INFORMATION TO USERS This manuscript has been reproduced from the microfilm master. UMI films the text directly from the original or copy submitted. Thus, some thesis and dissertation copies are in typewriter face, while others may be from any type of computer printer. The quality of this reproduction is dependent upon the quality of the copy submitted. Broken or indistinct print, colored or poor quality illustrations and photographs, print bleedthrough, substandard margins, and improper alignment can adversely affect reproduction. In the unlikely event that the author did not send UMI a cornpiete manuscript and there are missing pages, these will be noted. Also, if unauthorized copyright material had to be removed, a note will indicate the deletion. Oversize materials (eg., maps, drawings, charts) are reproduced by sedioning the original, beginning at the upper left-hand corner and wntinuing from left to right in equal sections with small overlaps. 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Bell & Howell Information and Leaming 300 North Zeeb Road, Ann Arbor, MI 48106-1346 USA 800-521-0600 JEAN-PIERRE NDONG OWONO LE CAPITAL INTERNATIONAL ET LES INÉGALITÉS SOCIOECONOMIQUES DANS L'ESSOR DE L'INFORMEL URBAIN AU GABON Thèse présentée a la Faculté des études supérieures de l'université Laval pour l'obtention du grade de Philosophiae Doctor (Ph.D.) Département de Sociologie FACULTE DES SCIENCES SOCIALES LNVERSITÉ LAVAL Q&BEC Q Jean-Pierre Ndong Owono, 1999 (91 of Canada National Library Bibliothèque nationale du Canada Acquisitions and Bibliogaphic Services Acquisitions et semices bibliographiques 395 Wellington Street Ottawa ON K 1A ON4 Canada 395, rue Wellington Ottawa ON K1A ON4 Canada Yout A k Votre relerence Our #i Notre &relorence The author has granted a nonexclusive licence ailowing the National Library of Canada to reproduce, loan, distribute or seil copies of this thesis in microfonn, paper or electronic formats. L'auteur a accordé une licence non exclusive permettant à la Bibliothèque nationale du Canada de reproduire, prêter, distribuer ou vendre des copies de cette thèse sous la forme de microfiche/film, de reproduction sur papier ou sur format électronique. The author retains ownership of the copyright in this thesis. Neither the thesis nor substantial extracts fiom it may be printed or otherwise reproduced without the author's permission. L'auteur conserve la propriété du droit d'auteur qui protège cette thèse. Ni la thèse ni des extraits substantiels de celle-ci ne doivent être imprimés ou autrement reproduits sans son autorisation. L'impasse du développement dans ie Tiers-monde ne serait-elle pas une conséquence logique du procès d'industrialisation tel qu'ii a e t i amorcé dans ces pays ? La problématique du développement des activités informeiies au Gabon permet d'interroger les modalitk d'insertion du pays dans l'économie madiale et la gestion de l'État Dans cene optique, l'analyse des causes de l'infoxmel renvoie, d'une part, à la divergence d'intérêts entre les entreprises m u l ~ o n a l e set 1 û pays sousdéveloppés; et d'autre part, a i'amissement des inégalités de répartition des ressources en faveur des minorités dirigeantes a au détriment de la majorité des populations. L'essor des activités informeiies au Gabon ne Seraitde pas la résultante d'une économie exmaive vouée à l'exportation et qui trouve ses limites dans une faible capacité de création d'emplois ? La pauvreté persistante, a8gravée par la crise économique que vit le pays depuis le rnüieu des années 1980, sollicite égaiema la réflexion sur t'accroissement des d ' M q u e noire. (t stratégies de a m i e informelies » dans le pays le plus riche La présente étude a une base théorique, dont le but est de saisir les fondements de l'informel urbain au Gabon. Les théones sur ce rhème évoquent principalement l a dinicultés inhérentes au processus de modernisaOon des sociétks sous-développées. L'analyse économique examine, avec les thèses & la transition, les difncultés d'insertion dans le salariat moderne des migrants urbains. L'approche sectorielle souligne la formation, dans les économies sousdéveloppées, de deux secteurs d'activités distincts: le formel et l'informel. Le premier procède d'une gestion rationnelle de l'économie, alors que second se caractérise par l'inorganisation, voire I'illégaiiîé. Une dichotornisation & l'économie remise en cause par I'approche systémique, qui voit dans I'idonnel une forme de production soumise au capital qui la contrôle. L'impasse des analyses économiques déplace le champ de la réflexion sur I'infomel. Elle s'élabore d t e dans le champ socio-culturel, dont les développements mettent de l'avant la marginalité et la pauvreté, avant d'interpréter l'informel comme la misance d'une voie originale de développement. L'on souligne alors le rejet de l'Homo ~ec~nomicus occidentai, par un réenchâssement dans le tout social de I'économie dominante. Sur le plan conceptuel, l'analyse de l'infomel urbain pose désormais une scigaae de totalité que reprennent les analyses politiques. Ici, c'est l'État qui est interrogé dans sa fonction de régulation des activités socio-économiques. Un premier courant fustige l'incapacité fonctionnelle des États du Tien-monde à assurer les équilibres économiques, ouvrant ainsi la voie au développement d'activités hors de son cormôle. Le second courant inverse cene vision, et désigne l'omnipfésence contraignante de la réglementation étatique dans la sphère économique, comme la principale cause de l'informel urbain. Cette étude a une perspective plus globale. Elle replace le débat sur les fondements de I'idonnalid dans la mondialisation de l'économie, la répartition des activités productives étaùlie par la division internationale du =va& et surtout, ses effets sur la gestion de l'État gabonais en l'occurence. En ce sens, l'essor des activités SormeUes procède d'une double logique: l'incapacité d'une h n o m i e extravertie et spécialisée dans l'exportation des matières premières a subvenir aw besoins de ses populations par la création d'emplois sables, d'une part; le renforcement des inégaltés socioiconomiques et l'accés de plus en plus limité au bien* pour me gmde parrie de la population gabonaise. En définitive, la problématique de l ' i n f o d t é au Gabon permet & requestiomer les institutions & régulation & la société gabonaise, autant que les modalités de son *insertiondans le village planétaire. - AVANT PROPOS La rédaction d'une thèse est une longue quête pendant laquelle le chercheur sollicite diverses contributions. Sur le plan académique, je remercie monsieur H e ~ q u eURBANO qui a dirigé cene thèse, madame Nicole GAGNON pour son précieux travail de prélecture, les enseignants du Département de Sociologie de l'université Laval et de l'université de Libreville, ainsi que tous ceux qui ont contribué à ma formation. Merci. J'ai également bénéficié d'une bourse durant la majeure partie de ce programme d'études dotorales. Puisse le contribuable Gabonais trouver dans ce mvail à la fois un heureux aboutissement à son dur labeur et l'expression de notre obligation. A mon épouse Sylvie BIDJANG, je dis toute ma gratitude pour l'affection dont elle m tentoure. le soutien et l'éducation de nos enfants. Merci. pour A ma famille, la reconnaissance éternelle pour cette vie que je partage avec vous et l'espoir ... A Dieudonné, Jean-Jacques, Jonas, Cendrilène, Willy, La fifi, La Puce. Marie-Sylvie, Désiré, Michel, Zeph., Dominique, JeanMarc, Isabelle, Johan Fabienne, Biby, Ninon. Yves, Joëlle, Patricia, Hilaire, Alain, Sylvie, Alexis, Tantine Justine, Axmeile... a Papa, Maman. Marika Yasmina et Jacques Didier * . . II1.1.1. Une urbanisation inégale...................................................................... 53 III.1.2. Des disparités urbaines am activités infornielles.............................. .5 8 * III.2. Le (( Sur-Etat »............................................................................................ 61 111.3. Le (( Sous-Etat »..................,...........................................................4.... ..65 # DEUXIÈME PARTTE: Cadre théorique de l'étude............................................. 69 CHAPITRE IV:Cadre conceptuel et méthodologique.......................................-74 IV.1. Problématique................... . ......................................................................76 . N.1.1. De la modermte.................................................................................... 84 IV.1.2. De I'urbanisation................................................................................. 86 IV.1.3. De la rationalité............, .....................................................................91 TV .1.4. De la division du travail......................................................................$93 N . 2 . Le modèle d'analyse ................................................................................. -98 CHAPITRE V: Conceptions de l'informel: la situation au Gabon....................103 V. 1. Le dualisme mditi~n~modernité .................................................................104 V.3. Le dualisme formel-informel....................................................................... 106 V.3. Le secteur informel au Gabon.................................................................... 1 10 V.4. L 'infonnel socio-culturel.........................................................................1 21 1 27 V.5. Les approches actuelles de I'infonnel....................................................... V.6. Définitions de l'informel ........................................................................1 34 TROISIÈME PARTIE: Les fondements stmcturels de l'informel urbain au Gabon........................................................... 146 CHAPITRE VI: Capitalisme international et blocage structurel.......................149 VI.1. La place du Gabon dans le SEM........................................................... 152 VI.2. Pétrole et mines: l'économie artificielle...............................................155 VI.3 .L'échelle des aptitudes du SEM................................................. 160 VI.4. Le capital international dans l'économie gabonaise............. . .............i65 CHAPITRE W: in état gabonais et le développement de l'informel urbain............................................................... 174 . . ................................................. 180 W.1. La gestion de 1'Etat ........................ I VII.2. La classe politique...................... .............................................................185 . . ....................................................................1 9 2 W.3. La paumeté............ VII.3.1.Les mesures de la pauvreté............................................................ 196 VII.3.2. Les indicateurs de la pauvreté...................................................... 198 CONCLUSION GENERALE....................................................................................204 # BIBLIOGRAPHIE.......................................................................................... 215 ANNEXE A: Présentation du Gabon et situation de l'informel urbain..................................................................... 231 ANNEXE B:Fiche circuit pour l'obtention d'un aggrément............................ 262 . ANNEXE C:Liste non exhautive des EMN au Gabon.................. . ...........*265 ANNEXE D:Seuils de pauvreté et distribution des revenus............................275 ANNEXE E: Indicateurs non monétaires de la pauvreté...................................281 Liste des Tableaux Tableau 1: Appelations de l'informel dans l'analyse trisectorielle......................22 Tableau 2: Population active par sexe et par âge.......................................... 1 1 5 Tableau 3: Distribution des revenus par groupe socio-économique..................117 . . Tableau 4: Personnes sans emplois en 1989....................................................1 8 Tableau 5: ERectifs des emplois en entreprise........................................... 1 56 Tableau 6: Aptitudes dans les principales activités...........................................162 Tableau 7: Aptitudes dans les activités les moins nobles.................................. 162 . Tableau 8: Evolution du taux d'investissement .................................................166 Tableau 9: Flux d'investissement par secteurs d'activité ...............................1 6 6 Tableau 10: Répartition du capital dans les sociétés minières et pétrolières.....170 Tableau 1 1: Part du revenu des facteurs dans le PIB du Gabon, 1981 1994.....194 O Tableau 12: Les liaisons sectorielles au Gabon (198 1.1989)............................. 195 Tableau 13 : Inégalités, pauvreté et bien-être au Gabon: 1960- 1994 .................. 199 Tableau 14: Tendances de la pauvreté au Gabon: 1960-1985............................199 Tableau 15: Tendances de la pauvreté au Gabon: 1990-1994............................200 Tableau 16: Indicateurs de pauvreté de Libreville et Port-Gentil...................... 201 Tableau 1 7: Activités et métiers du secteur informel.........................................254 Tableau 1 8: Situation de I'emploi par nature ..................................................... 256 Tableau 19: Importance du SNS par branche en 1990...................................... 257 Tableau 20: Place du secteur informel dans l'économie .....................................258 Tableau 2 1:Valeur relative du SNS 1984- 1990.................................................260 vü Sides et abréviations BAD: Banque M i c W i c de développement BIT: Bureau International du Travail CNGS: Caisse Nationale de Garantie Sociale CNSS: Caisse Nationale de Sécurité Sociale DGSEE:Direction Générale de la Statistique et des Enquêtes Économiques DIT: Division internationale du travail DPRH: Direction de la Planification et des Ressources Humaines EBC:Enquête budget consommation EMN : Entreprises multinationales FBCF: Formation brute de capital fuce FED:Fonds Européen pour le Développement ILO:international Labour Office PB:Produit interieur brut PID:Provision pour investissements diversifiés PME: Petite et moyenne entreprise PNB: Produit national brut PNUD: Programme des Nations-Unies pour le Développement RGPH: Recensement général de la population et de l'habitat SEM:Site économique mondial SNS: Secteur non stmcturé La présente étude porte sur I'infomel urbain. Eiie se veut une contribution à la réflexion sur les fondements de ce phénomène en Afrique et paxticulièrernent au Gabon.Nous ne traitons cependant pas fondamentalement des formes et de I'importmce des activités informelles au Gabon. Notre propos tente plutôt de cerner les tenants de la montée de ces activités et leur signification dans le cadre du développement du Gabon. Cela dit. les définitions de ce que l'on qualifie d'activités informelles sont plurielles. nous en débattrons largement dans ce travail. On peut tout de même avancer que l'esprit général de ces définitions est orienté vers la mise en évidence des pratiques socio-économiques. dont les formes ne correspondent pas à celles prescrites par les règlements et institutions officielles. Un large champ qui augure déjà de la multiplicité des opérations concernées. L'autre versant qu'exploitent les définitions de l'informel intègre les facteurs liés à la dimension de ces activités et aux technologies utilisées. On pourrait évidemment "suivre plusieurs pistes" pour faire une présentation de l'environnement théorique dans lequel se situe ce travail, mais nous n'évoquerons ici que les aspects du problème que l'on lie aux cultures africaines et à la problématique du développement. Les cultures africaines Dans le propos introductif d'un récent ouvrage consacré à l'informel. Henry Panhuys et Hassan Zaoual parlent des « dimensions oubliées » du développement économique en f i q u e ' . « Il est nécessaire de s'interroger sur les raisons d'un bilan socio- Issiaka-Prosper Lalèyê. Henry Panhuys, Thierry Verhelst et Hassan Zaoual (dir.). Organisan'om économiques et cuimres africaines. De 1 'homo oeconomicus à L'homo s i t u . Paris. L'Harmattan. 19%. 5 0 0 ~ . économique aussi contrasté et d'identifier les facteurs négligés jusqu'ici. Parmi ces facteurs, il en est un particulièrement prégnant: le facteur culturel Opération tout a fait louable que <xUe d'examiner les raisons dp l'échec du développement en Afnque, mais qui prend un contour délicat, lorsque la question de la culture y est mimée. En quoi la culture africaine est-elle un oubli dans le processus de e,~ développement ? Panhuys et Zaoual reprennent l'idée de Daniel Etounga ~ a n ~ u e lselon laquelle les cultures africaines ne rentrent pas dans les canons de cette « culture entrepreneuriale n, nécessaire ii une gestion rationnelle du développement éconornique. hypothèse raisonnable mais peu ou mal explorée jusqu'ici consiste à dire que les cultures nép~afncaineset arabo-berbéro-afn'cainesappréhendent l'entreprise. comme d'ailleurs toute forme d'organisation économique. autrement que les cultures occidentales européennes et nord-américaines. analysées par Max Weber et Joseph Schumpeter. 11 se pourrait en effet que ces cultures soient. à certains égards opposées, voire incompatibles. »4 « Une Ces « certains égards D qui sont (c opposés, voire incompatibies » aw culnires occidentales. nous l'imaginons. ont certainement trait aux causes de la désolation des économies aficaines. L'échec du développement serait consécutif à la non appréciation des éléments des culhues afXcaines. Panhuys et Zaoual disent en d'autres termes que les cultures africaines doivent intégrer « l'éthique protestante » pour avoir « l'esprit du capitalisme ». ' fh.p. 17. Daniel Etounga Manguele: L'Afrique a-t-elle besoin d'un p h d'ajuremem culmrel ? h s . Edit. Nourelles du Sud. l9W.I Sap. " Issiaka-ProsperLalèyê et d.op. cir. p. 19. « Ce qui est essentiel (...), c'est qu'il devient nécessaire, maintenant, de distinguer le développement de la culture du développement. En effet, cette distinction dans l'abstrait permet de prendre conscience que le développement en tant que système économique a besoin d'une culnue particulière pour afficher ses performances. Autrement dit. toute économie, pour fonctionner correctement. présuppose des motivations symboliques de la part de ses acteurs, un système de valeurs compatibles. »' Sans entrer dans une polémique stérile sur le fond de cette pensée. nous retournerons à ces auteurs les remarques suivantes: 1. L'une des particularités du développement en général est d'être un processus fait de ruptures et d'adaptations dont les populations percoivent graduellement le bien fondé. c'est-à-dire l'amélioration des co~aissanceset conditions de vie qu'apportent la recherche et l'innovation dans tous les domaines. C'est ce cheminement permanent qui crée et entretient dans une société donnée la "culture du développement". En Afrique. le processus de développement a historiquement pris une autre voie. celle de l'imposition violente. La mission civilisatrice occidentale, dont l'apogée aura été la colonisation, a imposé le développement avec comme "culture du développement" ltesclavage et la ségrégation raciale vécus quotidiennement par les populations autochtones. Les débuts du développement sont historiquement marqués en Afnque. justement par la mise hors de ce « système de valeurs compatibles D des Africains, qui n'avaient pas le même statut juridique. ne devaient pas habiter le quartier "blanc" ou encore M m dans le même type d'habitation. n'avaient pas droit à de hautes formations et fonctions sociales car les bienfaits de cene civilisation dans laquelle on souhaitait les intégrer ne revenaient en d é f ~ t i v equ'aux colons blancs, On peut citer à l'infini ces éléments de la "culrure de développement" dîicaine. engendrée par la nature de la rencontre qui a enclenché ce processus dont le bilan est reconnu aujourd'hui contrasté. La conséquence inéluctable de cet état de fait est la marginalisation des Afincains de la "cdture du développement", mais également des bénéfices d'un développement auquel ils ont participé, fiit-ce comme esclaves ! On pourrait nous objecter que cet environnement initial a subi de nombreuses modifications. Mais qu'est-ce qui a changé ? Cela nous amène a la seconde remarque. La France, de connivence avec les élites iocaies "évoluées". a fait passer les apparences pour la réalité: "l'indépendance du drapeau" y a tenu lieu de souveraineté. Personne n'était dupe... ))6 (( .3 Les relations entre l'A6ique et les ex-colonisateurs sont faites de permanences et de...pemanences. La cascade d'indépendances qui ont marqué le continent au début des années 1960 n'étaient pour les puissances coloniales que du « partir pour mieux rester )). et avec le mSme système d'exploitation. cette fois via les élites locales bénéficiant des bonnes grâces de la mitropoie et des privilèges du pouvoir. Pour les populations africaines. le développement reste encore de nos jours du domaine de l'espoir. L'Afrique est livrée à la misère et à des fléaux destructeurs. pendant que ses matières premières font la richesse des grandes compagnies multinationales et des minorités au pouvoir. Les entreprises multinationales et ces élites manquent-elles de cette "culture du développement"? Nous dirons. pour conclure sur ce point, que les cultures africaines ne sont pas moins aptes am nécessités qu'impose l'évolution des sociétés. La question fondamentale se trouve dans la gestion de I'incontoumable partenariat avec le reste du monde, nécessaire au " Siéphen Smith et Antoine Glaser: Ces messieurs Afrique 2. Des réseau a u lobbies. Pans,Calmann-Uvy, 1992, p.20. développement de l'Afrique. Pour nous? la gestion de l'interdépendance économique mondiale, plus que la question culturelle, est au centre des piètres performances actuelles de I'Afiique. Jusqu'à maintenant. la Ligne de fonctionnement de l'économie mondiale est également la ligne d'arrêt du développement pour les pays africains. La question culturelle est à notre avis un fourre-tout dans lequel se perdent les analyses du sous-développement. parce qu'elles-mêmes procédent d'un environnement culturo-scientifique qui, bien que s'y référant souvent, oublie combien le développement des sociétés occidentales est redevable aux autres civilisations. Les cultures africaines comme toutes les autres sont porteuses de dynamiques transformatrices et le véritable débat sur IYnertie économique africaine dewait porter. à notre sens, sur les modalités pratiques et idéologiques qui caractérisent les politiques de développement actuelles. Contrairement à la distinction faite par Panhuys et Zaoual entre la culture du développement et le développementl nous posons que la culture du développement est inséparable du développement. Elle est le développement en tant qu'elle représente I 'esprit critique. héritage de la modernité. Plus en avant de cene recherche. les pratiques informelles seront analysées entre autres autour de la notion de flexibilité, qui signifie au fond que les cultures africaines sont succeptibles de faire face aux enjeux économiques que pose 1'universalisation de l'économie capitaliste. La problématique du développement Les premiers contacts avec l'occident au XVe siècle favorisent l'instauration de nouvelles règles? tant politiques et économiques que sociales et culturelles. On note la montée progressive d'un système social d'échange dans lequel la valeur d'usage cède le pas à la valeur marchande. Avec la colonisation. les choses se précisent. Derrière un ensemble de prétextes que l'histoire retient sous l'appellation de « mission civilisatrice ».les Européens organisent les sociétés conquises selon des normes relevant des stratégies de domination et d'exploitation. La période pst-coloniale est la continuation logique de la coloniale. elle n'apporte pas de changements majeurs ni sur le plan de l'idéologie du développement ni au niveau des rapports de force instaurés entre I'Afnque et l'occident par la colonisation. La situation de I'AfXque noire est actuellement alarmante. La colonisation présente un « bilan déficidaire»' à tous les niveaux et après avoir épuisé toutes les options de développement mggérées par le capitalisme occidental, le continent noir est plus que jamais dans l'impasse. Tous les pays sont pris dans l ' e n m e de l'endettement qui consiste à s'endetter encore pour rembourser cette même dette. Le résultat est le prolongement de la misère, de I'instabilité politique et de la crise économico-sociale. Dans le même temps. (( les 20% des pays les plus riches du monde touchaient 70% du PNB mondial en 1969, ils en touchent aujourd'hui 83%. Alors que les 20% des pays les plus pauvres touchaient 2.3% du PNB. ils n'obtiennent plus aujourd'hui que 1,4% .»* L'inégaiité croissante entre les riches et les pauves. l'échec des politiques de redressement économique du Sud. font presque penser que nous sommes à la «fin du développement H . ~ Sur le plan analytique. l'analyse diachronique du processus de développement en Afnque noire nous semble incontournable. Pour nous. la problématique de l'informel urbain se situe dans l'ensemble des problèmes liés au développement. La démarche peut se schématiser comme suit : - La colonisation a posé les jalons de I'informel à travers ses formes urbaines et les relations sociales d'exclusion et de domination. - Les bénéficiaires des indépendances africaines ont entériné les politiques et idéologies coloniales. ce qui s'est traduit par de p d e s disparités au niveau du développement global et urbain. sources de l'informel. - Coqueq4Wovitch pdsente les résultats économiques et ddrn~~mphiques de la colonisaUon dans I'ouvrag : Le Congo au temps des compagnies concessioltltCLVes. Paris-Mouton & Co-1972,-l98p. Micheline Rousselet : .: Tiers-Monde. l'éclatement d'une idée m. Revue Sciences-Humaines, 50. Mai 1995. pp. 16- 19. C'est le titre d'un ouvrage de François Partant: La fin du diveloppement. Paris, la découvene/Maspero, 1982. 186p. -Aujourd'hui, la colonisation est remplacée par des in-ents politico-financien et technologiques. dont les anciennes colonies ne saumient de nos jours se passer sans provoquer de p v e s crises internes, La question de l'essor Ci? I'infonnel en Afnque et au Gabon, tout comme cene du sousdéveloppement, dépasse la seule analyse économique locale et se transporte dans k champ des enjeux politico-économiques mondiaux. Nous ne répéterons jamais assez que le développement d'un pays ou d'une vaste région du monde comme 1'Afiique n'est réalisable que dans un contexte où l'interdépendance économique permet justement au capitalisme (( d'afficher ses performances ». Nous soutenons que la configuration actuelle de l'économie mondiale joue en défaveur du développement en M q u e et se retrouve à la base de 1'informel au Gabon. La vision planétaire du développement n'est exempte ni de critiques au niveau théorique. ni de difficultés exécutoires au niveau empirique. Sur le plan théorique. l'interrogation la plus courante touche l'allégation occidentale de modèle achevé d'organisation sociale. doublée d'un nihilisme radical à l'égard des autres civilisations. Nous n'élaborerons pas longuement sur le sujet mais ce discours a fait des adeptes selon lesquels. l'Afrique ne fait que camoufler « d'insoutenables contradictions idéologiques et économiques. »'O Nous airnerions rétorquer à ces auteurs qu'ils cèdent a la tentation de confondre un réel profond avec ses manifestations les plus évidentes. A t-on jamais lu à sa véritable hauteur l'histoire de l ' f i q u e actuelle? ' Les (( incohérences africaines visibles à l'oeil nu »' dont parle Kabou ne seraient que les aboutissants d'un ensemble de contraintes dont le sens le plus élevé se trouve dans l'insertion du continent au sein de l'économie mondiale. Il est excessivement nauf de croire que I'econornie mondiale fonctionne iî l'aveugiene. sans règles du jeu. Nous pensons à la '' Axelle Kabou: Et si 1'Ahque r e s a i r le développemenr ? l' Ibidm. Paris. L'Harmatm, 199 1. p. 12. suite de Kabou que « le sous-développement de 1'Afnque n'est pas le fruit du hasard))." En se demandant si les élites africaines savent (..) mieux que les masses analphabètes ou va 1' Afnque f i t t e au niveau national d3,Kabou pose (peut-être involontairement) la question fondamentale sur le passé, le présent et l'avenir de 1'Afnque: qui contrôle les leviers du (sous)développement de I'Afiique et du Tiers-Monde ? Cette question nous ramène au niveau des difficultés exécutoires du développement dans les pays africains et notamment au thème de l'informel urbain au Gabon dans le contexte de l'économie planétaire. D'abord. examinons dans ces grandes lignes le discours explicatif du sous-développement. Par rapport à la crise du Tiers-monde et de 1'Afnque particulièrement deux écoles de pensée s'opposent dans le débat conceptuel du (sous)développement. D'une part. les thèses tiers-mondistes dans lesquelles on situe les approches keynesieme. strucniraliste~ marxiste etc., mettent de l'avant I'inégaiité notoire entre les pays du Nord industrialisé et du Sud sous-développés. du centre et de la périphérie. Ce déséquilibre des richesses contribuerait au développement inégal et même à la paupérisation de cenaines régions du monde. La seconde thèse dite anti tiers-mondiste. d'inspiration Libérale. rejette la vision sus décrite. Tout en reconnaissant l'inégaie répartition des richesses. le discours libéral soutient la théorie ricardienne des avantages comparatifs. Selon cette vision il ne tient qu'au Sud de rattraper son retard économique. les lois du marché étant les mêmes pour tous. Et les tenants du iibéraiisme de prendre l'exemple des quatre dragons d'Asie du Sud-Est. dont le miracle économique prouve que le développement est accessible à tous. Que l'on soit tiers-mondiste ou anti tiers-mondiste, les causes du sousdéveloppement seront respectivement externes ou internes de manière gnérale. La these libérale soutient l'idéologie du p r o e s . Il suffirait que les pays pauvres traversent les étapes .'- Idem, p. 13. l3 Ibidem. de la croissance économique telles que définies par Rostow, et ils ramperont le retard accusé. Il s'agit donc d'une analyse synchronique de la question, qui présente la lourde faiblesse de postuler que le développement est conjoncturel et qu'il suffit d'en posséder les aptitudes au bon moment. Pour les tiers-mondistes par contre, « le partage des rôles instauré par le colonialisme. ou la métropole importait des matières premières et des produits agricoles des ses colonies et y exportait des produits manufacturés. demeure grosso-modo en vigueur pour la plupart des pays du Tiers-Monde. »14 En d'autres termes, on postule ici l'existence d'un ordre mondial du développement dans lequel la place des anciennes colonies est déterminée. Mieux. il s'agirait d'une fonction précise dans le système mondial organisé et géré par les puissances occidentales. Les pays pauvres foumissent les matières brutes et consomment les produits manufacturés provenant de la métropole. Telle est la contribution nécessaire de 1'Afnque au fonctionnement du système mondial. En somme. le problème du (sous)développement repose sur un mal nécessaire au système mondial imposé par IgOccident. « un déséquilibre fondamental? provoqué initialement par la force brutale. maintenu par le jeu des lois économiques, aggravé par les progrès techniques ».15 Le constat de l'échec économique de 1'Afiique se résume par le chômage. la misère ostentatoire des masses urbaines tout autant que la fortune des riches. les inégalités du bienêtre et.. . le développement des activités informelles. Intention de l'étude L'explication du développement des économies informelles en Afrique par le procès de modernisation des pays sous-développés justifie notre choix du thème de I'infomalité. Ces thLises posent qu'en cette fin du deuxième millénaire, les cultures aliicaines n'ont pas " Thomas Çouaoi et Michel Husson: Les destim du lïers-Monde. ~ o l y s ebilan . et perspectives. Pans. Nathan, 1993, p.25. 1s François Panant: op. cir, p. 10. encore intégré les éléments de rationalité indispensables au développement. Cette assenion nous semble injustifiée, non pas que des résistances au changement soient inexistantes (en Afnque comme partout ailleurs), mais parce que les véritables facteurs du développement (capitaux, technologies, gestion des États etc.) militent contre ce même développrnent en Afkique. La mise en place dune écunumie planétaire (ce qui n'est pas un mal en soi) s'est faite jusqulà aujourdBui au détriment de 1'Afnque et de ses populations. Nous disons bien "au détriment de 1'Afnque et de ses populations" en ce sens que la gestion des pays africains par les élites dirigeantes fait partie du schéma d'appauvrissement de ces pays. La connivence des intérêts du capitalisme international et de ceux des dirigeants du Tien-mondeen général est la clé de voûte d'un système économique international dont Moïse ikonicoff se demande s'il est « désordre ou ratiodité ? d6 Pour notre pan, 1' e ~ hissement c des dirigeants et l'appauvrissement des populations sont l'endroit et le revers d'une même rationalité, celle du fonctio~ementde l'économie mondiale. Le développement des activités informelles présente cette particularité d'inclure. à la fois l'économie, la gestion des États et les comportements des acteurs sociaux en quête d'un vivre mieux. C'est en cela que cette thématique permet une intéressante lecture des mutations en cours au Gabon. en Afrique et dans le monde. Précisons les deux objectifs généraux de cette étude. Le premier est d'ordre documentaire: foumir un ensemble d'informations sur les mvaw passés et récents ayant trait a la problématique de l'informel. Le second objectif est une contribution a cene même réflexion en introduisant une donne qui nous semble détexminante dans une acnialisation de la connaissance sur l'informel: le rôle de l'économie internationale dans le développement du Tiers-monde, A l'oubli tant pointé dans les causes du sous-développement qu'est la culture, nous opposons ici l'oubli de l'exploitation capitaliste a l'échelle mondiale et des conséquences néfastes qu'elle a sur les économies africaine et gabonaise en particulier. Le système " Moise. Iconicoff: a Le système &onornique mondiale. desordre ou rationalite? B. Revue Tien-Monde. X X I . 82, Avril-Juin 1982, pp.87- 138. économique mondial a ses règles de fonctionnement, ses mtégies d'implantation et ses instruments d'application; en somme, ses intérêts qui ne sont pas souvent ceux des milliers de citadins du Tiers-monde tenus en marge du développement. L'objectif ultime sur lequel ce travail se focalise est de démontrer, qu'au-delà des discours et de la culture. il y a une io@quefonctionnelle en oeuvre dans l'économie mondiale qui est au centre des déboires de 1'AMque et du développement des activités informelles. C'est le réexamen de cet oubli qui donne également à notre démarche une certaine originalité. Tout travail de recherche est en butte à certaines limites pratiques et théoriques. Au niveau pratique. les restrictions temporelles et financières du chercheur ont certainement privé cette étude d'informations complémentaires dont la contribution a l'analyse aurait certainement été d'un intérêt certain. La documentation sur l'informel au Gabon aura également fait défaut à notre recherche, soit parce qu'inexistante. soit qu'elle était inaccessible. Au Nveau théorique. la première limite est naturellement celle du chercheur dans sa quête d'objectivité scientifique. Elle détermine la qualité de l'analyse, la rigueur de l'argumentation et la cohérence du travail. La seconde limite est aussi un regret qu'exprime le chercheur. celui de l'élaboration d'un modèle conceptuel de I'infonnel dont les formes urbaines en Afique seraient la matrice. Nous pensons que l'analyse de la ville et de son évolution sont un canevas de recherche qui pourrait éclairer. à bien des égards. la problématique de I'informe! urbain au Gabon. En dépit de ce "manque à gagner". la présente étude essaie de rendre compte des facteurs inhérents au fonctionnement du capitalisme mondial. qui contribuent à l'essor des activités uiformelles urbaines au Gabon. L'ensemble du propos s'articule en sept chapitres regroupés en trois parties. La première partie est consacrée à la recension des écrits sur le thème de l'informel. La deuxième partie définit le cadre théorique de ltétude tandis que la troisième est consacrée à l'analyse des causes de l'informel au Gabon. Première partie Approches théoriques de l'informel Chapitre 1 La tradition économique L'économie du développement après la seconde guerre mondiale se focalise sur la réflexion sur l'industrialisation des pays dits sous-développés. « Les questions centraies qu'elle posait jusqu'au milieu des années soixante-dix étaient -!les de l'industrialisation, des rapports villes-campagnes, de l'insertion dans le commerce mcndial. »" Face aux défis de la modernisation et de l'interdépendance économiques mondiales. le Tien-monde avec sa galopante population urbaine cherche « la &an dont le processus de développement permettrait l'adéquation (...) entre l'ofie de travail croissance démographique - - résultat de l'exode nval et de la et l'offie d'emplois salariés ».18 Mais la recherche de cet équilibre est mise a mai par la vertigineuse augmentation des citadins du Tiers-monde. La faiblesse des structures d'accueil des nouveaux migrants et l'insuffisance des emplois salariés contribuent à la formation d'un important écart entre I ' o m et la demande d'emplois salariés. Cette situation est en première analyse décrite comme un état normal et transitoire dans le cadre des nouveaux pays qui s'ouvraient peu à peu aux principes de l'économie de marché. i. 1. La transition Pour l'analyse économique. le decalage entre les flux de migrants dans le salariat moderne conduit à la formation d'un (( et leur absorption secteur transitionnel. une masse d'urbains pauvres en attente d'un emploi. Selon les principes de l'économie néoclassique. ayant des bas revenus. ils ont une faible productivité et sont considérés comme sousemployés puisque leur productivité est très inférieure à celle des travailleurs de l'économie formelle. dg Dans la thèse de la transition, l'informel est une « survivance de la petite production marchande qui n'aurait pas encore été détnite par le capital, mais serait en voie d'absorption progressive n.20 Milton Santos soutient que « leur maintien ne peut .- Bruno Lautier: L'économie infannelle dam le Tiers-monde. Yaris, La Mcouvene, 1W, p.6. Secieur informel: debat et discussion autour d'un concept m. in TeeMonde: I 'informel en auestion , Paris, L'Harmanan, 1991, pp. 3 1-70. l5 Bruno Lautier: op.cir. p.8. Kari Marx. cite par Philippe Hugon: op.cir. p.252. ' ' Phi1i ppe Maninet: s'interpreter que comme une survivance dans un ensemble économique resté archique: ils se trouvent directement menacés par le courant @néral de modernisation et leur faire confiance pour éponger longtemps encore la masse de migrants est commettre une erreur lourde de conséquences, il s'agit d'un expédient provisoire. )r2' Aussi. dans ce qu'il appelle l'illusion du capitalisme industriel naissant. Galissot abonde dans le sens de l'infomel comme secteur tran~itionnel.~ Se fondant sur son étude du prolétariat marocain d'entre les deux guerres, l'auteur rejoint dans sa compréhension de l'informel les interprétations marxiste et weberieme des débuts du capitdisrne. Galissot reprend a son compte la thèse marxiste de la dépossession et de l'appauvrissement du monde rural. qui conduit à un surpeuplement et au chômage urbains. L'informel n'est alors pour le T iers-monde que la traversée dans l'histoire d'un moment incontournable de l'évolution de toutes les sociétés humaines. « Ce seraient notamment les débuts du capitalisme industriel qui se répéteraient à la périphérie du 20é siècle )).23 En suivant Bourdieu lui même inspiré par Max Weber. Galissot pose que « le travail informel. la débrouillardise, le piston relèvent de la pénétration monétaire. de la fin du monde enchanté communautaire, du remplacement de l'esprit paysan par l'esprit de calcul (...). Ce qui semble fàire correspondre l'informel à cet immense entre-deux qui fait passer de la campagne à la ville. comme dans l'histoire du capitalisme D . ~ ' Dans une étude consacrée a l'informel en Af?iquez, Penouil tente, par une approche historique de l'évolunon des sociétés. de resituer l'informel dans le contexte du développement giobal. compris cornme un processus de longue durée dont l'ultime objectif -- - :' Philippe Hupon, Nhû Lê Abadie et Alain Morice. la petite pruâucrion m a r c M e et l'emploi dans le secteur informel --., René Gailissot: a r, : le car @am. Paris, IEDS, 1977, p. 175. Société formelle ou organique et smitte informelle w , in Tien-monde:I'infomeI en auestion, op. cit, pp. 2 1-30. idem. p.24. 5) Idem, p.25. Marc Penouil et Lachaud Jean-Pierre:Le dt?veloppemenr spontané. Les activités informeI1es en Afrique. Pans. Pedone. 19û5.303p. est la réalisation de la "société technicienne" de type occidental. Dans ce processus, les activités informelles sont a la fois le moment de la rupture avec le passé et celui de l'édification de nouvelles formes sociales qui constituent un pont entre la tradition et la modernité. La rencontre des civilisations occidentale et africaine a donné lieu à trois processus, selon Penouil: le dévelcppement transféré, l'inertie des structures anciennes et le développement spontané proprement dit. Le développement transfëré renvoie à I'universalisation du modèle social occidental, au mimétisme qui consiste ii recréer les structures des pays dits développés dans les pays colonisés. L'inertie des structures rend compte des résistances liées à I'anachernent aux valeurs et normes de la société traditionnelle par les populations. Quant au développement spontané, Penouil le conçoit comme la réponse apportée par la société a des aspirations allant dans le sens de la création de la société développée. dors que les moyens indispensables au transfert du modèle sont absents et que les conditions du transfert ne sont pas remplies. Face à I'impossibilité de réaliser le développement transféré a l'intérieur de la société. de multiples mutations partielles vont s'opérer qui ont pour conséquence l'élaboration progressive et continue d'une nouvelle fome de société. (...) En ce sens. le développement spontané se présente (...) comme la lente et progressive évolution d'un type de société vers un autre par des combinaisons extrêmement variées de composantes issues des deux types de sociétés. N~~ (( Mais en définitive. « la composante principale du développement spontané est constituée par les activités informelles, ou non structurées, ou de transition Le développement spontané est donc essentiellement la période d'adaptation à la nouvelle organisation sociale. Les activités informelles prendront fin avec la réunion de toutes les conditions du transfert. Idem. p. I I . " dem m. p. 16. Pierre Mettelin souligne également la nature transitoire de l'informel urbain? D'une part. parce qu'il pérennise la tradition dans le contexte urbain en fournissant aw nouveaux citadins des emplois d'une extrême précarité, et une organisation du travail autour de réseaux claniques ou ethniques: et d'autre part, parce que les activités informelles posent les bases d'me intégration graduelle au capitalisme international par l'approvisionnement dans l'économie moderne. Mettelin précise que seule (( la croissance du secteur moderne dans les économies africaines détexmine sans doute aujourd'hui le sens du mouvement pénéral, prépare les changements profonds de demain, participe au bouleversement des structures figées du passé. »29 Par conséquent, le caractère msitoire de l'informel permet (( d'assurer cette dynamique au ras du sol. sans laquelle les grandes révolutions ne sont qu'un changement de système politique, sans être une mutation profonde des fondements de la société. »30 Selon l'approche transitionnelle. I'inforrnel ne serait qu'un épiphénomène transitoire. un vestige pré-capitaliste qui disparaîtra avec l'intégration des économies du Tiers-monde dans le modèle productiviste. (( En réalité. il s'agit d'une terminologie évolutioniste ou nésarive qui ne permet pas une appréhension correcte des phénomènes sociaux concrets. (. ..) Mais elle trahit égaiement l'embarras des économistes et des planificateurs devant des faits qu'ils repèrent mal. La transition se fera non pas au niveau de la réalité de l'informel et de son évolution vers la dissolution, mais plutôt dans le discours théorique sur I'inf'ormel. Confrontée a I'institutionalisation de ces activités supposées transitoires, la recherche oriente les approches de I'infonnel vers le champ de la sectorialisation des économies sous-développées. La dissolution de l'informel dans l'économie moderne fait donc place à la juxtaposition de ces Penouil Marc et Lachaud Jean-Pierre: op. cit. 1 . . p. 103. 'O Ibidem. 'l Jean-Loup Amselle ec Émile Lebns: d e la petite production marchande A I'économie mercantile*. in Vivre er survivre dans les villes africaines (sous la direction de Isabelle Deblé et Philime Hueon). Paris. PLT/IEDS. 1982, pp. 163- 173. % deux réalités. Au modèle d'analyse transitionnel se substitue alors le modèle d'analyse sectoriel. 1.2. Le dualisme sectoriel Les analyses sectorielles de l'informel marquent un moment important de l'analyse économique des pays dits sous-développés. En fait, elles sont le premier constat d'échec d'une idéologie du développement rattachée a la seule croissance économique, mieux encore. aux étapes de la croissance économique. Aussi, les analyses sectorielles rendent compte de la segmentation d'une même économie en entités dont la logique et le fonctionnement seraient différents sinon opposés. Confrontée à la persistance d'un phénomène que l'on pensait transitoire. l'analyse économique constate plutôt la perdurance de la fàible intégration à la sphère économique moderne des activités traditionnelles ou transitoires. Les analyses dualistes tentent alors une nouvelle conceptualisation de la réalité informelle. (( Elles supposent qu'il y a juxtaposition de deux secteurs, l'un caractérisé par l'organisation efficace, la rationalité économique. la légalité. la productivité élevée et I'auw. défini par la faible organisation l'importance des relations familiales. une productivité réduite. lgUégalit&ces deux secteurs sont largement indépendants l'un de l'autre, même s'il existe des échanges entre m. »32 Le dualisme suppose la coexistence dans les économies sous-développées de deux secteurs d'activités économiques distincts: le formel et l'informel. Carlo Benetti distingue quant a lui, cinq interprétations du dualisme sectoriel:33 1. le dualisme est un facteur de blocage: 2. le dualisme est un facteur de développement; 3. le dualisme est une étape du développement; " Philippe Hugon et al.. : op.cit. p.3 1. '' Cité par Usa Assidon: Les thdories Ccommiques du ddveloppement. Paris. La Decouvene, 1992, p.91. 4. le dualisme est une expression de l'économie de marche (par opposition à une économie planifiée); 5. le dualisme est l'effet de l'expansion externe des pays développées. Les cinq interprétations du dualisme sectoriel que présente Beneni résument en fait des moments de la réflexion sur la nature de I'infonnel. Les interprétations 1 et 3 rejoignent la thèse de la transition, de l'informel comme réalité prk-capitaliste, mais aussi I'analyse des modèles dualistes de la première @nération. Selon les premières analyses dualistes, le secteur informel a pour rôle (( essentiellement de foumir de la main-d'oeuvre bon marché et de favoriser ainsi l'accumulation du secteur moderne P." Avec le modèle dualiste de ~ e w i s l'économie ~~, comprend un secteur industriel et un secteur agricole. Il existe une offre illimitée au niveau de l'emploi dans les villes du TiersMonde. et le secteur agricole ou informel assure par sa main-d'oeuvre peu coûteuse l'accumulation du secteur industriel. Le modèle de Lewis repose sur trois propositions bien explicitées par Van Dijk: t( 1. le modèle suppose que la migration vers la Mlle et la création d'emploi dans le secteur formel soient proportionnelles à la croissance du stock de capitaux (...): 2. (...) le modèle suppose aussi un surplus de main-d'oeuvre à la campagne et le plein emploi en ville (...); 3. (...) Enfin le modèle suppose un salaire réel constant à la Mlle, jusqu'à ce que le surplus de chômeurs de la campagne soit entièrement absorbé ».36 34 Philippe Hugon: a Économie duaie. a-iegditk au Nord et au Sud: convergence des modes de gestion de la crise ou divergences stnimelles des modes de replation m, in Les ~ratiaiiesiuridiaues. économikues et sociales infomelles. Acres du mlloque international de Nouakchort. 8-1 1 Mc. 1988. pp.7-26. j5 L'auceur presente ce rnod2le dans: Ecowmic Deveiopmenr with Unlimited Supplies of labour. Manchester School of social and economic studies, XXII,2, Mai 1954. 'Meine Pieter Van Dijk: Le secteur itfonnel de Ougadougou. Paris, L ' H m w 1986, p.37. Ce schéma serq comme le dit Todaro? « la "théorie @néraie" acceptée du processus de développement des nations du Tiers-monde avec un "surplus de rnaind'oeuvre" pendant la fin des années 1950 et les années 1960. »)' Les interprétations 2, 4, et 5 traduisent, quant a elles, la philosophie des modèles dualistes de la seconde @nération. Avec l'informel comme facteur de développement. (( les analyses dualistes ont été (...) inversées; au lieu de considérer que le secteur traditionnel a un rôle passif de fournisseur de main-d'oeuvre à un taux de salaire déterminé par le revenu de subsistance, il est analysé dans son dynamisme propre et son rôle positif. »)* (( Les modèles de la seconde @nération montrent que le secteur dit informel produit des biens et services permettant de satisfaire des besoins essentiels du plus grand nomixe ne pouvant accéder aux marchandises indumielles ou aux services collectifs; il génère des revenus non négligeables. il joue un rôle d'absorption d'un excédent de rnaind'oeuvre et assure le développement de la formation, et l'acquisition de qualifications permenant l'ingéniosité et la créativité. 1)'' Le dualisme de seconde &nération institue donc un secteur informel à part entière. avec une importante fonction économique. L'économie moderne ne pouvant plus répondre aux besoins des populations urbaines, ces dernières cherchent ailleurs d'autres opportunités. .ila différence du modèle origiwl du dualisme, le secteur informel n'a plus un caractère transitoire. L'analyse économique s'accomode donc de la permanence des activités dites informelles dans les économies du Tiers-monde. " Ibidem. 3%ilippe Hugon: Dualisme sectoriel ou soumission des formes de production au capital. Peut-on dep le débat? *, Revue Tiers-Monde, XXi. 82, Avril-Juin 1982, pp. 235-259. j9 Philippe H u p n : Économie duaie, a-l6@te au Nord et au Sud: convergence des modes de gestion de la crise ou divergences smicture1Ia des modes de régulation B, op. cit. p.8. Les modèles dualistes trouvent l e m limites dans les problèmes posés par l'exode rurai. La multiplicité des situations des masses urbaines ouvrent la porte. clans l'analyse sectorielle. a de nouveaux modèles dont la caractéristique est la fhgnentation interne du secteur informel. Ces nuances vont conduire l'approche sectorielle de l'informel à l'élaboration de modèles d'analyses trisectoriels des économies sous-développées. Les analyses trisectorielles Le dualisme sectoriel classique a supposé la segmentation des économies sousdéveloppées en deux secteurs distincts. Il a également pose de manière axiomatique l'homogénéité du secteur informel qui ne renfermerait que les activités non imputables au modernisme occidental, a la société technicienne. Les analyses trisectorielles s'insèrent dans une autre logique. Compte tenu de l'incapacité du secteur moderne à absorber le surplus de main-d'oeuvre provenant des zones d e s , d'une part, et de l'échec de la tentative de "régularisation" des activités informelles par les modèles dualistes de la seconde @nération. d'autre part. l'analyse trisectorielle interroge finalement l'homogénéité du secteur informel. Par cette approche, il ne s'agit plus de deux secteurs "évidents" qui s'opposent. mais de la juxtaposition de plusieurs ordres de réalités endogènes de l'informel. L'objet informel est pluriel. son appréhension. à travers le prisme d'un secteur uniforme ne rend pas compte de la multitude des enjeux. Le trialisme sectoriel tente, dans ce contexte, d'appréhender la diversité inf'onnelle et de la synthétiser dans des modèles plus nuancés. L'opposition fonnel- informel cède le pas à la systématisation de l'hétérogénéité du secteur infomel. Préoccupé par l'emploi urbain, ~ a z u m d a rà ~la suite de Todaro et Lopez, distingue pour sa part deux types d'exode rural: l'un temporaire et l'autre définitif. Les migrants temporaires optent pour un emploi dans le secteur infomel, alors que les migrants définitifs cherchent un emploi dans le secteur moderne de l'économie, quine à rester au chômage pcur une période plus ou moins longue. II se fome dors un secteur informel transitionnel (SIT) regroupant les migrants temporaires. et un secteur informel définitif (SID) qui renferme les migrants définitifs. Cette nouvelle typologie apparente le SID à une situation de chômage urbain normal. tandis que le SIT est de nature transitoire. Nihan décompose quant a lui l'informel en un secteur non-strucniré traditionnel et un secteur non-structuré moderne. Standing parle de deux sous-secteurs informels dont l'un est réguiier, et l'autre irrégulier." Tableau 1 : appelations de l'informel dans l?analysetrisectorielle I k Auteurs 1 Standing 1 secteur informel 1 1 irrégulier Channcs / de Miras di: subsistance Sted résiducl 1 Lachaud r Secteur informel 1 involutif secteur informel 2 irrégulier de transition I I I évolutif ou de transition Mazurndar transitoire définitif Nihan !B.I.T. non-structure traditionnel non-stnicturé moderne Vema survie croissance , I Par rapport à ces catégorisations de l'informel. Hugon précise que (( les critères ne se recoupent pas intémement. mais renvoient à une distinction entre les unités qui dégagent ou les développements dans: ïhe ïheory of Urban Underemploymenz in k s s Developing Countries. Banque Mondiale. Doc. de travail, 198, 1975. '' Guy Standing: TnchotorwucModel of Urban Lnbow Mmkt. G f d v e , Colloque UES, 1974. a Voir non un surplus à des fins d'accumulation ».42 D'autres modèles plus tranchés vont succéder à cene analyse de l'hétérogénéité de l'informel. Hugon propose un modèle « d 'inspiration néo-classique qui distingue un secteur capitaliste moderne, un secteur internédiain: et un secteur résiduel ou de subsistance N . ~ 'Résumons les caractéristiques de ces trois secteurs : - le secteur capitalistique: - oligopolistique - haute technologie - accès au?c crédits institutionnalisés - peu créateur d'emplois - pas de relations avec les autres secteurs. sauf sur le marché - le secteur intermédiaire: - faible technologie - productivité positive - salaire exogène - fone création d'emploi - le secteur de subsistance: - absence de capital reproductible - salaire égù a la productivité moyenne du travail - emplois selon la demande - absorption des m i p t s ruraw. Le modèle trisectoriel de Lachaud suit globalement le même raisonnement. Il comprend un secteur moderne?un secteur intermédiaire ou de transition et un secteur informel traditionnel. 11montre que (( pour certaines activités du secteur Uiformel traditionnel. quantitativement les plus importantes (...). il existe une fone probabilité pour qu'elles soient soumises à un changement dynamique de type involutif »"; c'est-à-dire qu'elles n'entraînent pas une =' Philippe Hugon: dualisme sectoriel ou soumission des formes de production au capital W. op. cit. p.242. aldem. p.246. Jean-Pierre Lachaud: Les lois de fonctionnement du secteur informel traditionnel. Présentation d'un modèle n, Revue Tiers-Monde, XXI,82, Avril-Juin 1980, p p . 4 3 5 4 5 . jJ accumulation du capital et ne présentent pas, par conséquent une dynamique de type évolutif, L'apport des modèles trisectoriels de Hugon et Lachaud tient dans la segmentation de l'économie globale en trois secteurs distincts. Ils se démarquent ainsi des premiers modèles trisectoriels qui procédaient a une pmiton interne du secteur hfbnnel. Avec Hugon et Lachaud. le secteur intermédiaire ou de m i t i o n s'autonomise par rapport au secteur inforniel traditionnel. Ce dernier. dont le rôle n'est plus de faciliter I'accumulation dans le secteur moderne, fait office pour les nouveaux migrants de « poche de sous-emploi ~LJX activités faiblement productives et très peu rémunératrices' permettant seulement la reproduction simple de la force de travail »?5 En fait. les modèles trisectoriels présument une évolution du secteur intermédiaire vers son intégration totale à l'économie moderne. le secteur informel traditionnel restant en définitive résiduel. De cene fàçon. l'analyse trisectorielle des économies sous-développées met un terme a l'idéologie évolutionniste. selon laquelle. l'informel urbain se fondrait dans la rationalisation des économies sousdéveloppées. selon des étapes de la croissance prédéfinies et universelles. En somme' le discours dualiste va d'une vision négative de I'informel comme cheminement des économies sous-développées vers le modèle technicien rationnel. à une vision plus positive de I'infomel comme partie de l'économie ayant un rôle de création d'emplois et de revenus. ainsi que de satisfaction des besoins des moins nantis. 11 persiste toutefois. en filigrane des thèses dualistes, l'idée d'un secteur informel d'essence précapitaliste dont les activités ne sauraient s'établir longuement face à la montée des normes technico-rationnelles. L'approche trisectorielle replace alors la perdutance de l'informel dans la nature hétérogène de ces activités. Le débat porte désormais non plus sur les délais d'achèvement des activités infornielles. mais sur ses ~aractéristiqueset ses rôles dans le cadre des économies sous-développées. " David Tumham, Bernard Salomd et Anioine Schwarz: Nouvelles approcizes du secteur informel. Paris. OCDE, p. 13. 1.3. Les analyses systémiques D'inspiration r n d s t e pour la plupart. les analyses systémiques foulent au pied la catégorisation de l'économie en deux secteurs distincts: le formel et l'informel. Elles panent de l'idée que l'économie forme une totalité et renversent la perspective dualiste par l'aflirmation que I'informel est. non pas distinct de l'économie moderne, mais une composante de celle-ci. c( L'hypothèse est que de petites unités de production (...) ne trouvent pas leur signification à leur propre niveau. 11 importe dès lors (...) de remonter à un niveau de déterminations plus abstraites pour étudier ensuite les diverses formes de production. N~~ Le noeud du débat des approches systémiques est la détermination des ressorts de l'informel urbain dans les pays sous-développés. S'agit-il d'un mode de production distinct du capitalisme ou alors d'une forme de production reliée au capitalisme? La réponse de la démarche systémique est sans équivoque. Les activités informelles obéissent aw. lois de fonctionnement du capitalisme et de l'économie de marché. Ainsi. leur interprétation n'est véritablement pertinente. qu'à travers la compréhension de la soumission des formes de production au capital. Pour les partisans de la démarche systémique, les activités inforneiles ne présentent guère d'intérêt en tant que telles. ce n'est que dans leur relation avec le capital. donc le secteur moderne de l'économie, qu'il convient de les analyser. Dans la pratique. les activités informelles sont des excroissances du capitalisme. auquel elles sont plus précisément soumises. Les études de Le Brun, Gerry et Bienefeld 47, d'obédience fonctionnaliste celles-la concluent que le secteur informel est un sous-système de l'économie moderne qui constitue le principal centre d'approvisionnement de l'informel, qui en contrepartie. fournit une maind'oeuvre peu coûteuse et occupe des branches de l'économie non rentables pour Nconomie moderne. " Philippe H u p n et d.,op.cit. p.59. Cités par Philippe Hugon et ui., ibidem. Cette nécessaire interdépendance, selon Bose, est peu problématique, d'autant plus que les dew secteurs opèrent sur &w marchés différents. et qu'ils dépendent l'un de l'autre à la manière d'une économie coloniale et d'une économie métropolitaine En d'autres termes, l'approche systémique souligne que l'économie informelle est une forme de production qui reste soumise au mode de production capitaliste. Ce dernier' en définitive. k contrôle à travers la fixation des prix et une plus grande capacité de production. Quoique domhées par la production capitaliste. les activités économiques informelles ne sont pas elles mêmes capitalistes dans l'analyse marxiste. Elles ne présentent ni le caractére marchand (bien qu'étant échangées) des productions capitalistes, ni l'aspect rationnel des relations économiques entre les agents engagés dans ce processus d'échange, selon Les auteurs mamistes considèrent l'économie urbaine comme un mélange de modes de production. Le mode de production dominant capitaliste est caractérisé par le travail salarié libre. Les modes de production non capitalistes sont par exemple le mode féodal (qui se caractérise par les serfs attachés a la glèbe). le mode des paysans (se caractérisant par le travail familial) ou la petite production marchande ».50 <! Dans ce contexte d'activités non capitalistes' internes se caractérisent par la propriété commune des moyens de production et par des relations non salariées. qui sont entrecroisées de relations traditionnelles. telles que les castes. l'origine etc. Enfin. d'après Hugo% le petit entrepreneur n'a pas besoin de puiser plus de revenus de son affaire que ce qui est « les relations sociales " Idem. p.61. " Cité par Meine Pieter Van Dijk op. cit. " Idem. p.6 1. ode lier.'^ nécessaire pour la poursuivre, l'accumulation de capital n'a pas lieu N? Maillon le moins productif dans une économie de marché. (4 les activités infornielles constituent des formes de production associées au capitalisme dominant mais connaissent leurs propres lois de fonctionnement: elles constituent des réponses des acteurs sociaux intégrés dans un certain type de relations. »j2 En somme. l'analyse systémique oriente sa démarche vers le rejet de la segmentation de l'économie en deux secteurs. L'analyse de l'informel ou de la petite production marchande. pour parodier Hugon, ne trouve sa pertinence qu'à travers la compréhension des modes de production urbains. et plus précisément dans la soumission des formes de production au capital. (( Les relations entre les deux secteurs ne doivent pas être étudiées dans leurs liens d'extériorité. mais être analysées dans leurs liens dialectiques au sein de la totalité constituée par le capital. H" ' Philippe Hugon et al.. op. cit. p.61. " i&m. p. 181. Philippe Hugon: Dualisme sectoriel ou soumission des formes de production au capid. Peut-ondepasser le débat? » . op. cit, p. 252. Chapitre II La tradition socio-culturelle comprend un ensemble d'approches de l'informel urbain élaborées. non plus exclusivement avec l'idée d'un (sous)développement lié aux performances économiques, mais au regard des changements sociaux globaux engendrés par le phénomène d'urbanisation-industrialisation dans l'ensemble des sociétés dites sous-développées. Elle se démarque de l'approche strictement écunumique en ce sens qu'elle représente une rupture dans les perceptions et les analyses des activités informelles. La réalité d'une urbanisation accélérée qui entasse des millions d'individus dans des villes du Tien-monde dépourwes des smcnires d'accueil adéquates a raison. d'une part des analyses optimistes de l'informel en termes de transition: et des thèses dualistes qui avaient pensé à l'absorption progressive des activités informelles par le fomel dans le procès de modemisation. Mais ce revirement idéologique est également, à plusieurs égards. une sorte de retour aux sources des études de l'informel urbain dans le Tien-monde. En effet. les études de l'informel urbain en Amérique latine notamment situent très t ô t le débat informel dans une perspective sociale globale. Dans ce qu'il appelle le "premier âge de l'économie informelle". Lautier distingue trois registres dans lesquels s'inscrit l'analyse de l'informel. Nous avons naturellement le registre du sous-emploi. mais également celui de la marginalité. celui de la pauvreté et de la recherche de la survie ". Ces deux demien régistres sont caractéristiques du discours social sur I'informel. II. 1. Le premier moment: la margmalité Les tentatives d'explications de l'échec de modernisation des sociétés du Tien-monde rendent compte. en terme de margidité, du processus spatial et humain qui aboutit à la surpopulation des villes sous-développées, avec pour cornollaire l'extension anarchique de l'habitat urbain. Au départ, la thèse de la mar@naÜtéfait explicitement référence à ces masses d'urbains dom l'intégration au salariat ne s'en pas faite. On parle méme. dans une cenaine %runo Laurier: op. cit, p h . mesure. de la transposition aux rapports sociaux de production du dualisme économique formel-informel. Les études de la situation latino-américaine distinguent un cenain nombre de f2,rteurs caractéri=t la "marginalidad": (( - exclusion des mécanismes de la production moderne: - existence de relations interindividuelles différentes de ceiles qui prévalent dans le secteur formel: - isolement @opphique des mases urbaines concernées. P De cet angle. la marghdité ou non-intégration s'oppose a l'intégration. dans le salariat moderne bien entendu. Quijano fait une distinction dans la population marpinale. Pour lui. 1e Lumpen-prolétariat caractérisé par l'errance. 1'anornie, la solitude et la misère, constitue un ensemble d'individus dans les sociétés dépendantes. Il existe une strate margide qui se polarise autour d'une petite bourgeoisie et d'un prolétariat rnarginaw: le premier groupe travaille principalement pour le secteur de la m r g h l i t é alors que le second travaille plutôt pour le secteur moderne. »j6 (( " Philippe H u p n et d. op-cit, p. 178. " Idem. p.74. Avec Quijano, la marginalité renvoie au procès de recomposition des classes sociales dans les villes latino-américaines. Ce procès met en lumière trois classes: la petite bourgeoisie r n a r w e : artisans. petits producteurs de senices. petits commerçants en situation de dépendance: les salariés , m prolongation du prolétariat industriel, et le sous pïolétariat marginal.s7 L'analyse de Gerry des enjeux de l'informel sur le thème de la margirdité est plus nuancée. Pour lui, « le concept de marginalité au sens le plus statique. décrivant un statut plutôt qu'analysant un mécanisme historique, semble incapable d'autoriser une analyse de classe pertinente de la société capitaliste sous-développée: ü laisse peu de place. ni ne crée d'outils analytiques efficaces. pour examiner? soit le processus de différenciation des classes plus clairement définies. soit les différenciations entre et à l'intérieur des hctions qui constituent les classes actuellement en formation. »58 Orientant sa démarche dans le sens de l'analyse des processus. et plus précisement des mécanismes que comportent ces processus, l'auteur opte pour le concept de marginalisation qui traduit un processus. Le concept de m a r w i t é ne ferait pour Gemy. que lancer le débat dans un dualisme conceptuel mar@nalité-intégrationparfaitement unitile. L'armée industrielle de réserve (AIR) L'AIR fait reférence aim études de Marx sur le prolétariat lors des débuts de l'industrialisation en Angleterre. Le concept d'armée de réserve. dans ce contexte. Ibidem. I h . p. 179. (( exprime clairement la fonctionnalité du surplus de population active »? Le rôle de l'AIR dans le schéma marxiste était le maintien des salaires à un bas niveau, par une pression constante sur l'offre de travail. La situation de chômage était essentielle pour permettre le bon fonctionnement du système d'accumulation. Le surplus structurel de main-d'oeuvre des pays sous-développés joue-t-il le même rôle ? Toute la difficulté vient de ce que l'excédent n'a certainement ni les mêmes formes ni les mêmes fonctions que l'ami& de réserve du XlXe siècle: celle-ci semait en effet principalement à répondre aux "besoins flottants" de l'industrie. qui variaient dans des proportions considérables au rythme des crises des mouvements soudains d'expansion et de contraction de la production: elle permettait aussi "une redistribution rapide des travailleurs entre les différentes sphères de placement du capital". Telle était la "loi de population" propre à ce modèle historique de production sociale. »* (( Le chômage snicnirrl des villes du Tiers-monde ne semble pas relever d'une quelconque fonctionnalité économique. Aussi. la quantité des chômeurs largement plus importante en pays sous-développés fait. qu'il est peu probable que les fonctions soient identiques dans les deux cas. Pour Nun. les marpinaux ou "infra-urbains" des économies périphériques sous-développées ne jouent pas véritablement le r6le d'AIR, w qu'ils n'interfèrent pas véritablement dans le processus d'accumulation désormais sous contrôle du capitalisme industriel et financier. Contrairement a l'AIR l'informel ne répond à aucune nécessité de l'industrialisation. Les activités informelles fleurissent à l'envers et même contre le développement en privant le secteur moderne de débouchés et d'épargne entre aunes. Le surplus de m a h d ' o e u m urbaine dans les pays sous-développés ne peut être' en ce sens. un élément de développement. En définitive. la signification du phénomène informel ne peut se " Moïse lkonokoff et Silvia Sigal: *r Amee de réserve, marginalit6 et secteur iiifomel a. Revue Tiers- Monde, X X I , 82. Avril-Juin 1980, pp.42745. - * Henri Coing. Hélene Lamicq. Carlos Maldonado et Christine Meunier: a Allocation de la force de travail ei excédent relatif des mvailleurs m. in Vivre et sunivre dans les villes africaines op. cil. p. 183. trouver. comme pour l'AIR dans une stratégie de maintien de conditions économiques favorables à une croissance toujours plus grande. La sociologie. dans le cadre de l'analyse des activités informelles, va orienter le débat sur la rnarpuiaiité vers deux horizons. Premièremen& la croissance exponentielle des populations des villes du Tien-monde provoque une confusion sans précédent dans ces sociétés. L'absence de structures sociales adéquates et sufisantes. le manque d'emplois salariés etc.. mettent en péril le processus d'urbanisation. L'une des conséquences de cet état des choses est I'eetement des normes qui assurent le contrôle social. La société connaît alors une certaine momie caractérisée par un essor de la délinquance et d'autres types de déviances. La violence physique et psychologique devient la m e dans ces sociétés en mal de repères. Le second volet d'interprétation de la rnarpinalité par les sociologues en rapport avec l'informel urbain est celui du rejet des normes et valeurs véhiculées par la société productiviste. Des individus ou poupes d'individus trouvent que la modernisation par l'industrialisation conduit à la déchéance de la société par la perte de ses valeurs fondamentales. 11 s'ensuit un rejet des valeurs modernes et la recherche de la réappropriation d'une société à l'état de nature. plus humaine. Cest ce que Lautier appelle « le refus d'intégration dans la société urbaine nomée Le thème de la pauvreté est mis de l'avant. en parlant des activités informelles, avec la prise de conscience internationale des conditions d'existence précaires des populations urbaines du Tiers-monde. Au départ. le théme de la pauvreté était utilisé pour parler des migrants non intégrés dans le salariat urbain moderne. En ce sens. la pauvreté résultait donc du sous-emploi des villes du Tiers-rnonde. l'infomel~foyer de pauvreté. était perçu comme un frein au développement du capitalisme industriel. " Brno Lautier: op.cir. p.7. Dès 1991. la lune conm la pauvreté est annoncé comme (i objectif premier de la Banque Mondiale. La promotion du secteur informel y tient une place centraie: eile est devenue l'instrument principal de la @nération d'emplois et de revenus, de la formation professio~elle.et de la protection sociale, dans un contexte d'effondremeni des systèmes publics de protection. »62 Le revirement idéologique provoqué non seulement par la perdurance des activités informelles. mais surtout par les "velléités hégémoniques internes" de l'informel dans l'ensemble des sociétés du Tien-monde se répercute sur la perception de I'infonnel. comme obstacle au développement. Désormais. I'infomel est interprété comme la formulation par les pauvres de "stratégies de survie" dans des pays où le senice public est devenu afonctiomel ou presque. En filigrane de cette reconversion se Bouve une nouvelle perception du pauvre du Tiers-monde que l'on veut meilleure: débrouillard créatif et inventif. il tente par de petites activités non pas de réaliser un surplus, mais de survivre dans la psadle économique des pays sous-développés. Le secteur informel qui regroupe ces activités joue désormais un rôle social majeur: éviter ii tout prix l'implosion sociale en faisant survivre les "naufrages de la planète". 11.2. Le second moment: l'économie populaire La réflexion sur la marginalité. la pauvreté et le rôle social de l'informel se raitache en fait à la crise qui frappe les économies modernes sous-développées. Les restrictions budgétaires imposées par les plans d'ajustement smicturels des orpismes financiers internationaux ressemblent à des "bombes a retardement" sociales. Pour le secteur informel. la tâche consiste plus que jamais à ofEir des revenus, même les plus insignifiants. La capacité de l'informel à "absorber" la crise par la multitude de petits métiers qu'il offre aux migants et Bruno Laurier: Économie informelle. Solution ou probkme? B. Revue Sciences-Humaines, 50. Mai 1995, pp.27-28 aux anciens salariés du secteur moderne s'avère être un antidote efficace, contre la conjoncture économique défavorable. D'une vocation productive qui avait donné lieu à de vaines politiques de "formalisation", l'informel est maintenant 1' i n s r n e n t principal de la régdation sociale. Mais cette nouvelle vocation idéologique repose en réalité sur (( une capacité insoupçomée (...) de création d'emplois et de revenus en temps de crise. grâce à son dynamisme (...). Certains vont jusqu'a le qualifier "d'éponge à emplois". Dit autrement: puisque ce en quoi nous avons cm ne marche pas, ce en quoi nous n'avons pas cm doit marcher. »63 Sur le plan théorique, la réguiation sociale par les activités informelles urbaines en pays sous-développés est élaborée à travers la thèse de la substitution. C'est l'UNICEF. dans son rapport de 1987,qui donne le ton à cette t h è ~ eL'idée . ~ centrale est que le secteur informel se caractérise par la faiblesse des charges financières (salaires, impôts' taxes etc.) qu'il assume. Cette situation en fait un secteur très concurrentiel qui pounait exploiter certaines branches de l'économie. desquelles il serait préférable que les entreprises du secteur moderne se retirent. Autrement di2 le secteur informel pourrait se substituer a l'économie formelle dans certaines activités. Il créemit des emplois, suppléanr ainsi aiix emplois perdus dans le secteur moderne en crise. La thèse de la substitution repose elle même sur une caractéristique importante de l'économie informelle: la flexibilité Dans son acception interne, la flexibilité désigne la capacité des entreprises informelles à organiser leur production et le travail, en fonction des données conjoncturelles. Ces entreprises s'ajustent avec une facilité exceptionnelle à la demande. Une seconde modalité de la flexibilité permet aux entreprises informelles de s'assurer. toujours pour certaines charges fixes (salaires. cotisations etc.), les coûts les moins élevés. C'est ce que l'on fJ Bruno Lautier L'économie informelle dans le Tiers-mode. op. cit. p.26. Giovanni Andrea Cornia, Richard Jolly et Frances Stewart L'ajusternens à visage humain. Paris, UNICEF. 1987, 372p. ji appelle la flexibilité externe, qui d o ~ «ela possibilité de licencier, d'embaucher. sur statut précaire, voire d'échapper au salaire minimum ».6' La flexibilité des entreprises informelles est animée à ia nature des rapports sociaux (de production)66des acteurs de ce secteur. Il est d'ailleurs important de signaler que toute la cohérence du rôle social - dont on parle souvent à panir d'éléments appartenant à la sphère économique (flexibilité, faibles coûts etc.) - repose sur la nature des rapports sociaux (de production). Ces rapports évacuent les aspects contractuels et rationnels de l'économie moderne, laissant place à une plus grande convivialité. La réussite des entreprises infomelles est pour une large part redevable à la nature de ces rapports sociaux (de production). « Ce n'est pas parce que les micro entreprises en question sont des entreprises capitalistes. appelées a croitre. qu'elles résistent iî la crise. C'est justement parce qu'elle ne le sont pas. Comme elles sont familiales. que leur logique de fonctionnement est de créer des emplois à destination des membres de la famille. elles vont absorber plus facilement les retournements de la conjoncture. »67 Lautier poursuit: « La force de l'économie informelle dans ces temps de crise résiderait dans les liens personnels, et non salariaux, qui unissent le patron et sa main-d'oeuvre. essentiellement familiale. Dans une entreprise formalisée. en situation de crise. le patron ne peut pas baisser Ir salaire endessous du salaire minimum. II va alors licencier. II n'en va pas de même dans l'entreprise informelle: le petit patron ne va pas licencier son épouse. son fils ou son cousin quand le volume des affaires baissera; l'entreprise ne fera pas non plus faillite (Ir mot n'ayant pas de sens en l'absence d'inscription légale). Chacun va se serrer la ceinture, en attendant des jours meilleurs; et mieux vaut avoir un revenu par tête inférieur au salaire minimum que pas de revenu du tout. »68 CS Bruno Lautier: op. cir, p.29. 'On peur s'inierrogr sur la vaiiditk au niveau empirique de cene distinction entre rapports sociaux et rapports sociaux de production. Dans le contexte des activites informelles. ces deux notions nous semblent presque synonymes. ou du moins, la seconde est incluse dans la premikre. 6' Bruno Lautier: op. cir, p.25. " Idon, p.29. Cette seconde lecture est caractéristique du changement de discours portani sur l'informel. Du rdle nuisible de fiein au développement vilipendé par les thèses de la transition et sectorielle, l'économie informelle se retrouve chargée de vernis productives, puis de régulation des crises sociales. Les vertus des activités informelles dans la crise ginéraiisée du sous-développement s'expriment à mvers les "stratégies de survie", la "débrouillardise", caractérisées par la récupération et la transformation primaire des déchets de la consommation moderne. A la base de cette lutte contre la pression de subsistance, nous avons un complexe de solidarités collectives procédant des liens claniques. tribaux et ethniques. La survie collective donne lieu à l'émergence de solidarités de type idenditaire. Parce qu'elles appaniement au même univers de misère et de précarité. les populations unissent leurs efforts afin de mieux organiser leurs activités. En Amérique latine, le concept d'économie populaire vient souligner cette prise en main des populations par elles mêmes. La notion d'économie populaire fait reférence à une économie (( dont les gens sont eux mêmes les sujets. »69 L a notion d'économie populaire s'oppose. sur le plan théorique. a toutes les analyses qui font des activités informelles un vestige pré-capitaliste. des comportements socio- économiques irrationnels qu'il faut dissoudre dans une vague de modernité. Elle « veut souligner la spécificité des acteurs, des entrepreneurs de ces activités comme pierre de touche de l'analyse qui s'inscrivent dans un contexte historique. culturel précis. Nous cherchons à mettre en évidence un sujet, le monde populaire qui s'active en termes économiques. »'O Dans la confiCnuration spatiale urbaine du Tiers-monde, l'économie populaire renvoie . précisement à ces habitations en matériaux de récupération à l e m occupants et à leurs activités: les "poblaciones", c'est-à-dire les habitants des "pobladores" dans le cas chilien que Razeno ( 1993) cité par Bruno Lautier: op.cit. p.35. Manhe Nyssens et I p c i o Larraechea: a Les organisarions économiques populaires du Chili: la montee en puissance du facteur C B, in Oreanisations économiaues et nilm africaines. op. cit. pp.389418. 'd nous décrivent Nyssens et Larraechea. Sur le plan pratique, l'économie populaire fait reférence à un ensemble de pratiques d'entraide, qui peuvent aller de la mise en place des cuisines de quanier (cornedores populares) ou d'écoles associatives (alphabétisation ou formation professiomelle), à la constitution de réseaux de difision de connaissances sanitaires, ou d'associations d'habitants visant a palier certains déficits en équipements collectifs. (...) l'économie populaire est vue comme une alternative sociale, permettant le renouveau d i n e démocratie à la base. fondée sur la prise en assemblée générale des décisions concernant aussi bien les soupes populaires que la création d'emplois communautaires. n7' (( Lëconomie populaire est également une politique de protection sociale informelle. dans laquelle les rapports entre individus sont directs et adaptés à l'urgence des situations quotidiennes. Comme nous le notions précédement. l'économie populaire replace les acteurs et activités informelles dans un contexte historique et sociotulhirel. qui est celui des masses urbanisées et pauvres du Tiers-monde. Cette notion traduit une double préoccupation: primo, la recherche d'un champ d'expression économique de la majorité des populations urbaines exclues du procès de modernisation; secundo, la volonté affichée d'intégration politique et culturelle. par une participation accrue dans l'ensemble des activités de la société. Naturellement. le cheminement vers la réalisation de ces préoccupations se détache totalement de la philosophie d'accumulation non partagée, le différenciant ainsi des pratiques et idéologies de la société moderne formelle. Avec l'économie populaire, les pauvres sont désormais les principaux agents du développement et conséquement les sujets de leur propre histoire. -.' Rodngo ( 1990) cité par Brno Laurier: op.cir, pp.3.135 II, 3. La donne culturelle Après moult plans d'ajustement, aides techniques, financières etc., force est de contaster le bilan désastreux des économies du Tiers-monde. Des voix s'élèvent don pour souligner "l'erreur1', la raison principale qui justifie pourquoi les "greEesl' des modèles de développement importés ne tiennent pas dans les pays sous-développés. La culture est soudainement désignée comme l'oubli fatal, l'ingrédient sans lequel le développement est impossible. Le discours se veut simple: les échecs des actions de développement sont liés à la mise à l'écart des éléments de culture des populations sousdéveloppées. Il ne suffit pas d'implanter une usine ou une banque, il est égaiement important que les us et wutumes locales répondent au nécessités fonctionnelles et même symboliques de ces instruments de développement, qui impliquent autant de nouvelles valeurs culturelles à acquérir. On assiste ensuite a une refomulation des politiques nationales et internationales de développement. Au Gabon. par exemple. les pouvoirs publics mettent en place, au début des années 1980. les opérations zonales intéprées (021). un programme qui devait favoriser la participation des populations dans des projets de développement ciblés, mais dont nous savons que les résultats ont été particulièrement mitigés. Sur le plan international, les grandes institutions mondiales décrètent la dimension culturelle du développement. Au niveau conceptuel. le développement est désormais endogène. auto-centré, intégré etc. La priorité est faite am projets de petite envergure et de proximité auxquels la participation des populations est souhaitée la plus large possible. Dans les centres urbains, cette réorientation tente de ramener les activités informelles dans le giron du moderne. par des politiques de formalisation. Sous le coup de nombreuses subventions financières et d'assistance technique. on tente de faciliter l'intégration graduelle e& surtout. sans "choc culnuel'' des pratiques informelles dans les normes modernes. La nouveauté de la dimension culturelle du développement n'est en réalité qu'un réaménagement technique des idées et méthodes du développement. Il est tout au plus question d'une révision des voies jusque la empruntées. Ce nouveau développement culturel proné par les institutions internationales reste celui de l'industrialisation, de l'exploitation des richesses et d'accumulation par les détenteurs de capitaux. Le problème est juste de trouver les moyens d'une plus grande participation du Tien-monde aux échanges internationaux. Le bilan des initiatives nées de la notion de dimension culturelle du développement est mitigé. En dépit des tentatives de considération de (( la dimension oubliée »? la situation économique du Tiers-monde reste catastrophique. Aurait-on pris la culture par le mauvais bout dans le procès de développement ? La montée des activités informelles peut. en soi, être considérée comme une partie de la réponse. et cela appelle une remarque: la survie des masses urbaines en Afnque et dans le Tien-monde est essentiellement assurée par les activités informelles. c'est-à-dire par cet ensemble d'activités économiques et sociales. exemptes des interventions des agents officiels de développement nationaux et intemationaux. Les entreprises informelles constituent pour plusieurs pays. le plus important fournisseur de biens et services aux populations. Pourquoi ce qui ne marche pas dans le cadre d'une économie formalisée trouve-t-il une terre de prédilection dans le monde de l'informalité? Plusieurs auteurs voient en filigrane de cette activité communautaire dite "non moderne". une intention de renouveau global. une volonté d'affranchissement des contraintes du capitalisme fuiancier et industriel. a On met en avant le fait que s'y développe une culture que certains qualifieront de conm-culture, ou de manifestation d'un refus du développement. Ce qui caractérise les rapports sociaux de l'économie informelle est d'abord la solidarité. et la prépondérance des comportements en apparence anti-économiques. Ceux-ci ne manifestent pas l'impossibilité mais le refus d'adhérer au modèle de l'Homo oeconomicus occidental. »" -- Bruno Lautier. op-ci!, p. M. Le culturalisme. courant de pensée d'inspiration ethnologique qui s'est développé au début du siècle et qui est une tentative de compréhension des sociétés ccmrne entités singulières. a également « le souci de saisir la culture dans sa totalité. Cette perspective holistique se retrouve chez tous les anthropologues américains du courant cultudistes (...). cette tendance si manifeste chez les auteurs culturalistes se retrouve aussi bien dans la notion riche et fëconde de "fait social totalttque propose Marcel Mauss et, a un aune niveau, dans le projet structuraliste repris par Claude Levi-Strauss (.. .). 11'~ Des développements culnvalistes est né le concept de relativisme culturel. ce qui signifie le caractère particulier des expériences de vie individuelles et collectives. ainsi que l'unicité des représentations sociales. Le relativisme culturel met un bémol sur les tentatives d'interprétation du monde comme une réalité homogène en tout point et sur les tentatives d'uniformisation de la diversité culturelle. Dans ce sens. ce concept peut contribuer à la compréhension des activités informelles comme un renouveau culturel. fondé sur des valeurs différentes de celles véhiculées par le modèle socio-éfonomique occidental. C'est à ce titre que la priorisation de I'éconornie est un choix culturel respectable qui a été assumé par l'Occident. mais dont la prétention universaliste ne répond à aucune nécessité historique. En clair! l'existence d'une sphère économique autonome n'est pas un trait de civilisation incontournable. Elle n'a valeur préeminente que dans le complexe socio-culturel historiquement établi en Europe. Sa surimpression dans des sociétés dont l'axiologie n'inscrit @re I'accumulation capitaliste entraîne des phénomènes de rejet et la mise en place des mécanismes de régulation appropriés. Cela semble être la signification profonde de I'essor des activités infornielles dans le Tiers-monde pour plusieurs penseurs dont la reflexion entre dans le schéma cultudiste. « Selon l'approche culturaliste. les activités inforneiles constituent le Lieu, par exemple, de l'alternative et de l'expérimentation sociale. »74 7 -4 Simone Clapier Vallandon: Panorama du culntralim. Fans, id. Epi, 1976, p. 17. Benoît Lévesque: L'aurre &conornie, une économie altenative ? Montréal, PUQ, 19û9, présentation. Serge ~atouche'~ est sans doute une des figures de proue de la thèse de l'avènement d'une économie, mieux, d'une société nouvelle. Partant du constat d'échec des tentatives d'universalisation des normes sociales occidentales, Latouche et les autres zélateurs de la rupture ou du renouveau dont l'infomel est I'expression interprètent ces activités comme l'invention par les masses d'une autre forme d'économie, certains (( vont même jusqu'à voir des signes d'une société post-moderne N . ' ~ Le projet d'occidentalisation des peuples du Tiers-monde par un développement mimétique. le règne de la rationalité technico-instrumentale a trouvé ses limites dans le contexte des pays sous-développés. Pour Latouche, la différence fondamentale réside au niveau de ce qu'il appelle la "souche sociétale". On peut comprendre ce concept comme étant une sorte de matrice des valeurs d'une civilisation qui oriente la pensée et l'action de ses membres. La souche sociétaie poumit égalernent représenter la structure au sens lévistraussien du terme. Et cette smcture dans les pays du Tiers-monde serait différente de celle de 170ccident.La (( souche sociétale )) se fonde dans les pays africains par exemple. sur des valeurs culturelles communautaires de partage et de solidarité par lesquelles la recherche limitée du profit reste essentiellement. un instrument de promotion collective. Aussi. (( la réussite de l'informel tient profondément a son irrationalité. c'est-à-dire au fait qu'on a affaire à une réalité qui ne rentre pas dans le schéma du paradigme occidental. )?' La thématique de l'invention d'une société nouvelle est aussi une violente critique de l'idée selon laquelle, le sous-développement est un retard économique, un phénomène conjoncturel auquel la croissance économique des pays retardés mettrait fin. Une analyse dénoncée par les cultudistes qui pensent que le sousdeveloppement est fondamentalement une forme de déculturation. (( En tout état de cause. le Tien-monde souffre plus de ce que -'Serge Latouche est Professeur à la Faculté de droit de I'Universitt5 Pans Xi et Serge Latouche: a Les paradoxes de la normalisation de l'économie informelle jurîdiaues. konorniaues et sociale informelles. op. ci?,p.63. ' / a h . p.66. -6 1'I.LU.S. m, in Les mtiaues nous lui vendons ou lui donnons. que de ce que nous lui extorquons. Et ce que nous lui apportons de plus nocif est un modèle culturel affVme Partant. Le développement des activités informelles constitue la réponse du Tiers-monde à l'oppression capitaliste. la solution que les peuples du Sud opposent au modele technico-rationnel occidental, qui ne répond pas à l e m besoins. La gageure de l'informel n'en per qimplement de survivre, il s'agit plus profondément de modifier le systéme, de changer les regles du jeu. en somme d'instaurer une société différente du modèle fonnel moderne. L'informel ne désigne pas seulement une réalité économique atypique, invisible, mais une société elle même illisible, en délicatesse avec la modernité. ni légale. ni illégale, littéralement ailleurs, en dehors des cadres de repérage et des valeurs dominantes (...). il n'est donc possible de saisir l'hétérogénéité concrète de 1' informel cornme une totalité cohérente au niveau abstrait que si on saisit le formel dans sa pemnence théorique. L'informel est bien un cas de délinquance envers la raison économique. Il est l'autre de la grande société. N~~ (( L'économie alternative L'interprétation des activités informelles « sous l'angie de l'altérité. voire de la contreculture OU du refis du développement )?* laisse entrevoir une intense activité transformatrice dans les pays sous-développés. La situation des économies modernes est si catastrophique que la normalisation de la société globale dans ses fonctions essentielles par les activités informelles est plus vraisemblable qu'une énième resmicturation de ces économies officielles. De l'importante envergure que prennent les activités informelles dans ces sociétés. allant jusqu'à provoquer des interfërences sérieuses dans le système moderne. '>9 " François Panant: Cette crise qui n 'en est ppr une. Paris. L'Harmattan, 1994. p. 220. Serge Latouche: La planère &s nag?agt?s. Paris*La Découverte, 1991, p. 1 16. [&m. p.31. semble jaillir une nouvelle voie de développement. Cette nouvelle voie de développement dans l'approche culturaliste est consécutive a la destruction par le capitalisme des stmctures socio-économiques du Tien-monde. Elle est plus précisernent l'enjambement des structures politiques, économiques, sociales et culturelles mimétiques. La nouvelle voie informelle se justifie par le refus du développement tel qu'il est conçu et appliqué, c'est-à-dire. sans le moindre souci d'un certaii équilibre dans la répartition des richesses à tous les niveaux. La vitalité des activités informelles doit conduire a la mise en place de mécanismes et institutions de gestion de la société globale. À quelles fins pourraitsn se demander ? Penouil et Lachaud pensent que l'économie informelle est vouée a « un développement classique dans ses aboutissements, c'est-à-dire le seul modèle concevable et valable pour un économiste: la société technicienne. la civilisation unidirnensiome~le.(...) Le secteur i d o n e l n'est pas transitoire en soi. mais son rôle historique sera transitoire. ou ne ' sera pas. »8 D'autres analyses font une interprétation plus pragmatique sur la question de la nature de l'informel et de ce qu'il augure. Les activités informelles sont les seules qui assurent la survie des masses urbaines des régions sous-développées, Cette fonction qu'assume ItinformeI est la résultante d'un état pathologique avancé des nonnes sociales modernes. L'informel n'est surtout pas un caprice de ceux qui en vivent. mais la seule voie qui jusqu'ici permet au plus grand nombre des citadins du Tiers-monde. de plus ou moins satisfaire leurs besoins élémentaires. Pour Latouche. « l'informel ne porte pas en lui même un projet développementiste. caractéristique de l'appartenance à la grande société. il est bel et bien porteur d'une autre société ».82 La conceptualisation de la réalité informelle et de son importance fonctionnelle dans les villes du Tiers-monde nous conduit. vers l'émergence d'une option de contrôle social différente du modèle productiviste. L'informel serait beaucoup plus la substance de base tant recherchée pour un développement alternatif'. Cites par Serge Latouche: Ln planète des ~ u f a g e s op. . cil, p. 130. "idem. p.131. 81 Devenant un modèle social « de plein exercice », I'informdité implique dans son versant économique, la montée de ce que l'on dénome l'économie alternative. Bien que plusieurs courants de pensées en traitent, avec quelques nuances, il se dégage un consensus au niveau de ce que nous appelons Fesprit pjnéral de ce qu'est l'économie alternative. il semble bien que la majorité des chercheurs sur la question s'accordent autour du rejet de l'économie en tant que sphère autonome et impérialisante. Pour un certain nombre de chercheurs (...). I'économie alternative désigne cette partie de la science économique qui étudie la satisfaction des besoins de la vie courante dans un cadre de pratiques et d'attitudes autres que celles associées au modèle dominant dans une société de consommation. Pour d'autres, l'économie alternative renvoie plutôt à une autre approche des sciences économiques, approche qui se veut en rupture aussi bien avec l'approche néoclassique qu'avec les approches keynésienne et marxiste.)ba3 (( D'autre approches de l'économie alternative soulignent que les activités informelles relevent des préocugations humaines et environementales. L ' a c d i t é des débats autour de la paupéristion de la plus grande partie de l'humanité, de la dégradation de I'enviromement a cause des rejets de substances industrielles toxiques rajoute des arguments à ceux qui militent pour une revision du développement et de ses objectifs. L'économie alternative se positionne également comme une philosophie réaliste de la vie comprise comme l'ensemble des contraintes qu'imposent les activités humaines et celles inhérentes à Ia conservation d'un environnement relativement sain. La réalisation de cet idéal alternatif est certainement fonction d'un changement significatif dans la conception et la pratique de l'économie. Les zélateurs de l'économie informelle comme foxme alternative' " Andd Joyal cite par Benoît Uvesque: op-cit. p.26. certes embryonnaire, voient en ces activités les germes d'une approche qui amènerait une véritable rupture avec le modèle ambiant. C'est ainsi que de rnaniére pratique. le défi de la nouvelle économie (...), est de remplacer un modèle dominant dans l'esprit des gens d'aujourd'hui et qui renforce la dépendance et I'individualisme, par un nouveau modèle, un modèle dont la première priorité (top prionty) semit de rendre les gens. les petites régions et pays (notamment ceux du Tiers-Monde) capables de prendre en main les destinées de leur propre économie. de développer leur capacité pour les coopératives et leur sens des responsabilités sociales et écologiques. De ce point de vue? l'économie alternative est non seulement en rupture avec les approches disciplinaires dominantes, mais aussi engagée dans la réalisation d'alternatives économiques et sociales. P (i Cet enchevêtrement des activités économiques et sociales se cristalise dans des solidarités de résistance aux lois du marché capitaliste libéral. La force de I'économie alternative réside dans le refus de l'isolationnisme qui privilégie les entreprises isolées ou les unités de comptabilité séparées. au détriment de structures qui fonctionnent en réseau. et dont l'un des avantages est de permettre de minorer les impacts socio-économiques inhérents a la logique du marché. Ainsi conçue, la nouvelle dynamique associe désormais la notion d'alternative à celle de solidarité?car dans un monde d'exclusion et de précarité "la solidarité ne vaut que si elle développe l'autonomie, et l'autonomie ne vaut que si elle développe l'égalité. Ainsi. l'économie solidaire ne peut-être qu'alternative. »85 (( Robertson cité par Benoît Lévesque: opcit, p.27. Jacques Archimbaud cite par Fidele Nzé-Nguema: a L'enneprise informelle offre-t-de des correctifs au secteur formel et lesquels ? m, in Organisations éconorniaues et cuItures africaines. op. cit, pp.291-3 12. L'avènement de l'économie alternative. fondement de "l'autre société" peut se concevoir de deux façons selon ~atouche'~.La première résulterait de la prise de conscience d'un besoin de changement qui se traduit par la construction consciente d'une société dont les nouvelles normes sont collectivement acceptées. Nous avons donc a travers ce choix. une alternative volontariste. La nouvelle société peut également être le fait d'un déterminisme historique. c'est-à-dire que l'oppression capitaliste conduit à la marpalisation des masses urbaines du Tien-monde. Prises au piège de la survie. dans un système dont elles sont exclues, ces masses n'ont plus que le choix de créer des mécanismes de subsistance distincts des circuits officiels. Il s'agit alon de l'alternative historique. Qu'elle procède d'une élection collective ou d'un retournement de l'histoire. "l'autre société" se caractérise par son exigence de totalité. c'est-à-dire la non différenciation des activités sociales en dominantes et secondaires. Il y a réenchâssement du sous-système économique dans le tout social. Mais la société alternative suggérée par les activités informelles reste limitée dans son expansion. par le peu d'intérêt que suscite cette approche d'une part; et d'autre part. par la faible conscience collective des acteurs de l'informel autour d'un véritable projet de société basé sur ce modèle informel. En définitive. si le rôle social des activités Uiformelles est indéniable dans les stratégies de survie des masses urbaines du Tiers-monde. il n'en reste pas moins. que dans une projection à moyen terme' l'informel ne se pose pas encore comme une alternative viable à l%conomie moderne. Les pays du Tiers-monde se retrouvent finalement dans une impasse où H la difision des activités économiques informelles manifeste bien la crise du capitalisme. mais ne constitue pas un vecteur privilégié pour les expérimentations sociales progressistes. Ces activités ne sauraient être identifiées à des activités autonomes puisque la plupart du temps, elles ne sont que des substituts contraints. )18' a Serge Latouche: 1995, pp.190-195. Autre économie ou autre socidte ? P. " Benoit Lévesque: op. cil. p. 16. in L'hnornie devoilée, Pans. a. Autrement Le rôle d'innovateur socio-culturel de l'informel semble se raméner à celui de soupape de sécurité et de décompression dans une crise sans fin pour les millions de citadins du Tiers-monde. On en arrive à la conclusion que l'économie informeile (( ne sert à rien en termes d'accumulation ou de changement technique, mais elle sert à survivre ».88 Il reste tout de même que l'économie formelle des pays sous-développés ne répond &R aw attentes des développeurs et surtout des populations urbaines. La question ultime ne doit pas uniquement faire le procès de la capacité des activités informelies à s'ériger en véritable modèle de socikté. elle doit aussi sonder la société formelle sur sa capacité à rester un modèle d'organisation socio-économique viable et répondant aux besoins de ses agents. Une des contributions de l'analyse sociale reste assurément la démonstration des limites du modèle productivisre dans ses fonctions et dans ses représentations, d'une part: et la reconnaissance des activités informelles comme étant celles. qui tentent de soulager la misère du sous-développement. Sur le plan heuristique, la tradition sociale va sortir le débat sur la signification de l'infomel du champ exclusif de konomie. Aussi. l'infarmel, son caractère de fait social total »89 (( la spécificité de ouvrent de nouveaux horizons à 1' interprétation des faits informels. Et c'est sur le terrain politique qu'apparaîtront de nouvelles approches des activités informelles. 3B Brno Lautier: opcit, p.36. " Serge Latouche: ia plnnète des n/Ucfjagés:op. cit. p. 13 1. Chapitre III La tradition politique La tradition politique pousse en avant le mouvement critique du modèle de développement imposé dans le Tiers-monde par l'occident. Eile hérite des thèses culturalines et cultive à son tout la nécessité d'une approche globale du développement, plus précisément, la réorientation des prémisses théoriques qui servent à analyser les changements induits par le processus de modernisation des pays sous-développés. La problématique des activitis informeiles dans les villes du Tiers-monde entre égalernent dans un nouveau champ de réflexion, celui qui a trait au « problème du pouvoir et des rapports des citoyens à l'État »." Longtemps confinée au diktat de l'économie et de la comptabilité. l'interprétation du fait informel vise dans la tradition politique « à dénoncer une imposture, et déplacer un vrai problème ».91 Le vrai problème est celui des masses urbaines s'entassant dans les habitats précaires des bidonvilles du Tiers-monde. L'imposture consiste. quant a elle. a faire croire qu'il s'agit sirnpleme~td'un problème arithmétique qui sera résolu par la croissance économique. Fondamentalement. la tradition politique est une l e m historico-sociale des changements dans les sociétés dites sous-développées. L'analyse sur le terrain politique est une vision dynamique du changement social, qui replonge dans le passé colonial de I'AfEque par exemple. afin d'en saisir les ressorts des situations présentes. Hier et aujourd'hui sont liés et dans cette logique, I'informel n'échapperait pas a l'histoire de la domination par l'occident des peuples du Tien-monde. L'universalisation du modèle socio-économique occidental aurait un envers dont l'informel est caractéristique. 11 as@ '& à la fois. de la crise du modèle imposé et d'une reprise par les informels des rênes du destin des pays pauvres. Telles semblent être les deux voies que nous propose la tradition politique. Mais en définitive, dans la tradition politique. !'état de la critique de la société technicienne est essentiellement la critique de l'État. dans sa Bruno Lauaer. Claude de M m et Alain Morice: L'Etut et l'informel. Paris. L'Harmattan. 1331. p.5. '' Idem. p.6. nature historique en pays sous-développés, ceci en liaison avec ses fonctions de régulation sociale au sens le plus large. L'analyse politique ne se réduit pas à l'opposition formel-informel. Le sens de la recherche est de comprendre les relations entre les populations et l'institution étatique. Les activités informelles relèvent soit de l'inexistence de règles devant émaner de 1'autorité publique, soit du non respect des normes établies par l'État. Et c'est cette interaction citoyens-État qu'éclairent les activités informelles dans la tradition politique. III. 1. Le poids de l'histoire coloniale L'examen politique de l'informel par une approche historique ramène le débat a la question du développement des pays amiennement colonisés. Il renvoie l'informel a l'échec de l'application du modèle sociétal occidental dans les régions colonisées. En ce sens. le développement des pratiques informelles peut être considéré comme étant la développement urbain colonial. Selon l'ancienne conception colonialiste: coloniser c'est se merne en rapport avec des pays neufs pour profiter des ressources de toute nature de ces pays, les mettre en valeur dans l'intérêt national. et en même temps apporter aux peuplades primitives qui en sont privées les avantages de la culture intellectuelle. sociale. scientifique, morale. artistique. litéraire. commerciale et indusnielle, apanage des races supérieures. La colonisation est donc un établissement fondé par une race à civilisation avancée. pour réaliser le double but que nous venons d'indiquer. )19? (( Cite par Henri ürimal: La dicolonisPsion de 1919 à nus jours. Paris, Éd. Complexe. 1985, p.6. <( fille » du II n'est pas utile de revenir sur tous les sous-entendus des assenions de cette nature. mais il reste que ces idées étaient à la base de la politique coloniale et de la façon dont se sont développées les activités urbaines. Le développement urbain s'est fait sous le double signe de l'exploitation et de l'exclusion systématique des masses autochtones dans les activités essentielles de la vie urbaine. La colonisation a un double impact sur l'organisation saciospatiale des villes d'Afrique noire. Le premier est la destruction des modes de gestions de l'espace des autochtones. Le second contribue à la méation et au renforcement de disparités locales et régionales. Ces deux conséquences de la colonisation procèdent du fait que (4 les colons organisent la société locale sur la base d'un ordre qui assigne désormais aux colonisés un espace dans lequel ils doivent évoluer. Il y a une scission de l'espace qui oppose la société coloniale ( minorité majoritaire ) à la société colonisée (majorité minoritaire ). Le modèle occidental est ainsi reproduit en Afnque sur initiative de la bourgeoisie coloniale. Le modèle occidental auquel Nzé-Nguérna fait référence ici est la ségrégation comme critère d'exploitation et de répartition de l'espace. Les colons prennent les meilleures terres pour leurs exploitations et leur habitat. Aussi. la traite négrière aura largement contribué a renforcer une attitude de mépris vis-à-vis des autochtones afiicauis. Dans le cas du Gabon. l'exploitation de l'espace se fera sous deux formes: la méthode de la progression géométrique qui (( consiste à mettre en valeur un espace géographique capable d'absorber en un laps de temps très court le maximum d'équipement avec la mise en nain des produits de toutes sortes afin de fertiliser le sol: en vue de moderniser surtout le temtoire de la culture des produits à l'exportation. »94 La convergence systématique et simultanée doit, quant a elle, « désenclaver immédiatement le pays par la convergence de I'ensemble de ses composantes géographiques.»95 Fidele Pierre N z e - N p d m Modernité t i e r s - m e et bouc-hémisphère. Pans, Éd. Publisud. Coll. Perspectives Africaines. 1989, p.98. 'Y 95 dem m. p. 100. Ibidem. En réalité. c'est la progression géométrique qui sera la méthode la plus usitée, les colons maximisant leurs efforts dans les zones rapidement rentables (bois et cultures d'exportation). en délaissant le reste du pays. La modernisation consista en une exploitation intensive de la main-d'oeuvre, plus qu'en un apport de technologies novatrices ou de création de voies de communication, formant ainsi un réseau urbain sur l'ensemble du temtoire. Sur le plan de l'urbanisation. le fossé se creusa. donnant visage a des formes urbaines variées et originales en Afnque noue. III. 1 . l . Une urbanisation inégale Les inégalités sont visibles à deux niveaux: au plan de la répartition de l'urbanisation sur le territoire et à l'intérieur des villes. Pour des raisons économiques évidentes. la colonisation va favoriser le développement des villes côtières. « C'est cene partie de l'Afrique qui a eu les contacts les plus anciens avec les Européens (...). et qui a COMU une mise en valeur plus poussée depuis le début du XXe siècle: plantations agro-industrielles. exploitations forestières et minières, cultures paysannes d'exportation exigeaient la mise en place d'une infrastructure plus complète et moderne qu'ailleurs ( routes. voies ferrées. pons La conséquence majeure est alors la répartition sur le temtoire des structures urbaines. Pour Vennetier. l'origine côtière des villes, conduit à des distortions internes. «Une ou deux grandes villes, souvent situées en position excentrique et concentrant la majorité des emplois, ont polarisé le flux principal des migrants, ne permettant longtemps que la croissance modeste de chefs-lieux régionaux dans le reste du temtoire. Tous les États c6tien (Ethiopie et Kenya exceptés) connaissaient ce déséquilibre interne. puisque leurs capitales sont presque toujours des pons maritimes. »'' " Pierre Vennetier:Les M e s d ' m - q u etropicale. Paris. Masson, 1991. p.53. r ~ d e mp.54. L'intérieur des territoires et l'arrière-pays sont les "parents pauvres" de l'urbanisation en Afnque noire. La polarisation des activités coloniales sur les côtes donne à l'urbanisation une structure extravertie, tournée vers les grandes métropoles occidentales. La diffusion des activités urbaines vers l'intérieur ne se fera que t r e s peu sinon pas du tout. L'industrie se limite à l'extraction puis à l'évacuation vers l'Europe. via les villes côtières. Ces villes méritent mieux le nom de zones d'exploitation des matières premières. Leur rayonnement est si faible qu'elles ressemblent plus à de grands bourgs. Dans les zones plus éloignées de l'arrière-pays la léthargie urbaine est encore plus grande. Les habitants de ces iointaines contrées poursuivent les activités agricoles ancestrales et leur cadre de vie est démeuré rutal. La domination économique. dont la colonisation fut la fusée porteuse, a donné aw villes africaines des caractéristiques marquées par les interêts de Ilentreprise coloniale. Les villes côtières' indispensables au commerce sont. au sommet de la hiérarchie urbaine et bénéficient d'une urbanisation nécessitée par les besoins économiques. La colonisation laisse à l'Afrique noire un héritage urbain déséquilibré. Autant les villes-ports de la côte accaparent avec les villes politiques. la quasi-totalité des structures urbaines. autant l'intérieur et l'arrière-pays restent en muge du phénomène. Le résultat de k politique urbaine coloniale au niveau du temtoire est l'absence de ce que l'on appelle un réseau urbain. La polarisation des activités sur les côtes a empêché l'émergence d'autres centres urbains provoquant une urbanisation a plusieurs vitesses. Le constat est tout aussi valable lorsque nous regardons l'évolution interne dune ville coloniale. « Quelles que soient les conditions dans lesquelles elles ont grandi. les villes coloniales offrent toutes un point commun (...) : c'est l'oppositionl sur le terrain? entre deux ensembles de quartiers constituan&selon une terminologie classique. l'un la "ville blanche" et l'autre la "ville noire". ng8 Cette cohabitation de l'opulence et de la misère caractérise l'urbanisation de 1'Afnque noire. La projection spatiale de la politique d'aménagement du temtoire de la colonisation. nous renvoie donc à une urbanisation de type dualiste. Des zones réservées aux habitations des coions. aux bâtisses des compagnies cuncessionnalles et le lieu des édifices du pouvoir constituent la ville blanche. EUe est « formée par un ensemble de concessions: parcelles assez vastes insérées dans un réseau de rues se coupant à angle droit ou formant un dessin radioconcentrique )? selon la qualité du site. L'architecture est d'inspiration européenne et les matériaux de construction utilisés sont durables. Plus connue sous l'appelation de "viUage africain". la ville noire concentre la population autochtone composée de petits artisans. des employés des sociétés coloniales. des domestiques et même des inactifs. Dans cette ville. l'urbanisation se fait dans la plus grande confusion et le désintérêt du colonisateur. On n'y trouve pratiquement pas d'infrastructures urbiiines, tant au niveau de l'aménagement de l'espace. qu'à celui des activités économiques et sociales. Les populations continuent de pratiquer l'agriculture de subsistance dans les espaces environnants. Pourtant. l'exode rural continue d'alimenter la ville noue de ces milliers de migrants qui viement s'entasser dans le village africain attirés par I'illusion d'une existence meilleure. Cette partie de la ville coloniale est construite de matériaux précaires. à telle enseigne que, les cases «s'élèvent sur des concessions mal délimitées et souvent encombrées par plusieurs constmctions se pressant littéralement les unes sur les autres... Cases de "fières" de brousse Gaichernent arrivés à la villet arbres hitiers. coins de potagers. se dispersent dans les espaces libres où sinuent de miniscules sentiers, nés du passage répété des habitants et seuls moyens d ' e s à ces maisons. » '* Tel est le \risage de la ville coloniale en Afkique noire. Une urbanisation compartimentée et. surtout. sans articulation entre ses composantes "blanche" et "noire". Selon Frantz Fanon: " Idem. p. 1.34. '" Pierre Vemetier op. cir, p. 136. «la zone habitée par les colonisks n'est pas complémentaire de la ville habitée par les colons (...) La Mlle du colon est une ville en dur, toute de pierre et de fer, c'est une ville illuminée. asphaltée, où les poubelles regorgent toujours de restes inconnus? jamais MIS, même pas rêvés (...). La ville du colonisé. ou du moins la ville indigène. la ville nègre. la m m la réserve est un lieu mal famé, peuplé d?iornmes mal famés (...). C'est un monde sans intervalles. les hommes y sont les uns sur les autres. La ville du colonisé est une ville affamée. »'O1 Un schéma qui ne souffrira d'aucune modification majeure tout au long de la période coloniale. Du point de vue sociologique, la colonisation est importante parce qu'elle est le moment de la rupture. Rupture entre une représentation du monde que renferment les formes urbaines précoloniales et la logique producriviste et exploiteuse de la colonisation. Cette rupture de l'urbanisation aiiicaine par des éléments extérieurs brise l'équilibre existant et fait naître les disparités urbaines coloniales. Développement inégalement réparti, entre la côte et l'intérieur des terres. entre la ville noire et la ville blanche. mais plus encore. c'est l'idée mème de développement qui est travestie par les pratiques coloniales. La période postcoloniale ne sera. à son tour?plus que la continuation et le renforcement d'une logique urbaine inégalitaire. Les mouvements migratoues des villages vers les villes amorces au cours de la période coloniale vont connaître un accroissement exponentiel à l'aube des indépendances des pays d'Mique noue. Ayant désormais la gestion du devenir de leurs pays. les gouvernants africains tentent de solidifier leurs économies. La création d'entreprises privées ou le lancement de grands travaux publics attirent de très nombreux migrants vers les villes. Cela est d'autant plus aisé que les campagnes n'ofnent pratiquement pas d'emplois aux populations. Le résultat est cet extraordinaire flux de migrants qui convergent vers les villes devenues le lieu de tous les espoirs. Dans ce contexte. les villes s'agrandissent de nouveaux 'O' Cite par Santos Milton: Les villes du Tiers-Monde. Paris. Éd. M.-TH. Cienin. 1971. p.47. quartiers, sans une modification profonde de la structure et des paysages urbains. Les colons ont été remplacés. dans les fonctions dirigeantes' par une nouvelle élite d'autochtones qui réside aussi dans les beaux quartiers urbanisés du centre ville. La sépigation prend une forme socio-économique. séparant les nantis de ta bourgeoisie locale, de la masse des quartiers populaires. «Les cadres supérieures des grandes sociétés privées, certains hauts fonctionnaires, quelques ambassadeurs de grands pays. sont logés dans des villas témoignant d'une recherche architecturale moderne. oii la piscine. sinon le court de tennis, sont des éléments d'un confort apprécié. mais coûteux. Les quartiers résidentiels ont ainsi souvent l'aspect de petites cités-jardins, dont le cadre rend plus supportable la chaleur qui r@ne une p d e partie de l'année; il est Mai que la climatisation maintenant très répandue, a bien amélioré les conditions d'existence. )) 'O2 De l'autre côté. les plus nombreux des citadins « colmatent un coin de n w é a g e avec des moyens de fortune. entaillent un versant pour y poser une case approximativement horizontale ».'O3 Cette partie de la ville d5Af?ique noire est certainement sa plus grosse originalité. Ces quartiers déshérités offrent un panorama assez éloigné de l'image conventionnelle d'une ville. Dresch dit de ces agglomérations qu'aucune « n'est complètement coupée de la vie d e . Les femmes au moins ont des plantations partout dans la plaine et sur le flanc des collines. d W De façon générale, la fonction résidentielle reflète une politique d'urbanisation qui perpétue la tradition coloniale en favonsant l'élite dirigeante. Nous sommes donc en présence de i'intégration par les populations, d'un principe de sûatification sociale basé sur la possession. '" la, lai herre Vemetier. op. cir, p. 134. Idoli. p. 136. Idem, p. 137. En somme. le parcours urbain de l'&que noire est également celui de son passé. Avec la colonisationt le processus d'urbanisation s'accélère, les inégalités aussi sur fond de convainte physique et de préjugés raciaux. Cela se naduit par un développement inégal des structures urbaines. D'une pan, seules les régions a fon intérêt économique connaissent un certain essor urbain: et d'autre part., les Africains sont socialement marginaüsés dans le processus d'urbanisation. C'est en cela que la période coloniale est une véritable rupture dans le pro cessus d'urbanisation de l'Afrique noire. D'une urbanisation précoloniale communautaire. basé sur les systèmes familiaux et les castes de métiers. nous passons à une logique d'exploitation des richesses et des hommes imposée par des forces extérieures et fondée sur le principe de supériorité raciale des blancs sur les noirs. Le processus de développement endogène est court-circuitét puis progressivement remplacé. par des pratiques et normes occidentales. La période postcoloniale ne change pas le cadre idéologique colonial, seulement les acteurs politiques. L'émergence de "bourgeoisies locales" accentue les disparités socio-économiques par I'enrichissement de quelques-uns au détriment du plus p d nombre. L'urbanisation de ItAfnque noue retiendra ces phases de l'histoire en inscrivant sur son sol la "ville blanche" et la "\<lie noire": puis le quamer résidentiel et le bidonville. Aujourd'hui. l'urbanisation de I'Afiique noire et le développement. de façon générale, posent plus de problèmes qu'ils n'en résolvent. III. 1.2. Des disparités urbaines aux activités idonneIles Sur le plan social. la colonisation est le moment de la brisure en f i q u e noire. L'exclusion. qui est de d e . va constituer deux mondes très distincts: celui des colons et celui des autochtones. Légalement ou non, les colonisateurs européens étaient tous d'accord sur un point: les villes coloniales étaient un lieu privilégié de Blancs, leur espace réservé politique, culturel. et bien entendu économique et financier. On considérait les aûicains qui vivaient en ville comme des hôtes de passage, des migrants ruraux. »'O5 (( La projection sociale de la politique d'exclusion coloniale est le très peu d'accessibilité aux biens et services urbains pour les Mcains. Au niveau de l'emploi, la présence des Africains en ville tenait strictement à des raisons fonctionnelles. pour le système colonial. Les seuls autochtones acceptés en ville sont (( ceux dont le travail était nécessaire aw Blancs: petits commis d'administration et autres auxilliaires salariés des secteurs public et privé et personnel domestique: en fait. leur présence n'était admise que dans la mesure ou l'on ne pouvait s'en passer. »'" L'habitat urbain des autochtones ne préocupe pas non plus l'admuiistration coloniale. soucieuse de ne pas s'engager dans des opérations d'assainissement et de construction jugées autant coûteuse qu'inutiles. En érigeant l'exclusion en système de développement urbain. la colonisation organise la margidisation des peuples colonisés. Ces derniers. quoique contribuant à l'exploitation des richesses et au fonctionnement du système colonial. sont tenus à l'écart de tous les avantages qu'auraient pu leur procurer les centres urbains. N En f i q u e , les marginaux du capitalisme occidental ne sont pas une création récente. Ils eurent pour origine tous les laissés pour compte du marché urbain officiel du travail7 qui n'&aient pas autorisés à s'insérer directement au semice de l'ordre colonial ni comme producteurs ni comme auxiliaires. On ne leur reconnaissait pas le droit de devenir citadins, puisque ce droit, et avec lui celui du droit au logement urbain? était implicitement Lié à l'obtention d'un salaire, méme Ià où n'existait pas de législation ségrégative. »'O' '" Catherine Coques Vidrovitch: a L'informel dans les villes africaines: essai d'analyse historique ec sociale B. in Tiers-Mondes: L'informel en auesuons. op. cir, p. 174. 'O6 Ibidem. ':Idem. p. 178. La mise en touche des masses urbaines &caines par la colonisation a un double impact. Primo.au plan psychosociologique, elle normalise dans les représentations que les Africains se font de la vie urbaine. le fait que les avantages (santé. éducation, habitat, etc.) de la Mlle sont la propriété exclusive des colons, et par extension plus tard des élites dirigeantes. Le corrollaire étant que la misère des masses populaires autochtones est épiement normale. VU qu'ils sont des (( êtres infërieurs D. Le second impact est bien sûr la création de citadins pauvres. sans emplois et dont la survie est assurée pendant la colonisation, par la possibilité d'exercer des activités champêtres dans le quartier africain de la ville. La fin de la colonisation et les indépendances précipitent le mouvement d'immiwmtion vers les centres urbains. mais les nouvelles autorités n'apporteront pas de modifications significatives, pour contrer la paupérisation des populations urbaines et la détérioration des conditions d'existence dans les pays sousdéveloppés. Dans ce contexte. le développement des activités informelles actuelles est en relation directe avec l'insécurité matérielle, financière voire psychosociologique dont ont toujours été victimes les autochtones dans les villes colonisées. L'informel est le comportement de groupes humains enfemés dans l'incertitude et la misère quotidiennes. Les rnarguiaiisés de la ville coloniale sont désormais les infonels des grandes cités du Tiers- monde. toujours caractérisés par une position extérieure aux activités urbaines. organisant leur survie dans I'espace urbain en s'appuyant sur des valeurs de solidarité. Le processus qui va de la m a r ~ i s a t i o ncoloniale aux activités informelles contemporaines met en évidence une affinité élective entre deux situations qui expriment la misère des peuples du Tiers-monde et leur mise à l'écart des bienfaits de la modernisation. En outre. l'opposition des logiques fonctionnelles entre l'informel et le moderne conduit très souvent. à une opposition des pratiques. Dans la réaüté, les activités informelles opèrent a contre-courant des institutions fornielles, c'est-à-dire en dehors des @es édictées par l'État. L'interprétation de l'essor de l'informel en liaison avec le fonctionnement de l'État périphérique a donné deux modèles de raisonnement. Le premier considère que l'informel résulte d'une omniprésence de l'État au travers d'une réglémentation excessive qui réduit fortement l'exercice légal des activités économiques. Le second raisonnement affirme que I'infonnel est consécutif a une absence de l'État dans ses fonctions d'émetteur de règles juridiques et de contrôle économique et social. La colonisation lègue aux nouveaux États africains de tembles disparités aux niveaux de l'habitat. de l'emploi. de l'éducation. etc. Cet ensemble hétéroclite conduit iî la juxtaposition de deux champs de normes et valeurs distincts sinon opposés. Les nouveaux États tentent donc de meme en place des normes communes.La nomalisation de la société va également dans le sens du contrôle des activités économiques. sociales. politiques et culturelles. Elle permet à la fois de planifier les objectifs du développement et de faciliter les interventions de l'État. Au plan économique, les interventions de 1' État consistent à lever les taxes. impôts et autres cotisations sociales?ainsi qu'a la mise en place ou l'ajustement du cadre juridique de déroulement des activités économiques. Pour les tenants de la thèse du (( sur-État », l'ensemble des regiements édictés par l'État est une véritable barrière à I'entrepreneuriat cians des conditions légales. Aussi, les exigences administratives et les prélèvements de l'État sont si importants, qu'il vaut mieux pour un entrepreneur, en termes de coûts et de temps. ne pas respecter la loi. C'est cette position que défend Hernando de Soto. « Si les informels choisissent I'informalité. c'est à la suite d'un calcul de coWavantage. Le nombre excessif de règies a suivre. les lenteurs bureaucratiques, l'excès des charges fiscales et parafiscdes, font que la fomalisation est très chère (...) , bien sûr I9infoRnalitéa aussi un certain coût: pas de publicité, pas de crédit bancaire, pas de recours possible à la justice commerciale, coût de la corruption et handicaps de productivité. Mais l ' i n f o d i t é est au bout du compte moins coûteuse que la forrnalite: c'est donc rationnellement que les petits entrepreneurs péruviens font ce choix. do8 Le coût de la légalité au Pérou L'informalité est, selon Hemando de Soto, une (( frange du monde ltgal ou se réfugient les individus lorsque le respect des lois coUte plus cher qu'il ne rapporte ». Pour illustrer son propos. il cite les études menées par l'institut liberte et démocratie au Pérou, qui mettent en évidence Ir caractère dissuasif des procédures légales. Exemple: le logement, dont on sait qu'il constitue, pour les paysans pauvres migrant vers la ville de Lima, un véritable problemc. Que se passerait-il si. au lieu de s'installer en une nuit dans un bidonville, une famillr décidait comme la loi le lui permet dans ce pays. de se faire attribuer un terrain appartenant à l'État et d'y faire construirr une petite maison ? D'après l'étude de I'ILD, il lui en coûterait 83 mois (6 ans et I l mois) de démarches et plus de 2 O00 dollars de frais (soit 4 ans d'un salaire minimum). La procédure moyenne se décompose en rffet en: - 43 mois pour l'attribution d'un terrain (207 forma1iti.s dans 48 senrices); - ZR mois pour la viabilisation; - 12 mois pour Ic permis dc constmirc. II n'est pas étonnant dans ces conditions que. comme l'écrit de Soto. (( les gens préfèrent opcrer des invasions et construire illiplrment des logements n. En 1982, 42% des logtmrnts de la ville de Lima appartenaient au . p e « lotissement informel n, abritant plus de 47% de la population et constituant un parc immobilier d'une valeur estimée à 8,3 milliards de dollars. Évidemment, I'informalité a aussi ses inconvénients: pas de services publics, pas d'hygiène, pas de propriité et le risque périodique d'être expulsé. Source: Bruno Lautier, honomie informelle: solution ou problème ? N p.28. - i OB Bruno Laurier: a Économie idonnelle: solution ou problkme ? op. cit, p.28. Pour de Soto. les activités informelles sont la doublure du complexe juridique entourant la pratique des activités économiques. L' État, ~ o p tentaculaire, enmnne une importante partie des activités économiques hors de son contrôle. Elles forment ensuite un système à part entière qui remet en cause jusqu'à l'existence même de l'État. L'analyse de de Soto poumit se résumer dans une maxime chère aw économistes: "trop d'impôts tue l'impôt"; et par extension, "trop d'État tue l'Étati'. L'extension des activités informelles dans les villes du Tiers-monde tiendrait du calcd rationel d'agents économiques? qui trouvent dans I'illegalité des avantages financiers. mais évitent égaiement les interminables rracasseries administratives des importunes bureaucraties des pays sous-développés. Dans une étude sur le logement. le commerce et le transport urbains réalisé avec 1' Institut liberté et démocratie (ILD) qu'il dirige. de Soto démontre que les coûts d'accession à la légalité au Pérou sont excessifs. La solution pour de Soto consiste a débloquer l'impasse juridique provoquée par la réglémentation. Il ne propose rien de moins que: le droit. le simplifier. substituer un conaôle juridique a posteriori aux règiements a priori et abaisser les charges fiscales et les cotisations sociales. L'économie informelle libérée de ses entraves administratives, enfi en mesure de profiter des "instruments facilitateus du droit". pourra alors se développer et revitaliser toute la société. »'O9 « changer (( . L'aune sentier » de Hemando de Soto souligne la montée d'une classe sociale en lune contre la juridiction étatique qui la prive de ses droits primaires. Selon cette perspective. la révolution informelle de de Soto met en lumière les nouveaux partisans de la guerre des classes. dans leur lutte contre le sous-développement en définitive. L'analyse de I'éconorniae '@Lit6 par Bruno Lautier: a konomie informelle: solution ou problème ? B, ibidem. péruvien. qui insiste sur la contradiction provoquée par les lois est innovatrice, du fait qu'elle procède à « une transmutation de l'informel, qui devient une sorte d'hypostase saisie en extériorité par rapport aux contraintes imposées par l'État dans le fonctiomement de I'économie ».l'O La thèse de H e m d o de Soto a fait l'objet de critiques exprimant des réticences. sinon le désaccord. vis-à-vis de la solution proposée par l'auteur. Bruno Lautier souligne l'interaction effective entre l'infomel et l'économie moderne. En ce sens. les activités informelles ne créent pas un supplément de richesse, mais fractionnent entre les informels de plus en plus nombreux les revenus tirés de l'échange avec le monde moderne. Autrement. il existe un lien structurel entre les activités informelles et l'konomie officielle. La déréglémentation ne peut toute seule résoudre un problème dont on sait qu'il s'étend aussi à des aspects non juridiques: notamment sociaux et culturels. Aussi, Lautier reproche à de Soto de donner l'impression que tous les informels sont de potentiels entrepreneurs. et que la déréglémentation les motiverait a exercer leurs activités de façon légaie. Mais en réalité. la population informelle est si hétérogène. que les intérêts ne sont pas partagés par tous les membres. La perspective d'une déréglémentation ne constitue nullement une réponse viable à tous les probièmes socio-économiques et politiques posés par les activités informelles. Enfin, la lutte contre la réglementation excessive. donc pour le retrait de l'État dans certains domaines peut être I'ocwion d'une invasion des aires d'interventions ainsi libérées. par des orC@sations mafieuses et violentes. Pour Lautier, « l'importance de l'économie informelle met en question l'État. mais plaide plus en faveur de sa restauration que de sa réduction à ses fonctions régaliennes ))."* Mais cette réduction des fonctions étatiques à leun aspects symboliques n'est pas le fait des activités infornielles. au contraire. ces dernières en sont consécutives selon d'autres analyses. "O Fidele Nd-Nguema: L'entreprise informelle offre-belle des correctifs au secteur formel et lesquels ? op. cit, p.292. 111 Bruno LauUer: ÉcMiomie informelle: solution ou probleme ? B. op. cit. p.29. .. L'interprétation des activités informelles comme conséquence du dysfonctionnement de l'appareil étatique constitue ce que nous appelons ici le « sous-État ». L'informel ne serait. dans ce cas. que la résultante logique du confinement des pouvoirs publics à l e m fonctions régaliennes. Contrairement a la thèse de Hemando de Soto. qui afnlie le développement des activités informelles à l'omnipotence de 1'~tat par un excès de réglémentation, la perspective du « sous-État » inverse « la proposition en considérant l'ensemble des logiques informelles comme l'expression d'une impuissance de l'État à ' '' intervenir sur les grands équilibres économiques ». L'une des caractéristiques les plus souvent utilisées pour illustrer le sous-État » est (( bien sûr la gestion de l'espace urbain dans les villes du Tien-monde. Que l'on parle de bidonvilisation ou ruralisation de l'espace urbain. la réalité renvoie toujours. a cet immense fossé dans la qualité de l'habitat urbain. D'un côté, nous avons la vitrine du centre-ville moderne: et de l'autre côté, les constmctions anarchiques faites des matériaux de récupération les plus divers. La plus grande partie de l'espace urbain souffre donc de cette non-politique de planification urbaine qui entasse des millions de migrants dans des conditions de vie insécuritaires et malsaines. Par exemple. « à Libreville, l'implantation des Mllages s'est faite sans plan préétabli, sous le signe de la liberté la plus complète. Un seul désir: se rapprocher le plus prés du quartier européen. Quelques cases s'installaient sur les terres encore vides. et peu a peu naissait un nouveau quartier. )P3 Dans la même veine. les politiques de sécurité sociale sont insignifiantes sinon inexistantes. Les pratiques informelles trouvent ainsi un espace public délaissé par l'État dans lequel elles peuvent s'exprimer sans aucune contrainte. L'incapacité ou le manque de volonté de l'État à assurer la satisfaction des besoins élémentaires des populations est. dans IL' Claude de Miras: * L'informel: un mode d'emploi. m. in L ' h eer l'informel. op. cir. p.80. "'Pierre Vennetier. op.cir, p. 136. la thèse du « sous-État N, la principale voie d'infiltration et d'expansion des pratiques économiques. sociales et juridiques informelles. « L'entreprise uiformelle s'est développée suite a l'échec de l'économie dite formelle ou moderne, (...) c'est a s s i parce que de nombreux besoins essentiels n'étaient pas satisfaits par l'économie formelle, laquelle (...) se souciait peu de la réponse à ces besoins d'autant plus qu'elle était tournée vers la spéculation (...). »'14 Les activités informelles se placent finalement en substitut de 1'~tat.Elles répondent aux besoins des populations là ou la puissance publique ne le fait plus ou pas. fl est utile de comprendre ici les raisons du iaxime étatique, du "sous-État". Claude de Miras fait à ce propos, certes avec réserve. une intéressante analyse de la nature de l'État périphérique.*l5 Le développement des activités informelles urbaines en pays sous-développés pose la problématique du pouvoir effectif de l'État, c'est-à-dire sa capacité a assurer les fonctions de régulation économique?sociale et politique. Pour de Miras, il y a une corrélation importante entre la nature de l'État et l'efficience avec laquelle, cet État exerce le contrôle des activités sociales au sens large. L'auteur entend par nature de l'État son inscription historique dans les idées et pratiques? lui permettant d'assumer de manière active. ses fonctions réplamces dans la société. Cela sous entend un consensus minimal quant au rôle de l'État et une compréhension de la nécessité fonctionnelle d'adhérer au modèle ainsi déterminé. La nature de l'État fait également reférence à la structure de l'appareil étatique chargé des modalités pratiques inhérentes au r6le de l'État. Cette structure doit répondre aux exigences de la mission de réguiation. Enfin. de Miras intègre égaiement dans la notion de nature la dimension socio-culturelle, donc l'environnement dans lequel l'État doit exercer son pouvoir. L'examen de la nature de l'État périphérique permet de comprendre pourquoi cemines activités prennent des formes différentes de celles édictées par la puissance publique et s'exercent même hors de son contrôle. "'Emmanuel Bahi@ki: a L'appon de I'entrepnse informelle dans la culture d'entreprise en Afrique. *. in Oreanisaions économiques et cultures africaines. op.cit, p.315. I l s Claude de Miras: a L'inlonnel: un mode d'emploi. m. op. cit. pp.77-142. 67 Selon de Miras. l'une des principales caractéristiques des pays sous-développés est l'absence d'une traditon étatique. Partant du contexte historique européen dans lequel l'État, en tant que pouvoir politique et instrument de régulation économique et sociale est une émanation de i'intégration nationale. l'auteur constate l'inversion de ce processus dans le cadre des pays sous développés. (( A la périphérie, c'est l'État comme institution politico- administrative, qui. peu a peu, f w n n e et impose a prion une certaine idée de la nation. Ici c'est l'État qui doit engendrer la nation comme fin. d l 6 Dans l'histoire européene, l'État est la résultante de conflits internes qui "finissent" par la mise en place d'une organisation socio-politique et économique endogène. Par contre? l'État dans les pays sous-développés n'est pas perçu comme une entité surplombante qui s'impose à tous. état colonial ou post-colonial ne contient pas d'éléments fédérateurs dans un contexte de domination raciale. de lunes ethno-linguistique et de conflits socioéconomiques intenses. 11s'ensuit une attitude d'extériorité par rappon à l'État et a toutes les dispositions réglémentaires qu'il émeb le plqant par conséquent dans le camp adverse dont l'objectif est la domination et l'exploitation en faveur des intérêts métropolitains et des élites dirigeantes. La faihlesse de l'État comme élément d'intégration politique est transposable au plan économique: le comportement des agents Cconomique n'est pas fondamentalement différent de celui des citoyens dans la perception qu'ils ont de l'État. 11 y a à la périphérie corrélation entre la gestation de l'État et informalité économique, toutes deux traduisant le degré de la difficulté qu'a l'État à rialiscr dans cc contcxtc I'intigration nationalc (économique, sociale et politique).La montée de l'économie informelle au sens large est ainsi moins l'expression d'un recul <hi pouvoir d'État dont les prirogativcs x verraient remises en question par une multitude d'initiatives privées, que l'expression de plus en plus concrète de la difficile gestation de l'intégration nationale, économique e t politique, particulièrement questionnée dans les phases de difficultés Cconomiques importantes. »'" (( 11 est tout aussi important de notifier l'autre versant du « sous-État ». La montée de l'informel n'est pas exclusivement redevable à ce qui peut paraître comme une désaffection des institutions étatiques par les populations. Nous avons également la dimension de la pratique politique. La résolution des problèmes socio-économiques semble totalement phagocitée par les luttes d'amis au pouvoir et ia recherche de responsabilités administratives lucratives. Des responsabilités, qui dans plusieurs cas. servent souvent de nombreuses activités informelles s'exerçant sous la protection d'individus ou groupes d'individus ayant des positions statutaires importantes dans la hiérarchie étatique. « Dans ce labyrinthe tacticien. les enjeux économiques réels apparaissent souvent comme des opportunités à valoriser sur le plan politique. selon diverses modalités. ou comme des prétextes qui nounissent des stratégies partisanes. plus que comme des contraintes techniques d'ordre économique à surmonter et à maîtriser. (...) A la périphérie, l'acuité des déséquilibres économiques et sociaux n'a d'égale que l'âpreté des luttes politiques et la difficulté à les voir déboucher sur autre chose que la conquête et la maîtrise des plus hautes responsabilités politiques comme une fin en soi. )Pa En somme, l'État périphérique est perçu par ses membres comme une réalité exogène. d'où une emprise sur les activités économiques et politiques qui n'est ni suffisante ni orientée vers l'efficience. On observe alors. des comportements pervers vis-à-vis de la problématique de développement économique et de l'intégration politique. qui rendent dysfonctiomel le contrôle étatique dans les pays sous-développés. Deuxième partie Cadre théorique de l'étude Après avoir produit une somme considérable de données, l'étude des activités informeiles dans les pays sous-développés semble aujourd'hui, à la recherche d'un second souffle. Les premières élaborations théoriques, économiques essentiellement, prévoyaient l'absorption gradueiie des activités informelles par l'établissement tout aussi progressif des logiques économiques libérales. L'hypothèse de la transition répondait aux axiomes du développement économique comme finalité ultime de I'evolution des sociétés pendant de l'idéologie du progrès conduisant a la société productiviste de type occidental. Pour les penseurs de la transition. comme pour les pays du Tiers-monde. l'histoire ne s'est pas repétée et la transition ne s'est pas faite. L'informel s'inscrit alors comme une réalité spécifique des pays anciennement colonisés ou économiquement dépendants du capitalisme f m c i e r international. La permanence des activités uiformelles donne Lieu, au niveau de la réflexion économique, à I'ernrnergence des analyses sectorielles. Dans un premier temps, les économies dites périphériques sont désormais caractérisées par la juxtaposition de deux secteurs distincts. le formel et l'infonnel. Le premier secteur représente la frange des activités conformes aux exigences de rationalité de 1Yconomie libéiale et des institutions officielles calquées sur le modèle occidental désormais universel. Le second secteur, informel. comprend les activités relevant de traditions culturelles prises comme un obstacle à l'épanouissement de I?éconornie de marché. La réalité informelle force par la suite a nuancer l'analyse sectorielle. L'apport grandissant des activités infomelles au niveau de la production et de la redistribution des richesses dans les économies sous-développées conduit à reconsidérer leur nature et leur rôle. Les modèles trisectoriels sont une concepnialisation de la pluralité des enjeux que présente l'informel par son implication dans la sunie des citadins du Tiers-monde. La problématique consiste désormais à identifier, dans ces activités infomelles. celles qui participent ou non à une certaine accumulation du capital. L'analyse systémique de l'irfonnel. a l'opposé des précédentes propositions des économistes libéraux, part du principe de la totalité des économies. Eile réfute la partition en deux secteurs distincts des économies sousdéveloppées en resituant l'analyse informelle dans le cadre du fonctionnement interne du capitalisme industriel. La thèse principalement développée es celle de la soumission des formes de production au capital. Les activités informelles agissent en sous-traitance du systeme industriel qui, les produit. comme facteurs nécessaires à sa propre croissance. Par conséquent l'informel urbain ne peut être saisi dans sa nature et ses fonctions que par réfërence au capital. L'approche systémique! souligne toutefois! la relative autonomie des activités informelles en ce qui a trait à leur fonctionnement. La mise en commun des moyens de production, le non salariat et la quasi inexistence de besoins d'accumulation sont, entre autres, les caractéristiques de ces activités dont les pratiques sont plutôt soumises à des impératifs sociaux. Le rdle social de l'infomel va effectivement faire l'objet d'une importante réflexion. U marque une rupture significative avec l'analyse économique en tant qu'il se place au niveau des changements giobaux que connaissent les sociétés sous-développées. L'introduction de l'économie de marché. l'industrialisation et I?urbanisation des sociétés au passé @que obligent les chercheurs, à des considérations plus totalisantes dans l'analyse du fait informel. C'est ainsi que le thème de la marginalité va exprimer la situation des millions de migrants dont l'intégration dans le salariat moderne et La société urbaine en générai génère une classe d'exclus. afonctiomels dans un systeme qui, en fait tout au plus des pauvres. Dans le contexte de crise des économies modernes. les stratégies de suMe, alors mises en oeuvre par ces marginaux concourent majoritairement à la satisfaction de leurs besoins primaires. Ces activités assurent désormais. en lieu et place des pouvoirs publics. les fonctions de réplation économique et sociale gâe à leur dynamisme. Suivent alon des tentatives de formalisation de !'informel dont les résultats mettent en évidence le désarroi des États périphériques et I'inefficience des structures et institutions modernes. Selon de nombreux auteurs. dont Serge Latouche, l'essor des activités inforneIles a u p non seulement du refus par les populations du Tien-monde d'une culture mercantile imposée par l'impérialisme occidental? mais surtout l'avènement d'une autre société dont l'essence réside dans l'équité et la solidarité de ses membres. Les problèmes du Tien-monde. selon cene approche, relèvent du mythe occidental d'un progrès infini dont la société technicienne est l'expression. L'informel est une réponse qui signifie au modèle occidental ses limites conceptuelles et pratiques dans d'autres cultures oii la (( souche sociétale N est différente. Mais, Latouche reconnaît toutefois, la difficulté du modèle sociétal informel à prendre véritablement forme et a se substituer de façon permanente aux institutions économiques. sociales et politiques modernes. C'est d'ailleurs sur le plan politique que s'orientent les analyses du phénomène informel. Pour B r n o Lautier, la compréhension des activités informelles dans toutes leurs dimensions. ne peut se permettre l'économie des relations de pouvoir. En d'autres termes, la véritable problématique que pose l'informel est la connaissance des mécanismes d'interaction entre l'État et ses citoyens. Ce qui est dit informel l'est fondamentalement en rapport avec ce qui est reconnu formel. et conséquemen~~ avec ce qui détermine les critères du formel c'est-à- dire 1'État. Dans cene confrontation de l'institution étatique avec ses membres &LIX positions ressortent. La première que défend l'économiste péruvien Hemando de Soto peut se résumer comme suit: l'ensemble des règles juridiques édictées par l'État constitue un blocage a l'exercice d'activités légales. L'énide du cas péruvien prouve qu'il est plus aisé. et moins coheux. pour la majorité des citoyens d'opérer dans l'informel au regard de la lourdeur bureaucratique et de l'importance des exigences financières imposées par l'État. L'informalité est donc. dans ce contexte. un choix rationnel dont l'éradication passe par une déréglémentation massive au niveau des activités économiques et sociales. La seconde position inverse l'hypothèse précédente. L'essor des activités informelles est dans cette seconde optique, dû à la faiblesse du contrôle étatique, voire son inexistence. La croissance de l'informel se conjugue avec l'inefficacité de l'État et, contrairement à l'analyse antérieure, la solution envisagée est le renforcement du fonctionnement de l'État et non sa destitution par la déréglémentation. En définitive. la réflexion théorique sur l'informel, autant que celle du (sous)développement est dans l'impasse. D'une part le monde formel en crise ne semble point souffrir d'illégitimité tout comme le modèle productiviste et l'informelt important pourvoyeur de biens et services dans le Tiers-monde ne s'institue guère en modèle dominant. d'autre part. Ne sert-il pas finalement qu'à la s w i e des citadins dépourvus du Tien-monde? À notre avis, les activités infomelles servent d'abord aux causes auxquelles elles doivent leur essor. Même si elles assurent la survie de millions d'individus' nous pensons qu'elles sont un support nécessaire. dans le contexte des pays sous-développés. à l'expansion du capitalisme planétaire actuel. Chapitre IV Cadre conceptuel et méthodologique Le XVe siècle est une période e*ment importante dans l'histoire de Iliurnanité. En effet les Européens, @ce aux expéditions maritimes découvrent des connées fort éloignées. et jusque-là isolées les unes des autres. Les relations avec « les nouveaux mondes » évolueront au rythme des transformations sociales européennes, plus précisément de la modernité. née de la philosophie des Lumières au XVIIIe et de l'évolutionnisme du XIXe siècle. L'un des principaux legs de cette histoire européenne est l'idéologie du progrès présentée comme une nécessité de l'évolution de toutes les sociétés. En termes économiques, il s'agit évidement du développement, c'est-à-dire la production et l'accumulation de richesses devant servir à libérer l'humanité des contraintes et des insufisances de la nature. L'introduction du modèle social Européen. inspiré par l'idéal progressiste dans les nouveaux mondes ne s'est pas faite selon les desseins de ses concepteurs, provoquant des désajustements dans le schéma linéaire que I'on se faisait du développement. Des difficultés qualifiées tour à tour de conjoncturelles et de structurelles. inhérentes aux cultures des nouveaux mondes ou à leurs cadres physiques vont apparaître. biaisant ainsi le développement dont les sociétés occidentales sont l'exemple. L'intention de développement de la mission civilisatrice occidentale cède le pas au constat du sous-développement des pays que I'on aura regroupé dans l'ensemble « Tien-Monde ». De façon simplifiée. le sous-développement se caractérise selon les experts du développement, par la faiblesse des performances économiques ayant pour conséquence une dégradation des conditions d'existence de la majorité des populations en pays sousdéveloppés. La question qui revient toujours dans ce contexte est de savoir comment ces populations parviennent à survivre. Un des éléments de réponse donné à cette interrogation est la croissance de petits métiers. de pratiques économiques plus ou moins organisées qui sont aujourd'hui des images bien connues des villes du Tiers-monde. les activités infornielles. Ces activités depuis plusieurs décennies sont au centre des préoccupations de l'économie du développement qui, cherche autant à en comprendre les modalités de fonctionnement, qu'a en expliquer les causes. C'est également ce dernier objectif que poursuit cette étude. N . 1. Problématique A la question de savoir quels sont les éléments qui contribuent a l'essor des activites informelles au Gabon, nous pensons que les différents modèles explicatifs tour à tour exposés dans ce travail en éclairent plusieurs aspects. L'évolution constante de I'inforrnalité dans les pays du Tien-monde suffit largement a démentir les présupposés de la transition. Les études sectorialistes ont atteint leurs limites avec les thèses de l'hétérogénéité des formes de production et l'impossibilité méthodologique et pratique de séparer une économie en deux secteurs. Par ailleurs, la régulation économique et sociale des pays du Tiers-monde ne peut. à long terme. être le fait d'activités informelles dont l'institution en modèle socio-économique relève encore de l'hypothèse. Il n'est @re évident que. la prolifération des activités informelles et leur domination dans I'espace économique sous-développé soit une réaction délibérée. devant l'incapacité du monde moderne a répondre aw préoccupations quotidiennes. Cette remarque rejoint l'idée des cntiques de l'État, qui situent la responsabilité de ce dernier?dans la faiblesse de son contrôle et son omnipotence. Cene démarche, qui a ouveri de nouvelles voies à l'analyse de l'informalité, reste toutefois circonscrite à la critique interne des différents facteurs du sous-développement. En d'autres termes, la critique de l'État et de son fonctionnement biaise la question de l'expansion des activités informelles, par la non prise en compte de l'évolution de l'économie mondiale. Cette insuffisance méthodologique se revèle désastreuse pour la compréhension des causes de I'infomalité dans le contexte gabonais. La conjonction des cntiques sur les explications traditionnelles de I'informaiité et l'existence de réelles potentialités de développement dans ce pays laissent songeur quant aux véritables raisons de l'essor des pratiques infornielles. Comment expliquer cette croissance des activités informelles dans un pays aux ressources naturelles abondantes. avec une très Faible population, un revenu par tête d'habitant des plus élevés du continent et d'intéressantes possibilités de financement du développement ? Dépendance et SEM L'informaiité est pour nous un phénomène caractéristique du procès de développement tel qu'il a été amorcé dans le Tiers-monde. L'évolution de la société occidentale dans le processus d'industrialisation ne s'est pas faite dans le chaos aujourd'hui observable dans le Tiea-monde. Pourquoi le développement achoppe41 autant dans ces pays en général et particulièrement au Gabon ? Dans le cadre de cene étude nous reprenons a notre compte. l'ensemble de l'argumentaire des théoriciens de la dépendance et plus précisement la démonstration de la réalisation du sous-développement par l'extension du capitalisme autour des notions de centre et de Selon cette approche, il existe deux types de développement capitaliste. le capitalisme achevé ou autocentré caractéristique des puissances industrielles européennes. puis le capitalisme périphérique, que nous reDouvons dans les pays sousdéveloppés. Qu'est-ce qui distingue le capitalisme périphérique de l'achevé ? La révolution indusrrielle en Europe permet d'importants progrès techniques. Le métier a tisser et le moteur à vapeur révolutionnent l'appareil de production et accroissent fortement la productivité. Ces nouvelles technologies permettent le développement d'un tissu économique bien intégré' et qui fera longemps, la puissance des pays européenm. I i 9 Les auteurs tiers-mondistes, S d r Amin particuli~rment. ont largement elaboré sur ces deux notions au debut des années 70. Voir par exemple: Sarnir Amin: Génèse et développement du sous-diveloppemem. l'extraversion et lo dépendruïce. la marginalisacion la tramitibn au capitalisme périphérique, le blocage de la transition au dévelappement. Dakar, ONUflDEP, 1972, 156p. C'est cette forme de développement, qui s'étendra plus tard à l'Amérique du Nord et au Japon. que Samir Amin qualifie de capitalisme achevé. L'extension du capitalisme dans les colonies n'a pas pour objectif de recréer un autre capitalisme autocentré. Pour Samir Amin, il s'agit de mettre en place. dans le cadre de l'économie mondiale et d'une division internationale du travail (DIT) naissantes. un capitalisme périphérique (( qui ne peut pas devenir concurrent de celui du centre. mais se développer dans le sillage de ce dernier, comme capitalisme complémenaire et dépendant H. '21 Le capitalisme périphérique se spécifie essentiellement par la spécialisation et l'extraversion des économies. c'est-à-dire la production de quelques matières brutes destinées à l'exportation. Les pays pauvres sont tenus d'orienter leurs économies vers les secteurs qui fournissent les cultures de rente (bois. mines. pétrole etc.). Par la suite. la mise en place de petites industries de consommation ne change pas le schéma initial. les pays sous-développés restant tributaires du centre pour les biens d'équipement. Actuellement. l'extraversion a connu une légère mutation dans ses formes avec l'affirmation +pndissante au niveau de 1.éconornie mondiale des firmes multinationales d'une part, et le déséquilibre induit par les avancées technologiques du centre d'autre part. En quoi cela joue-t-il sur le développement des activités informelles au Gabon ? Le Gabon présente une smcture économique typique du sous-développement. Totalement extravertie. l'économie du Gabon repose sur l'exportation de matières premières. dont les principales sont le bois? le manganèse7 l'uranuim et surtout le pétrole. Nous soutenons qu'une stratégie de développement basée sur la vente de produits bruts aux pays industrialisés pose lesjalons d'une hypotrophie de 1'activité économique interne conduisant à l'essor des pratiques informelles. Dans le cas du Gabon. il nous semble que les choix de développement sont plus conformes à l'héritage de la politique d'exploitation coloniale et à La DIT qu'elle implique qu'a une marche vers un capitalisme autocentré. Les effets d'une telle situation sur les conditions d'existence sont assez significatifs pour expliquer la floraison des activités idornielles. Il convient alors de détenniner les facteurs qui participent a ces déséquilibres. La théorie de la dépendance. dans une description très schématisée. renvoie a la formation d'une économie périphérique dépendante du centre. Les notions de centre et périphérie reposent d'abord sur des représentations spatiales du développement économique. Le centre désigne le lieu d'émergence du capitalisme et de son extension dans sa forme oxigi.de, la périphérie désignant toutes les régions éloignées du cenw. Dans sa dimension économique. le centre correspond au capitalisme autocentré. d o n que la périphérie développe une économie bien différente de la première. non pas par la nature mais par la structure de fonctionnement et les objectifs visés. Ce que nous voulons souligner ici est l'un des présupposés théoriques de la dépendance. Il apparaît en effet clair que cette approche part du principe de l'existence autonome de deux ordres d'entités distinctes. D'une part? l'allusion spatiale contenue dans les notions de centre et de périphérie a pour but la distinction géographique de deux zones présentant des modes différents de développement du capitalisme. D'autre part, le centre et la périphérie suggèrent égaiement l'idée d'une dichotomie des formes de développement du capitalisme. dans chacune des zones déjà désignées. Reprenant ce cheminement. nous pensons que l'évolution de I'éconornie mondiale s'est faite dans le sens de la disparition de la périphérie. La diversité des situations de sous-développement et la montée ou la régression économique de plusieurs pays ont favorisé de nouvelles classifications. Ainsi. Pierre Moussa, économiste er ancien directeur à la Banque mondiale' proposait récemment de distinguer quatre groupes: le Sud opulent. riche de ses matières premières et sunout d'énergie, tels que les États du Golf; (( - - le Sud émergen~celui des nouveaux pays industrialisés (?PI), tels que le Mexique, l'Argentine ou la Corée du Sud - le Sud stationnaire, celui des pays qui n'en finissent pas d'être sur le point de décoller, tels que le Brésil ou l'Inde - le Sud regressant, enfin celui des pays qui s'appauvrissent: Ethiopie, Somalie, cambodge.» "' En outre. la chute du mur de Berlin et l'effondrement des systèmes économiques socialistes ont reconfigwé les relations internationales à tous les niveaw. La résultante de tous ces bouleversements est la formation hors de toute contrainte, d'un ensemble économique mondial homogène. dans le sens où le capitalisme libéral est reconnu comme l'unique système de développement. L'exemple des nouveaux pays industrialisés (NPI) a renforce l'idée de l'accessibilité du développement pour tous les pays qui acceptent le jeu du marché. L'appauvrisement de certaines régions du monde a conduit ces pays a pactiser avec les puissances financières du monde capitaliste et la conjonction de ces éléments. contribue à la création d'un « site économique mondial (SEM))). en lieu et place de la périphérie et également du centre. Le site économique mondial (SEM): l'unité fonctionnelle Le modèle d'analyse que nous introduisons avec le SEM est une tentative de dépassement des notions de centre et périphérie. 11 renvoie à l'unité planétaire actuelle pour ce qui a trait à la problématique de développement économique. La dimension mondiale du capitalisme est de nos jours une évidence. même si l'intégration de tous les pays dans le systérne iconomique capitaliste n'a pas mis fin à ce que la théorie de la dépendance désignait par capitalisme périphérique en parlant de l'extraversion et de la spécialisation des économies sous-développées. La réalité actuelle pousse à considérer ce développement périphérique. non plus comme un modèle de développement caractéristique de l'extension du capitalisme - '" - Micheline Rousselet: op.cit, p. 16. dans des nouvelles zones d'exploitation (le Tiers-monde), mais comme la répartition 6 chaque élément d'un ensemble des facteurs de développement selon les intérêts du capital. Cela signifie qu'à l'intérieur du SEM le capital procéde a l'allocation des ressources. décide de la structure économique de chaque pays et oriente les échanges internationaux avec pour souci principal. la cohésion du système global tant au niveau de la production que de la consommation. A la différence des notions de centre et de périphérie, le SEM admet l'uniformisation du monde au plan économique. Les différences de nature et de degrés dans le développement capitaliste ne sont que les modalités particulières d'application du capitalisme dans un espace déterminé (en I'occurence les États nationaux) et seulement en fonction des intérêts de ce même capitalisme. Le SEM constitue un système dont l'unité est essentiellement fonctionnelle. L'équilibre y est isostatique. c'est-à-dire qu'il comprend un ensemble de déséquilibres. La faiblesse de certains éléments du système est relativement compensée par la force des autres permenant ainsi le maintien de l'ensemble sans pour autant résorber des contrastes très prononcés. Les déséquilibres' comme nous le disions, résultent d'une allocation non équitable des ressources. elle-même imputable aux intérêts du capital. et plus précisement de ses détenteurs. Schématisation du SEM Les cercles sont des pays ou des régions Une nuance importante qu'apporte le SEM dans les récentes transformations des relations internationales en général est bien sûr l'idée du « site ».La notion de "site" part de la thèse de la dimension culturelle du développement. Le sousdéveloppement serait Lié à des contingences inhérentes aux cultures traditio~ellesen Afnque par exemple. Les croyances aux esprits. les repères cosmolo@ques etc. forment un ensemble symbolique qui sen de reférence à toutes les pratiques sociales. « C'en cet aspect de l'ordre des choses que Emmanuel S. Ndione désigne par la dimension magico-religieuse du systeme de pensée des acteurs sociaux, y compris cew qui sont dans l'&ne urbaine et moderne. dZ Ce site symbolique expliquerait les difficultés des pays africains à se développer par une lecture singulière et biaisée des impératifs du développement. L'analyse "sitienne" nous met au coeur du relativisme culturel selon lequel les Africains et les Européens tout comme les Asiatiques et les Latino-Américains ont des conceptions différentes de la vie et de ce qu'est le développement. Le capitalisme. qui repose sur Iknique logique du profit individuel. est une création du site symbolique européen et sa translation vers le Tiers-monde conduit à des abenations. En somme. chaque culture codifie ses activirés en relation avec son enviro~ementsymbolique, ce a quoi n'échappe pas l'économie. Il subsiste une certaine difficulté à suivre la thèse du relativisme culturel dans le champ du développement économique, tout comme la pertinence du site symbolique pour expliquer les déboires des économies africaines. 11 est en effet notoire d'entendre parler des cultures africaines comme facteur de blocage ch développement. Certains auteurs se demandent même si I'Afîique n'a pas besoin d'un « plan d'ajustement culturel » qui lui fournirait la (( bonne culture )) nécessaire au développement a l'occidental. Tout se passe comme si dans ces mêmes pays africains il n'y avait pas. depuis fort longtemps. des activités économiques modernes qui rapportent d'énormes bénéfices à des sociétés multinationales occidentales. Pourquoi ne parle-t-on pas de désajustements culturels ..* '- Cite par Hassan Zaoual: Le paradigme relationnel des organisations économiques africaines. m. in Or~anisationseconomiaues et cultures africaines. Op. cit, p.37. pour cette main-d'oeuvre africaine au s e ~ c edu capitalisme, pour ces activités fortement insérées dans le commerce mondial qui enrichissent les sociétés mtires et les « bourgeoisies locales » ? Les éléments culturels de blocage du développement sont-ils ségrégatifs au point d'épargner les bénéfices mirobolants des succursales de p d e s banques internationales et de ne fieiner que l'amélioration des conditions d'existence de l'écrasante majorité des populations africaines ? La problématique du développement dans le cadre du SEM écarte totalement de telles disparités conceptuelles. La notion de site. dans notre acception. rend compte d'une seule logique. celle du capitalisme se déployant sans entraves, au niveau mondial. Le seul site qui vaille de nos jours est le SEM, parce qu'il détermine l'ensemble des rapports non seulement en son sein. mais également à l'intérieur des activités et des acteurs 10- des éléments du SEM. La régulation des activités du SEM est assurée par les détenteurs de capitaux. les entreprises multinationales et les élites politiques dirigeantes qui forment la structure décisionnelle du SEM, avec. a l'interne une hiérarchisation déterminée par les intérêts capitalistes. La question du développement des activités informelles dans le Tiers-monde et au Gabon procède quant à nous de cette affectation des tâches et des ressources par le capitalisme dans le cadre du SEM. Il est donc nécessaire de resituer le problème des activités informelles dans les p d s enjeux sociaw, économiques et politiques contemporains. C'est l'intérêt principal que présente une analyse a partir du SEM. La démarche "sitienne", telle que nous la comprenons dans cette étude. a l'avantage de présenter le problème de l'informalité de façon globale. Elle permet dans un premier temps d9évacuer dans l'approche de l'informel les thèses de la transition en se rattachant aux réalités structurelles de la division internationale du travail. Il en est autant de l'analyse en termes de secteurs distincts dans les économies sous-développées. dont les limites ont déjà été soulignées. Ensuite? l'approche sitienne nous permet d'intégrer la dimension politique sus-évoquée, dans les analyses de l'informel. La prédominance des intérêts économiques a pour effet d'assujettir les enjeux politiques, tout en induisant à ce même niveau des effets pervers. non seulement dans la gestion interne des États du Tien-monde, mais égaiement dans les reiations entre les citoyens et l'institution étatique. En établissant un rapport direct entre les mécanismes internationaux et nationaux de régulation des sociétés, le sous-développement en général et l'essor des pratiques infornielles en particulier. le SEM est un instrument d'analyse riche d'apports qui souligne l'irrésistible mouvement d'homogénéisation idéologique des sociétés contemporaines. 11 reste tout de même à savoir au niveau conceptuel? ce que veulent signifier les activités informelles ainsi générées par le SEM.dans les économies sous-développées et au Gabon. L'informel urbain est un thème essentiel pour la compréhension du procès de modernité. Il est un révélateur important des enjeux sociaux. auxquels font face les pays sous-développés et dans une cenaine mesure. toutes les sociétés contemporaines. Le développement de l'informel urbain caractérise donc la niodemité. en ce sens. il pose en premier lieu le problème de la rationalisation de la société et interroge le processus d'urbanisation dans sa nature et ses fonctions. W .1.1, De la modernité Étymologiquement, "moderne" vient d'un mot latin modemm , issu d'un adverbe modo. qui désigne quelque chose de récent. La caractéristique du concept de moderne dans le sens de ce qui est récent réside dans le fait « qu'on l'érige en principe de valeur et de justification, mais aussi en principe de revendication. »'23 Dans cet esprit, la modernité s'exprime comme une valeur hostile au passé et par conséquent êtm moderne relève d'une Raymond Polin: a Le concept de moderne. *, in La notion de moderne, modernité. modemisme. Pans. IRCOM-Université de Paris-sorbome, 1975, p.3. catégorie temporelle. En ce sens, « se trouve bien marquée(...) l'idée que l%omne se déclare moderne et justifie sa modernité dans la mesure où il donne le sentiment qu'il est un être historique. II a la conscience de sa temporalité. N ' Ce ~ ~sentiment se rattache à l'idée de progrès par une plus grande accumulation des connaissances et une plus grande maitrise des sciences et techniques. Alors la modernité et l'homme moderne sont au dessus de tout ce qui les a précédés. La revendication de la modernité n'est pas exempte de critique dans son idéel. Ainsi. Polin assimile la modernité à une philosophie de la décadence. Le récent le moderne. est alors perçu comme le résultat dune déchéance provoquée par la perte des valeurs fondamentales de la société. Ce ne sont pas tant les libertés ou les formes d'organisation des sociétés moderne qui sont dénoncées, mais plutôt les abus qui en résultent. Alors. « sur la trame d'une civilisation de la possession. une politique d'asservissement où la masse s'aveulit et ou l'individu se dissout. Aussi. la nouvelle modernité, au comble de la décadence entraine la destruction. la d é w t i o n de l'homme dans sa dépendance de lliomme par rapport a Iliornme. Rien n'est alos pire que le moderne.^"^ La philosophie de la décadence n'empêche l'attrait de la modernité. une prise de conscience de la pérénnité de l'oeuvre humaine qui devient « un principe ontologique. une création d'histoire. qui peut-être considérée. a certains égards comme une sorte de création Un satisfecit que l'idéologie libérale, chantre des droits individuels vient combler divine. H en permettant à chacun de rêver d'un avenir meilleut. Nous sommes en pleine philosophie du progès. Selon le Père Joseph de Sainte-Marie, la notion de modemité est essentiellement relative. (..) Relative à une réalité première qu'elle caractérise, l'idée de moderne, ou de modernité. l'est en même temps, d'une part à un ensemble de valeurs en référence auxquelles une chose (( .-• p.5. Idem. p. 12, [&m. p.5. '--idein. 125 '" est dite moderne. ec d'autre part, à une certaine vision du temps et de lhistoire. (...) Par suite, les valeurs, cntéres ou nonnes en référence auxquelles une chose est dite moderne sont elles mêmes appréhendées dans une relation immédiate à un processus temporel et historique. »12' N'est-il pas alon possible de dire que les changements qui s'opèrent dans les sociétés aujourd'hui rélèvent de la modernité, en tant qu'ils sont des manifestations récentes? 11 ne fait aucun doute pour nous que le problème empirique de l'informel dans la contexte des villes du Tiers-monde est absolument une excroissance de la trilogie modernisation-urbanisation-indutrialisation Le mot « informel ». wmme nous le soulignions. ne renvoie t-il pas à l'absence des formes imposées par l'État bureaucratique de type prussien caractérisant la modemité politique européenne ? Les activités informelles ne sont-elles pas également désignées par opposition aux activités formelles ou modernes ? Enfin la ville n'est-elle pas le lieu principal des activités informelles? Toutes ces interrogations convergent vers la mise en valeur des relations enw la modernité et le processus d'urbanisation en pays sous-développés et égaiement à l'examen du processus d' urbanisation. IV. 1 2. De l'urbanisation « En 1990. plus de 2,27 milliards d'êtres humains vivaient dans une agglomération atteignant ou dépassant dix d e habitants (..). Cet effectif prend un sens lorsque l'on sait. par exemple. qu'il représente l'effectif de la population totale de la planète au lendemain de la seconde guerre mondiale. Les domees de Géopolis montrent un résultat '- R.P.Joseph de Sainte-Marie: modernisme. op-ci?,p. 102. La modernitt religieuse. a, in la notion de moderne. modernird, inattendu : les pays développés ne contribuent plus que pour 40% à cette masse de citadins. La majorité de la population urbaine du monde vit donc aujourdliui dans les pays en voie de développement (...). »12* L'universalisation du phénomène urbain est sans conteste l'un des changements les plus marquants du 20e siècle. Dans ce concert mondial de l'urbanisation. l'Af5que noire se trouve en bas de gamme et « seulement 6,7% des citadins du monde y vivent. »12' Cette modestie de la poussée urbaine au plan international ne rend pas véritablement compte de l'importance du phénomène au niveau local. La triple action de l'accroissement démographique. de l'exode des zones rurales et l'unmigmion donne à l'urbanisation en Afnque noue. une ampleur sans précédent. Les flux de populations se font essentiellement au profit des zones urbaines dont la faiblesse des structures d'accueil complique encore un peu plus l'équation de nombreux néo-citadins. La surpopulation. le chômage. l'insécurité etc. caractérisent les villes du monde et (( l'image de la "ville riche". symbolisée par la ville occidentale, n'est plus que celle d'une minorité de la population urbaine du monde.))130Cette déchéance de I'irnqe et de la réalité urbaines a en toile de fond. la ville du Tiers-monde. reconnue pour la prolifération des activités informelles, petits metiers. commerçants ambulants etc. Le déplacement massif des populations vers les villes est une gageure pour les pays sous-développés en mal de structures ainsi que pour les populations qui se retrouvent confrontées à des situations inusitées. En effet. (( L'urbanisation n'est pas qu'un phénomène démographique. un processus quantifiable. c'est aussi et surtout une vaste redistribution des cartes sociales et culturelles. Lieu de mistration et de désirs interdits. la ville provoque de François Moriconi-tbrard: L'urbanimzion du monde depuis 1WO. Paris, Anthropos. 1W3, p. 10. '" Idem. p. I l . 130 I&m. p. IO. 1 3 nouveaux comportements. d3'Dans cet ordre d'idée, (( (...) l'urbanisation est, certes, un accroissement de la population urbaine mais aussi et s ~ o u un t processus de transformation culturelle qui accompagne de profonds changements économiques. politiques. juridiques. sanitaires, éducationnels, religieux, sociaux etc. N 13' Plusieurs ensembles théoriques rendent comptent de l'urbanisation selon les disciplines et même selon les auteurs. Nous en présentons ici quelques-uns: Les géographes abordent la ville sous sa variante spatiale et plus précisément la manière dont cet espace est organisé. (( C'est ainsi que le premier facteur qui caractérise la Mlle est sa position et que le second est son site (...). Car la ville est d'abord un espace de circulation et cet espace est plus ou moins adapté am conditions contemporaines des moyens de circulation. d33La morphologie et l'habitat urbains rentrent aussi dans le champ d'in veai galion des géographes. Pour les administrateurs. la ville constitue prioritairement un (( espace structuré D dont il faut gérer au quotidien. l'imbrication des différentes composantes. Nous ne sommes pas loin de la vision des architectes qui? voient dans la structure urbaine. l'accomplissement d'une oeuwe sortie de .-lI « Un imaghik dont le produit est pour la psychanalyse. comme I'écfinire symbolique d'une collectivité exprimant inconsciemment (...) les archétypes les plus anciens sur lesquels elie bâtissait son équilibre et sa perception de i~~monie.)?~~ Les modèles biologistes. quant i eux. tentent d'établir entre la Mlle et l'organisme humain une analogie fonctionnelle fortement critiquée. Pour les historiens. I'urbanisation traduit de l'évolution sociale. c'est la cristallisation des rapports sociaux existants période '" Thierry Paquoc: Homo Urbanus. Paris. Éd. du Felin, IYYO, p. 108. "'Thierry Paquoc Villes et civilisationr urbaines. Pans. Larousse. 1992. pp. 11-12. Henri Reichen et Jean Daniel Remond: h l y s e sociale de la ville. Paris, Masson. 1980, p.%. '3.1 Idem, p.59. 13' par période. Un regard sur l'urbanisation proche de celui de la Sociologie (( dont le propos est essentiellement l'étude de l'action de l'organisation et des changements sociaux. )) 13* Nous soulignons de fqon succincte la contribution des classiques de la sociologie. Avec Engels' Marx situe la problématique au niveau a de la séparation du travail industriel et commercial d'une part, et du travail agricole d'autre part; et, de ce fait, la séparation de la Mlle et de la campagne et de leurs intérêts. C'est donc en tant que forme première de division du travail que ces auteurs s'intéressent à la ville que. dans ce cadre. ils opposent a la campagne. nl" 6 suite de I'analyse répond à la préoccupation dialectique de l'analyse marxiste. La ville concentre pour l'entreprise capitaliste une main-d'oeuvre indispensable et dont le travail n'est qu'aliénation. La ville accouche alors d'une autre opposition: celle des bourgeois et des prolétaires et la lutte entre ces deux classes est dans l'analyse marxiste le moteur de l'évolution des sociétés. L'analyse durkhémienne de la ville est assez orighie. À partir de ses préoccupations morale et religieuse. l'auteur tente de faire un Lien. entre les densités matérielle et morale. Durkheim affirme que (( le seul fait de l'agglomération agit comme un excitant exceptionnellement puissant. Une fois les individus assemblés. il se dégage de leur rapprochement une somme d'élections qui les transportent vite à un degré extraordinaire d'exaltation. »13' En d'autres termes, Durkheim voit en la ville le lieu privilé~ié du développement de la vie morale, vue sous 1'angIe de la cohésion et de la survie du groupe. Cene approche débouche sur la distinction que Durkheim fait des types de solidarités caractérisant l'état des sociétés. La solidarité mécanique relevant des sociétés à faible division du travail et celles ou cette différenciation est accentuée présentent une solidarité dite organique. Ce type de solidarité est donc le fait de l'urbanisation et caractérise les grandes villes actuelles si nous restons dans la perspective de Durkheim. :" lM Idem. p.62. Jean Remy et Liliane Voyé: La ville et l'urbanisation. Paris, Duculot, 1974,p. 193. "-idem. p.202. Chez Weber la nature économique de la ville est clairement précisée. « Nous ne parlerons de ville (...) qu'à propos d'établissements ou la population locale satisfait une part économiquement substantielle de ses besoins sur le marché local et les satisfait dans une proponion essentielle grâce à des produits que la population locale et celle de l?witerland immédiat produisent pour vendre sur le marche ou acquièrent autrement. »'38 Cene lecture économique de l'urbanisation est loin de l'approche marxiste.Pour Weber, la Mlle est un lieu de production et de consommation qui se présente à l'analyse. comme un enjeu politique et militaire. Weber évite le réductionnisrne économique du phénomène urbain et s'attache a y déconiquer les relations de pouvoir au sens crozien du terne. Aussi, l'urbanisation reste strictement rattachée. à l'évolution de la civilisation occidentale fondée sur le principe de la rationalité. L'abondante analyse du phénomène urbain par l'école de Chicago est difficile de synthétiser. Pionnière des études urbaines. l'école de Chicago va développer des analyses que l'on qualifie. à ton ou à raison d'écologie urbaine. Sous la triple influence des thèses de SimrneI. de la forte croissance urbaine et des idéaux environnementaux américains des années 1930. l'école de Chicago tente de transposer à l'homme végétal et animal. »13' a ce qui se passe dans le monde La ville à la fois produit de la nature et artefact social se présente alors sous trois ordres: le premier est écologique par le fait d'une localisation spatiale précise des composantes urbaines. Le second ordre est naturel. Les délimitations urbaines ne relèvent mère d'une stratégie d'implantation mais sont C (( le résultats de mouvements spontanés et quasi naturels » I4O que traduit le qualificatif "aires naturelles". Le troisième ordre déterminé par l'école de Chicago est moral.L'hétérogénéité culturelle des villes est surplombée par une nouvelle morale imposée par les lois inhérentes à chacune des spécialités professionnelles nées de la forte division du travail. Les analyses de l'école de Chicago touchent également divers aspects de la réalité urbaine. La liberté et ses conséquences positives ou non. la '" Idem. p.214. idem. p. 163. '" Idem. p.172. U9 religion et les phénomènes de marginalisation s'entremêlent dans un processus continu de désorganisation et de réorganisation de la ville. En définitive. la ville est une réalité complexe et l'urbanisation. un processus dont k dynamique est continue. La pluralité des approches est souvent déconcertante mais elle ne fait que traduire la "richesse" du concept et la variété d'approches que permet la ville en tant qu'objet d'étude. Nous pensons a la suite de Reichert et Remond que la ville est réellement chacune de ces approches: elle est espace naturel. m e . consauction objet, symbde. pouvoir. institution. rêve? corps. organisme, produit. etc. selon le point de vue sous lequel on la considère. Mais ce qui doit frapper. c'en que dans la réalité elle est tout cela à la fois et en même temps. Chaque éclairage. chaque réalité de la ville se nourrit de la matière des autres. Chaque vue de la ville? dans sa richesse elle même, témoigne de l'incroyable complexité de l'entité qu'elle observe et appelle les autres regards sur elle. d4' « En somme. la ville se définit par son espace. sa structure et ses fonctions. L'une des fonctions essentielle de la ville est indéniablement l'activité économique. Comme le précise I 'analy se webeneme. l'ensemble de ces activités répond au principe de 1'organisation rationnelle des activités économiques urbaines? et l'informel aussi poumit-on se demander? La suite de l'analyse apportera certainement des éléments de réponse à cette question. W .1.3. De la rationalité L'histoire de la société occidentale a lié les notions de modemité et de rationalité et Weber en a fait le point centrai de son oeuvre. 11 voit dans la rationalité .". Henri Reichert et Jean Damel Remond: p. cit. p.67. le résultat de la spécialisation scientifique et de la différenciation technique propre à la société occidentaie. Elle consiste en l'organisation de la vie, par division et coordination de diverses activités, sur la base dune étude précise des rapports entre les hommes, avec leurs instruments et leur milieu en vue d'une plus p d e efficacité et rendement. » 142 (( Ce type de rationalité défuiit par Weber sera dite but D. (( rationalité pour une h ou un L'un des reproches qu'Habermas adresse à la théorie de la rationalité de Weber est de réduire toutes les actions à des interventions finalisées. Il oppose d'ailleurs, a l'orientation de l'action vers le succès d'un sujet de Weber. l'orientation de l'action vers l'intercornpréhension de plusieurs sujets. Un des objectifs d'Habermas est de rendre universelle cette notion de rationalité que Weber avait consigné à la seule Occident. Il introduit alors la notion de rationalité critique pour « que l'occident renonce "a sa compréhension déformée de la rationalité". qui hypostasiai t la seule raison scientifique. dans ses aspects "cognitifs insaumentaw". )) '43 On ne peut pas dire que la bureaucratie et la technocratie soient la (( seule forme de la rationalité moderne. Il y a plusieurs raisons au royaume de la raison. d" Détachée de la rationalité insrunentale et de son exclusivité occidentale. la rationalité peut s'appréhender au travers de contingences particulières~comme un caractère à plusieurs modalités. Cela permet d'articuler la ratiofialité technico-instrumentale avec une version complémentaire que Berthoud appelle G le rationalisme humaniste »L45, source d'une culture éclectique mais autonome et laissant entrevoir une véritable démocratisation des sociétés. Le principe de la rationalité ainsi défini apporte un éclairage particulier à la problématique de l'informel. Il laisse entrevoir le développement des ces pratiques comme étant une forme de > a- " Jean Reni) et Liliane Voyé: op.cit, p.210. Cite par Etienne Barillier. La crise de la raison. m. Revue Le Mauss. Pans. La decouvene. 2. Jeuirn.. 1988. p. 12. rationalité dans un contexte où les logiques formelles sont dysfonctionnelles. Nous adoptons cette approche de la rationalité, d'autant plus que les recherches sur les activités informelles prouvent a sufisance, que derrière le désordre apparent de l'infonalité se cachent des logiques organisationnelles précises, des constantes struturelles et fonctionnelles. Un des éléments d'analyse que propose le SEM dans la saisie de l'informaliré est un concept de rationalité dénué de toute ambipuité. Les enjeux sont clairement précisés et la rationalité dans le SEM correspond a l'atteinte des objectifs de l'économie capitaliste. c'esta-dire la réalisation des profits pour les détenteurs de capitaux et le maintien des gands équilibres dont nous avons fait auparavant état. La rationalité « sitienne est de type technico-insrnimentale et ne s'accorde point avec wi quelconque humanisme. La régulation mondiale assurée par le SEM a pour fondement les lois de l'économie capitaliste dont k division internationale du travail est un important instniment. IV. 1.4. De la division du travail Le concept de division du travail a fait l'objet de nombreux développements que l'on ne peut prétendre rendre compte ici de manie= exhaustive. Retenons que l%volution historique de ce concept nous raméne à la Grèce antique avec Platon qui fait de la division du travail. u un principe d'efficience sociale », exprimant le progès dans I'orpnisation du travail et de la société. permettra d'obtenir à la fois la production la plus abondante possible par les moyens les plus faciles et i la fois la meilleure qualité tant du produit que du producteur. On obtient ainsi une efficience sociale maximum p i c e à la division du travail. La cohérence sociale sera obtenue quant à elle par un système hiérarchique qui fera correspondre des fonctions sociales à des classes « La division du travail cjerard Benhoud: La modemitd: venté cuiueIle ? W . Revue Le Maws. Paris. La Découvene. 24, Déc. 1987, p.34. sociales. Aux artisans il reviendra de produire, aux guerriers de défendre la république contre ses ennemis, aux gardiens enfin d'administrer. L'affectation de chaque classe à chaque fonction se fera en sélectionnant les individus selon leurs aptitudes particulières. »146 La question de l'origine de la division du travail est diversement appréciée. Pour Adam Smith,elle est un processus naturel lié à l'échange et dont les effets sont les suivants: (( - Elle accroit l'habileté. par la spécialisation des tâches. mais aussi l'adresse et l'intelligence - La division du travail rend possible la coordination des tâches, et élimine les temps morts dus aux changements d'une activité à 1 autre: - Enfin. elle permet l'emploi des machines qui vont zffecnier des tâches autrement confiées à l'homme. »14' Les préoccupations de Smith sont économiques et reflètent la période du développement de l'industrie manufachinère. La division du travail a ainsi trait a la répartition des tâches a l'intérieur de l'atelier pour la recherche de coûts moindres. Selon su \'illiam Peny. (( le drap doit revenir moins cher quand une personne w d e la laine une autre file. une autre tisse. une autre étire. une autre apprête, une autre calendre et emballe. que lorsque toutes les opérations mentionnées sont maladroitement exécutées par la même maki. D ' " ~ Smith et Petty conçoivent la division du travail comme une répartition mmufiicturiere et capitaliste des tâches. '* Kené Cessieux: Approche historique ec critique de la division du mvail. B. in L1or@sation du travail et ses formes nouvelles. Paris, Ed. Centre d'&des et de Recherche su les Qualifications. 1977, p.3 1. ;r Idcrrri, p.33. '" Jean-Pierre Skris: Qu 'est-ce que 1B division du navail ? Paris, Librairie philosophique J. V n a Coll. Rdtextes, 1994, p. 18. La division du travail a po-w source u la coopération des forces de travail N dans la lecwe marxiste. Cette coopération est chez Marx. u le made fondamental de la production capitaliste, elle est a la fois moyen de la production capitaliste sans laquelle il n'existe plus et résultat obligé de l'accumulation du capital. »ld9 Si la coopération des individus est volontaire. dans la division du travail. les conditions de cette coopération sont fixées par le capitalisme. La division du travail devient ainsi un moyen de contrôle du travail individuel par le capital. (( Pour celui-ci. toute organisation du travail doit être indissolublement une technique de production et une technique de domination patronale de ceux qui produisent: car le but de la production capitaliçte ne peut-être que l'accroissement du capital lui même. et ce but. étranger aux travailleurs. ne peut-être réalisé par eux que sous la contrainte (directe ou feutrke). H 1 50 Marx distingue également deux types de division du travail. La division technique du travail consiste dans l'atelier à unir les forces de m a i l de chaque individu et obtenir ainsi une marchandise. La division sociale \-oit quant a elle chaque membre de la société offrir une marchandise particulière. En somme. l'analyse marxiste met en arant l'aliénation du travailleur dans une répartition capitriliste du m a i l qui « divise pour mieux régner N. séparant le tnvail inullectuel du manuel, alors que (( rien de tout cela n'est nécessaire a une production efficace. »"' Avec É d e Durkheim. la division du travail prend une autre dimension Il repositiome l'analogie faite par H. Milnes-Edwards avec tra~aildans l'organisme D. a la division physiologique du Selon Durkheim, «la société est assurément un organisme, mais un organisme sui gcneris. Les individus ne sont pas des cellules physiologiques, destinées à une fonction bien précise: ils peuvent changer leur rôle a l'intérieur de I ' o ~ ~ s r n ea . la fois latéralement et vers le haut. :" »152 M Dans l'or_gmisme. chaque cellule a son r6le défh. et ne Renç Cessieur: op. cit. p.39. '" André Gorz: Critique de In division du navail. Paris, Seuil, 1973, p. 11. "' Ibidem. '" Philippe Besnard; Massirno Borlandi et Paul Vogt (dir.), Division du rrovuil et lien sociul, 1993, pp.4-49. Paris, P W , peut en changer. Dans la société. les tâches n'ont jamais été reparties d'une manière aussi immuable..A mesure que le travail se divise davantage, cette souplesse et cette liberté grandes. »153 d e v i e ~ e nplus t Pour Durkheim. la division du travail est un fait social qui ne saurait s'expliquer exclusivement par la science économique. Certes il (( reconnaît l'importance économique de la division du travail. mais soutient que sa fonction principale est morale. à savoir le progrès de la solidarité sociale, et non simplement la production de biens plus abondants et moins coûteux. »Is4 Selon Durkheim, la division du travail dans une société détermine le degré de cohésion de cette même société. C'est ainsi qu'une faible division du travail produit une solidarité dite mécanique ou par similitudes tandis qu'une division poussée du travail induit une solidarité de type organique. cette demière est caractéristique des sociétés avancées et à forte densité morale. Dans le cadre de la cohésion sociale. la solidarité mécanique relie les personnes entre elles alors que la solidarité organique établit un lien entre les personnes et les choses. le droit étant ici le facteur médiatisant. La division du travail jouerait un rde beaucoup plus important que celui qu'on lui attribue d'ordinaire. Elle ne servirait pas seulement a doter nos sociétés d'un luxe. enviable peut-être, mais superflu; elle serait une condition de leur existence. C'est par elle, ou du moins c'est surtout par elle. que serait assurée leur cohésion: c'est elle qui déterminerait les traits essentiels de leur constitution. »lSS (( Au niveau de l'économie mondiale. la DIT n'a ni doté les pays sous-développés d'un luxe enviable et superflu, ni constitué un élément de cohésion interne ou externe. La DIT. dans les années 1970 surtout. a une configuration unique les pays sous-développés exportent des matières premières vers I'Occident et achetent des produits manufacturés. Il s'agit en ;aJean-Pierre Séris: op. cir. p. 1 1. 'sPhilippe Besnard et ai.. op. cit. p.%. b i l e Durkheim: De h division du navail social. Paris, QuadngePUF, 1986, p.27. '" d'autres termes de la spécialisation du Tiers-monde dans la vente de produits bruts et à iaible valeur ajourée? alors que les biens de consommation et d'équipement sont fournis par les pays développés. Les efforts d'industrialisation de certains pays du Tiers-monde et la crise énergétique ont entraîné quelques changements dans la DIT.Nous avons assisté à « la création de systèmes de production internationaux basés sur une repartition sectorielleo c.à.d. par la répartition. entre différentes régions géographiques, des activités relevant d'un même secteur. L'une des conséquences de ce genre de sytème est le développement d'échanges commerciaux au sein d'un secteur donné. alors que l'ancienne forme de division internationale du travail se caractérisait. quant à elle. par des échanges commerciaux externes à un secteur donné (comme par exemple, l'échange de produits finis conm des matières premières}. »156 En vérité. la nouvelle DIT n'a pas effacé les déséquilibres de l'ancienne qui se sont même renforcés des écarts technologiques. La conjonction de ces facteurs contribue à affaiblir les économies sous-développées. à minimiser les possibiltés d'un développement réel. à favoriser la dégradation des conditions d'existence des populations et à encourager l'essor des activités informelles. L'effet conjugué de l'extraversion économique. l'influence des multinationales et le décalage technologique sont a notre avis au centre de la problématique informelle au Gabon et dans le Tiers-monde. CEEIM-Bmxelles:La division internatio~ledu rravail et les enneprises mu ftinatiomles. Bruxeiles. Publications du CEEIM, 1979, pp.3 1-32. IV.2. Le modèle d'analyse Le concept d'informel dans la présente étude renvoi aw effets du SEM dans les pays sous-développés. 11 fait reférence aux conséquences d'une économie extravertie et offrant presque exclusivement des matières premières dans les échanges internationaux. En outre. notre concept d'informel suppose que les activités informelles sont elles mêmes dans les économies sous-développées, une forme n o d e de la division internationale du travail au sein du SEM dont elles asswnt par leur nature et leurs fonctions. la cohésion. Les pratiques informelles engendrées par le SEM se situent à deux niveaux dont la juxtaposition peut en première lecture sembler paradoxale. 1 ) Un ensemble d'activités sociales économiques qualifiées de (( légitimes mais illégales H Ces activités sont dans une zone de Iégditi funue. c'est-à-dire que « dans . le futur. par le biais d'ajustements progressifsi le système lé@ tiendra compte de ces nouveaux usages et les légalisera ou cessera de les criminaliser. )?58 Ce groupe d'activités comprend les petits metiers gui vont du cireur de chaussures a la commerçante de légumes. du vendeur ambulant au transporteur clandestin etc. Ces activités tirent leur légitimité du fait qu'elles fournissent des revenus à une partie de la population qui n'en aurait pas autrement. ou qui a besoin d'un supplément de revenu pour la satisfaction de ses besoins essentiels. 2 ) Des activités sociales et économiques informelles que nous qualifions (( d' illégitimes N? parce qu'elles sont le plus souvent reliées à des positions sociales élevées dont usent et abusent leurs détenteurs à des fins lucratives. II peut s'agir égaiement d'activités illépaies mais ayant pignon sur nie car bénéfiçiant d'une (( protection )) administrative ou politique. Gérard Vema: Légalite-légitimité:la dialectique de l'informel. B , in Les enrreorises informeiles dans le monde. op. cir, p. 17. lS8 Idem* p.22. '5: ~ ~ ~ Le premier groupe d'activités informelles est certainement le plus observé par les recherches. C'est celui de la pauvreté, de la mar@nalité et la recherche de la survie. Le second groupe nous trempe au coeur des relations entre l'État et I'essor de l'informel. Ce second groupe qui comprend les différentes élites locales, sen d'instrument d'application locale des impératifs du SEM qui a son tour, leur permet de vivre dans des conditions aussi confortables que celles d'occidentaux très aises. Cette (( dynamique d'enrichissement des élites locales »,par le prélèvement d'un surplus sur le travail des populations est l'une des clés de voûte du fonctionnement du SEM et expliquerait également l'essor des activités informelles. .Afin de faire ressortir la conélation entre la division internationale du travail et le développement des activités infornielles au Gabon. nous panons des idées suivantes: 1 ) Dans le cadre du SEM, la division internationale du travail maintien au Gabon une structure économique défav~rableà un véritable développement. L'extrême extraversion et la spécialisation de l'économie gabonaise expliqueraient les difficultés du marché de l'emploi. La division internationale du travail impose des choix de développement dans les pays sousdéveloppés et au Gabon. Ces choix s'avèrent être des choix de croissance à court terme et non des options de développement durable. Ces deux propositions sont a la base du développement des activités informeiles Liées à la structure de I'économie gabonaise dans le cadre de la répanition internationale du travail dans le SEM. 2 ) La gestion des pays sous-développés caractérisée par le gaspillage des ressources disponibles. 1'e~chissementde la minorité dirigeante et 1' appauvrissement de la majorité des populations. est directement rattachée à la fonction de relais du SEM. des élites dirigeantes. La croissance des activités informelles réleverait ici de la précarité des conditions d'existence des populations urbaines gabonaises. provoquée par une gestion à la fois inéquitable et improductive des ressouces du pays. À partir de ces idées, nous posons les hypothèses suivantes: 1) Le développement des activités informelles procède d'une incapacité structurelle de l'économie gabonaise à créer les emplois dont les populations ont besoin. du fait de la prépondérance du capital international et de la place du Gabon dans le SEM. 2) La gestion de l'État et la dynamique d'erîrjchissement de la minorité au pouvoir, relais du SEM. participent a l'essor des pratiques infornielles. par la création d'inégaiités de répartition des richesses et le non accès au bien-être. pour la majorité des populations. Afin de corroborer ces hypothèses. nous utiliserons les indicateurs qui suivent: Par rapport à l'hypothèse 1): nous examinerons les effets sur la création d'emplois de la spécialisation dans les matières premières. la non-diversification de Igéconomie.et le poids de la dette. Ces indicateurs montreront la fiagilité de l'économie gabonaise. par son rattachement à la conjoncture internationale. la rendant par la même occasion incapable d'une dynamique productive interne. La spécialisation nous pennema de voir comment le SEM disqualifie le Gabon des &UX productifs et créateurs d'emplois comme la recherche technologique. l'innovation technique et même la satisfaction des besoins primaires. Nous regarderons aussi la ventilation dans les principaux secteurs de l'économie. des investissements étrangers On verra avec ces indicateurs que le capital é m g e r est essentiellement a la recherche des profits immédiats. Les investissements se font par conséquent dans des secteurs rapidement rentables, mais qui ne permenent pas au Gabon de développer un véritable tissu industriel7de consrniire une économie in* et répondant aux besoins des populations. Le rôle des entreprises multinationales sera analysé ainsi que les problèmes posés par la technologie. L'objectif est de montrer que le SEM n'est pas intéressé par les politiques de développement durable. La conséquence directe est I'accroissement du nombre de personnes sans emploi dans les villes gabonaises. Le corrollaire à cette situation est naturellement la croissance des activités informelles en guise de survie. Par rapport à l'hypothèse 2): il s'agha de lire l'essor de l'informel dans un examen du rôle de l'État et de la façon dont ce rôle est rempli par les dirigeants. Le problème central sera celui de la répartition des richesses au Gabon. Les données sur la question démontreront la concentration de l'essentiel des ressources aux mains des dirigeants, lesquels participent a l'essor de l'informalité dans leur dynamique d'enrichissement. Cela nous amènera aux performances socio-économiques du Gabon. Nous montrerons l'évolution au cours des dernières années. des conditions d'existence des Gabonais, la montée de la pauvreté et de la précarité. Nous tenterons de cette manière de mettre en relation le développement de l'informel et l'accès trop limité a des conditions minimales d'existence. pour une masse significative de citadins. Cette étude de l'informel tente de cerner les ressorts de pratiques dont les manifestations les plus évidentes sont économiques. 11 faut préciser car c'est imponant. qu'il ne s'agit pas d'une étude économique ou d'une approche statistique de l'objet. Notre ambition est de saisir les mécanismes globaux qui fondent les activités informelles. Si l'on se refère aux paradigmes existants. la perspective d'approche de la présente étude peut s'apparenter à une démarche de type stnicturo-fonctionnaliste. Pour nous. l'économie mondiale est un mouvement ordonné au niveau planétaire selon des normes établies par le capitalisme dominateur. 11 est intéressant de se demander ce qui fait qu'en dépit de tant d'inégalités. tout se tient encore ensemble. Pour donner une idée de réponse. notre démarche emprunte cenainement à la démarche systémique afin de cerner les rnaiiions de cette chaîne au sommet de laquelle trône le SEM. Cette approche nous permet de comprendre la résistance de la division internationale du travail am chtiques les plus acerbes. l'immobilisme de sa restructuration. mieun le renforcement d'une m c t u r e économique mondiale qui unit pour diviser encore plus. Pour comprendre la genèse de I'informel à partir du capitalisme mondial. la recherche documentaire aura été notre première source d'informations. Nous avons ainsi pu prendre connaissance des différentes approches de la problématique de l'informel, à travers les documents consultés dans les bibliothèques, au niveau de certains orpismes internationaux. ainsi que de l'administration gabonaise. Un séjour au Gabon nous aura permi de collecter des domees statistiques sur l'économie gabonaise. Nous avons egabent eu quelques entretiens avec des responsables gabonais des ministére du commerce et de la planification où nous prenions essentiellement des notes. Pour les données qualitatives, nous avons procédé a une analyse de contenu de type structural. Les données chiffrées, quoi qu'essentiellement illustratives~sont à l'occasion interpretées. Enfi$ tous ces instruments d'analyse trouvent leur champ d'application dans l'examen du concept. des définitions et des fondements de IginformeI.notamment dans le cadre de l'économie gabonaise. Chapitre V Conceptions de l'informel: la situation au Gabon Le double processus d'industrialisation et d'urbanisation des pays du Tiers-monde est confronté au problème d'intégration des migrants urbain dans le salariat moderne. Dans un premier temps, l'opposition tradition-modernité tente d'expliquer cette situation. les migrants des villes seraient au prise avec une modernité dont la réalisation achoppe sur un ensemble d'idées et de pratiques relevant des sociétés traditionnelles. Mais l'analyse retournera assez vite sur la question de la formation d'une poche de sous-emploi urbain. surtout sur les activités urbaines dites spontanées, anomales, traditionnelles de ces populations. formant ahsi une (( économie de bazar ». V. 1. Le dualisme tradi tion-modernité La vision dominante au Gabon est celle d'une économie dichotomisée. hiérarchisée, au double plan socioéconomique. techno-culturel. D'un côté. ou plutôt au dessus, en avant, la modernité instituée en secteur dit moderne. formel. structuré: de l'autre? ou plus précisement au dessous. en mière. la tradition constituée en secteur qualifié globalement de traditionnel. informel. non structuré. Le premier supposé porteur des valeurs de développement et productiviste a l'occidental. est composé classiquemenf des secteurs public et privé "modernesu (au sens large). Le deuxième. voué aux activités de subsistance, avec ses valeurs de vie et de sur-vie, comporte trois types d'activités mises pratiquement sur le méme pied: commerciales "informelles". artisanales "informelles", agicoles "traditionnelles". »159 (( La littérature sur la problématique de l'informel au Gabon situe égaiement ce phénomène dans le processus global de modernisation de la société. L'informel renvoie à l'intégration dans le giron de Itéconornie capitaliste moderne, d'une société traditionnelle ou Henry Panhuys: Lo moaée de 1 'économie informelle au Gabon. Situations et perspectives. Ciéneve. B ïï, 1992, p.27. iS9 pré-capitaliste, La mise en avant de l'opposition tradition-modernité dans l'appréhension de I'infomalité au Gabon suscite tout de même une remarque. Si le processus de développement économique a nécessité et entrainé d'importants changements dans les cultures (au sens anthropologique) même dans les sociétés occidentales, il est évident qu'il n'a pas été une sorte (( d'épuration )I culhvelle consistant à éradiquer les ensembles socio-culturels préexistants. La mise en opposition de la modernité avec la tradition au Gabon. au moins dans le non-dit, semble relever de cene perspective demctrice qui enverrait la nadition aux oubliettes. Une telle conception ôte au développement son caractère de processus de transformation qui. en même temps qu'il fqonne la société. subit également les contraintes de son environnement. Par ailleurs. la conception de ltinformalité a travers le dualisme tradition-modemité au Gabon. est à notre sens un bouclier qui tente maladroitement. de farder le dysfonctionnement des institutions de la modernité dans ce pays. et la fonction du Gabon dans le SEM. Une dissimulation qui h i n e égaiement une meilleure connaissance des activités informelles dans un pays où l'abondance des ressources au regard de la population. suppose théoriquement le bien-être. Quant a nous. l'essor de I'infotmalité au Gabon. est une création des logiques mercantiles qui gouvernent la di~lsion internationale du travail. C'est dans le procès historique du développement mimétique et sa systématisation actuelle dans le cadre du SEM,que l'informel urbain au Gabon trouve ses fondements. L'étude de I'inforrnalité à travers I'opposition tradition-modernité souffre aussi de n'être qu'un constat du fonctionnement interne des économies en voie de modernisation. il est à ce titre important de rappeler que?le développement des activités informelles, telles que nous les avons définies est caractéristique du sous-développement: ce dernier étant lui même rattaché a m contraintes imposées par l'économie mondiale et plus précisément à ce que nous avons appelé le SEM. Les tentatives d'explication de l'essor des activités informelles par la simple opposition tradition-modemité analysée dans les fonctionalités locales de l'économie gabonaise, nous paraissent insuffisantes. Les facteurs qui passent généralement pour des contingences internes sont. à notre avis. à mettre au crédit de (( locales de la modernisation »la la dynamique de constitution et d'enrichissemeni des élites relais du SEM dans les pays sous-développés. L'exploitation coloniale de la maind'oeuvre et des ressources naturelles a bâti une économie de rente extravertie et appauvrissante pour les populations. La prise en main des rênes politiques du pays par les nationaux n ' a m toutefois. pas diminuer les écarts criants dans les conditions d'existence. Puisque la modernisation se fait et que la tradition est présumément toujours vivante. l'ananlyse de I'informel au Gabon est immédiatement orientée dans le champ de fictions entre ces deux éléments. Cette fois. le débat se focalise sur l'organisation et la gestion de l'espace public économique qui nous conduit inévitablement à I'opposition formel-informel. V.2. Le dualisme formel-informel L'analyse dualiste caractérise les économies sousdéveloppées par (( la c o e x i m c e de deux secteurs distincts. un secteur moderne capitaliste et urbain et un secteur traditionnel et rural. »16'. Le rôle du secteur traditionnel nuai est de faciliter I'accumulation dans le secteur capitaliste moderne qui d e m ensuite absorber la main-d'oeuvre libérée des activités traditionnelles. L'absence de ce mécanisme de compensation est à l'origine de la non intégration dans le salariat. d'une grande partie des néo-citadins. La multiplication des activités économiques hors de l'espace moderne sera la conséquence pratique du chômage urbain et de la aise économique. En réalité, les premières approches de la situation en termes d'informel n'émargent pas véritablement dans le dualisme formel-informel. Elles se préoccupent de la capacité des citadins à satisfalle convenablement l e m besoins. losqu'ils 'aFidèle-PierreNz&N@ma: Modernité ïïers-Mythe et Bouc Hémisphère. op-cit. 172p. 16' Phiiippe Martinet: op. cit. p.3 1. disposent d'un emploi. La question est de savoir si les salaires suffisent a faire face aux contraintes quotidiennes lorsque le coût de la vie est de plus en plus élevé. Le terme informel. « infornial N en andais, apparaît pour la première fois daris une .'" étude de Kei th Hart sur le Ghana en 197 1 La notion d'informel dans 1'acception de Hart, fait part de la nécessité pour les ménages de rechercher des revenus additionnels opportunities N (( incomes - en complément des salaires. Ces revenus étant tirés d'activités annexes et distinctes des occupations principales des ménages,ils seront dits informels. par référence aux (( informal incomes opportunities. N Hart perçoit l'informel comme le résultat de l'inadéquation (inadequacy) entre le niveau de salaire réel faible et la forte hausse norrîinale des produits de subsistance: le déséquilibre chronique entre le revenu salarial et les besoins budgétaires des ménages est seulement en partie atténué par la génonsité des parents et des voisins. et seulement temporairement différé par le recours au sytème de crédit. Une ultime solution A envisager peut être la recherche de revenu. (( Pour Hart. la notion d'informel s'applique essentiellement aux opportunités de revenus dans une crise généialisée qui s'éternise. L'auteur constate une baisse importante du pouvoir d'achat des ménages. Alon. il (( pose le problème du revenu informel comme un revenu complémentaire devenu nécessaire devant la stagnation des salaires et l'inflation. alors que la solidarité familiale et le recours au crédit atteignent leurs limites. »'64 La perspective de Han est centrée sur les revenus des ménages. La notion d'informel est élaborée sans aucune allusion a un quelconque "secteur informel ",distinct de l'économie moderne. contrairement à l'analyse que fera le bureau international du travail (BIT). '" Keith Hm: informai income oppomnities and urban employment in Ghana m. J o d of modem African mdies, II, 1, 1973, pp.6 1-89. Claude de Miras: op-cir, p. 106. l a Bmno Lautier: op. cir, p.9. '" Le concept de secteur informel L'approche du Bureau International du Travail (BIT) est explicitement catégorielle. En parlant d'informel, le BIT « définit d'emblée un secteur comme regroupement d'unités de production, repérées à panir de caractéristiques essentiellement techniques auxquelles s'ajoutent le fhible niveau de réglementation. Il mène donc l'analyse à pmir de l'unité de production. »16' Convairement à l'optique de Hart orientée vers les opponunités de revenus des ménages, l'approche sectorielle du BIT va focaliser la recherche sur les activités productives dites informelles. La conception du BIT va engendrer la détermination du secteur informel de façon antinomique et négative par rapport à l'économie modeme. Deux directions énoncées dans cette approche seront abondamment suivies: 1. La fixation de caractéristiques techniques de reconnaissance des unités de production informelles: 2. Le répérage selon le de@ de réglementation observé par ces mêmes unités. Ce dernier critère sera développé a son tour. dans une mise en avant des aspects juridiques ou statistiques. par le niveau d'intégration des activités informelles dans la comptabilité nationale. Cette orientation statistico-juridique foumit un éventail de termes considérés comme synonymes d'informel et qui. tentent de couvrir l'ensemble des activités soupçomées d'informalité ou reconnues comme telles. Willard a fait l'inventaire de ces désignations (Voir. p109). Reprenant la typologie de Wiilard. Roubaud distingue trois entrées représentatives des champs de recherche induits par la notion de secteur informel (Voir. pl 10). La première entrée ou première famille. aborde l'informel dans une perspective statistique. donc dénué de toute analyse qualitative. La deuxième famille « cherche à identifier un ensemble de pratiques délibérernent occultées par ceux qui s'y a d o ~ e n t On . se situe clairement aux frontières de la légalité' voire au delà du côté des activités délictueuses. Les aass@ania uou a p o u o q sanbysprr~s>a sa[s%l samou xna ~nitddirqq?ya!ps,i ~ a @ s ? p mod sjdoldma s a n u a l *apuoui-sia!~al s m p j ~ i m . t a i puxauxaddopqp un,p mam3ni! salla'nb sduiai a q u r ua larnioypea uoyasp%o,p apow un ~uani?dradsallaurioJir! s y p ! i x s q *srno3 iuo L m b saq~~nqys?par l a s a ~ y s n p o ~sanbywd d Sap ? i ~ p q r e del a & p s an3 -iuaumddola~?pal suep apuoui-sra!~np [email protected] q ms luasse,! iaw la aiueqofiua s q d >sa a p j aui?!s!on q ,« * i u a m ~ p B ? usaiouuoa mauiauoj luos s?Loldura s j p [ p e Relevé non exhaustif des termes employés pour désigner l'activité échappant aux normes légales et satistiques 1,7 Économie non officielle 1 kanomie non obsenée 1 Economie non enregiseée 2 Économie cachée 1,2 Économie non déclarée 7 Économie sous-marine 2 Économie dissimulée 2 Économie souterraine 2 Économie submergée 3 Économie secondaire Z Économie clandestine !,3 Économie parallèle 3 Économie duale 3 Économie alternative 2 Economie occulte 3 Économie autonome 2 Économie noire !Économie grise 2 Économie irrégulière 3 Économie matginale 3 Économie périphérique 3 Contre-économie 2,3 Économie infoxmelie 1,2 Économie invisible 2 Économie de l'ombre ! Économie illwe Source: François Roubaud, 1994, p.48. Les c h i f i s 1'2 et 3 renvoient à la famille d'appartenance. V.3. Le secteur informel au Gabon Le dualisme formel-informel au Gabon est déterminé par 1'opposition tradi tonmodernité dont il est issue. Le formel caractérise le moderne. I'informel la tradition et la quasi totalité des approches de l'informel au Gabon sont tributaires de ce schème. « Les comptes nationaux 1991 (...) décomposent le PIB en deux grands secteurs: le secteur moderne, le secteur informel lequel inclut le monde agricole. »16' La direction de la pianification des ressouces humaines (DPRH) « inclut dans le secteur non structuré (SNS), les activités agricoles (et paragricoles), c'est à dire la paysannerie '61.» Obame ~rnane'~'distingue à son tour un secteur moderne constitué des salariés des secteurs public, parapublic et privé: ainsi que les travailleurs indépendants et non salariés du secteur moderne. Le secteur informel comprenant "l'ensemble des campagnes". Ces approches de l'informel au Gabon sont distinctives des analyses sectorielles des économies sous-développées. Elles en portent égaiement les faiblesses dont nous avons fait antérieurement état. Il y a tout de même une particularité ici, c'est l'intégration systématique des activités agricoles traditionnelles dans le secteur informel. dont nous pensons qu'elle est redevable au dualisme niral-urbain dont plusieurs recherches s'inspirent pour parler de l'informel. Si le monde rural n'est pas, il est Mai exempté des influences capitalistes. il nous semble que les activités économiques informelles prennent principalement racine dans la ville. Leur appréhension se fait par opposition ii l'économie formelle urbaine et non par rapport aux activités agicoles de subsistance des paysans gabonais. En ce sens. une i-iormalité qui inclut ces activités relève a notre avis d'un amalgame traduisant le désarroi des chercheurs devant une réalité dont les ressorts sont difficiles a cerner. Ce qui donne parfois des contradictions discursives revélarices du malaise. Assimilant le secteur informel a l'ensemble des campagnes? Obame Emme se pose ensuite la question suivante: (( que se passerait-t-il aujourd'hui si le secteur informel n'offrait pas des possibilités aux personnes licenciées dans le secteur moderne ou dont le profil ne répond pas aux exigences du secteur moderne ? d7' Il nous semble en définitive que ce ne 165 H e n ~h h u y s : op. cir, p.27. ibidem. Population et emploi. B Acies du séminaire d'Ovem sur la moulation et le la Victor Obame Emme: déveIo~uement.Libreville, MPWTiFNUAP, 1990, pp.97- 122. "' idon. p. 118. sont pas les campagnes vidées par l'exode nual, qui ofient ces posibilités. mais bien le monde urbain. Les représentations de l'informel chez les agents économiques du secteur moderne gabonais sont différentes. En effet. ces demiers (( voient dans le secteur iafonnel un concurent d'autant plus dangereux que son développement s'es accéléré de fqon CU- extensive a la crise frappant de plein fouet l'économie moderne depuis 1986. Certains sont tentés d'assimiler purement et simplement, sinon dans les faits. en tous cas dans le discours. le SNS à un secteur huduleux, illégal. ))'72 Le h r e "illégaliste" du secteur uifomel selon le président de la confédération patronale gabonaise (CPG),tient au non respect par les informels de la réglémentation en vigueur. (( Pour le tâcheron, par exemple ce sera l'ignorance totale (et. répétons le. volontaire) de toutes les réglémentations sociales (emploi d'étrangers sans autorisation. salaires infërieun aux normes conventionnelles. non inscription à la caisse nationale de sécurité sociale (CNSS): pour l'importateur. ce sera la sous-facturation. la contrebande; pour l'un et I'autre l'absence de toute déclaration fiscale. Cene attitude constitue une menace pour I'ensemble de l'économie et même la société entière d'autant plus qu'elle est intentionnelle, selon le président de la CPG. La maîtrise des activités informelles au Gabon par des étrangers, fait en sus planer le spectre d'une importante fuite de capitaux vers l'extérieur du pays. Cette vision des activités informelles souligne la violation consciente des procédures légales d'exercice des activités économiques et relève également la main mise des étrangers sur les activités informelles au Gabon. Il faut rappeler que le contrôle des activités économiques au Gabon par des intérèts étrangers. est loin d'être l'apanage des pratiques informelles. Le secteur moderne de l'économie dominé par les productions pérrolières et minières renferme d 'importants intérêts é m g e r s dont le rapatriement des capitaux est sans doute plus énorme. Le fait que cela soit i? Henry Panhuys; op. cit, p.3 1. '" Idem, p.32. légal ne change rien au caractère extraverti de l'économie gabonaise et à la présence d'étrangers. actifs formels ou informels. Le véritable enjeu que posent les activités informelles. est en liaison directe avec la stnicture économique du Gabon et la capacité de am état à assurer une régulation répondant aux besoins réels des populations. Le président du CPG évoque égaiement une autre dimension dans sa conception de l'informel. Pour lui. il s'agit de la volonté délibérée des actifs informels de contourner la réglémentation. Même si l'auteur ne fournit aucun argument au non respect volontaire de la loi. on peut à ce propos. évoquer deux hypothèses: La première hypothèse est l'incapacité de l'État à s'assurer du respect de la réglementation et. dans le cas du Gabon. cette incapacité repose sur un manque de volonté politique. Cela nous renvoi am arguments de Claude de Miras dans son analyse de la nature de l'État périphérique, où le jeu politique se focalise sur des enjeux personnels et non dans la recherche d'une organisation sociale efficace. Par ailleurs. les actifs Uiforrnels ne sont pas seulement des citadins en quête de sources de survie. Le prélèvement d'un surplus par les détenteurs de pouvoirs. comme le signalent Le Bris et Amselle, peut également expliquer le mutisme des pouvoirs publics devant la prolifération des pratiques informelles. La seconde hypothèse suit l'argumentation de Hemando de Soto. L'évitement de !a rég lémentation ne partici pe-t-il pas d'une stratégie économique rationnelle. dans un contexte où le respect de la loi est coûteux, sinon que la loi est financièrement et administrativement inaccessible ? La fiche circuit pour l'obtention d'un agrément au Gabon (Annexe B), nous montre une douzaine d'étapes que doivent parcourir les demandeun du document qui autorise I'exercice d'activités commerciales. La moitié de ces douze étapes exige des contributions financières non négiigeables. Pour iliusûation: les frais requis au niveau de la seule direction du commerce intérieure s'élèvent à 100 000 FCFA pour un gabonais. soit plus du double du salaire minimum qui est de 44 000 FCFA. Pour les non narionaux. le montant exigé est de 500 000 FCFA? ce qui n'est pas un e n c o q e m e n t au respect de )a réglémentation pour une immense partie des étrangers qui amivent au Gabon sans grande fortme. Le rescensement de 1993 de la population gabonaise montre un faible taux de scolarisation, dans la h g e de la population résidente étrangère, ainsi qu'un taux de scolarisation (de niveau secondaire essentiellement) de 32.6% pour la tranche des 2 1 ans dans I'ensemble de la population ré~idente."~Ces données suggère une méconnaissance probable des lois en amont de i'exercice des activités économiques. La conjonction de ces facteurs et l'absence de conuôles efficaces de la part de l'État suffisent, à notre sens, à infirmer l'approche selon laquelle, les activités informelles au Gabon relèvent exclusivement d'un « illégalisme » intentionnel, comme I'affirme le président du CPG. La lecture de l'évolution du secteur informel au Gabon faite par Bano Charnbrier est plus classique. Pour lui, « le secteur informel urbain doit son expansion à deux phénomènes principaux: l'exode niral et I'imrnigation étrangère. Une partie de la main-dbeuvre appelée pour la construction du pays, au cours de la période de forte croissance 1975-77. est démeurée dans les centres urbains. attirée par les rémunérations pratiquées au Gabon: elle a formé son propre circuit d'emploi et de consommation. fi1'' Du point de vue de la "technicalité" économique. la formation d'un secteur informel peut se comprendre dans les termes que Barro expose ici. 11 s'agit autrement dit. d'un chômage urbain dû au ratio population urbainekapacité d'emploi, tel que nous le retrouvons dans les thèses de la aansition des sociétés pré-capitalistes vers l'économie de marché. Mais alors. comment expliquer non seulement la perdurance de cette situation et même son accroissement dans le pays le plus riche d'-que, avec une population active ( Tableau 2) estimée à 375 944 personnes ?176 .-. ' 'Rescensement général 1993: op. cir, pp.25-26. B m Cbmbner L'éconumie du Gobon. Paris. Oeconomica, 1990. p.239. Le rescensemeni 1993 définit la population active en actifs, actifs occupés et actifs chômeurs: - un actif est une personne agde de 10 ans et plus. travaillant ou cherchant effectivement un emploi. - un occupé est un actif ayant effectivement uavaillé au moins une semaine depuis le debut de I ' a d e . - un chômeur est un actif n'ayant pas travaille depuis le début de l'année. mais toujours il la recherche d'un emploi. 'YHugues Alexandre 176 Tableau 2: population active par sexe et groupe d'âge Groupe d'âge Total actifs Hommes Femmes 2 sexes 60-64 6 434 9 498 15 923 65 et + 10 486 14 587 25 073 Total 208 484 167 460 375 944 Source: établi à partir de rescensement, 1993, p.33. La situation particulière du Gabon, avec une fàible population résidente et des revenus importants n'autorise guère une interpretation de l'essor des activités informelles. en suivant simplement une logique des nombres. Les migrations internes et internationales ont certes contribué à I'augmentation rapide de la population urbaine?mais le bassin de population urbaine ainsi constituée reste oès modeste en tant que tel, mais égaiement en rapport avec les ressources dont le Gabon a disposé et dispose encore pour réaiiser son développement et ainsi faire face (théoriquement avec succès) au chômage urbain. Ce que l'on constate au Gabon,c'est qu'en « moins de 10 ans. le secteur moderne a perdu 30.000 emplois (93.000 en 1994 contre 124.000 en 1985) soit une baisse annuelle de l'ordre de 3% remarquée surtout dans les entreprises privées (-52% sur la période).Le taux de chômage global représente 17'1% de la population active soit plus de 60.000 demandeurs d'emplois. Ce nombre devrait continuer à croître en l'absence de mesures visant à augmenter l'ofne de travail et à améliorer les qualifications de la population active. (...) Si le doublement de la Valeur Ajoutée du secteur Pétrole a permis d'accroître la richesse du pays. il n'a par contre quasiment eu aucun effet d'enaainement (à l'exception du teniaire) sur les autres secteurs d'activités et par voie de conséquence sur l'emploi dont la détérioration est continue sur la période. quel que soit Ie secteur d'activité. Cette détérioration est particulièrement sensible dans le secondaire ( PIB : -45%. Emploi : -60%). fortement influencée jusqu'en 1985 par l'activité du BTP, ce dernier étant lui même très dépendant de l'investissement public dont la baisse a été de 8 1% de 1985 a 1991. d7' Ceae détérioration de la situation économique du Gabon n'est pas redevable à la croissance de la population urbaine. La perte d'emplois dans les entreprises privées. la baisse de !a production intérieure brute ( P B ) et de I'investisement public. sont-elles objectivement consécutives à l'augmentation des populations urbaines, même si elles contribuent à approvisioner le vivier des actifs informels ? Il parait difficile d'établir une relation causale entre la croissance démographique et le développement d'activités informelles, plus encore au Gabon. où les quantités humaines concernées sont modestes en valeur absolue. '- Rapport PNUD 1%: op. cit, p. 10. B m souligne également la mise en place par les néocitadins d'un circuit autonome d'emploi et de consommation. Une pareille entreprise suppose théoriquement deux situations: - l'inexistante d'un circuit similaire. ou; - l'inadéquation pour ces populations du circuit existant, au regard des moyens dont elles disposent. Nous entendons par moyens la capacité financière donnant accès au circuit de consommation. les capacités physiques et intellectuelles permettant de satisfaire aw exigences du marché de l'emploi établi. Au niveau financier. le Gabon se caractérise par une fone disparité dans la redismibution du revenu national que Barro qualifie d'ailleurs de (( différentiel excessif des revenus H. Selon cet auteur, « la ventilation du revenu des ménages fondée sur la composition socio-économique confirme que les agriculteurs et les travailleurs du secteur non-structuré. constituent les couches les plus défavorisées. N " ~ Le tableau 3 ci-après illustre le très faible pouvoir d'achat des informels. donc leur accès limité au circuit de consommation officiel. Tableau 3: distribution des revenus par groupes socio-économiques Groupe 1 l Revenu moyen (francdmois) 1. Pauvres du secteur agricole 1 Nombre de ménages (en %) 1 f 15 000 1 1 1 12.4 2 . Apcultcurs indépendants 38 O00 23.1 3. Travailleurs du SPIS* 46 000 7.0 4 . Salaries agricoles 54 O00 1.O 5 . Ouvriers 70 O00 22.7 ri. Employés 100 O00 13,7 7. Fonctionnaires 160 O00 13.3 8. Cadres 350 000 O, 6 9. Employes non africains 400 000 1.4 1 0.Employeurs. pro fessionneIs 650 O00 1.7 1 1. Cadrcs non abicains 730 000 1.8 \lo!.ennc:To ta1 110 000 100.0 I I I I I Source: Brno Charnbrier. 1990. '" Hugues Ale.w&e SNS: secteur non-structuré Barro Chambrier: op. cir, p.226. Au niveau de l'emploi. la formation d'un circuit autonome idorniel résulte de situations diverses. Le tableau qui suit présente une nomenclature sommaire des personnes que l'on reaouve dans ce circuit. Tableau 4: personnes sans emploi en 1989 (en milliers) Catégorie Gabonais Autres Total Travai1leurs licenciés 7 9,6 5:O 24,6 Jeunes diplômés 5 ,8 0,5 63 Autres 22'1 5'1 27'2 Total 47'5 10,6 58,l Source:Obarne Emane. 1989. II est important de rappeler que l'approche de Hart de l'informel en termes de revenus supplémentaires et la distinction actifs formels et infoneis de Lautier. autorisent l'inclusion dans la catégories des activités infomelles~celles qui sont menées par des actifs formels dans le but d'obtenir des revenus additionnels. La typologie d'Obame Emane qui ne comprend que des personnes sans emplois. bien qu'éclairante sur la situation d'une importante partie des actifs informels est. a cet égard restrictive. Elle donne la possibilité d'affirmer que les activités informelles ne sont pas seulement l'oeuwe de personnes pauvres et sans formation professiomelle. des travailleurs du secteur moderne et des diplômés à la quête d'un emploi y participent &dement. La diversité des acteurs sociaux et des activités touchés par l'informalité au Gabon dénote bien la nature du problème que ces éléments expriment: la crise des pratiques qui fondent le (sous)développernentdu Gabon. L'informalité ne tiendrait-ellr pas du modèle capitaliste de gestion de la société gabonaise ? Le dualisme formel-iaformel repose sur la distinction dans l'économie de deux secteurs. Le secteur formel caractérisé par la rationalité économique, la volonté d'accumulation et s'exercant dans un cadre Rgiémenté s'oppose au secteur informel, défini à l'envers du précédent. L'une des critiques faite au dualisme a trait à l'essence même de cette analyse, c'estadire, le découpage d'une même économie en deux entités séparées. L'analyse systémique refoule cette dichotomie au plan conceptuel par une exigence de totalité dans la compréhension des problèmes du (sous)développernent. La notion d'informel renvoie dans l'analyse systémique, non pas à une distinction dans I'économie de deux secteurs, mais à une diffërenciation au sein du capitalisme des modes de production. Les activités informelles procédant de la logique du capitalisme dominant auquel elles sont associées et soumises. Une autre critique souligne la difficulté de découper une même économie pour des raisons méthodologiques. Le sectorialisme « pose deux types de problème: l'impossibilité de séparer aussi bien les activités formelles et les activités informeiles que les actifs formels et les actifs informels d'une part; et l'impossibilité de trouver une quelconque unité à prion entre les différents segments du "secteur informel", d'autre part. »"' 11 faut encore considérer que les activités informelles ont également c o r n dans la sphère dite formelle? par l'activité de pandes h e s qui utilisent une main-d'oeuvre non déclarée, via la sous-traitance.Rejoignant d'une certaine manière l'idée de Hart sur la recherche de revenus additionnels, Lautier relève que beaucoup d'actifs formels sont également des actifs informels. « Qu'il s'agisse des fonctionnaires arrondissant leurs fuis de mois (ce qui peut être une question de survie en pknodr d'ajustement spucturel) en faisant le taxi le soir (éventuellement avec une voiture de service), en revendant des fournitures détournées, ou tout simplement en vendant des papiers administratifs en principe granits; ou encore de travailleurs de l'industrie tenant une boutique le wu, ou retournant sur l'exploitation paysanne familiale en fm & semaine. »' IP Bmno Lautier: op. cit, pp.38-39. '" Idem. p.39. Par ailleurs, la notion de secteur informel suggère l'homogénéité des activités appartenant à ce secteur. Une telle réalité est peu probable selon les critiques de cette notion. La diversité des terminologies utilisées pour désigner les activités informelles témoigne de l'hétérogénéité de ces activitds, et même, d'une certaine différence de nature. Le commerce ambulant souvent toléré dans les villes du Tien-monde n'émarge pas dans l'informel, au même niveau que les activités crimineiles contituées en réseaux, avec quelque fois des connivences dans le secteur formel. La critique du concept de secteur informel iufirme l'évidence de la juxtaposition de deux secteurs dans les économies sous-développées. Lautier montre une Unbncation des pratiques formelles et informelles qui n'autorise guère la distinction de deux secteurs d'une part. Et d'autre part, les critères qui déterminent l'appartenance à la sphère informel sont si peu parüigés. qu'il est difficile de corroborer l'hypothèse d'un secteur infonnel. En définitive, la notion de secteur informel traduit le constat d'échec des politiques de développement du Tiers-monde; Ik.fomine de la translation dans les pays sous-développés du système économique occidental, des normes et valeurs qui s'y rattachent. On constate finalement que (( le concept d'informel est effectivement né de la frustration des économistes a rendre compte des rédités observées à travers une vision dualiste de l'économie (rnoderne/naditiomelle,capitdistehon-capitaliste,structuree/non-stmcturee).»'*' Le concept ainsi forgé, a partir des préoccupations dualistes ne rendrait pas totalement compte. d'une réalité dont les fondements semblent échapper à la stricte rationalité économique classique. La limite principale de l'analyse sectorielle (( est peut être de miter en termes économiques ce qui à l'évidence relève des structures sociales et de 18' Catherine Coque~y-Vidrovitch: .:L'informel dans les villes africaines: essai d'analyse historique ei sociale *, op. cit, p. 11. l'organisation étatique. »'82 L'évolution du concept d'uiformel se fera d'ailleurs dans le sens des préoccupations sociales et politiques. V.4. L'informel socio-culturel Le concept d'informel entre dans le champ social par la porte de la marguialité. Essentiellement développé dans le contexte latino-américain, la marginalité miale fait allusion en suivant Azevedo, a (( une population en marge du développement économique ».la) L'analyse marginale fait état a un premier niveau, des faibles capacités d'adaptation des populations aux réalités de l'économie capitaliste. L'on met en avant des contingences géographiques et socioculturelles qui kinent l'essor d'une économie organisée et I'intéption des normes modernes en la matière. Le second palier de l'analyse marginale opère à contrario du précédent. Ici. la margudisation procède de l'exclusion inhérente au système capitaliste. Une première dimension de l'exclusion serait tributaire de la situation de périphérie des pays du Tiersmonde dans le système capitaliste international, alors qu'à l'interne, l'exclusion plonge la majorité des citadins de ces pays dans la précarité et la pauvreté. Dans sa dimension sociale, le concept d'infomel va caractériser les masses urbaines non intégrées dans le salariat ainsi que leurs conditions d'existence. Les activités informelles sont alors perçues comme les stratégies de sunie d'une main-d'oeuvre excédentaire qui, (( pour éviter le chômage, s'incorpore dans des formes précaires de production de biens et services d" La lune contre la marginaiisation des masses urbaines et la pauvreté décrétée par les organismes hternationaux, marque une rupture significative dans l'évolution du concept d'informel. En effet, le vice devient rapidement la vertu, le concept d'informel prend une autre signification avec la reconnaissance de l'importance des activités infomelles dans '" René Gallissot: op. cit, p.21. '" Béatriz Azevedo: Secteur inforniel: la nature et l'évolution du concept dans L'Amérique h R n e . Gresal. 93û-i, 1993, 38p. les économies sous-développées. L'économie moderne en crise ne pouvant répondre aux besoins des populations, les advites informelles s'avèrent être (( la poule aw oeufs d'or » que les stratèges du développement se doivent désonnais de protéger pour éviter l'implosion sociale. La nouveauté du débat comme nous le disions est la reconnaissance du file socioéconomique des activités informelles, leur validation comme instrument majeur de développement grâce au dynamisme des micro-entreprises, a leur capacité de creatisn d'emplois et de distribution de revenus, donc de régulation économique et sociale. Avec une charge sémantique positive, l'informel est l'objet de mesures d'accompagnement et non d'éradication ou de formalisation. Hugon précise la démarche ii suivre: « dans l'ensemble, les politiques doivent être incitatives, il est certes possible d'agir directement sur certains groupes cibles, par exemple: agents les plus dynamiques liés à des processus de modernisation (menuiserie, métallique, réparation..); mais pour l'essentiel, les politiques doivent plutôt agir sur l'environnement, au niveau des incitations au regroupements sur des bases professionnelles, au niveau des relations organiques au sein des filières ou au niveau de la stabilisation de l'environnement. »Ia5 Au Gabon, l'analyse socio-culturelle de I'inforrnalité est récente. La montée des activités informelles serait l'aboutissement d'un cheminement historique tissé par la violence coloniale et doublé d'une deââcle de la modernité économique. L'informalité a de nos jours une double justification:elle est caractéristique de la crise du "césaro-productivisme", '@Idon. p. 10. '" Philippe Hugon: a Les politiques d'appui au secteur informel en Afrique. a . in Tiers-Mondes: I'infomel en g d o n ? : op. cit, p.55. « en même temps qu'eue redonne Me a un système de solidarités qui auront déjà permis de fgire face à la ségrégation coloniale. Le"c&aro-pr~ductivisme'~ est ici homologue du "césaropapisme" qui désigne vers la moitié du XMe siècle, l'absorption par l'empéreur (César) souverain temporel, des fonctions spirituelles dévolues au chef de 17Eglw (je pape). (...) état se subaitue en I'occurence à l'élite mercantile pour assurer au profit de cette dernière et au détriment des classes laborieuses, l'essor de la religion productiviste. »'86 k s dynamiques insuflées par la colodsation sont assez connues pour que nous ne y attardions pas une fois de plus. L'exploitation des hommes et des richesses au Gabon aura été la règle. La crise des systèmes sociaux contemporains ainsi établis, et dont procède I'informel, conjugue des effets structurels et conjoncturels. Sur le plan structurel, on peut souligner le mimétisme des élites &aines. par l'adoption des structures d'organisation sociales occidentales et une urbanisation incuntrolée. Les effets conjoncnirels s'alignent sur la logique qui précède. Le Gabon par le caractère extraverti de son économie, subit le contrecoup de la conjoncture intemationale, et un instrument majeur dans les politiques économiques comme la monnaie est également sous le contrôle d'agents externes. La dévaluation du Franc de la communauté financière afkicaine (FCFA) en 1994 par le Fonds Monétaire International (FMI), a fini par « emporter les réserves du dernier carré de sceptiques et de sophistes qui ratiocinaient sur la prétendue indépendance économico-financière de 19Afiiqued8' Dans cette continuation de l'histoire, la crise du césaro-productivisme au Gabon présente le double visage de l'appauvrissement des masses et de l'e~chissement des élites, ainsi que la maginaiisation du continent. « Mais, paradoxe ! cette éviction permet peut-être lpb Fidèle Nzé-Ngueuema:a L'entreprise informelle offretelle des correcnfs au secteur formel et lesquels ? *, op.cit, nbdp.295. lkldnn. p.298. au continent de se retrouver, afin de créer d'autres voies, d'autres cheminements. »'88 est- on pas devant une voie originale de développement, basée sur l'existence d'une « souche sociétale », faite de ces solidarités g&e auxquelles I'AfZque a survécu au colonialisme ? La vague informel1e est à la fois rejet et sanction de l'économie moderne par les populations &caines. « Le développement de l'informel, en même temps qu'il va révéler la crise du césaro-productivisme, vise a transcender le désenchantement des populations par l'intemédiation du cynisme salvateur qui s'exprime à travers les Rseaux de solidarité. »189 Une smtégie qui s'imprime au Gabon, dans une « triple solidarité silencieuse » de travail, de projet et de troc. La solidarité de travail se caractérise a l'instar des organisations économiques populaires latino-américaines, par la mise en commun de la force de travail pour un seul adjudicataire. La solidarité de projet permet de réunir les membres d'une fimiille autour d'un objectif d'acquisition d'un bien ou s d c e collectif. La solidarité de troc consiste à échanger en nature des biens de première nécessité tels les aliments. Cet édifice est souvent complété par des stratégies d'épargne, de prêts et emprunts que l'on regroupe sous le vocable de « tontines )). La triptyque des solidarités plus haut mentionnée, participe d'une logique de reproduction sociale dont les garants, sont inspirées des stratégies de lutte déjà usitées lors de l'occupation coloniale. Le nouveau dynamisme au Gabon des sociétés secrètes, rites initiatiques et autres confrèries mditionnelles, sont un retour aux sources qui procède de la volonté d'unifier les masses face à l'intensité de la pression de subsistance. Mais les « tentatives d'émancipation de I'informel» au Gabon sont bien embryom~res.Les mécanismes informels de régulation sociale n'augurent pas, dans l'état actuel des choses, d'une possibilité de diffusion et d'institutionalisation comme modèle d'organisation de la société globale. La dimension historique (dans le sens du devenir) semble échappej en ce qui a trait aux activités informelles, à toute tentative de conceptualisation qui ne serait pas que pures conjectures. On finit par redire que Idem. p.299. '" idem. p.300. « l'informel, dans sa configuration actuelle, n'est pas synonyme de nouveau sujet, de culture parallèle, susceptible d'une transformation radicale des règles du jeu du césaro-productivisme. Il s'agit tout au plus d'un simple champ de dispersion qui conmibue, bien au coneaire, à canaliser, avec plus ou moins de bonheur, les risques de surchauffe sociale. L'kvolution organisationnelle de l'informel rappelle sans conteste ceile du paysan face a l'État. Elle semble se m e n e r davantage à une liberté partielle, ie, une émancipation plutôt qu'une libération. (..) Les efforts de l'informel pour gérer les urgences au quotidien ne semblent pas devoir aboutir, en effet, à libérer structurellement cet univers du césaro-productivisme. »190 En dépit de cette faiblesse, on note l'importance grandissante accordée am activités informelles dans les politiques de développement. Ce qui n'est pas sans influence sur le concept lui même. Ce dernier revêtira dans les développements subséquents, une signification de nature holistique. D'instrument de développement, l'informel devient la nouvelle voie de développement. L'impasse des analyses sectorielles et la crise continue des économies modernes ont pour conséquence de légitimer l'informel comme mode essentiel de régulation sociale et économique dans les pays sous-développés. Plusieurs auteurs pensent que les activités informelles ne sont pas seulement des stratégies de survie, qu'il ne s'agit pas d'un épiphénomène conjoncturel, mais d'un processus profond de transformation des sociétés du Tien-monde. Certaines analyses sectorielles commencent à voir en l'informel « une forme particulière et complexe des relations de production fondées sur des principes économiques du navail et des modes de gestion forts différents de cew de l'économie moderne dominante.dg'La modification majeure engendrée au niveau conceptuel par cet état de fait est la "mort" du terme secteur pour parler d'informel. Il ne peut plus s'agir d'un secteur dans Idem, pp.309-3 IO. Ronaid Legec Les entreprises informelles donr k monde. Rolando Arllano: Yvon Gasse et Gérard Vema (dir.), Quebec, PüL, 1994, Préface. lm Ig1 le contexte où l'inforrualité désigne une contre-culture, le rejet la rationalité technicoinstrumentale vil ipandée par le modèle occidental. A ce moment, le concept d'informel est annonciateur d'une société nouvelle économiquement équitable et socialement solidaire, constituant ainsi une alternative à une société où l'économie est dominatrice. Le concept d'informel est ici joint à la revanche des exclus du développement mimétique, sur des politiques et même une conception du développement, axées sur la recherche du maximum de profit. Une recette qui aura contribué a l'appauvrissement des masses urbaines du Tiers-monde. En somme, ce nouveau concept d'informel (pour une large pan redevable culturalisme) peut se résumer comme suit: ce n'est pas parce que les populations du Tiersmonde ne peuvent s'organiser dans la lignée du modèle sociale et économique occidental, qu'elles ont des pratiques informelles notoires, c'est plutôt parce qu'elles ne le désirent pas. Le concept d'informel est alors déconnecté des idées de pauvreté, stratégies de siaie et marginalisation socio-économique. Il exprime désormais un choix de société que font les peuples du Tien-monde, parallèlement avec leur refus d'un développement sans ouverture sur la solidarité et la convivialité. L'activité économique n'est plus un élément dominant. mais un facteur de régulation panni d'autres. En ce sens, le concept d'informel renvoie à la négation de l'homo oeconomicus occidental. Toutefois, le prolongement de la crise sociale et économique met un bémol sur les capacités de régulation du modèle informel et par conséquent, sur un concept d'informel élaboré autour de la proposition de l'avènement d'une société alternative, d'une autre société. V.5. Les approches actuelles de l'informel L'informel n'est pas un phénomène transitoire, il est Ià pour durer. Tel est le constat de la plupart des analystes après plusieurs annèes de recherche. Il appert pourtant que les activités informelles ne se constituent pas en un véritable modèle social apte à la progressivitk. Après un long détour, il semble que la réflexion revient aujourd'hui sonder le sens éthyrnologique du concept d'informel, et essaie de cette façon, de déterminer les réalités auxquelles on fait allusion. Le concept d'informel est une traduction du terme d'origine anglaise -informal- qui sigdïe (( absence de forme ».La question qui se pose est la suivante: à quelles formes fait-on référence pour disqualifier les activités dites informelles ? Il existe à ce propos un débat allant de la philosophie hégelienne de la forme ( la forme n'est pas concrète, mais le contenu l'est), à la gesthalnhéorie (théorie de la forme). Lautier, de Miras et Morice sautent a l'essentiel et indiquent que les formes absentes dans informal- sont celles imposées par l'État. Le concept d'informel renvoie à la non observation des lois édictées par les pouvoirs publics. (( Il peut s'agir de paiement d'impôts ou de cotisations fiscalest de tenue d'une comptabilité généralisée, de respect du droit (du travail. foncier ou de la concurrence). »19' II est important de faire remarquer à ce niveau que le rapport à la loi en tant que tel est déjà présent dans l'analyse sectorielle. Mais dans cene analyse, ce rapport nous semble simplement procédural, c'est-adire que l'on constate le non respect de la réglémentation, pour en faire ensuite un critère de classification. À la différence, le second rapport à la Loi, qu' introduisent Lautier, de Miras et Morice se situe à un niveau de détermination plus élevé. 11 ne s'agit plus de constater le non respect de la procédure légale, mais de chercher les raisons du non respect de la loi, dans une mise en rapport de l'institution étatique et de la perception qu'en ont les citoyens. Ceci dit, l'informel ainsi couplé à l'État serait dans le 19", B r n o Lauaer et d.,op. cit, p.6. Tienmonde une des "économies non officielles", parce que ces activites « se développent en dehors de toute obligation légale et échappent donc à une régulation étatique. »'93 Le concept d'informel dans ce cadre répond du non d o r m i s n e vis à vis de la puissance publique et de ses prescriptions normatives. Toutefois, nous avons une seconde interprétation de l'informel eu égard aux lois émises par l'État. Il semble en effet que le rapport informel-État ne soit pas univoque, c'est à dire que les activités informelles ne résultent pas seulement de la non observation des régla étatiques. Dans une perspective inverse, c'est la thèse que défend Hemando de Soto, les lois étatiques sont elles mêmes productrices d'infomalité. Nous sommes donc en présence de deux approches opposées dans leurs interprétations respectives des relations informel-État. L'une souligne le caractère délictueux, voue occulte, des activités informelles et propose la restauration de l'État dans ses fonctions légifémte et de contrôle. La seconde perspective situe les fondements des activités informelles dans les distortions inhérentes à un centralisme bureaucratique aux effets pervers. « En ce sens, l'informalité se fait jour lorsque le droit impose des Rgles qui dépassent le cadre légal socialement accepté, qu'il ne fait pas de place aux attentes, aw espoirs, et aux préférences de ceux qui ne peuvent satisfaire a ces régles. 11 en résulte un réseau de relations de production et d'échanges, des pratiques hors du cadre officiel, fonnant ce que de Soto qualifie de « normativité extra-légale ».Pour l'auteur, (( la notion d'informalité que nous utilisons ici est donc une catégorie créée à p a d r de l'observation empirique du phénomène dg', à partir de laquelle, il est possible de saisir « comment la norme qui halement régit l'économie &iie n'est pas celle édifiée par la législation, sinon que celle que les activités informelles élaborent en dehors de la loi. »'" '" Édith Archambauit et Xavier Greffe (dir.). L s éconumies mn oflcielles. La Découverte. Paris. 1984. p. 11. 194 Hemando de Soto: op. cir, p.20. lys ibidem. 1% François Roubaud: op. cit, p.%. Ces deux visions du concept d'informel par rapport à l'État, non respect de la loi et nonnativité extra-légale, revèlent en réalité toutes les deux; une absence, certes de nature différente, dans la façon dont l'État assume ses fonctions. Absence du respect des régles établies d'une part, et absence d'un cadre approprié au développement d'activités légales, d'autre part. On peut se demander à la suite de Nzé-Nguéma s'il s'agit véritablement d'une absence ? « Ne peut-on parler plutôt d'une rationalité "a-moderne1'ou d'une modernité "arationnelle" ? pl9' L'informel comme rationalité a-moderne serait l'expression d'un modèle (à venir!) en délicatesse avec les logiques de la modernité occidentale. La rationalité tecnicoinstrumentale n'est pas exempte de dysfonctionnements au niveau pratique même dans les sociétés occidentales. Pour preuve, les préoccupations enWonementdes actuelles par exemple, sont plus que dissuasives à I'égard de l'industrialisation. Et si dans un premier temps, les principes fondateurs de la modemité (progrès et liberté) ne sont pas contestables en tant que tels, la possibilité d'instaurer un nouvel ordre reste ouverte dans une rationalité amoderne. Celle-ci pose que les sociétés non occidentales disposent de fonds culturels à partir desquels il est envisageable d'élaborer des modèles sociaux répondant à l'axiologie de ces groupes. Dans cette optique, « l'informel assure surtout la combinaison des valeurs, des croyances. des comportements anciens avec la nouvelle société. Les théories sur le développement qui subsument un a prion fondamental - présenter la société industrielle comme le modèle achevé du développement - trouvent ici leur limite. »198 Le concept d'informel subit ici une autre mutation paradigrnatique dans un glissement vers un projet post-moderniste proche des thèses cultutalistes de l'avénement d'une autre société. En définitive, le concept d'informel s'est pour l'essentiel construit à l'envers du formel. Tributaire des oppositions dition-modemité et d - u r b a i n , le concept d'informel est bien loin de faire I'unanimité non seulement au niveau de sa signikation, mais également dans sa capacité opérationnelle en rant que concept. Ir Fidèle Nze-Ngudrna: L'entreprise informelle offre-t-elledes correctifs au secteur formel et lesquels ? * op. cir, p.291. 198 Idon. p.308. « Le caractère usuel, aujourd'hui largement admis, de la notion de secteur informel ne suffit41 pas à balayer les états d'âme théoriques que cette notion peut encore produire eu égard à san insuffisance analytique? Largement utilisé car suffisamment confuse et élastique, cette notion véhicuiaire, par son usage mème, n'a-t-elle pas acquis une légitimité qui rend vaine toute tentative de remise en question et donne a une réflexion, &-elle a prétention épistémologique, une allure de combat d ' h è r e garde ? d* Pour de Muas, la notion de secteur informel est une « chimère statisticoéconomique » peu aisée à appréhender comme concept ou comme réalité économique appréciable. II rapelle le débat entre Ham Singer et Bruno Lautier sur la métaphore de la « girafe et la licorne ». Affirmant que « le secteur informel est comme une girafe, difficile à décrire mais facile à recomaitre N; Singer se vit repliquer par Lautier qu' « il est au contraire, des animaux dont les descriptions abondent, de Pline a Léonard de Vinci, et qu'il est impossible de reconnaître, à tel point que nui ne peut dire s'ils ont jamais été vus. Tel est le cas de la licorne. N ~ " Claude de Miras conclut que le secteur informel est un "concept analytiquement faible" ,mais aussi une "notion idéologiquement forte". Une force que cette notion puise dans l'impressionante quantité de données empiriques tirées des études sur le secteur informel. ainsi que dans le caractère scientifique de son lieu d'émergence, c'est-à-dire les organismes internationaux. Enfin, les enjeux économiques, en termes de subventions de recherche participent également au renforcement de la notion de secteur informel. Le virage pris par le concept dans sa mise en relation avec l'État et d'une part; et la mise en exergue d'une certaine réappropriation des pratiques économiques par les sociétes du tiers-monde que relèvent les approches de type post-modernistes d'autre part, ont donné 199 Claude de Miras: op. cit, p. 108. ='ldan. p.109. au concept d'informel une nouvelle vigueur. La prise en compte des rappons de pouvoir dans les études de l'informel et la réalisation éventuelle d'un nouvel idéal sociai sont incontestablement, de nos jours, les nouvelles dimensions d'approche du concept d'informel. Une mise au point des différentes conceptions de l'informel nous permet de dégager deux tendances essentielles au Gabon: la première est une approche économique conjoncttmlle de l'informalité. Elle regroupe les approches rrarisitionnelles et sectorielle inspirées du procès de modernisation des économies sous développées. L'informel, dans les diverses variantes que traduisent les oppositions tradition-modernité et formel-informel, n'est qu'un épiphénomène redevable am difficultés ponctuelles d'insertion de l'économie gabonaise dans les logiques et anthropo-logiques du capitalisme libéral. Cette première tendance explicative du développement des pratiques informelles au Gabon s'articule, pour ce qui est des modalités pratiques, autour de deux axes: un premier niveau situe la problématique de l'informel dans les déséquilibres macroéconomiques ( B m C h b r i e r ) , alors que le second niveau d'analyse insiste sur le caractère illégal des activités inforneIles (patronat et miliew: d'affaires). L'une et l'autre de ces approches présentent l'informel comme une dysfonctionalité interne d e l'économie gabonaise. Le retour aux équilibres macroéconomiques et une plus p d e fermeté dans l'application de la réglementation se pointent en filigrane comme les armes ultimes de la lutte contre l'informalité. La ligne de conduite adoptée par les autorités gabonaises fàce a l'informel suit cette logique. « 11 faut bien reconnaître que la tendance officielie au Gabon, semble bien aller dans le sens d'une volonté d'intégration-résorption de l'informel dans l'économie moderne. »20' La seconde tendance d'approche de l'informel est plus récente et rnarpuiaie. Elle s'inspire des théories critiques de la modernité en crise et des développements culturalistes. Cette ligne d'analyse fait ressortir deux points de vue sur les fondements de I'infomalité au 31 Hetq Panhuys: op. cil, p. 1 19. Gabon. Le premier souligne la crise de la modernité et notamment celle des organisations économiques dites modernes. Cette situation conduit les populations à élaborer des stratagèmes de s w i e dans une société qui ne leur ofne pas la possibilité d'une intégration régulière. Ce second point se distingue de la première tendance explicative de l'informel par le fait qu'il c d e r e une certaine légitimité aux pratiques informelles relevant d'un mode de vie des urgences B. En réalité, la différence fondamentale entre ces deux tendances d'approche de I'infonnel au Gabon, se situe au niveau de la perspective des auteurs. Force est de constater que les analyses du champ économique opèrent généralement a partir du fonctionnement interne des institutions et organisations de la sphère moderne (État, entreprises etc.). On retrouve dors une argumentation basée sur la structure économique et la régulation des activités socio-économiques par l'État, selon laquelle, l'informel est un désajustement ou des pratiques qu'il faudrait ramener dans les normes admises. L'appréhension de I'infomialité comme un fait inhérent aux contraintes imposées aux masses par l'économie moderne renverse la perspective antérieure. Ici, les pratiques informelles sont positivement perçues en tant qu'elles permettent à une imporiante partie de la population de fave face aux difficultés quotidiennes. L'analyse, d'obédience culturaliste, est résolument dans ce cas portée sur les efforts de survie et l'ima@nation créanice des actifs informels. Dans le cas du Gabon, la première tendance (de type économique) domine le débat sur l'informel. Le secteur informel ainsi érigé est le lieu d'afEontement, entre la modernité et la tradition, mais également le repaire des activités délictueuses. Pour notre part, le concept d'informel dans le cas du Gabon renvoie a deux ordres de réalités. Le premier a trait aux modalités d'intégration de l'économie gabonaise dans les échanges internationaux, c'est-à-dire l'extraversion et la spécialisation. Ce qui est véritablement informel -sans les formes requises- c'est la structure de l'économie gabonaise. Le référent général qui nous permet cette distinction est bien sûr l'objectif de développement économique et l'amélioration des conditions d'existence des populations. Parler d'économie informelle revient, justement dans ce cas, à démontrer que cette économie ne pdsente pas les formes pemetîant de daiiser le développement économique conduisant au bien-être des populations. A partir du constat que l'économie gabonaise ne peut, par sa structure, générer des emplois suffisants en se diversifiant, nous pouvons déduire qu'elle est dans une ceriaine mesure, elle même informelle. La forme étant dans cette ligne de pensée, sa capacité &lie a répondre aux aspirations de l'ensemble des populations. Le concept d'informel a trait ici a la place et au rôle de I'éconornie gabonaise dans le contexte de la mondialisation. Le second ordre de réalité auquel ramène notre concept d'informel procède du précédent. Il fait ressortir, au niveau local, les disparités dans la répartition des richesses et l'accès a de meilleures conditions d'existence. Le concept d ' i n f o d i t é dans sa rnise en rapport avec l'économie ne tient pas souvent compte de la nature de cette économie et de sa place dans l'environnement mondial. Il en découle comme nous l'avons vu, une concepnialisation de l'informalité liée à la non-observation des presciptions étatiques ou à des facteurs socio-culturels, sans que l'on s'interroge sur la capacité réelle de l'économie au regard des enjeux du développement. Notre approche, dans sa recherche des causes de l'informalité, donne au concept d'informel une dimension qui comprend cette réalité qu'est l'interdépendance économique mondiale. Il s'agit de ne pas focaliser la réflexion sur l'informel a ces réaiités « au ras du sol » certes importantes, mais qui ne sont en fait elles-mêmes, que des excroissances de déterminations plus élevées. Une telle approche permet aussi de revenir au sens premier de la notion d'informel c'est a dire l'absence de formes. La majorité des chercheurs sur le sujet s'accordent dans une large mesure sur l'absence des formes imposées par l'État. Nous en convenons également si, dans ces formes (absentes) sont incluses celles qui permettent à une économie de servir ses populations. V.6. Définitions de l'informel Les différentes options analytiques utilisées pour saisir l'informalité ont foumi une gamme importante de définitions. Pour les tenants de la transition, (( le travail informel, la débrouiliardise, le piston relèvent de la pénétration monétaire, de la fin du monde enchanté communautaire,du remplacement de l'esprit paysan par l'esprit de calcul (...). ce qui semble faire correspondre l'informel a cet immense entre-deux qui fait passer de la campagne à la ville. comme dans l'histoire du capitalisme. »202 L'approche rnarpinaiiste vient ouvrir l'angle de la non intégration des masses dans le salariat. Elle fait part de cet t( ensemble de personnes ou de groupes qui parvient à se maintenir et à se reproduire socialement lorsque les revenus en provenance de la rétribution monétaire de la vente de travail sont insuffisants pour se procurer le minimum de biens indispensables ii la s w i e . ?O3 Une définition que complète Hart qui t( distingue les sources de revenus formelles (salaires et allocations diverses) et Uiformelles selon le critère du salaire et de l'autwmploi; celles-ci peuvent être légitimes ou illégitimes (services: réel, usure, trafic de drogue, prostitution. comption, contrebande; trmJeris: vols, détournements de fonds, escroquerie, jeu de hasard. »204 Rappelons que la définition de Han n'implique pas l'existence d'un secteur informel. Les analyses stmcsturaiistes et fonctionnalistes soulignent la dualité économique dans les pays sous-développés. Le structuralisme reprend la dichotomie signalée par la définition marginale à un niveau de diffërenciation plus global dit t( d'hétérogénéité stnicturelle ».Cela veut dire que les pays sous-développés présentent un développement à deux vitesses. La définition structuraliae de I'infomel établit une coexistence indépendante de processus techniques et de relations sociales correspondant à différents nades de développement. ))'O5 L'analyse fonctionnaliste reprend cene idée, en précisant I'infériorité technologique du Rene Galissot: op-ci?.p.25. Urnenata cité par Marthe Nysseos et Ignacio Larraechea: op. ci?. p.39 1. IY Philippe Hugon: a dualisme sectoriel ou soumission des formes de production au capitalisme. r op. cir. ?113 p.239. 205 Manhe Nyssens et I p c i o Larraechea: op. cit, p.39 1. secteur informel et l'interaction fondomelle constante entre les deux secteurs, sans toutefois d'accumulation dans le secteur informel. La définition fonctionnelle de l'informel est celle dite de la petite production marchande « qui est internédiaire entre les petits services et productions de simples valeurs d'usage et les activités capitalistes. »206 Dans le contexte urbain actuel de 17Afrique,la désignation de l'informel comme petite production marchande est à la fois restreinte et inadaptée. La notion de petite production marchande ne permet pas de différencier la production marchande avant, pendant et après la colonisation. Enfin, i(secteur informel ou petite production marchande ne sont que des composantes du surplus relevé par les classes dirigeantes en Afnque; le secteur infracapitaliste renverrait à un antagonisme entre la bourgeoisie d'État ou compradoré, représentants du capitalisme mondial et le peuple des villes et des campagnes. n207 Au Gabon I'ensernble des définitions de l'informel reconduit naturellement les dichotomies tradition-modernité, urbain-ruraI et formel-informel. Pour la direction de la planification et des ressources humaines (DPRH),le secteur non structuré ou informel regroupe « les emplois non salariés exercés par des individus ou des groupes d'individus dans des métiers et des activités les plus divers et répartis sur tout le temtoire et qui, par leur nature et particularités spécifiques, ne sont pas comptabilisées au niveau des statistiques officielles. En d'autres termes, il s'agit de toutes activités commerciales, des petits métiers dits de quartiers, des activités agricoles et para-@coles de type traditionnel, exercés en marge du secteur structuré, dans un environnement inorganisé et qui, de ce fait, ne sont guère susceptibles de foumir un travail régulièrement salarié. )?O8 .- I 6 - Philippe Hupon et 1.op. cit, p.&). rn Jean-Loup Amselle et h i l e Le Bns: op. cit, p. 163. m Henry Panhuys: op. cir, p.20. Cette définition appelle certaines remarques. Le regroupement des activités informelles dans un secteur distinct a fait l'objet de nombreuses critiques de l'analyse seaorielle. L'hétérogénéité des activités informelles et les liens entre ces activités et l'économie moderne vont actuellement jusqu'à la négation de l'existence d'un secteur informel. En outre, la définition donnée par la DPRH utilise l'emploi non salarié comme critère d'identification des activités informelles. Il est ceratinement abusif de penser que tous les travailleurs informels ne sont pas salariés. (( Il existe au Gabon comme ailleurs et même plus qu'ailleurs, une catégorie de travailleurs du SNS qui sont salariés. ))'O9 Par contre, nous convenons que les salaires qui ont cours dans le cadre des activités informelles, peuvent être en d g a des normes officielles. Aussi, l'assimilation des activités agricoles aaditiomelles à de l'informel, efface (( toute spécificité mucturelle et fonctionnelle de l'une et de l'autre. »"O Sur un autre registre, la distinction actifs formels et actifs informels échappe totalement à la DPRH. Il est notoire aujourd'hui que cette distinction permet de situer les actifs informels dans toutes les sphères socio-économiques au Gabon. La recherche de revenus supplémentaires est une des principales motivations des actifs informels. Ces derniers sont autant des individus ou groupes d'individus au chômage, que des salafiés de l'administration et des secteurs public et para-public qui cherchent à améliorer l'ordinaire. Mais un tel raisonement est peu envisageable dès lors que l'on part du principe de l'existence d'un secteur informel autonome. La volonté de circonscrire ce secteur a d'ailleurs conduit aux définitions multicritères. Les définitions multicritères. empiriques ou statistiques Les définitions rnulticritères ont pour base l'unité de production. (( Elles s'inspirent généralement de la théorie classique de la concurrence (atomicité et fluidité du marché des produits et des facteurs de production) et voient dans le secteur informel une illustration de l'économie de marché, "pure et parfaite", mais segmentée, c'est-à-dire non directement reliée au marché officiel. )r2" Les d é f ~ t i o n smulticntères utilisent des caractéristiques techniques et économiques pour définir le secteur infomel.La plus connue de toutes est bien sûr celle élaborée par le BIT chu le célèbre rapport ~ e ~ n i a . * ' ' Le rapport du BIT définit l'informel comme "une façon de faire des choses avec les caractéristiques suivantes: a) facilité d'entrée; b) recours aux ressources locales; c) propriété familiale des ressources: d) activités à petite échelle; e) technologies adaptées et à forte intensité de maind'oeuvre: f) qualifications acquises en dehors du système scolaire officiel; g) marchés de concurrence sans réglémentahon". >rœ'13 (( A ces sept critères du BIT s'ajouteront les cinq suivants: h) le c h i e d'affaire ne dépasse pas 100 000 h c s CFA par mois; i) le matériel d'exploitation est rudimentaire; j) l'entreprise emploie &WC salariés ou plus; k) la productivité du travail par personne est faible; I) la recherche de l'élargissement de la clientde n'est pas une préoccupation rnajeure de I 'entrepreneur ».214 (( '"David Tumharn et d.. op. cir, p. l-î. '"Emp fynent. Incornes and Equaiity. A Straregy for Increasing Productive Empbymenr in Kqvnia. Gtneva, ILO, 1972. Harold Lubell: Ir secteur infonnel&m les années 80 et 90. Paris. OCDE, 1991, p.19. "'cites par Philippe Hugon et ai.. op. cit. p.32. "' D'autres études ont pour critères: « m) la paie inférieure au salaire minimum; n) l'absence de sécurité sociale; l'absence de comptabilité; p) l'absence d'électricité; q) l'absence d'emplacement k e ; r) la nature des bâtiments utilisés pour la production; S) le non enregisûement. )P5 O) Les critères retenus pour définir le secteur informel sont infinis. Ils varient selon les chercheurs et l e m contextes de travail. Des nombreux repproches adressés à I ' e n c o n ~des définitions multicritères, l'ignorance des liens entre le secteur formel et l'informel figure en bonne place, ainsi que la tentative d'homogénéisation des activités du secteur informel dans un ensemble en réalité diversifié. Elles semblent pourtant faiR l'unanimité auprès des pouvoirs publics et du patronnat au Gabon. La DPRH revisera sa définition du secteur informel par l'énumération de critères distinctifs suivants: - « activités diverses non salariées, - non comptabilisées au niveau des statistiques officielles, de caractère fimilid, échelle restreinte des opérations, - exercées en marge du secteur structuré, - dans un environnement inorganisé,avec des marchés ouverts a la concurence, - selon une organisation sociale particulière, les relations entre travaillem étant amides voire fiaternel:es, - sans protection sociale (sécurité ou assurance), - petits métiers dits de quartiers. )?16 - 61' Idem, p.32. Idon. p.24. Ces critères soulignent les caractéristiques organisationnelles de 1'entreprise, les aspects juridiques et comptables. La nouvelle définition de la DPRH reprise par l'étude BIT-PECTA (1983) et Bano Chambrier intègre l'informel dans « l'ensemble des activités de production de biens et services qui se déroulent en dehors des structures modernes d'entreprises. C'est-à-dire des structures répondant à des normes fixées par le gouvernement. Il regroupe toutes les activités non recensées par la Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNSS), productrices de biens et services dont la taille peut atteindre 1O L'ensemble informel se définit finalement en référence ~LIX petites et moyennes entreprises (PME), considérées elles mêmes « comme les entreprises soumises au régime de la CNSS et n'employant pas plus de 10 employés. »2'8 Afin de limiter les risques de confusion entre les PME et les entreprises du secteur non strucniré, l'étude PME-Gabon ( 1985) a ajouté cinq critères limitatifs: (( a) le propriétaire doit gérer lui même l'entreprise, b) le nombre de travailleurs ne doit pas dépasser 5 sauf pour le cas où ils seraient tous des aides fàrniiiaux, c) la comptabilité ne dépasse pas le niveau du simple cahier de dépenses et recettes, d) l'entreprise ne compte pas de service officiel paxmi sa clientèle, e) l'entreprise ne paie pas d'impôts ou uniquement la patente (et la taxe municipale y jointe). Toute entreprise correspondant au moins a quatre de ces critères est considérée comme SNS.»219 Ces critères laissent croire que toutes les activités informelles ont la forme d'entreprises de type PME, ce qui n'est pas toujours le cas. Plusieurs actifs informels exercent ces activités individuellement et sans le moindre souci de se constituer en entreprise. Par ailleurs, il n'est pas évident dans le cas ou il s'agit d'une entreprise, que le "9 Hugues Alexandre Barn, Chambrier: op. cit. p.238. H e q Panbuys: op. cit. p.22. Idon, p.23. gestionnaire soit aussi propriétaire. Au Gabon, la monopolisation par les non nationaux des activités du secteur informel est dans une large mesure le fait de la distribution de ces activités, par les premiers étrangers migrants ou les plus fortunés, à des fières fiaichement débarqués, leur permettant ainsi de démarer et de s'intégrer. Ce qui s'ajoute au système de prête-nom qu'utilisent des Gabonais dont le statut ou les occupations officielles ne permettent pas de s'afficher comme tels. L'étude du BIT souligne que 20% des propriétaires d'entreprises informelles n'y travaillent pas directement. Ils «ont un emploi rémunérateur dans le secteur public, pampublic ou privé moderne, et ont démarré leur entreprise informelle, laquelle leur sert de ressource complémentaire (...). nY0 Le critère limitatif qui a trait au non paiement de l'impôt est dans sa nature lui même limité. En effet, le non-paiement de l'impôt au Gabon n'est pas dans tous les cas synonyme dgappanenanceau secteur informel. Le Code des investissements au Gabon ne prévoit-il pas une exemption temporaire de l'impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux 9. 221 Cela ne fait pas de ces entreprises des unités de production informelles durant l'exemption. Dans cette lignée, le fait de payer uniquement la patente et la taxe municipale n'est pas un facteur pertinent dans la détermination de l'infomalité. Pour cemines activités légales comme la vente au détail de boissons, la patente et la taxe municipale sont les exigences fiscales essentielles au Gabon. En tentant de différencier les PME des activités informelles. l'étude PME-Gabon crée un autre fatras en fixant des critères d'informalité que l'on retrouve aussi dans les entreprises du secteur modeme. En 1991, l'analyse économique SOFRECP vient faire la synthèse au niveau des critères utilisés pour définir l'infomel au Gabon. Eue présente quatre types de critères: - les « critères juridico-administratifs »: enrégistrement et conformité aux dispositions légales. "Idem, p.79. 21 Chambre de Commerce: Guide de I 'investisseur ind-el Henry Panhuys: op. cit, p.25. au Gabon. Libreville. 1986. 193p. - les « critères de nature soci&conomique »: taille des unités de production, fhible intensité capitalistique, faibles revenus, pas de sécurité, - les « critères statistiques »: non comptabilisés dans les comptes nationaux et les statistiques officielles, - les « critères fiscaux N: absence de déclaration de revenus. Panhuys suggère pour une appréhension plus globale de la montée des activités informelles au Gabon, de considérer aussi les « critères ethno-géo-culturels pour tenir compte du différentiel étmngdnationaux et parmi ceuxci, forestidnon forestiers, côtierdnon côtiers avec leurs caractéristiques en matière de répartition, spécialisation, qua1ificauon aptitude. comportement. »= Les définitions multicntères de l'informel au Gabon reflètent bien la prédominance du paradigme tradition-modernité et de son mollaire économique l'opposition fomel-informel. Les éléments principaux de la définition de l'informel restent la non appartenance présumée des actifs informels au salariat moderne, le non respect des normes juridiques et la dimension des unités de production. Cette multiplication des critères contribue à rendre l'appréhension des activités informelles confuse. Ces activités doivent-elles rencontrer tous les critères en même temps, ou suffit41 qu'un des critères soit valable pour reconnaître une activité informelle ? Face à une réalité polymorphe, les critères sont souvent imprécis et l'on déplore le fait que « certains d'entre eux sont relativement complexes et ne sont pas suceptibles d'observation simple. »U4 Sethurarnan va tenter de dénouer cet imbrogho par une décomposition de ces critères. Pour lui. le secteur informel « consists of small-scalls units engaged in the production and disrribution of goods and senices with the primary objective of generating employment and incomes to their participants notwithstanding the constraints on capital, both physical and - " Idon, p.26. a David Tumham et d . op. cit. p. 14. human, and knowhow. En insistant sur la production de biens et services et la création d'emploi, Sethuraman cite comme conditions d'appartenance au secteur informel: l'emploi de dix personnes au plus, la non application des règles légales et administrative, l'emploi d'aides familiaux, l'absence d'horaires ou de jours fixes de travail, l'absence de crédits institutionnels, une production destinée au consommateur final, la destination de la production au consommateur final, une formation scolaire des travailleurs inférieure à six ans, et pour certaines activités: l'absence d'énergie mécanique et électrique, le caractère ambulant ou semi-permanent de l'activité.62'r) (( Des ajustements seront apportés aux définitions mdticritères. La majorité des études empiriques sur le secteur informel, vont adopter très souvent un seul critêre au choix, pour définir I'infomalité. Actuellement. les deux critères dominants sont: 1) la taille des unités de production. Le BIT considère comme informelles les unités de production de dix employés ou moins. Mais ce critère mène vite 1i la confusion au regard des professions libéraies et autres activités indépendantes répondant parfaitement aux normes formelles. 2) le non respect de la loi. Ce critère est certainement le plus utilisé pour définir l'informalité. Les activités dites informelles sont celles qui n'observent pas la loi, qui, est elle même scindée en plusieurs sous-critères: - le non enrégistrement dans les régistres fiscaw; - l'absence de comptabilité dans l'entreprise; S.V. Sethuraman: The U r h n Infonnai Sector in Developing Counaies. Geneva. ILO. 198 1, p. 17. cité par David Trmiham et al.. op. cit, p. 11. - la non inscription à la sécurité sociale etc.. Le critère du non respect de la loi va s'étendre à ia non prise en compte des activités informelles dans les comptes de la comptabilité nationale. Cette extension permettra par la suite de qualifier les activités informelles de non officielles, souterraines, cachées etc., et de définir l'informalité en interrogeant l'organe émetteur des lois, c'est a dire l'État. Par rapport au rôle de l'État, deux courants de pensées s'opposent quant aux ressorts des activités informelles. Le courant libéral sous la houlette de Hemando de Soto définit l'informel comme « l'ensemble des activités économiques qui échappent au contrôle de l'État o. Stigmatisant la mainmise de l'État sur le fonctionnement de l'économie, l'auteur affirme que I'informel est une réaction rationnelle face à une législation qui n'offre rnm populations. aucune alternative légale dans le but de satisfaire leurs besoins. Ce ne sont pas les individus qui sont "informels", mais leurs actes et leurs occupations. L'informalité n'est pas non plus un secteur précis ou statique de la société; c'est une &ange d'ombre mitoyenne du monde légal ou se réfugient les individus lorsque le respect des lois coûte plus cher qu'il ne rapporte. L'ùifomalité implique rarement le rejet de toutes les lois; dans la plupan des cas. seules certaines dispositions légales sont tournées. Les activités informelles sont aussi celles pour lesquelles l'État a créé un système légal d'exception dans lequel un "informel" peut agir sans toutefois accéder à la protection et aux avantages du système légal. P7 (( Sur cene définitien nous ferons deux remarques essentielles. La première est le refus de repérer un secteur informel précis opposé au secteur formel. La seconde est le rapport à la loi. L'informel est ici un abri contre une Iégislarion coûteuse, mais également un artefact étatique permettant de "loger" tous cew que l'économie moderne rejette, ou ne peut intégrer. - - Hemando de Soto: op. cit, p.20. '*.r Aussi, de Soto spécifie clairement que le rejet des lois ne signifie pas le rejet de toutes les lois. L'inforrnalité en ce sens ne suppose pas la désintégration de l'État, mais plutôt une adaptation de la législation aux contingences locales. Le second courant d'analyse défuiit l'informel a m e « les actes (ou ensembles d'actes) économiques marchands qui échappent aux normes légaies, en matière fiscale, sociale, juridique ou d'enrégistrement statistique. »228 Cette définition ne contient égaiement aucune allusion sectorielle. L'informalité est définie dans un champ strictement juridique sans que cela suppose un quelconque calcul justifiant l'adhésion aux pratiques informelles. Moins encore. I'informalité n'est nullement ici une méation "intentionnelle" de l'État, k responsabilité de ce dernier se situant à un autre niveau, plus précisément dans un ensemble de contraintes historiques et économiques.ug L'absence d'une tradition étatique, la position de dépendance extérieure des économies périphériques biaisent fonement la capacité de régulation des États du tiers-monde. « La victoire, dans de nombreuses régions du monde, de I'économie informelle sur l'économie formelle est une victoùe par forfait, et non par KO. >)"O L'on fustige ici la faible capacité, sinon l'incapacité des États du Tien-monde à assurer un controle véritable sur le fonctionnement de leurs économies, laissant ainsi un champ ouvert à la croissance des activités informelles. Le rappon a l'État dans la définition de l'informel au Gabon ne prédispose guère à une analyse critique du fonctio~ernentde l'État. Moins encore, la situation de dépendance de 1' ~ t a gabonais t ne figure nul part comme un facteur contribuant a l'informalité. Comment les pouvoirs publics sont-ils questionnés eu égard à l'expansion des pratiques informelles? L'allusion à l'État est orientée strictement dans le sens où les actifs informels sont les principaux responsables de l'essor de l'informel, les pouvoirs publics se présentant en victimes d'une opération de "désobéissance civile". Il n'est nullement question d'examiner "Claude de Mims: op. cir, p. 1 17. "Claude de Miras explique ce point de vue dans: 230 Bruno Lautier, op. cit, p.S. l'informel: un mode d'emploi. op. cit. l'ensemble des dispositions légales émises par l'État dans le domaine économique, de voir dans quelles mesures elles pourraient contribuer l'expansion des pratiques informelles. Le rôle de l'État n'est évoqué que dans l'hypothèse de sévir auprès des contrevenants informels, pour les ramener dans les normes officelles. Une approche verticale qui réduit au silence les thèses de Hernando de Soto autant que celles de Lautier, Monce et de Miras. On a l'impression que l'informalité est assimilée, soit à un échec social des actifs Uifonnels, soit à des comportements passibles de poursuites judiciaires. Par conséquent, la responsabilité de l'État se situe seulement dans la nécessité de ramener les "brebis égarées" au sein de la communauté officielle. En tenant l'État hors des manifestations informelles, il nous semble que les analystes commettent une double erreur conceptuelle et méthodologique. Au plan conceptuel, la définition même de l'informalité adoptée par les pouvoirs publics ne vaut que par opposition aux formes imposées par l'État. L'essor de - l'informel donc des formes non imposées par l'État - interroge obligatoirement l'État et la qualité du contôle qu'il exerce. Au Nveau méthodologique, la volonté affichée d'intégration des activités informelles dans le secteur moderne au Gabon implique la compréhension des mécanismes qui président à l'élaboration de ces « normes extra-légales ». Le retrait de l'État dans la définition de I'informel paraît pour le moins inapproprié. Troisième partie Les fondements structurels de l'informel urbain au Gabon Les modèles d'analyse culturaliste et post-moderniste ont en commun une vision de l'infomel tenant de la rupture idéologique. En effet, le discours sur l'informel prend une autre tournure, on parle de contre-culture, d'avènement d'une autre société, de refus des logiques de la rationalité moderne et du rejet de l'homo oeconomicus occidental. L'informel est le lieu de nouvelles alternatives dans lesquelles le Tiers-monde procède au réenchâssement de l'économie dans le tout social. À la société organique se substitue la communauté émotionnelle de type wéberienne (gemeinde). En pratique, les concepts d'économie populaire et d'économie solidaire viennent souligner les nouvelles formes d'organisation socio-économiques à partir de la base populaire. La solidarité s'inscrit comme une des finalités de l'organisation dans les OEP*.Au sein des ({ activités, des liens d'aide mutuelle, de coopération, communautaires et solidaires se manifestent non pas par un élément accessoire ou purement utilitaire, mais comme inhérent a la manière dont on cherche à afbnter les problèmes, à satisfaire les besoins, à développer l'organisation. »'31 En fait, la crise de la modernité a occasionné un glissement du global au local, qui redonne voix à des modes de restructuration sociale basés sur des réseaux restreints. L'informel porte en même temps la force et la faiblesse d'une telle orientation. La force de procurer aw populations du Tiers-monde un minimum vital non accessible autrement, et la faiblesse de ne pouvoir s'ériger en une véritable alternative au capitalisme dominant. Que retient-on de la problématique de I'infonnel ? Au niveau conceptuel, la notion d'informel au Gabon est encore strictement rattachée au procès de modernisation du pays. Losque l'on parle d'informel, il s'agit automatiquement des petits métiers et commercants ambulants qui sont aujourd'hui une image emblématique des villes africaines. Les pratiques informelles dans l'état actuel du discours et des recherches au Gabon résultent de la aise économique actuelle et du organisation économique populaire Marthe Nyssem et lgnacio Lanaechea: op. cit, p.389. 231 surpeuplement des villes. La poussée des populations urbaines consécutive contribue à la constitution de « réseaux de distribution et de consommation » hors des institutions officielles de la modernité. Le discours économique prime donc pour justifier l'essor de l'infomalité au Gabon. Mais pour rendre tout a fait compte de l'explication économique de l'informel, il faut dire qu'elle touche exclusivement les modalités de fonctionnement et de gestion interne de l'économie gabonaise. Nous voulons souligner ici l'absence d'une mise en corrélation de la structure globale de l'économie du pays avec la montée du phénomène informel, ceci dans le contexte des échanges intemationaux. Cette impasse explique, par ailleurs, le peu d' intérêt suscité par l'analyse hi storico-sociale du processus d'urbanisationindustrialisation au Gabon. La genèse de l'idomialité est, a notre sens, l'interface du processus de développement amorcé par la colonisation et perpétué de nos jours par les relations économiques internationales. Les définitions de I'informel traduisent par conséquent la logique de la conception de l'informel au Gabon. Activités traditionnelles, illégales, non officielles, a faible capitaux etc.; toute k panoplie de définitions multicritères, héritées du dualisme sectoriel et dont la fonction est de rendre compte de la dichotomie tradition-modernité, à partir desquels se conçoit l'informalité. La perspective sur laquelle nous abordons l'informel tient compte de la dimension économique. Nous tentons toutefois de nous sinier à un autre niveau de détermination de l'informalité. Pour nous, la situation du Gabon caractérisée par l'extraversion économique est beaucoup plus décisive que la classique opposition traditionmodernité, dans la compréhension de l'essor de l'informalité. Une conviction qui nous fait dire que le développement des activités informelles urbaines, dont la montée est significative au Gabon (voir Annexe A sur la situation de l'informel au Gabon) est un processus que l'on peut cerner dans une lecture du rôle de ce pays dans le SEM. C'est l'objet de cette troisième partie. Chapitre VI Capiralisme international et blocage structurel Le présent chapitre porte sur l'incapacité structurelle du Gabon a bâtir une économie d p m i q u e , novatrice, capable a moyen et long terme d'assurer une développement relativement autonome des fluctuations intemationales. Autrement dit, l'insertion du Gabon dans le SEM lui impose un certain nombre de contraintes dont les effets contribuent à l'épanouissement des pratiques économiques infornielles. Le premier de ces effets est k difficulte d' insufier une dynamique économique interne conduisant à la création d'emplois stables. La conséquence est qu'une importante partie de la population active se retrouve sans possibilités d'emplois. Les chifies sont clairs, la croissance économique au Gabon est synonyme de conjoncture favorable au niveau des cours internationaux des matières premières que le pays exporte. notamment le pétrole (Voir annexe A sur le Gabon). Cette donne a un doubie caractère qu'il est important de souligner. Le premier est naturellement l'exposition aw moindres fluctuations mondiales, le second est lié à la faible capacité de ces activités de rente. a jouer le rôle d'activités motrices pour l'ensemble de I'éonomie. Ce second caractère est cenainement le plus intéressant dans la compréhension du développement des activités infornielles a partir de la structure de l'économie gabonaise. En d'autres ternes, les activités de production minière et pétrolière vouées à l'exportation et qui forment l'ossature de l'économie gabonaise n'ofhnt pas les conditions nécessaires à la constitution d'une dynamique productive, dont l'objectif serait de pourvoir aux besoins (dans le sens large) des populations locales. On pourrait même avancer qu'une économie de rente essentiellement tournée vers I'exténeur prédispose, parce que sans véritable impact mélioratif sur les conditions de vie de la majorité des populations lofales, à l'avènement des pratiques socio-économiques informelles. Il convient ici de présenter les mécanismes qui, dans le cadre du SEM, concourent a justifier l'incapacité stnicturelle du Gabon à mettre en place une économie interne productive. Schéma G: POURTIER TP,, p 304 VI.1. La place du Gabon dans le SEM La place du Gabon dans le système mondial est enviée par bien des États dkicains confrontes à trop de pauvreté. Cependant, il convient de ne pas se laisser aveugler par le présent: la richesse, b o ~ fornine e aujourd'hui, est volage et d'autant plus incenaine qu'elle est produite en grande partie par et pour des acteurs étrangers. Or la manne pétrolière a achevé de déstructurer les organisations sociospatiales autochtones, a considérablement artificialisé les conditions d'existence, sans véritablement stimuler, en contrepartie, l'effort créateur. (...) Les ressources du soussol sont trop exposées a des chutes de valeur pour mettre"l'E1dorado d'Afrique cenmie" à l'abri de lendemains qui déchantent. »'32 i( Durant la période coloniale, le territoire du Gabon foumit le bois, le cafë et le cacao dont l'exploitation et la culture entraînent le pays dans les échanges économiques internationaux À cette époque déjà, la politique coloniale, qui consiste ii favoriser les productions destinées a l'exportation, cause une diminution de la production vivrière qui se soldera par des famines dans les années 1930. Mais la politique coloniale augure a cette époque de ce que l'on dénomme de nos jours l'ancienne division internationale du travail, les colonies fournissant a leurs métropoles respectives les matières de base et recevant des produits manufacturés. La DIT repose fondamentalement sur la distiction enee les pays industrialisés et ceux dits sous-développés. Cette distinction repose elle mème sur la nature des produits échangés entre ces deux sphères au niveau du commerce international. La structure de l'ancienne DIT est directement héritée de l'exploitation coloniale. Dans ce modèle, les pays "Roland Pounier: Le Gabon. 72.i2ar et développement. Paris. L'Harmattanq 1989. p.303. sous-développés fournissent les matières premières du sol et du sous-sol, tandis que les nations industrialisées les approvis i o ~ e nen t produits manufaçnirés. La caractéristique majeure de cette DIT se résume pour les pays sous-développés par la notion de spécialisation primaire. Cette notion traduit le fait que les exportations des pays sous-dbveloppés comprennent essentiellement les matières premières. Pour certains auteurs, (< la spécialisation est un choix, elle signifie qu'un pays concentre ses efforts sur certains secteurs jugés favorables en délaissant d'autres secteurs jugés moins favorables.»233 Si la qualité de choix de la spécialisation est historiquement discutable dans l'espace colonisé, il est mai que cette pratique a conduit à privilégier les secteurs les plus porteurs dans les pays sous développés. La situation du Gabon concorde pdaitement avec ce schéma de la DIT. Longtemps voué à l'exploitation forestière, le pays rentre a la fin des années 1950 dans le cycle de l'exploitation minière et pétrolière. Actuellement, le pétrole brut est le principal produit d'exportation du Gabon. L'or noir a représenté i(en 1985 83% de la valeur des exportations et 65% des recettes budgétaires. »U4 Aujourd'hui encore, la structure des exportations est identique. Par sa position centrale dans la valeur totale des exportations gabonaises. le pétrole constitue le pncipal produit d'échange du Gabon dans le commerce international. L'augmentation de son prix de vente au début des années 1970 a fait du Gabon, un des pays les plus riches d'Anique, mais également (( accentué la dépendance financière, technologique et commerciale de 1'économie gabonaise. >)as La conséquence de cette spécialisation primaire, où domine l'exploitation pétrolière. est naturellement la mise en veilleuse des autres secteurs de l'économie non reliés au pétrole. En plus de l'importation des biens d'équipements que nécessite l'exploitation &ère et pétrolière. le Gabon est pour une large part dépendant de l'extérieur pour ce qui est des produits alimentaires. (( La valeur des importations alimentaires a décuplé en quinze ans (en "'Michel Courcier et Jean Maisot (dir.),La spt?cialisarion inrernaho14edes i d m a e sà 1'hon:on 1985. Commissariat général du plan: La documentation française, 1978, p.23. Roland Pounier. op-cit.. p. 189. faris, LU francs courants). Même si l'on tient compte de l'inflation, on voit que la progression a été considérable. nU6 La DIT a conféré au Gabon une structure économique e m v e n i e dont la fonction principale était de m e m ses matières premières sur le marché international, au profit des industries de transformations des pays industrialisés. Cette spécialisation primaire a permis à l'économie gabonaise de bénéficier d'une rente sans effets d'entraînements permenant de constniire une économie diversifiée. La nouvelle DIT procéde d'une critique de l'ancienne. Les pays sous-développés veulent désormais accéder à la production des biens mamufacturés a plus forte valeur ajoutée. Autrement, nous assistons à une revendication d 'un nouveau modèle de relations économiques qui s'attaque non seulement aux mécanismes de répartition des productions, mais égaiement au fondement même du système d'exploitation des pays sous-développés par les nations industrialisées. La nouvelle division internationale du travail devra être caractérisée par le rôle croissant que les actuels pays en voie de développement joueront dans la production industrielle du monde et notamment dans sa production manufacninère; en vérité, une évolution progressive conduira à l'abolition de la distinction entre pays industrialisés et pays peu développés par généralisation de l'industrialisation a tous les pays désireux de s'y livrer. (...) Les échanges qui s'établiront dans le monde seront semblables à ceux qui s'effectuent aujourd'hui entre pays du monde industrialisé, et la spécialisation qui ne manquera pas de s'établir sera celle qui découle d'une division internationale du travail de type concurrentiel et non pas complémentaire. P7 (( z3' Idem. p.194 . ?dem. p.279. "Guy De La Chmère: Lm nouvel& divirion uilemationuIe du travail. Gdni2vefParis. Librairie Droz. 1%9. p.32. Ces résolutions auront certainement permis I ' é m w c e des nouveaux pays industrialisés OJPI) d'Asie du Sud-Est, par le développement des industries manufacturières. Pour le Gabon, la structure actuelle de ses échanges inteniationaux est encore caractérisée par la spécialisation dans les produits primaires. A cette situation se sont greffées les distorsions induites par la nouvelle DIT et notamment la répartition de la production internationale selon le niveau de technologie utilisé. On constate en effet que de façon globale, les activités de recherche et d'innovation technologique restent propriétés des pays industrialisés, tandis que les pays sous-développés continuent d'être simplement des consommateurs de ces technologies et encore seulement dans certains domaines. En somme, quelque soit le modèle de DIT auquel on se refêre, la place du Gabon dans le SEM reste celle de producteur de matières premières d'exportation. Cette spécialisation dans les produits primaires a des répercussions négatives sur l'ensemble de l'activité économique. Comment contribue-t-elle au Gabon, à mutiler la dynamique de création d'emplois dans l'ensemble de l'économie gabonaise ? Vi.2. Pétrole et mines:l'économie artificielle Les domees sur le Gabon (Voir annexe A) montrent l'importance des secteurs public et parapublic, qui représentent 70% des emplois. (( Quand à la répartition des emplois par grands secteurs, d e est caractéristique de ce type d'économie où l'on constate une prédominance du secteur primaire dans la constitution du P B @lus de 50% dont près de 90% pour le pétrole) qui contraste avec la faiblesse des emplois directs correspondants soit à peine 20% répaxtis dans moins de 10% des entreprises. »"* Direction gCn6raie de la statistique:L'emploi dans le secteur moderne. op-cit. Tableau 5: Effectifs des emplois en entreprise Secteur d'activité Entreprises Effectifs Agriculture Forêt Pétrole Mines industries du bois Industries agro-dim. Autres industries Bâtiment etTravaux Publics (BTP) Transport-Télécorn, Services Commerce Banques- Assurances Source: DGSEE,Libreville, 1993 La question que suscite le tableau 5 est la suivante: pourquoi les secteurs mines et pétrole ne participent que pour moins de 10% des emplois en entreprises, alos qu'ils conaituent les secteurs clés de l'économie gabonaise du point de vue de la valeur ajoutée dégagée ? La structure économique du Gabon, basée sur les rentes minières et pétrolière a en définitive, un rôle néfaste sur l'emploi au Gabon. Autant ces activités ont permis au Gabon de s'enrichir pendant les années fastes oii les cours de ces matières étaient relativement élevés sur les marchés internationaux, autant elles ont peu contribué, sinon fkiné k formation d'une économie innovatrice. Ces secteurs, qui devaient ètre les moteurs de la création d'emplois et du développement économique n'ont eu que peu d'effets positifs sur le reste de l'économie et particulièrement sur la situation de l'emploi. Cela s'explique par un cenain nombre de facteurs inhérents aux logiques capitalistes du SEM. traduites au Gabon par la domination des en~epnsesmultinationales (EMN), des capitaux et technologies importées dans l'exploitation minière et pétrolière. Les EMN ont une fonction essentielle dans la DIT élaborée de nos jours dans le cadre du SEM. Elles participent au redéploiement a I'échelle mondial des industries et autres activités productives. Plusieurs auteurs soulignent la divergence entre les intérêts capitalistes des EMN et les préoccupations des pays sous-développés. On temarqueni à ce propos (( qu'une partie importante des capitaux investis le soit dans des industries ou activités dédiées à 1'extraction de ressources naturelles nZ9, rentables à aès court terme. Par ailleurs, les pays sous-développés (( accusent. quant à eux, les entrepnses transnationales de ne créer que très peu d'emplois, cherchant avant tout a rentabiliser au maximum les capitaw investis. nZ4O Au Gabon, le secteur pétrolier compte vingt-huit entreprises dont les effectifs sont de 2 049 employés représentant 4,26% de l'emploi des entreprises, comme l'indique le tableau 5. Le principal blocage à la création d'emploi introduit par l'exploitation minière et pétrolière par les EMN est l'utilisation de hautes technologies. En fait, la nature de ces activités ne permet guère l'utilisation d'une main d'oeuvre abondante. Les activités de prospection et de production des matières premières du sous-sol se font, depuis - 39 U> - CEEIM-Bruxelles: op. cit. p.5. Idem, p.13. hngternps, par l'utilisation de technologies plus ou moins complexes et dont la particularité est de ne pas nécessiter une forte main-d'oeuvre. La recherche constante de meilleurs rendements aux moindres coûts débouche sur l'utilisation des technologies les plus performantes. Il y a par conséquent un effet de substitution d'une main-d'oeuvre, déjà faible en situation régulière dans ce secteur, par la technique. Selon le Professeur De Bandt, « les effets globaux des SMN sur l'emploi (...) apparaissent nettement négatifs »241 en raison du recours à des technologies toujours plus performantes et peu utilisatrices de main d'oeuvre. 11 apparaît que les effets directs sur l'emploi de l'investissement étranger direct dans les industries d'extraction ne sont nullement en rapport avec le volume important d'investissements qu'elles demandent. La cause en est d'une pan, la nature capitalistique sans cesse plus intense de tels investissements, et d'autre part, le fait que la transformation des matières premières n'est pas réalisée localement. »24' L'exemple du terminal du Cap Lopez est certainement très flatteur et bénéfique pour la société pétrolière française Elf, mais il n'en reste pas moins que, l'automatisation à ounance de la production pétrolière est un lourd handicap pour l'emploi au Gabon. Ce terminal est l'exportation de son or noir. (...) Deux types de pétrole transitent par le terminal de Cap Lopez: le mndji qui provient des exploitations en mer et le rabî, extrait du champ de Rabi-Kounga (...) Le terminal du Cap Lopez a beaucoup bénéficié de l'arrivée du rabî. Sa capacité s'est fortement accrue depuis 1989 et il « le principal outil du Gabon pour Idem. p. 19. Idem. p.72. s'est entièrement automatisé. Ce qui lui permet de fonctionner avec une équipe permanente de vingt hommes (...). Quant au gain de temps, il est considérable ii tous les niveaux. Pour preuve: alors qu'il fallait quatre jours pour charger 16 000 tomes de brut en 1957, ce même travail ne prend plus aujourd'hui qu'une heure. De quoi engranger de nombreux bénéfices...»243 C'est ici que divergent les intérêts des EMN et ceux de l'économie gabonaise. Ce qui est un gain de temps et d'argent pour la multinationale pétrolière, est par ailleurs, une perte d'emplois et de ressources financières pour l'économie du pays. Non opposés aux avancées technologiques, nous relevons simplement la difficulté d'harmonisation des impératifs de profit immédiat des EMN avec les contraintes de développement a moyen et long termes du Gabon. Quant au secteur des mines. il aura longtemps été le plus important dans le PIB après le pétrole au Gabon. En baisse constante depuis plusieurs années, il ne réprésente plus en 1997 que 2,5% des exportations. Les productions minières sont dominées par l'uranuim et le manganèse exploités dans l'Est du Gabon respectivement par la compagnie des mines d ' m u i m de Fmceville (Comuf) et la compagnie minière de l'Ogooué (Comilog). Le tableau 5 montre que le secteur minier compte cinq encreprises, pour un effectif de 7 28 1 employés, soit un peu moins de 5% de l'effectif total des emplois crées par les entreprises. Les faibles performances dans la création d'emplois du secteur mines-pétrole tranchent avec la valeur de ces produits dans la constitution de la richesse de l'économie gabonaise. L'utilisation de technologies de pointe est certainement un des fafteurs explicatifs, mais l'absence quasi sytématique d' industries de transformation de ces matières premières contribue egalement pour une large part a maintenir le déséquilibre population 5U Jeune Afrique: op. Cit, p.80. active-emplois disponibles. Pour le pétrole, le taux de dépendance à 1' exportation est de 95%' il est de 100% pour I'uranuim et de 99% pour le manganèse. Pourquoi les EMN choisisent-elles de ne pas effectuer sur place, les opérations de transformations des produits bruts ? Des experts nous répondraient que les processus productifs liés a la transformation des matières premières, nécessitent des infi?içtructures, technologies et une maind'oeuvre importante et relativement plus qualifiée que celle que l'on retrouve sur les lieux. A cela, il est aisé de rétorquer par l'exposé d'un fait. La haute technologie est &ja utilisée dans la prospection et l'exploitation des mines et pétrole sur le temtoire gabonais, ce qui signifie qu'elle pourrait aussi servir a une diversification des activités économiques par une transformation des produits bruts. On peut également ajouter que de nombreux procédés de transformation font appel à des technologies dites intermédiaires ou légères. largement accessibles à des ouwiers spécialisés. En réalité, la DIT dans le contexte du SEM comme nous le soulignions antérieurement, procède à une répartition des activités industrielles a l'échelle du monde qui maintient des déséquilibres entre les régions. Les besoins du Gabon en industries de transformation pour contrer le sous-emploi ne sont pas forcément un critère pertinenf dans les stratégies de localisation mondiale des industries, élaborée dans le cadre du SEM. U existe une échelle d'aptitudes qui déterminent la capacité de telle ou telle région du monde à exercer telle ou telle activité. VI.3. L-échelle des aptitudes du SEM^* La capacité d'une région à pratiquer certaines activités est déteminée par des aptitudes que l'on retrouve dans le modèle de répartition des industries. Ce modèle fait de ces aptitudes des préalables à l'investissement industriel. Chaque zone se voit ainsi attribuer ZY Les données de ce parapphe sont tirées de: Michel Courcier et Jean Malsot (ch. op-cit, ), pp. 170- 189. une sorte de coefficient d'aptitude par rapport a ces potentialités, déterminant de cette manière les activités qu'elle peut exercer. Ces aptitudes sont les suivantes: 1. L'aptitude capiralistique, (( mesurée par le montant moyen de FBCF disponible dans k zone pour des investissements industriels ».245 L'on met l'accent ici sur le taux d'épargne destine à l'investissement industriel dans la zone. 2. L'aptitude à la technicité. « Le niveau de technicité est défini par le pourcentage dans la population active d'actifs formés dans l'enseignement supérieur et affectés a des emplois supérieurs. »246 L'aptitude à la technicité sen à son tour à classifier les zones selon deux sous-aptitudes: - l'aptitude - l'aptitude à produire des biens intermédiaires, à fabriquer des biens de consomnation. La spécialisation internationale des industries selon les aptitudes sus-citées place naturellement les pays industrialisés en tête des zones les plus aptes à exercer toutes les activités industrielles de transformation. Partant du postulat que ce sont ces activités qui créent le plus d'emplois, on comprend aisément les difficultés structurelles des pays sous- développés et du Gabon à la traîne de cet étalon de mesure, à diversifier les activités économiques et d e r des emplois supplémentaires. L'échelle des aptitudes donne les scénarios de base illuseés par les tableaux qui suivent: 3" Idem. p.170. a Idem. p.171. Tableau 6:Aptitudes dans les principales activités S C ~ N A R I ODE BASE Aptitudo dans las principalar rctivitlr 173.3 % du tord de lm v i l r u r ijoutdr par las Indurtrio8 A locrtlrrtion Ilbra dans l m monda en 1W1 - - - e-UN, A- Ociw Japon URSS N. M d E.4da UYr Oiinr AL 14d. Mt' 6 3 l ' URSS hmnca l J - 1-8 Ir &i SE l 6 Tableau 7: Aptitudes dans les activités les moins nobles SCÉNARlO DE BASE Aptitude dans los ictivitds les moins noblas (26.7 K du tata1 da Ir valaur aiout40 dans las industrias I localisarioci libra an 19851 I Pan des actrvitts en % 6.2 10.1 Ch To C 1 4 Pays alpins Au6 Sud-irtt Afrique noire + Europc mCdittr. Monce arabe . Chine . 'UEBL II« britanniques A d r i q u e Latina 5 Europe méditer. 1 2 3 Rang de La France Afrique noire + Monda arabe Il i3 S. 6 I I 4.8 Cf: C l h I 1 Asir Sud-Est Amdtique ktina Chine Afnqus noin + Mondo araEurope centrale 9 I Canada PaW%a$ Pays scandinavtr ANZAS UEBL 9 L Source: Coursier et Malsot. 1 978. L'émde a laquelle nous nous référons ici constate pour la zone Afnque n o k et Monde arabe, une monospécialisation dans l'activité la moins noble qu'est la production de biens de consommation dans de petites unités de faible technicité. Cette catégorie recouvre des industries de transformation de produits agricoles: industries textiles, issues du bois et industries agricoles, ou répond à des besoins de base: articles metalliques ou plastiques peu évolués, cycles, montage de véhicules automobiles. »247 G La réalité gabonaise ne correspond pas parfaitement à ce modèle de spécialisation industrielle. Plus précisement, l'économie gabonaise n'épuise pas les maigres possibilités qu'offre l'échelle des aptitudes dans les industries de transformation dites les moins nobles. On peut rappeler par exemple la faible contribution du secteur agro-industiel dans la formation du PIB (43% en 1996). Pour illustration, (( le Gabon importe aujourd'hui environ 80% de ses besoins alimentaires. Fruits et légumes viennent du Cameroun ou d'autres pays africains. voire de France. Quant à la viande, elle est achetée en Argentine et en Europe. En somme.la spécialisation internationale des industries fait la part belle aux zones les plus développées. Elle conduit à un monopole dans la production des biens intermédiaires et surtout d'équipement, de la part des -des puissances industrielles. Qu'il s'agisse de l'aptitude capitalistique ou de l'aptitude à la technicité, le Gabon présente une double contrainte structurelle financière et technologique, qui empêche son économie de diversifier sa production et créer par conséquent de nouveaux emplois. Il y a, à notre avis, une relation évidente entre la diversification des activités économiques et la création d'emplois. La spécialisation dans les produits primaires sans transformation, comme c'est le "Idem. p.183. 2as Jeune Afrique: op.cit, p.78. cas au Gabon, n'est pas porteuse d'une dynamique permettant de faire Face à une population active même modeste. La lecture des stratégies de répartition des activités productives du SEM permet également de saisir, une autre dimension du blocage des économies sous-développées, ou de leur spécialisation dans l'exportation des matières premières brutes. L'hypothèse de la saturation des marchés au regard des fortes capacités de production actuelles des pays industrialisées encourage, dans une large mesure, le maintien du statu quo. On appréhende certainement avec une pointe d'inquiétude, un éventuel accroissement sur le marché international de la part des pays sous-développés dans les domaines des biens intermédiaires, d'équipement et même de consommation. La montée des dragons asiatiques n'a-t-elle pas entrainé des comportements protectionnistes par les normes techniques et la pression fiscale de la part des pays industrialisés ? Autrement, une éventuelle poussée industrielles des pays sous-développées n'est pas sans danger de déséquilibres pour les économies développées. La fabncation de biens intermédiaires et de consommation fournit encore de très nombreux emplois dans les pays développés. Une concurence intrasectorielle pourrait reviser la situation d'où le choix de maintenir au niveau international, une économie complémentaire et non véritablement concurrente. Cela se traduit dans un pays comme le Gabon par ce que nous appellons I'incapacité structurelle à diversifier et dynamiser l'économie, qui concourt évidemment a l'unité fonctionnelle du SEM. Dans ce contexte, la croissance économique basée sur les rentes minières et pétrolière ne relève simplement que de I'e~chissement artificiel, parce qu'elle n'a aucun effet d'entrainement significatif sur l'ensemble de l'économie et encore moins, une réelle emprise sur les conditions d'existence de la majorité des Gabonais. Une économie artificielle dominée par les EMN dont l'objectif est essentiellement de rentabliser au plus tôt les investissements. Dans cette ligne de réflexion,la prédominance des capitaux étrangers dans l'économie gabonaise est aussi un point d'achoppement. Si l'investissement étranger est souhaitable dans l'hnomie gabonaise,il reste qu'il contribue peu par ses orientations, à un véritable développement économique du pays. VI.4. Le capital international dans l'économie gabonaise L'une des caractéristiques de l'économie gabonaise est sa très gmnde ouverture aux capitaux étrangers. Nous soulignions déjà la prédominance des EMN dans les secteurs clés que sont les mines et le pétrole, mais l'exploitation forestière, le commerce, les banques et même les activités informelles dont nous parlons ne font pas exception.L7économie gabonaise est p m i s les plus accessibles a l'investissement étranger, se positionnant relativement bien au "hit-parade de la liberté économique".2Jg L'apport du capital international au Gabon est important? ce qui peut sembler quelque peu paradoxal dans le pays le plus riche d ' M q u e noire. Mais c'est en fait la raison principale de cette afnuence du capital étranger au Gabon. Petit pays sous-peuplé de l'Afrique équatoriale regorgeant de richesses naturelles, le Gabon attire depuis longtemps, les investisseurs du monde entier en quête de profits immédiats. Ce qui n'est pas sans causer des discordances notoires. Les activités principales de l'économie gabonaise sont le domaine des EMN. On trouvera en annexe C, une liste non exhausrive de ces EMN ou leurs filiales gabonaises, avec un aperçu de la répanition du capital de ces entreprises. De fqon globale, on constate une orientation des investissements extérieurs vers les secteurs forestier et minier,mais surtout pétrolier qui consrituent l'ossature de l'économie gabonaise. Le taux d'investissement dans le secteur pétrole est depuis 1986 non seulement toujours plus élevé que celui des autres secteurs d'activité, mais aussi plus haut que ie taux d'investissement global du pays. Le tableau 8 nous permet d'apprécier l'autorité des investissements du secteur pétrole sur Au classement du 1 W Index of Economic Freedom de la Hentage Foundation le Gabon se situe dans la catégorie des économies plutôt libres, soit le 686 rang sur 150 pays cIassés. l'ensemble des investissements, même en période de récession. Une variation des données pétrolières entrainant toujours dans le même sens les investissements totaux. Tableau 8: Évolution du taw d'investissement L Période Tx.d'Inv. Moyenne Moyenne Moyenne 1 980- 1985 1986- 1988 1989-1992 Années du Boum Années de Années de pétrolier Récession reprise . I . - Hors Pétrole Source: établi à partir de Rapport PNUD,1994 Tableau 9: Flux d'investissements par secteurs d'activité (en millions de FCFA) 1988 1989 1990 1991 +39 466 -9 746 + 19 994 -28 649 SKL pewlia +28 453 -13 9 6 +21697 -1 1 598 Hors pétrole +1 1 0 13 +4 200 +19994 -17051 TOTAL 1 1992 1993 +36 185 +34 799 +7 890 +9 418 - -- Source: Banque des États de ilAfkique Centrale (BEAC) Force est de constater que les investissements dans ce secteur névralgique de l'économie gabonaise sont majoritairement le fait des EMN. Les groupes fhnçais Elf et Angle-néerlandais Shelî assurent, par le biais de leurs filiales gabonaises respectives, l'essentiel de la production pétrolière et donc des recettes de l'État. Cette présence massive des capitaux étrangers dans les mines et pétrole est source, à notre avis, d'un ensemble de déséquilibres qui biaisent au départ d'éventuelles efforts de restructuration de l'économie gabonaise. Nous examinerons ici quelques unes de ces distorsions. Le capital international s'investit pour l'essentiel dans les activités minières et pétrolières au Gabon. Ce choix se justifie par la céléite avec laquelle les investissements y sont rmtabilisés. La concentration des investissements étrangers dans ces domaines a eu, entre 1974 et 1985, les effets suivants que décrit Barro: secteur primaire (matières une expansion très rapide du (i premières: hydrocarbures, produits minéraw); une stagnation du secteur secondaire; une contribution de plus en plus élevé du secteur tertiaire. »250 Autrement, l'afnw des investissements dans le secteur primaire a pour corollaire l'étiolement des activités industrielles hors pétrole et mines. Aussi, Barro souligne une autre implication de la monospécialisation de l'économie gabonaise, le « mal néerlandais )>. « L'essor rapide et brutal d'un secteur peut en effet provoquer des brusques modifications dans l'attribution des ressources, avec une contraction des autres secteurs produisant des biens échangés et une expansion des secteurs dont la production n'est pas échangeable. » ''' Le mal néerlandais s i m e le délaissement des autres secteurs de l'activité économique a la suite de I'accroissement de la richesse provenant des rentes minières et pétrolière. Au Gabon, les industries de transformation et le secteur agricole particulièrement, auront subi le contrecoup de cette situation. Par contre, les secteun des biens non échangeables au plan international. bien entendu, connaissent une expansion. On peut penser que les pratiques informelles urbaines sont de ces activités. Ii est important de souligner que l'ajustement nécessité par le mal néerlandais se fait par l'accroissement des importations, obérant ainsi l'économie gabonaise de ressources, qui awaient pu servir à sa consolidation. Les déséquilibres induits par la focalisation du capital étranger dans les secteurs les plus rapidement rentables ont, un effet direct sur l'économie gabonaise, par une allocation inéquitable des ressources. "Hugues Alexandre B m Charnbrier. op-cir, p.36. "' Daniel P.citt par Barn, Charnbrier: op.cit, pp.3637. « Une certaine dualité semble s'être constituée au sein de l'économie, par la juxtaposition de deux secteurs sans beaucoup de relations entre eux. D'un côté, le secteur de production pour la demande intérieure constitué par deux groupes principaux: la production de produits agricoles traditionnels et de subsistance, celie des produits industriels, de services et de commerce. De l'autre côté, un secteur d'exportation dont l'ensemble de la production dépend de l'évolution des marchés extérieurs. »252 La similitude de ces propos avec les analyses dualistes de l'informel est a s'y méprendre. Mais en sommes nous véritablement loin? Les déséquilibres sectoriels provoqués par le capital étranger appuient, avec fermeté, l'argumentation de 1'incapacité structurelle de l'économie gabonaise a former un ensemble relativement hornogéne et équilibré. Par ailleurs, l'importance des capitaux étrangers et la présence des EMN au Gabon ont également des conséquences nocives, sur le plan financier. Le constat majeur d'une analyse de l'économie de rente gabonaise est ce que nous appelons ici le blocage structurel. Blocage de la capacité à créer des emplois, a diversifier ses activités par le fait que les politiques et objectifs des EMN, qui contrôlent les activités momces de cette économie divergent des besoins fondamentaux du pays. L'extraversion de l'économie gabonaise, sa spécialisation dans les matières premières d'exportation conformément à la DIT, imposée par le SEM,n'oflke a terme aucune possibilité de mettre en place une économie dont le but est le développement, c'est-à-dire l'amélioration constante des conditions de vie des populations. Le blocage structurel de l'économie gabonaise, à notre avis, procède des caractéristiques suivantes: 1 ) la monospécialisation dans les produits primaires. Au Gabon, la rente pétrolière conditio~e l'ensemble de l'économie. Or la production pétrolière « devmit être limitée dans les deux ans a venir les spécialistes tablent sur un ralentissement compris entre 5% et 7%. Le déclin sera, en revanche, plus rapide à partir de l'an 2000, assurent ces demiers. »2" En plus du fait que le pétrole est une ressource non renouvelable, son exploitation par des EMN pose plus de problèmes qu'elle n'en résout. Le secteur est, d'une part, peu créateur d'emplois; et d'autre part, une immense partie des capitaux générés par l'exploitation pétrolière est soustraite à l'économie sous forme de bénéfices et d'avantages fim. 2) l'absence d'une industrie locale de transformation. La rente n'aura pas entrainnéle développement d'une industrie locale. Au prise avec le mal néerlandais, l'économie gabonaise se caractérise par la contraction des activités hors pétrole et mines. « Le secteur industriel (hors rafnnage, transformation du bois, sucre et textile et énergie) (...) représente 1'6% du PIB. (...) L'activité des autres industries (...) représente 2,4% du PIB ».254 3) prédominance des capitaux étrangers dans I 'économie. Lhne des conséquences du capital étranger dans une économie est le rapatriement total ou partiel des bénéfices issus des activités des entreprises et même des particuliers. La valeur de ces bénéfices étant généralement proportionnelle à la quote-part du capital emger dans l'entreprise, il convient de mesurer I'irnportance des investissements extérieurs dans l'économie @bonaise. Le tableau 10 nous permet de mesurer ce facteur pour quelques entreprises pétrolières et minières gabonaises. xi Jeune Afrique: op. cir. p.78. PMID:Coopération au d6veloppemnt Gabon. Rapport 19%. Libreville, 1997. p.8. 170 Tableau 10: Répartition du capital dans des sociétés rniniéres et pétrolières 1 Activité Sociéte 1 Intérêts gabonais (%) 1 Intérêts étrangers (%) 1 EIf-Gabon Pétrole 25 75 Cornilog Manganèse 39 61 . - --p.p Soute: Répertoire des industries et activités du Gabon, 1997. La part des investissements étrangers dans le capital des quatre plus grandes compagnies minières et pétrolières du Gabon laisse présager un flux considérable de capitaux qui sortent comme bénéfices de ces entreprises. Avec seulement le quart des revenus pétroliers, le Gabon a le PNB/hab. le plus élevé d'%que noire; qu'en aurait4 été si le pays bénéficiait de 75% des revenus pétroliers ? Le rapatriement presque intégral des bénéfices par les EMN et l'importance des salaires versés aux caûres expatriés constituent un énorme manque à gagner? qui aurait pu servir au financement de projets de développement et à la création d'entreprises au Gabon. Nous ne condamnons pas de façon extrême ces opérations, mais beaucoup plus le fait qu'une partie significative de ces énormes capitaux ne soit pas réinjectés dans l'économie gabonaise. L'instauration de la provision pour investissements diversifiés ( P I D ) ' ~ ~mème , si eiie n'a pas les résultats escomptés, est un bel exemple d'utilisation de la rente pétrolière dont on sait par ailleurs qu'elle n'est pas éternelle, le pétrole étant une ressource non renouvelable. En définitive, le rapatriement des capitaw et sous diverses formes est une donnée réelle procédant de la trop grande dépendance du pays, à l'égard des capitaux étrangers. Les societés pétmIi2res versent dans la P D une partie de leurs béndfices qui servira 3 financer des projets hors pétrole. " J Conséquence: « le compte des transferts prives a été régulièrement déficitaire, reflétant les importants envois de fonds des travailleurs expatries. (...) Les prestations gratuites du secteur privé accusent pour leur part un déficit (...), en raison principalement des économies sur salaires des coop6rants et des salariés étrangers. »256 TOUSles comptes nationaw qui font état des mouvements de capitaux entre le Gabon et l'extérieur, sont pou. la majorité déficitaires, qu'il s'agisse des transactions du secteur privée ou du secteur public. Ce qu'il faut retenir ici, c'est la ponction d'une M o n non négligeable des ressources financières du Gabon par le capital international, privant ainsi le pays de précieuses ressources indispensables à son développement. Une ponction des ressources qu'augmentent les concessions fiscales consenties aux E M N par les pays sous-développés. Alors. comment financer les infirastmctures de développement, les communications, les hôpitaux etc. ainsi qu'encourager 1'entreprenewiat créateur d'emplois ? À cette question, la réponse du capitalisme est donnée par l'accès a diverses sources internationales de financement pour les pays sous-développés. L'endettement extérieur pour financer le développement s'avère aujourd'hui une des solutions les plus désatreuses proposées par le capitalisme mondial. La détérioration au milieu des années 1980 de la situation économique a revélé la fiagilité de l'économie artificielle, bâtie par les EMN, autour de la rente pétrolière et minière au Gabon. On se rend compte que les rentes n'ont pas permis d'édifier une économie relativement autonome et pouvant compenser par d'autres activités, la baisse vertigineuse des cours des matières premières. Dans cette situation, les solutions sont une fois de plus le recours aw sources de financements internationales, qui continuent ainsi d'orienter les choix de développement. La politique d'emprunt auprès des organismes tant privés que publics des puissances industrielles participe au renforcement du blocage structurel du Gabon dont l'un des éléments principaux sera désormais le taux excessif d'endettement. Peut-il en être autrement lorsque les ressources propres de l'économie ne financent pas le développement ? ~6 Hugues Alexandre Barro Chambner op.cit, p.255. L'emprunt extérieur ne reste-t-il pas l'ultime recours des pays stnicturellement bloqués en même temps qu'il conforte le blocage ? Dans le cas du Gabon, la dette est véritablement un boulet que le pays trainera encore longtemps. Classé par les organismes internationaux au rang des (( pays à revenu intermédiaire », le Gabon ne peut bénéficier de certains mécanismes d'annulation ou d'allègement de sa dette, ou même de conditions avantageuses de réechélonnement. Les données qui suivent, nous permettent de mesurer l'effet d'étranglement de l'endettement, au regard des besoins de financement d'une économie gabonaise sousdéveloppée. a) Encours de la dette (fin 1997): 2 485 milliards FCFA, soit 75% du PIB et plus du double du Budget 1998 (1 057 milliards FCFA) b) Les intérêts annuels sur la dette: 395 milliards FCFA, représentent presque la totalité des recettes pétrolières prévues pour 1998 et 40% des ressources budgetaires."' Les c h i f i s ci-dessus présentés n'incorporent pas la dette interne de l'État qui est aussi importante. En 1994 par exemple, « les remboursements d'anierés estimés à 703 milliards FCFA dont 378 milliards FCFA en principal et 325 miiliards FCFA en intérêts pour la dette extérieure ont considérablement affecté la trésorerie et ont nécessité un financement additionnel. »'58 De cet endettement excessif résulte, pour une large part, l'incapacité de 1 ' ~ t a gabonais t a financer le développement. état, dont le rôle économique est encore extrèmement vital en matière d'investissements au Gabon, se retrouve dans le cercle vicieux qui consiste à emprunter encore... pour rembourser la dette. Ceci namllement se fait au détriment d'investissements productifs pour l'économie nationale et donc de la création d'emplois. 5 Jeune Afrique: op. cir, pp.88-89. 2s Rappon P W D : op. cit, p. 15. Conclusion Le blocage structurel et plus précisément le mal néerlandais sont les sources auxquelles s'abreuvent les activités économiques informelles. En effet, fàce a l'inertie de l'économie moderne bloquée, les activités infonnelles trouvent dans la satisfaction des besoins des populations, un champ d'activité ouvert qu'eues exploitent. Mais il est indispensable de f& à ce niveau des nuances importantes. Notre lecture des fondements de l'informel se situe dans les distorsions induites par la DIT. au niveau de la répartition des activités industrielles a l'échelle mondiale, selon l'échelle d'aptitudes déja décrite. L'orientation quasi exclusive vers le marché international des activités les plus productives de I'économie gabonaise d'une part, l'organisation du travail et les pratiques financières des EMN d'autre part ont pour résultat d'émasculer cette économie de ses atouts, donc de sa capacité de générer des emplois stables et suffisants pour ses besoins et sa population. Non seulement les rentes ne jouent pas un rôle moteur dans le sens de la création d'une dynamique économique interne, mais elles participent à l'affaiblissement des autres secteurs d'activités économiques en concentrant l'essentiel des investissements. II se forme alors une économie areincielle caractérisée par la soumission aux fluctuations du marché mondial et la rareté des emplois. Le corrollaire à cette situation est la croissance exponentielle des activités permettant d'obtenir des revenus hors des normes étatiques, le phénomène étant amplifie dans les grandes zones urbaines où nous avons une forte concentration des populations. L'échelle des aptitudes de la DIT, par la spécialisation qu'elle impose, a un impact direct sur la capacité de l'économie gabonaise à créer des emplois pour ses populations. Cette incapacité structurelle est, à notre sens, l'une des grandes causes explicatives de la montée des activités informelles dans l'économie gabonaise. Mai s ce phénomène interpelle également la gestion de l'État par les élites dirigeantes relais du SEM. Chapitre VU é état gabonais et le développement de l'informel urbain Dans un ouvrage intitulé Les destins du Tiers-Monde * j 9 , Coutrot et Husson présentent ce qu'ils appelent (( les facteurs internes du sous-développement ».La démarche est bien connue des analystes du développement du Tien-monde qui ont souvent établi, dans les facteurs de blocage du développement des pays du Sud,cene catégorisation entre causes internes et externes. Que signifie cette dichotomie ? On comprend cet angle d'approche comme la dissociation en deux catégories distinctes, des éléments qui participent à la perpétuation du sous-développement, Coutrot et Husson concentrent l'ensemble de ces facteurs dans ce qui caractérise le mie% a leur avis, les pays sous-développées, c'est à dire la structure dualiste de l'économie. (( Ce dualisme, qui concerne aussi bien I'agriculhire que l'économie urbaine, n'est pas synonyme de chaos social, contrairement a l'impression superficielle que peut donner le tumulte politique et économique qui règne dans la plupart des pays du Tiers-Monde. Il possède au contraire une forte cohérence qui lui permet de se perpétuer et le rend difficile à attaquer. >?' "Les logiques internes du sous-développement" tiennent au départ de k modernisation des sociétés non occidentales et plus précisément de l'introduction de l'économie capitaliste. La saldsation des paysans, l'impôt numéraire obligatoire ont. entre autres éléments, fini d'achever les « logiques antérieures, communautaires ou fëodales ». Cette desmiction aura pour effet la création d'une main-d'oeuvre exdentaite formant « un régime de sous-emploi permanent, baptisé secteur informel, dans lequel les entreprises modernes puisent le personnel nécessaire au gré des fluctuations de l'activité économique »? l Par ailleurs, selon Coutrot et Husson, la (( concentration missante des ressources et du pouvoir» aux mains d'une minorité de personnes est aussi un facteur interne de blocage. Dans un contexte ou les travailleurs ne disposent guère d'outils de défense de leurs droits. Ya Thomas Coutrot et Michel Husson: op. cit Idem. p. 159. /&m. p. 162. les élites urbaines utilisent (...) surtout l'État pour s'approprier une part croissante des ressources, au détriment surtout des paysans. »262 Ce qui naturellement conduit à une seconde dualité entre une majorité populaire pauvre et une élite minoritaire disposant de la quasi totalité des ressources. Les comportements mimétiques de cette dernière contribuent à orienter l'économie vers des investissements improductifs, allourdissant du même coup I 'endettement. L'analyse de la pensée de ces deux auteurs, reprise ici en substance, évoque des réalités bien connues des pays sous-développés. Par mnm, la restitution de ces facteurs de blocage comme facteurs internes du sous-développement, ne rend pas justice quant aux véritables déterminants de cette situtation. Autrement, les facteurs cités comme étant des éléments endogènes aw pays sous-développés, doivent être examiné à un niveau de détermination plus élevé. En fait, le dualisme économique que présentent Coutrot et Husson sous plusieurs modalités se rattache, a notre avis, a la collusion des intérêts entre le grand capitalisme international sous l'égide du SEM et la gestion des pays sous-développés par leun élites dirigeantes, relais du SEM. Le présent chapitre vise à montrer la connivence de ces deux réalités, mieux. Ia convergence de leurs intérêts dans le cadre de l'unité fonctionnelle du SEM.Les facteurs dits internes (le dualisme économique) et la gestion interne des pays sous-développés, sont l'endroit et l'envers de politiques de développement menées par ces acteurs du SEM et dont nous savons aujourd'hui que le résultat est la paupérisation des masses du Tiers-monde. Les éléments qui font figure de facteurs internes du blocage, ne sont dans notre analyse, que les instruments d'application du SEM ( le dualisme sous toutes les formes que citent Coutrot et Husson), ainsi que la gestion interne de l'État par les élites relais du SEM. 11 est important de rappeler que pour nous, la gestion politique, économique et sociale des pays sous-développés participe à l'unité fonctionnelle du SEM.L'établissement ou le maintien Ibidem. des intérêts du capital international implique de f q n pratique, la constitution au niveau national, de « castes » dlligeantes vouées à la cause et bénéficiant naturellement des avantages de cette situation d'intermédiaires. La dualité des structures sociales dont parlent Coutrot et Husson schématise, fort justement, la disparité des ressources entre les élites dirigeantes et la population. Au Gabon, le développement des activités informeiles procèdent de cette double logique d'enrichissement des uns (la minorité dirigeante) et d'appauvrissement des autres (les masses populaires). Il en résulte, en définitive, que la classification en facteurs internes et extemes du sousdéveloppement n'est pas opératoire dans la logique du SEM. L'implication, de par leur puissance productive et financière des EMN, dans la gestion quotidienne des économies sous-développées autorise très peu une perception du dualisme, de l'extraversion, de la dette, du sous-emploi etc. comme des facteurs exclusivement internes à l'économie gabonaise, pour autant qu'il puisse en exister. À ce propos, attardons nous quelques instants sur un facteur qui nous semble faire la jonction entre l'essor de l'informel, le blocage structurel et la gestion de l'État: le système de protection sociale en République gabonaise. La protection sociale au Gabon est assurée par deux organismes, la caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) et la caisse nationale de garantie sociale (CNGS). Le système est complété par des entreprises privées spécialisées dans divers services d'assurances. La CNSS gère les cotisations des travailleurs du secteurs privé, elle est donc chargée d90fEir des prestations dans les domaines de la santé et des allocations Familiales pour ses membres. A ce titre, la CNSS octroie aw familles prestataires les allocations suivantes: - les pensions des retraités, - 3 OOOFCFA/rnois/enfant de moins de 18ans, - 10 000FCFNenfânt scolarisé l o s de la reneée scolaire, - le taux de couvemire médicale est fié selon le salaire du cotisant, il est en principe total pour les salaires les moins élevés. La CNGS est subventiom6e par l'État et son rôle est de desservir les personnes non couvertes par la CNSS. C'ea B cet organisme qu'échoient les prestations sociales des chômeurs, indigents et contractuels de l'État. Le système de protection sociale au Gabon est loin de c o u w l'ensemble de la population, mais il importe d'en apprécier les pefionnances. Pour ce qui est de la CNSS, on peut avancer qu'elle s'acquite de ses obligations (les allocations fimiliales notamment) avec une certaine régularité. Mais les montants alloués sont si minimes qu'ils ne permettent de couvrir qu'une trks fàible portion des besoins. Les prestations de santé tendent égalment à s'amenuiser dans un système général ou l'accès am services de santé des personnes à faibles revenus est de plus en plus difficile. La CNGS connatnt quant a elle une situation plus difficile. Le budget 1998 prévoit une dotation financière de 5,2 milliards FCFA, afin de reprendre des prestations suspendues depuis 1986, une goutte d'eau cians l'immensité des problèmes sociaux à résoudre. En somme. la protection sociale au Gabon n'est ni suffisante, ni efficiente. On note d'abord que les agents de l'État ne sont couverts par aucun des deux organismes cités, l e m charges sociales sont directement imputées au budget de l'État ou assumées par les individus eux-mêmes. Par rapport aux personnes sans emploi, on peut dire qu'à toute fin utile. elles ne peuvent compter sur une couverture de leurs besoins essentiels par les revenus de transfert. l'attribution d'une allocation pour les chômeurs, n'est encore inscrite dans aucun texte de loi. Nous disions plus tôt que le système de protection sociale est un pont entre le blocage structurel, I'infonnel et la gestion de l'État. En effet, la question que suscite cet inefficace système est de savoir quels recours ont les populations, devant les invariables besoins de subsistance et dans un pays où le coût de la vie est relativement élevé ? Nous pensons que l'informel fait bon poids à la faiblesse de la protection sociale par les organismes officiels. Il peut s'agir de pratiques monétaires ou non, dont les formes vont de la solidarité famiüale aux associations d'entraide. C'est exactement à ce niveau que les activités informelles sont plus que jamais, les conséquences du blocage stnicturel et de la gestion de l'État. Autrement, nous avons en amont, le chômage structurel et en aval, une gestion ratée de la protection sociale, à laquelle les pratiques informelles constituent le contre-poids. C'est en cela que la problématique de l'infomel au Gabon doit s'élaborer par rapport aux logiques relatives à son file dans les échanges internationaux et aw conséquences de cet état de fait sur les conditions d'existence des populations. Nous tenterons dans ce schème de dflexion de montrer que le développement de I'infonnalité au Gabon se nourrit, en plus du blocage structurel de I'hnomie, de la détorioration des conditions de vie de la plus grande partie de la population et de la fonction de lais des élites dirigeantes. A ce titre, il convient d'examiner des indicateurs socio-économiques reflétant la situation du pays en la matière, mais également de faiR ressortir en quoi la gestion de l'État prédispose-t-elle au développement des activités informelles. C'est le but de ce chapitre. VII. 1 . La gestion de 1'État Une analyse de la gestion de l'État au Gabon, quel que soit l'objectif poursuivi, ne peut faKe l'économie d'un q a r d sur la gestion passée de l'espace Gabon. Il y a en effet dans le cas du Gabon, une constante notoire du processus de développement du pays: le développement économique caractérisé par le prélèvement des richesses, encore de nos jours, l'oeuvre d'un capital étranger à faibles effets sur l'économie locale. La situation du Gabon a depuis lors évolué sans toutefois porter atteinte à l'extraversion économique, qui est à l'origine d'un double mouvement d'appauvrissement et d'enrichissement respectivement des populations et des acteurs du SEM. Aujourd'hui, la montée des activités informelles au Gabon permet de mesurer l'impact d'une gestion de l'État qui a toujours été reliée à la préservation des intérêts des acteurs du SEM, au détriment des populations. Le Gabon est historiquement marqué par une exploitation de ses richesses au détriment des intérêts fondamentaux de ses populations. Comme nous le disions, le Mt n'est pas nouveau et continue de se perpétrer au profit des grandes entreprises occidentales et de la minorité dirigeante. Il nous parait important de souligner ici les trois cycles d'exploitation du Gabon présentés par ~ o u r t i e ? ~le~ :cycle de la cueillette, le cycle de l'okoumé et le cycle pétrolier et minier.Ces cycles exposent avec clarté. les dynamiques d'appauvrissement des populations insuflées par les acteurs du SEM, dans un espace richement doté par la nature. L'implantation coloniale au Gabon succéda à une longue période de cornmerce entre les populations autochtones riveraines du Gabon et les navigateurs occidentaux à la recherche de produits exotiques. Cette activité commerciale certes de peu d'importance, avait engendré une économie de troc dans laquelle les populations gabonaises o f i e n t des produits de la ceuillette, auxquels s'ajoutait Ibivoire.Les compagnies concessionnaires vont M m d . Pounier. op.cit. pp. 125-29 1. par la suite amplifier cette économie de cueillette avec des comptoirs dans l'ensemble du pays. Le cycle de la cueillette aura fortement éprouvé les populations gabonaises, en l'absence de voies de communications, les marchandises etaient transportdes à dos d'homme contre la pacotille que reçevaient les populations. Par ailleurs, les compagnies concessio~akesne consentaient que peu de moyens au développement de l'espace et au bien-être des populations. Les adversaires des concessions commerciales dirent ceci de la Société du Haut Ogooué (SHO):« Quand elle partira en 1923, il ne restera rien ou à peu près d'une occupation de trente années. La Société laissera le pays beaucoup plus pauvre qu'elle ne l'a trouvé et les populations infiniment plus misérables. »264 Le cycle de ia cueillette aura été un échec pour les populations gabonaises. La désintégration par l'exploitation coloniale de leurs modes de vie, la réticence des colons à investir dans k région eurent pour effet d'appauvrir une population qui ailait encore s o u f i de l'exploitation forestière. Riche de nombreuses essences végétales, la forêt gabonaise est la première source de richesse du pays. De par son importance dans la fabrication du contre-plaqué, l'okoumé va dominer I'exploitation forestière, au point où il deviendra le produit d'identification du Gabon. La mise en valeur de la forêt gabonaise est naturellement le fait des compagnies coloniales dont les exportations de bois sont un investissement rentable, d'autant plus que les coûts engagés sont minimisés par une main-d'oeuvre d'origine noale, relativement abondante et bon marché. Notre intérêt pour I'exploitation de l'okoumé réside dans les conséquences qu'elle a engendré. « Des critiques sévères ont été portées a l'encontre des méthodes d'une exploitation qui durant longtemps ne se démarqua pas d'un pur et simple pillage des richesses naturelles, accusé de paralyser le développement du pays. N'en prenons pour témoin que le Gouverneur général Reste: Tout a été subordonné a I'exploitation de la forêt: les hommes et les choses. La forêt stérilise le Gabon, elle frappe les hommes, elle prend les femmes (...) Telle est l'image du Gabon: un pays sans route, sans progrés social, sans organisation économique, l'exploitation & la forêt ayant absort&toutes les forces vives du pays. »265 Le bilan de l'exploitation de l'okoumé aura été désastreux. Cette activité sera la source d'une dispersion parfois contrainte de la main-d'oeuvre dont les conséquences seront autant humaines qu'économiques. D'une part les conditions de travail éprouvantes et non sécuritaires entraînent de nombreuses pertes de vies; d'autre part, la dispersion de la maind'oeuvre vers les chantiers forestiers s'est faite au détriment de I'agriculture vivrière, les zones m l e s ayant été spoliées de leurs bras les plus vigoureux . Ce qui aura pour effet d'engendrer famines et autres épidémies. (( Durant toute cette période le Gabon a retiré peu de bénéfices d'une exploitation qui a enrichi une poignée de d o n s et ahenté le budget de 1'AEF. » ' 6 L'exploitation industrielle de la forêt gabonaise se sera faite presque exclusivement au profit du capital étranger. Jusqu'à la veille de l'indépendance, plus d'une douzaine d'entreprises produisent une capacité supérieure à 10 000 tonnes, assurent 60% de l'abattage toral des 821 500 tonnes, l'ensemble des entreprises de production moyenne (5-10 0001) donnent 12% du total, seukment 25% revenant aux exploitants gabonais et africains. Ces grandes firmes multinationales vont ainsi s'assurer le contrôle de 34% de la forêt gabonaise. d6' (( Par ailleurs, la méthode d'exploitation en favorisant seulement la mise en place du strict minimum d'équipements indispensables a l'exportation du bois aura pour effef Idem. p. 1-16. ?Sdlbidem. AEF: Afrique Équatoriale Française Fidele Nd-Nguéma: Moàernitétiers-mythe et bouc hémîsphère. op. cit. p. 102. 26: 1'absence d' infiastructures nécessaires à la construction d'une économie moderne. L'essentiel des profits de l'exploitation forestière est rapatrié et les populations gabonaises ne constatent aucune amélioration de leur conditions de vie. Ce qui fit dire au Gouverneur Reste qu' il est hors de tout doute que le Gabon, où nous sommes depuis bientôt 100 ans (i est incontestablement la colonie la plus arriérée de tout l'Ouest &cain. »268 Après l'indépendance politique en 1960, le Gabon accélère le processus de modernisation de son hnomie. De la colonie la plus pauvre, il devient l'un des pays les plus riche du continent grrice aux revenus que procure la rentrée dans le cycle minier et pétrolier. Avec l'exploitation du pétrole, de I'uranuim et du manganèse, le Gabon connaît une phase d'expansion sans précédent. « Entre 1960 et 1984, la valeur des exportations, en francs courants. a été multipliée par 76, et le budget de l'État par 134, tandis que le PNB par habitant est devenu le plus élevé d' Afiique noire, atteignant un pic d'environ 5 000 dollars en 1985. D ' ~ ~ Au delà des ponctions liées am importantes participations des EMN dans ces activités. l'usage des rentes miniéres et pétrolières n'aura pas en réalité transformé de manière méliorative, l'économie gabonaise. Deux pôles principaux auront bénéficié de ce vertigineux enrichissement: le premier est cehi de l'emploi dans le secteur public. (( Depuis l'indépendance le nombre d'agents du secteur public a été multiplié par dix. On peut estimer qu'aujourd'hui environ 45 000 salariés (dont plus de 1 500 expatriés) dépendent de l'État, sans compter le secteur para-public (I'OCTRA par exemple): chBk élevé quand on le compare à la population du Gabon. »'O' ?68 Roland, Pounier: op. cit, p. 18 1. '69 I&m. p. 189. Idem. p.205. Les rentes ont servies dans une large mesure à financer le fonctionnement d'un appareil étatique toujours plus imposant. Sur un budget de 796 milliards FCFA en 1985, 221 milliards ont été consacré au fonctionnement. En 1998, le montant affecté au fonctionnement représente encore 377 milliards sur un budget tutal de 1 057 milliards. <( Les dépenses de fonctiomement, et singulièrement de personnel, ont crû de manière beaucoup trop rapide. En 1991, elles ont dépassé de 26% les recettes hors pétrole. Le train de vie de l'État, soutenable en phase de haute conjoncture pétrolière, est insupportable actuellement. »'" On peut reprendre l'argument du sur-emploi par rapport à la population gabonaise, dans un secteur public dont l'efficience est loin d'être proportionnelle am moyens qu'il nécessite pour fonctiomer. En fait, les effectifs administratifs n'auront fait que renforcer la dépendance de l'économie et de ses agents aw retombées de la rente, se privant ainsi d'investissements réellement productifs dans les secteurs de la transformation et des services par exemple Le second pôle d'utilsation des rentes est constitué d'ailleurs par les investissements réalisés dans la période faste de l'économie minière et pétrolière. état gabonais a consacré d'importantes ressources aux investissements, notamment dans les infrastnicnws immobilières et de transport. Aujourd'hui, le bilan de ces investissements coûteux est maigre. Les structures sociales de toute nature sont insuffisantes, le réseau routier n'a pas encore l'envergue espérée et le chemin de fer Transgabonais, qui aura coûté la coquette somme de 1 000 milliards de FCFA est actuellement l'objet d'une cession par l'État à d'éventuels reprenem. En définitive, la politique d'exploitation coloniale et une économie de rente aux mains du capital étranger convergent vers la formation d'une économie smcturellement bloquée. La crise dans laquelle est par conséquent plongée l'économie gabonaise montre les limites du " Alfred Mabika Mouyama: Snolégie de rédeploiemeru& 1'économie gabonaise. Louvain-la-Neuve. Acadkrnia, lW, p.85. système de rente, en même temps qu'elle iévele la précarité des conditions d'existence des populations, aux prises avec le chômage et la pression de subsistance quotidienne. Mais le tableau ainsi peint n'est pas sombre pour toutes les parties impliquées dans cette économie "mondiale" gabonaise. Notre analyse revèle trois acteurs importants qui auront réellement bénéficié des rentes minière et pétrolière. D'une part, nous avons les EMN dont les technologies ont été largement sollicitées pour la réalisation des diverses infrastructures. D'autre part, les sources de financement internationales privées et publiques créancières de l'État gaôonais; et enfin, les élites dirigeantes du pays dont la gestion à contribué à l'hypothèque des principaux atouts de développement du Gabon. La montée des activités informelles est à notre avis, une excroissance des politiques et pratiques de développement, qui période par @ode aboutissent a des disparités trop criantes entre les détenteurs des pouvoirs économique et politique et les populations, conduisant à des comportements de survie dits informels, dont l'interface est l'e~chissementdes acteurs locaux du SEM. L'essor des activités informelles est tributaire de ce double mouvement d 'appaumissement-enrichissement caractéristique de la gestion de I - E B ~Nous . soulignons et rejoignons ici la thèse du prélèvement d'un surplus sur le travail. On pourrait parler sans être cynique d'un surplus sur la pauvreté. VII.1. La classe politique Une grande partie des pratiques infornielles urbaines au Gabon relève effectivement de la dynamique d'enrichissement des élites locales qui, fortes des privilèges et relations que coderent leurs positions sociales, ont bâti un système de rétention des richesses générées par les activités économiques nationales et internationales. Comment ce systéme participet-il à la promotion des activités inforneIles au Gabon ? La contribution dans leur course à l'enrichissement des élites dirigeantes du Gabon à la prolifération des activités uûormelles est multiforme. A mven des Rseaw< divers, I'infomalité est stimulée au centre du pouvoir, par des mécanismes de gestion étatique qui ont presque institutionalisé la corruption et le détournement de déniers publics.272Ce que l'on constate en définitive, c'est un ensemble d'illégaiimes de droits (Michel Foucault). Autrement dit, cette délinquance économique n'est pas avant tout le fait des petits, mais bien celui des puissants et des classes dirigeantes dans leurs fonctions politiques et économiques: ces derniers se réservent en toute impunité, la possibilité de tourner leurs propres règlements et leurs propres lois et de faire fonctionner tout un immense secteur de la circulation économique à l'extérieur de la loi. »273 Ces illégalismes se rattachent d'une part à une appropriation des rentes par les dirigeants, souvent de connivence avec des EMN soucieuses de conserver leur position ou d'accroître leur pan de marché. 11 se crée par ce canal, des interactions entre les pouvoirs politique et économique par lesquelles, les dirigeants et les EMN ont (( la mainmise sur ies cultures d'exportation. le pétrole et les importations, la gestion des financements extérieurs et de l'aide D.''~ Ces activités sont informelles en tant qu'elles n'&margent pas dans la comptabilité nationale. D'autres activités économiques apparement respectables sont également hors la loi, parce que non soumises à toute la réglementation, du fait d'interventions ou protections de la part des dirigeants de l'État. ' L'ouvrage de Stephen Smith et Antoine Glaser (op. cit) est riche d'informations sur de telles pratiques au Gabon. Jean-FranqoisBayan; Stdphen Ellis et Béatrice Hibou: La crimidironon de I'Elor en *que. Paris. Ed. Complexe, 1997. p.135. "idem. p. 13. On sait, en effet, que bon nombre d'activités ressortissant à ce secteur sont liées de façon très étroite à des positions détenues par les membres des classes dominantes dans les appareils d'État. (Exemples: taxis, activités d e s péri-urbaines, secteur de de la constmction, etc.) Ce surplus (...) profite au premier chef à ceux qui occupent le sommet de l'État et ne se reproduit que dans le cadre du capitalisme international et en défuiitive a son profit. »275 (< La connexion interne d'un tel système est assurée a la base par les masses urbaines. Le cycle de 1' informalité s'autotntretient par les nécessités respectives des riches et des pauvres. Pour les premiers cités, il s'agit d'accroître rapidement un pouvoir économique lié à des positions politiques que l'on sait volatiles. Pour les seconds, la contribution à l'essor des activités informelles est généralement une question de s w i e . A I'illégdisme des formes de gestion et d'appropriation des rentes se joint au Gabon l'inégaüté des Hommes devant la nchesse, également puissant facteur de limitation de l'accès aux circuits officiels de production et de consommation. L'une des premières orientations de l'analyse de I'informalité économique définissait ces activités, comme étant la recherche de revenus complémentaires, pour des personnes dont les salaires ne sufisent plus à contrer la hausse nominale des produits primaires. On peut donc en déduire que les revenus et pour être plus précis, le pouvoir d'achat que ces revenus permettent d'avoir, a une influence sur l'évolution des activités informelles. Le Gabon se caractérise par une répartition de la nchesse nationale très inéquitable. En dépit d'une certaine opacité sur la distribution réelle des revenus dans l'ensemble de la population, certaines domees confirment l'inégale répartition des richesses. I1 appert « que l'inégalité dans la répartition des actifs au Gabon ait toujours été importante, ce qui laisse supposer une forte inégalité des revenus. (..) D'autre part, en comparant la pan des revenus - - Jean-Loup Amselle et Émile Le Bris: op. cit. p. 173. du 1% supérieur de la population avec le reste, l'étude de l'OIT a conclu que moins de 1% de la population recevait 80% du revenu total en 1975. »276 Pour sa part, l'enquête budget consommation (EBC)~'~ considère que 27% des ménages se situent en dessous du seuil de pauvreté, (relatif ou absolu) fixé à environ 30 000 FCFA/tête/mois. Toujours de I'EBC, la distribution primaire des revenus serait tres inégalitaire. « Avant transfert privés, (en ne retenant que les revenus du travail, les loyers et les transferts publics), le coefficient de Gini dépasse 0,s ce qui est souvent considéré comme décrivant une répartition très inégalitaire. ))278 On trouvera en annexe D, les données chiffrées de I'EBC sur la répartition des revenus avant et après transferts entre les ménages les plus riches et ceux les plus pauvres. Ces disparités de revenus sont, pour une large part, à créditer au aain de vie de l'État, dont les dépenses de fonctiomement sont depuis plusieurs années, supérieures am investissements en particulier dans le domaine social. « Les dépenses d'investissement sont devenues, par la force des choses, la principale variable d'ajustement du budget en cette phase extrêmement délicate de réduction prolongée des recettes. Il va de soi que cette situation est nés pénalisante, face a une demande sociale tres importante, dans la mesure où I'uivestissernent public est l'un des moteurs de la croissance, et que cette politique obère l'avenir au profit du présent (les dépenses de fonctionnement croissent). »279 Banque Mondiale-RépubliqueGabonaise: La pauvreté &ru une écorwmie de rente. Rappon No 16 333 GA. 2 9 Mars 1997, pp. 19-20. ? Ministère de la planif~cation:Enquête Budget Consommation (EBC).Les conditions de vie des popuiations africaines à Libreville et Port-Gentil. Librevilie, Juin et Novembre 1994,T 1, 293p. L'EBC a touché Libreville et Port-Gentil, les deux plus importantes villes du Gabon sur les plans économique et dérnopphique. -8C 1%: op. cil, p.157. "9 Alfred Mabika Mouyama: op. cit, p.97. r6 Graphique A: Investissement, fonctionnement et recettes totales de 1980 à 1993 Une importante partie du budget de fonctionnement de ~'fitat sert en définitive entretenir me classe politique qui s'accapare l'essentiel des ressources du pays. L'exexnpIe des parlementaires @riais est Mifiant en la d k .En effet l'Assemblée nationale du Gabon compte 120 députés pour une population estimée k un peu plus d'un mirfion d'habitants. Le budget 1998 de cette institution s'élève A 13 milliards de FCFA, soit un ratio annuel d'environ 108 millions FCFA par deputé. En réalité, Se revenu annuel d'un député peut s'estimer ii partir des entrées suivantes: salaire mensuel: 1,7 d o n FCFA, soit 20.4 millions FCFA/an frais de souveraineté: 10 millions FCFAldéputélan jenons de présence session parlementaire: 15 000 FCFA/jour. La session durant environ 6 mois, le compte donne: 450 000 FCFNmois, soit 2 700 000 millions FCFAlan. Sans tenir compte des divers avantages sociaux dont bénéficient les parlementaires, on peut estimer que chacun d'entre eux coûte à l'État, un peu plus de 33 millions FCFA/an. A titre de comparaison, le salaire mensuel d'un député est plus de 38 fois le salaire minimum fixé à 44 000 FCFA. Par rapport a un salarié payé au Smig a 44 000 FCFA et dont le revenu annuel du travail plafonne a 528 000 FCFA, le revenu annuei d'un député représente environ 62,5 années de labeur. Cela veut dire au plan statistique, qu'il faut espérer vivre 9 années de plus que ne l'indique l'espérance de vie (l'espérance de vie à la naissance est de 533 ans au Gabon) pour gagna durant toute l'existence, ce qu'un député récolte en une année. Le parlement bicaméral gabonais a une chambre haute composée de 9 1 sénateurs. Ii est probable que ces derniers bénéficient, au moins, du même traitement. Les conséquences de la concentration aux mains de la minorité dirigeante de la quasi totalité des ressources du pays sont nombreuses. Mais, en définitive, elles panicipent au renforcement d'une sé@gation de type économique, qui lirnite l'accès a un mieux être, à une grande partie des populations. Dans les principales villes gabonaises qui abritent 73% de la population @rés de la moitié de la population totale habite la capitale Libreville), cene disparité des revenus concourt à l'essor des pratiques infomelles, désormais seuls recours dans un environnement fortement monétarisé. Somme toute, la contribution de la gestion de 1'~tatau développement des activités informelles au Gabon,peut se résuma dans une double triptyque qui établit une d S h c e de nature et non d'effets dans les origines de l'informaljté au Gabon. Pour les dirigeants: 1- gestion kleptocratique des ressources, 2- dynamique d'enrichissemen& surplus sur la pauvreté, 3 - activités infomeiies comme instrument d'enrichissement. Pour les populations: 1- faiblesse ou inexistence des revenus du travail salarié, 2- faibles probabilités d'insertion sur le marché du travail, 3- recours aux activités informeiles en guise de survie. On peut s'interroger sur la préeminence de l'un ou l'autre de ces triptyques au Gabon. A notre avis, une tentative de hiérarchisation des sources de l'informel placerait la gouvemance de l'État au sommet de la pyramide. Le blocage smcturel de l'économie gabonaise, pendant de son insertion dans les enjeux stratégico9tonorniques du SEM et la fonction de relais et la dynamique d'enrichissement des élites dirigeantes, sont sans doute les déterminants principaux d'un non-développement que l'informalisation des rapports économiques sanctionne à la base comme au sommet. . Si la notion d'informel tient du manque de formes (formes imposées en I'occurence par l'État). elle souligne par la même également l'absence des modalités qui donnent la forme voulue. Mais encore une fois, s'agit4 véritablement d'une absence ? Nous optons plutôt pour « une présence dans l'ombre »$ un choix de gouvemance dont la reproduction sociale repose sur l'enrichissement des uns (la minorité nationale et internationale) et l'appauvrissement des autres (les masses du sous-développement). Au Gabon, la gestion « sémieme » de l'État n'échappe pas a toutes ses logiques qui mènent à la précarité. a la rnarginaiisation et au développement des activités informelles. Aussi, la compréhension de cette corrélation nécessite que l'on mette en avant ces éléments qui attestent de la pauvreté, source d'informalité. Vn.3. La pauvreté a Aucun doute n'est possible: quand les ressources naturelles du Gabon seront dpuisées, les Gabonais seront un des peuples les plus pauvres du monde. Et les villes construites pour la minorité, nationale et étrangère, qui aura vécu fastueusement a la faveur du "développement" du Gabon, seront plus que probablement reconquises par la forêt équatoriale. ))280 Selon la banque mondiale qui trace un "profil général de la pauvreté" au Gabon, C « les estimations sur l'évolution de la pauvreté depuis 1960 revèlent qu'en dépit d'un PiE3 par habitant parmi les plus élevés d ' f i q u e sub-saharienne, le Gabon est caractérisé par une forte inégalité des revenus et une pauvreté persistante. La période de prospérité engendrée par le boom pétrolier n'a semble-t-il pas réduit k pauvreté, si ce n'est peut-être au Nveau des couches les plus pauvres (pauvreté extrême). ))28' Ces deux citations illustrent bien les paradoxes de la situation du Gabon. Riche, sous peuplé et pauvre hier, aujourdliui et peut-être encore plus demain si l'on suit l'analyse de Partant. Les potentialités et les énomes ressources provenant des rentes forestière, minière et pétroiiere supposent, plutôt, une situation nettement meilleure, non pas en rapport avec les autres pays de la région, mais au regard de la faible population du pays. On remarque au contraire une ascension inquiétante de la pauvreté au Gabon, seul État en f i q u e noire a "François Panant: L o f i du ûëveloppement. op. cit, p.33. Banque Mondiale-RépuMique Gabonaise: op. cit. p. 12. être encore classé par les organismes internationaux, au m g de pays à revenu intermédiaire. A quoi tient alors cette pauvreté persistante ? Le rapport de la banque mondiale sur la pauvreté au Gabon cite l'organisation économique et les "choix stratégiques du gouvernement" comme facteurs explicatifs de la pauvreté. « La structure économique peut être définie en termes de dotations en ressources et de cadre institutionnel. La dotation en ressources détermine la capacité d'un pays à améliorer les conditions de Me de l'ensemble de la population. La nature et le fonctionnement des institutions déterminent les différences existant au niveau du contrôle des ressources (matérielles et humaines) et le rendement de ces ressources. »282 Les inégalités décrites dans la répartition du revenu que nous soulignions plus haut font partie intégrante de cette inéquité dans la dotation en ressources. Nous verrons plus en avant, que ces disparités touchent également les infrastructures socio-économiques qui concourent dans divers domaines (santé, éducation, etc.), au bien-être des populations. Le rapport de la banque mondiale relève en plus, cinq sources de disparités conduisant a la pauvreté, nous en examinons deux: la répartition des revenus entre les facteurs et les institutions et les liaisons sectorielles. La gestion de I'économie rentière gabonaise opère une distribution des revenus qui a\-antage le capital au détriment du travail, d o s que pour les 2/3 des ménages de Libreville et Port-Gentil, le travail constitue la source de revenu essentielle:" reflétant justement la situation de l'ensemble du pays. « Le revenu des ménages représente 44'9 1% des revenus du Gabon, et le seul revenu du travail des ménages 27'91 %. Les revenus du travail des ménages représentent donc 62% de la totalité de l e m revenus. n2" Si pour les ménages les revenus du travail sont la pierre angulaire, ces demiers restent en d g a du niveau des revenus ldem. p.26. EBC 19%: op. cil. p6û. Banque mondiale-Republique Gabonaise: op. cit. nbdp.27. du capital. « Sur la période 198 1-94, la part du revenu du travail dans le PIB a été régulièrement infërieure à celle du revenu du capital » comme le montre le tableau 1 1 . Tableau 1 1 :Part du revenu des facteurs dans le PIB du Gabon 198 1-1994 (enmilliarâs FCFA) 1 Revenu du travail I Revenu du capital Impôts directs nets 1 Total Source: Banque mondiale, 1997, p.27. Il resson de ces données, qu'une part considérable de l'ensemble des revenus au Gabon revient aux EMN, dont la participation au capital des activités les plus lucratives de l'économie est plus que substantielle. La répartition inégalitaire des revenus dans la population gabonaise au profit des élites dirigeantes vient renforcer les disparités et k pauvreté. Les liaisons sectorielles soulignent, quant à eues, la dichotomisation de l'économie gabonaise. Les enclaves minières et pétrolières n'ont que peu de Liens avec le reste de l'économie. L'indice d'intégration (cf. note du tableau 12) pour les branches pétrole et mines est d'ailleurs Uiféneur à 1, alon que ces branches sont déterminantes dans la fornation du PIB. - Tableau 12: les liaisons sectorielles au Gabon (1981 1989) Intégration en aval Intégration en mont 1981 1 Foresterie 1989 1 0'97 1 Industrie pétrolière 1 Emaction minière 1 Secteur manufacturier ( 1.17 1 Bâtiment et travaux publics 1 1,23 0'78 1,11 1'52 Services privés 1 Services publics 1981 1989 1 L34 . 1 3 . . - - .. . - .-- 0,911. Source: Banque mondiale, 1997. Note: L'indice d'intégration en aval est une mesure normalisée de l'incidence totale sur l'économie, de I'augmentation d'une unité de la demande d'extrants produits par le secteur en question: une valeur supirieure à 1 indique une incidence sufirieue a la moyenne sur l'économie. Inversement, l'indice d'intégration en amont est un<:mesure nomaliste de l'incidence sur un secteur donné de l'augmentation d'une unité de la demande finale totale. Un indice d'intégration en amont supirieur à 1 indique que I'incidence de I'augmentaion de la demande fmale totale sur le secteur est supCrieure a la moyenne. Selon la méthode de Rasmussen, les secteurs ayant un indice d'intégration supirieur à 1 sont considités comme ds secteurs clés. Cette faible intégration des activités les plus productives est poneuse de pauvreté, par le fait que la croissance économique ainsi enclavée, n'a guère d'effets positifs sur les conditions réeues d'existence des populations. Les déséquilibres de répartition sont ainsi aggravés par la structure dualiste de l'économie gabonaise et les choix de gestion de cette économie rendent égaiement la lune contre la pauvreté plus difficile. Quant a la politique économique, la situation actuelle de l'économie gabonaise démontre l'inadéquation de l'usage de k rente et des stratégies anti-crise, au regard des besoins de développement. Les grands investissements c a m e le chemin de fer « dont h rentabilité économique reste à démontrer »285, l'endettement de l'État, la dévaluation nominale du FCFA sont, entre autres, des mesures qui ont contribué à l'appauvrissement des populations. Cela d'autant plus que les investissement productifs et sociaux ont été minimisés. « Etant donné le manque de ressouces humaines et le dualisme de l'économie gabonaise, il aurait été plus logique d'investir davantage dans les ressources humaines en améliorant les systèmes de santé et d'éducation, le réseau routier et les communications, et moins dans 1'infrastnicture ferroviaire et les entreprises parapubliques. ))286 En définitive. la pauvreté persistante que l'on rencontre au Gabon est bien le revers, non seulement d'une exnaversion prononcée de l'économie, mais aussi la résultante de stratégies de développement économique pour le moins inappropriées. L'aboutissement est une stagnation voire un recul du bien-être. VII.3.1. Les mesures de la pauvreté II est difficile de mesurer l'étendue du phénomène de la pauvreté au Gabon, tant les données en la matière sont insuffisantes. L'enquête budget consommation (EBC)réalisée par le ministère du plan en 1994 et le rapport de la Banque mondiale de 1997 donnent toute- fois un apperçu appréciable de la pauvreté, notamment dans les deux villes centres que sont Librede et Port-Gentil. Les deux rapports sus-cités mesurent la pauvreté au Gabon en érablissant des seuils de pauvreté relative et absolue.287Le seuil de paüvreté absolue est cakulé (( sur la base du revenu nécessaire pour satisfaire les besoins nutritio~elsminimums Idem, p.30. "~dmi.p.31. " Selon I'EBC. les ménages ou individus. dont le revenu est en dessous de 30 0174 FCFAltêtelmois sont considkrts comme pauvres. Au dessous de 18 880 FCFNt6telmois, il s'agit de pauvret6 extrême. auxquels on ajoute une composante qui couvre les autres dépenses de base ».288 L'EBC distingue le seuil de pauvreté absolue incluant un seuil bas et un seuil haut et le seuil de pauvreté. Les seuils de pauvreté relative « sont évalués uniquement a partir des caractéristiques de la distribution de revenus (ou des consommations) et non à partir de k notion de suffisance, ou de couverture des besoins de base. »289 Pour le calcul de ces seuils, I'EBC utilse uniquement le critère du quartile qui regroupe Ia population en quatre catégories de 25%, allant de la plus pauvre a la plus riche. Le rapport de la banque mondiale utilise pour sa part trois seuils de pauvreté relative: le premier est basé sur le salaire minimum, le second correspond aux deux tiers de la consommation moyenne et le troisième fixe un seuil de pauvreté universel de 1 dolla.r/personne/jour en unités de parité du pouvoir d'achat de 1985 (PPA).'* Ces trois seuils de pauvreté permettent à la banque mondiale de calculer les indicateurs de la pauvreté au Gabon. XEJ Banque mondiale-Republique Gabonaise: op. cir, p. 14. = Idem. p.140. Pour le Gabon. ce seuil de pauvrete est fixe il 323 FCFNpers.ijow. ou encore 117 895 FCFAhn VII.3.2. Les indicateurs de pauvreté L'incidence de la pauvreté, appelée aussi indice par tête (Po), est la proportion d'individus vivant au dessous du seuil de pauvreté dans chaque région. Cet indice correspond au nombre de personnes vivant au dessous du seuil de pauvreté divisé par la population de la région considérée. Cependant, cet indice ne revele pas la profondeur (ou l'intensité) de la pauvreté, c'est à dire l'écart entre le niveau du sousgroupe le plus pauvre par rapport au seuil de pauvreté. Ceci pourrait être calculé comme la somme podérée des écarts des dépenses individuelles par rapport au seuil de pauvreté. Ces écarts ainsi calculés sont ensuite divisés par le seuil de pauvreté afin d'obtenir une mesure proportionnelle. La sommation de ces écarts donne la somme pondérée des écarts. aussi connue comme indice de profondeur de pauvreté (P 1 ). Aucune de deux mesures mentionnées ci-dessus ne reflète le Qgre d'inégalité (ou p v i t é ) parmi ceux qui vivent au-dessous du seuil de pauvreté. Si un individu au-dessous du seuil de pauvreté effectue un transfert d'argent vers un autre individu encore plus pauvre, un indicateur devrait enregistrer un accroissement de sa pauvreté. Ces préoccupations trouvent leur solution en prenant le carré des écarts proportionnels pour les individus vivant au-dessous du seuil, normalisée par la population de la région considérée. donne un indicateur de pauvreté qui intègre la dimension d'inégalité parmi les individus au-dessous du seuil de pauvreté. Cet indicateur est communément apppelé l'indice Foster-Greerniorbecke.(P2). Un P2 élevé signale qu'il existe dans la catégorie des pauvres une inégalité considérable des revenus, avec des cas de pauvreté extrêmement sévères. , : t ." .-O-%-- Source: Rapport Banque mondiale, 1997 . P I C i . Ces instruments d'analyse de la pauvreté donne pour le Gabon, les résultats contenus dans les tableaux 13. 14 et 15. Tableau 13 :Inégalités, pauvret6 et bien-être au Gabon: 1960-1994 Population (miilicrs) 1960 1968 4 5 0 . 482 1975 693 Cons. privcuhabitant (milliers de 5 1.80 56.85 156.8 1985 834 1990 938 1991 961 1992 985 1993 1994 1014 toi5 FCFA) 45 88 2 10 20 30 44 68.00 63.50 60.00 Ratio de distribution par décile (H) 8.9 12.60 14.70 Consommation privcePIB (%) 45 38 24 Indice de bien-tue (% du salaire minimum) 23 23 30 Salaire minimum annuel (milliers dc FCFA) Inflation (Oh) Seuil de Pauvreté (milliers de FCFA) a Indice Gini (%) Nata: r Sur la b u e de I dollar p u jour n p u pmonnc i L PPA dc 1985. b: En suppom! que I'inCg dit6 est h même qu'en 1975: nd :non . - disponible --. Tableau 14: Tendances de la pauvreté au Gabon, 1960-1985 Incidence IntensitE Gravite lncidcnce lntcnsiti Graviri Incidence Intcnsiti Gravite - 1968 1975 1905 Seuil de pruvrett s a h i r t minimum 86 35 87 89 53 52 60 61 38 58 47 46 Seuil de pauvreté = yJ de la consommatioa moyenne 68 67 62 62 39 55 30 30 27 21 18 18 Seuil de pauvret4 1 dollar par jour 66 57 26 15 38 27 8 4 26 15 4 1 1960 f ourct : C ~ L C UBanque .~ Mondiale. 1995 - 9 j 1 Tableau 15 :Tendances de la pauvrete au Gabon, 1990- 1994 1992 199J Seuil de pauvret4 = salaire minimum 199 1 1990 tncidenr: 84 lnicnsiti Gravite 51 35 Incidence [ntensiti Gnviti Incidence Intensitt Gravit6 61 O; 18 83 30 ' 35 14 5 1 - 83 84 50 34 51 $3 50 36 jS 20 de la consommation moyenne 62 62 50 50 18 18 18 Scuil de pauvreci = 1 dollar par jour 12 IO Il 2 2 1 1 .5 I Scuil de pauvrtti 62 30 1994 61 ;O IS 25 7 3 Source : CalmIs Buiquc Mondiak 1993 Le constat générai que l'on peut fàire à partir des indicateurs de la pauvreté, est que la majeure partie des Gabonais est pauvre et que cette pauvreté a peu, sinon pas ch@ dans I'ensanble de la population depuis les années 60. Calculée A partir du salaire minimum et des deu-tiers de la consommation moyenne, « l'incidence de la pauvreté en 1994 est élevée (enm 83% et 62% de paume selon le seuil utiiisé) et n'a que peu diniinué depuis 1960 (entre 87% a 68%). »291 Néanmoins, il semble que la proportion des cas de paumt6 les plus p v e s (seuil & 1 dollarfpersJjour) soit en rrgressio~.« De 66% en 1960, elle est tombée a 23%en 1994 »*%, précise Chrystel Monnard. Un satisfecit qui ne saurait cacher la dégiadanon, ces demières annéees, de k situation de l'ensemble des Gabonais. Le seuil de pauvreté universel (1 doUar/jour) indique une aggravation de la situation entre 1992 et 1994. Comment le phénomène de la paumté se présente-il dans les villes du Gabon ? La pauvreté urbaine est mesurée par les seuils de pauvreté. L'EBC sur Libreville et Pon-Gentil constate que « 37% de la population africaine des deux villes appartient à des Banque mondiale-République Gabonaise: op. cit, p. 15. g1 "Jeune Afrique: op. cir. p. 1 1 1. ménages situés en dessous du seuil de pauvreté absolu.^"^ Le seuil de pauvreté alimentaire, c'est à dire une ration pouvant foumir 64 000 caljmois, est fixé a 18 880 FCFA/tête/mois. Selon I'EBC, « 11% de la population composant les extrêmement pauvres disposent de 12 372 FCFA/mois, ce qui les situe très en dessous du seuil alimentaire. »294 Le seuil de pauvreté relative qui retient les 25% des individus les plus pauvres selon le revendtête et dont la valeur est de 29 129/tête/mois, nous montre que 1 8% des ménages sont en dessous de ce seuil; alors que dans l'ensemble cette population, cette valeur passe à 25%.295 Mais il reste qu'à ({ Libreville et Port-Gentil, (...) 20% des habitants subsistent (...) avec moins de 29 000 FCFA par mois. »2% Aussi, le rapport de la Banque mondiale donne les chifies suivants: a) 9% de la population concernée vit en dessous du seuil alimentaire minimum et a une couvemire de ses besoins en dessous du standard de 3 1%, b) « Dix-neuf pourcent des individu (environ 96 000 personnes) disposent d'un revenu inférieur au seuil de pauvreté absolue. »"' Tableau 16: Indicateurs de pauvreté de Libreville et Port-Gentil Seuil de pauvreté SeuiI de pauvreti absolue: relative: 18 000 39 000 59 O00 lncidrnce (Po) en % 9.0 18.9 25 Intensité (P1) en % 31 36 nd 2.9 6,7 nd Seuil de paumté 1 alimentaire: 1 1 Sui1 de pauvreté (revenu/moisl'UC) en FCFA Grdvitt: (PZ)en % 1 Taille moyenne des minages C 1 Source: Banque mondiale, 1997. EBC 1994: op. cir. p. 139. Idem, p.142. ;195 Idem, p.15. 9< 296 Jeune Afnque: op. cir, p. I l 1. Banque mondiale-Rtpubiique Gabonaise: op. cit, p.37. nd 7,9 1 0,7 1 1 I conditions de vie des citadins gabonais, d'une part; et de l'appropriation par les acteurs du SEM de I'essentiel des ressources du pays d'autre part. Dans cette optique, l'économie informelle ne peut être d'un point de vue des origines, le sujet d'une histoire nouvelle des sociétés du Tiers-monde (elle peut le devenir), mais elle n'est non plus un effet de conjoncture, c'est une réaction de survie dans un espace où les idgalités créent une rareté extrême. 204 CONCLUSION GÉNÉRALE Au terme de cette étude, il convient de rappeler la question sur laquelle repose l'ensemble de la problématique: quelles sont les causes de l'essor des activités informelles au Gabon ? La question est d'autant plus importante qu'elle s'applique a un pays de fàible étendue, avec une population estimée à un peu plus d'un W o n d'habitants et également très riche si l'on tient compte des faits sus-cités, ainsi que de la situation économique de la plupart des pays d'Afrique noire. En guise de réponse a la question des déterminants de I'inforrnalité, une revue de la littérature met en lumière essentiellement trois modèles qui rendent compte de l'évolution de la question de l'informel dans le Tiers-monde: les approches économiques évoquent tour à tour. la transition vers le capitalisme, la sectorialisation de l'économie et la soumission des formes de production au capital. Les politiques nées de ces analyses tentent d'intégrer, par divers mécanismes, les activités informelles dans le système moderne. Opérations dont l'échec suscite un discours différent amorcé et systématisé par les analyses socio-culturelles de I'informalité. La démarche socioî.ulturelle met l'accent dans une première phase sur la marginalisation urbaine, la déviance sociale et le phénomène de la pauvreté. Ensuite elle analyse l'informel en termes de contre-culture et d'avènement pour les peuples du Tiersmonde d'une nouvelle voie & développement que trace le génie créateur informel. L'analyse de l'économie informelle par les thèses cultudistes souligne un double mouvement: le rejet par les peuples des pays sous-développés de l'homo oeconomicus occidental et 1-'tion d'un modèle de régulation sociale différent de celui des sociétés occidentales. Ce renouveau prend sa source dans ce que Latouche apelle la souche sociétale. Cette demière repose, en Afnque par exemple, sur les liens de solidarité claniques que le capitalisme individualisant contribue a défaire. Les analyses politiques, quant à elles, interrogent l'institution étatique dans sa fonction de régulation des activités socio-économiques. En fait, I'analyse politique hérite des thèses culniralistes la volonté d'examiner la problématique de I'informalité dans le cadre du fonctiomement global de la société. En ce sens, les enjeux de fond relèvent plus d'un rapport entre l'État et les citoyens problématique dans les pays sous-développés. Ce que nous appelons le "sous-État" souligne la non observation des formes réglementaires imposées par l'État, la montée des activités informelles étant amibuable à la faible capacité d'intégration des activités économiques dans le moule moderne. par les pouvoirs publics. En somme. la problématique de l'informel dans le Tiersmonde commande la restauration de la fonction de régulation de l'État. Un second courant de l'analyse politique de l'informel inverse la proposition précédente. L'inforrnalité renvoie dans ce raisonnement à la présence contraignante de la législation étatique dans l'économie. Les activités infomelles sont un choix consécutif à un calcul rationnel du coût de la légalité et celui de l'informalité. Dans cette optique, seule la déréglémentation peut libérer l'espace des activités économiques et permettre le contrôle de toutes les activités économiques. Les approches économiques, socio-culturelles et politiques constituent le champ d'interprétation de Ifinformalitédans les pays sous-développés. Elles mettent en évidence des thèses quelquefois opposées, mais, qui reflètent la diversité des situations et l'evolution des rapports socio-économiques dans le monde sousdéveloppé. A quelle articulation de ces rapports l'étude de I'idormel au Gabon nous ramène-t-elle ? La problématique de l'informel au Gabon nous paraît en dernier ressort inséparable de la question plus globale du développement de ce pays. On peut à plusieurs égards emprunter a Max Weber la notion d'homologie stnmu.de dans l'analyse des questions de développement et d'informalité au Gabon. Autrement dit, la recherche des origines de la montée des activités informelles au Gabon, renvoie a un niveau de déterminations plus élevé, am sources du sousdéveloppement qui marque la société gabonaise. Les conclusions des études sur la situation socio-économique des Gabonais convergent vers un même constat: la majeure partie de la population est pauvre alors que le pays dispose de ressources énormes au regard a sa population. La question de l'infomalité au Gabon est essentiellement corrélative au modèle d'insertion de ce pays dans les échanges internationaux. Quelques fhgments d'histoire nous rappelent que le Gabon a été une colonie fianese dont I'exploitation des richesses plonge très tôt le pays dans la logique du capitalisme international. A l'instar des autres colonies d'exploitation, les produits gabonais sont destinés à 1'approvisionnement de la métropole. ceci au détriment de la construction d'une économie locale pouvant générer une véritable amélioration des conditions de vie des Gabonais. L'extraversion économique est une construction historique dont la gestion échoit, à l'heure de l'indépendance, a une élite dirigeante locale. Le choix de la continuation de l'exploitation et de l'exportation des matières premières dont regorge le pays est vite fait, d'autant plus qu'il génère facilement des richesses. Le modèle d'analyse de la problématique de l'informel que nous avons établi est tributaire de cette proposition selon laquelle, la montée de l'informel au Gabon procède des logiques inhérentes à l'exploitation économique, par le capitalisme mondial. Le choix de notre modèle d'analyse repose sur la proposition suivante: la structure de I'économie gabonaise et les choix de développement des dirigeants sont liés aw impératifs du capitalisme international. Cene structure économique et ces choix de développement aboulissent à la croissance des activités uifonnelles. La compréhension de ces mécanismes met donc en &ne un cenain wmbre d'acteurs que nous avons regroupé au sein du site économique mondial (SEM).Cette notion répond à une double préoccupation: mettre en évidence le caractère international des acteurs du SEM et répondre à certaines analyses du sous-développement selon lesquelles les cultures du Tien-monde et notamment afkaines seraient les principaux k i n s du développement. L'analyse sitieme classique suggère que les politiques de développement tiennent compte de ces contingences cultc~iles! d e s . La thèse de (( la dimension culturelle du développement D aura été le modèle conceptuel de cette dérnarche, Cette approche quant à nous fait l'impasse sur (( ce qui marche », c'est-àdire 1' insertion des économies sousdéveloppées dans les échanges internationaux, pl us précisément leur spécialisation dans la production des matières premières. L'extraversion et la spécialisation de l'économie du Gabon, le rôle des EMN, l'aide liée et son corroilaire k dette sont, entre autres, les facteurs de sousdéveloppement du Gabon qu'il nous parait difficile de relier aw cultures autochtones. A notre avis, les enjeux sont autres, l'interdépendance qui caractérise l'économie mondiale commande un certain fonctionnement de cette dernière et selon certaines modalités. L'unique crédo du capitalisme est la réalisation de profits. dont l'usage permet par ailleurs d'améliorer les conditions d'existence. Mais est- ce le cas dans le Tiers-monde et au Gabon ? C'est dans cette ligne de réflexion que notre « site N tente d'éclairer la problématique de l'informel à partir des pratiques capitalistes à l'échelle du monde et des intérêts des acteurs du SEM. Les EMN, les organismes internationaux de financement et les élites dirigeantes locales sont les acteurs d'une économie mondialisée qui se caractérise de plus en plus par les écarts dans la répartition des richesses et l'accès au bien-être. L'analyse de la situation économique du Gabon et dans une certaine mesure I'obsen-ation font apparaître une montée des activités informelles. Elle met également en lumière les raisons de l'expansion de ce phénomène que les officiels ont vite fait de mettre au compte de la n i s e économique. Certes, la baisse des ressources de la rente a pour conséquences cies politiques restrictives d'ajustement économique, mais il reste que la structure et la gestion économique du pays sont les facteurs les plus déterminants. Nous avons effectivement démontré que la structure économique du Gabon caractérisée par l'exploitation de matières premiéres non renouvelables, la non transformation sur place de ces produits et la part considérable du capital étranger dam les activités les plus productives etc., fait que nous sommes en présence d'une économie s~ucturellementbloquée et incapable d'une dynamique de création d'emplois. L'exploitation minière et pétrolière. nous l'avons vu, est peu créatrice d'emplois. En plus du fait qu'elle obére le Gabon d'importantes ressources fiaancières via les EMN qui la contrôle, elle est également à l'origine du mal néerlandais qui porte préjudice aux autres activités économiques. De quelles solutions dispose alors un pays comme le Gabon, pour répondre aux besoins d'emplois des populations, lorsque l'exploitation minière et pétrolière est la principale activité économique? Muraris mutandis, la politique économique menée par les dirigeants est loin d'être un exemple d'orthodoxie de la gestion du développement. A la kleptocratie s'ajoutent les investissements non rentables, le délaissement des infrastructures socio-économiques (santé. éducation etc.) et la concentration au profit des dirigeants de l'essentiel des ressources du pays. Tous ces facteurs concourent à un appauvrissement des populations que constatent toutes les recherches sur le sujet. L'analyse des effets de la structure économique et de la gestion du Gabon par les dirigeants corrobore très largement les hypothèses émises dans le cadre du présent travail. L'ouverture du Gabon au capitalisme international, s'il a permis dans un premier de temps au pays de bénéficier de rentes importantes. a eu aussi pour conséquence une économie non diversifiée où le chômage prend des proportions alamiantes. Aussi, nous pensons que l'inegde répartition des richesses participe pour beaucoup au phénomène de la pauvreté au Gabon. L'avenir de l'économie informelle urbaine est assuré au Gabon. Les acteurs du SEM et les populations des villes gabonaises offrent un terrain fertile au développement de l'économie parallèle et des activités de s w i e , mais avec toutefois des motivations différentes. Pour les acteurs du SEM,il s'agit de la course efEénée à l'enrichissement, alors que les pauvres tentent de survive dans le marasme économique.Peut-il en être autrement ? Les propositions que nous annoncions dans le cadre du modèle d'analyse ont été. nous l'avons dit, largement recouvertes par les analyses de la m a u r e économique et de la gestion de l'État. Les r4sultats des investigations sur le rôle du SEM dans l'économie gabonaise sont assez déconcertants. L'échelie des aptitudes du SEM, par exemple, suggère en filigrane une idéologie peu encourageante pour les pays actuellement aw prises avec des difficultés économiques d'ordre structurel. C'en comme si les zones privilégiées, celles habilitées à ia production à haute valeur ajoutée, aux technologies de pointe etc., étaient hermétiquement fermées aux pays sous-développés. Le developpement économique s'apparente dans cette logique, à un "club sélect", où les avantages reviennent encore et toujours à ceux qui sont dpja avantagés. La théorie ricardienne des avantages comparatifs est elle même rendue désuète par les écarts technologiques, qui permettent aux nations industrialisées de devancer les autres, même au niveau des productions pour lesquelles les pays sous-développés auraient pu garder un cenain avantage. Les innovations technologiques transforment les processus de production, augmentant ainsi le sérieux préciput en la matière des zones nanties. C'est le cas notamment dans les énergies de substitution que développent les pays industriaiisés et même dans l'industrie man ufacturière, L'hypothèse du blocage structurel aurait pu être sujet a caution dans la recherche des causes de I'infomalité. Mais la structure économique spécialisée et extravertie du Gabon. la faiblesse des emplois crées dans les secteurs minier et pétrolier par les EMN accentuée par le non réinvestissemnet sur place dénonnes capitaux, confirment cette proposition. Rongée par le mai néerlandais, l'économie gabonaise ,5prouve de graves difficultés à se divenifier, créant par là même les emplois dont elle a besoin. Les dérives de la gestion de l'État étaient a priori une des causes de l'essor des activités informelles au Gabon. Une certaine expérience empirique guidait cetv appréhension, que les recherches d'organismes nationaux et internationaux sont venues confirmer. En effet, les inégalités de répartition des richesses et des infrastructures socio-économiques de développement ont engendrées richesse et pauvreté, respectivement pour les dirigeants et les masses populaires urbaines, avec au bout, la même sanction: le développement des pratiques informelles. L'ensemble de ces facteurs permet en définitive une dflexion nouvelle sur la problématique de l'informel au Gabon, à la fois sur l'objet d'étude empirique et sa connaissance théonque. La présente étude a été l'occasion d'une connaissance renouvelée de la problématique de l'informel au Gabon. Un premier élément est la diffusion de I ' i n f o d t é dans toutes les sphères de la société gabonaise. Le champ de l'informalité n'est nullement cuconscnt snor stéréotypes que sont les commerçants ambulants et autres petits métiers, il comprend également les pratiques de gouvemance de l'État. En d'autre termes, la montée de l'informel au Gabon se présente comme le fait de la conveqpce de ces facteurs. Nous parlions, antérieurement, de la connexion interne d'un système global de gestion de l'économie ou les inégalités sont notoires. La fonction des activités informelles dans ce contexte est double: Une première dimension serait de permettre aw acteurs locaux du SEM de prélever un surplus sur le travail (les rentes incluses), base des inégalités de répartition; alors que la seconde dimension de la fonction de l'informel revient a "colmater les brèches" créées par ces inégalités, base de la pauvreté. Ceci permet aussi de remodeler "l'image accoustique" à laquelle renvoie traditionnellement l'informel dans les pays sous-développés, c'est-à-dire les petits métiers. Les pratiques informelles sont présentes autant dans le commerce ambulant que dans les grandes institutions formeiles (État et entreprises), tout autant que les actifs informels sont dissémines dans ces sphères. Mais l'informel ne d e r m e pas que ces fonctions, il convoque d'autres facteurs qui s'établissent cette fois sur le plan théorique. L'orientation que nous avons adopté est exclusive de certains modèles d'analyse, notamment les approches économique de la transition et sectorielle. La théorie de la transition a été non seulement démentie par la croissance des activités informelles. mais également par la reconnaissance du caractère m c w e l des ces activités par les thèses sectorielles. Ces dernières également sont aujourd'hui inopérantes. L'homogénéité des activités informelles qui justifiait la distinction sectorielle a été battue en brèche par l'interpénétration avérée des deux secteurs et la difficulté m&hodologique que pose cette dichotomie. Notre rapport avec les analyses cuituralistes de l'informel se situe dans une double dimension temporelle. A court terme, l'optimisme ambiant de l'avénement d'une "autre société" ne nous semble pas réaliste. La mise en place de structures ~ n o m i q u e s communautaires informelles dans certains pays ne sape pas pour étant les fondements du capitalisme régnant. Mais une détérioration continue des conditions d'existence des populations pourrait, à long terme, enclencher un tel mouvement rendant ahsi possible une véritable "révolution informelle" capable de réguler la société globale dans le Tiers-monde. Mais nous sommes encore loin d'une p a ~ i l l eéventualité, d'autant plus que l'économie capitaliste est toujours fon attrayante. Par contre, notre analyse s'inspire des analyses politiques, par le rapprochement au fonctionnement de l'État et a la démarche systémique qui, situe la problématique de l'informel dans la saisie globale de l'économie capitaliste. Ces similitudes s'accompagnent de nuances importantes. En effet, aussi critiques que sont ces deux approches vis à vis des analyses sectorielle et de la transition, elles relèvent dans une large mesure de la critique interne. soit de la régulation étatique. soit de la dichotomie formel-informel dans une même économie. Notre démarche permet une approche de l'informel qui présente un triple intérêt théorique: 1. La concephialisation de l'informel dans le contexte des relations économiques internationales, plus précisément dans la confirmation de l'idéologie du capitalisme libéral comme facteur de régulation universel des sociétés contemporaines. Ce qui entraîne: 2. La mutation conceptuelle de l'informel. Reconnue comme étant "analytiquement faible", le concept d'informel traduit désormais le blocage structurel des économies sousdéveloppées qui procède de l'échelle des aptitudes du SEM. 3. Enfin, le concept d'informel se rattache également aw stratégies d'enrichissement des auteurs des inégalités de répartition dans les pays sous-développés, c'est-à-dire les élites dirigeantes, relais du SEM. L'un des enseignements que l'on tire de cette analyse est la remise en cause de la notion de secteur, qui tente de circonscrire I'infomalité au Gabon, à un type d'acteurs particuliers (les pauvres, le petit commerce etc.). La contribution de l'économie moderne mondiale et des dirigeants à l'essor de l'infomalité limite la portée de cette notion au Gabon. Nous pensons que les notions de pratiques ou activités informelles traduisent mieux l'origine étendue et diffuse de l'inforrnalité au Gabon. Le modèle d'analyse que propose notre étude permet de reposer la problématique de l'informel dans le contexte contemporain. L'hégémonie du capitalisme libéral dans le monde est une évidence de nos jours autant que l'interdépendance économique. L'économie mondiale capitaliste n'a rien de fortuit, il s'agit comme nous l'avons montré, d'un système possédant des règles précises de fonctionnement. L'une de ces kgles est de tirer le meilleur parti dans chaque région du monde pour les acteurs du SEM , nonobstant d'éventuelles conséquences néfastes. L'analyse des fondements de l'informel, telle que présentée dans notre modèle. suscite quelques reflexions qui peuvent enrichir son apport théorique. Premièrement, à quelles institutions échoient véritablement les stratégies de développement du Tiers-monde, surtout pour les pays comme le Gabon qui disposent de matières premières mondialement commercialisables ? La question qui se pose ici est celle de l'autonomie des gouvernements nationaux devant les forces économiques planétaires dont les EMN et les organismes de hancement sont de dignes représentants. Le poids financier excessif' des EMN dans I'économie gabonaise, la position de débiteur de l'État gabonais auprès des bailleurs de fonds sont questiomables quant à leurs implications au niveau des politiques de développement. La montée de la pauvreté et de I'infonnel au Gabon n'est-elle pas à mettre au crédit de ta négligence des intérêts nationaux au profit du capital international et dune mondialisation qui appauvrit encore plus les pauvres? La question de la dette est certainement celle qui fait apparaître la préeminence dans les choix de politique économique du Gabon des intérêts du capital étranger. Fon de son statut de pays a revenu intermédiaire, le Gabon retournera à ses créanciers étrangers au titre des intérêts sur la dette, la presque totalité de ce qu'il reçevra en 1998 de la vente du pétrole. La seconde question que suscite notre approche des pratiques informelles est d e de leur rappon a la modernité. référent générai sur lequel repose le développement de type industriel. L'analyse de l'informalité a généralement pour cadre de fond la crise de la modernité dans le Tien-monde. Les approches culturalistes ont d'ailleurs construit leur analyse autour de ce constat. On peut tout de même se demander si l'essor de l'informel au Gabon est en liaison avec cette aise de la modernité et même s'il s'agit réellement d'une crise. Sur le plan des statistiques économiques, il est évident que la baisse des rentes et le niveau de la dette ont enminé une mpture, et joué défavorablement sur l'activité économique. On pourrait parler évidemment de crise au niveau pratique de la gestion économique. Par contre, l'idéal progressiste de la modernité que reproduit la DIT dont nous avons montré la complicité active dans la problématique de l'informel ne semble souffrir d'eucune crise. Ce n'est pas parce que les pays sous-développés vont mal que la modernité est en crise. Les manifestations empiriques même détestables d'une idéologie, ne la remettent pas forcément en question en autant que les logiques de cet idéal sont respectées. Nous voulons parler ici de la rationalité du SEM et de la DIT. Au niveau de la DIT et du SEM, l'application de l'échelle des aptitudes vise cenainement des objectifs de rationalisation de la production mondiale et de maximisation des profits. ce qui est également rationnel dans l'entreprise capitaliste que mènent les EMN. Les effets induits par ces rationalités (l'informel par exemple), par ailleurs prévisibles, ne peuvent à notre avis être interprétés en termes de crise. Ni une aise des pratiques et encore moins une crise de l'idéal de la modernité. Il s'agit des conséquences normales de la structure de l'économie mondiale et de la façon dont elle répartit sa production. Au niveau local, les activités informelles ressortent également de l'application de ce même type de rationalité pour une fin. La dynamique d'e~chissementdes élites est un fait rationnel dans un système de développement mimétique et une économie mondiale qui admettent les inégalîtés aussi grandes soient-elles. De l'autre côté, les stratégies de suMe des masses urbaines pauvres sont égaiement rationnelles du fait qu'elles constituent souvent le seul moyen d'assurer son existence. En réalité, il est difficile d'affirmer que l'essor des activités informelles est dû à une crise de la modernité. Cet idéal n'a d'ailleurs jamais été exclusif de toute manifestation néfaste au niveau empirique. La problématique de l'essor de l'informel au Gabon, dans le contexte de l'économie mondiale suggére quelques réflexions quant à la lune pour le développement et le bien-être des populations. L'extraversion de l'économie et la spécialisation peuvent être des facteurs de croissance et non de développement. Celui-ci implique une diversification des activités au sein de l'économie et une certaine autonomie vis-à-vis des fluctuations des marchés internationaux aggravées par les instruments de domination que sont le capital et la technologie. 11 convient dans un pays comme le Gabon potentiellement riche de s'assurer que le recours? souhaitable, à I'investissement extérieur et aux technologies de pointe contribue a solidifier l'économie nationale et non à la fkgîliser. Pour cela les choix de développement et la gestion de l'État doivent prioriser les secteurs productifs de l'économie autres que les mines et le pétrole dont la santé et l'éducation des populations par exemple. La bonne gouvemance que prônent les organismes internationaux signifie, non seulement faire des choix économiques judicieux, mais également la rigueur et l'équité dans la gestion et la répartition des ressources dont disposent le pays. C'est à ces conditions que les politiques de l'État gabonais qui visent l'intégration des activités infornielles au sein de l'économie moderne auront un écho fivorable et contribueront a l'amélioration des conditions de Me dans les villes gabonaises. 215 Bibliographie* Ouvrages: ADAIR, Philippe: L 'économie informeUe: Figures et discours. Paris, Anthropos, 1985, 180p. ALHIANGA, Martin: Strucmres communautaires tr~ditionnelles et perspectives coopératives dans la société Mogovéenne. Rome,Éd. Roma, 19 7 6 , 6 2 5 ~ . ALTHABE. Gérard : Urbanisation et enjeux quofidiem. Paris. Albin Michel, 1993, 4 12p. AMSELLE, Jean Loup : Logiques métisses: anthropologie de l'idenrité en Afrique ez ailleurs. Paris. Payot, 1990,257~. ARCHAMBAULT, Édith et GREFFE, Xavier (dir.), Les économies non oBcie/les. Paris. La Découvene, 1984, 247p. ARELLANO, Rolando; GASSE. Yvon et VERNA, Gérard (dir.), Les entreprises injrmelles dans le monde. Québec, PUL, 1994,484~. ASSIDON. 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A l'Ouest, le Gabon est baigné par l'Océan Atlantique sur une longeur de 800 km. En dépit de sa modeste superficie, le Gabon se compose de neuf provinces divisées elles-mêmes en départements, cantons et communes. Les provinces sont sous l'administration directe d'un gouverneur représentant l'administration cenaale. Les communes sont dirigées par des maires élus. Les autres entités sont chapeautées par des présidents d'assemblées départementales et des chefs de cantons. Les provinces du Gabon: Estuaire Moyen-Ogooué Lambaréné Ogooué-Ivindo Makokou Ogooué-Lolo Koularnoutou Orooué- Maritime Port-Genti I Oyem Données démographiques et sociales "' La population Le Gabon est un pays faiblement peuplé. Les statistiques démographiques nous donnent les chiffres suivants: Population totale au 1 /06/93: 1 014 976 hab. % moins de 15 ans: 41% % de population urbaine: 73% %émgen: l5,2% Densité: 3,8 hab.lkni! Taux d'accroissement naturel: 2,5% T a u de mortalité infantile: 94/1 O00 Taux de mortalité maternelle: lgO/I O0 O00 Espérance de vie à la naissance: 53,5 ans Âge au premier mariage (y. c. unions libres): Hommes:30,3 ans Femmes: 26,6 ans Âge moyen des femmes à la ficondité: 28,l ans Nombre moyen d'enfants des femmes de 50 ans: 5,2 Les chiffres sont tirés de: Ministere de la planification et de I'amdnagement du remtoire. Direction generale de la statistique et des ktudes économiques. Bureau centrai du ncensemen~Republique gabonaise: Rescencemeni genthi de la population et de l'habitat (RGPH) du ler au 30 Juillet 1993: ei de: PNUD: Coopération au développement, Gabon,rapport 94,Libreville. Octobre 1995. Pyramide par années d'âge des résidents: La constante améliorarion de la connaissance de Ilgc a ûaven les trois recensements mentionnés ci-dessus, se traduit par une pyramide de p l u en plus régulière, et par un ratio hornrneslfemmes plus lissi; néanmoins un ajustement de la pyramide sera nécessaire en raison des meun de déclarations encore perceptibles. La base s'tlargii progrcssivemen~illustrant I'augmentation de la fccondite. La pyramide par année d'âge laisse apparaine cenaines inexactitudes ducs a I'amaction des chiffres 'ronds"; ige temint par O ou 5, ou date de naissance domcc pour l990,19SS... Le creux i la base conespondant aux " 1 an', devant étre comigé dans des travaux ultérieurs, provicnr de ce que ceux nes de Juillet a DCstmbre 91 ont Ctê comptes comme ayant deux ans, alors qu'au moment du recensement ils n'avaient pas encore franchi la date anniversaire. Les âges suivants sont Cgalement donnés par différence de millésime. Source: RGPH, 1993. La population gabonaise est jeune, les moins de 35 ans représentent plus de k moitié des habitants. Nous avons également un nombre relativement important d'étrangen venant de phsieurs iégions du monde. - - - D'AU 86.141 8J.205 s5,41s 4s.121 40.017 32.653 26.OSl 11.173 14. SOS 13.854 14.S78 18.414 t3.428 9.9SS I6.SBI 0-4 rnr 5-9 10-14 15-19 20-24 2s-29 30-34 31- 39 45-44 45-49 10-14 sa-ss 80-64 1s-69 70 & a 17 .$O2 15. fi01 t SJ. 490 Source: RGPH, 1993. Les données socides Le Gabon est une moaœque ethno-linguinique. En effeh une quarentaine d'ethnies catégorisées généraiernent en huit grands groupes, forment groupes Fang et la population gaimnaise. Les Pounou représentent respectivement 25% et 24% de I'awmble, les autres groupes étant les Kota, Mbédé, Myené, Nzebi, Okandé et Pypé. « L'Estuaire est la seule province où plus de deux grands groupes ethniques cohabitenq dans les autres, la presque totalité de la population se regroupe en deux grands groupes ethniques ))299, excepté le Woleu-N'tem qui (( est la sede province quasiment mono-ethnique Sur le plan social, le Gabon présente des statistiques intéressantes à certains niveaux comme l'éducation. Le taw net de scolarisation est presque de 100%, alon que le taux d'alphabétisation des adultes est de 59% (hommes: 70%, Femmes: 48%), comme nous 1' indique le rapport du PNUD. Maiheureusement, on note un niveau de déperdition scolaire relativement élevé. Aussi, 68% de la population a accès a une eau salubre et le pays a un taux de couverture rnédicai d'un médecin pour 2 500 habitants. Les voies de communication terrestres restent encore une faiblesse au niveau des infrasmictures. Le pays dispose de 7 800 km de routes dont 1 160 km seulement étaient bitumés en 1994. Une voie ferrée de 648 km relie la capitale à l'Est du pays et complète un réseau relativement dense et assez fiable de transport aérien. En ce qui a trait à l'énergie. le Gabon possède une capacité électrique installée de 301 Méga Watt. "DGSEE: RGPH. op. cit. p. 18. Ibidem. Présentation de Librevitle QUARTIERS'DE LIBREVILLE Source: RGPH, 1993. Capitale du Gabon, Libreville est une presqu'île qui s'étend le long de la côte atlantique. Simple bourgade au début des années 1960, la ville commit depuis un important accroissement. La population de Libreville est presque la moitié de la population totale du pays avec 419 976 habitants. En plus d'être le centre politique et administratif du pays, Libreville est également le lieu d'importantes activitds économiques. L'histoire de Libreville a un Lien avec les pratiques esclavagistes en cours encore au milieu du XIXe siècle. En effet, en 1846, un navire brésilien, I'Eliza, est capturé avec à son bord 272 esclaves. Ces derniers seront libérés et conduits à Gorée au Senegal. Mais les autorités coloniales du comptoir du Gabon demandent et obtiennent une partie de cette maind'oeuvre. (( Ce fut l'occasion pour Bouët Willaumez d'adjoindre au comptoir Gabon un village de liberté, auquel il donna, à l'instar de Freetown, le nom de Libreville. En 1850 Libreville était née. »30' Lëtolution du Gabon L'histoire précoloniale du Gabon reste très peu connue. La présence d'une quarentaine d'ethnies laisse penser que ce territoire a constitué le point de chute de diverses populations d'origine bantoues dans leurs migrations. Aussi, la situation du pays en pleine forêt équatoriale indique que ces populations vivaient essentiellement de chasse, pêche et ceuillette. Les premiers contacts des populations gabonaises riveraines avec les Occidentau furent établis en 1473 par les Portugais. « L'embouchure du fleuve dit G a k parce que semblable de forme à ce vêtement )) (le caban des marins) ))302, serait à l'origine du nom Gabon. Les échanges commerciaux entre les autochtones et les marins se limitaient i l'ivoire "' Roland Poumer: Le G h n .Tome 1: Espuce-himire-société. Paris, L'Harmattan, 1989. p.53. * Idem. p.& 241 et aux esclaves. La côte gabonaise ne recelait pas de beaucoup de richesses aux dires des marins, mais l'estuaire du Gabon semble avoir été très prisé. t( La rivière du Gabon est assurément un des lieux forts de la côte. Au début du X W e s i d e Bosman en dit ceci: Efk est si célèbre qu'elle ne peut être inconnue a aucune nation qui a été téns cene partie & 1 Afiique (..) 12 y vient beaucoup de vaisseaux, non seulement pour le négoce, mais clussi parce qu 'elle esrforr propre pour les nenoyr et les calfater. »jo3 La pénétration de l'intérieur du Gabon se fera plus tard surtout par les explorateurs français. Face à la rivalité anglaise, les Français tente de s'implanter plus solidement sur les côtes africaines. L'estuaire du Gabon était un site stratégique et assez bien connu, un comptoir y sera crée en 1842 par un té entre les Français et (( le roi Louis (Ré-Dowé)(...) qui concédait la souveraineté du temtoire du roi Louis au roi des Français. Des traités semblables furent signés en 1843 et 1844 avec les autres chefs M'pongwé de l'estuaire: la France était installée au Gabon et y implantait un poste qui prendra pour nom Fon d'Aumale. »3'>4 L'implantation officielle du comptoir de Fort d'Aumale marque le début de la colonisation h ç a i s e au Gabon. mais aussi celui de la systématisation d'une politique d'exploitation économique. La colonisation Le comptoir du Gabon est initialement rattaché à l'administration coloniale française du S é n w . Mais i( les décrets des 26 Février et 5 Mars 1859 créent les établissements français de la Côte d'or et du Gabon (ils continueront à dépendre du Sénégal pour la justice et les questions militaires). )j305 Le renforcement du dispositif militaire permet par la suite une plus grande exploration de l'intérieur des terres, ainsi que l'implantation de quelques Roland Pourtier: op. cit. T l , pp.4749. " Idem. p.53. MS Roland Pourtier: op. cit, T 1, p.57. compagnies concessionaires françaises, en plus des anglaises et allemandes d'ailleurs plus puissantes. « Les plus importantes parmi celles-ci étaient la maison anglaise Hatton et Cookson, dont les agents avaient commencé a Fréquenter le Gabon vers 1851, la maison allemande Woemiann qui s'est établie au Gabon en 1 86 1 et la maison John Holt de Liverpool, installée au Gabon depuis 1 868. (...) A la fin du XIXe siècle, il n'y avait plus qu'une seule maison commerciale française ayant une certaine importance, à savoir la maison Dubarry Frères. à laquelle s'ajouta, à panir du 1 5 Décembre 1894, la Société commerciale et industrielle du Haut-Ogooué couramment appelée Société du Haut-Ogooué (S.H .O.). L'influence commerciale h ç a k e reste pourtant faible dans la colonie du Gabon. Cette situation faillit provoquer la cession du Gabon par les Français aux Anglais contre la Gambie. Mais l'échange n'eut pas lieu grâce à des Français vivant au Gabon et qui pensaient que cette colonie était importante par sa situation géographique propice à l'exploration du continent afiicain. L'économie coloniale consistera pour l'essentiel à l'exploitation des essences végétales fon nombreuses et particulièrement I'okoumé, en plus de l'imposition de cultures de rentes comme le café et la cacao. La fin de la seconde guerre mondiale, à laquelle les colonies ont participé pour défendre la « mère patrie », consacre la volonté de plus en plus affirmée des Afi=icainsde prendre en main les destinées de leurs pays. La fin des années 1950 est un tournant dans l'histoire politique de ces pays, qui accèdent don pour la plupart. à la souveraineté. X4 Nicolas Metegue N'nah: L'irnpiunrotion colonhie au Gabon, r é s i s m e d'un peuple. Paris. L0Hannanan, 198 1, p.35. L'indépendance ou I'ère posttoloniale Le Gabon devient une république le 17 Août 1960. Les liens avec la puissance colonisatrice resteront importants, la France continuant d'être le premier partenaire économique de la nouvelle république. Au niveau politique, le pays opte pour le multipartisme et un Rgime parlementaire approuvés par la Constitution de 1961. Une situation qui changera en mars 1968 avec l'instauration du monopartisme. La crise économique qui frappe le pays au milieu des années 1980 conduit a une crise politique et sociale dont I'apogée est l'intense mouvement de revendications qui ont lieu a panir de 1990 et qui marqueront le retour à un régime politique pluripartiste. Mais dans un pays aux ressources relativement importantes, les difficultés économiques actuelles suscitent un climat social pour le moins incertain, que seule une amélioration substantielle des conditions de vie peut ramener au beau fixe. Le libéralisme économique, choisi par les dirigeants gabonais depuis l'indépendance, n'aura cenainement pas comblé les attentes de la majorité de la population dont la situation est rendue encore plus précaire, en raison des differentes politiques d'ajustement structurel imposées par les organismes financiers internationaux (Banque mondiale, FMI). L'économie du Gabon « Le Gabon se distingue sur la scène africaine par la conjonction des deux faits suivants: c'est un petit pays et l'un des moins peuplé, en même temps qu'un des plus riches. . (.. ) Il se classe l er pour ce qui est du PNB par habitant ».-'O7 Le Gabon doit cette situation enviable aux ressources naturelles dont regorgent son sol et son sous-sol. Roland Pourtier: op. ci!, T2,p.7. La forêt Les ressources forestières constituent la première richesse du Gabon. Avec de 85% de l'ensemble du temtoire recouvert par la forêt, le pays dispose de milliers d'essences végétales. G Le Gabon possède un des plus beaux potentiels forestiers d'Afrique. (...) Pour une superficie boisée de 22 millions d'hectares (...), entre 20 et 21 millions d'hectares sont considérés comme exploitables. (...) le volume de bois fort serait de l'ordre de 6 milliards de m3. Les volumes commercialisés n'en représentent donc qu'un faible pourcentage. »308 Les essences les plus exploitées sont l'ozigo, le moabi, le padouk, l'ébène, l'iroko, le bdhga etc.; mais l'okoumé est incontestablement le bois le plus prisé et dont le Gabon détient le monopole mondial. (( II a fourni en moyenne 95% de la production forestière jusqu'en 1960. Cene production s'est abaissée à 75% par suite de la promotion de bois divers (...). mais depuis bientôt un siècle l'Okoumé a été l'essence motrice d'une exploitation qui a profondément marqué l'espace et les hommes et fortement contribué à la spécification de l'entité Gabon. »309 La production forestière est également depuis la colonisation la première pourvoyeuse de devises. Son importance économique deviendra secondaire avec l'augmentation des productions pétrolière et minière. Le pétrole Dès les premières heures de l'indépendance, le développement économique du Gabon sera animé à l'exploitation du pétrole. La production de l'or noir commence effectivement en 1957 et prendra tout de suite la première place dans les exportations. « Entre 1960 et 1983. la valeur des exportations, en francs courants, a été multipliée par 76, et le budget de 1'État "Idem. p.i-18. Idem, p. 1-15. par 134, tandis qüe le PNB par habitant est devenu le plus élevé d'Af'rique noire, atteignant un pic d'environ 5 000 dollars en 1985. »310 La part du pétrole dans la valeur des exportations est importante. En 1985 par exemple, il représentait « 83% de la valeur des exportations et 65% des recettes '' ' La prépondérance du pétrole dans l'économie ne s'est budgétaires». jamais démentie depuis lors. Aujourd'hui encore, cette matière première est la principale source de recettes de l'État gabonais et l'activité qui crée le plus de richesses. Le manganèse et I'uranuim sont les principales ressources minières du Gabon. Leur exploitation commence en 1961 pour I'uranuim et 1963 pour le manpése. En 1994, la pan de ces produits miniers dans le PIB n'était que 2% pour une production de 1,4 millions de tonnes pour le manganèse et 650 tonnes pour 1'uranuim?l2 Le bois. le pétrole, le manganèse et l'uranuim sont les principales ressources dont disposent le Gabon pour l'exportation. 11 existe également d'importantes mines de fer dans la région de Bélinga; ainsi que de l'or, du diamant, du plomb, du zinc et dont les productions sont moindres. Par ailleurs, le Gabon dispose aussi d'un réseau hydrographique considérable avec un littoral de 800 km et un fleuve de 1200 km l'Ogooué, qui traverse le pays de l'Est au Sud-Ouest. "O Iakm, p.189. "' Roland Pounier: op. cit. T t . p. 189. "'PNLID. Rapport 94:op. cit. pp.5-6. Répartition sectorielle des activités économiques au Ciabon313 Secteurs 1 F Primaire Agriculture, Elevage, Pêche Exploitation forestière Pétrole brut Mines Secondaire Industries agro-alimentaires et boissons indude du bois, Autres industries Raffinage Electricité et eau Batiments et Travaux publics Recherche et services pétroliers Transport Services Commerce Droits et Taxes à l'impon Banques et Assurances Selon le rappon 1994 du PNUD, le secteur primaire participe en 1994 pour 52,6% du montant de la production intérieure brute. Le pétrole est à 41.6% du PIB. alors que [email protected]'élevage et la pêche contribuent pour 5,4%. Le secteur secondaire est à hauteur de 1 1.9% du PIB, tandis que le tertiaire compte pour 24,5%. '13 Pabablie d'aprés les données du rappon PNUD 1%. op.cit. p.7. Les agrégats de l'économie nationale: 1- Le produit national brut (PNB) et le produit intérieur bmt (PB) PNB (1 994) 3,7 milliards de dollars agriculture: 6% mines et industries: 42% 2 380 milliards FCFA Pétrole: 1 098 Hors pétrole: 1 282 3- La balance des paiements La balance des paiements fait le bilan des mouvements de services et de capitaux, ainsi que celui des échanges co;mm&aux. Le tableau ci après nous montre un déficit globai de la balance des paiements de 85,9 milliards de FCFA pour I'année 1994, même si la baiance commerciale enregistre un excédent dû am exportations de pétrole. ''" Sources: PNB: site Web du Gabon: P I B h b . et PNBhb.: rapport PNUD 1991; PIB: Jeune Afrique no 1793. 18-24 Mai 1995, p.89. BALANCE DES PAIEMENTS (milliards FCFA) 1993 - 1994 - Exportations (hb) 658,7 1 286,8 -dont pétmle 503,4 1 019.2 importations (fob) -239,3 420 Balance commerciale 4 19,4 Balance des services (nets) 420.8 Transferts (nets) -543 Balance des capitaux -94.2 -Emprunts M & LT -84.1 Capitaux a CT - 1 0.2 Balance Globale -150.1 -85.9 26.9 66.1 Avoirs EM. nets BEAC Source: PNUD. 1994. 3- Ladette La dene constitue une des difficultés majeures auxquelles le Gabon fait face dans ses politiques économiques. « L'encours de la dette publique, augmenté par les effets de la diduation est estimé a environ 2.607 milliards FCFA en 1994, aggravant ainsi la capacité du Gabon à financer le développement. Le seMce de la dette dans la loi des finances 1994 représentait 558 milliards FCFA pour 656 milliards FCFA de recettes soit 85% des recenes propres de l'État. »3" L'annulation par la France d'une pmie de la dette publique du Gabon (220 milliards FCFA) n'a eu que peu d'effets sur l'endettement extérieur du pays qui ?15 Rapport PNUD 1%: op. ci?, p. 15. (( représente 120% du PIB en 1994 ».)16 Les principaux bailleurs de fonds du Gabon en 1994 sont par ordre d'importance : la France, l'Union européenne, le Japon, la Belgique et le Canada. Le Gabon contracte des emprunts également auprès des institutions financières internationales comme la Banque mondiale, la Banque diicaine de développement (BAD), le fonds européen pour le développement (FED), les organismes des Nations Unies etc. Des organismes privés tels les clubs de Londres, Paris et Rome comptent également parrni les bdleurs de Fonds du Gabon. La situation de l'emploi au Gabon Le boom pétrolier de 1973 est une ère de prospérité aussi relative qu'éphémère. La dure réalité se montre vers les années 1985 avec la baisse brutale des recettes d'e-xportations que les cours avaient ~ificiellementgonflées la décennie précédente. Le Gabon rentre alors dans une période de réajustements par suite des difficultés économiques a la fois structurelles et conjoncturelles. De nombreuses entreprises qui vivaient des retombées de la rente pétrolière ont cessé leurs activités (...). L'euphorie des années fastes a fait place à un profond marasme avec la raréfaction de l'argent. L'une des conséquences de cette détérioration de la santé économique du pays est I croissance des demandeurs d'emplois ou chômeurs. Devant une économie qui a du mal à trouver son second souffle, un secteur public que l'on dit aux effectifs pléthoriques et les restrictions budgétaires des politiques d'ajustement structureIs, la création d'emplois se fait rare aussi bien dans le secteur privé que le public au Gabon. Le tableau qui suit montre l'holution des emplois salariés entre 1985 et 1992. jlC I h . p.22. "'Roland Pourtier: op. fit. T2,pp.8-9. €vol ution des emplois salariés 1985- 1993 Efectijs saiun'is totaux du secteur moderne 1986 1985 82.4 l ! Pnvc 63.909 1987 1988 1989 1990 1991 1992 57.875 55.443 $22701 5 1.749 49.39 48.013 En 1994, la situation de l'emploi était la suivante (en milliers): « Fonction Publique (TemporaVes inclus): 41 286 Entreprises privées modernes: 27 375 Entrepn~sPm-publiques: 20 726 Collectivités locales: 3 758. dl8 a La direction de la statistique 319 présente la situation de l'emploi au Gabon envimn dans la même pinode wrnme suit: - 'lu '19 --- Rappon PNUD 1994: op. cir. p.xv. Ministtrc de la planification ci de I'amtnagernent du ccrritoire. Direction gCnCde de la statistique ct des Ctudcs économiques, Rtpublique gabonaise: L'emploi &tu le ~ccteur&m. op. cii. L'emploi dans le secteur moderne Çaracterisliaues Générales Situalion a fin 1992 Secteur Primaire Secteur Secondaire Répartition des entreprises et des effectifs selon le secteur d'activité (privé et parapublic): t Secteur d'activitb 1 Entreo 1 ~ffectitslr Agriculture Foret P6tmle Mines Industries du Bois Industries Agro Alim Autres Industries Eau-Elec-Raffinage 0.T.P Transp-TBl6com Services Commerce ' Banques-Assurances La siructure des emplois révèle les grands dtktquilibres de I'economie Gabonaise. il y r Ileu de noter en premler lieu le poids ereessif du secteur public qul,avec le parapublic concentre 70% des effectifs globaux. Quant ii la rçpartitlon des emplois par grands secieurs,elle est caract&rlstfque de ce type d'économie OB /'on constate une prédominance du secleur primaire dans la constitution du P I (plus de 50% dont prCs de 90% pour k pétroW qul contraste avec Ia faiblesse des emplois directs corresponcfants soi? à peine 20% tdpariis dans moins de 10% des entreprises.l~tau1 neammoins souligner Ir contribulion de ce secteur en terme d'emplois hdirects qui .Se retrouvent dans le tertiaire. Enfin cette structure traduit ks efforts t entreprendre en direction du secteur secondaire 43 participe au PI8 pour seulement 15% tout en confribuant d l'emploi pour 30%. 1 Un autre &ciairage de fa relation emploi avec l'aclhde économique peul &Ife dond par & Chinre d'affabesrdalist! par les differenls secteurs ~ i n sque l l'illusfre le graphique ci-ap& i partir des f ~ t u l t a i sd'enqudie m e d e par la Conl&d&aiion P~ironaleGdbonalse enluln 1993 a u p t h d e 700 en lreprlses. - Source: DGSEE. 1 994. 252 RESUME DES CONTRAINTES DE L'ECONOMIE GABONAISE Source: PNUD, 1994. En définitive, le Gabon possède sans doute d'indéniables atouts pour un développement économique qui puisse répondre aux attentes des populations. Mais il faut noter que les atouts du Gabon sont également ses faiblesses. La manne pétrolière des années 1970 à 1980 n'a pas permis au pays de se bâtir une économie forte et intégrée. La dépendance à l'égard des marchés internationaux est telle que le pays ne dispose guère d'une marge de manoeuvre importante, afin de comger les aléas de la conjoncture internationale. Ce qui s'est traduit par la perte de nombreux emplois et entreprises avec la crise pétrolière et l'acceptation des contraintes du FMI, dont les conséquences sociales, conjuguées aux effets de la dévaluation du FCFA, se sont avérés désastreux. Le grand défi du Gabon dans un proche avenir reste de convertir son économie par des activités productives renouvelables et moins exposées à la vindicte des lois du marché international. L'atteinte de cet objectif passe par une gestion optimale des ressources disponibles et certainement aussi par un retour à une valeur sûre: l'agriculture. 254 La situation de l'informel urbain au Gabon Importance des activités informeIles au Gabon Tableau 17: Les activités et métiers du secteur informel Production a ) Mariufacturikre . sur bois menuiserie/ébénisterie tapisserie - sculpture consmiction pirogues . sur piemiterre - sculpture (Bigou) - briqueterie . sur fibre végitalr - vannerie . sur fibre textiles, tissus - couture . sur cuir - cordonnerie . sur rnktal - chaudronnerie, soudure - ferronnerie (grilles) - semirerie b) Piche artisanale - en rivicre en mer c ) Extractives - orpaillage - - - BTP Tous métiers BTP en particuliers: - entreprise bâtiment (tâcherons) - électriciens - peinture - carrelleurs - décorateurs -fabricant parpaings. aglos, briques - Source: BITPanhuys, 1 994 Services a ) Réparation Elrc-Mrc . autos-motos - mécan. Autos - réparat. Motos - vulcanisation - tôlerie, peinture . équipt. Domestiques -appareils électroménagers - froid /climatisation (insrallart., réparat.) -radio-TV (installat., réparat.) b)Servic.Techno. avancée . santé . pharmacie . bureaux-conseils Sibrairie c) Divers . coimire . horlogerie-bijouterie . studio-photo . gravure-plastification . boucherie-poissonerie . boulangerie Commerce a) ~ l i m e n z e . vente produits base .vente pain, sandwich . vente beignets. brochettes, grillades . vente poissons . vente viandes b)Non alimentaire . commerces tissus C I vêtements . commerce général de détail . vente cigarettes et journaux . vente des cassettes ventes bijoux, montres . vente artisanat africain .vente matériaux construction . vente accessoire électr., radio, TV, quincaillerie C) Restaurationhôtellerie, loisirs bars. bistrots, buvettes restaurants. snacks dancing, discothkques i) Transport taxis passagers taxis marchand cars (passager. narchand) pirogue Le tableau 17 nous permet de constater la diversité des activités concernées par les pratiques infomellles urbaines au Gabon. L'artisanat, le bâtiment, la biotechnologie et surtout les activités commerciales (66% à 70% des unités recensées) de toutes natures, sont pour une large part l'oeuvre des activités informelies. Secteur informel et emploi Par la nature des activités informelles, il n'est pas aisé d'en mesurer avec exactitude la contibution au niveau de l'emploi. ii reste que ces activités jouent comme le reconnaissent toutes les recherches, un important rôle d'amortisseur de crise par la création de nombrew emplois dans les économies sous-développées. La crise économique survenue au milieu des années 1980 à profondément modifié la situation de l'emploi au Gabon. Le chômage a gagné du terrain avec les nombrew licenciements qui ont eu lieu dans les entreprises privées et même le secteur public. Il en a résulté une croissance des activités dites informelles, devant l'incapacité du secteur moderne a offrir des emplois. Selon Obame Emane. le secteur informel emploie (( plus de personnes que le secteur moderne (1 28 000 contre 97 000) »3'0 en 1989 au Gabon. Le tableau 18 ci-après. montre la répartition de l'emploi par catégories socio-professionnelles. fl permet aussi d'apprécier l'évolution des activités uiformelles et des aunes secteurs d'emploi au Gabon. De façon globale, l'emploi informel connaît une forte croissance depuis 1985. Le taw de variation des emplois informels est de +35,5% dans la période choisie, représentant ainsi 49,23% des emplois. toutes activités confondues en 1989. Les emplois de l'entreprise moderne sont en baisse de 34%, pour s'établir à 9,72% du total de l'emploi de la période. '%cior Obarne Emane: op. cir. p. 118. Tableau 1 8 : Situation de l'emploi par nature (en millien) Catégorie Variation (%) Total Salent* Indépendant Source: Obarne Ernane, 1989 'Salent: Salariés des entreprises * *Salet: Salariés des ariministmtions Total Tableau 19: Importance du SNS par branche en 1990 Montant en Branches ' % SNS % branche* milliards FCFA Industries aliment, agro- Tl 4,6 12,s 8,o boissons, tabac industries manufachiriimx Autres 1 ( Bâtiments, T P 14,6 1 9,4 et 13,O 8,4 services 53,2 34,2 Transports communications Autrcs marchands ( Commerce I 55,O Totaux 155.4 .4gric. Elevagç, chasse. 84,8 1 35,4 100,O pSchc Exploitat. Foret., ind. 4,9 bois 1 PIB total (DTI exclus) 1 1.340,4 1 *activités modernes comprises Source: BIT/Panhuys, 1992 Nous constatons que les activités informelles représentent une part significative de l'activité économique au Gabon, notamment dans les services marchands et le commerce (respectivement 34,2 et 35'4%). L'importance de ces activités est encore plus grande lorsque l'on examine la situation à l'intérieur des branches d'activités. En valeur absolue, les activités informelles contribuent à générer 19.47 des 55 milliards FCFA du commerce et 18.1 9 des 53,1 milliards FCFA des services marchands. Sur les 1 55'4 milliards FCFA produits en 1990, la part des activités informelles est de 41,48 milliards FCFA, soit 26,70% du montant total. Valeur ajoutée du secteur informel dans l'économie gabonaise Tableau 20: La place du secteur inforniel dans l'économie (en milliards FCFA et %) 1 . Pétrole 1. Secteur informel 1 259 5 . PIB I 1 293 I 271 I Source: Établi à partir de Marchés tropicaux, 6 décembre 199 1 277 La montée du secteur informel Avec l'entrée en crise de l'écunomie, l'informel s'est enraciné dans l'activité économique (...) Exprimée en valeur ajoutée, la part du secteur informel double en valeur entre 1 980 et 1985 (...) ce qui fait un taux de croissance de 16%' contre 13% pour la rente et le PIB alignés l'un sur l'autre. (...) On peut dire que l'économie grise, qui compte alon pour un gros 10% du PIB, représente un bon quart de la rente, près de la moitié du secteur constitué et n'est pas loin de faire jeu égai avec les activités officielles (80%). (...) La période 1986-1 988 amène des modifications importantes. (...) Les positions deviennent les suivantes: l'informel égale la rente, représente les trois-quarts de l'activité formelle (contre la moitié auparavant) et fait nettement miewt que la contribution de l'administration au PIB (1 2% de celle-ci). (...) En 1991, l'informel (...) compte pour un cinquième du PIE3 (contre10%). Source: Marchés Tropicaux, 6 décembre 1991 (Extraits) Nous avons ainsi une vision plus précise de l'apport des activités informelles dans l'économie gabonaise, par comparaison à l'importance de ces activités avec les secteurs dés de l'économie gabonaise, c'est-à-dire les secteurs pétrolier, minier et agro-forestier. Le tableau 21 résume l'évolution de la valeur ajoutée des activités informelles par rapport aux deux secteurs les plus importants de l'économie gabonaise. Tableau 2 1: Vaieur relative du SNS 1 984-90 (en %) Ensemble KA, de référence pétro- Avec minier et agroforestene Avec agr0- foresterie mais pétro- sans minier HO~S foresterie Hors A~o- et pétro- minier Source: BITPanhuys, 1992 En définitive, on remarque que « dans tous les cas de figure, le SNS loin d'être r n a r p d est un secteur dont l'importance actwlle dépasse celle de tous les autres exception faite bien entendu du pétrole et des mines ».'*' La contribution des activités informelles dans la production et la distribution de biens et services au Gabon est passée de 8,6% a 15.7% entre 1984 et 1990. Si l'on exclut les secteurs pétrolier et agro-forestier, les activités informelles représente 38,5% de la valeur ajoutée produite par l'économie gabonaise. Au niveau de l'emploi, les activités informelles continuent de jouer le rôle de pourvoyeur non seulement pour les nouveaux migrants, mais également pou. les anciens salariés des secteurs para-public, privé, tous ceux qui ne disposent pas d'un emplo; et les "' H e q Panhuys:op. cit, p.5 1. personnes qui y font affaire dans un but lucratif. Les activités infiormelles ont un rôle de régulation écunomique et sociale chaque jour plus affirmé au Gabon. Avec la fin déja annoncée des rentes rniniére et pétrolière, les difficultés de restmcturation actuelle de l'économie et l'endettement, il e n fon probable que les pratiques économiques informelles prendront, une part encore plus élevée dans l'économie gabonaise, au cours des prochaines années. Annexe B: Fiche circuit pour l'obtention d'un agrément de commerce Source: Panhuys/BIT, 1992 1 Demandeur 1 ** I Ministère du Commerce Direction Commerce interieur Commission ad hoc I deur d'agdment I - Contributions directes et indirectes b 3 - -- ) . Direction generale des domaines - Receveur des domaines Explication 1 . Constitution du dossier et remise a la direction du Commerce intérieur et de la production 2. Présentation du dossier en Commission 3. Rejet motivé du dossier 4. Avis favorable de la Commission et transfert au Ministère 5. remise de l'ordre de recette au demandeur 6. transport de l'ordre de recette auprès du receveur des domaines pour paiement de la redevance 7. Délivrance d'une quittance par le receveur des domaines après paiement 8. Présentation de la quittance à la Direction du Commerce intérieur 9. Délivmce de l'agrément 10. 1 1. 12. Transport de l'agrément auprès des contributions directes et indirectes. du Trésor Public et du Tribunal. Annexe C: Liste non exhaustive des entreprises multinationales au Gabon Source: EDICOM, 1997 a$. COMPAGNIE MINIER€ DE L'OGOOUE ..: 3 .q-9&#&$' $ MOANDA (Rép.Gabon:) .. . 3. . :. . 3 ,.' ........................................................................ Total Nombre de salariés - - .- S y lvio ....................................................C I du ConwI J'XJm~np,i~ M. ,M. LEVML' ,Michel Adrn~nism~eur &:.. >(. GROS Philippe ..........................................~.......................... Administntcur De:.. SI. ABEUE .LImcl .................................................................................Dirrcieur Cc.&(.BAYLEYvcs ...........~.............,...................................... D u r G h C d .A: .Li HELD Raymond...................................-....... D i Administratif ct Cornp. 31. ,MIDISA-MAGNI Almin ................................................................ D e c t u r de IJ '. i des Approvirionncr M. MARCHA'ID Claude ............................................... D M.OYIEYE Antoine ..........................................c t u r Chargé des Relations Pub;: Dirigeants d'entreprise .- , Télex : ~ 1; i Data de création : ?MF# l V i ! 1 Capital : 31Y.~I2.StWiiUW) CFA - - dont Africains non gabonais gabonsls cadres Nc afric Répartition du capital ETAT GABONAIS : 28% - WiIt r 17% - SYCAMAYG : 9% - GLXGABOS FOFLMM'G :9% - AUTRES :22% Investissement pdvu p u r 1 9 ~ 4: - 2.000.000.000 FCFA Afrique Gabon Montant du CA ht 50 milliards FCFA Eu- 67 % Produits fabriquds ou activités de l'entreprise 33 5 Minerais mCtailurgiqucr (5 1% Mn)n p d x n m t 95 5é de I'activitC globale. 1 des Bioxyde (83 % de Mn 01) reprtsentant 5 56 de l'activité globale. cxpor,; majeure panie. Principales matières premières utilisées - Projets en cours Equipemcnts miniers Ecj;ri;;enents ou performances exceptionnelles fnstdlations ponuaircs B Owcndo Matirid ferroviaire de tnnspon ac mincri Premier producteur mondial de bioxyde naturel. Pré homo~cinisa~ion du minerai. - 1 Autres établissements Oben - - Date de creation : Forme juridique : 5 COMUF Cie des Mines d'uranium de Francevllle. ; 4' .\ - TL1 I 141 r 59.?6..;.t.4 l F u : 39 2627.48 . . . . . . . M. Jacques GISCARD D'ESTAIXG .............................................................P.C..A Dirigeants d'entreprise .................................................................... ...Adjoint P.C..A iL!. Josi PEIX ...................................................................... A d m i n s r Délégu~ M. Egidc BOUNDOaO-SIMhSGOYE...................................... Directeur Ginira M. Pitre ESC.WDIE.........................~~................................. C o n e u r de Gestior M. Arthur YGAiVIE..................................................C o n r l de Gestion Adjoin'M. Jirôme OKINDA dont Nombre de salariés 1 gaWnais 1 i 1 Non africain. Eut Gabonais : Z , 7 5 Sc: Compagnie Fnnçaise de MOKTA ( C m :38.98 % Répartition du Capital COGEMA : 29,43 % : 534 % SGCF Gabon Montant du CA ht 1995 I 5 . W milliards de F CFA Afrique Europe Asie 70 % 30 5% Prdvu en 1996 : 1.683 milIiards de FCFA COMUF 2.220 milliards de FCFA SYSMIN Investissements I - Produits fabriqués ou activités de l'entreprise Extraction et transformation du minerai d'uranium Production d'ur;tnatc de magnasic ou ycliow-cake Production 1995 : Extrsction = 179.000 tonnes Uranium nid = 653 tonnes Ventes 1995 : Uranium rnCd = 65 Tonnes Principales matières premières utilisées Soufre : ISOO tonnes (FlUIUCE) Chlomrc de sodium : 1300 tonnes (SB'EGAL) K6rosinc : 150 000 litres (FRhYCE) Magnesic : 150 tonnes (ROYAUMEL'h7S) Chlorate de soude : 3 0 tonnes (BEiGIQüE) Bioxyde de maqantsc : 1ûûû tonnes (GABON) Boulets : 2üû tonnes (ALLEMqGNE) Floculants : 45 tonnes (FRWCE) Pojets en cours Reconnaissance et mise cn exploitation des gistmtnb dc B.-\GOMBE et MIKOLOUNGOU - Pcrccrnrncnt de nuut ~tle?; chzn~inicsct yderics d ' a i m ~pour ~ ;imiliorcr Iss conditions de trwsiil Jan?;le3 ni ines (projet SYSXIlXi Equipernents ou performances exceptionnelles 1 I 0 Dirigeants d'entreprise b[. TARÂLLO Anclic ................................................ Président Directeur Cen M. CORDIER Jean-Piem ..........................................................Dinxtcur Gec. bI. PAEL AP.4,VDINA André .................................... Directeur G i n i n l Dili. bl. 0i\;,~, OVONO Lamben ........................................... Dinoeu G n C n l A J ~ . Nombre de salariés Repartition du capital 25 56 Eut GabOnais 57% EA 18% Divers Investissements pétroliers (1996) total : 133.7 MS - - Montant du C.A. ht en MS (1996) - - - Gabon hors Gabon a1 101 a 1099 MS Eutope Dlven - Produits fabriques ou Exploration Production et commercialisation des hydmarburcs liquide activités de l'entreprise gazeux Superficie tim minier de recherche : 28959 Km2 60Km Géophysique : Sismique 2D : 3D : Air mag : 446 K m 2 3494 Km Forage :mtms fods (Elf Gabon opérateur) : 10470 Nombre de puits :4 Production revenant B ELF Gabon : Huile :7217 K tonnes Gaz : 86$Mrn3 Rcmier ptoducuur pCtrolier :39.6 56 de la pmduction nationale de brut Cvalc 18.2 millions de tonnes Production cumulét opérée depuis i'origine : 181 miilions de t o ~ n e s Projets en cours Explontion : Campagne sismique marine 3D : 220 Km: Puits in fil1 sur Bdistt début6 fin 96 Projet de développement des champs Coud ct Xvoccnc D i m m g e cornprcsion Centrifuge An,ouiiiflorpiik Equipements ou performances exceptfonnelles - Fang g m d fond privu en 97 - Auromîrisation. ~Clcesploirationet optiniisaion des puits en gn-lift Sur - GRM - 0 DM - B DNM et TRhf champs de .AGM GNXI I 1 I Telex : {:llh f ;( J do cr68tIon : W M l 2 l ' H d l f o r n u Juridique : S.A. Capital : I5.lNNl.ll(N) W) CFA 0810 N D m l f e de raiatm * total I1 '*iJ 1 ~;idrc$ I 1 ""'" gabonais non gab. rtriuins 1 iw OPÉRATEURPÉTROLIERAU GABC 156 509 I 1 75 "r Cmupe Royal Dutch Shell Rapanttion du capital 1 Mantant du C.A. hl I , . Gabon 1 Attique &van Eu- I W I P i n l e Gabon Prlnciprler iruritns praml4ns utilisier I Aofrrs itabllrrsmenl, .G.CMBA - TtL: 50 00 63 - LIBREvZUE :TU.: 74 01 0 1 - Fu :76.û2.34 I Nombre a0 U I N f e S I 1 1 t0UI dont '( gah~i. A m r &tabllrormnîs TPWe du p u p r KELT -GY 4 UJ LOh'DON- EyGLAiD r t r "on W. i u -a** m projets in cours IWi Jcmyn S ~ r a -0 Dirigeants d'entreprise - .................................. PrS?iiJcntdu c o n ~ if.4 M. R.4DE&I81‘;0-CO~Ic)L'ET l dm M. OT.ANDO Jean FiJ ~ l .............................................. c ............................... Dirtac., $1. SlBY Feli.1 .................................................. D u Ginènl Adjoint Adm. M. TROlJ Fnnc;oir ....................................................... D i c t u Gknl AJjoinr . $1. PAPOZ ;Michel. ...................................................................... Nombre de salarids Répartition du capital dont Total cadres gabonais 423 33 4L3 - Montant du C A ht 46.789 M.FCFA Produits fabriqués ou activités de l'entreprise n$Eiai3 1 a l - 25 9 Eui Gabonais 21.83 $?;Eh t S d & S u i o d e Gtf Aquitaine) 18.73% Fnnc3isc des pduota TOTAL^ 11.67 Sb Mobil Oil 11.39% SHEU GABON AFRlCA Lm 326% EMOFLXA SA 250% AGlP - - lnvestlssernent -Dirtctcur - - - 5.61)r tata 1 : 1.868.000.000 CFA prgvu : i.soo.ooo.oa CFA Europe Afrique Gabon Div4 I 90% I - Rafhagt de pétrole brut Fabrication 'moyenne :B u m 10 000 t/ur essence ordinaire 5 000 t super arburuit 35 000 t /an Gaz-oil 170 000 t K e w n e 95 OOQ t Fuel 130.000 t 1 an BimeISûûût - - - - Ir. - - 19.000.000 tonnes de pétrole brut gabonais traitCs de 1968 i 1991 soit une r: annuelle de 800.000tonnes . Principales matihres . premieres utlIis8es Projets en cours - Equipements ou performances exceptionnelles Sous traitance donnée - - - - - RaffÏncnc exploitée i 70 9de o capaciti Moyenne d'ige de I'tquipcmcnt 25 am PossibiIitCs de rous produits finis, &in& Unit6 équipée d'un visco-riductcur permettant h u3nsfomution de fud cn produit, Unit6 de mumage de binirne. InctaIlation Cquipic dune conduiic senvaliste. - - Marathon Petroleum Gabon LDC Marathon Petroleum Akoumba Limite. BP: 654 f i k x : 83'3 WTKFORD GO Dmta dr d t l o n : 1982 F o m jurldlqw :SA. Capihl : Q.enmprue LARSESG.O. .-....._.....--. . D b w 11 M.HAERlYG T. D-ur Y. m.-..S.-S..-.-..--... rcllvith ue I'witnpriw Wc« Africa Marketing Autm d t r b l l U O ~ n i 8 i uhl.. tahl I itdcainr dont -dm, p.-ih ph. non dwn. S m S0el.l Pl20 SHELL ... Oirigemir d'mtrrprisr Hombre de ulartms ! LI. LIP()CGHO EPIGAT ..............A. Pr& Coru.d'AJm. ........,.......... Dirrcuur Géntnl 1 51. 4PPLETT)N Chnsi .,...., ,. ...."..Directeur G='-Adj. i j kt. BOI,'ROBOL'.An;itol total 'Ont udns I 1 G~&MJ, 1 afrîdN non gab 1 non drîuins toiri : 1.300.000.000CFA privu : Montant du C A . ht DISTRIBUTEUR EXCLUSIF DES LU8RIRANTS SHELL Produits frbdques ou rctivrlea d.l'entrmprlse Diriribuiion de produits raffints sur I'tnscrnble du Gabon : carbumu. lubrifimrr, bume, binrmes. *rufatsan c w t s Continuation de la rt& en d u t cc e x m i a n du :sur tout Ic itmtoirc. In~csùuerncnudam Ic gaz iiqutdc. Equlprmmta w mrformim uœptlonnrlkr 34 srjtions-semc~srfpmiu sur I'ca~mblcdu CJ3 dipdo lubnfianrs : Libreville. Pon-Gnal. Mc-y TOTAL FINA GABO Représentation - ~ l r i g i r n id'enirrvisc l Dimcur Cenenj C F A 0 CABON Dlm-trvrhI Adjoint CFA0 ' 11 LAFARGUE P . Dimctsur AJmmisu;iiif ci financier . 11 \'ILL \ Fnynis .............. +. .... Dirtctcur Dép~icrneni automobile \1 i E BER niilippc..,..,. : U Y01 4 ? G A ......... .,..,. # ffm m'mmm L MOTORS Produha fabrlquir ou K t l v i î i r 80 l'mb.pdse Iiiipnaiion. vcnic cl m i c c aprez-tcnlc de voiture, ~mions.motcun muins. Rqrkniaiion dc nuquei . Slitsubuhi M t ~ c u nr i . - Sutuki - 1 ~vrrlisument ! - 2.000.000.000CFA total : prwu : 500.000.000 CFA Am- Clbon Montant Ou CA. hl (grou# CFA0 au lZ36i ~ ~ . ~ i t . mCFA ooo i ûivrm 100 Représentation automobile OMg-nu tanurprti* M.LE BER Philippe, M. BOL'ASGA . - -..,..- / / DCA CFAO Gabon Dirrcuur Dtprncmcnt ,M. .M&X&Sï Dutid M.SKX?04.R . . . , . . . - R)prrUtion du mprW s '"4U;I DL#ncur Wnéd CFAO Gabon PfUCEOT û k t m u C~rtun&d Produits tabfiquda ou 1 Imporuu'on - Vmtt a ttrvicc ipts mrc de voitures Eut :rt Gmup CF.40 98 4 total : IWO.WO.OM)cF.4 privu : 500.000.000 CFA Equlpnnrntr ou p.r(ormrnus oxnpilomnlirr Magasin bt p i k a de r t c h g c G a q e VL et PL .. Date de ctaaiian : 1Wicu11.i F o m jundlqw : S . A . Capital : 3SO.oiH).iMI CFA A u t m O ~ J O I I S U ~:~ U &pit~~cL\~-T 76.11.N d AIR LIQUIDE .4r~wrn uùnc : PPrr-Gnul. BP : I t l T;~: J S 3 l i Th :mj Fu: rJ.oi .ri - Oinpimi trrntiepiii. 21 HOC RI Y YE Cl~u*.-......Msulrnidu Caneil JAJm. 51 DE LA ROCHFTERIE.alan.-.....-Dirtc~curC i n e a l kt GALLO Chnziim Dircctmf . \I \il\TOCC'E Duminique .-P...Rcsp. Adm. Comptahlc . 1 i .................................. ( total %amow se w a t t e s I - R e g m ~ i ~ oau r i capital ' GABC 1 dant Cadt8S j 1 - 1 l e p l africains n a 9.b. non at"csins 1 . C~rburrclc alcrum ci j i r c n 100 % [CEE1 E n q i c clccrnque t SEEO Ptlnclgllms rnrlllrms p r a m l h s uWlr).m 3 ) . i E:JI C d b i n i t ~t SOh'.-\DICI 4f) ' 7 & i f LqutJc . '& - - I I . b c i c i c C a b ~ n r i r c J.~t!;inc c l acct?lcnc F h ~ 1f 1 ïinduunch c i m d ~ c a u i JC 'AC ae!ivi(*s da i a e n t m p r , ~ ~m i n c ~ i d ~ i 1 1 k 0111nuluam3 p i u u k ~ u h i i ~ i o~r i t n vC m * k tnatcricfr Jc w d q c . Jc mtcncl< msdicwt . P m ~ 3 ' 0 " Clxnnwrultoiirin JL mentit . ~ t i t m uI C nwH ~ QUI-^^' Produttr t m t i q ~ ou s 7 Prolets an cours i Amrli,wiii~~n Je\ ; ~ ) d i t ~ ~ rJC n sprduiitofi - SOOIM T P ap . Oirtprinil d'enirupriu ' 1 1 / -W ........................ R i s . du Cons. d'Mm. 8 0 i . 7 0 Z X E T Rokn ....................Dirmeur G C M d b1. KERASCALL thMian ...... Adrninuvru~WKp= U.THOCVESIS RicM ........ "....-..........-. Directeur Timberjacl ,hl. BRE5AC R e n i b1. BOSCH RENAULT SOGAF ~ GROUPE BOLLORE TECHNOLOGIE Société des cigarette Gabonaises tnvmrttrrrtnonta Montant au C.A. 9 iXC &KI ~ioauitsm r ~ q w sw aet,uitar da ranirrprtsr 1 . X X I . û û û Cf . m A privu : 205 000.000 CFA Clam ht 300 Cf.A toui : I 1 - Atrlqua Eutopa ûivmrr B.P. 2175 1% C i ~ x t t t e GABONAIS ~ ES^. 5 P R l h T . "ESCELLE3CE' ei 'DCMHILL'. - LIBREVILLE I Fis€: b Pter,, an cou,i Culture Ub;>i Annexe D:Seuils de pauvreté et distribution des revenus au Gabon Source: Enquête budget consommation (EBC), 1994 Les seuils de pauvreté Qu'il soir relarfou ab501u. le seuil de lu p a w r e t t se situe aur afentours de 30 O00 F K F A par rire et par moir. Seuil d e pauvrete absolue calcuk Les seuils de pauvreté absolue. B partir de la ration calorique. Les seuils de pcwreti d a t i v e sont Nalui La iechniquc habituelle: On rialise une rigression linéaire de la : uniq;temenf a purtir d u carucferitt.iqucr de ia 1 @)t e seuil de p u u v d alhentairr. disrribution d u rrvcnas (ou des coirrommatiom) Ilfiut compter ennvimn 20 000 Fpar nrok POLU calonque p d r d'une fonction de nwnu k nible) par tête, et de Ir taille du m b p e ImoC. et non c i parrir de b notion de suffuuonce. ou de nourrir nonrilemen; un individu r n o w co~verrured a buoinS de bat. II s'exprimeen Fmcs CFA par titc ct par mois ou sans la tailledu meme (modek2.J. flscomrpondentqui~~miaitmitauquintilc,et comrpond i Ia vaicur normale der besoins C+I = 1 8 946 L n ( m - 990 m. 1 1 9 9me a la demi-moyenne (Ewope), aux deux tiers de la caloriquesd'un individumoyen, -par convention64 moyenne (Afiqut). MX) calorier par mois. . Cal = 21 820 L n m 159 984 /21 ~ s e u i c n t i n d e c e ~ g u e n 0 ~ ~ u test i 1 i s ~ ~Sous irons retknv un coût moyen de 295 Les seuils de pauvreté relative 6b - Le calcul des seuils de pauvreté absolue se1011lu techniques hobituefltx Le calcul des seuils de pauvreté Définir les besoins de base Le seuil bas absolue En dehors des besoins dimentaires,il est artriOn prend un minage thioriquedont la tai: Besoins a/imentaires et non alimentaire. fl:nnt difficile d e p a i r à d C f i n i r niquanuf,a moyme (S.49membres) n lacorwmmrtion: besoins*de base. 1'esrimoiion du coi! de ta Onsépareen deux le mirement:on uouved'un partite ioutjustc égale au seuil alimentain. s ^ r / . c i i o n d u besoins alimentaires n ' u t pas dtélecrlculda besoinsalhcntaircs,deI'aumcehi Ce m&gcnevap.r c o ~ m m a ~ i e m c des besoinsnon alimentaires. ~ m p dec reproches non p l u . produitsalimenrak, il vaconsacraumpanic On conroume lu dificulre en utilisant la pan ie sail Jimcnmk,guem a v o ~ d i jabordi i consommation à d'autrt~achats. ~ c r ~ e c r ae !'alimmraiion e duas b conrommafion fournira l'cnimation du coût de l'alimcntat~on'norCnie pullgprClevér au d&entdht. bck. rnale'. \,.... .tionde sesbesoinssuimcncalhcntaif~~, a* Reste a ajouter la part du non-alimentaire. 'sid&comme~prim~tlaptlapiusmEomprr OnutilisedorsIa 1oid'Engcl. dcsbesoinsnon alimentaires. . La loi d'ENGEL: Onl'ajoute don à la valeur du seuil 11upai.i E N E L remarqua que la consad a Le seuil de pauwetd haut on obtien~teseuitbas: On definit un minage thcorique de 5,49 mtm~lirnmtationd m l a c m w d o n t o d e des r n d Pour un prix de 295F lu 1 000calories.c: zs les plus pauvres est p l u impoiuaie que la part brrr, qui consacrmit m n m c n t ason dirne~tation en de 24 53 1 Flmois. (soir du dipense It minimum alirncntaih .snsacriepar let ménages lesplus riche. alimentaires de 5 63 1 F/mou), ii établit Iamimerelationpow lcrmtrvga dc OnatMeciirrctnn~ll$p'artirdelaloi~GEL, Lesdl ainsi obtenu ainfineurauseuil; ,ande raille par n p p n a u ménagespluspciiu,2 kcdhsa~ticmtodcsorrespondante: dcat C'enlaraisonpourlaqucllconI'appelIc 'Suivanileshypothésesd'un coQtde295 F les 1 bas" (infirieur auprCcidrnt car le coeflcie 5wau dc consommationgiobale id. Larelarion mmlapauvrriéellapartcod 000 ulorier a d'un besoin siandard de 64 WO consommarions alimentaires ur we for :i'dimrntationluiniggiraque 1ecoeficieritbudgt- dories par mois, o enutilisant1'appmxirnaciundeIoi diooissmie du r m n u par téte). aire de l'alimcntation ( e r p t i i r e der a t r con~ CEPIGELpropos&, le seuil de paumté absolue serait de 30 174 F :~mmationr dont la proportion vurie nm la :onsommarion iorale) pouvait itnuti1iséccouüne (Bcroinsnon alimentaires = 30 174 18 880 soif: 11 294 F par tire et pur mois.). XIindicateurindirect du niveau de vie. - r Les indicattursprisentèsceux 1uph.r utilkk l ,?cr les organismes internationaux dam Iew op- I! :roche de la pauvreri. LEGENDE: 96 o o ~ u l aiorl; t Propodond'individus vivantdaru: des mi'nagcs situb en dasous du seuii dcpaunctc considiri. 1 !% de la population des deux villes vit cians da menagesdont le revenudisponible (uprismm/'cru par theest infirieurauseuil alimentaire. Zr! des habityiuvivcnt âansdesrninagcsaudessousdu seuil de pauvnit absolut o ~ i l h u r ) . La courbe deENGEL que nous utilisons a été estirnee ainsi: - - - w (%) = 236,27 16,22 Ln (WQ (1,165 T) 1 w P m en K de ~alimnliitim et des boisons datu ia consommation T- Taifle centmie des mbnages ici la moyenne 5.49 membres WT Revenu par [&ru Libreville & Port Gentil brcs dans Ics minages considCris. Les miaagts pauvres et extrëmerneafpauvm sont de wjIltserrsiblemeritmpérieutcalarnoycnnc (de 7'7 a 8,1 selon le seuil. la moyenne etanide 5J mcrnbresl. : C le nppon entre la différence financierminimurna rhlisupowiradiqucr!a; dunvaiudispooibtt rnoycndelapopulati0nu)ltsle Revenu_dis~onlble par tête;Rcvatu net de seuil et la valeur du seuil considm.il est de 33% tnmferts privk entre menages ( ENmble des environ. (Il/audrait un menu additionnelm y e n égaf OU I B de la v a / w du se& r r m u p w revenus +Ridesreçues Aida d o ~ i t s ) . En r n o ~ m cles , 1 1%deIa populationcomposantles atteindre ce seuil). S'il n'ya pas de diperditionni b c k rnultiplicacruimemenrpuvrtsdirposentde12372F/rnokce tcur, cet indicateur est utilisi pour mesurer I'effon qui Ics situe iris mdessowduscuilîlimtnwirc. - m i a univeaudusail a partirduquel cet indic: est calcdi. Fiveay de Cest le pmduit du population musIcscuii et du dificiirnoyni. : Ccstuniadicatcia~quetcrwitcwnplc fois de la propodon de pauvreset du dificit mc: de leun revenuspar iapponau seuil. Représentation graphique de l'établissement d e s seuils de pauvreté absolue A cote de lu courbe d'E,VGEL represenranr Ia relation enrre le coeflcitnr budgeroire de l'ulimen~orionet la consommarion rorûle. nous o v o h t / a i r / i p r e r la courbe d e vuleurs moni~uircrde f'alimen~arioncorruportdant a u coeficienrt er a f a coruommarion, Dis tribution et conce~.itrdt.o.rdes re .remJS Lrr eJieis combink d u tram/uU et de l a millefont passer 1 'indice de GlrVl ùe QS? u 1 ' 4% Les transferts entre ménages Une dis tribufion primaire des revenus La taille des ménages tres inegalliaire réduisent les inégalités et l a réduction des inegalites La aides et dons que se font la mén~gesJ ~ I C - En prenant maintenant Icrcvniu prtiic neid.. Avant tmfauprivtr, (en neretenan~quelcr rc;cirru du ouvuil. lu l o ) m et ies tmirr/crtl nuent c o ~ i d c n b i m m l'ine@jli ~ obserkedw IJ on comutc une nouvelle diminution 6. publics). le cocmcienr de GMI dipasse 0,sCC qui distributioninitiaied~~ mcn~s. la valeur du coefficient Il atteint dbormais O, df L'indice de G M p w e en cfkde O,j2 a Ol4j. ut souvtnt considéré.cumedicrivanr une réparOa amne l'approche des effets de la taille de ution tris intgdiiaire. minages sur la redistribution en utilisant cttte foi les unit& de consommation plutOt que le nombr dk membru, le coefficient descend a 0,40. Un coefficient de G N almk sur Ic revtt, iar tète ou par uniti deconsornmtion d'une MICI; pprochant 0,4 est conforme a ce qui a t o b s m 62 636 Ecan ppe 161 201 IJJ 054 lans &aucapitales Africaines (Abidjon 88). Cocd;cim de diuyriirnc Cocficent â'applariumenf CoeMcienl de GlM 1.69 2S.87 0.52 3.23 21.16 0,45 5.08 62.64 0,42 37.02 0,40 On obtiendrait wre rcla~ionsimllaireen m e ncutt non pas Ie revenu mais la consommarion. la consommarion des minugafournit un coefficien; de G M d e 0.43, et la contomma~ionpar W.C. Un coeficient riduit à 0e37. Les indicor e m d'inêgaliri ont tendance à im unpeu pl&* fiiblcs Iorsqu 'iksont calCulisnula coniommalion. que lorsqu'ilr s a n ~cdclrlis Ù podr d e rcwnw. b propouion à épargna u t plus grandl dans iw huuo revenus. ce qui a tendance . diminuer l u karts enrra k a consommations. Annexe E: Indicateurs non ménétaires de la pauvreté Sources: Banque mondiale. Alfred Mabika Mouyama 2.19 Pour bien comprendre la pauvrete. il faut aussi considerer les indicateurs autres que les indicateurs lies au revenu ou a la dépense par tëte. L'accès au.services sociaux tels que l'éducation et la santé, et les conditions de vie des mtnages (accès à l'eau potable. conditions d'habitat. etc.) constituent des indicateurs non monétaires de la pauvrcti des populations. Les chapitres 6 sur I'education et 7 sur la santC fournissent les données relatives a l'accès aux services sociaux. tandis que les indicateurs d e conditions de vie sont présentés ci-dessous". 2.20 Lin approvisionnemenr inégal en eau porable. L'accès à l'eau potabLe reste un problème crucial au Gabon,avec des conséquences graves sur la santé de la population La prévalence de maladies endémiques ou de maladies liées à la consommation ou au i contact d'eaux non traitées (telles que les bilharzioses et diarrhées) est favorisce par les conditions d'approvisionnement prtcaircs. Selon le RGP,66% de la population totale du i Gabon a accès a l'eau potable, directement dans le logement (38%), auprès d'un voisin : (2 1%) ou a la borne fontaine (7%), mais les variations régiondes sont très marquees: quand 80% des ménages de l'Estuaire et 53% de ceux de I'OgoouC Maritime ont accès à l'eau potable, dans la Nyanga et dans la Ngounii ces taux se situent en-dessous de 20%. ; De même,dans les provinces de la Ngounié, l'Ogooué Ivindo, l'Ogooué Lolo er le Woleu Ntem, trois ménages sur cinq utilisent encore l'eau des rivières et des lacs. 1 1 2.2 1 Précarité des logements er statut d'occupation. D'une manière générale, le recensement montre l'importance de l'habitat de construction légère (en planche . . . -essentiellement); 46% des minages occupent des logements de ce type, 25% des . logements de trpe semi-dur. et 27% des logements de type dur ou moderne. Les vanations régionales sont importantes: dans l'Ogooué maritime, 32% des ménages sont logés dans des constructions légères. alors que dans I'Ogoout Lolo la proportion atteint 76%. Les mtnages logés dans des constmctions temporaires (7% au total) sont sunout nombreux dans la Nyanga (25%) et la Ngounie ( 1 5%). D'après les résultats de I'EBC. plus de la moitié de la population de Libreville et un peu plus d'un tien de celle de PortGentil occuperaient des logements de type moderne". * . p . P . 2.22 Les d' .Zrences régionales sont également assez marquees en cc qui concerne le statut d'occupation des logements: les ménages locataires sont évidemment plus nombreux dans les dew provinces "urbaines" de l'Estuaire (Libreville) et de 1'0po0uC MMtime (PonGentil), ob 49 et 44% des ménaees sont locataires de leur logement ( E n a d r i 2. 2). Trois autres provinces comptent 10 a 15% de ménages locataires. Le reste des provinces compte plus de 70% de minages propriétaires de leur logement. En milieu mal. la plupm des rntnages sont proprielaires ou loges gratuitement. Les conditions de logement en milieu urbain . h précarifi du logement et I'iniicuricé qui !'accompagne Mn1 lei prtncipslci c o n l r ~ i n r ociiecs p u les p m o n n a ntcnopits I o n de I'EPP (environ 80% des rcponscs). A Libreville. comme dans les villes secondaira. ics logcmmis pauvres sont gintnlcrneni consuuits cn mattriaux prtcaires. plrnchcs. contre-pfaquèr toles qui Iaiueni d m la dupan des CS passer la pluie. Cemains ont essaye de construire cn maltriaux dunbles mais le baiiment est louveni u i t inachcvé il a suiic de la pene des sources de revenus. D'autres occupent u n logcmcnt en dur Iaissc p u d a mmis depuis plusicun d c c m n i u cl jamais entretenu fausuie dc moyens. En milieu n i d le coiit des maitriaux mpond cri pr&ibitifpour lu villageois. Ilest diflicilc de construire une habitation conmc m matcriaux locaux quand on n'a pas !e tronçonneuse pour abattre les ubrcr. ct aussi quand. selon Ics pemnna intcnogée* il devient de JIUS cn plus d i l l i ~;c de trouver de la paille pour Ic toit. En gtntral. ccs c~nstnictionsrèsistent mal aux intmipcrie% et ne proiégenr p u contre In vols. Dans la q u u i i m denses de Libreville. le3 incendies peuvent tourner a la catastrophe fi p m j ~ ~ l iqe l ~ I*(uI~ d~dla voirje ne penne[ pas I'accb dcs s m i c u dc x c o u n . II existe une ddc a u sini[inondations. inccndie) adrninis~ecpar Ic Bureau des A i d a et Sccoun du Minisière des Allaires Sociales. mais en mendant que SC %unisseIr Commission Annuelle pour l'examen d a dossim il faut uouver un l o g m m t temporaire DU SC cantonner dans lu parties de la maison qui ont d i n i au sinistre. Le müt du loyer. Pour les uis pruvrs. e u x qui n'ont pas h chance d'avoir htrité la maison de leurs puau ou d'occuper un logement ippmmuii I un parent rbidant ailleurs la situation dc locataire CS bien riir Ir plus redoutable Ccruins oni des yri&és de p l u s i w n mois et se voient menacb par leur propriétaire. Compte tenu de la prtcuiii du bkimeni ou de I'cxiguW du logment. le montant du loyer u t juge excessir p u l u locaoircr dans ta apiulc comme dans In centres secondaires (juqu'i 15.000 FCFNmois pour une seule pikc cn plancha h Minvoul. 20.000 FCFA une sculc pièce en dur a Librevillc). Source: EPP. jc:? I395. . Eaubernent sanitaire. La majorité des minages (76%) utiliseraient des latrines, mais les proponions varien1 de 63% dans le Haut Ogooué à 95% dans l'Ogooué Lob. Le recensement ne fournit pas d'informations sur la qualité des latrines utilisées ou sur la fiabilité de l'information. On peut noter par ailleun que dans trois provinces (celles ou se situent les trois plus grandes villes du pays) un peu plus de 20% des menages utilisent des 2.23 toilettes à chasse d'eau une proportion inférieure a celle des logements en dur (27% pour 1'ensembIe du pays). Une enquête effectuée en 1993 par le Ministêre de la Sanré Publique et de la Population a situe a 49,7% le pourcentage des ménages qui évacuaient correctement les ordures. 2.24 Le pétrole et le bois, principales sources d 'énergie. Le Gabon est un pays riche en bois et en pétrole, et, de ce point de vue, les mènages gabonais sont relativement mieux lotis que ceux des autres pays de la région. La source principale d'éclairage est l'électricité (60% des ménages). suivie du pétrole (34%). Les variations régionales sont irnponantes. avec 84% des ménages utilisant I'élecuiciié dans l'Estuaire, contre 1 6% dans I'Ogooue Ivindo. D'après I'EBC. la situation entre les deux villes principales du pays est sensiblcment comparable: 49% des ménages de la capitale et 58% des ménages de Port Gentil ont un compteur personnel. Au total, respectivement 95 et 85% des ménages des dcw. villes ont accès à I'électriciti, que ce soit par compteur individuel, ou par l'intermédiaire du propriétaire de leur habitation ou de leur voisin. 1.25 L e gaz est le combustible le plus utilist pour la cuisine (52% des minages) suivi du bois (39%). Mais les disparités régionales sont, encore une fois, tres importantes: à I'excepiion des provinces où les ménages utilisent essentiellement le gaz (l'Estuaire 75%. I'Ogooui maritime : 78%. le Haut Ogooué : 47% et le Moyen Ogooue : jj%),plus de 80% des ménages cuisinent encore au bois dans le reste du pays I 1 ' 2.26 L'évaluation de la pauvreté qui précède s'appuie sur une analyse des donnees quantitatives du phénomène. Il est aussi intéressant de c o ~ a i t r edirectement le point de vue des populations concernée^'^. pour cela, une enquête participative sur la pauvreté (EPP)a Cté conduite en juin 1 9 9 ~ ' ~Cette . enquête, mente en milieu urbain et ml,a consisté a demander à des groupes pauvres de citer les principaux problèmes rencontrés dans leur vie (Tableau 2 . 5 et Graphes 2.1,2.2, et 2.3), d'en analyser les causes, et de proposer des solutions2'. Les résultats ont permis d' identifier les besoins prioritaires suivant le milieu géographique, et ils font rcssonir des situations très diffCrentes entre .-. . villages, centres secondaires et Librevlllc. mésentente 0 inondations logement, - - a - Source: EPP. Juin 1995 2.30 Priorités. La dispersion des réponses rend difficile la démarcation entre première et seconde piorités, mais elle confirmel ' i m p o ~ c edes besoins en eau, électricité et voie de dessene du qumier. L'accès a la tante est ciasse comme première priorité par 28% des personnes intenogées et celui à l'éducation comme seconde priorité par 22%. 1. Quaniers sous-in tégrés de Libreville 2.3 1 A Libreville. ou existent des infrastructures sanitaires fonctionnelles, la santi reste un probléme pour 36% des personnes interrogées dans les quartiers sous-integrts de la capitale. Mais sunout. les habitants des quanien sous-intégrés - ou "matiris" -dénoncent I'insaiubritC de leur cadre de vie (66% des penomes). Toutefois. cette situation. tout comme le mauvais Ctar ou l'abscncc de voies de desserte (55% des . . personnes se plaignent de l'enclavement de leur quartier), et une situation d'insécuntë croissante avec l0augmentationdu chômage (44% des personnes), touchent aussi bien les mu\:-:; que les classes relativement aisees habitant dans ces quartiers. Par contre, les problèmes d'approvisionnemmt en eau (selon 40% des penonnes) concernent essentiellement les plus pauvres; ceux-ci en effet n'ont pas les moyens d'obtenir un branchement et, en raison du manque de bornes fontaine,dépendent souvent de voisins qui leur distribuent de l'eau à des prix Cleves. Graphe 2.3: Problèmes des quartiers sous-intégrés marche hausse prix 2.32 Priorités. Respectivement 40% et 34% des personnes interrogées classent l'enclavement des quanien et l'insalubriti comme premier et second problème prioritaire. Le problème de I'insécurité est citè au troisième rang par 15%. 11 faut noter i; que 1'approvision.nement en eau et la sante sont aussi des problèmes importants puisque respectivement 13?4 et 1 1% les ont classés comme premier besoin priori taire. I l : M~lyrCles sommes r n y q t r s dans Is sant2 CI I'cnisicnu: dc csntrcs hocpiulisn dans la capit~lz.l'sspénnçe de vic au Gabon n'ssi quc Ji: 53 Jns cn moyenne. Dc nombreuses maladies doivent encore être combmues. tel le paludisme. A l'intérieur du pays. même quand u n ccnue hospitalier existe. il n'estpas dot&de tous les serdice'set est dtpourvu du personnel et du minimum vital. i i 1 Le aux d'accroissement de la population qui est assez hible souffre de cette situation. Mèrne si le taux de natalit6 est élevé, la mortalité infantile est de l'ordre de 96 900 et celle des enfants de moins de cinq ans de 150 460. l Ces taux, meilleurs que ceux d'il y a quelques annCes. monvent bien qu'il y a cnçorc il fairc. Dcs résoliats plus saiishisanis pcuvcnt Çirc cnçorc recherchés. Cet impératif s'impose pour toute politique qui pounuit un divcloppement du bien-être des populations. Néanmoins.le recul de certaines maladies ne pourra Eue effectif qu'avec ! l'adjonction aux programmes de sant6 curative, d'un programme de développement d'hygiéne, d'éducation sanitaire. mais aussi cn dotauon d'infrasuucturcs et d'actions ddpassant largement le cadre du budget de la sant6 publique : distribution de I'eau par cxcmple, ramassage des ordures. assainissement de zones insalubres. Ainsi que le note une ttude rédisCe par le Ministère de la Planification. si 1' infrastructure sanitaire s'est nettement améliorée quantitativemenc ce -- dtveloppernent a sunout btntficib la médecine curative,avec 1' accroissement du nombre des grands hôpitaux : 16 en 1982:33 en 1990 (y compris les hôpitaux des grandes endémies). A contrario, les dispensaires ainsi que les t centres mtdicaux et sociaux, qui rcprésentcat la base pour I'actioa de la mCdecine primaire. ont vu leur nombre ne pas progresser sensiblement depuis i , dix ans environ (406 en 1990 contre 381 en 1982). 1 Ccitc Cuide poursuit quc, même si quantitativemeni le nombre des hôpiisux a augmcnté. leur Ctat s'est constamment dCgradC : vCtusti des i installations, manque total d'entretien. en panicukr l'intérieur du pays. . Cette situation est duc prinçipdemcni la pan dc plus cn plus réduite dans la budgets successifs. des montanu alloués 1 l'entretien, mais aussi h la faiblesse de I'organisation et de la prtvision dans ce domaine de l'enuetien au niveau du ministère de la SantC. On peut alon tout de suite rappeler le montant des investissements publics dans le domaine de la santé depuis 1980 : 45 milliards de F.CFA contre près de 2.122 milliards de F.CFA d'investissemeni publics totaux. A tiue de comparaison. pour la même période. les investissements conwcrés i 11 dCfcnse nationale ont CtC prés de 5 fois supdrieun ceux de Ia santd. N.ldmnoins. Ics résdiarc; de ces comparaisons doivent Cire nuancés par Ie hi; qui: I' Eiat J sous-toité et subventionné une partie dc son intcwention dans la sanie. 3 1) Caissc Nationale dc Sèçuriti Sociale. qui est sortie de son r31e de proiccriun sociale cn assurant dircstsnicnt tcs soins 3 partir dcs hùpii;iux ct des centres m&dic;iux. I ! j ' . La protection 1.2 sociale La protection sociale est assurée par dcux organismes : - - LI Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNSS)pour le secteur privé. La Caisse Nationale de Garantie Sociale (CNGS) pour les indigents. Ics agents contractuels de t'Eut et les travaiileun indépendants. II faut noter que les agents de I'Etat ne sont couvem p u aucune de ces dcux caisses et que la prise en charge des risques est assurée par I'agent luimême ou par le budget de l'Eut. Les politiques d'investissement choisies par Ir CNSS. l'absence de gestion des moyens matériels ou humains, principalement dans les Ciablissernents de soins. ont entrain6 des pcnes d'exploitation qui mettent en -.. m. péril la mission de protection sociale de cet organisme. - La parc des cotisations, tant salariale que patronale, pourtant élevCe et mponsable en partie du foncoOt des facteurs. ne suffitpas au remboursement des pmtations médicales. Le salarie, dans la plupan des cas. s'adresse alon son employeur qui doit couvrir les frais engagés par le salari&.La charge est ainsi doublc p u r l'cntrcprisc ct un dcs rCncxcs pour cclle-ci cst de suspcndrc Ic paicincni h la CNSS, aggravant ainsi sa situation financière. 13 L'éducation 1 Le pamdoxe est aussi Cvident ici que dans le secteur de la sont& quand : on imagine que 1'Etat y investi directement 125 milliards de F.CFA au cours des dix derniéru années pour une population d'un million d'habitants. Le budget 1994 y consacre encore 11,30 % des dtpenses d'investissement estimées il 150 milliards de F.CFA. Les bourses représentent 11 mithrds de FCFA et les salaires drttinh aux enseignants 38 milliards soit 23.4 % des salaircs tul;iux dc II Fonction publique. 1 I l Cet effort a c e n u poné sur l'enseignement avec I'accroissement des effectifs. ; 1 1 I I - nombre d'adolescents quittent le système Cducatif sans aucune formation propre A leur m u r e r minimum l d'orientation dans l'appareil de production; Cet eïfon quantitatif s'est hilas tnduit par une efficacité qualitative médiocre e t dicroisssntc. L'échec scolaire est une dgle dominante avec quatre conséquences : un très &vC un - - ie coût de I'éILve diplômé apparaii exorbiuni: 1 1 l'àge moyen des Clèves est extrêmement ClevL; Ia formaiion dispcnske nc ripond pas encore aux besoins de I'iconomic. trop largement couverts aux nivcaux administratifs, ncticmtnt nid assurés aux niveaux intcrrnidiaircs ci techniques. L C ~W L ~ ~ I C~ I U ue X 4 cuuçarion oc I YI)> wmcm lnls cn CvIuencc ICS causes profondes de la crise du systérne éducatif. dors caracterisé par une perte dc qualité. Les développements des crises scolnircs. à travers Ics gréves. traduisent I'mpIeur du mal. désonnais ttendu aux moyens (classes. équipements. rémunérations) . .-_m_ai.__--s aussi 13qualité des maîtres (contenu des programmes. dCveloppernent des filitres). Ils renvoient plus largement i la nicessitCd'une réforme smcturelle qui permette l'épanouissement authentique de lajeunesse gabonnisc ct la rclève dc I'cxpatriation par une rneillcurc adéquation du système de formation aux besoins du sysdme de production. Malgré le niveau élevé du revenu par habitant au Gabon. I'anaIphabCtisme affecte encorc 50 % dc la population. Le taux de scolarisation primaire est de 60 % seulement,et le taux d'abandon scolaire de 40 %. L'éducation est devenue le secteur de prCdilection de toutes les critiques. Les partis politiques en ont fait leur &&me favori et rassembleur stigmatiser l'imperitie du gouvernement. Un effon a Cté fait pour rédu taux d'occupation des salles de classes. NCanmoins. on rencontre encore des classes de 80 élèves. II n'est pas surprenant dans ce cas d'enregistrer des taux de redoublement de l'ordre de 30 %. Comme on le verra plus loin, l'instauration d'une politique de relance économique décentralisée paraît alon une des solutions A la planification dans le secteur de i'éducation. L'énergie e t l'eau 1.4 La disposition de ID6nergicet de I'eau constitue un des facteurs-clés du dtveloppement tconomique comme du bien-être social. L 'énergie A l'origine fondCe sur I'exploitation de petits systèmes thermiques alimentant des réseaux strictement locaux. la politique de développement du secteur a visé deux objectifs : - utiliser au mieux l'immense potentiel hydroélectrique du pays et par 12. abaisser les coGu de l'énergie; favoriser la diffusion de l'énergie Clectrique sur l'ensemble du territoire. Effectivement mise en oeuvre travers la rCalisation des bmages d e KinguCIC, Tchimbélt et Petit Poubaa (Bongolo vient d'être mis en service). la prtiductioo a pu ainsi croître dc façon cxtri!mcment fortc (de 20 millions GWH en 1960 i 945 millions GWH en 1992). alors que le nombre de raccotdemenls progressait tout autant (de 4.300 i83.830 depuis 1960). Toutefois. l'élecrricit~n'est pas 1 la portée de tous les citoyens. 1 ' ' La production d@éleciriciiia &è obtenuc h un co0t qui reste élevC tant pour les ménages que pour les enueprises. En ouire. la volonté d'étendre progressivement les réseaux l'ensemble du terriioire s'appuie sur un systérne dc péréquation. mis en place des novembre 1963 et alimenté par un préIéLcrneni sur les ventes d'électricité dans les grands centres urbains. Ceci se traduit donc paradoxalement par une wrification plus ilevCe h Libreville que dans les petits centres de l'inttricur. L'eau La production d'eau a progressé de 2.1 millions de ml en 1960 B 35 millions de m3en 1992. le nombre de points de livraison Cianr multiplie5 par vingr sur la mime période. Parallèlement, un programme d'hydraulique villageoise a permis d'exécuter des forages dans plusieurs villages. , Le rtseau de distribution d'eau fonctionne avec rCgularitC. compte tenu de la taille des populations concemécs. Ntanmoins, l a difficultés de la SEEG font peser un risque certain quant la pérennitt de cet acquis social essentiel. L'eau potable manque encore cependant A bon nombre de Gabonais. 1.5 L'habitat et l'urbanisme Lorsque I'adminisuation française céde la place l'administration gabonaise, la population encore stdentaire ne connaît pas d'exode nird massif. Les grands cenues adminisuatifs sont dotCs de structures iégéres, autour desquelles de petites agglomCrations nt posent pas outre mesure de probléme aux responsables politiques. Le dCveloppement Cconomiquc cenu6 sur Libreville et Port-Gentil entraînera. vers les anntes 60,un afflux de populations vers ces villes dont 1' expansion va dCpasser la capacitt d' organisation des services cadastraux. Cette situation s'est trouvCe aggravCe par l'importance de la population irnmigrCe rcpr6sentant jusqu'h 22 96 de la population totale dans certaines zones. Dans I'Ctudc ponant sur cinq qunrticrs dc Librcvillc. on mcntionnc quc l'habitat a Libreville (350.000habitants) demeure ? plus i de 60 % sousintégré. c'est-A-dire ne disposant pas de voie d'accès. inorganisé et souséquipé. Il est gtntralcmcni occupé illégalement*avec de très fortes densités atteignantjusqu.8 305 habitanis il'hcctrirc sur des versants de collineou dans des bas-fonds marécageux. Sans aucun doute. les causes d'un Cchec de la politique de logement sont l'inorganisaiion des services. 1'insuffisancc des moyens financien et le coPt des facteurs de production. Les voix qui se sont élevées pour une rmélioration du logement n'ont eu de nison jusqu'alors que de soutenir une clientéie populiste qui. demain. rfclamcrn dcs moyens appropribs visani B mcttre fin 3 ccuc situation. Lc probl2itiç dc fond n'a pas eticorc trouvé dc w l u i i i m maigre l'cfrort déji cntrcpris dans la construction Je quelques nouveaux quartiers et 13 mise en pluçc dcs siruçturcs icchniqucs : Crédit Foncier du Gabon. Fonds National dc l'Habitat. 11 faut encore au moins 1 .O00logcrnenrs par an à Libreville en moyenne. Lc coût du logement est encore ClevC et le financement n'est pas assuré. L'urbanisation nécessite I'ouverturc des voies dans les principales villes. ' 1 1 Les investissementscons;icris h l'habitat cr à l'urbanisme en 1992 n'ont i été que de 177 millions de F.CFA. soit prés de 0.2 4b du budget i d' investissement. 1 I Les crédits ouvem en 1994 nc sont que de 890 millions. La Banque Mondiale notait a ce sujet dans un rapport : n S'agissant d'un sous-secteur prioritaire pour l'amélioration des conditions de vie de la population. on peut se demander si cc faible volume d'investissement est le résultat d'un choix délibért evou le reflet d'une insuffisance de projets prtparés dans ces secteurs W . Ce rapport recommande un ajustement vers le haut dans les prochaiiics aimf CS. Les problèmes de l'habitat sont donc la consCquence de l'intensification de l'exode rural et du dtstquilibre de développement entre les rtgions. La population de Libreville qui a plus que doublC au cours des trois dernières décennies a contraint les auto ritCs il entreprendre des programmes d'assainissement ei d'urbanisation naguhre suspendus faute de financements et d'organisation. La f a ~ a d maritime e de Librcviilc contraste fort avec les grands quartiers populaires, véritables bidonvilles où le vacarme musical et l'insalubrité provoquent, entre autres, maladies et perturbations psychologiques et socioculturelles. La circulation normale l'intérieur de ces quanien est presque interdite et les inondations répCt6es thoignent -.-du manque d'assainissement -- --.-. Le defaut de voies de circuIation travers lu quaniers populaires des grandes agglomérations s'ajoute aux difficultés de liaisonsconvenables entre , 1.6 . Les transports et le réseau routier Tout nouvel Etnt soucieux de développer les potcniiels du pays et d e rapprocher Ics hornrncs se doit dc construire u n systémc de mnspon.Dans le ! cas du Gabon. même si tous les modes de tnnspon ont fait l'objet d'eff~ns: non négligeablcs. il apparaît quc IC choix majeur s'est poni ués npidement sur le chcmin dc fcr. h In fois cornmc modc Cconomiqi~cen tant qiic tel. et cornmc iiistm mçnc Sundmcntïl dc la swctumtion d e I'éconornic du pays. Lcr cyctr'incs Jc rr~nsport.dtivelopp2s sur 13 base de ces i n f r x m c t u r e ~ . rcpoteni cssriitidlemcnt sur des enucprisrs du sccieur parapublic. Lcc diffiçuliés de crc dernières mettent en péril 1 1 fonction sociale du droit au déplacement. compte tenu des wrifications très élevées et des dessertes peu dbveloppées. ! Ce risque. très réel. puisque sanctionné h Libreville par la disparition de SOTRAVIL (société de transport urbain). pourrait se induire par une regression du niveau du bien-être général. Lcs cr;tnsportciirï prives (6tr:irlgcrs pour I;I plup;in) nsstircnt nsscz bicn la relève. Alais le prix du irajct fixé il 100 F.CFA qui n'a guére varié depuis vingt-cinq ans est cn réalité qunue i cinq fois plus élevé, la notion de trajet n'ayant pas été définie. Le réseau routier Le riseau routier, long de 2.000 kilomètres. s' est largement dtgradC. et rnCrite d'être bati durablement et progressivement pour limiter le désinvestissement pennancnb alors que le secteur des infrastructures a absorbC près de 800 milliards de F.CFA ces dix derniéres annçes. La route pourrait contribuer au dCveloppement des regions notamment en matière d'agriculture, par un retour de ceux que la ville a attirés et qui y m e n t sans travail. Le commerce interprovincial s*accélérerait. laissant au passage -l 9 e s s n ? h vie dans les villagu. -- D'oh l'urgence de mettre en place une politique de communication qui relie les hommes m u e eux et qui permette tous les courants d'échange I'inidneur du pays. 1.7 L'environnement Compte tenu de la taille du pays et du caracttre relativement clainemC dc La population, In nécessité d'élaborer c i d'appliquer une politique de l'cnvironncment s'est fait trés peu sentir au Gabon, en dehors des préoccupations Lites au concept de rCserves naturelles de hune. Depuis quelques années et devant les ddgradations causées ailleurs qu'au Gabon.a la foré[tropicale humide, les autorités se sont progressivement inquittirs de la question. Le risque de voir la forêt gabonaise sérieusement menack existe 2 long terme. Des précautions apparaissent nécessaires. A la fois ii la périphérie des zones protégées c i dans les zones de plus fort peuplement. pour orienter 1. activi~iagricole tradi tionnelle (aujourd'hui sur brûlis) pntiquéc par les fcmrnes vers une nctiviti plus moderne. niveau de l'exploitation forestiére elle-même. une politique de re forestation. ntgligk depuis plusieurs années. devrait Sue rcactivte. tandis quc SC pose la qiicstion d'une mcillcurc vdorisation des coupes. le taux dc rciidrmcnt c f f c ~ i i fi i m i ués faible (dc JO Oc pour I ' O z i g ~3 57 W pour Au ['Okoumé). Y Lc Gabon. avec I'3pptii dc II B:inqiic mondialci. ~ppliqucaiijourd'hui un rr,.:~ zn Jcfi.Un e 9cmi( ci,nqlcnt decodrbkrbde & d p k r I 1 1 1 +