement de Jacques Nerson, vous le retrouver sur le site du Masque et la Plume sur franceinter.com" Jérôme Garcin Théatre Pièce de théâtre : " Les Soliloques de Mariette "d'Anne Danais Extraits de " Belle du Seigneur " d'Albert Cohen. Au Petit Théâtre Montparnasse 31 rue de la Gaité Paris 14° Tél.: 01 43 22 77 74 L'avis de Gérard Bensaid Albert Cohen ? un monument. « Belle du Seigneur » ? Un chef d’œuvre. Il devenait alors tentant de viser à en extraire des passages pour en faire une pièce de théâtre ou tout autre spectacle vivant. En composant bien évidemment, peut être pas une intrigue au sens habituel du terme mais une histoire , une tranche de vie commune de certains des protagonistes du roman : depuis l’enfance de la belle Ariane jusqu’à la retraite de la préceptrice Mariette en passant par l’adolescence d’Ariane , son mariage, sa vie de couple et son divorce ; l’accent est mis dans la pièce sur les relations mère (adoptive) / fille ( supposée adoptée suivant les besoins de la cause ) . C’est Anne Danais qui, aimant tellement le roman, en a extrait Les Soliloques. Noble idée qui aurait pu donner naissance à quelque chose de lourd et de terne tant cette apparait comme difficile à mettre en œuvre. Dans les faits pas du tout : l’attention est maintenue constante malgré (ou grâce, c’est selon chacun) un phrasé en langue française, certes, mais transformée en parler « peuple », celui d’une domestique au langage plus proche d’agriculteurs de la France profonde (les Deux Sèvres) que de fonctionnaires de la Société des Nations… Le texte est d’Albert Cohen, l’accent pour le dire est d’Anne Danais. On rit peu mais on sourit beaucoup car Mariette a une vision tellement personnelle des choses et des événements quand elle veut nous persuader par exemple qu’elle est la mère adoptive d’Ariane ; elle a son franc parler, essaie de nous manipuler, distillant ses indiscrétions en fonction de son seul intérêt. Les Soliloques, une pièce dans le roman ; une originalité pour sûr ; un genre qu’il faut encourager en tout cas, car in fine il donne envie de lire ou de relire l’œuvre complète d’Albert Cohen et de le remercier une nouvelle fois. G.B. CultureCie fait sa comédie "Le théâtre n'est fait que pour être vu." Molière « Les Soliloques de Mariette » : Anna Danais nous a à la bonne ! Le pavé et chef d’œuvre d’Albert Cohen « Belle du Seigneur » est présenté au Petit Montparnasse par le petit bout de la lorgnette, à travers le personnage le plus insignifiant du roman. Au final, un spectacle délicieux, bougrement intelligent, foncièrement humain et mené par une comédienne qui semble avoir trouvé le rôle de sa vie. A savourer sans modération. Par Franck Bortelle C’est un culte légitime que vouent de très nombreux admirateurs à « Belle du Seigneur » le chef d’œuvre d’Albert Cohen. Sur plus d’un millier de pages qui se consument dans une frénésie de lecture qu’envieraient bien des auteurs de polars, le romancier livre un constat vitriolé sur le monde diplomatique, auquel succède une introspection de la passion destructrice d’une femme (Ariane) pour son amant (Solal). Renforcée par le ton ironique à force de décalage dans la première partie (ah ces pages jubilatoires où est décrite la journée d’un diplomate boursoufflé d’importance mais n’ayant strictement rien à faire !), l’écriture confine au sublime.! Elle se fait plus empathique dans les rapports de force des deux amants, sans perdre bien sûr de son style à la fois nerveux et délié. Moins aptes à susciter un quelconque souvenir, de courts chapitres, dans un style en totale rupture avec le reste du roman, parsèment le propos : les fameux soliloques de Mariette, la femme de chambre d’Ariane. Cohen fait parler cette femme comme la paysanne qu’elle est, ce qui au milieu d’un océan de chapitres des plus stylisés, déroute. Déroute parce que ce langage se prête moins à une lecture silencieuse qu’à un exercice qu’induit son potentiel oral, déroute aussi, à cause de l’absence totale de ponctuation du texte. L’ombre de Mirbeau C’est cette dimension orale qu’Anne Danais fait vivre sur la scène. Et le miracle qui pouvait sembler improbable à la lecture, se produit au-delà de toutes les attentes. Cette petite bonne, quasi sœur jumelle, avec soixante-dix ans d’écart, de la femme de chambre du génial Mirbeau, livre ses états d’âme. Avec ses mots du terroir, ses néologismes où se mêlent dyslexie, approximations sémantiques et un langage plus fleuri qu’un chant de marguerites au printemps. Tout en astiquant son argenterie, Mariette va s’adresser à nous, nous faire part de ses inquiétudes à l’endroit de la belle Ariane, qu’elle voit malheureuse en amour avec son pâle époux et dont elle devine, fine mouche, la liaison naissante avec Solal. Peu instruite mais loin d’être idiote, elle nous dresse à sa manière un état du monde ô combien pertinent. La mise en scène d’Anne Quesemand va prendre appui sur la comédienne. Anne Danais est Mariette. Dès son entrée en scène, on y croit, on est avec elle, dans sa cuisine et on savoure toutes ses vérités. Et si un soupir d’admiration s’empare du public lorsque, pas bégueule, elle nous montre cette argenterie rutilante qu’elle a briquée devant nous, c’est bien parce que la symbiose avec la salle est totale. Quelques rires ça et là parcourent l’assistance. Pas ce rire condescendant dont on accorde l’obole à ces personnages sacrifiés par la tristement célèbre « raffarinade » (cette « France d’en bas ») mais des rires francs car Mariette est résolument drôle. Et Anne Danais lui prête son talent, sa générosité, son savoir jouer avec un naturel déconcertant. On réussit bien vite à oublier ces longues phrases dont « Belle du Seigneur » regorge et qu’on n’entendra pas ici. Mariette et Anna sont là pour ça. Leur rencontre, tellement évidente qu’elle semblait programmée, est de celles qu’on ne doit pas manquer. Moi, mon mari, mes emmerdes Les soliloques de Mariette Q Mariette est le nom de la domestique de la jolie Ariane de « Belle du Seigneur ». Dans ce chef-d’œuvre d’Albert Cohen, tout un passage lui est consacré. Posant un regard extérieur à la passion sublimée entre Ariane et Solal, la vieille dame a du mal à comprendre cette relation : « Si c’est ça l’amour, moi j’en veux pas. » Gommant les deux tourtereaux, Anne Quesemand, à la mise en scène, et Anne Danais, à l’interprétation, se sont concentrées sur Mariette : son ouvrage, son travail, ses patrons, sa vision du monde, de la société… C’est une parfaite réussite, sauf qu’à la fin on perd sa colère face à « tout ce cinéma » entre Madame et Monsieur. On pardonne, tant Anne Danais incarne à merveille cette brave femme pleine de bon sens, au parlé direct et qui n’utilise jamais les bonnes expressions. Le travail sur le phrasé et l’accent, comme sur le physique, la démarche et les costumes, est formidable. Anne Quesemand a choisi le réalisme tant dans le décor, une cuisine à l’ancienne, que dans les actions, où on la voit nettoyer l’argenterie… On oublie Ariane et le beau Solal, pour n’être qu’avec Mariette, sorte de Bécassine cocasse et touchante. Si je t’attrape, je te «mort» ! L Les bons cons font les bons amis 1, 2, 3 souvenirs U Les plateaux d’humour de L’autruche rebelle.tv U Beethoven délire inside M M-C.N. Petit Montparnasse. Voir page 34. Les cocottes se soignent U Salle Michèle Laroque Christian Legal « 100 voix en l’air » C Aurélia Decker dans « Je crois qu’il faut qu’on parle ! ». E Attention au départ ! E A la folie, pas du tout («Putain de week-end»). © Wikispectacle U Olivier Maille dans « Jusqu’ici tout va mal ». L 40 Pariscope semaine du 10 au 16 novembre ■ ■ Les Soliloques de Mariette sept 28, 2010 Lucidité, humour et renoncement : voici Mariette qui nous parle. Albert Cohen reçut le Grand Prix de l’Académie Française pour son roman Belle du Seigneur, paru en 1968. A l’origine de ce spectacle, c’est le coup de foudre d’Anne Quesemand pour la lecture vivante d’Anne Danais, passionnée par le personnage de Mariette, la domestique de la belle Ariane. Une œuvre lyrique dont l’écriture fit merveille autant qu’elle étonna : des monologues décousus, sans ponctuation, un « tourbillon de mots » avec lesquels Mariette soliloque. Durant une heure vingt, celle-ci, toute à ses besognes, comme « briller » l’argenterie, se faire du café, coudre, lisser son accroche-cœur, témoigne de ce qu’elle voit de sa place de domestique –et elle voit tout ! – des figures qui l’entourent ; multiplie les anecdotes, livre ses réflexions sur le monde. Sa sœur tient une grande place dans son cœur. Elle chante aussi pour se donner du cœur à l’ouvrage (parlez-moi d’amour), en trottant dans sa cuisine. Elle conserve une tendresse indéfectible pour Ariane qu’elle a vu grandir, et progressivement, son errance verbale fait place aux récits de l’évolution d’Ariane, amoureuse tragique de Solal, son bel amant. Ce faisant, Mariette égrène les peines que lui procurent son comportement nouveau. Les réflexions de cette femme simple, elle les énonce avec son langage teinté d’un accent –et cela mérite d’être signalé : l’accent des Deux-Sèvres, héritage des grands-parents de la comédienne. Dans son flot de paroles, son vocabulaire imagé et ses expressions cocasses nous font rire. Le rythme musical qui s’en dégage est « l’essentiel du travail de la comédienne et le souci premier de la direction d’acteur », souligne le metteur en scène, A. Quesemand. Jamais théâtrale, la gestuelle de Mariette reste modeste, authentique et ses menues activités n’entravent jamais son monologue. Quelle justesse aussi dans le ton, la diction, pour dire un texte aussi particulier ! A elle seule elle crée son petit univers –grand dans sa tête, celui d’une domestique qui s’est toujours dévouée à ses maîtres, tout en s’effaçant. A. Quesemand a utilisé les précieuses indications d’Albert Cohen dans son roman, pour « nourrir la mise en scène » et « dessiner une silhouette ». Les tâches de Mariette permettent de dégager la chronologie des monologues qui, comme dans le roman, s’étale sur plusieurs années. Quatre tableaux de durée inégale marquent les étapes. Le travail sur la lumière est révélateur : au gré des humeurs de Mariette, elle est claire et chaleureuse, puis, se fait froide lorsque le personnage témoigne, toujours de façon comique dans son parler, de la tragique passion de la Belle du Seigneur. Il faut à tout prix aller voir cette pièce, fruit d’une belle collaboration enthousiaste entre le metteur en scène et la comédienne qui excelle à jouer des rôles de domestiques (Célestine du Journal d’une femme de chambre, les Bonnes…). Son choix judicieux des extraits, est représentatif de l’écriture propre à l’auteur. Anne Danais assure la direction de La Maison du Chat Bleu créée en 2002, association à vocation culturelle en milieu rural : théâtre, chant, poésie, expositions… à St Salvinien en Charente Maritime. Anne-Marie Watelet LE SNES 21 novembre 2010 Actualité théâtrale Au Petit Monparnasse "Les soliloques de Mariette" extraits de "Belle du Seigneur" d’Albert Cohen. Mise en scène Anne Quesemand 22 octobre 2010 Anne Danais, la comédienne qui interprète le personnage de Mariette entretient depuis plus de vingt ans une relation passionnée avec "Belle du seigneur" d’Albert Cohen (ouvrage commencé dans les années 30 et publié en 1968) et le personnage de la servante l’a séduite dès la première phrase lors de la première lecture. Elle qui avait incarné au théâtre la Célestine de "Journal d’une femme de chambre", la servante de "Mademoiselle Julie" ou dirigé une mise en scène des "Bonnes" nourrit très tôt après sa "rencontre" avec le texte, la certitude qu’elle jouerait ce personnage et ce texte magnifique qui lui semblait avoir été écrit pour être dit. Mariette est la bonne d’Ariane. Elle revient en "dépannage" dans cette maison où elle a servi pendant de nombreuses années la tante d’Ariane. Elle a connu "Madame" bébé, l’a longtemps tutoyée. Maintenant elle la vouvoie, lui voue une grande affection qu’elle pense réciproque, et reste impuissante devant les mélancolies de sa maîtresse qu’elle attribue au mauvais mariage qu’elle a fait avec un homme haut placé mais certainement piètre amant… Jusqu’au jour où arrive un télégramme qui met "Madame" en joie. Anne Danais est Mariette avec toute cette douceur et cette rudesse qu’elle doit à ses origines paysannes. Elle a du bon sens et remédie à sa grande solitude comme elle peut, en servant avec beaucoup de dévouement et en mettant un point d’honneur à donner toute sa "brillance" à l’argenterie. Les expressions de Mariette dans le volumineux livre d’Albert Cohen ont été gardées intactes, dans le style quasi-parlé de ces passages en 4ème partie, et Anne Danais les a teintés de l’accent des Deux Sèvres dont étaient originaires ses grands parents. Une mise en scène discrète, quelques éclairages tout simples soulignent une interprétation subtile toutes en légères ruptures de ton qui rendent à Mariette son humour, sa nature espiègle, son franc parler mais aussi les moments où elle cède au découragement, à la monotonie de la vie et à cette solitude qui l’oblige à se parler à elle-même et à trouver dans une pause-café une joie simple et revigorante. Notre collègue Anne Quesemand, qui signe la mise en scène, est l’auteur de nombreux textes de spectacles, de plusieurs livres pour jeunes, et d’un ouvrage savoureux sur les figures de style de la langue française "Elles sont tropes" (voir notre présentation en 2007). Nous avons salué dans l’Us la plupart de ses créations avec sa Compagnie du Théâtre à Bretelles, qui a collaboré à cette nouvelle création de même que le Théâtre de la Vieille Grille… Lieu pittoresque qu’elle a repris (lorsqu’elle a quitté l’enseignement), avec son complice Laurent Berman, en s’associant avec des musiciens afin de poursuivre le travail de Maurice Alezra, qui créa ce petit théâtre en 1960 au cœur du quartier latin, à côté de la place Monge [1]. C’est à la Vieille Grille que la compagnie Théâtre à Bretelles présenta dès 1996, "Métamorphoses d’une mélodie", inspirée d’une nouvelle de Peretz, où une petite mélodie gaie et nostalgique à la fois, se transforme en parcourant le monde, les cultures et les évènements du siècle (voir http://theatre.bretelles.free.fr/)… L’empreinte musicale se retrouve dans "Les soliloques de Mariette" avec de petits airs et chansons qui marquent les transitions et les ellipses de temps (ou de passages du livre qui ne comportent pas la présence de Mariette). "Les soliloques de Mariette" est l’un de ces petits spectacles magnifiquement concoctés, réjouissants, que nous offrent des petits théâtres soucieux de qualité et d’originalité. Le public applaudit à tout rompre et l’ovation est largement méritée. Francis Dubois et Philippe Laville [1] S’y joue actuellement, les 25,27, 30 et 31 octobre, puis 3,6,7 et 13/11, une autre création d’Anne Quesemand "Meliès, cabaret magique" ; au 1 rue du puits de l’Ermite 75005, 01 47 07 22 11 – Toute la programmation sur http:// www.vieillegrille.fr/tiki-index.php Sapho chante Léo Ferré LES SOLILOQUES D E MARIETTE Théâtre du Petit Montparnasse (Paris) septembre 2010 Monologues dramatiques extraits du roman "Belle du seigneur" de Albert Cohen, dits par Anne Danais dans une mise en scène de Anne Quesemand. Tandis qu’elle essuie l’argenterie avec application ou boit son café avec délice, Mariette parle. Elle commente à sa façon la vie d’Ariane, sa maîtresse, qu’elle a vu grandir et qu’elle aime comme sa fille. L’œil malicieux, avec beaucoup de simplicité et de bon sens, elle raconte une vie de domestique, en s’interrompant parfois pour chanter l’amour. Ceux qui ont lu "Belle du seigneur" retrouveront dans "Les soliloques de Mariette" la langue d’Albert Cohen qui, dans la bouche de Mariette, est fleurie, drôle et poétique. Anne Danais a choisi d’interpréter tous les passages de Mariette, extraits du chef d’œuvre de Cohen. Elle tient la scène sans esbroufe mais au contraire en restituant de l’intérieur l’âme de cette bonne attachante au franc-parler, légèrement dyslexique et accommodant à sa sauce les expressions usuelles. Sa prestation pleine d’humanité nous la rend si proche qu’à la fin, on a l’impression de l’avoir toujours connue. La mise en scène d’Anne Quesemand, sobre, donne encore un peu plus d’évidence à ce spectacle merveilleux et émouvant. Nicolas Arnstam www.froggydelight.com Les Soliloques de Mariette Les Soliloques de Mariette, extraits de Belle du Seigneur d’Albert Cohen Avec Anne Danais, mise en scène : Anne Quesemand. Lisant et relisant ce livre intense vous êtes-vous senti comme emporté par une vague dévastatrice ? Vous n’êtes pas le seul . La comédienne qui habite ces Soliloques vous accompagne, elle qui respectant toujours le texte de Cohen s’est faufilée puis nichée au creux de cette saga pour en tirer sa partition, et y devenir Mariette servante de Madame Ariane, la Belle. Disons vite la jubilation que nous a procuré ce spectacle à comédienne unique, alors que tant de one-woman shows prétentieux ont racolé à tout va ces dernières saisons. Ici rien de gratuit ou d’approximatif, tout est minutieux et généreux. Dans un décor pertinent pour cuisine d’autrefois : tabouret, tablette ou desserte et vraie table de travail, la comédienne ressuscite une époque. Elle replie la toile cirée qui protège la table, y installe une nappe, après avoir interminablement poli une ‘ménagère’ traditionnelle avec des dizaines de couverts. Elle s’habille, se chausse comme il faut pour sortir, chante, sort, rentre, remet sa tenue de servante stylée avec tablier blanc, empoigne un ancien moulin à café et le fait grincer, répare une tasse à l’aide d’une vraie bonne colle. Mais quand elle ne fait que raconter, ses gestes authentiques retrouvent leur liberté . Mariette est perspicace, curieuse sans l’être de façon malsaine, astucieuse, compatissante, réaliste. Mais à chaque fois qu’elle entreprend une tâche, elle la mène à bien. Madame-sa patronne a eu une vie sentimentale avec amours vrais et drames authentiques. La vieille Mariette : «… qu’elle a toujours été vieille » comme elle l’assure, est une veuve qui a eu son épisode fibrome, a été une nounou pour sa patronne . En veine de confidences elle avoue : « des livres ? j’en ai lu un. » Celle qui a résidé en Suisse à cause de sa maîtresse, philosophant, elle égrène : « les pasteurs, la protestance, l’honnêteté, la tolérance ». Elle pèle une pomme, à l’aide d’un couteau redoutable, la coupe en quartiers, la mange, et puis elle danse et chante encore. Cette fois c’est « Parlez-moi d’amour » . Truculente, ayant adopté un accent du genre charentais, elle écorche aussi les mots, parle de térégrammes et de sacrofages, mais quand sa patronne a décidé d’aller vivre sur la Côte d’Azur, Mariette avoue ne pas avoir aimé « le bruit de la mer » parce que « c’est triste toute cette eau de la mer en hiver ». La fin ? Applaudissements, rappels et bravos d’un public emballé par la qualité de ce spectacle donné au Petit Montparnasse et que vous n’aurez aucune excuse à ne pas courir voir. Marie Ordinis - 8 octobre 2010 http://marieordinis.blogspot.com/ Théâtre Par Corinne Denailles Les Soliloques de Mariette d’après Albert Cohen La servante au grand coeur Paris- Théâtre Montparnasse La tentation de représenter l’œuvre d’Albert Cohen au théâtre a tenté plus d’un metteur en scène qui, sourds aux avertissements de l’auteur qui disait lui-même de son œuvre qu’elle est faussement théâtrale, s’y sont généralement cassé les dents, excepté Jean-Louis Hourdin dont le magnifique spectacle, Des babouins et des hommes, avait su éviter de prendre l’œuvre au pied de la lettre et en avait donné une très belle évocation poétique. Et voici que, grâce à Anne Danais et à la metteur en scène Anne Quesemand, sur un mode tout différent, un pan entier de l’œuvre nous est offert par l’entremise de Mariette, la bonne de la belle Ariane, sa nounou, celle qui l’a élevée et qui, dans sa solitude, l’aime comme sa fille. Ce petit miracle est admirable à plus d’un titre. D’abord parce que le pari est audacieux. En effet, si les personnages d’Albert Cohen sont hauts en couleur et les situations infiniment cocasses, la nature profonde de ses livres est absolument romanesque et ne livre ses richesses que dans le face à face intime avec le lecteur à l’écoute de la voix du narrateur qui tire toutes les ficelles. La théâtralité du style est éminemment littéraire. Même le cinéma, séduit par la faconde des oncles et cousins de Céphalonie dont l’auteur fait des descriptions imagées irrésistibles, a échoué à s’emparer de la tribu des Valeureux. Et voilà que c’est par la voix d’une figure apparemment secondaire que Belle du Seigneur trouve sa place sur une scène. Seule la petite voix de Mariette, au cœur de cette œuvre monumentale, pouvait se frayer un chemin jusqu’à la scène. Bien sûr, si l’on veut chicaner, on pourrait dire qu’on n’a là qu’un fragment, qu’il ne s’agit que d’un fil tiré qui n’entraîne pas toute la pelote de cet univers complexe qui ne se réduit pas à la folle passion tournoyante entre Ariane et Solal. Mais peu importe, car on ne peut imaginer que les spectateurs qui ne connaîtraient pas Belle du Seigneur (et Solal, l’indispensable entrée dans l’œuvre) ne se précipite pas chez leur libraire à l’issue du spectacle. La voix de l’auteur Mariette est un mélange de la Françoise de Proust (l’écrivain que Cohen admirait peut-être le plus) et de la Toinette de Molière. Comme chez Molière, la domestique est en partie le porte-parole de l’auteur, celle qui a les idées claires, le bon sens paysan et le jugement sain, qui n’a pas la langue dans sa poche et ne l’envoie pas dire. Du fond de sa cuisine où elle brille l’argenterie ou épluche les légumes, elle observe le monde et a des points de vue sur tout, sur sa maîtresse, « la chameau » qu’elle déteste et son Didi qui ne mérite pas d’avoir épousé la déesse Ariane ni de « lui faire sa combine dans le lit », mais aussi sur les gouvernements, sur les richesses du monde mal partagées. Quand elle défend l’idée d’une seule religion, plutôt la juive qui n’a qu’un seul Bon Dieu mais l’ennui « c’est que c’est quand même des juifs », ou sa conception de l’amour qui doit être partage de tous les moments de la vie, même les plus intimes, on reconnaît la voix de l’auteur. Soyons clair, Anne Danais est Mariette. Vêtue d’une sobre blouse gris-bleu, les cheveux gris agrémentés d’un coquet « crochon », elle donne à Mariette un discret accent de sa région des Deux-sèvres. La comédienne, qui nourrit une relation amoureuse avec l’œuvre de Cohen depuis vingt ans, a vite perçu que seule Mariette pouvait passer la rampe. Elle a extrait les quelques monologues écrit dans un style si particulier, un fleuve de mots souvent joliment estropiés, sans ponctuation ou presque, une parole incroyablement vivante qui dit toute la solitude de ce personnage de l’ombre élu par l’auteur. C’est donc en une succession de tableaux que Mariette nous fait pénétrer dans le monde d’Ariane. Elle nous apprend tout d’elle ou presque de son enfance, son mariage et sa rencontre avec Solal, l’adoré, le seul, l’unique. Chaque tableau se conclut sur une chanson d’amour, fort bien interprétée (Anne Danais est aussi auteur-compositeur-interprète), Parlez-moi d’amour, les grelots de l’amour les colliers de la vie. Elle rentre par une porte, sort par l’autre sur un petit pas de danse, en toute simplicité. Aucun effet théâtral, la sobriété de son jeu laisse le style s’épanouir, avec ses exubérances et ses excès, ses traits d’esprit. On se régale de la truculence d’une langue audacieuse et généreuse qui profite de la situation pour prendre toutes les libertés avec la syntaxe et le lexique, de la « mérancolie » au « bouc commissaire » en passant par la « friture d’amour ». Mariette parle toute seule pour se tenir compagnie. On pense à Cohen qui parle tout seul pour se consoler de la haine. comme tous les solitaires elle s’adresse à un interlocuteur imaginaire et on est presque content pour elle que, grâce au théâtre, elle ait enfin trouvé quelqu’un qui l’écoute, en chair et en os car elle le mérite bien. Ce petit bijou créé au festival d’Avignon Off méritait bien d’être repris à Paris pour une seconde vie. Saluons au passage le théâtre Montparnasse pour ce choix de programmation hors des sentiers battus. Les Soliloques de Mariette, d’après Belle du seigneur d’Albert Cohen, mise en scène Anne Quesemand, avec Anne Danais. A partir du 25 septembre du mardi au samedi à 19h, dimanche à 15h, au Théâtre Montparnasse, 31 rue de la Gaîté, 75014 Paris. Tél : 01 43 22 77 74. © Léo Danais Les Soliloques de Mariette, d’après Albert Cohen Mariette! ? C’est la domestique des Deume, et surtout, celle qui a suivi Ariane d’Auble depuis son enfance jusqu’à sa vie d’épouse non-épanouie. Tirés textuellement du roman d’Albert Cohen, Belle du Seigneur, ses soliloques mêlent à ses petits soucis quotidiens le dessous des humeurs de sa maîtresse. Seule, dans sa cuisine, elle s’adresse à un auditoire imaginaire, se croyant tantôt au confessionnal, tantôt au coin de la rue en discussion avec une de ses semblables. Elle confie ses observations, sur Didi, ou sur les bains d’Ariane et les «! térégrammes! » qu’elle reçoit. Rien n’échappe à son œil curieux, et elle se situe véritablement comme un personnage omniscient. Ainsi, elle relate dans son propre langage, nourri de cuirs et de pataquès, qu’il y a «! anguille sous cloche! », et qu’il doit bien y avoir une raison pour laquelle sa chère maîtresse ne veut plus rien avaler. Certes, sa santé l’inquiète, mais pas autant que tous les plats qu’elle a cuisinés et qui seront gâtés si elle-même ne les engloutit pas. Dans son univers de domestique, elle s’active tout en bavardant, pour faire briller l’argenterie, pour raccommoder un tissu ou pour arranger un bouquet. Ses mains tortillent sans cesse son torchon, et sa frénésie à tout nettoyer montre bien qu’elle se sent touchée par un tas de choses. Par fidélité, elle suit Ariane, dans sa fuite avec Solal. Mais ce qu’elle croyait être une bonne chose pour sa protégée n’est en réalité que le leurre d’une illusion grotesque. Leur conception de l’amour pur ne lui plaît pas, et elle préfère rendre son tablier que devoir supporter tant d’hypocrisie. Finalement, c’est peut-être elle la voix de la sagesse dans tous ses tourbillons de sentiments. En cela, elle entre directement dans la lignée de la Nicole de Molière, qui tourne en dérision et s’effraie des folies de Monsieur Jourdain. Si elle ne fait pas progresser l’action, ses commentaires l’éclairent et ouvrent des perspectives. Cette fois-ci, elle s’apparente au Jardinier de l’Electre de Giraudoux. Dans son lamento qui marque une pause dans la tragédie, il se place à la frontière du drame et du public et se fait le porte-parole de l’auteur. Enfin, comment ne pas penser à Françoise, que le narrateur proustien ne cesse d’observer pour la richesse que son langage maladroit révèle. Ses propos, à elle aussi franches et abrupts, sont un ancrage dans la réalité la plus profonde. Anne Danais propose une performance riche en échos, et la justesse de son jeu et de son parler réjouit. C’est une merveilleuse façon de réapprocher Belle du Seigneur et de revenir à l’oralité d’origine de Cohen, dictant son roman à sa dactylographe. F. La Parafe - 12 octobre 2010 www.laparafe.fr