1 - Bibliothèque et Archives Canada

publicité
INFORMATION TO USERS
This manuscript has been reproduced from the microfilm master. UMI films the
text directly from the original or copy submitted.
Thus, some thesis and
dissertation copies are in typewriter face, while others may be from any type of
computer printer.
The quality of this reproduction is dependent upon the quality of the copy
submitted. Broken or indistinct print, colored or poor quality illustrations and
photographs, print bleedthrough, substandard margins, and improper alignment
can adversely affect reproduction.
In the unlikely event that the author did not send UMI a cornpiete manuscript and
there are missing pages, these will be noted. Also, if unauthorized copyright
material had to be removed, a note will indicate the deletion.
Oversize materials (eg., maps, drawings, charts) are reproduced by sedioning
the original, beginning at the upper left-hand corner and wntinuing from left to
right in equal sections with small overlaps. Each original is also photographed in
one exposure and is inciuded in reduced f o m at the back of the book.
Photographs included in the original manuscript have been reproduced
xerographically in this copy. Higher quality 6" x 9" black and white photographic
prints are available for any photographs or illustrations appearing in this copy for
an additional charge. Contact UMI directly to order.
Bell & Howell Information and Leaming
300 North Zeeb Road, Ann Arbor, MI 48106-1346 USA
800-521-0600
JEAN-PIERRE NDONG OWONO
LE CAPITAL INTERNATIONAL ET LES INÉGALITÉS SOCIOECONOMIQUES DANS L'ESSOR DE L'INFORMEL URBAIN AU GABON
Thèse
présentée
a la Faculté des études supérieures
de l'université Laval
pour l'obtention
du grade de Philosophiae Doctor (Ph.D.)
Département de Sociologie
FACULTE DES SCIENCES SOCIALES
LNVERSITÉ LAVAL
Q&BEC
Q Jean-Pierre Ndong Owono, 1999
(91
of Canada
National Library
Bibliothèque nationale
du Canada
Acquisitions and
Bibliogaphic Services
Acquisitions et
semices bibliographiques
395 Wellington Street
Ottawa ON K 1A ON4
Canada
395, rue Wellington
Ottawa ON K1A ON4
Canada
Yout A
k Votre relerence
Our #i
Notre
&relorence
The author has granted a nonexclusive licence ailowing the
National Library of Canada to
reproduce, loan, distribute or seil
copies of this thesis in microfonn,
paper or electronic formats.
L'auteur a accordé une licence non
exclusive permettant à la
Bibliothèque nationale du Canada de
reproduire, prêter, distribuer ou
vendre des copies de cette thèse sous
la forme de microfiche/film, de
reproduction sur papier ou sur format
électronique.
The author retains ownership of the
copyright in this thesis. Neither the
thesis nor substantial extracts fiom it
may be printed or otherwise
reproduced without the author's
permission.
L'auteur conserve la propriété du
droit d'auteur qui protège cette thèse.
Ni la thèse ni des extraits substantiels
de celle-ci ne doivent être imprimés
ou autrement reproduits sans son
autorisation.
L'impasse du développement dans ie Tiers-monde ne serait-elle pas une conséquence
logique du procès d'industrialisation tel qu'ii a e t i amorcé dans ces pays ? La problématique
du développement des activités informeiies au Gabon permet d'interroger les modalitk
d'insertion du pays dans l'économie madiale et la gestion de l'État Dans cene optique,
l'analyse des causes de l'infoxmel renvoie, d'une part, à la divergence d'intérêts entre les
entreprises m u l ~ o n a l e set 1 û pays sousdéveloppés; et d'autre part, a i'amissement
des inégalités de répartition des ressources en faveur des minorités dirigeantes a au détriment
de la majorité des populations. L'essor des activités informeiies au Gabon ne Seraitde pas la
résultante d'une économie exmaive vouée à l'exportation et qui trouve ses limites dans une
faible capacité de création d'emplois ? La pauvreté persistante,
a8gravée
par la crise
économique que vit le pays depuis le rnüieu des années 1980, sollicite égaiema la réflexion
sur t'accroissement des
d ' M q u e noire.
(t
stratégies de a m i e informelies » dans le pays le plus riche
La présente étude a une base théorique, dont le but est de saisir les fondements
de l'informel urbain au Gabon. Les théones sur ce rhème évoquent principalement l
a
dinicultés inhérentes au processus de modernisaOon des sociétks sous-développées.
L'analyse économique examine, avec les thèses & la transition, les difncultés
d'insertion dans le salariat moderne des migrants urbains. L'approche sectorielle
souligne la formation, dans les économies sousdéveloppées, de deux secteurs
d'activités distincts: le formel et l'informel. Le premier procède d'une gestion
rationnelle de l'économie, alors que second se caractérise par l'inorganisation, voire
I'illégaiiîé. Une dichotornisation & l'économie remise en cause par I'approche
systémique, qui voit dans I'idonnel une forme de production soumise au capital qui la
contrôle.
L'impasse des analyses économiques déplace le champ de la réflexion sur
I'infomel. Elle s'élabore d t e dans le champ socio-culturel, dont les développements
mettent de l'avant la marginalité et la pauvreté, avant d'interpréter l'informel comme la
misance d'une voie originale de développement. L'on souligne alors le rejet de l'Homo
~ec~nomicus
occidentai, par
un réenchâssement dans le
tout
social de I'économie
dominante. Sur le plan conceptuel, l'analyse de l'infomel urbain pose désormais une
scigaae de totalité que reprennent les analyses politiques. Ici, c'est l'État qui est
interrogé dans sa fonction de régulation des activités socio-économiques. Un premier
courant fustige l'incapacité fonctionnelle des États du Tien-monde à assurer les
équilibres économiques, ouvrant ainsi la voie au développement d'activités hors de son
cormôle. Le second courant inverse cene vision, et désigne l'omnipfésence
contraignante de la réglementation étatique dans la sphère économique, comme la
principale cause de l'informel urbain.
Cette étude a une perspective plus globale. Elle replace le débat sur les
fondements de I'idonnalid dans la mondialisation de l'économie, la répartition des
activités productives étaùlie par la division internationale du =va&
et surtout,
ses
effets sur la gestion de l'État gabonais en l'occurence. En ce sens, l'essor des activités
SormeUes procède d'une double logique: l'incapacité d'une h n o m i e extravertie et
spécialisée dans l'exportation des matières premières a subvenir aw besoins de ses
populations par la création d'emplois sables, d'une part; le renforcement des inégaltés
socioiconomiques et l'accés de plus en plus limité au bien*
pour me gmde parrie
de la population gabonaise.
En définitive, la problématique de l ' i n f o d t é au Gabon permet &
requestiomer les institutions & régulation & la société gabonaise, autant que les
modalités de son *insertiondans le village planétaire.
-
AVANT PROPOS
La rédaction d'une thèse est une longue quête pendant laquelle le chercheur sollicite
diverses contributions. Sur le plan académique, je remercie monsieur H e ~ q u eURBANO
qui a dirigé cene thèse, madame Nicole GAGNON pour son précieux travail de prélecture,
les enseignants du Département de Sociologie de l'université Laval et de l'université de
Libreville, ainsi que tous ceux qui ont contribué à ma formation. Merci.
J'ai également bénéficié d'une bourse durant la majeure partie de ce programme
d'études dotorales. Puisse le contribuable Gabonais trouver dans ce mvail à la fois un
heureux aboutissement à son dur labeur et l'expression de notre obligation.
A mon épouse Sylvie BIDJANG, je dis toute ma gratitude pour l'affection dont elle
m tentoure. le soutien et l'éducation de nos enfants. Merci.
pour
A ma famille, la reconnaissance éternelle pour cette vie que je partage avec vous et
l'espoir ... A Dieudonné, Jean-Jacques, Jonas, Cendrilène, Willy, La fifi, La Puce.
Marie-Sylvie, Désiré, Michel, Zeph., Dominique, JeanMarc, Isabelle, Johan Fabienne,
Biby, Ninon. Yves, Joëlle, Patricia, Hilaire, Alain, Sylvie, Alexis, Tantine Justine, Axmeile...
a Papa, Maman. Marika Yasmina et Jacques Didier
* . .
II1.1.1. Une urbanisation inégale......................................................................
53
III.1.2. Des disparités urbaines am activités infornielles.............................. .5 8
*
III.2. Le (( Sur-Etat »............................................................................................ 61
111.3. Le (( Sous-Etat »..................,...........................................................4.... ..65
#
DEUXIÈME PARTTE: Cadre théorique de l'étude............................................. 69
CHAPITRE IV:Cadre conceptuel et méthodologique.......................................-74
IV.1. Problématique...................
.
......................................................................76
.
N.1.1. De la modermte.................................................................................... 84
IV.1.2. De I'urbanisation.................................................................................
86
IV.1.3. De la rationalité............,
.....................................................................91
TV .1.4. De la division du travail......................................................................$93
N . 2 . Le modèle d'analyse .................................................................................
-98
CHAPITRE V: Conceptions de l'informel: la situation au Gabon....................103
V. 1. Le dualisme mditi~n~modernité
.................................................................104
V.3. Le dualisme formel-informel....................................................................... 106
V.3. Le secteur informel au Gabon.................................................................... 1 10
V.4. L 'infonnel socio-culturel.........................................................................1 21
1 27
V.5. Les approches actuelles de I'infonnel.......................................................
V.6. Définitions de l'informel ........................................................................1
34
TROISIÈME PARTIE: Les fondements stmcturels de l'informel
urbain au Gabon...........................................................
146
CHAPITRE VI: Capitalisme international et blocage structurel.......................149
VI.1. La place du Gabon dans le SEM...........................................................
152
VI.2. Pétrole et mines: l'économie artificielle...............................................155
VI.3 .L'échelle des aptitudes du SEM................................................. 160
VI.4. Le capital international dans l'économie gabonaise.............
.
.............i65
CHAPITRE W: in état gabonais et le développement
de l'informel urbain...............................................................
174
.
.
.................................................
180
W.1. La gestion de 1'Etat ........................
I
VII.2. La classe politique...................... .............................................................185
.
.
....................................................................1 9 2
W.3. La paumeté............
VII.3.1.Les mesures de la pauvreté............................................................
196
VII.3.2. Les indicateurs de la pauvreté...................................................... 198
CONCLUSION GENERALE....................................................................................204
#
BIBLIOGRAPHIE.......................................................................................... 215
ANNEXE A: Présentation du Gabon et situation
de l'informel urbain.....................................................................
231
ANNEXE B:Fiche circuit pour l'obtention d'un aggrément............................ 262
.
ANNEXE C:Liste non exhautive des EMN au Gabon.................. .
...........*265
ANNEXE D:Seuils de pauvreté et distribution des revenus............................275
ANNEXE E: Indicateurs non monétaires de la pauvreté...................................281
Liste des Tableaux
Tableau 1: Appelations de l'informel dans l'analyse trisectorielle......................22
Tableau 2: Population active par sexe et par âge.......................................... 1 1 5
Tableau 3: Distribution des revenus par groupe socio-économique..................117
.
.
Tableau 4: Personnes sans emplois en 1989....................................................1 8
Tableau 5: ERectifs des emplois en entreprise........................................... 1
56
Tableau 6: Aptitudes dans les principales activités...........................................162
Tableau 7: Aptitudes dans les activités les moins nobles.................................. 162
.
Tableau 8: Evolution du taux d'investissement .................................................166
Tableau 9: Flux d'investissement par secteurs d'activité ...............................1 6 6
Tableau 10: Répartition du capital dans les sociétés minières et pétrolières.....170
Tableau 1 1: Part du revenu des facteurs dans le PIB du Gabon, 1981 1994.....194
O
Tableau 12: Les liaisons sectorielles au Gabon (198 1.1989)............................. 195
Tableau 13 : Inégalités, pauvreté et bien-être au Gabon: 1960- 1994 .................. 199
Tableau 14: Tendances de la pauvreté au Gabon: 1960-1985............................199
Tableau 15: Tendances de la pauvreté au Gabon: 1990-1994............................200
Tableau 16: Indicateurs de pauvreté de Libreville et Port-Gentil...................... 201
Tableau 1 7: Activités et métiers du secteur informel.........................................254
Tableau 1 8: Situation de I'emploi par nature ..................................................... 256
Tableau 19: Importance du SNS par branche en 1990...................................... 257
Tableau 20: Place du secteur informel dans l'économie .....................................258
Tableau 2 1:Valeur relative du SNS 1984- 1990.................................................260
vü
Sides et abréviations
BAD: Banque M i c W i c de développement
BIT: Bureau International du Travail
CNGS: Caisse Nationale de Garantie Sociale
CNSS: Caisse Nationale de Sécurité Sociale
DGSEE:Direction Générale de la Statistique et des Enquêtes Économiques
DIT: Division internationale du travail
DPRH: Direction de la Planification et des Ressources Humaines
EBC:Enquête budget consommation
EMN : Entreprises multinationales
FBCF: Formation brute de capital fuce
FED:Fonds Européen pour le Développement
ILO:international Labour Office
PB:Produit interieur brut
PID:Provision pour investissements diversifiés
PME: Petite et moyenne entreprise
PNB: Produit national brut
PNUD: Programme des Nations-Unies pour le Développement
RGPH: Recensement général de la population et de l'habitat
SEM:Site économique mondial
SNS: Secteur non stmcturé
La présente étude porte sur I'infomel urbain. Eiie se veut une contribution à la
réflexion sur les fondements de ce phénomène en Afrique et paxticulièrernent au Gabon.Nous
ne traitons cependant pas fondamentalement des formes et de I'importmce des activités
informelles au Gabon. Notre propos tente plutôt de cerner les tenants de la montée de ces
activités et leur signification dans le cadre du développement du Gabon. Cela dit. les
définitions de ce que l'on qualifie d'activités informelles sont plurielles. nous en débattrons
largement dans ce travail. On peut tout de même avancer que l'esprit général de ces
définitions est orienté vers la mise en évidence des pratiques socio-économiques. dont les
formes ne correspondent pas à celles prescrites par les règlements et institutions officielles.
Un large champ qui augure déjà de la multiplicité des opérations concernées. L'autre versant
qu'exploitent les définitions de l'informel intègre les facteurs liés à la dimension de ces
activités et aux technologies utilisées.
On pourrait évidemment "suivre plusieurs pistes" pour faire une présentation de
l'environnement théorique dans lequel se situe ce travail, mais nous n'évoquerons ici que les
aspects du problème que l'on lie aux cultures africaines et à la problématique du
développement.
Les cultures africaines
Dans le propos introductif d'un récent ouvrage consacré à l'informel. Henry
Panhuys et Hassan Zaoual parlent des « dimensions oubliées » du développement
économique en f i q u e ' . « Il est nécessaire de s'interroger sur les raisons d'un bilan socio-
Issiaka-Prosper Lalèyê. Henry Panhuys, Thierry Verhelst et Hassan Zaoual (dir.). Organisan'om économiques
et cuimres africaines. De 1 'homo oeconomicus à L'homo s i t u . Paris. L'Harmattan. 19%. 5 0 0 ~ .
économique aussi contrasté et d'identifier les facteurs négligés jusqu'ici. Parmi ces facteurs,
il en est un particulièrement prégnant: le facteur culturel
Opération tout a fait louable que <xUe d'examiner les raisons dp l'échec du
développement en Afnque, mais qui prend un contour délicat, lorsque la question de la
culture y est mimée. En quoi la culture africaine est-elle un oubli dans le processus de
e,~
développement ? Panhuys et Zaoual reprennent l'idée de Daniel Etounga ~ a n ~ u e lselon
laquelle les cultures africaines ne rentrent pas dans les canons de cette « culture
entrepreneuriale n, nécessaire ii une gestion rationnelle du développement éconornique.
hypothèse raisonnable mais peu ou mal explorée
jusqu'ici consiste à dire que les cultures nép~afncaineset
arabo-berbéro-afn'cainesappréhendent l'entreprise. comme
d'ailleurs toute forme d'organisation économique.
autrement que les cultures occidentales européennes et
nord-américaines. analysées par Max Weber et Joseph
Schumpeter. 11 se pourrait en effet que ces cultures soient.
à certains égards opposées, voire incompatibles. »4
« Une
Ces
« certains
égards D qui sont
(c
opposés, voire incompatibies » aw culnires
occidentales. nous l'imaginons. ont certainement trait aux causes de la désolation des
économies aficaines. L'échec du développement serait consécutif à la non appréciation des
éléments des culhues afXcaines. Panhuys et Zaoual disent en d'autres termes que les
cultures africaines doivent intégrer « l'éthique protestante » pour avoir « l'esprit du
capitalisme ».
' fh.p. 17.
Daniel Etounga Manguele: L'Afrique a-t-elle besoin d'un p h d'ajuremem culmrel ? h s . Edit. Nourelles
du Sud. l9W.I Sap.
" Issiaka-ProsperLalèyê et d.op. cir. p. 19.
« Ce qui est essentiel (...), c'est qu'il devient nécessaire,
maintenant, de distinguer le développement de la culture du
développement. En effet, cette distinction dans l'abstrait
permet de prendre conscience que le développement en
tant que système économique a besoin d'une culnue
particulière pour afficher ses performances. Autrement dit.
toute économie, pour fonctionner correctement.
présuppose des motivations symboliques de la part de ses
acteurs, un système de valeurs compatibles. »'
Sans entrer dans une polémique stérile sur le fond de cette pensée. nous retournerons
à ces auteurs les remarques suivantes:
1.
L'une des particularités du développement en général est d'être un processus fait de
ruptures et d'adaptations dont les populations percoivent graduellement le bien fondé.
c'est-à-dire l'amélioration des co~aissanceset conditions de vie qu'apportent la recherche
et l'innovation dans tous les domaines. C'est ce cheminement permanent qui crée et
entretient dans une société donnée la "culture du développement". En Afrique. le processus
de développement a historiquement pris une autre voie. celle de l'imposition violente.
La mission civilisatrice occidentale, dont l'apogée aura été la colonisation, a imposé
le développement avec comme "culture du développement" ltesclavage et la ségrégation
raciale vécus quotidiennement par les populations autochtones. Les débuts du
développement sont historiquement marqués en Afnque. justement par la mise hors de ce
«
système de valeurs compatibles D des Africains, qui n'avaient pas le même statut
juridique. ne devaient pas habiter le quartier "blanc" ou encore M m dans le même type
d'habitation. n'avaient pas droit à de hautes formations et fonctions sociales car les bienfaits
de cene civilisation dans laquelle on souhaitait les intégrer ne revenaient en d é f ~ t i v equ'aux
colons blancs,
On peut citer à l'infini ces éléments de la "culrure de développement" dîicaine.
engendrée par la nature de la rencontre qui a enclenché ce processus dont le bilan est reconnu
aujourd'hui contrasté. La conséquence inéluctable de cet état de fait est la marginalisation
des Afincains de la "cdture du développement", mais également des bénéfices d'un
développement auquel ils ont participé, fiit-ce comme esclaves ! On pourrait nous objecter
que cet environnement initial a subi de nombreuses modifications. Mais qu'est-ce qui a
changé ? Cela nous amène a la seconde remarque.
La France, de connivence avec les élites iocaies
"évoluées". a fait passer les apparences pour la réalité:
"l'indépendance du drapeau" y a tenu lieu de souveraineté.
Personne n'était dupe... ))6
((
.3
Les relations entre l'A6ique et les ex-colonisateurs sont faites de permanences et
de...pemanences. La cascade d'indépendances qui ont marqué le continent au début des
années 1960 n'étaient pour les puissances coloniales que du « partir pour mieux rester
)).
et
avec le mSme système d'exploitation. cette fois via les élites locales bénéficiant des bonnes
grâces de la mitropoie et des privilèges du pouvoir. Pour les populations
africaines. le
développement reste encore de nos jours du domaine de l'espoir. L'Afrique est livrée à la
misère et à des fléaux destructeurs. pendant que ses matières premières font la richesse des
grandes compagnies multinationales et des minorités au pouvoir. Les entreprises
multinationales et ces élites manquent-elles de cette "culture du développement"?
Nous dirons. pour conclure sur ce point, que les cultures africaines ne sont pas
moins aptes am nécessités qu'impose l'évolution des sociétés. La question fondamentale se
trouve dans la gestion de I'incontoumable partenariat avec le reste du monde, nécessaire au
" Siéphen Smith et Antoine Glaser: Ces messieurs Afrique 2. Des réseau a u lobbies. Pans,Calmann-Uvy,
1992, p.20.
développement de l'Afrique. Pour nous? la gestion de l'interdépendance économique
mondiale, plus que la question culturelle, est au centre des piètres performances actuelles de
I'Afiique. Jusqu'à maintenant. la Ligne de fonctionnement de l'économie mondiale est
également la ligne d'arrêt du développement pour les pays africains.
La question culturelle est à notre avis un fourre-tout dans lequel se perdent les
analyses du sous-développement. parce qu'elles-mêmes procédent d'un environnement
culturo-scientifique qui, bien que s'y référant souvent, oublie combien le développement des
sociétés occidentales est redevable aux autres civilisations. Les cultures africaines comme
toutes les autres sont porteuses de dynamiques transformatrices et le véritable débat sur
IYnertie économique africaine dewait porter. à notre sens, sur les modalités pratiques et
idéologiques qui caractérisent les politiques de développement actuelles.
Contrairement à la distinction faite par Panhuys et Zaoual entre la culture du
développement et le développementl nous posons que la culture du développement est
inséparable du développement. Elle est le développement en tant qu'elle représente I 'esprit
critique. héritage de la modernité. Plus en avant de cene recherche. les pratiques informelles
seront analysées entre autres autour de la notion de flexibilité, qui signifie au fond que les
cultures africaines sont succeptibles de faire face aux enjeux économiques que pose
1'universalisation de l'économie capitaliste.
La problématique du développement
Les premiers contacts avec l'occident au XVe siècle favorisent l'instauration de
nouvelles règles? tant politiques et économiques que sociales et culturelles. On note la
montée progressive d'un système social d'échange dans lequel la valeur d'usage cède le pas à
la valeur marchande. Avec la colonisation. les choses se précisent. Derrière un ensemble de
prétextes que l'histoire retient sous l'appellation de « mission civilisatrice ».les Européens
organisent les sociétés conquises selon des normes relevant des stratégies de domination et
d'exploitation. La période pst-coloniale est la continuation logique de la coloniale. elle
n'apporte pas de changements majeurs ni sur le plan de l'idéologie du développement ni au
niveau des rapports de force instaurés entre I'Afnque et l'occident par la colonisation.
La situation de I'AfXque noire est actuellement alarmante. La colonisation présente
un « bilan déficidaire»'
à tous les niveaux et après avoir épuisé toutes les options de
développement mggérées par le capitalisme occidental, le continent noir est plus que jamais
dans l'impasse. Tous les pays sont pris dans l ' e n m e de l'endettement qui consiste à
s'endetter encore pour rembourser cette même dette. Le résultat est le prolongement de la
misère, de I'instabilité politique et de la crise économico-sociale. Dans le même temps.
((
les
20% des pays les plus riches du monde touchaient 70% du PNB mondial en 1969, ils en
touchent aujourd'hui 83%. Alors que les 20% des pays les plus pauvres touchaient 2.3% du
PNB. ils n'obtiennent plus aujourd'hui que 1,4% .»* L'inégaiité croissante entre les riches
et les pauves. l'échec des politiques de redressement économique du Sud. font presque
penser que nous sommes à la «fin du développement H
. ~
Sur le plan analytique. l'analyse diachronique du processus de développement en
Afnque noire nous semble incontournable. Pour nous. la problématique de l'informel urbain
se situe dans l'ensemble des problèmes liés au développement. La démarche peut se
schématiser comme suit :
- La colonisation a posé les jalons de I'informel
à travers ses formes urbaines et les
relations sociales d'exclusion et de domination.
-
Les bénéficiaires des indépendances africaines ont entériné les politiques et
idéologies coloniales. ce qui s'est traduit par de p d e s disparités au niveau du
développement global et urbain. sources de l'informel.
- Coqueq4Wovitch pdsente les résultats économiques et ddrn~~mphiques
de la colonisaUon dans I'ouvrag :
Le Congo au temps des compagnies concessioltltCLVes. Paris-Mouton & Co-1972,-l98p.
Micheline Rousselet : .: Tiers-Monde. l'éclatement d'une idée m. Revue Sciences-Humaines, 50. Mai 1995.
pp. 16- 19.
C'est le titre d'un ouvrage de François Partant: La fin du diveloppement. Paris, la découvene/Maspero,
1982. 186p.
-Aujourd'hui, la colonisation est remplacée par des in-ents
politico-financien et
technologiques. dont les anciennes colonies ne saumient de nos jours se passer sans
provoquer de p v e s crises internes,
La question de l'essor Ci? I'infonnel en Afnque et au Gabon, tout comme cene du
sousdéveloppement, dépasse la seule analyse économique locale et se transporte dans k
champ des enjeux politico-économiques mondiaux. Nous ne répéterons jamais assez que le
développement d'un pays ou d'une vaste région du monde comme 1'Afiique n'est réalisable
que dans un contexte où l'interdépendance économique permet justement au capitalisme
((
d'afficher ses performances ». Nous soutenons que la configuration actuelle de l'économie
mondiale joue en défaveur du développement en M q u e et se retrouve à la base de
1'informel au Gabon.
La vision planétaire du développement n'est exempte ni de critiques au niveau
théorique. ni de difficultés exécutoires au niveau empirique. Sur le plan théorique.
l'interrogation la plus courante touche l'allégation occidentale de modèle achevé
d'organisation sociale. doublée d'un nihilisme radical à l'égard des autres civilisations. Nous
n'élaborerons pas longuement sur le sujet mais ce discours a fait des adeptes selon lesquels.
l'Afrique ne fait que camoufler « d'insoutenables contradictions idéologiques et
économiques. »'O Nous airnerions rétorquer à ces auteurs qu'ils cèdent a la tentation de
confondre un réel profond avec ses manifestations les plus évidentes. A t-on jamais lu à sa
véritable hauteur l'histoire de l ' f i q u e actuelle?
'
Les (( incohérences africaines visibles à l'oeil nu »' dont parle Kabou ne seraient que
les aboutissants d'un ensemble de contraintes dont le sens le plus élevé se trouve dans
l'insertion du continent au sein de l'économie mondiale. Il est excessivement nauf de croire
que I'econornie mondiale fonctionne
iî
l'aveugiene. sans règles du jeu. Nous pensons à la
'' Axelle Kabou: Et si 1'Ahque r e s a i r le développemenr ?
l'
Ibidm.
Paris. L'Harmatm, 199 1. p. 12.
suite de Kabou que « le sous-développement de 1'Afnque n'est pas le fruit du hasard))."
En se demandant si les élites africaines savent (..) mieux que les masses analphabètes ou va
1' Afnque f i t t e au niveau national d3,Kabou pose (peut-être involontairement) la question
fondamentale sur le passé, le présent et l'avenir de 1'Afnque: qui contrôle les leviers du
(sous)développement de I'Afiique et du Tiers-Monde ? Cette question nous ramène au
niveau des difficultés exécutoires du développement dans les pays africains et notamment
au thème de l'informel urbain au Gabon dans le contexte de l'économie planétaire. D'abord.
examinons dans ces grandes lignes le discours explicatif du sous-développement.
Par rapport à la crise du Tiers-monde et de 1'Afnque particulièrement deux écoles de
pensée s'opposent dans le débat conceptuel du (sous)développement. D'une part. les
thèses tiers-mondistes dans lesquelles on situe les approches keynesieme. strucniraliste~
marxiste etc., mettent de l'avant I'inégaiité notoire entre les pays du Nord industrialisé et du
Sud sous-développés. du centre et de la périphérie. Ce déséquilibre des richesses
contribuerait au développement inégal et même à la paupérisation de cenaines régions du
monde.
La seconde thèse dite anti tiers-mondiste. d'inspiration Libérale. rejette la vision sus
décrite. Tout en reconnaissant l'inégaie répartition des richesses. le discours libéral soutient
la théorie ricardienne des avantages comparatifs. Selon cette vision il ne tient qu'au Sud de
rattraper son retard économique. les lois du marché étant les mêmes pour tous. Et les
tenants du iibéraiisme de prendre l'exemple des quatre dragons d'Asie du Sud-Est. dont le
miracle économique prouve que le développement est accessible à tous.
Que l'on soit tiers-mondiste ou anti tiers-mondiste, les causes du sousdéveloppement seront respectivement externes ou internes de manière gnérale. La these
libérale soutient l'idéologie du p r o e s . Il suffirait que les pays pauvres traversent les étapes
.'- Idem, p. 13.
l3
Ibidem.
de la croissance économique telles que définies par Rostow, et ils ramperont le retard
accusé. Il s'agit donc d'une analyse synchronique de la question, qui présente la lourde
faiblesse de postuler que le développement est conjoncturel et qu'il suffit d'en posséder les
aptitudes au bon moment.
Pour les tiers-mondistes par contre, « le partage des rôles instauré par le
colonialisme. ou la métropole importait des matières premières et des produits agricoles des
ses colonies et y exportait des produits manufacturés. demeure grosso-modo en vigueur
pour la plupart des pays du Tiers-Monde. »14 En d'autres termes, on postule ici l'existence
d'un ordre mondial du développement dans lequel la place des anciennes colonies est
déterminée. Mieux. il s'agirait d'une fonction précise dans le système mondial organisé et
géré par les puissances occidentales. Les pays pauvres foumissent les matières brutes et
consomment les produits manufacturés provenant de la métropole. Telle est la contribution
nécessaire de 1'Afnque au fonctionnement du système mondial. En somme. le problème du
(sous)développement repose sur un mal nécessaire au système mondial imposé par
IgOccident. « un déséquilibre fondamental? provoqué initialement par la force brutale.
maintenu par le jeu des lois économiques, aggravé par les progrès techniques ».15
Le constat de l'échec économique de 1'Afiique se résume par le chômage. la misère
ostentatoire des masses urbaines tout autant que la fortune des riches. les inégalités du bienêtre et.. . le développement des activités informelles.
Intention de l'étude
L'explication du développement des économies informelles en Afrique par le procès
de modernisation des pays sous-développés justifie notre choix du thème de I'infomalité.
Ces thLises posent qu'en cette fin du deuxième millénaire, les cultures aliicaines n'ont pas
" Thomas Çouaoi et Michel Husson: Les destim du lïers-Monde. ~ o l y s ebilan
.
et perspectives. Pans.
Nathan, 1993, p.25.
1s
François Panant: op. cir, p. 10.
encore intégré les éléments de rationalité indispensables au développement. Cette assenion
nous semble injustifiée, non pas que des résistances au changement soient inexistantes (en
Afnque comme partout ailleurs), mais parce que les véritables facteurs du développement
(capitaux, technologies, gestion des États etc.) militent contre ce même développrnent en
Afkique. La mise en place dune écunumie planétaire (ce qui n'est pas un mal en soi) s'est
faite jusqulà aujourdBui au détriment de 1'Afnque et de ses populations.
Nous disons bien "au détriment de 1'Afnque et de ses populations" en ce sens que la
gestion des pays africains par les élites dirigeantes fait partie du schéma d'appauvrissement
de ces pays. La connivence des intérêts du capitalisme international et de ceux des dirigeants
du Tien-mondeen général est la clé de voûte d'un système économique international dont
Moïse ikonicoff se demande s'il est « désordre ou ratiodité ? d6 Pour notre pan,
1' e ~ hissement
c
des dirigeants et l'appauvrissement des populations sont l'endroit et le
revers d'une même rationalité, celle du fonctio~ementde l'économie mondiale.
Le développement des activités informelles présente cette particularité d'inclure. à la
fois l'économie, la gestion des États et les comportements des acteurs sociaux en quête d'un
vivre mieux. C'est en cela que cette thématique permet une intéressante lecture des
mutations en cours au Gabon. en Afrique et dans le monde.
Précisons les deux objectifs généraux de cette étude. Le premier est d'ordre
documentaire: foumir un ensemble d'informations sur les mvaw passés et récents ayant
trait a la problématique de l'informel. Le second objectif est une contribution a cene même
réflexion en introduisant une donne qui nous semble détexminante dans une acnialisation de
la connaissance sur l'informel: le rôle de l'économie internationale dans le développement
du Tiers-monde,
A l'oubli tant pointé dans les causes du sous-développement qu'est la culture, nous
opposons ici l'oubli de l'exploitation capitaliste a l'échelle mondiale et des conséquences
néfastes qu'elle a sur les économies africaine et gabonaise en particulier. Le système
"
Moise. Iconicoff: a Le système &onornique mondiale. desordre ou rationalite? B. Revue Tien-Monde. X X I .
82, Avril-Juin 1982, pp.87- 138.
économique mondial a ses règles de fonctionnement, ses mtégies d'implantation et ses
instruments d'application; en somme, ses intérêts qui ne sont pas souvent ceux des milliers
de citadins du Tiers-monde tenus en marge du développement. L'objectif ultime sur lequel
ce travail se focalise est de démontrer, qu'au-delà des discours et de la culture. il y a une
io@quefonctionnelle en oeuvre dans l'économie mondiale qui est au centre des déboires de
1'AMque et du développement des activités informelles. C'est le réexamen de cet oubli qui
donne également à notre démarche une certaine originalité.
Tout travail de recherche est en butte à certaines limites pratiques et théoriques. Au
niveau pratique. les restrictions temporelles et financières du chercheur ont certainement
privé cette étude d'informations complémentaires dont la contribution a l'analyse aurait
certainement été d'un intérêt certain. La documentation sur l'informel au Gabon aura
également fait défaut à notre recherche, soit parce qu'inexistante. soit qu'elle était
inaccessible.
Au Nveau théorique. la première limite est naturellement celle du chercheur dans sa
quête d'objectivité scientifique. Elle détermine la qualité de l'analyse, la rigueur de
l'argumentation et la cohérence du travail. La seconde limite est aussi un regret qu'exprime le
chercheur. celui de l'élaboration d'un modèle conceptuel de I'infonnel dont les formes
urbaines en Afique seraient la matrice. Nous pensons que l'analyse de la ville et de son
évolution sont un canevas de recherche qui pourrait éclairer. à bien des égards. la
problématique de I'informe! urbain au Gabon. En dépit de ce "manque à gagner". la présente
étude essaie de rendre compte des facteurs inhérents au fonctionnement du capitalisme
mondial. qui contribuent à l'essor des activités uiformelles urbaines au Gabon. L'ensemble
du propos s'articule en sept chapitres regroupés en trois parties. La première partie est
consacrée à la recension des écrits sur le thème de l'informel. La deuxième partie définit le
cadre théorique de ltétude tandis que la troisième est consacrée à l'analyse des causes de
l'informel au Gabon.
Première partie
Approches théoriques de l'informel
Chapitre 1
La tradition économique
L'économie du développement après la seconde guerre mondiale se focalise sur la
réflexion sur l'industrialisation des pays dits sous-développés. « Les questions centraies
qu'elle posait jusqu'au milieu des années soixante-dix étaient -!les
de l'industrialisation, des
rapports villes-campagnes, de l'insertion dans le commerce mcndial. »" Face aux défis de la
modernisation et de l'interdépendance économiques mondiales. le Tien-monde avec sa
galopante population urbaine cherche « la &an
dont le processus de développement
permettrait l'adéquation (...) entre l'ofie de travail
croissance démographique
-
-
résultat de l'exode nval et de la
et l'offie d'emplois salariés
».18
Mais la recherche de cet
équilibre est mise a mai par la vertigineuse augmentation des citadins du Tiers-monde. La
faiblesse des structures d'accueil des nouveaux migrants et l'insuffisance des emplois salariés
contribuent à la formation d'un important écart entre I ' o m et la demande d'emplois salariés.
Cette situation est en première analyse décrite comme un état normal et transitoire dans le
cadre des nouveaux pays qui s'ouvraient peu à peu aux principes de l'économie de marché.
i. 1. La transition
Pour l'analyse économique. le decalage entre les flux de migrants
dans le salariat moderne conduit à la formation d'un
((
et
leur absorption
secteur transitionnel. une masse
d'urbains pauvres en attente d'un emploi. Selon les principes de l'économie néoclassique.
ayant des bas revenus. ils ont une faible productivité et sont considérés comme sousemployés puisque leur productivité est très inférieure à celle des travailleurs de l'économie
formelle. dg Dans la thèse de la transition, l'informel est une « survivance de la petite
production marchande qui n'aurait pas encore été détnite par le capital, mais serait en voie
d'absorption progressive n.20 Milton Santos soutient que « leur maintien ne peut
.-
Bruno Lautier: L'économie infannelle dam le Tiers-monde. Yaris, La Mcouvene, 1W, p.6.
Secieur informel: debat et discussion autour d'un concept m. in TeeMonde:
I 'informel en auestion , Paris, L'Harmanan, 1991, pp. 3 1-70.
l5 Bruno Lautier: op.cir. p.8.
Kari Marx. cite par Philippe Hugon: op.cir. p.252.
'
' Phi1i ppe Maninet:
s'interpreter que comme une survivance dans un ensemble économique resté archique: ils se
trouvent directement menacés par le courant @néral de modernisation et leur faire confiance
pour éponger longtemps encore la masse de migrants est commettre une erreur lourde de
conséquences, il s'agit d'un expédient provisoire. )r2'
Aussi. dans ce qu'il appelle l'illusion du capitalisme industriel naissant. Galissot
abonde dans le sens de l'infomel comme secteur tran~itionnel.~
Se fondant sur son étude du
prolétariat marocain d'entre les deux guerres, l'auteur rejoint dans sa compréhension de
l'informel les interprétations marxiste et weberieme des débuts du capitdisrne. Galissot
reprend a son compte la thèse marxiste de la dépossession et de l'appauvrissement du monde
rural. qui conduit à un surpeuplement et au chômage urbains. L'informel n'est alors pour le
T iers-monde que la traversée dans l'histoire d'un moment incontournable de l'évolution de
toutes les sociétés humaines. « Ce seraient notamment les débuts du capitalisme industriel
qui se répéteraient à la périphérie du 20é siècle )).23 En suivant Bourdieu lui même inspiré par
Max Weber. Galissot pose que « le travail informel. la débrouillardise, le piston relèvent de la
pénétration monétaire. de la fin du monde enchanté communautaire, du remplacement de
l'esprit paysan par l'esprit de calcul (...). Ce qui semble fàire correspondre l'informel à cet
immense entre-deux qui fait passer de la campagne à la ville. comme dans l'histoire du
capitalisme D . ~ '
Dans une étude consacrée a l'informel en Af?iquez, Penouil tente, par une approche
historique de l'évolunon des sociétés. de resituer l'informel dans le contexte du
développement giobal. compris cornme un processus de longue durée dont l'ultime objectif
--
-
:' Philippe Hupon, Nhû Lê Abadie et Alain Morice. la petite pruâucrion m a r c M e et l'emploi dans le
secteur informel
--., René Gailissot:
a
r,
: le car @am. Paris, IEDS, 1977, p. 175.
Société formelle ou organique et smitte informelle w , in Tien-monde:I'infomeI en
auestion, op. cit, pp. 2 1-30.
idem. p.24.
5)
Idem, p.25.
Marc Penouil et Lachaud Jean-Pierre:Le dt?veloppemenr spontané. Les activités informeI1es en Afrique.
Pans. Pedone. 19û5.303p.
est la réalisation de la "société technicienne" de type occidental. Dans ce processus, les
activités informelles sont a la fois le moment de la rupture avec le passé et celui de
l'édification de nouvelles formes sociales qui constituent un pont entre la tradition et la
modernité. La rencontre des civilisations occidentale et africaine a donné lieu à trois
processus, selon Penouil: le dévelcppement transféré, l'inertie des structures anciennes et le
développement spontané proprement dit. Le développement transfëré renvoie à
I'universalisation du modèle social occidental, au mimétisme qui consiste ii recréer les
structures des pays dits développés dans les pays colonisés. L'inertie des structures rend
compte des résistances liées à I'anachernent aux valeurs et normes de la société traditionnelle
par les populations. Quant au développement spontané, Penouil le conçoit comme
la réponse apportée par la société a des aspirations allant
dans le sens de la création de la société développée. dors
que les moyens indispensables au transfert du modèle sont
absents et que les conditions du transfert ne sont pas
remplies. Face à I'impossibilité de réaliser le
développement transféré a l'intérieur de la société. de
multiples mutations partielles vont s'opérer qui ont pour
conséquence l'élaboration progressive et continue d'une
nouvelle fome de société. (...) En ce sens. le
développement spontané se présente (...) comme la lente et
progressive évolution d'un type de société vers un autre
par des combinaisons extrêmement variées de composantes
issues des deux types de sociétés. N~~
((
Mais en définitive. « la composante principale du développement spontané est
constituée par les activités informelles, ou non structurées, ou de transition
Le
développement spontané est donc essentiellement la période d'adaptation à la nouvelle
organisation sociale. Les activités informelles prendront fin avec la réunion de toutes les
conditions du transfert.
Idem. p. I I .
" dem m. p. 16.
Pierre Mettelin souligne également la nature transitoire de l'informel urbain?
D'une
part. parce qu'il pérennise la tradition dans le contexte urbain en fournissant aw nouveaux
citadins des emplois d'une extrême précarité, et une organisation du travail autour de réseaux
claniques ou ethniques: et d'autre part, parce que les activités informelles posent les bases
d'me intégration graduelle au capitalisme international par l'approvisionnement dans
l'économie moderne. Mettelin précise que seule (( la croissance du secteur moderne dans les
économies africaines détexmine sans doute aujourd'hui le sens du mouvement pénéral,
prépare les changements profonds de demain, participe au bouleversement des structures
figées du passé. »29 Par conséquent, le caractère msitoire de l'informel permet
((
d'assurer
cette dynamique au ras du sol. sans laquelle les grandes révolutions ne sont qu'un
changement de système politique, sans être une mutation profonde des fondements de la
société. »30
Selon l'approche transitionnelle. I'inforrnel ne serait qu'un épiphénomène transitoire.
un vestige pré-capitaliste qui disparaîtra avec l'intégration des économies du Tiers-monde
dans le modèle productiviste.
((
En réalité. il s'agit d'une terminologie évolutioniste ou
nésarive qui ne permet pas une appréhension correcte des phénomènes sociaux concrets. (. ..)
Mais elle trahit égaiement l'embarras des économistes et des planificateurs devant des faits
qu'ils repèrent mal.
La transition se fera non pas au niveau de la réalité de l'informel et de son évolution
vers la dissolution, mais plutôt dans le discours théorique sur I'inf'ormel. Confrontée a
I'institutionalisation de ces activités supposées transitoires, la recherche oriente les
approches de I'infonnel vers le champ de la sectorialisation des économies sous-développées.
La dissolution de l'informel dans l'économie moderne fait donc place à la juxtaposition de ces
Penouil Marc et Lachaud Jean-Pierre: op. cit.
1 . . p. 103.
'O Ibidem.
'l Jean-Loup Amselle ec Émile Lebns: d e la petite production marchande A I'économie mercantile*. in
Vivre er survivre dans les villes africaines (sous la direction de Isabelle Deblé et Philime Hueon). Paris.
PLT/IEDS. 1982, pp. 163- 173.
%
deux réalités. Au modèle d'analyse transitionnel se substitue alors le modèle d'analyse
sectoriel.
1.2. Le dualisme sectoriel
Les analyses sectorielles de l'informel marquent un moment important de l'analyse
économique des pays dits sous-développés. En fait, elles sont le premier constat d'échec
d'une idéologie du développement rattachée a la seule croissance économique, mieux encore.
aux étapes de la croissance économique. Aussi, les analyses sectorielles rendent compte de la
segmentation d'une même économie en entités dont la logique et le fonctionnement seraient
différents sinon opposés.
Confrontée à la persistance d'un phénomène que l'on pensait transitoire. l'analyse
économique constate plutôt la perdurance de la fàible intégration à la sphère économique
moderne des activités traditionnelles ou transitoires. Les analyses dualistes tentent alors une
nouvelle conceptualisation de la réalité informelle. (( Elles supposent qu'il y a juxtaposition
de deux secteurs, l'un caractérisé par l'organisation efficace, la rationalité économique. la
légalité. la productivité élevée et I'auw. défini par la faible organisation l'importance des
relations familiales. une productivité réduite. lgUégalit&ces deux secteurs sont largement
indépendants l'un de l'autre, même s'il existe des échanges entre m. »32
Le dualisme suppose la coexistence dans les économies sous-développées de deux
secteurs d'activités économiques distincts: le formel et l'informel. Carlo Benetti distingue
quant a lui, cinq interprétations du dualisme sectoriel:33
1. le dualisme est un facteur de blocage:
2. le dualisme est un facteur de développement;
3. le dualisme est une étape du développement;
" Philippe Hugon et al.. : op.cit. p.3 1.
'' Cité par Usa Assidon: Les thdories Ccommiques du ddveloppement. Paris. La Decouvene, 1992, p.91.
4. le dualisme est une expression de l'économie de marche (par opposition à une
économie planifiée);
5. le dualisme est l'effet de l'expansion externe des pays développées.
Les cinq interprétations du dualisme sectoriel que présente Beneni résument en fait
des moments de la réflexion sur la nature de I'infonnel. Les interprétations 1 et 3 rejoignent la
thèse de la transition, de l'informel comme réalité prk-capitaliste, mais aussi I'analyse des
modèles dualistes de la première @nération. Selon les premières analyses dualistes, le secteur
informel a pour rôle
((
essentiellement de foumir de la main-d'oeuvre bon marché et de
favoriser ainsi l'accumulation du secteur moderne P."
Avec le modèle dualiste de ~ e w i s l'économie
~~,
comprend un secteur industriel et un
secteur agricole. Il existe une offre illimitée au niveau de l'emploi dans les villes du TiersMonde. et le secteur agricole ou informel assure par sa main-d'oeuvre peu coûteuse
l'accumulation du secteur industriel. Le modèle de Lewis repose sur trois propositions bien
explicitées par Van Dijk:
t(
1. le modèle suppose que la migration
vers la Mlle et la création d'emploi dans
le secteur formel soient proportionnelles
à la croissance du stock de capitaux (...):
2. (...) le modèle suppose aussi un
surplus de main-d'oeuvre à la campagne
et le plein emploi en ville (...);
3. (...) Enfin le modèle suppose un
salaire réel constant à la Mlle, jusqu'à ce
que le surplus de chômeurs de la campagne
soit entièrement absorbé ».36
34
Philippe Hugon: a Économie duaie. a-iegditk au Nord et au Sud: convergence des modes de gestion de la
crise ou divergences stnimelles des modes de replation m, in Les ~ratiaiiesiuridiaues. économikues et
sociales infomelles. Acres du mlloque international de Nouakchort. 8-1 1 Mc. 1988. pp.7-26.
j5 L'auceur presente ce rnod2le dans: Ecowmic Deveiopmenr with Unlimited Supplies of labour. Manchester
School of social and economic studies, XXII,2, Mai 1954.
'Meine Pieter Van Dijk: Le secteur itfonnel de Ougadougou. Paris, L ' H m w 1986, p.37.
Ce schéma serq comme le dit Todaro? « la "théorie @néraie" acceptée du processus de
développement des nations du Tiers-monde avec un "surplus de rnaind'oeuvre" pendant la
fin des années 1950 et les années 1960. »)'
Les interprétations 2, 4, et 5 traduisent, quant a elles, la philosophie des modèles
dualistes de la seconde @nération. Avec l'informel comme facteur de développement.
((
les
analyses dualistes ont été (...) inversées; au lieu de considérer que le secteur traditionnel a un
rôle passif de fournisseur de main-d'oeuvre à un taux de salaire déterminé par le revenu de
subsistance, il est analysé dans son dynamisme propre et son rôle positif. »)*
((
Les modèles de la seconde @nération montrent que le
secteur dit informel produit des biens et services
permettant de satisfaire des besoins essentiels du plus
grand nomixe ne pouvant accéder aux marchandises
indumielles ou aux services collectifs; il génère des revenus
non négligeables. il joue un rôle d'absorption d'un excédent
de rnaind'oeuvre et assure le développement de la
formation, et l'acquisition de qualifications permenant
l'ingéniosité et la créativité. 1)''
Le dualisme de seconde &nération institue donc un secteur informel à part entière.
avec une importante fonction économique. L'économie moderne ne pouvant plus répondre
aux besoins des populations urbaines, ces dernières cherchent ailleurs d'autres opportunités.
.ila différence du modèle origiwl du dualisme, le secteur informel n'a plus un caractère
transitoire. L'analyse économique s'accomode donc de la permanence des activités dites
informelles dans les économies du Tiers-monde.
" Ibidem.
3%ilippe Hugon: Dualisme sectoriel ou soumission des formes de production au capital. Peut-on dep
le débat? *, Revue Tiers-Monde, XXi. 82, Avril-Juin 1982, pp. 235-259.
j9 Philippe H u p n :
Économie duaie, a-l6@te au Nord et au Sud: convergence des modes de gestion de la
crise ou divergences smicture1Ia des modes de régulation B, op. cit. p.8.
Les modèles dualistes trouvent l e m limites dans les problèmes posés par l'exode
rurai. La multiplicité des situations des masses urbaines ouvrent la porte. clans l'analyse
sectorielle. a de nouveaux modèles dont la caractéristique est la fhgnentation interne du
secteur informel. Ces nuances vont conduire l'approche sectorielle de l'informel à
l'élaboration de modèles d'analyses trisectoriels des économies sous-développées.
Les analyses trisectorielles
Le dualisme sectoriel classique a supposé la segmentation des économies sousdéveloppées en deux secteurs distincts. Il a également pose de manière axiomatique
l'homogénéité du secteur informel qui ne renfermerait que les activités non imputables au
modernisme occidental, a la société technicienne. Les analyses trisectorielles s'insèrent dans
une autre logique. Compte tenu de l'incapacité du secteur moderne à absorber le surplus de
main-d'oeuvre provenant des zones d e s , d'une part, et de l'échec de la tentative de
"régularisation" des activités informelles par les modèles dualistes de la seconde @nération.
d'autre part. l'analyse trisectorielle interroge finalement l'homogénéité du secteur informel.
Par cette approche, il ne s'agit plus de deux secteurs "évidents" qui s'opposent. mais
de la juxtaposition de plusieurs ordres de réalités endogènes de l'informel. L'objet informel
est pluriel. son appréhension. à travers le prisme d'un secteur uniforme ne rend pas compte
de la multitude des enjeux. Le trialisme sectoriel tente, dans ce contexte, d'appréhender la
diversité inf'onnelle et de la synthétiser dans des modèles plus nuancés. L'opposition fonnel-
informel cède le pas à la systématisation de l'hétérogénéité du secteur infomel.
Préoccupé par l'emploi urbain, ~ a z u m d a rà ~la suite de Todaro et Lopez, distingue
pour sa part deux types d'exode rural: l'un temporaire et l'autre définitif. Les migrants
temporaires optent pour un emploi dans le secteur infomel, alors que les migrants définitifs
cherchent un emploi dans le secteur moderne de l'économie, quine à rester au chômage pcur
une période plus ou moins longue. II se fome dors un secteur informel transitionnel (SIT)
regroupant les migrants temporaires. et un secteur informel définitif (SID) qui renferme les
migrants définitifs. Cette nouvelle typologie apparente le SID à une situation de chômage
urbain normal. tandis que le SIT est de nature transitoire.
Nihan décompose quant a lui l'informel en un secteur non-strucniré traditionnel et un
secteur non-structuré moderne. Standing parle de deux sous-secteurs informels dont l'un est
réguiier, et l'autre irrégulier."
Tableau 1 : appelations de l'informel dans l?analysetrisectorielle
I
k
Auteurs
1 Standing
1 secteur informel 1
1 irrégulier
Channcs / de Miras
di: subsistance
Sted
résiducl
1 Lachaud
r
Secteur informel
1 involutif
secteur informel 2
irrégulier
de transition
I
I
I
évolutif ou de transition
Mazurndar
transitoire
définitif
Nihan !B.I.T.
non-structure traditionnel
non-stnicturé moderne
Vema
survie
croissance
,
I
Par rapport à ces catégorisations de l'informel. Hugon précise que (( les critères ne se
recoupent pas intémement. mais renvoient à une distinction entre les unités qui dégagent ou
les développements dans: ïhe ïheory of Urban Underemploymenz in k s s Developing Countries.
Banque Mondiale. Doc. de travail, 198, 1975.
'' Guy Standing: TnchotorwucModel of Urban Lnbow Mmkt. G f d v e , Colloque UES, 1974.
a Voir
non un surplus à des fins d'accumulation
».42
D'autres modèles plus tranchés vont succéder
à cene analyse de l'hétérogénéité de l'informel. Hugon propose un modèle « d 'inspiration
néo-classique qui distingue un secteur capitaliste moderne, un secteur internédiain: et un
secteur résiduel ou de subsistance N . ~ 'Résumons les caractéristiques de ces trois secteurs :
- le secteur capitalistique:
- oligopolistique
- haute technologie
- accès au?c crédits institutionnalisés
- peu créateur d'emplois
- pas de relations avec les autres secteurs. sauf sur le marché
- le secteur intermédiaire:
- faible technologie
- productivité positive
- salaire exogène
- fone création d'emploi
- le secteur de subsistance:
- absence de capital reproductible
- salaire égù a la productivité moyenne du travail
- emplois selon la demande
- absorption des m i p t s ruraw.
Le modèle trisectoriel de Lachaud suit globalement le même raisonnement. Il comprend un
secteur moderne?un secteur intermédiaire ou de transition et un secteur informel traditionnel.
11montre que (( pour certaines activités du secteur Uiformel traditionnel. quantitativement les
plus importantes (...). il existe une fone probabilité pour qu'elles soient soumises à un
changement dynamique de type involutif »"; c'est-à-dire qu'elles n'entraînent pas une
='
Philippe Hugon:
dualisme sectoriel ou soumission des formes de production au capital
W.
op. cit. p.242.
aldem. p.246.
Jean-Pierre Lachaud: Les lois de fonctionnement du secteur informel traditionnel. Présentation d'un
modèle n, Revue Tiers-Monde, XXI,82, Avril-Juin 1980, p p . 4 3 5 4 5 .
jJ
accumulation du capital et ne présentent pas, par conséquent une dynamique de type
évolutif,
L'apport des modèles trisectoriels de Hugon et Lachaud tient dans la segmentation de
l'économie globale en trois secteurs distincts. Ils se démarquent ainsi des premiers modèles
trisectoriels qui procédaient a une pmiton interne du secteur hfbnnel. Avec Hugon et
Lachaud. le secteur intermédiaire ou de m i t i o n s'autonomise par rapport au secteur
inforniel traditionnel. Ce dernier. dont le rôle n'est plus de faciliter I'accumulation dans le
secteur moderne, fait office pour les nouveaux migrants de « poche de sous-emploi
~LJX
activités faiblement productives et très peu rémunératrices' permettant seulement la
reproduction simple de la force de travail »?5
En fait. les modèles trisectoriels présument
une évolution du secteur intermédiaire vers son intégration totale à l'économie moderne. le
secteur informel traditionnel restant en définitive résiduel. De cene fàçon. l'analyse
trisectorielle des économies sous-développées met un terme a l'idéologie évolutionniste.
selon laquelle. l'informel urbain se fondrait dans la rationalisation des économies sousdéveloppées. selon des étapes de la croissance prédéfinies et universelles.
En somme' le discours dualiste va d'une vision négative de I'informel comme
cheminement des économies sous-développées vers le modèle technicien rationnel. à une
vision plus positive de I'infomel comme partie de l'économie ayant un rôle de création
d'emplois et de revenus. ainsi que de satisfaction des besoins des moins nantis. 11 persiste
toutefois. en filigrane des thèses dualistes, l'idée d'un secteur informel d'essence précapitaliste dont les activités ne sauraient s'établir longuement face à la montée des normes
technico-rationnelles. L'approche trisectorielle replace alors la perdutance de l'informel dans
la nature hétérogène de ces activités. Le débat porte désormais non plus sur les délais
d'achèvement des activités infornielles. mais sur ses ~aractéristiqueset ses rôles dans le cadre
des économies sous-développées.
" David Tumham, Bernard Salomd et Anioine Schwarz: Nouvelles approcizes du secteur informel. Paris.
OCDE,
p. 13.
1.3. Les analyses systémiques
D'inspiration r n d s t e pour la plupart. les analyses systémiques foulent au pied la
catégorisation de l'économie en deux secteurs distincts: le formel et l'informel. Elles panent
de l'idée que l'économie forme une totalité et renversent la perspective dualiste par
l'aflirmation que I'informel est. non pas distinct de l'économie moderne, mais une
composante de celle-ci.
c(
L'hypothèse est que de petites unités de production (...) ne
trouvent pas leur signification à leur propre niveau. 11 importe dès lors (...) de remonter à un
niveau de déterminations plus abstraites pour étudier ensuite les diverses formes de
production. N~~
Le noeud du débat des approches systémiques est la détermination des ressorts de
l'informel urbain dans les pays sous-développés. S'agit-il d'un mode de production distinct
du capitalisme ou alors d'une forme de production reliée au capitalisme? La réponse de la
démarche systémique est sans équivoque. Les activités informelles obéissent aw. lois de
fonctionnement du capitalisme et de l'économie de marché. Ainsi. leur interprétation n'est
véritablement pertinente. qu'à travers la compréhension de la soumission des formes de
production au capital. Pour les partisans de la démarche systémique, les activités inforneiles
ne présentent guère d'intérêt en tant que telles. ce n'est que dans leur relation avec le capital.
donc le secteur moderne de l'économie, qu'il convient de les analyser. Dans la pratique. les
activités informelles sont des excroissances du capitalisme. auquel elles sont plus
précisément soumises.
Les études de Le Brun, Gerry et Bienefeld
47,
d'obédience fonctionnaliste celles-la
concluent que le secteur informel est un sous-système de l'économie moderne qui constitue le
principal centre d'approvisionnement de l'informel, qui en contrepartie. fournit une maind'oeuvre peu coûteuse et occupe des branches de l'économie non rentables pour Nconomie
moderne.
" Philippe H u p n et d.,op.cit. p.59.
Cités par Philippe Hugon et ui., ibidem.
Cette nécessaire interdépendance, selon Bose, est peu problématique, d'autant plus
que les dew secteurs opèrent
sur &w marchés différents. et qu'ils dépendent l'un de
l'autre à la manière d'une économie coloniale et d'une économie métropolitaine
En d'autres termes, l'approche systémique souligne que l'économie informelle est une
forme de production qui reste soumise au mode de production capitaliste. Ce dernier' en
définitive. k contrôle à travers la fixation des prix et une plus grande capacité de production.
Quoique domhées par la production capitaliste. les activités économiques informelles ne
sont pas elles mêmes capitalistes dans l'analyse marxiste. Elles ne présentent ni le caractére
marchand (bien qu'étant échangées) des productions capitalistes, ni l'aspect rationnel des
relations économiques entre les agents engagés dans ce processus d'échange, selon
Les auteurs mamistes considèrent l'économie urbaine
comme un mélange de modes de production. Le mode de
production dominant capitaliste est caractérisé par le
travail salarié libre. Les modes de production non
capitalistes sont par exemple le mode féodal (qui se
caractérise par les serfs attachés a la glèbe). le mode des
paysans (se caractérisant par le travail familial) ou la petite
production marchande ».50
<!
Dans ce contexte d'activités non capitalistes'
internes se caractérisent par la
propriété commune des moyens de production et par des
relations non salariées. qui sont entrecroisées de relations
traditionnelles. telles que les castes. l'origine etc. Enfin.
d'après Hugo% le petit entrepreneur n'a pas besoin de
puiser plus de revenus de son affaire que ce qui est
« les relations sociales
" Idem. p.61.
" Cité par Meine Pieter Van Dijk op. cit.
" Idem. p.6 1.
ode lier.'^
nécessaire pour la poursuivre, l'accumulation de capital n'a
pas lieu N?
Maillon le moins productif dans une économie de marché. (4 les activités infornielles
constituent des formes de production associées au capitalisme dominant mais connaissent
leurs propres lois de fonctionnement: elles constituent des réponses des acteurs sociaux
intégrés dans un certain type de relations. »j2
En somme. l'analyse systémique oriente sa démarche vers le rejet de la segmentation
de l'économie en deux secteurs. L'analyse de l'informel ou de la petite production
marchande. pour parodier Hugon, ne trouve sa pertinence qu'à travers la compréhension des
modes de production urbains. et plus précisément dans la soumission des formes de
production au capital. (( Les relations entre les deux secteurs ne doivent pas être étudiées
dans leurs liens d'extériorité. mais être analysées dans leurs liens dialectiques au sein de la
totalité constituée par le capital. H"
' Philippe Hugon et al.. op. cit. p.61.
" i&m. p. 181.
Philippe Hugon: Dualisme sectoriel ou soumission des formes de production au capid. Peut-ondepasser
le débat? » . op. cit, p. 252.
Chapitre II
La tradition socio-culturelle comprend un ensemble d'approches de l'informel urbain
élaborées. non plus exclusivement avec l'idée d'un (sous)développement lié aux performances
économiques, mais au regard des changements sociaux globaux engendrés par le phénomène
d'urbanisation-industrialisation dans l'ensemble des sociétés dites sous-développées. Elle se
démarque de l'approche strictement écunumique en ce sens qu'elle représente une rupture
dans les perceptions et les analyses des activités informelles.
La réalité d'une urbanisation accélérée qui entasse des millions d'individus dans des
villes du Tien-monde dépourwes des smcnires d'accueil adéquates a raison. d'une part des
analyses optimistes de l'informel en termes de transition: et des thèses dualistes qui avaient
pensé à l'absorption progressive des activités informelles par le fomel dans le procès de
modemisation. Mais ce revirement idéologique est également, à plusieurs égards. une sorte de
retour aux sources des études de l'informel urbain dans le Tien-monde. En effet. les études de
l'informel urbain en Amérique latine notamment situent très t ô t le débat informel dans une
perspective sociale globale.
Dans ce qu'il appelle le "premier âge de l'économie informelle". Lautier distingue trois
registres dans lesquels s'inscrit l'analyse de l'informel. Nous avons naturellement le registre du
sous-emploi. mais également celui de la marginalité. celui de la pauvreté et de la recherche de
la survie ". Ces deux demien régistres sont caractéristiques du discours social sur I'informel.
II. 1. Le premier moment: la margmalité
Les tentatives d'explications de l'échec de modernisation des sociétés du Tien-monde
rendent compte. en terme de margidité, du processus spatial et humain qui aboutit à la
surpopulation des villes sous-développées, avec pour cornollaire l'extension anarchique de
l'habitat urbain. Au départ, la thèse de la mar@naÜtéfait explicitement référence à ces masses
d'urbains dom l'intégration au salariat ne s'en pas faite. On parle méme. dans une cenaine
%runo Laurier: op. cit, p h .
mesure. de la transposition aux rapports sociaux de production du dualisme économique
formel-informel.
Les études de la situation latino-américaine distinguent un cenain nombre de f2,rteurs
caractéri=t la "marginalidad":
((
- exclusion des mécanismes de la production moderne:
- existence de relations interindividuelles différentes de
ceiles qui prévalent dans le secteur formel:
- isolement @opphique des mases urbaines
concernées. P
De cet angle. la marghdité ou non-intégration s'oppose a l'intégration. dans le salariat
moderne bien entendu.
Quijano fait une distinction dans la population marpinale. Pour lui.
1e Lumpen-prolétariat caractérisé par l'errance. 1'anornie,
la solitude et la misère, constitue un ensemble d'individus
dans les sociétés dépendantes. Il existe une strate margide
qui se polarise autour d'une petite bourgeoisie et d'un
prolétariat rnarginaw: le premier groupe travaille
principalement pour le secteur de la m r g h l i t é alors que le
second travaille plutôt pour le secteur moderne. »j6
((
" Philippe H u p n et d. op-cit, p. 178.
" Idem. p.74.
Avec Quijano, la marginalité renvoie au procès de recomposition des classes sociales
dans les villes latino-américaines. Ce procès met en lumière trois classes: la petite bourgeoisie
r n a r w e : artisans. petits producteurs de senices. petits commerçants en situation de
dépendance:
les salariés ,
m
prolongation du prolétariat industriel, et le sous
pïolétariat marginal.s7
L'analyse de Gerry des enjeux de l'informel sur le thème de la margirdité est plus
nuancée. Pour lui,
« le concept de marginalité au sens le plus statique.
décrivant un statut plutôt qu'analysant un mécanisme
historique, semble incapable d'autoriser une analyse de
classe pertinente de la société capitaliste sous-développée:
ü laisse peu de place. ni ne crée d'outils analytiques
efficaces. pour examiner? soit le processus de
différenciation des classes plus clairement définies. soit les
différenciations entre et à l'intérieur des hctions qui
constituent les classes actuellement en formation. »58
Orientant sa démarche dans le sens de l'analyse des processus. et plus précisement
des mécanismes que comportent ces processus, l'auteur opte pour le concept de
marginalisation qui traduit un processus. Le concept de m a r w i t é ne ferait pour Gemy. que
lancer le débat dans un dualisme conceptuel mar@nalité-intégrationparfaitement unitile.
L'armée industrielle de réserve (AIR)
L'AIR fait reférence
aim
études de Marx sur le prolétariat lors des débuts de
l'industrialisation en Angleterre. Le concept d'armée de réserve. dans ce contexte.
Ibidem.
I h . p. 179.
((
exprime
clairement la fonctionnalité du surplus de population active »? Le rôle de l'AIR dans le
schéma marxiste était le maintien des salaires à un bas niveau, par une pression constante sur
l'offre de travail. La situation de chômage était essentielle pour permettre le bon
fonctionnement du système d'accumulation. Le surplus structurel de main-d'oeuvre des pays
sous-développés joue-t-il le même rôle ?
Toute la difficulté vient de ce que l'excédent n'a
certainement ni les mêmes formes ni les mêmes fonctions
que l'ami& de réserve du XlXe siècle: celle-ci semait en
effet principalement à répondre aux "besoins flottants" de
l'industrie. qui variaient dans des proportions
considérables au rythme des crises des mouvements
soudains d'expansion et de contraction de la production:
elle permettait aussi "une redistribution rapide des
travailleurs entre les différentes sphères de placement du
capital". Telle était la "loi de population" propre à ce
modèle historique de production sociale. »*
((
Le chômage snicnirrl des villes du Tiers-monde ne semble pas relever d'une
quelconque fonctionnalité économique. Aussi. la quantité des chômeurs largement plus
importante en pays sous-développés fait. qu'il est peu probable que les fonctions soient
identiques dans les deux cas. Pour Nun. les marpinaux ou "infra-urbains" des économies
périphériques sous-développées ne jouent pas véritablement le r6le d'AIR, w qu'ils
n'interfèrent pas véritablement dans le processus d'accumulation désormais sous contrôle du
capitalisme industriel et financier. Contrairement a l'AIR l'informel ne répond à aucune
nécessité de l'industrialisation. Les activités informelles fleurissent à l'envers et même contre
le développement en privant le secteur moderne de débouchés et d'épargne entre aunes. Le
surplus de m a h d ' o e u m urbaine dans les pays sous-développés ne peut être' en ce sens. un
élément de développement. En définitive. la signification du phénomène informel ne peut se
" Moïse lkonokoff et Silvia Sigal:
*r
Amee de réserve, marginalit6 et secteur iiifomel a. Revue Tiers-
Monde, X X I , 82. Avril-Juin 1980, pp.42745.
-
* Henri Coing. Hélene Lamicq. Carlos Maldonado et Christine Meunier: a Allocation de la force de travail ei
excédent relatif des mvailleurs m.
in Vivre et sunivre dans les villes africaines op. cil. p. 183.
trouver. comme pour l'AIR dans une stratégie de maintien de conditions économiques
favorables à une croissance toujours plus grande.
La sociologie. dans le cadre de l'analyse des activités informelles, va orienter le débat
sur la rnarpuiaiité vers deux horizons. Premièremen& la croissance exponentielle des
populations des villes du Tien-monde provoque une confusion sans précédent dans ces
sociétés. L'absence de structures sociales adéquates et sufisantes. le manque d'emplois
salariés etc.. mettent en péril le processus d'urbanisation. L'une des conséquences de cet état
des choses est I'eetement des normes qui assurent le contrôle social. La société connaît
alors une certaine momie caractérisée par un essor de la délinquance et d'autres types de
déviances. La violence physique et psychologique devient la m
e dans ces sociétés en mal de
repères. Le second volet d'interprétation de la rnarpinalité par les sociologues en rapport avec
l'informel urbain est celui du rejet des normes et valeurs véhiculées par la société
productiviste. Des individus ou poupes d'individus trouvent que la modernisation par
l'industrialisation conduit à la déchéance de la société par la perte de ses valeurs
fondamentales. 11 s'ensuit un rejet des valeurs modernes et la recherche de la réappropriation
d'une société à l'état de nature. plus humaine. Cest ce que Lautier appelle « le refus
d'intégration dans la société urbaine nomée
Le thème de la pauvreté est mis de l'avant. en parlant des activités informelles, avec la
prise de conscience internationale des conditions d'existence précaires des populations
urbaines du Tiers-monde. Au départ. le théme de la pauvreté était utilisé pour parler des
migrants non intégrés dans le salariat urbain moderne. En ce sens. la pauvreté résultait donc
du sous-emploi des villes du Tiers-rnonde. l'infomel~foyer de pauvreté. était perçu comme
un frein au développement du capitalisme industriel.
" Brno Lautier: op.cir. p.7.
Dès 1991. la lune conm la pauvreté est annoncé comme
(i
objectif premier de la Banque Mondiale. La promotion du
secteur informel y tient une place centraie: eile est devenue
l'instrument principal de la @nération d'emplois et de
revenus, de la formation professio~elle.et de la protection
sociale, dans un contexte d'effondremeni des systèmes
publics de protection. »62
Le revirement idéologique provoqué non seulement par la perdurance des activités
informelles. mais surtout par les "velléités hégémoniques internes" de l'informel dans
l'ensemble des sociétés du Tien-monde se répercute sur la perception de I'infonnel. comme
obstacle au développement. Désormais. I'infomel est interprété comme la formulation par
les pauvres de "stratégies de survie" dans des pays où le senice public est devenu
afonctiomel ou presque. En filigrane de cette reconversion se Bouve une nouvelle perception
du pauvre du Tiers-monde que l'on veut meilleure: débrouillard créatif et inventif. il tente par
de petites activités non pas de réaliser un surplus, mais de survivre dans la psadle
économique des pays sous-développés. Le secteur informel qui regroupe ces activités joue
désormais un rôle social majeur: éviter ii tout prix l'implosion sociale en faisant survivre les
"naufrages de la planète".
11.2. Le second moment: l'économie populaire
La réflexion sur la marginalité. la pauvreté et le rôle social de l'informel se raitache en
fait à la crise qui frappe les économies modernes sous-développées. Les restrictions
budgétaires imposées par les plans d'ajustement smicturels des orpismes financiers
internationaux ressemblent à des "bombes a retardement" sociales. Pour le secteur informel. la
tâche consiste plus que jamais à ofEir des revenus, même les plus insignifiants. La capacité
de l'informel à "absorber" la crise par la multitude de petits métiers qu'il offre aux migants et
Bruno Laurier: Économie informelle. Solution ou probkme? B. Revue Sciences-Humaines, 50. Mai
1995, pp.27-28
aux anciens salariés du secteur moderne s'avère être un antidote efficace, contre la conjoncture
économique défavorable.
D'une vocation productive qui avait donné lieu à de vaines politiques de
"formalisation", l'informel est maintenant 1' i n s r n e n t principal de la régdation sociale. Mais
cette nouvelle vocation idéologique repose en réalité sur (( une capacité insoupçomée (...) de
création d'emplois et de revenus en temps de crise. grâce à son dynamisme (...). Certains
vont jusqu'a le qualifier "d'éponge à emplois". Dit autrement: puisque ce en quoi nous avons
cm ne marche pas, ce en quoi nous n'avons pas cm doit marcher.
»63
Sur le plan théorique, la réguiation sociale par les activités informelles urbaines en
pays sous-développés est élaborée à travers la thèse de la substitution. C'est l'UNICEF.
dans son rapport de 1987,qui donne le ton à cette t h è ~ eL'idée
. ~ centrale est que le secteur
informel se caractérise par la faiblesse des charges financières (salaires, impôts' taxes etc.)
qu'il assume. Cette situation en fait un secteur très concurrentiel qui pounait exploiter
certaines branches de l'économie. desquelles il serait préférable que les entreprises du secteur
moderne se retirent. Autrement di2 le secteur informel pourrait se substituer a l'économie
formelle dans certaines activités. Il créemit des emplois, suppléanr ainsi aiix emplois perdus
dans le secteur moderne en crise. La thèse de la substitution repose elle même sur une
caractéristique importante de l'économie informelle: la flexibilité
Dans son acception interne, la flexibilité désigne la capacité des entreprises
informelles à organiser leur production et le travail, en fonction des données conjoncturelles.
Ces entreprises s'ajustent avec une facilité exceptionnelle à la demande. Une seconde
modalité de la flexibilité permet aux entreprises informelles de s'assurer. toujours pour
certaines charges fixes (salaires. cotisations etc.), les coûts les moins élevés. C'est ce que l'on
fJ
Bruno Lautier L'économie informelle dans le Tiers-mode. op. cit. p.26.
Giovanni Andrea Cornia, Richard Jolly et Frances Stewart L'ajusternens à visage humain. Paris, UNICEF.
1987, 372p.
ji
appelle la flexibilité externe, qui d o ~ «ela possibilité de licencier, d'embaucher. sur statut
précaire, voire d'échapper au salaire minimum ».6'
La flexibilité des entreprises informelles est animée à ia nature des rapports sociaux
(de production)66des acteurs de ce secteur. Il est d'ailleurs important de signaler que toute la
cohérence du rôle social - dont on parle souvent à panir d'éléments appartenant à la sphère
économique (flexibilité, faibles coûts etc.)
- repose sur la nature des rapports
sociaux (de
production). Ces rapports évacuent les aspects contractuels et rationnels de l'économie
moderne, laissant place à une plus grande convivialité. La réussite des entreprises infomelles
est pour une large part redevable à la nature de ces rapports sociaux (de production). « Ce
n'est pas parce que les micro entreprises en question sont des entreprises capitalistes.
appelées a croitre. qu'elles résistent
iî
la crise. C'est justement parce qu'elle ne le sont pas.
Comme elles sont familiales. que leur logique de fonctionnement est de créer des emplois à
destination des membres de la famille. elles vont absorber plus facilement les retournements
de la conjoncture. »67 Lautier poursuit:
« La force de l'économie informelle dans ces temps de crise
résiderait dans les liens personnels, et non salariaux, qui
unissent le patron et sa main-d'oeuvre. essentiellement
familiale. Dans une entreprise formalisée. en situation de
crise. le patron ne peut pas baisser Ir salaire endessous du
salaire minimum. II va alors licencier. II n'en va pas de même
dans l'entreprise informelle: le petit patron ne va pas
licencier son épouse. son fils ou son cousin quand le volume
des affaires baissera; l'entreprise ne fera pas non plus faillite
(Ir mot n'ayant pas de sens en l'absence d'inscription légale).
Chacun va se serrer la ceinture, en attendant des jours
meilleurs; et mieux vaut avoir un revenu par tête inférieur au
salaire minimum que pas de revenu du tout. »68
CS
Bruno Lautier: op. cir, p.29.
'On peur s'inierrogr sur la vaiiditk au niveau empirique de cene distinction entre rapports sociaux et rapports
sociaux de production. Dans le contexte des activites informelles. ces deux notions nous semblent presque
synonymes. ou du moins, la seconde est incluse dans la premikre.
6'
Bruno Lautier: op. cir, p.25.
" Idon, p.29.
Cette seconde lecture est caractéristique du changement de discours portani sur
l'informel. Du rdle nuisible de fiein au développement vilipendé par les thèses de la
transition et sectorielle, l'économie informelle se retrouve chargée de vernis productives, puis
de régulation des crises sociales. Les vertus des activités informelles dans la crise ginéraiisée
du sous-développement s'expriment à mvers les "stratégies de survie", la "débrouillardise",
caractérisées par la récupération et la transformation primaire des déchets de la
consommation moderne. A la base de cette lutte contre la pression de subsistance, nous
avons un complexe de solidarités collectives procédant des liens claniques. tribaux et
ethniques. La survie collective donne lieu à l'émergence de solidarités de type idenditaire.
Parce qu'elles appaniement au même univers de misère et de précarité. les populations
unissent leurs efforts afin de mieux organiser leurs activités. En Amérique latine, le concept
d'économie populaire vient souligner cette prise en main des populations par elles mêmes. La
notion d'économie populaire fait reférence à une économie (( dont les gens sont eux mêmes les
sujets. »69
L
a notion d'économie populaire s'oppose. sur le plan théorique. a toutes les analyses
qui font des activités informelles un vestige pré-capitaliste. des comportements socio-
économiques irrationnels qu'il faut dissoudre dans une vague de modernité. Elle « veut
souligner la spécificité des acteurs, des entrepreneurs de ces activités comme pierre de touche
de l'analyse qui s'inscrivent dans un contexte historique. culturel précis. Nous cherchons à
mettre en évidence un sujet, le monde populaire qui s'active en termes économiques. »'O
Dans la confiCnuration spatiale urbaine du Tiers-monde, l'économie populaire renvoie
.
précisement à ces habitations en matériaux de récupération à l e m occupants et à leurs
activités: les "poblaciones", c'est-à-dire les habitants des "pobladores" dans le cas chilien que
Razeno ( 1993) cité par Bruno Lautier: op.cit. p.35.
Manhe Nyssens et I p c i o Larraechea: a Les organisarions économiques populaires du Chili: la montee en
puissance du facteur C B, in Oreanisations économiaues et nilm africaines. op. cit. pp.389418.
'd
nous décrivent Nyssens et Larraechea. Sur le plan pratique, l'économie populaire fait
reférence à
un ensemble de pratiques d'entraide, qui peuvent aller de
la mise en place des cuisines de quanier (cornedores
populares) ou d'écoles associatives (alphabétisation ou
formation professiomelle), à la constitution de réseaux de
difision de connaissances sanitaires, ou d'associations
d'habitants visant a palier certains déficits en équipements
collectifs. (...) l'économie populaire est vue comme une
alternative sociale, permettant le renouveau d i n e
démocratie à la base. fondée sur la prise en assemblée
générale des décisions concernant aussi bien les soupes
populaires que la création d'emplois communautaires. n7'
((
Lëconomie populaire est également une politique de protection sociale informelle.
dans laquelle les rapports entre individus sont directs et adaptés à l'urgence des situations
quotidiennes. Comme nous le notions précédement. l'économie populaire replace les acteurs
et activités informelles dans un contexte historique et sociotulhirel. qui est celui des masses
urbanisées et pauvres du Tiers-monde.
Cette notion traduit une double préoccupation: primo, la recherche d'un champ
d'expression économique de la majorité des populations urbaines exclues du procès de
modernisation; secundo, la volonté affichée d'intégration politique et culturelle. par une
participation accrue dans l'ensemble des activités de la société. Naturellement. le
cheminement vers la réalisation de ces préoccupations se détache totalement de la
philosophie d'accumulation non partagée, le différenciant ainsi des pratiques et idéologies de
la société moderne formelle. Avec l'économie populaire, les pauvres sont désormais les
principaux agents du développement et conséquement les sujets de leur propre histoire.
-.' Rodngo ( 1990) cité par Brno Laurier: op.cir, pp.3.135
II, 3. La donne culturelle
Après moult plans d'ajustement, aides techniques, financières etc., force est de
contaster le bilan désastreux des économies du Tiers-monde. Des voix s'élèvent don pour
souligner "l'erreur1', la raison principale qui justifie pourquoi les "greEesl' des modèles de
développement importés ne tiennent pas dans les pays sous-développés. La culture est
soudainement désignée comme l'oubli fatal, l'ingrédient sans lequel le développement est
impossible. Le discours se veut simple: les échecs des actions de développement sont liés à la
mise à l'écart des éléments de culture des populations sousdéveloppées. Il ne suffit pas
d'implanter une usine ou une banque, il est égaiement important que les us et wutumes
locales répondent au nécessités fonctionnelles et même symboliques de ces instruments de
développement, qui impliquent autant de nouvelles valeurs culturelles à acquérir. On assiste
ensuite a une refomulation des politiques nationales et internationales de développement.
Au Gabon. par exemple. les pouvoirs publics mettent en place, au début des années 1980. les
opérations zonales intéprées (021). un programme qui devait favoriser la participation des
populations dans des projets de développement ciblés, mais dont nous savons que les
résultats ont été particulièrement mitigés.
Sur le plan international, les grandes institutions mondiales décrètent la dimension
culturelle du développement. Au niveau conceptuel. le développement est désormais
endogène. auto-centré, intégré etc. La priorité est faite am projets de petite envergure et de
proximité auxquels la participation des populations est souhaitée la plus large possible. Dans
les centres urbains, cette réorientation tente de ramener les activités informelles dans le giron
du moderne. par des politiques de formalisation. Sous le coup de nombreuses subventions
financières et d'assistance technique. on tente de faciliter l'intégration graduelle e& surtout.
sans "choc culnuel'' des pratiques informelles dans les normes modernes.
La nouveauté de la dimension culturelle du développement n'est en réalité qu'un
réaménagement technique des idées et méthodes du développement. Il est tout au plus
question d'une révision des voies jusque la empruntées. Ce nouveau développement culturel
proné par les institutions internationales reste celui de l'industrialisation, de l'exploitation des
richesses et d'accumulation par les détenteurs de capitaux. Le problème est juste de trouver
les moyens d'une plus grande participation du Tien-monde aux échanges internationaux.
Le bilan des initiatives nées de la notion de dimension culturelle du développement est
mitigé. En dépit des tentatives de considération de
((
la dimension oubliée
»?
la situation
économique du Tiers-monde reste catastrophique. Aurait-on pris la culture par le mauvais
bout dans le procès de développement ? La montée des activités informelles peut. en soi, être
considérée comme une partie de la réponse. et cela appelle une remarque: la survie des masses
urbaines en Afnque et dans le Tien-monde est essentiellement assurée par les activités
informelles. c'est-à-dire par cet ensemble d'activités économiques et sociales. exemptes des
interventions des agents officiels de développement nationaux et intemationaux.
Les entreprises informelles constituent pour plusieurs pays. le plus important
fournisseur de biens et services aux populations. Pourquoi ce qui ne marche pas dans le cadre
d'une économie formalisée trouve-t-il une terre de prédilection dans le monde de l'informalité?
Plusieurs auteurs voient en filigrane de cette activité communautaire dite "non moderne". une
intention de renouveau global. une volonté d'affranchissement des contraintes du capitalisme
fuiancier et industriel. a On met en avant le fait que s'y développe une culture que certains
qualifieront de conm-culture, ou de manifestation d'un refus du développement. Ce qui
caractérise les rapports sociaux de l'économie informelle est d'abord la solidarité. et la
prépondérance des comportements en apparence anti-économiques. Ceux-ci ne manifestent
pas l'impossibilité mais le refus d'adhérer au modèle de l'Homo oeconomicus occidental. »"
-- Bruno Lautier. op-ci!, p. M.
Le culturalisme. courant de pensée d'inspiration ethnologique qui s'est développé au
début du siècle et qui est une tentative de compréhension des sociétés ccmrne entités
singulières. a également « le souci de saisir la culture dans sa totalité. Cette perspective
holistique se retrouve chez tous les anthropologues américains du courant cultudistes (...).
cette tendance si manifeste chez les auteurs culturalistes se retrouve aussi bien dans la notion
riche et fëconde de "fait social totalttque propose Marcel Mauss et, a un aune niveau, dans le
projet structuraliste repris par Claude Levi-Strauss (.. .). 11'~
Des développements culnvalistes est né le concept de relativisme culturel. ce qui
signifie le caractère particulier des expériences de vie individuelles et collectives. ainsi que
l'unicité des représentations sociales. Le relativisme culturel met un bémol sur les tentatives
d'interprétation du monde comme une réalité homogène en tout point et sur les tentatives
d'uniformisation de la diversité culturelle. Dans ce sens. ce concept peut contribuer à la
compréhension des activités informelles comme un renouveau culturel. fondé sur des valeurs
différentes de celles véhiculées par le modèle socio-éfonomique occidental. C'est à ce titre
que la priorisation de I'éconornie est un choix culturel respectable qui a été assumé par
l'Occident. mais dont la prétention universaliste ne répond à aucune nécessité historique.
En clair! l'existence d'une sphère économique autonome n'est pas un trait de
civilisation incontournable. Elle n'a valeur préeminente que dans le complexe socio-culturel
historiquement établi en Europe. Sa surimpression dans des sociétés dont l'axiologie n'inscrit
@re I'accumulation capitaliste entraîne des phénomènes de rejet et la mise en place des
mécanismes de régulation appropriés. Cela semble être la signification profonde de I'essor
des activités infornielles dans le Tiers-monde pour plusieurs penseurs dont la reflexion entre
dans le schéma cultudiste. « Selon l'approche culturaliste. les activités inforneiles
constituent le Lieu, par exemple, de l'alternative et de l'expérimentation sociale. »74
7
-4
Simone Clapier Vallandon: Panorama du culntralim. Fans, id. Epi, 1976, p. 17.
Benoît Lévesque: L'aurre &conornie, une économie altenative ? Montréal, PUQ, 19û9, présentation.
Serge ~atouche'~
est sans doute une des figures de proue de la thèse de l'avènement
d'une économie, mieux, d'une société nouvelle. Partant du constat d'échec des tentatives
d'universalisation des normes sociales occidentales, Latouche et les autres zélateurs de la
rupture ou du renouveau dont l'infomel est I'expression interprètent ces activités comme
l'invention par les masses d'une autre forme d'économie, certains (( vont même jusqu'à voir
des signes d'une société post-moderne N . ' ~
Le projet d'occidentalisation des peuples du Tiers-monde par un développement
mimétique. le règne de la rationalité technico-instrumentale a trouvé ses limites dans le
contexte des pays sous-développés. Pour Latouche, la différence fondamentale réside au
niveau de ce qu'il appelle la "souche sociétale". On peut comprendre ce concept comme
étant une sorte de matrice des valeurs d'une civilisation qui oriente la pensée et l'action de
ses membres. La souche sociétaie poumit égalernent représenter la structure au sens
lévistraussien du terme. Et cette smcture dans les pays du Tiers-monde serait différente de
celle de 170ccident.La (( souche sociétale )) se fonde dans les pays africains par exemple. sur
des valeurs culturelles communautaires de partage et de solidarité par lesquelles la recherche
limitée du profit reste essentiellement. un instrument de promotion collective. Aussi.
((
la
réussite de l'informel tient profondément a son irrationalité. c'est-à-dire au fait qu'on a
affaire à une réalité qui ne rentre pas dans le schéma du paradigme occidental. )?'
La thématique de l'invention d'une société nouvelle est aussi une violente critique de
l'idée selon laquelle, le sous-développement est un retard économique, un phénomène
conjoncturel auquel la croissance économique des pays retardés mettrait fin. Une analyse
dénoncée par les cultudistes qui pensent que le sousdeveloppement est fondamentalement
une forme de déculturation. (( En tout état de cause. le Tien-monde souffre plus de ce que
-'Serge Latouche est Professeur à la Faculté de droit de I'Universitt5 Pans Xi et
Serge Latouche: a Les paradoxes de la normalisation de l'économie informelle
jurîdiaues. konorniaues et sociale informelles. op. ci?,p.63.
' / a h . p.66.
-6
1'I.LU.S.
m,
in Les mtiaues
nous lui vendons ou lui donnons. que de ce que nous lui extorquons. Et ce que nous lui
apportons de plus nocif est un modèle culturel
affVme Partant. Le développement des
activités informelles constitue la réponse du Tiers-monde à l'oppression capitaliste. la
solution que les peuples du Sud opposent au modele technico-rationnel occidental, qui ne
répond pas à l e m besoins. La gageure de l'informel n'en per qimplement de survivre, il
s'agit plus profondément de modifier le systéme, de changer les regles du jeu. en somme
d'instaurer une société différente du modèle fonnel moderne.
L'informel ne désigne pas seulement une réalité
économique atypique, invisible, mais une société elle même
illisible, en délicatesse avec la modernité. ni légale. ni
illégale, littéralement ailleurs, en dehors des cadres de
repérage et des valeurs dominantes (...). il n'est donc
possible de saisir l'hétérogénéité concrète de 1' informel
cornme une totalité cohérente au niveau abstrait que si on
saisit le formel dans sa pemnence théorique. L'informel est
bien un cas de délinquance envers la raison économique. Il
est l'autre de la grande société. N~~
((
L'économie alternative
L'interprétation des activités informelles « sous l'angie de l'altérité. voire de la contreculture OU du refis du développement )?* laisse entrevoir une intense activité transformatrice
dans les pays sous-développés. La situation des économies modernes est si catastrophique
que la normalisation de la société globale dans ses fonctions essentielles par les activités
informelles est plus vraisemblable qu'une énième resmicturation de ces économies officielles.
De l'importante envergure que prennent les activités informelles dans ces sociétés. allant
jusqu'à provoquer des interfërences sérieuses dans le système moderne.
'>9
"
François Panant: Cette crise qui n 'en est ppr une. Paris. L'Harmattan, 1994. p. 220.
Serge Latouche: La planère &s nag?agt?s. Paris*La Découverte, 1991, p. 1 16.
[&m. p.31.
semble jaillir une nouvelle voie de développement. Cette nouvelle voie de développement
dans l'approche culturaliste est consécutive a la destruction par le capitalisme des stmctures
socio-économiques du Tien-monde. Elle est plus précisernent l'enjambement des structures
politiques, économiques, sociales et culturelles mimétiques. La nouvelle voie informelle se
justifie par le refus du développement tel qu'il est conçu et appliqué, c'est-à-dire. sans le
moindre souci d'un certaii équilibre dans la répartition des richesses à tous les niveaux. La
vitalité des activités informelles doit conduire a la mise en place de mécanismes et institutions
de gestion de la société globale. À quelles fins pourraitsn se demander ?
Penouil et Lachaud pensent que l'économie informelle est vouée a « un
développement classique dans ses aboutissements, c'est-à-dire le seul modèle concevable et
valable pour un économiste: la société technicienne. la civilisation unidirnensiome~le.(...) Le
secteur i d o n e l n'est pas transitoire en soi. mais son rôle historique sera transitoire. ou ne
'
sera pas. »8 D'autres analyses font une interprétation plus pragmatique sur la question de la
nature de l'informel et de ce qu'il augure. Les activités informelles sont les seules qui assurent
la survie des masses urbaines des régions sous-développées, Cette fonction qu'assume
ItinformeI est la résultante d'un état pathologique avancé des nonnes sociales modernes.
L'informel n'est surtout pas un caprice de ceux qui en vivent. mais la seule voie qui jusqu'ici
permet au plus grand nombre des citadins du Tiers-monde. de plus ou moins satisfaire leurs
besoins élémentaires. Pour Latouche. « l'informel ne porte pas en lui même un projet
développementiste. caractéristique de l'appartenance à la grande société. il est bel et bien
porteur d'une autre société ».82
La conceptualisation de la réalité informelle et de son importance fonctionnelle dans
les villes du Tiers-monde nous conduit. vers l'émergence d'une option de contrôle social
différente du modèle productiviste. L'informel serait beaucoup plus la substance de base tant
recherchée pour un développement alternatif'.
Cites
par Serge Latouche: Ln planète des ~ u f a g e s op.
. cil, p. 130.
"idem. p.131.
81
Devenant un modèle social « de plein exercice », I'informdité implique dans son
versant économique, la montée de ce que l'on dénome l'économie alternative. Bien que
plusieurs courants de pensées en traitent, avec quelques nuances, il se dégage un consensus
au niveau de ce que nous appelons Fesprit pjnéral de ce qu'est l'économie alternative. il
semble bien que la majorité des chercheurs sur la question s'accordent autour du rejet de
l'économie en tant que sphère autonome et impérialisante.
Pour un certain nombre de chercheurs (...). I'économie
alternative désigne cette partie de la science économique
qui étudie la satisfaction des besoins de la vie courante
dans un cadre de pratiques et d'attitudes autres que celles
associées au modèle dominant dans une société de
consommation. Pour d'autres, l'économie alternative
renvoie plutôt à une autre approche des sciences
économiques, approche qui se veut en rupture aussi bien
avec l'approche néoclassique qu'avec les approches
keynésienne et marxiste.)ba3
((
D'autre approches de l'économie alternative soulignent que les activités informelles
relevent des préocugations humaines et environementales. L ' a c d i t é des débats autour de la
paupéristion de la plus grande partie de l'humanité, de la dégradation de I'enviromement a
cause des rejets de substances industrielles toxiques rajoute des arguments à ceux qui militent
pour une revision du développement et de ses objectifs.
L'économie alternative se positionne également comme une philosophie réaliste de la
vie comprise comme l'ensemble des contraintes qu'imposent les activités humaines et celles
inhérentes à Ia conservation d'un environnement relativement sain. La réalisation de cet idéal
alternatif est certainement fonction d'un changement significatif dans la conception et la
pratique de l'économie. Les zélateurs de l'économie informelle comme foxme alternative'
" Andd Joyal cite par Benoît Uvesque: op-cit. p.26.
certes embryonnaire, voient en ces activités les germes d'une approche qui amènerait une
véritable rupture avec le modèle ambiant. C'est ainsi que de rnaniére pratique.
le défi de la nouvelle économie (...), est de remplacer un
modèle dominant dans l'esprit des gens d'aujourd'hui et
qui renforce la dépendance et I'individualisme, par un
nouveau modèle, un modèle dont la première priorité (top
prionty) semit de rendre les gens. les petites régions et
pays (notamment ceux du Tiers-Monde) capables de
prendre en main les destinées de leur propre économie. de
développer leur capacité pour les coopératives et leur sens
des responsabilités sociales et écologiques. De ce point de
vue? l'économie alternative est non seulement en rupture
avec les approches disciplinaires dominantes, mais aussi
engagée dans la réalisation d'alternatives économiques et
sociales. P
(i
Cet enchevêtrement des activités économiques et sociales se cristalise dans des
solidarités de résistance aux lois du marché capitaliste libéral.
La force de I'économie alternative réside dans le refus de
l'isolationnisme qui privilégie les entreprises isolées ou les
unités de comptabilité séparées. au détriment de structures
qui fonctionnent en réseau. et dont l'un des avantages est
de permettre de minorer les impacts socio-économiques
inhérents a la logique du marché. Ainsi conçue, la nouvelle
dynamique associe désormais la notion d'alternative à celle
de solidarité?car dans un monde d'exclusion et de précarité
"la solidarité ne vaut que si elle développe l'autonomie, et
l'autonomie ne vaut que si elle développe l'égalité. Ainsi.
l'économie solidaire ne peut-être qu'alternative. »85
((
Robertson cité par Benoît Lévesque: opcit, p.27.
Jacques Archimbaud cite par Fidele Nzé-Nguema: a L'enneprise informelle offre-t-de des correctifs au
secteur formel et lesquels ? m, in Organisations éconorniaues et cuItures africaines. op. cit, pp.291-3 12.
L'avènement de l'économie alternative. fondement
de "l'autre société" peut se
concevoir de deux façons selon ~atouche'~.La première résulterait de la prise de conscience
d'un besoin de changement qui se traduit par la construction consciente d'une société dont les
nouvelles normes sont collectivement acceptées. Nous avons donc a travers ce choix. une
alternative volontariste. La nouvelle société peut également être le fait d'un déterminisme
historique. c'est-à-dire que l'oppression capitaliste conduit à la marpalisation des masses
urbaines du Tien-monde. Prises au piège de la survie. dans un système dont elles sont
exclues, ces masses n'ont plus que le choix de créer des mécanismes de subsistance distincts
des circuits officiels. Il s'agit alon de l'alternative historique.
Qu'elle procède d'une élection collective ou d'un retournement de l'histoire. "l'autre
société" se caractérise par son exigence de totalité. c'est-à-dire la non différenciation des
activités sociales en dominantes et secondaires. Il y a réenchâssement du sous-système
économique dans le tout social. Mais la société alternative suggérée par les activités
informelles reste limitée dans son expansion. par le peu d'intérêt que suscite cette approche
d'une part; et d'autre part. par la faible conscience collective des acteurs de l'informel autour
d'un véritable projet de société basé sur ce modèle informel.
En définitive. si le rôle social des activités Uiformelles est indéniable dans les stratégies
de survie des masses urbaines du Tiers-monde. il n'en reste pas moins. que dans une
projection à moyen terme' l'informel ne se pose pas encore comme une alternative viable à
l%conomie moderne. Les pays du Tiers-monde se retrouvent finalement dans une impasse où
H
la difision des activités économiques informelles manifeste bien la crise du capitalisme.
mais ne constitue pas un vecteur privilégié pour les expérimentations sociales progressistes.
Ces activités ne sauraient être identifiées à des activités autonomes puisque la plupart du
temps, elles ne sont que des substituts contraints. )18'
a Serge Latouche:
1995, pp.190-195.
Autre économie ou autre socidte ? P.
" Benoit Lévesque: op. cil. p. 16.
in L'hnornie devoilée, Pans. a.
Autrement
Le rôle d'innovateur socio-culturel de l'informel semble se raméner à celui de soupape
de sécurité et de décompression dans une crise sans fin pour les millions de citadins du
Tiers-monde. On en arrive à la conclusion que l'économie informeile (( ne sert à rien en termes
d'accumulation ou de changement technique, mais elle sert à survivre ».88 Il reste tout de
même que l'économie formelle des pays sous-développés ne répond &R
aw attentes des
développeurs et surtout des populations urbaines. La question ultime ne doit pas
uniquement faire le procès de la capacité des activités informelies à s'ériger en véritable
modèle de socikté. elle doit aussi sonder la société formelle sur sa capacité à rester un modèle
d'organisation socio-économique viable et répondant aux besoins de ses agents.
Une des contributions de l'analyse sociale reste assurément la démonstration des
limites du modèle productivisre dans ses fonctions et dans ses représentations, d'une part: et
la reconnaissance des activités informelles comme étant celles. qui tentent de soulager la
misère du sous-développement. Sur le plan heuristique, la tradition sociale va sortir le débat
sur la signification de l'infomel du champ exclusif de konomie. Aussi.
l'infarmel, son caractère de fait social total
»89
((
la spécificité de
ouvrent de nouveaux horizons à
1' interprétation des faits informels. Et c'est sur le terrain politique qu'apparaîtront de
nouvelles approches des activités informelles.
3B
Brno Lautier: opcit, p.36.
" Serge Latouche: ia plnnète des n/Ucfjagés:op. cit. p. 13 1.
Chapitre III
La tradition politique
La tradition politique pousse en avant le mouvement critique du modèle de
développement imposé dans le Tiers-monde par l'occident. Eile hérite des thèses
culturalines et cultive à son tout la nécessité d'une approche globale du développement, plus
précisément, la réorientation des prémisses théoriques qui servent à analyser les changements
induits par le processus de modernisation des pays sous-développés.
La problématique des activitis informeiles dans les villes du Tiers-monde entre
égalernent dans un nouveau champ de réflexion, celui qui a trait au « problème du pouvoir et
des rapports des citoyens à l'État »." Longtemps confinée au diktat de l'économie et de la
comptabilité. l'interprétation du fait informel vise dans la tradition politique « à dénoncer une
imposture, et déplacer un vrai problème ».91 Le vrai problème est celui des masses urbaines
s'entassant dans les habitats précaires des bidonvilles du Tiers-monde. L'imposture consiste.
quant a elle. a faire croire qu'il s'agit sirnpleme~td'un problème arithmétique qui sera résolu
par la croissance économique.
Fondamentalement. la tradition politique est une l e m historico-sociale des
changements dans les sociétés dites sous-développées. L'analyse sur le terrain politique est
une vision dynamique du changement social, qui replonge dans le passé colonial de I'AfEque
par exemple. afin d'en saisir les ressorts des situations présentes. Hier et aujourd'hui sont
liés et dans cette logique, I'informel n'échapperait pas a l'histoire de la domination par
l'occident des peuples du Tien-monde.
L'universalisation du modèle socio-économique occidental aurait un envers dont
l'informel est caractéristique. 11 as@
'&
à la fois. de la crise du modèle imposé et d'une
reprise par les informels des rênes du destin des pays pauvres. Telles semblent être les deux
voies que nous propose la tradition politique. Mais en définitive, dans la tradition politique.
!'état de la critique de la société technicienne est essentiellement la critique de l'État. dans sa
Bruno Lauaer. Claude de M m et Alain Morice: L'Etut et l'informel. Paris. L'Harmattan. 1331. p.5.
'' Idem. p.6.
nature historique en pays sous-développés, ceci en liaison avec ses fonctions de régulation
sociale au sens le plus large.
L'analyse politique ne se réduit pas à l'opposition formel-informel. Le sens de la
recherche est de comprendre les relations entre les populations et l'institution étatique. Les
activités informelles relèvent soit de l'inexistence de règles devant émaner de 1'autorité
publique, soit du non respect des normes établies par l'État. Et c'est cette interaction
citoyens-État qu'éclairent les activités informelles dans la tradition politique.
III. 1. Le poids de l'histoire coloniale
L'examen politique de l'informel par une approche historique ramène le débat a la
question du développement des pays amiennement colonisés. Il renvoie l'informel a l'échec
de l'application du modèle sociétal occidental dans les régions colonisées. En ce sens. le
développement des pratiques informelles peut être considéré comme étant la
développement urbain colonial. Selon l'ancienne conception colonialiste:
coloniser c'est se merne en rapport avec des pays neufs
pour profiter des ressources de toute nature de ces pays,
les mettre en valeur dans l'intérêt national. et en même
temps apporter aux peuplades primitives qui en sont
privées les avantages de la culture intellectuelle. sociale.
scientifique, morale. artistique. litéraire. commerciale et
indusnielle, apanage des races supérieures. La colonisation
est donc un établissement fondé par une race à civilisation
avancée. pour réaliser le double but que nous venons
d'indiquer. )19?
((
Cite par Henri ürimal: La dicolonisPsion de 1919 à nus jours. Paris, Éd. Complexe. 1985, p.6.
<(
fille » du
II n'est pas utile de revenir sur tous les sous-entendus des assenions de cette nature.
mais il reste que ces idées étaient à la base de la politique coloniale et de la façon dont se sont
développées les activités urbaines. Le développement urbain s'est fait sous le double signe de
l'exploitation et de l'exclusion systématique des masses autochtones dans les activités
essentielles de la vie urbaine. La colonisation a un double impact sur l'organisation saciospatiale des villes d'Afrique noire. Le premier est la destruction des modes de gestions de
l'espace des autochtones. Le second contribue à la méation et au renforcement de disparités
locales et régionales. Ces deux conséquences de la colonisation procèdent du fait que
(4
les
colons organisent la société locale sur la base d'un ordre qui assigne désormais aux colonisés
un espace dans lequel ils doivent évoluer. Il y a une scission de l'espace qui oppose la société
coloniale ( minorité majoritaire ) à la société colonisée (majorité minoritaire ). Le modèle
occidental est ainsi reproduit en Afnque sur initiative de la bourgeoisie coloniale.
Le modèle occidental auquel Nzé-Nguérna fait référence ici est la ségrégation comme
critère d'exploitation et de répartition de l'espace. Les colons prennent les meilleures terres
pour leurs exploitations et leur habitat. Aussi. la traite négrière aura largement contribué a
renforcer une attitude de mépris vis-à-vis des autochtones afiicauis. Dans le cas du Gabon.
l'exploitation de l'espace se fera sous deux formes: la méthode de la progression géométrique
qui
((
consiste à mettre en valeur un espace géographique capable d'absorber en un laps de
temps très court le maximum d'équipement avec la mise en nain des produits de toutes sortes
afin de fertiliser le sol: en vue de moderniser surtout le temtoire de la culture des produits à
l'exportation. »94 La convergence systématique et simultanée doit, quant a elle, « désenclaver
immédiatement le pays
par la convergence de I'ensemble de ses composantes
géographiques.»95
Fidele Pierre N z e - N p d m Modernité t i e r s - m e et bouc-hémisphère. Pans, Éd. Publisud. Coll.
Perspectives Africaines. 1989, p.98.
'Y
95
dem m. p. 100.
Ibidem.
En réalité. c'est la progression géométrique qui sera la méthode la plus usitée, les
colons maximisant leurs efforts dans les zones rapidement rentables (bois et cultures
d'exportation). en délaissant le reste du pays. La modernisation consista en une exploitation
intensive de la main-d'oeuvre, plus qu'en un apport de technologies novatrices ou de création
de voies de communication, formant ainsi un réseau urbain sur l'ensemble du temtoire. Sur le
plan de l'urbanisation. le fossé se creusa. donnant visage a des formes urbaines variées et
originales en Afnque noue.
III. 1 . l . Une urbanisation inégale
Les inégalités sont visibles à deux niveaux: au plan de la répartition de l'urbanisation
sur le territoire et à l'intérieur des villes. Pour des raisons économiques évidentes. la
colonisation va favoriser le développement des villes côtières. « C'est cene partie de l'Afrique
qui a eu les contacts les plus anciens avec les Européens (...). et qui a
COMU
une mise en
valeur plus poussée depuis le début du XXe siècle: plantations agro-industrielles.
exploitations forestières et minières, cultures paysannes d'exportation exigeaient la mise en
place d'une infrastructure plus complète et moderne qu'ailleurs ( routes. voies ferrées. pons
La conséquence majeure est alors la répartition sur le temtoire des structures
urbaines. Pour Vennetier. l'origine côtière des villes, conduit à des distortions internes.
«Une ou deux grandes villes, souvent situées en position
excentrique et concentrant la majorité des emplois, ont
polarisé le flux principal des migrants, ne permettant
longtemps que la croissance modeste de chefs-lieux
régionaux dans le reste du temtoire. Tous les États c6tien
(Ethiopie et Kenya exceptés) connaissaient ce déséquilibre
interne. puisque leurs capitales sont presque toujours des
pons maritimes. »''
" Pierre Vennetier:Les M e s d ' m - q u etropicale. Paris. Masson, 1991. p.53.
r ~ d e mp.54.
L'intérieur des territoires et l'arrière-pays sont les "parents pauvres" de l'urbanisation
en Afnque noire. La polarisation des activités coloniales sur les côtes donne à l'urbanisation
une structure extravertie, tournée vers les grandes métropoles occidentales. La diffusion des
activités urbaines vers l'intérieur ne se fera que t r e s peu sinon pas du tout. L'industrie se
limite à l'extraction puis à l'évacuation vers l'Europe. via les villes côtières. Ces villes
méritent mieux le nom de zones d'exploitation des matières premières. Leur rayonnement est
si faible qu'elles ressemblent plus à de grands bourgs.
Dans les zones plus éloignées de l'arrière-pays la léthargie urbaine est encore plus
grande. Les habitants de ces iointaines contrées poursuivent les activités agricoles ancestrales
et leur cadre de vie est démeuré rutal. La domination économique. dont la colonisation fut la
fusée porteuse, a donné aw villes africaines des caractéristiques marquées par les interêts de
Ilentreprise coloniale. Les villes côtières' indispensables au commerce sont. au sommet de la
hiérarchie urbaine et bénéficient d'une urbanisation nécessitée par les besoins économiques.
La colonisation laisse à l'Afrique noire un héritage urbain déséquilibré. Autant les
villes-ports de la côte accaparent avec les villes politiques. la quasi-totalité des structures
urbaines. autant l'intérieur et l'arrière-pays restent en muge du phénomène. Le résultat de k
politique urbaine coloniale au niveau du temtoire est l'absence de ce que l'on appelle un
réseau urbain. La polarisation des activités sur les côtes a empêché l'émergence d'autres
centres urbains provoquant une urbanisation a plusieurs vitesses. Le constat est tout aussi
valable lorsque nous regardons l'évolution interne dune ville coloniale.
« Quelles que soient les conditions dans lesquelles elles ont
grandi. les villes coloniales offrent toutes un point commun
(...) : c'est l'oppositionl sur le terrain? entre deux ensembles
de quartiers constituan&selon une terminologie classique.
l'un la "ville blanche" et l'autre la "ville noire". ng8
Cette cohabitation de l'opulence et de la misère caractérise l'urbanisation de 1'Afnque
noire. La projection spatiale de la politique d'aménagement du temtoire de la colonisation.
nous renvoie donc à une urbanisation de type dualiste. Des zones réservées aux habitations
des coions. aux bâtisses des compagnies cuncessionnalles et le lieu des édifices du pouvoir
constituent la ville blanche. EUe est « formée par un ensemble de concessions: parcelles assez
vastes insérées dans un réseau de rues se coupant à angle droit ou formant un dessin radioconcentrique
)?
selon la qualité du site. L'architecture est d'inspiration européenne et les
matériaux de construction utilisés sont durables.
Plus connue sous l'appelation de "viUage africain". la ville noire concentre la
population autochtone composée de petits artisans. des employés des sociétés coloniales.
des domestiques et même des inactifs. Dans cette ville. l'urbanisation se fait dans la plus
grande confusion et le désintérêt du colonisateur. On n'y trouve pratiquement pas
d'infrastructures urbiiines, tant au niveau de l'aménagement de l'espace. qu'à celui des
activités économiques et sociales. Les populations continuent de pratiquer l'agriculture de
subsistance dans les espaces environnants. Pourtant. l'exode rural continue d'alimenter la
ville noue de ces milliers de migrants qui viement s'entasser dans le village africain attirés
par I'illusion d'une existence meilleure. Cette partie de la ville coloniale est construite de
matériaux précaires. à telle enseigne que, les cases «s'élèvent sur des concessions mal
délimitées et souvent encombrées par plusieurs constmctions se pressant littéralement les
unes sur les autres... Cases de "fières" de brousse Gaichernent arrivés à la villet arbres
hitiers. coins de potagers. se dispersent dans les espaces libres où sinuent de miniscules
sentiers, nés du passage répété des habitants et seuls moyens d ' e s à ces maisons. »
'* Tel
est le \risage de la ville coloniale en Afkique noire. Une urbanisation compartimentée et.
surtout. sans articulation entre ses composantes "blanche" et "noire". Selon Frantz Fanon:
" Idem. p. 1.34.
'" Pierre Vemetier op. cir, p. 136.
«la zone habitée par les colonisks n'est pas complémentaire
de la ville habitée par les colons (...) La Mlle du colon est
une ville en dur, toute de pierre et de fer, c'est une ville
illuminée. asphaltée, où les poubelles regorgent toujours de
restes inconnus? jamais MIS, même pas rêvés (...). La ville
du colonisé. ou du moins la ville indigène. la ville nègre. la
m m la réserve est un lieu mal famé, peuplé d?iornmes
mal famés (...). C'est un monde sans intervalles. les
hommes y sont les uns sur les autres. La ville du colonisé
est une ville affamée. »'O1
Un schéma qui ne souffrira d'aucune modification majeure tout au long de la période
coloniale. Du point de vue sociologique, la colonisation est importante parce qu'elle est le
moment de la rupture. Rupture entre une représentation du monde que renferment les formes
urbaines précoloniales et la logique producriviste et exploiteuse de la colonisation. Cette
rupture de l'urbanisation aiiicaine par des éléments extérieurs brise l'équilibre existant et fait
naître les disparités urbaines coloniales. Développement inégalement réparti, entre la côte et
l'intérieur des terres. entre la ville noire et la ville blanche. mais plus encore. c'est l'idée mème
de développement qui est travestie par les pratiques coloniales. La période postcoloniale ne
sera. à son tour?plus que la continuation et le renforcement d'une logique urbaine inégalitaire.
Les mouvements migratoues des villages vers les villes amorces au cours de la période
coloniale vont connaître un accroissement exponentiel à l'aube des indépendances des pays
d'Mique noue. Ayant désormais la gestion du devenir de leurs pays. les gouvernants
africains tentent de solidifier leurs économies. La création d'entreprises privées ou le
lancement de grands travaux publics attirent de très nombreux migrants vers les villes. Cela
est d'autant plus aisé que les campagnes n'ofnent pratiquement pas d'emplois aux
populations. Le résultat est cet extraordinaire flux de migrants qui convergent vers les villes
devenues le lieu de tous les espoirs. Dans ce contexte. les villes s'agrandissent de nouveaux
'O'
Cite par Santos Milton: Les villes du Tiers-Monde. Paris. Éd. M.-TH. Cienin. 1971. p.47.
quartiers, sans une modification profonde de la structure et des paysages urbains. Les colons
ont été remplacés. dans les fonctions dirigeantes' par une nouvelle élite d'autochtones qui
réside aussi dans les beaux quartiers urbanisés du centre ville. La sépigation prend une forme
socio-économique. séparant les nantis de ta bourgeoisie locale, de la masse des quartiers
populaires.
«Les cadres supérieures des grandes sociétés privées,
certains hauts fonctionnaires, quelques ambassadeurs de
grands pays. sont logés dans des villas témoignant d'une
recherche architecturale moderne. oii la piscine. sinon le
court de tennis, sont des éléments d'un confort apprécié.
mais coûteux. Les quartiers résidentiels ont ainsi souvent
l'aspect de petites cités-jardins, dont le cadre rend plus
supportable la chaleur qui r@ne une p d e partie de
l'année; il est Mai que la climatisation maintenant très
répandue, a bien amélioré les conditions d'existence. )) 'O2
De l'autre côté. les plus nombreux des citadins « colmatent un coin de n w é a g e avec
des moyens de fortune. entaillent un versant pour y poser une case approximativement
horizontale ».'O3 Cette partie de la ville d5Af?ique noire est certainement sa plus grosse
originalité. Ces quartiers déshérités offrent un panorama assez éloigné de l'image
conventionnelle d'une ville. Dresch dit de ces agglomérations qu'aucune « n'est complètement
coupée de la vie d e . Les femmes au moins ont des plantations partout dans la plaine et sur
le flanc des collines. d W De façon générale, la fonction résidentielle reflète une politique
d'urbanisation qui perpétue la tradition coloniale en favonsant l'élite dirigeante. Nous sommes
donc en présence de i'intégration par les populations, d'un principe de sûatification sociale
basé sur la possession.
'"
la,
lai
herre Vemetier. op. cir, p. 134.
Idoli. p. 136.
Idem, p. 137.
En somme. le parcours urbain de l'&que
noire est également celui de son passé.
Avec la colonisationt le processus d'urbanisation s'accélère, les inégalités aussi sur fond de
convainte physique et de préjugés raciaux. Cela se naduit par un développement inégal des
structures urbaines. D'une pan, seules les régions a fon intérêt économique connaissent un
certain essor urbain: et d'autre part., les Africains sont socialement marginaüsés dans le
processus d'urbanisation. C'est en cela que la période coloniale est une véritable rupture dans
le pro cessus d'urbanisation de l'Afrique noire.
D'une
urbanisation précoloniale
communautaire. basé sur les systèmes familiaux et les castes de métiers. nous passons à une
logique d'exploitation des richesses et des hommes imposée par des forces extérieures et
fondée sur le principe de supériorité raciale des blancs sur les noirs. Le processus de
développement endogène est court-circuitét puis progressivement remplacé. par des
pratiques et normes occidentales. La période postcoloniale ne change pas le cadre idéologique
colonial, seulement les acteurs politiques. L'émergence de "bourgeoisies locales" accentue les
disparités socio-économiques par I'enrichissement de quelques-uns au détriment du plus
p
d nombre.
L'urbanisation de ItAfnque noue retiendra ces phases de l'histoire en inscrivant sur
son sol la "ville blanche" et la "\<lie noire": puis le quamer résidentiel et le bidonville.
Aujourd'hui. l'urbanisation de I'Afiique noire et le développement. de façon générale, posent
plus de problèmes qu'ils n'en résolvent.
III. 1.2. Des disparités urbaines aux activités idonneIles
Sur le plan social. la colonisation est le moment de la brisure en f i q u e noire.
L'exclusion. qui est de d e . va constituer deux mondes très distincts: celui des colons et
celui des autochtones.
Légalement ou non, les colonisateurs européens étaient
tous d'accord sur un point: les villes coloniales étaient un
lieu privilégié de Blancs, leur espace réservé politique,
culturel. et bien entendu économique et financier. On
considérait les aûicains qui vivaient en ville comme des
hôtes de passage, des migrants ruraux. »'O5
((
La projection sociale de la politique d'exclusion coloniale est le très peu d'accessibilité
aux biens et services urbains pour les Mcains. Au niveau de l'emploi, la présence des
Africains en ville tenait strictement à des raisons fonctionnelles. pour le système colonial.
Les seuls autochtones acceptés en ville sont (( ceux dont le travail était nécessaire aw Blancs:
petits commis d'administration et autres auxilliaires salariés des secteurs public et privé et
personnel domestique: en fait. leur présence n'était admise que dans la mesure ou l'on ne
pouvait s'en passer. »'"
L'habitat urbain des autochtones ne préocupe pas non plus l'admuiistration
coloniale. soucieuse de ne pas s'engager dans des opérations d'assainissement et de
construction jugées autant coûteuse qu'inutiles. En érigeant l'exclusion en système de
développement urbain. la colonisation organise la margidisation des peuples colonisés. Ces
derniers. quoique contribuant à l'exploitation des richesses et au fonctionnement du système
colonial. sont tenus à l'écart de tous les avantages qu'auraient pu leur procurer les centres
urbains.
N En f i q u e , les marginaux du capitalisme occidental ne sont
pas une création récente. Ils eurent pour origine tous les
laissés pour compte du marché urbain officiel du travail7 qui
n'&aient pas autorisés à s'insérer directement au semice de
l'ordre colonial ni comme producteurs ni comme auxiliaires.
On ne leur reconnaissait pas le droit de devenir citadins,
puisque ce droit, et avec lui celui du droit au logement urbain?
était implicitement Lié à l'obtention d'un salaire, méme Ià où
n'existait pas de législation ségrégative. »'O'
'" Catherine Coques Vidrovitch: a L'informel dans les villes africaines: essai d'analyse historique ec
sociale B. in Tiers-Mondes: L'informel en auesuons. op. cir, p. 174.
'O6
Ibidem.
':Idem. p. 178.
La mise en touche des masses urbaines &caines par la colonisation a un double
impact. Primo.au plan psychosociologique, elle normalise dans les représentations que les
Africains se font de la vie urbaine. le fait que les avantages (santé. éducation, habitat, etc.) de
la Mlle sont la propriété exclusive des colons, et par extension plus tard des élites dirigeantes.
Le corrollaire étant que la misère des masses populaires autochtones est épiement normale.
VU
qu'ils sont des (( êtres infërieurs D.
Le second impact est bien sûr la création de citadins pauvres. sans emplois et dont la
survie est assurée pendant la colonisation, par la possibilité d'exercer des activités
champêtres dans le quartier africain de la ville. La fin de la colonisation et les indépendances
précipitent le mouvement d'immiwmtion vers les centres urbains. mais les nouvelles autorités
n'apporteront pas de modifications significatives, pour contrer la paupérisation des
populations urbaines et la détérioration des conditions d'existence dans les pays sousdéveloppés. Dans ce contexte. le développement des activités informelles actuelles est en
relation directe avec l'insécurité matérielle, financière voire psychosociologique dont ont
toujours été victimes les autochtones dans les villes colonisées. L'informel est le
comportement de groupes humains enfemés dans l'incertitude et la misère quotidiennes. Les
rnarguiaiisés de la ville coloniale sont désormais les infonels des grandes cités du Tiers-
monde. toujours caractérisés par une position extérieure aux activités urbaines. organisant
leur survie dans I'espace urbain en s'appuyant sur des valeurs de solidarité.
Le processus qui va de la m a r ~ i s a t i o ncoloniale aux activités informelles
contemporaines met en évidence une affinité élective entre deux situations qui expriment la
misère des peuples du Tiers-monde et leur mise à l'écart des bienfaits de la modernisation. En
outre. l'opposition des logiques fonctionnelles entre l'informel et le moderne conduit très
souvent. à une opposition des pratiques. Dans la réaüté, les activités informelles opèrent a
contre-courant des institutions fornielles, c'est-à-dire en dehors des @es édictées par l'État.
L'interprétation de l'essor de l'informel en liaison avec le fonctionnement de l'État
périphérique a donné deux modèles de raisonnement. Le premier considère que l'informel
résulte d'une omniprésence de l'État au travers d'une réglémentation excessive qui réduit
fortement l'exercice légal des activités économiques. Le second raisonnement affirme que
I'infonnel est consécutif a une absence de l'État dans ses fonctions d'émetteur de règles
juridiques et de contrôle économique et social.
La colonisation lègue aux nouveaux États africains de tembles disparités aux niveaux
de l'habitat. de l'emploi. de l'éducation. etc. Cet ensemble hétéroclite conduit
iî
la
juxtaposition de deux champs de normes et valeurs distincts sinon opposés. Les nouveaux
États tentent donc de meme en place des normes communes.La nomalisation de la société
va
également dans le sens du contrôle des activités économiques. sociales. politiques et
culturelles. Elle permet à la fois de planifier les objectifs du développement et de faciliter les
interventions de l'État. Au plan économique, les interventions de 1' État consistent à lever les
taxes. impôts et autres cotisations sociales?ainsi qu'a la
mise en place ou l'ajustement du
cadre juridique de déroulement des activités économiques. Pour les tenants de la thèse du
((
sur-État », l'ensemble des regiements édictés par l'État est une véritable barrière à
I'entrepreneuriat cians des conditions légales. Aussi, les exigences administratives et les
prélèvements de l'État sont si importants, qu'il vaut mieux pour un entrepreneur, en termes
de coûts et de temps. ne pas respecter la loi. C'est cette position que défend Hernando de
Soto.
« Si les informels choisissent I'informalité. c'est à la suite
d'un calcul de coWavantage. Le nombre excessif de règies a
suivre. les lenteurs bureaucratiques, l'excès des charges
fiscales et parafiscdes, font que la fomalisation est très
chère (...) , bien sûr I9infoRnalitéa aussi un certain coût:
pas de publicité, pas de crédit bancaire, pas de recours
possible à la justice commerciale, coût de la corruption et
handicaps de productivité. Mais l ' i n f o d i t é est au bout
du compte moins coûteuse que la forrnalite: c'est donc
rationnellement que les petits entrepreneurs péruviens font
ce choix. do8
Le coût de la légalité au Pérou
L'informalité est, selon Hemando de Soto, une
((
frange du monde ltgal ou se réfugient
les individus lorsque le respect des lois coUte plus cher qu'il ne rapporte ». Pour illustrer son
propos. il cite les études menées par l'institut liberte et démocratie au Pérou, qui mettent en
évidence Ir caractère dissuasif des procédures légales. Exemple: le logement, dont on sait qu'il
constitue, pour les paysans pauvres migrant vers la ville de Lima, un véritable problemc. Que se
passerait-il si. au lieu de s'installer en une nuit dans un bidonville, une famillr décidait comme la
loi le lui permet dans ce pays. de se faire attribuer un terrain appartenant à l'État et d'y faire
construirr une petite maison ?
D'après l'étude de I'ILD, il lui en coûterait 83 mois (6 ans et I l mois) de démarches et
plus de 2 O00 dollars de frais (soit 4 ans d'un salaire minimum). La procédure moyenne se
décompose en rffet en:
- 43 mois pour l'attribution
d'un terrain (207 forma1iti.s dans 48 senrices);
- ZR mois pour la viabilisation;
-
12 mois pour Ic permis dc constmirc.
II n'est pas étonnant dans ces conditions que. comme l'écrit de Soto.
((
les gens préfèrent
opcrer des invasions et construire illiplrment des logements n. En 1982, 42% des logtmrnts de
la ville de Lima appartenaient au . p e « lotissement informel n, abritant plus de 47% de la
population et constituant un parc immobilier d'une valeur estimée à 8,3 milliards de dollars.
Évidemment, I'informalité a aussi ses inconvénients: pas de services publics, pas d'hygiène, pas
de propriité et le risque périodique d'être expulsé.
Source: Bruno Lautier, honomie informelle: solution ou problème ? N p.28.
-
i OB
Bruno Laurier: a Économie idonnelle: solution ou problkme ?
op. cit, p.28.
Pour de Soto. les activités informelles sont la doublure du complexe juridique
entourant la pratique des activités économiques. L' État, ~ o p
tentaculaire, enmnne une
importante partie des activités économiques hors de son contrôle. Elles forment ensuite un
système à part entière qui remet en cause jusqu'à l'existence même de l'État. L'analyse de de
Soto poumit se résumer dans une maxime chère aw économistes: "trop d'impôts tue
l'impôt"; et par extension, "trop d'État tue l'Étati'.
L'extension des activités informelles dans les villes du Tiers-monde tiendrait du calcd
rationel d'agents économiques? qui trouvent dans I'illegalité des avantages financiers. mais
évitent égaiement les interminables rracasseries administratives des importunes bureaucraties
des pays sous-développés. Dans une étude sur le logement. le commerce et le transport
urbains réalisé avec 1' Institut liberté et démocratie (ILD) qu'il dirige. de Soto démontre que
les coûts d'accession à la légalité au Pérou sont excessifs. La solution pour de Soto consiste a
débloquer l'impasse juridique provoquée par la réglémentation. Il ne propose rien de moins
que:
le droit. le simplifier. substituer un conaôle
juridique a posteriori aux règiements a priori et abaisser
les charges fiscales et les cotisations sociales. L'économie
informelle libérée de ses entraves administratives, enfi en
mesure de profiter des "instruments facilitateus du droit".
pourra alors se développer et revitaliser toute la
société. »'O9
« changer
((
.
L'aune sentier » de Hemando de Soto souligne la montée d'une classe sociale en
lune contre la juridiction étatique qui la prive de ses droits primaires. Selon cette perspective.
la révolution informelle de de Soto met en lumière les nouveaux partisans de la guerre des
classes. dans leur lutte contre le sous-développement en définitive. L'analyse de I'éconorniae
'@Lit6 par Bruno Lautier: a konomie informelle: solution ou problème ?
B,
ibidem.
péruvien. qui insiste sur la contradiction provoquée par les lois est innovatrice, du fait qu'elle
procède à « une transmutation de l'informel, qui devient une sorte d'hypostase saisie en
extériorité par rapport aux contraintes imposées par l'État dans le fonctiomement de
I'économie
».l'O
La thèse de H e m d o de Soto a fait l'objet de critiques exprimant des réticences.
sinon le désaccord. vis-à-vis de la solution proposée par l'auteur. Bruno Lautier souligne
l'interaction effective entre l'infomel et l'économie moderne. En ce sens. les activités
informelles ne créent pas un supplément de richesse, mais fractionnent entre les informels de
plus en plus nombreux les revenus tirés de l'échange avec le monde moderne. Autrement. il
existe un lien structurel entre les activités informelles et l'konomie officielle. La
déréglémentation ne peut toute seule résoudre un problème dont on sait qu'il s'étend aussi à
des aspects non juridiques: notamment sociaux et culturels. Aussi, Lautier reproche à de Soto
de donner l'impression que tous les informels sont de potentiels entrepreneurs. et que la
déréglémentation les motiverait a exercer leurs activités de façon légaie. Mais en réalité. la
population informelle est si hétérogène. que les intérêts ne sont pas partagés par tous les
membres. La perspective d'une déréglémentation ne constitue nullement une réponse viable à
tous les probièmes socio-économiques et politiques posés par les activités informelles.
Enfin, la lutte contre la réglementation excessive. donc pour le retrait de l'État dans
certains domaines peut être I'ocwion d'une invasion des aires d'interventions ainsi libérées.
par des orC@sations mafieuses et violentes. Pour Lautier, « l'importance de l'économie
informelle met en question l'État. mais plaide plus en faveur de sa restauration que de sa
réduction à ses fonctions régaliennes ))."*
Mais cette réduction des fonctions étatiques à
leun aspects symboliques n'est pas le fait des activités infornielles. au contraire. ces
dernières en sont consécutives selon d'autres analyses.
"O Fidele Nd-Nguema:
L'entreprise informelle offre-belle des correctifs au secteur formel et lesquels ?
op. cit, p.292.
111
Bruno LauUer: ÉcMiomie informelle: solution ou probleme ? B. op. cit. p.29.
..
L'interprétation des activités informelles comme conséquence du dysfonctionnement
de l'appareil étatique constitue ce que nous appelons ici le « sous-État ». L'informel ne
serait. dans ce cas. que la résultante logique du confinement des pouvoirs publics à l e m
fonctions régaliennes. Contrairement a la thèse de Hemando de Soto. qui afnlie le
développement des activités informelles à l'omnipotence de 1'~tat par un excès de
réglémentation, la perspective du « sous-État » inverse « la proposition en considérant
l'ensemble des logiques informelles comme l'expression d'une impuissance de l'État à
' ''
intervenir sur les grands équilibres économiques ».
L'une des caractéristiques les plus souvent utilisées pour illustrer le sous-État » est
((
bien sûr la gestion de l'espace urbain dans les villes du Tien-monde. Que l'on parle de
bidonvilisation ou ruralisation de l'espace urbain. la réalité renvoie toujours. a cet immense
fossé dans la qualité de l'habitat urbain. D'un côté, nous avons la vitrine du centre-ville
moderne: et de l'autre côté, les constmctions anarchiques faites des matériaux de récupération
les plus divers. La plus grande partie de l'espace urbain souffre donc de cette non-politique
de planification urbaine qui entasse des millions de migrants dans des conditions de vie
insécuritaires et malsaines. Par exemple. « à Libreville, l'implantation des Mllages s'est faite
sans plan préétabli, sous le signe de la liberté la plus complète. Un seul désir: se rapprocher
le plus prés du quartier européen. Quelques cases s'installaient sur les terres encore vides. et
peu a peu naissait un nouveau quartier. )P3
Dans la même veine. les politiques de sécurité sociale sont insignifiantes sinon
inexistantes. Les pratiques informelles trouvent ainsi un espace public délaissé par l'État
dans lequel elles peuvent s'exprimer sans aucune contrainte. L'incapacité ou le manque de
volonté de l'État à assurer la satisfaction des besoins élémentaires des populations est. dans
IL'
Claude de Miras: * L'informel: un mode d'emploi. m. in L ' h eer l'informel. op. cir. p.80.
"'Pierre Vennetier. op.cir, p. 136.
la thèse du « sous-État N, la principale voie d'infiltration et d'expansion des pratiques
économiques. sociales et juridiques informelles.
« L'entreprise uiformelle s'est développée suite a l'échec de l'économie dite formelle
ou moderne, (...) c'est a s s i parce que de nombreux besoins essentiels n'étaient pas satisfaits
par l'économie formelle, laquelle (...) se souciait peu de la réponse à ces besoins d'autant plus
qu'elle était tournée vers la spéculation (...).
»'14
Les activités informelles se placent
finalement en substitut de 1'~tat.Elles répondent aux besoins des populations là ou la
puissance publique ne le fait plus ou pas. fl est utile de comprendre ici les raisons du iaxime
étatique, du "sous-État". Claude de Miras fait à ce propos, certes avec réserve. une
intéressante analyse de la nature de l'État périphérique.*l5
Le développement des activités informelles urbaines en pays sous-développés pose la
problématique du pouvoir effectif de l'État, c'est-à-dire sa capacité a assurer les fonctions de
régulation économique?sociale et politique. Pour de Miras, il y a une corrélation importante
entre la nature de l'État et l'efficience avec laquelle, cet État exerce le contrôle des activités
sociales au sens large. L'auteur entend par nature de l'État son inscription historique dans les
idées et pratiques? lui permettant d'assumer de manière active. ses fonctions réplamces dans
la société. Cela sous entend un consensus minimal quant au rôle de l'État et une
compréhension de la nécessité fonctionnelle d'adhérer au modèle ainsi déterminé. La nature
de l'État fait également reférence à la structure de l'appareil étatique chargé des modalités
pratiques inhérentes au r6le de l'État. Cette structure doit répondre aux exigences de la
mission de réguiation. Enfin. de Miras intègre égaiement dans la notion de nature la dimension
socio-culturelle, donc l'environnement dans lequel l'État doit exercer son pouvoir.
L'examen de la nature de l'État périphérique permet de comprendre pourquoi cemines
activités prennent des formes différentes de celles édictées par la puissance publique et
s'exercent même hors de son contrôle.
"'Emmanuel Bahi@ki: a L'appon de I'entrepnse informelle dans la culture d'entreprise en Afrique. *. in
Oreanisaions économiques et cultures africaines. op.cit, p.315.
I l s Claude de Miras: a L'inlonnel: un mode d'emploi. m. op. cit. pp.77-142.
67
Selon de Miras. l'une des principales caractéristiques des pays sous-développés est
l'absence d'une traditon étatique. Partant du contexte historique européen dans lequel l'État,
en tant que pouvoir politique et instrument de régulation économique et sociale est une
émanation de i'intégration nationale. l'auteur constate l'inversion de ce processus dans le
cadre des pays sous développés.
((
A la périphérie, c'est l'État comme institution politico-
administrative, qui. peu a peu, f w n n e et impose a prion une certaine idée de la nation. Ici
c'est l'État qui doit engendrer la nation comme fin. d l 6
Dans l'histoire européene, l'État est la résultante de conflits internes qui "finissent"
par la mise en place d'une organisation socio-politique et économique endogène. Par contre?
l'État dans les pays sous-développés n'est pas perçu comme une entité surplombante qui
s'impose à tous.
état colonial ou post-colonial ne contient pas d'éléments fédérateurs dans
un contexte de domination raciale. de lunes ethno-linguistique et de conflits socioéconomiques intenses. 11s'ensuit une attitude d'extériorité par rappon à l'État et a toutes les
dispositions réglémentaires qu'il émeb le plqant par conséquent dans le camp adverse dont
l'objectif est la domination et l'exploitation en faveur des intérêts métropolitains et des élites
dirigeantes.
La faihlesse de l'État comme élément d'intégration
politique est transposable au plan économique: le
comportement des agents Cconomique n'est pas
fondamentalement différent de celui des citoyens dans la
perception qu'ils ont de l'État. 11 y a à la périphérie
corrélation entre la gestation de l'État et informalité
économique, toutes deux traduisant le degré de la difficulté
qu'a l'État à rialiscr dans cc contcxtc I'intigration nationalc
(économique, sociale et politique).La montée de l'économie
informelle au sens large est ainsi moins l'expression d'un
recul <hi pouvoir d'État dont les prirogativcs x verraient
remises en question par une multitude d'initiatives privées,
que l'expression de plus en plus concrète de la difficile
gestation de l'intégration nationale, économique e t politique,
particulièrement questionnée dans les phases de difficultés
Cconomiques importantes. »'"
((
11 est tout aussi important de notifier l'autre versant du « sous-État ». La montée de
l'informel n'est pas exclusivement redevable à ce qui peut paraître comme une désaffection
des institutions étatiques par les populations. Nous avons également la dimension de la
pratique politique. La résolution des problèmes socio-économiques semble totalement
phagocitée par les luttes d'amis au pouvoir et ia recherche de responsabilités administratives
lucratives. Des responsabilités, qui dans plusieurs cas. servent souvent de nombreuses
activités informelles s'exerçant sous la protection d'individus ou groupes d'individus ayant
des positions statutaires importantes dans la hiérarchie étatique.
« Dans ce labyrinthe tacticien. les enjeux économiques réels
apparaissent souvent comme des opportunités à valoriser
sur le plan politique. selon diverses modalités. ou comme
des prétextes qui nounissent des stratégies partisanes. plus
que comme des contraintes techniques d'ordre économique
à surmonter et à maîtriser. (...) A la périphérie, l'acuité des
déséquilibres économiques et sociaux n'a d'égale que
l'âpreté des luttes politiques et la difficulté à les voir
déboucher sur autre chose que la conquête et la maîtrise des
plus hautes responsabilités politiques comme une fin en
soi. )Pa
En somme, l'État périphérique est perçu par ses membres comme une réalité exogène.
d'où une emprise sur les activités économiques et politiques qui n'est ni suffisante ni
orientée vers l'efficience. On observe alors. des comportements pervers vis-à-vis de la
problématique de développement économique et de l'intégration politique. qui rendent
dysfonctiomel le contrôle étatique dans les pays sous-développés.
Deuxième partie
Cadre théorique de l'étude
Après avoir produit une somme considérable de données, l'étude des activités
informeiles dans les pays sous-développés semble aujourd'hui, à la recherche d'un second
souffle. Les premières élaborations théoriques, économiques essentiellement, prévoyaient
l'absorption gradueiie des activités informelles par l'établissement tout aussi progressif des
logiques économiques libérales. L'hypothèse de la transition répondait aux axiomes du
développement économique comme finalité ultime de I'evolution des sociétés pendant de
l'idéologie du progrès conduisant a la société productiviste de type occidental.
Pour les penseurs de la transition. comme pour les pays du Tiers-monde. l'histoire ne
s'est pas repétée et la transition ne s'est pas faite. L'informel s'inscrit alors comme une
réalité spécifique des pays anciennement colonisés ou économiquement dépendants du
capitalisme f m c i e r international. La permanence des activités uiformelles donne Lieu, au
niveau de la réflexion économique, à I'ernrnergence des analyses sectorielles. Dans un premier
temps, les économies dites périphériques sont désormais caractérisées par la juxtaposition de
deux secteurs distincts. le formel et l'infonnel.
Le premier secteur représente la frange des activités conformes aux exigences de
rationalité de 1Yconomie libéiale et des institutions officielles calquées sur le modèle
occidental désormais universel. Le second secteur, informel. comprend les activités relevant
de traditions culturelles prises comme un obstacle à l'épanouissement de I?éconornie de
marché. La réalité informelle force par la suite a nuancer l'analyse sectorielle. L'apport
grandissant des activités infomelles au niveau de la production et de la redistribution des
richesses dans les économies sous-développées conduit à reconsidérer leur nature et leur rôle.
Les modèles trisectoriels sont une concepnialisation de la pluralité des enjeux que
présente l'informel par son implication dans la sunie des citadins du Tiers-monde. La
problématique consiste désormais à identifier, dans ces activités infomelles. celles qui
participent ou non à une certaine accumulation du capital. L'analyse systémique de
l'irfonnel. a l'opposé des précédentes propositions des économistes libéraux, part du
principe de la totalité des économies. Eile réfute la partition en deux secteurs distincts des
économies sousdéveloppées en resituant l'analyse informelle dans le cadre du
fonctionnement interne du capitalisme industriel.
La thèse principalement développée es celle de la soumission des formes de
production au capital. Les activités informelles agissent en sous-traitance du systeme
industriel qui, les produit. comme facteurs nécessaires à sa propre croissance. Par conséquent
l'informel urbain ne peut être saisi dans sa nature et ses fonctions que par réfërence au
capital. L'approche systémique! souligne toutefois! la relative autonomie des activités
informelles en ce qui a trait à leur fonctionnement. La mise en commun des moyens de
production, le non salariat et la quasi inexistence de besoins d'accumulation sont, entre
autres, les caractéristiques de ces activités dont les pratiques sont plutôt soumises à des
impératifs sociaux.
Le rdle social de l'infomel va effectivement faire l'objet d'une importante réflexion. U
marque une rupture significative avec l'analyse économique en tant qu'il se place au niveau
des changements giobaux que connaissent les sociétés sous-développées. L'introduction de
l'économie de marché. l'industrialisation et I?urbanisation des sociétés au passé @que
obligent les chercheurs, à des considérations plus totalisantes dans l'analyse du fait informel.
C'est ainsi que le thème de la marginalité va exprimer la situation des millions de
migrants dont l'intégration dans le salariat moderne et La société urbaine en générai génère une
classe d'exclus. afonctiomels dans un systeme qui, en fait tout au plus des pauvres. Dans le
contexte de crise des économies modernes. les stratégies de suMe, alors mises en oeuvre par
ces marginaux concourent majoritairement à la satisfaction de leurs besoins primaires. Ces
activités assurent désormais. en lieu et place des pouvoirs publics. les fonctions de réplation
économique et sociale gâe à leur dynamisme. Suivent alon des tentatives de formalisation
de !'informel dont les résultats mettent en évidence le désarroi des États périphériques et
I'inefficience des structures et institutions modernes.
Selon de nombreux auteurs. dont Serge Latouche, l'essor des activités inforneIles
a u p non seulement du refus par les populations du Tien-monde d'une culture mercantile
imposée par l'impérialisme occidental? mais surtout l'avènement d'une autre société dont
l'essence réside dans l'équité et la solidarité de ses membres. Les problèmes du Tien-monde.
selon cene approche, relèvent du mythe occidental d'un progrès infini dont la société
technicienne est l'expression. L'informel est une réponse qui signifie au modèle occidental ses
limites conceptuelles et pratiques dans d'autres cultures oii la
((
souche sociétale N est
différente. Mais, Latouche reconnaît toutefois, la difficulté du modèle sociétal informel à
prendre véritablement forme et a se substituer de façon permanente aux institutions
économiques. sociales et politiques modernes. C'est d'ailleurs sur le plan politique que
s'orientent les analyses du phénomène informel.
Pour B r n o Lautier, la compréhension des activités informelles dans toutes leurs
dimensions. ne peut se permettre l'économie des relations de pouvoir. En d'autres termes, la
véritable problématique que pose l'informel est la connaissance des mécanismes d'interaction
entre l'État et ses citoyens. Ce qui est dit informel l'est fondamentalement en rapport avec ce
qui est reconnu formel. et conséquemen~~
avec ce qui détermine les critères du formel c'est-à-
dire 1'État.
Dans cene confrontation de l'institution étatique avec ses membres
&LIX
positions
ressortent. La première que défend l'économiste péruvien Hemando de Soto peut se résumer
comme suit: l'ensemble des règles juridiques édictées par l'État constitue un blocage a
l'exercice d'activités légales. L'énide du cas péruvien prouve qu'il est plus aisé. et moins
coheux. pour la majorité des citoyens d'opérer dans l'informel au regard de la lourdeur
bureaucratique et de l'importance des exigences financières imposées par l'État. L'informalité
est donc. dans ce contexte. un choix rationnel dont l'éradication passe par une
déréglémentation massive au niveau des activités économiques et sociales.
La seconde position inverse l'hypothèse précédente. L'essor des activités informelles
est dans cette seconde optique, dû à la faiblesse du contrôle étatique, voire son inexistence.
La croissance de l'informel se conjugue avec l'inefficacité de l'État et, contrairement à
l'analyse antérieure, la solution envisagée est le renforcement du fonctionnement de l'État et
non sa destitution par la déréglémentation.
En définitive. la réflexion théorique sur l'informel, autant que celle du
(sous)développement est dans l'impasse. D'une part le monde formel en crise ne semble
point souffrir d'illégitimité tout comme le modèle productiviste et l'informelt important
pourvoyeur de biens et services dans le Tiers-monde ne s'institue guère en modèle dominant.
d'autre part. Ne sert-il pas finalement qu'à la s w i e des citadins dépourvus du Tien-monde?
À notre avis, les activités infomelles servent d'abord aux causes auxquelles elles doivent leur
essor. Même si elles assurent la survie de millions d'individus' nous pensons qu'elles sont un
support nécessaire. dans le contexte des pays sous-développés. à l'expansion du capitalisme
planétaire actuel.
Chapitre IV
Cadre conceptuel et méthodologique
Le XVe siècle est une période e*ment
importante dans l'histoire de Iliurnanité. En
effet les Européens, @ce aux expéditions maritimes découvrent des connées fort éloignées.
et jusque-là isolées les unes des autres. Les relations avec « les nouveaux mondes »
évolueront au rythme des transformations sociales européennes, plus précisément de la
modernité. née de la philosophie des Lumières au XVIIIe et de l'évolutionnisme du XIXe
siècle. L'un des principaux legs de cette histoire européenne est l'idéologie du progrès
présentée comme une nécessité de l'évolution de toutes les sociétés. En termes économiques,
il s'agit évidement du développement, c'est-à-dire la production et l'accumulation de
richesses devant servir à libérer l'humanité des contraintes et des insufisances de la nature.
L'introduction du modèle social Européen. inspiré par l'idéal progressiste dans les
nouveaux mondes ne s'est pas faite selon les desseins de ses concepteurs, provoquant des
désajustements dans le schéma linéaire que I'on se faisait du développement. Des difficultés
qualifiées tour à tour de conjoncturelles et de structurelles. inhérentes aux cultures des
nouveaux mondes ou à leurs cadres physiques vont apparaître. biaisant ainsi le
développement dont les sociétés occidentales sont l'exemple. L'intention de développement
de la mission civilisatrice occidentale cède le pas au constat du sous-développement des pays
que I'on aura regroupé dans l'ensemble « Tien-Monde ».
De façon simplifiée. le sous-développement se caractérise selon les experts du
développement, par la faiblesse des performances économiques ayant pour conséquence une
dégradation des conditions d'existence de la majorité des populations en pays sousdéveloppés. La question qui revient toujours dans ce contexte est de savoir comment ces
populations parviennent à survivre.
Un des éléments de réponse donné à cette interrogation est la croissance de petits
métiers. de pratiques économiques plus ou moins organisées qui sont aujourd'hui des images
bien connues des villes du Tiers-monde. les activités infornielles. Ces activités depuis
plusieurs décennies sont au centre des préoccupations de l'économie du développement qui,
cherche autant à en comprendre les modalités de fonctionnement, qu'a en expliquer les
causes. C'est également ce dernier objectif que poursuit cette étude.
N . 1. Problématique
A la question de savoir quels sont les éléments qui contribuent a l'essor des activites
informelles au Gabon, nous pensons que les différents modèles explicatifs tour à tour
exposés dans ce travail en éclairent plusieurs aspects. L'évolution constante de I'inforrnalité
dans les pays du Tien-monde suffit largement a démentir les présupposés de la transition.
Les études sectorialistes ont atteint leurs limites avec les thèses de l'hétérogénéité des formes
de production et l'impossibilité méthodologique et pratique de séparer une économie en deux
secteurs. Par ailleurs, la régulation économique et sociale des pays du Tiers-monde ne peut. à
long terme. être le fait d'activités informelles dont l'institution en modèle socio-économique
relève encore de l'hypothèse. Il n'est @re évident que. la prolifération des activités
informelles et leur domination dans I'espace économique sous-développé soit une réaction
délibérée. devant l'incapacité du monde moderne a répondre aw préoccupations
quotidiennes.
Cette remarque rejoint l'idée des cntiques de l'État, qui situent la responsabilité de ce
dernier?dans la faiblesse de son contrôle et son omnipotence. Cene démarche, qui a ouveri de
nouvelles voies à l'analyse de l'informalité, reste toutefois circonscrite à la critique interne
des différents facteurs du sous-développement. En d'autres termes, la critique de l'État et de
son fonctionnement biaise la question de l'expansion des activités informelles, par la non
prise en compte de l'évolution de l'économie mondiale.
Cette insuffisance méthodologique se revèle désastreuse pour la compréhension des
causes de I'infomalité dans le contexte gabonais. La conjonction des cntiques sur les
explications traditionnelles de I'informaiité et l'existence de réelles potentialités de
développement dans ce pays laissent songeur quant aux véritables raisons de l'essor des
pratiques infornielles. Comment expliquer cette croissance des activités informelles dans un
pays aux ressources naturelles abondantes. avec une très Faible population, un revenu par
tête d'habitant des plus élevés du continent et d'intéressantes possibilités de financement du
développement ?
Dépendance et SEM
L'informaiité est pour nous un phénomène caractéristique du procès de
développement tel qu'il a été amorcé dans le Tiers-monde. L'évolution de la société
occidentale dans le processus d'industrialisation ne s'est pas faite dans le chaos aujourd'hui
observable dans le Tiea-monde. Pourquoi le développement achoppe41 autant dans ces
pays en général et particulièrement au Gabon ?
Dans le cadre de cene étude nous reprenons a notre compte. l'ensemble de
l'argumentaire des théoriciens de la dépendance et plus précisement la démonstration de la
réalisation du sous-développement par l'extension du capitalisme autour des notions de
centre et de
Selon cette approche, il existe deux types de développement
capitaliste. le capitalisme achevé ou autocentré caractéristique des puissances industrielles
européennes. puis le capitalisme périphérique, que nous reDouvons dans les pays sousdéveloppés. Qu'est-ce qui distingue le capitalisme périphérique de l'achevé ?
La révolution indusrrielle en Europe permet d'importants progrès techniques. Le
métier a tisser et le moteur à vapeur révolutionnent l'appareil de production et accroissent
fortement la productivité. Ces nouvelles technologies permettent le développement d'un
tissu économique bien intégré' et qui fera longemps, la puissance des pays européenm.
I i 9 Les auteurs tiers-mondistes, S d r Amin particuli~rment.
ont largement elaboré sur ces deux notions au
debut des années 70. Voir par exemple: Sarnir Amin: Génèse et développement du sous-diveloppemem.
l'extraversion et lo dépendruïce. la marginalisacion la tramitibn au capitalisme périphérique, le blocage de la
transition au dévelappement. Dakar, ONUflDEP, 1972, 156p.
C'est cette forme de développement, qui s'étendra plus tard à l'Amérique du Nord et au
Japon. que Samir Amin qualifie de capitalisme achevé.
L'extension du capitalisme dans les colonies n'a pas pour objectif de recréer un autre
capitalisme autocentré. Pour Samir Amin, il s'agit de mettre en place. dans le cadre de
l'économie mondiale et d'une division internationale du travail (DIT) naissantes. un
capitalisme périphérique
((
qui ne peut pas devenir concurrent de celui du centre. mais se
développer dans le sillage de ce dernier, comme capitalisme complémenaire et
dépendant
H.
'21
Le capitalisme périphérique se spécifie essentiellement par la spécialisation
et l'extraversion des économies. c'est-à-dire la production de quelques matières brutes
destinées à l'exportation. Les pays pauvres sont tenus d'orienter leurs économies vers les
secteurs qui fournissent les cultures de rente (bois. mines. pétrole etc.). Par la suite. la mise
en place de petites industries de consommation ne change pas le schéma initial. les pays
sous-développés restant tributaires du centre pour les biens d'équipement. Actuellement.
l'extraversion a connu une légère mutation dans ses formes avec l'affirmation +pndissante au
niveau de 1.éconornie mondiale des firmes multinationales d'une part, et le déséquilibre induit
par les avancées technologiques du centre d'autre part.
En quoi cela joue-t-il sur le
développement des activités informelles au Gabon ?
Le Gabon présente une smcture économique typique du sous-développement.
Totalement extravertie. l'économie du Gabon repose sur l'exportation de matières premières.
dont les principales sont le bois? le manganèse7 l'uranuim et surtout le pétrole. Nous
soutenons qu'une stratégie de développement basée sur la vente de produits bruts aux pays
industrialisés pose lesjalons d'une hypotrophie de 1'activité économique interne conduisant
à l'essor des pratiques informelles. Dans le cas du Gabon. il nous semble que les choix de
développement sont plus conformes à l'héritage de la politique d'exploitation coloniale et à La
DIT qu'elle implique qu'a une marche vers un capitalisme autocentré. Les effets d'une telle
situation sur les conditions d'existence sont assez significatifs pour expliquer la floraison des
activités idornielles. Il convient alors de détenniner les facteurs qui participent a ces
déséquilibres.
La théorie de la dépendance. dans une description très schématisée. renvoie a la
formation d'une économie périphérique dépendante du centre. Les notions de centre et
périphérie reposent d'abord sur des représentations spatiales du développement
économique. Le centre désigne le lieu d'émergence du capitalisme et de son extension dans sa
forme oxigi.de, la périphérie désignant toutes les régions éloignées du cenw. Dans sa
dimension économique. le centre correspond au capitalisme autocentré. d o n que la
périphérie développe une économie bien différente de la première. non pas par la nature mais
par la structure de fonctionnement et les objectifs visés.
Ce que nous voulons souligner ici est l'un des présupposés théoriques de la
dépendance. Il apparaît en effet clair que cette approche part du principe de l'existence
autonome de deux ordres d'entités distinctes. D'une part? l'allusion spatiale contenue dans
les notions de centre et de périphérie a pour but la distinction géographique de deux zones
présentant des modes différents de développement du capitalisme. D'autre part, le centre et
la périphérie suggèrent égaiement l'idée d'une dichotomie des formes de développement du
capitalisme. dans chacune des zones déjà désignées. Reprenant ce cheminement. nous
pensons que l'évolution de I'éconornie mondiale s'est faite dans le sens de la disparition de la
périphérie. La diversité des situations de sous-développement et la montée ou la régression
économique de plusieurs pays ont favorisé de nouvelles classifications.
Ainsi. Pierre Moussa, économiste er ancien directeur à
la Banque mondiale' proposait récemment de distinguer
quatre groupes:
le Sud opulent. riche de ses matières premières et sunout
d'énergie, tels que les États du Golf;
((
-
- le Sud émergen~celui des nouveaux pays industrialisés
(?PI), tels que le Mexique, l'Argentine ou la Corée du Sud
- le Sud stationnaire, celui des pays
qui n'en finissent pas
d'être sur le point de décoller, tels que le Brésil ou l'Inde
- le Sud regressant, enfin celui des pays qui
s'appauvrissent: Ethiopie, Somalie, cambodge.»
"'
En outre. la chute du mur de Berlin et l'effondrement des systèmes économiques
socialistes ont reconfigwé les relations internationales à tous les niveaw. La résultante de
tous ces bouleversements est la formation hors de toute contrainte, d'un ensemble
économique mondial homogène. dans le sens où le capitalisme libéral est reconnu comme
l'unique système de développement. L'exemple des nouveaux pays industrialisés (NPI) a
renforce l'idée de l'accessibilité du développement pour tous les pays qui acceptent le jeu du
marché. L'appauvrisement de certaines régions du monde a conduit ces pays a pactiser avec
les puissances financières du monde capitaliste et la conjonction de ces éléments. contribue à
la création d'un « site économique mondial (SEM))). en lieu et place de la périphérie et
également du centre.
Le site économique mondial (SEM): l'unité fonctionnelle
Le modèle d'analyse que nous introduisons avec le SEM est une tentative de dépassement
des notions de centre et périphérie. 11 renvoie à l'unité planétaire actuelle pour ce qui a trait à
la problématique de développement économique. La dimension mondiale du capitalisme est
de nos jours une évidence. même si l'intégration de tous les pays dans le systérne
iconomique capitaliste n'a pas mis fin à ce que la théorie de la dépendance désignait par
capitalisme périphérique en parlant de l'extraversion et de la spécialisation des économies
sous-développées. La réalité actuelle pousse à considérer ce développement périphérique.
non plus comme un modèle de développement caractéristique de l'extension du capitalisme
-
'"
-
Micheline Rousselet: op.cit, p. 16.
dans des nouvelles zones d'exploitation (le Tiers-monde), mais comme la répartition 6 chaque
élément d'un ensemble des facteurs de développement selon les intérêts du capital. Cela
signifie qu'à l'intérieur du SEM le capital procéde a l'allocation des ressources. décide de la
structure économique de chaque pays et oriente les échanges internationaux avec pour souci
principal. la cohésion du système global tant au niveau de la production que de la
consommation.
A la différence des notions de centre et de périphérie, le
SEM admet l'uniformisation
du monde au plan économique. Les différences de nature et de degrés dans le développement
capitaliste ne sont que les modalités particulières d'application du capitalisme dans un
espace déterminé (en I'occurence les États nationaux) et seulement en fonction des intérêts de
ce même capitalisme. Le SEM constitue un système dont l'unité est essentiellement
fonctionnelle. L'équilibre y est isostatique. c'est-à-dire qu'il comprend un ensemble de
déséquilibres. La faiblesse de certains éléments du système est relativement compensée par la
force des autres permenant ainsi le maintien de l'ensemble sans pour autant résorber des
contrastes très prononcés. Les déséquilibres' comme nous le disions, résultent d'une
allocation non équitable des ressources. elle-même imputable aux intérêts du capital. et plus
précisement de ses détenteurs.
Schématisation du SEM
Les cercles sont
des pays ou des régions
Une nuance importante qu'apporte le SEM dans les récentes transformations des
relations internationales en général est bien sûr l'idée du « site ».La notion de "site" part de
la thèse de la dimension culturelle du développement. Le sousdéveloppement serait Lié à des
contingences inhérentes aux cultures traditio~ellesen Afnque par exemple. Les croyances
aux esprits. les repères cosmolo@ques etc. forment un ensemble symbolique qui sen de
reférence à toutes les pratiques sociales. « C'en cet aspect de l'ordre des choses que
Emmanuel S. Ndione désigne par la dimension magico-religieuse du systeme de pensée des
acteurs sociaux, y compris cew qui sont dans l'&ne urbaine et moderne. dZ Ce site
symbolique expliquerait les difficultés des pays africains à se développer par une lecture
singulière et biaisée des impératifs du développement.
L'analyse "sitienne" nous met au coeur du relativisme culturel selon lequel les
Africains et les Européens tout comme les Asiatiques et les Latino-Américains ont des
conceptions différentes de la vie et de ce qu'est le développement. Le capitalisme. qui repose
sur Iknique logique du profit individuel. est une création du site symbolique européen et sa
translation vers le Tiers-monde conduit à des abenations. En somme. chaque culture codifie
ses activirés en relation avec son enviro~ementsymbolique, ce a quoi n'échappe pas
l'économie.
Il subsiste une certaine difficulté à suivre la thèse du relativisme culturel dans le
champ du développement économique, tout comme la pertinence du site symbolique pour
expliquer les déboires des économies africaines. 11 est en effet notoire d'entendre parler des
cultures africaines comme facteur de blocage ch développement. Certains auteurs se
demandent même si I'Afîique n'a pas besoin d'un « plan d'ajustement culturel » qui lui
fournirait la (( bonne culture )) nécessaire au développement a l'occidental.
Tout se passe comme si dans ces mêmes pays africains il n'y avait pas. depuis fort
longtemps. des activités économiques modernes qui rapportent d'énormes bénéfices à des
sociétés multinationales occidentales. Pourquoi ne parle-t-on pas de désajustements culturels
..*
'- Cite par Hassan Zaoual: Le paradigme relationnel des organisations économiques africaines. m. in
Or~anisationseconomiaues et cultures africaines. Op. cit, p.37.
pour cette main-d'oeuvre africaine au s e ~ c edu capitalisme, pour ces activités fortement
insérées dans le commerce mondial qui enrichissent les sociétés mtires et les « bourgeoisies
locales » ? Les éléments culturels de blocage du développement sont-ils ségrégatifs au point
d'épargner les bénéfices mirobolants des succursales de p d e s banques internationales et de
ne fieiner que l'amélioration des conditions d'existence de l'écrasante majorité des
populations africaines ?
La problématique du développement dans le cadre du SEM écarte totalement de telles
disparités conceptuelles. La notion de site. dans notre acception. rend compte d'une seule
logique. celle du capitalisme se déployant sans entraves, au niveau mondial. Le seul site qui
vaille de nos jours est le SEM, parce qu'il détermine l'ensemble des rapports non seulement
en son sein. mais également à l'intérieur des activités et des acteurs 10-
des éléments du
SEM. La régulation des activités du SEM est assurée par les détenteurs de capitaux. les
entreprises multinationales et les élites politiques dirigeantes qui forment la structure
décisionnelle du SEM, avec. a l'interne une hiérarchisation déterminée par les intérêts
capitalistes.
La question du développement des activités informelles dans le Tiers-monde et au
Gabon procède quant à nous de cette affectation des tâches et des ressources par le
capitalisme dans le cadre du SEM. Il est donc nécessaire de resituer le problème des activités
informelles dans les p d s enjeux sociaw, économiques et politiques contemporains. C'est
l'intérêt principal que présente une analyse a partir du SEM.
La démarche "sitienne", telle que nous la comprenons dans cette étude. a l'avantage de
présenter le problème de l'informalité de façon globale. Elle permet dans un premier temps
d9évacuer dans l'approche de l'informel les thèses de la transition en se rattachant aux
réalités structurelles de la division internationale du travail. Il en est autant de l'analyse en
termes de secteurs distincts dans les économies sous-développées. dont les limites ont déjà
été soulignées. Ensuite? l'approche sitienne nous permet d'intégrer la dimension politique
sus-évoquée, dans les analyses de l'informel. La prédominance des intérêts économiques a
pour effet d'assujettir les enjeux politiques, tout en induisant à ce même niveau des effets
pervers. non seulement dans la gestion interne des États du Tien-monde, mais égaiement
dans les reiations entre les citoyens et l'institution étatique.
En établissant un rapport direct entre les mécanismes internationaux et nationaux de
régulation des sociétés, le sous-développement en général et l'essor des pratiques infornielles
en particulier. le SEM est un instrument d'analyse riche d'apports qui souligne l'irrésistible
mouvement d'homogénéisation idéologique des sociétés contemporaines. 11 reste tout de
même à savoir au niveau conceptuel? ce que veulent signifier les activités informelles ainsi
générées par le SEM.dans les économies sous-développées et au Gabon.
L'informel urbain est un thème essentiel pour la compréhension du procès de
modernité. Il est un révélateur important des enjeux sociaux. auxquels font face les pays
sous-développés et dans une cenaine mesure. toutes les sociétés contemporaines. Le
développement de l'informel urbain caractérise donc la niodemité. en ce sens. il pose en
premier lieu le problème de la rationalisation de la société et interroge le processus
d'urbanisation dans sa nature et ses fonctions.
W .1.1, De la modernité
Étymologiquement, "moderne" vient d'un mot latin modemm , issu d'un adverbe
modo. qui désigne quelque chose de récent. La caractéristique du concept de moderne dans
le sens de ce qui est récent réside dans le fait « qu'on l'érige en principe de valeur et de
justification, mais aussi en principe de revendication.
»'23
Dans cet esprit, la modernité
s'exprime comme une valeur hostile au passé et par conséquent êtm moderne relève d'une
Raymond Polin: a Le concept de moderne. *, in La notion de moderne, modernité. modemisme. Pans.
IRCOM-Université de Paris-sorbome, 1975, p.3.
catégorie temporelle. En ce sens, « se trouve bien marquée(...) l'idée que l%omne se déclare
moderne et justifie sa modernité dans la mesure où il donne le sentiment qu'il est un être
historique. II a la conscience de sa temporalité.
N ' Ce
~ ~sentiment
se rattache à l'idée de
progrès par une plus grande accumulation des connaissances et une plus grande maitrise des
sciences et techniques. Alors la modernité et l'homme moderne sont au dessus de tout ce qui
les a précédés.
La revendication de la modernité n'est pas exempte de critique dans son idéel. Ainsi.
Polin assimile la modernité à une philosophie de la décadence. Le récent le moderne. est alors
perçu comme le résultat dune déchéance provoquée par la perte des valeurs fondamentales de
la société. Ce ne sont pas tant les libertés ou les formes d'organisation des sociétés moderne
qui sont dénoncées, mais plutôt les abus qui en résultent. Alors. « sur la trame d'une
civilisation de la possession. une politique d'asservissement où la masse s'aveulit et ou
l'individu se dissout. Aussi. la nouvelle modernité, au comble de la décadence entraine la
destruction. la d é w t i o n de l'homme dans sa dépendance de lliomme par rapport a
Iliornme. Rien n'est alos pire que le
moderne.^"^
La philosophie de la décadence n'empêche l'attrait de la modernité. une prise de
conscience de la pérénnité de l'oeuvre humaine qui devient « un principe ontologique. une
création d'histoire. qui peut-être considérée. a certains égards comme une sorte de création
Un satisfecit que l'idéologie libérale, chantre des droits individuels vient combler
divine. H
en permettant à chacun de rêver d'un avenir meilleut. Nous sommes en pleine philosophie
du progès.
Selon le Père Joseph de Sainte-Marie,
la notion de modemité est essentiellement relative. (..)
Relative à une réalité première qu'elle caractérise, l'idée de
moderne, ou de modernité. l'est en même temps, d'une part
à un ensemble de valeurs en référence auxquelles une chose
((
.-•
p.5.
Idem. p. 12,
[&m. p.5.
'--idein.
125
'"
est dite moderne. ec d'autre part, à une certaine vision du
temps et de lhistoire. (...) Par suite, les valeurs, cntéres ou
nonnes en référence auxquelles une chose est dite moderne
sont elles mêmes appréhendées dans une relation
immédiate à un processus temporel et historique. »12'
N'est-il pas alon possible de dire que les changements qui s'opèrent dans les
sociétés aujourd'hui rélèvent de la modernité, en tant qu'ils sont des manifestations récentes?
11 ne fait aucun doute pour nous que le problème empirique de l'informel dans la
contexte des villes du Tiers-monde est absolument une excroissance de la trilogie
modernisation-urbanisation-indutrialisation Le mot
«
informel ». wmme nous le
soulignions. ne renvoie t-il pas à l'absence des formes imposées par l'État bureaucratique de
type prussien caractérisant la modemité politique européenne ? Les activités informelles
ne sont-elles pas également désignées par opposition aux activités formelles ou modernes ?
Enfin la ville n'est-elle pas le lieu principal des activités informelles? Toutes ces
interrogations convergent vers la mise en valeur des relations enw la modernité et le
processus d'urbanisation en pays sous-développés et égaiement à l'examen du processus
d' urbanisation.
IV. 1 2. De l'urbanisation
« En 1990. plus de 2,27 milliards d'êtres
humains vivaient
dans une agglomération atteignant ou dépassant dix d e
habitants (..). Cet effectif prend un sens lorsque l'on sait.
par exemple. qu'il représente l'effectif de la population
totale de la planète au lendemain de la seconde guerre
mondiale. Les domees de Géopolis montrent un résultat
'- R.P.Joseph de Sainte-Marie:
modernisme. op-ci?,p. 102.
La modernitt religieuse. a, in la notion de moderne. modernird,
inattendu : les pays développés ne contribuent plus que
pour 40% à cette masse de citadins. La majorité de la
population urbaine du monde vit donc aujourdliui dans les
pays en voie de développement (...). »12*
L'universalisation du phénomène urbain est sans conteste l'un des changements les
plus marquants du 20e siècle. Dans ce concert mondial de l'urbanisation. l'Af5que noire se
trouve en bas de gamme et « seulement 6,7% des citadins du monde y vivent. »12'
Cette
modestie de la poussée urbaine au plan international ne rend pas véritablement compte de
l'importance du phénomène au niveau local. La triple action de l'accroissement
démographique. de l'exode des zones rurales et l'unmigmion donne à l'urbanisation en
Afnque noue. une ampleur sans précédent. Les flux de populations se font essentiellement
au profit des zones urbaines dont la faiblesse des structures d'accueil complique encore un
peu plus l'équation de nombreux néo-citadins. La surpopulation. le chômage. l'insécurité etc.
caractérisent les villes du monde et
((
l'image de la "ville riche". symbolisée par la ville
occidentale, n'est plus que celle d'une minorité de la population urbaine du monde.))130Cette
déchéance de I'irnqe et de la réalité urbaines a en toile de fond. la ville du Tiers-monde.
reconnue pour la prolifération des activités informelles, petits metiers. commerçants
ambulants etc.
Le déplacement massif des populations vers les villes est une gageure pour les pays
sous-développés en mal de structures ainsi que pour les populations qui se retrouvent
confrontées à des situations inusitées. En effet.
((
L'urbanisation n'est pas qu'un phénomène
démographique. un processus quantifiable. c'est aussi et surtout une vaste redistribution des
cartes sociales et culturelles. Lieu de mistration et de désirs interdits. la ville provoque de
François Moriconi-tbrard: L'urbanimzion du monde depuis 1WO. Paris, Anthropos. 1W3, p. 10.
'" Idem. p. I l .
130 I&m.
p. IO.
1
3
nouveaux comportements.
d3'Dans cet ordre d'idée,
((
(...) l'urbanisation est, certes, un
accroissement de la population urbaine mais aussi et s ~ o u un
t processus de transformation
culturelle qui accompagne de profonds changements économiques. politiques. juridiques.
sanitaires, éducationnels, religieux, sociaux etc. N 13'
Plusieurs ensembles théoriques rendent comptent de l'urbanisation selon les
disciplines et même selon les auteurs. Nous en présentons ici quelques-uns:
Les géographes abordent la ville sous sa variante spatiale et plus précisément la
manière dont cet espace est organisé. (( C'est ainsi que le premier facteur qui caractérise la
Mlle est sa position et que le second est son site (...). Car la ville est d'abord un espace de
circulation et cet espace est plus ou moins adapté am conditions contemporaines des
moyens de circulation. d33La morphologie et l'habitat urbains rentrent aussi dans le champ
d'in veai galion des géographes.
Pour les administrateurs. la ville constitue prioritairement un
((
espace structuré
D
dont il faut gérer au quotidien. l'imbrication des différentes composantes. Nous ne sommes
pas loin de la vision des architectes qui? voient dans la structure urbaine. l'accomplissement
d'une oeuwe sortie de
.-lI
«
Un imaghik dont le produit est pour la psychanalyse.
comme I'écfinire symbolique d'une collectivité exprimant inconsciemment (...) les
archétypes les plus anciens sur lesquels elie bâtissait son équilibre et sa perception de
i~~monie.)?~~
Les modèles biologistes. quant i eux. tentent d'établir entre la Mlle et l'organisme
humain une analogie fonctionnelle fortement critiquée. Pour les historiens. I'urbanisation
traduit de l'évolution sociale. c'est la cristallisation des rapports sociaux existants période
'" Thierry Paquoc: Homo Urbanus. Paris. Éd. du Felin, IYYO, p. 108.
"'Thierry Paquoc Villes et civilisationr urbaines. Pans. Larousse. 1992. pp. 11-12.
Henri Reichen et Jean Daniel Remond: h l y s e sociale de la ville. Paris, Masson. 1980, p.%.
'3.1 Idem, p.59.
13'
par période. Un regard sur l'urbanisation proche de celui de la Sociologie (( dont le propos
est essentiellement l'étude de l'action de l'organisation et des changements sociaux. )) 13*
Nous soulignons de fqon succincte la contribution des classiques de la sociologie.
Avec Engels' Marx situe la problématique au niveau a de la séparation du travail
industriel et commercial d'une part, et du travail agricole d'autre part; et, de ce fait, la
séparation de la Mlle et de la campagne et de leurs intérêts. C'est donc en tant que forme
première de division du travail que ces auteurs s'intéressent à la ville que. dans ce cadre. ils
opposent a la campagne. nl" 6 suite de I'analyse répond à la préoccupation dialectique de
l'analyse marxiste. La ville concentre pour l'entreprise capitaliste une main-d'oeuvre
indispensable et dont le travail n'est qu'aliénation. La ville accouche alors d'une autre
opposition: celle des bourgeois et des prolétaires et la lutte entre ces deux classes est dans
l'analyse marxiste le moteur de l'évolution des sociétés.
L'analyse durkhémienne de la ville est assez orighie. À partir de ses préoccupations
morale et religieuse. l'auteur tente de faire un Lien. entre les densités matérielle et morale.
Durkheim affirme que
((
le seul fait de l'agglomération agit comme un excitant
exceptionnellement puissant. Une fois les individus assemblés. il se dégage de leur
rapprochement une somme d'élections qui les transportent vite à un degré extraordinaire
d'exaltation. »13'
En d'autres termes, Durkheim voit en la ville le lieu privilé~ié du
développement de la vie morale, vue sous 1'angIe de la cohésion et de la survie du groupe.
Cene approche débouche sur la distinction que Durkheim fait des types de solidarités
caractérisant l'état des sociétés. La solidarité mécanique relevant des sociétés à faible
division du travail et celles ou cette différenciation est accentuée présentent une solidarité
dite organique. Ce type de solidarité est donc le fait de l'urbanisation et caractérise les
grandes villes actuelles si nous restons dans la perspective de Durkheim.
:"
lM
Idem. p.62.
Jean Remy et Liliane Voyé: La ville et l'urbanisation. Paris, Duculot, 1974,p. 193.
"-idem. p.202.
Chez Weber la nature économique de la ville est clairement précisée. « Nous ne
parlerons de ville (...) qu'à propos d'établissements ou la population locale satisfait une part
économiquement substantielle de ses besoins sur le marché local et les satisfait dans une
proponion essentielle grâce à des produits que la population locale et celle de l?witerland
immédiat produisent pour vendre sur le marche ou acquièrent autrement.
»'38
Cene lecture
économique de l'urbanisation est loin de l'approche marxiste.Pour Weber, la Mlle est un lieu
de production et de consommation qui se présente à l'analyse. comme un enjeu politique et
militaire. Weber évite le réductionnisrne économique du phénomène urbain et s'attache a y
déconiquer les relations de pouvoir au sens crozien du terne. Aussi, l'urbanisation reste
strictement rattachée. à l'évolution de la civilisation occidentale fondée sur le principe de la
rationalité.
L'abondante analyse du phénomène urbain par l'école de Chicago est difficile de
synthétiser. Pionnière des études urbaines. l'école de Chicago va développer des analyses
que l'on qualifie. à ton ou à raison d'écologie urbaine. Sous la triple influence des thèses de
SimrneI. de la forte croissance urbaine et des idéaux environnementaux américains des années
1930. l'école de Chicago tente de transposer à l'homme
végétal et animal.
»13'
a
ce qui se passe dans le monde
La ville à la fois produit de la nature et artefact social se présente alors
sous trois ordres: le premier est écologique par le fait d'une localisation spatiale précise des
composantes urbaines. Le second ordre est naturel. Les délimitations urbaines ne relèvent
mère d'une stratégie d'implantation mais sont
C
((
le résultats de mouvements spontanés et
quasi naturels » I4O que traduit le qualificatif "aires naturelles". Le troisième ordre déterminé
par l'école de Chicago est moral.L'hétérogénéité culturelle des villes est surplombée par une
nouvelle morale imposée par les lois inhérentes à chacune des spécialités professionnelles
nées de la forte division du travail. Les analyses de l'école de Chicago touchent également
divers aspects de la réalité urbaine. La liberté et ses conséquences positives ou non. la
'" Idem. p.214.
idem. p. 163.
'" Idem. p.172.
U9
religion et les phénomènes de marginalisation s'entremêlent dans un processus continu de
désorganisation et de réorganisation de la ville.
En définitive. la ville est une réalité complexe et l'urbanisation. un processus dont k
dynamique est continue. La pluralité des approches est souvent déconcertante mais elle ne
fait que traduire la "richesse" du concept et la variété d'approches que permet la ville en tant
qu'objet d'étude. Nous pensons a la suite de Reichert et Remond que
la ville est réellement chacune de ces approches: elle est
espace naturel. m e . consauction objet, symbde.
pouvoir. institution. rêve? corps. organisme, produit. etc.
selon le point de vue sous lequel on la considère. Mais ce
qui doit frapper. c'en que dans la réalité elle est tout cela à
la fois et en même temps. Chaque éclairage. chaque réalité
de la ville se nourrit de la matière des autres. Chaque vue
de la ville? dans sa richesse elle même, témoigne de
l'incroyable complexité de l'entité qu'elle observe et appelle
les autres regards sur elle. d4'
«
En somme. la ville se définit par son espace. sa structure et ses fonctions. L'une des
fonctions essentielle de la ville est indéniablement l'activité économique. Comme le précise
I 'analy se webeneme. l'ensemble de ces activités répond au principe de 1'organisation
rationnelle des activités économiques urbaines? et l'informel aussi poumit-on se demander?
La suite de l'analyse apportera certainement des éléments de réponse à cette question.
W .1.3. De la rationalité
L'histoire de la société occidentale a lié les notions de modemité et de rationalité et
Weber en a fait le point centrai de son oeuvre. 11 voit dans la rationalité
.". Henri Reichert et Jean Damel Remond:
p. cit. p.67.
le résultat de la spécialisation scientifique et de la
différenciation technique propre à la société occidentaie.
Elle consiste en l'organisation de la vie, par division et
coordination de diverses activités, sur la base dune étude
précise des rapports entre les hommes, avec leurs
instruments et leur milieu en vue d'une plus p d e
efficacité et rendement. » 142
((
Ce type de rationalité défuiit par Weber sera dite
but
D.
((
rationalité pour une h ou un
L'un des reproches qu'Habermas adresse à la théorie de la rationalité de Weber est de
réduire toutes les actions à des interventions finalisées. Il oppose d'ailleurs, a l'orientation de
l'action vers le succès d'un sujet de Weber. l'orientation de l'action vers l'intercornpréhension
de plusieurs sujets. Un des objectifs d'Habermas est de rendre universelle cette notion de
rationalité que Weber avait consigné à la seule Occident. Il introduit alors la notion de
rationalité critique pour « que l'occident renonce "a sa compréhension déformée de la
rationalité". qui hypostasiai t la seule raison scientifique. dans ses aspects "cognitifs
insaumentaw".
)) '43
On ne peut pas dire que la bureaucratie et la technocratie soient la
((
seule forme de la rationalité moderne. Il y a plusieurs raisons au royaume de la raison. d"
Détachée de la rationalité insrunentale et de son exclusivité occidentale. la rationalité
peut s'appréhender au travers de contingences particulières~comme un caractère à plusieurs
modalités. Cela permet d'articuler la ratiofialité technico-instrumentale avec une version
complémentaire que Berthoud appelle G le rationalisme humaniste
»L45, source
d'une culture
éclectique mais autonome et laissant entrevoir une véritable démocratisation des sociétés. Le
principe de la rationalité ainsi défini apporte un éclairage particulier à la problématique de
l'informel. Il laisse entrevoir le développement des ces pratiques comme étant une forme de
>
a-
" Jean
Reni) et Liliane Voyé: op.cit, p.210.
Cite par Etienne Barillier. La crise de la raison. m. Revue Le Mauss. Pans. La decouvene. 2. Jeuirn..
1988. p. 12.
rationalité dans un contexte où les logiques formelles sont dysfonctionnelles. Nous adoptons
cette approche de la rationalité, d'autant plus que les recherches sur les activités informelles
prouvent a sufisance, que derrière le désordre apparent de l'infonalité se cachent des
logiques organisationnelles précises, des constantes struturelles et fonctionnelles.
Un des éléments d'analyse que propose le SEM dans la saisie de l'informaliré est un
concept de rationalité dénué de toute ambipuité. Les enjeux sont clairement précisés et la
rationalité dans le SEM correspond a l'atteinte des objectifs de l'économie capitaliste. c'esta-dire la réalisation des profits pour les détenteurs de capitaux et le maintien des gands
équilibres dont nous avons fait auparavant état. La rationalité « sitienne
est de type
technico-insrnimentale et ne s'accorde point avec wi quelconque humanisme. La régulation
mondiale assurée par le SEM a pour fondement les lois de l'économie capitaliste dont k
division internationale du travail est un important instniment.
IV. 1.4. De la division du travail
Le concept de division du travail a fait l'objet de nombreux développements que l'on
ne peut prétendre rendre compte ici de manie= exhaustive. Retenons que l%volution
historique de ce concept nous raméne à la Grèce antique avec Platon qui fait de la division du
travail. u un principe d'efficience sociale », exprimant le progès dans I'orpnisation du travail
et de la société.
permettra d'obtenir à la fois la
production la plus abondante possible par les moyens les
plus faciles et i la fois la meilleure qualité tant du produit
que du producteur. On obtient ainsi une efficience sociale
maximum p i c e à la division du travail. La cohérence sociale
sera obtenue quant à elle par un système hiérarchique qui
fera correspondre des fonctions sociales à des classes
« La division du travail
cjerard Benhoud: La modemitd: venté cuiueIle ? W . Revue Le Maws. Paris. La Découvene. 24, Déc.
1987, p.34.
sociales. Aux artisans il reviendra de produire, aux guerriers
de défendre la république contre ses ennemis, aux gardiens
enfin d'administrer. L'affectation de chaque classe à chaque
fonction se fera en sélectionnant les individus selon leurs
aptitudes particulières. »146
La question de l'origine de la division du travail est diversement appréciée. Pour
Adam Smith,elle est un processus naturel lié à l'échange et dont les effets sont les suivants:
((
- Elle accroit l'habileté. par la spécialisation des
tâches. mais aussi l'adresse et l'intelligence
- La division du travail rend possible la
coordination des tâches, et élimine les temps
morts dus aux changements d'une activité à
1 autre:
- Enfin. elle permet l'emploi des machines qui vont
zffecnier des tâches autrement confiées à
l'homme. »14'
Les préoccupations de Smith sont économiques et reflètent la période du
développement de l'industrie manufachinère. La division du travail a ainsi trait a la
répartition des tâches a l'intérieur de l'atelier pour la recherche de coûts moindres. Selon su
\'illiam Peny.
((
le drap doit revenir moins cher quand une personne w d e la laine une autre
file. une autre tisse. une autre étire. une autre apprête, une autre calendre et emballe. que
lorsque toutes les opérations mentionnées sont maladroitement exécutées par la même
maki. D ' " ~ Smith et Petty conçoivent la division du travail comme une répartition
mmufiicturiere et capitaliste des tâches.
'* Kené Cessieux:
Approche historique ec critique de la division du mvail. B. in L1or@sation du travail
et ses formes nouvelles. Paris, Ed. Centre d'&des et de Recherche su les Qualifications. 1977, p.3 1.
;r
Idcrrri, p.33.
'" Jean-Pierre Skris: Qu 'est-ce que 1B division du navail ? Paris, Librairie philosophique J. V n a Coll. Rdtextes, 1994, p. 18.
La division du travail a po-w source u la coopération des forces de travail N dans la
lecwe marxiste. Cette coopération est chez Marx. u le made fondamental de la production
capitaliste, elle est a la fois moyen de la production capitaliste sans laquelle il n'existe plus et
résultat obligé de l'accumulation du capital. »ld9
Si la coopération des individus est
volontaire. dans la division du travail. les conditions de cette coopération sont fixées par le
capitalisme. La division du travail devient ainsi un moyen de contrôle du travail individuel
par le capital.
((
Pour celui-ci. toute organisation du travail doit être indissolublement une
technique de production et une technique de domination patronale de ceux qui produisent: car
le but de la production capitaliçte ne peut-être que l'accroissement du capital lui même. et ce
but. étranger aux travailleurs. ne peut-être réalisé par eux que sous la contrainte (directe ou
feutrke). H 1 50
Marx distingue également deux types de division du travail. La division
technique du travail consiste dans l'atelier à unir les forces de m a i l de chaque individu et
obtenir ainsi une marchandise. La division sociale \-oit quant a elle chaque membre de la
société offrir une marchandise particulière.
En somme. l'analyse marxiste met en arant l'aliénation du travailleur dans une
répartition capitriliste du m a i l qui « divise pour mieux régner N. séparant le tnvail
inullectuel du manuel, alors que
((
rien de tout cela n'est nécessaire a une production
efficace. »"'
Avec É d e Durkheim. la division du travail prend une autre dimension Il
repositiome l'analogie faite par H. Milnes-Edwards avec
tra~aildans l'organisme
D.
a
la division physiologique du
Selon Durkheim, «la société est assurément un organisme, mais un
organisme sui gcneris. Les individus ne sont pas des cellules physiologiques, destinées à une
fonction bien précise: ils peuvent changer leur rôle a l'intérieur de I ' o ~ ~ s r n ea . la fois
latéralement et vers le haut.
:"
»152 M
Dans l'or_gmisme. chaque cellule a son r6le défh. et ne
Renç Cessieur: op. cit. p.39.
'" André Gorz: Critique de In division du navail. Paris, Seuil, 1973, p. 11.
"' Ibidem.
'" Philippe Besnard; Massirno Borlandi et Paul Vogt (dir.), Division du rrovuil et lien sociul,
1993, pp.4-49.
Paris, P W ,
peut en changer. Dans la société. les tâches n'ont jamais été reparties d'une manière aussi
immuable..A mesure que le travail se divise davantage, cette souplesse et cette liberté
grandes. »153
d e v i e ~ e nplus
t
Pour Durkheim. la division du travail est un fait social qui ne saurait s'expliquer
exclusivement par la science économique. Certes il (( reconnaît l'importance économique de la
division du travail. mais soutient que sa fonction principale est morale. à savoir le progrès de
la solidarité sociale, et non simplement la production de biens plus abondants et moins
coûteux. »Is4 Selon Durkheim, la division du travail dans une société détermine le degré de
cohésion de cette même société. C'est ainsi qu'une faible division du travail produit une
solidarité dite mécanique ou par similitudes tandis qu'une division poussée du travail induit
une solidarité de type organique. cette demière est caractéristique des sociétés avancées et à
forte densité morale. Dans le cadre de la cohésion sociale. la solidarité mécanique relie les
personnes entre elles alors que la solidarité organique établit un lien entre les personnes et les
choses. le droit étant ici le facteur médiatisant.
La division du travail jouerait un rde beaucoup plus
important que celui qu'on lui attribue d'ordinaire. Elle ne
servirait pas seulement a doter nos sociétés d'un luxe.
enviable peut-être, mais superflu; elle serait une condition
de leur existence. C'est par elle, ou du moins c'est surtout
par elle. que serait assurée leur cohésion: c'est elle qui
déterminerait les traits essentiels de leur constitution. »lSS
((
Au niveau de l'économie mondiale. la DIT n'a ni doté les pays sous-développés d'un
luxe enviable et superflu, ni constitué un élément de cohésion interne ou externe. La DIT.
dans les années 1970 surtout. a une configuration unique les pays sous-développés exportent
des matières premières vers I'Occident et achetent des produits manufacturés. Il s'agit en
;aJean-Pierre Séris: op. cir. p. 1 1.
'sPhilippe Besnard et ai.. op. cit. p.%.
b i l e Durkheim: De h division du navail social. Paris, QuadngePUF, 1986, p.27.
'"
d'autres termes de la spécialisation du Tiers-monde dans la vente de produits bruts et à iaible
valeur ajourée? alors que les biens de consommation et d'équipement sont fournis par les
pays développés. Les efforts d'industrialisation de certains pays du Tiers-monde et la crise
énergétique ont entraîné quelques changements dans la DIT.Nous avons assisté à
« la création de systèmes de production internationaux
basés sur une repartition sectorielleo c.à.d. par la
répartition. entre différentes régions géographiques, des
activités relevant d'un même secteur. L'une des
conséquences de ce genre de sytème est le développement
d'échanges commerciaux au sein d'un secteur donné. alors
que l'ancienne forme de division internationale du travail se
caractérisait. quant à elle. par des échanges commerciaux
externes à un secteur donné (comme par exemple, l'échange
de produits finis conm des matières premières}. »156
En vérité. la nouvelle DIT n'a pas effacé les déséquilibres de l'ancienne qui se sont
même renforcés des écarts technologiques. La conjonction de ces facteurs contribue à affaiblir
les économies sous-développées. à minimiser les possibiltés d'un développement réel. à
favoriser la dégradation des conditions d'existence des populations et à encourager l'essor des
activités informelles. L'effet conjugué de l'extraversion économique. l'influence des
multinationales et le décalage technologique sont a notre avis au centre de la problématique
informelle au Gabon et dans le Tiers-monde.
CEEIM-Bmxelles:La division internatio~ledu rravail et les enneprises mu ftinatiomles. Bruxeiles.
Publications du CEEIM, 1979, pp.3 1-32.
IV.2. Le modèle d'analyse
Le concept d'informel dans la présente étude renvoi aw effets du SEM dans les pays
sous-développés. 11 fait reférence aux conséquences d'une économie extravertie et offrant
presque exclusivement des matières premières dans les échanges internationaux. En outre.
notre concept d'informel suppose que les activités informelles sont elles mêmes dans les
économies sous-développées, une forme n o d e de la division internationale du travail au
sein du SEM dont elles asswnt par leur nature et leurs fonctions. la cohésion.
Les pratiques informelles engendrées par le SEM se situent à deux niveaux dont la
juxtaposition peut en première lecture sembler paradoxale.
1 ) Un ensemble d'activités sociales économiques qualifiées de (( légitimes mais illégales H
Ces activités sont dans une zone de Iégditi funue. c'est-à-dire que
« dans
.
le futur. par le
biais d'ajustements progressifsi le système lé@ tiendra compte de ces nouveaux usages et les
légalisera ou cessera de les criminaliser. )?58
Ce groupe d'activités comprend les petits
metiers gui vont du cireur de chaussures a la commerçante de légumes. du vendeur ambulant
au transporteur clandestin etc. Ces activités tirent leur légitimité du fait qu'elles fournissent
des revenus à une partie de la population qui n'en aurait pas autrement. ou qui a besoin d'un
supplément de revenu pour la satisfaction de ses besoins essentiels.
2 ) Des activités sociales et économiques informelles que nous qualifions
((
d' illégitimes
N?
parce qu'elles sont le plus souvent reliées à des positions sociales élevées dont usent et
abusent leurs détenteurs à des fins lucratives. II peut s'agir égaiement d'activités illépaies
mais ayant pignon sur nie car bénéfiçiant d'une
((
protection )) administrative ou politique.
Gérard Vema: Légalite-légitimité:la dialectique de l'informel. B , in Les enrreorises informeiles dans le
monde. op. cir, p. 17.
lS8 Idem* p.22.
'5:
~
~
~
Le premier groupe d'activités informelles est certainement le plus observé par les
recherches. C'est celui de la pauvreté, de la mar@nalité et la recherche de la survie. Le second
groupe nous trempe au coeur des relations entre l'État et I'essor de l'informel. Ce second
groupe qui comprend les différentes élites locales, sen d'instrument d'application locale des
impératifs du SEM qui a son tour, leur permet de vivre dans des conditions aussi
confortables que celles d'occidentaux très aises. Cette (( dynamique d'enrichissement des
élites locales »,par le prélèvement d'un surplus sur le travail des populations est l'une des
clés de voûte du fonctionnement du SEM et expliquerait également l'essor des activités
informelles.
.Afin de faire ressortir la conélation entre la division internationale du travail et le
développement des activités infornielles au Gabon. nous panons des idées suivantes:
1 ) Dans le cadre du SEM, la division internationale du travail maintien au Gabon une
structure économique défav~rableà un véritable développement. L'extrême extraversion et la
spécialisation de l'économie gabonaise expliqueraient les difficultés du marché de l'emploi. La
division internationale du travail impose des choix de développement dans les pays sousdéveloppés et au Gabon. Ces choix s'avèrent être des choix de croissance à court terme et
non des options de développement durable. Ces deux propositions sont a la base du
développement des activités informeiles Liées à la structure de I'économie gabonaise dans le
cadre de la répanition internationale du travail dans le SEM.
2 ) La gestion des pays sous-développés caractérisée par le gaspillage des ressources
disponibles. 1'e~chissementde la minorité dirigeante et 1' appauvrissement de la majorité des
populations. est directement rattachée à la fonction de relais du SEM. des élites dirigeantes.
La croissance des activités informelles réleverait ici de la précarité des conditions d'existence
des populations urbaines gabonaises. provoquée par une gestion à la fois inéquitable et
improductive des ressouces du pays.
À partir de ces idées, nous posons les hypothèses suivantes:
1) Le développement des activités informelles procède d'une incapacité structurelle de
l'économie gabonaise à créer les emplois dont les populations ont besoin. du fait de la
prépondérance du capital international et de la place du Gabon dans le SEM.
2) La gestion de l'État et la dynamique d'erîrjchissement de la minorité au pouvoir, relais du
SEM. participent a l'essor des pratiques infornielles. par la création d'inégaiités de
répartition des richesses et le non accès au bien-être. pour la majorité des populations.
Afin de corroborer ces hypothèses. nous utiliserons les indicateurs qui suivent:
Par rapport à l'hypothèse 1): nous examinerons les effets sur la création d'emplois de
la spécialisation dans les matières premières. la non-diversification de Igéconomie.et le poids
de la dette. Ces indicateurs montreront la fiagilité de l'économie gabonaise. par son
rattachement à la conjoncture internationale. la rendant par la même occasion incapable d'une
dynamique productive interne. La spécialisation nous pennema de voir comment le SEM
disqualifie le Gabon des
&UX
productifs et créateurs d'emplois comme la recherche
technologique. l'innovation technique et même la satisfaction des besoins primaires. Nous
regarderons aussi la ventilation dans les principaux secteurs de l'économie. des
investissements étrangers On verra avec ces indicateurs que le capital é m g e r est
essentiellement a la recherche des profits immédiats. Les investissements se font par
conséquent dans des secteurs rapidement rentables, mais qui ne permenent pas au Gabon de
développer un véritable tissu industriel7de consrniire une économie in*
et répondant aux
besoins des populations. Le rôle des entreprises multinationales sera analysé ainsi que les
problèmes posés par la technologie. L'objectif est de montrer que le SEM n'est pas intéressé
par les politiques de développement durable. La conséquence directe est I'accroissement du
nombre de personnes sans emploi dans les villes gabonaises. Le corrollaire à cette situation
est naturellement la croissance des activités informelles en guise de survie.
Par rapport à l'hypothèse 2): il s'agha de lire l'essor de l'informel dans un examen du
rôle de l'État et de la façon dont ce rôle est rempli par les dirigeants. Le problème central sera
celui de la répartition des richesses au Gabon. Les données sur la question démontreront la
concentration de l'essentiel des ressources aux mains des dirigeants, lesquels participent a
l'essor de l'informalité dans leur dynamique d'enrichissement. Cela nous amènera aux
performances socio-économiques du Gabon. Nous montrerons l'évolution au cours des
dernières années. des conditions d'existence des Gabonais, la montée de la pauvreté et de la
précarité. Nous tenterons de cette manière de mettre en relation le développement de
l'informel et l'accès trop limité a des conditions minimales d'existence. pour une masse
significative de citadins.
Cette étude de l'informel tente de cerner les ressorts de pratiques dont les
manifestations les plus évidentes sont économiques. 11 faut préciser car c'est imponant. qu'il
ne s'agit pas d'une étude économique ou d'une approche statistique de l'objet. Notre
ambition est de saisir les mécanismes globaux qui fondent les activités informelles. Si l'on se
refère aux paradigmes existants. la perspective d'approche de la présente étude peut
s'apparenter à une démarche de type stnicturo-fonctionnaliste. Pour nous. l'économie
mondiale est un mouvement ordonné au niveau planétaire selon des normes établies par le
capitalisme dominateur. 11 est intéressant de se demander ce qui fait qu'en dépit de tant
d'inégalités. tout se tient encore ensemble. Pour donner une idée de réponse. notre démarche
emprunte cenainement à la démarche systémique afin de cerner les rnaiiions de cette chaîne
au sommet de laquelle trône le SEM. Cette approche nous permet de comprendre la
résistance de la division internationale du travail am chtiques les plus acerbes. l'immobilisme
de sa restructuration. mieun le renforcement d'une m c t u r e économique mondiale qui unit
pour diviser encore plus.
Pour comprendre la genèse de I'informel à partir du capitalisme mondial. la recherche
documentaire aura été notre première source d'informations. Nous avons ainsi pu prendre
connaissance des différentes approches de la problématique de l'informel, à travers les
documents consultés dans les bibliothèques, au niveau de certains orpismes internationaux.
ainsi que de l'administration gabonaise. Un séjour au Gabon nous aura permi de collecter des
domees statistiques sur l'économie gabonaise. Nous avons egabent eu quelques entretiens
avec des responsables gabonais des ministére du commerce et de la planification où nous
prenions essentiellement des notes. Pour les données qualitatives, nous avons procédé a une
analyse de contenu de type structural. Les données chiffrées, quoi qu'essentiellement
illustratives~sont à l'occasion interpretées. Enfi$ tous ces instruments d'analyse trouvent
leur champ d'application dans l'examen du concept. des définitions et des fondements de
IginformeI.notamment dans le cadre de l'économie gabonaise.
Chapitre V
Conceptions de l'informel: la situation au Gabon
Le double processus d'industrialisation et d'urbanisation des pays du Tiers-monde
est confronté au problème d'intégration des migrants urbain dans le salariat moderne. Dans
un premier temps, l'opposition tradition-modernité tente d'expliquer cette situation. les
migrants des villes seraient au prise avec une modernité dont la réalisation achoppe sur un
ensemble d'idées et de pratiques relevant des sociétés traditionnelles. Mais l'analyse
retournera assez vite sur la question de la formation d'une poche de sous-emploi urbain.
surtout sur les activités urbaines dites spontanées, anomales, traditionnelles de ces
populations. formant ahsi une (( économie de bazar ».
V. 1. Le dualisme tradi tion-modernité
La vision dominante au Gabon est celle d'une économie
dichotomisée. hiérarchisée, au double plan socioéconomique. techno-culturel. D'un côté. ou plutôt au
dessus, en avant, la modernité instituée en secteur dit
moderne. formel. structuré: de l'autre? ou plus précisement
au dessous. en mière. la tradition constituée en secteur
qualifié globalement de traditionnel. informel. non
structuré. Le premier supposé porteur des valeurs de
développement et productiviste a l'occidental. est
composé classiquemenf des secteurs public et privé
"modernesu (au sens large). Le deuxième. voué aux activités
de subsistance, avec ses valeurs de vie et de sur-vie,
comporte trois types d'activités mises pratiquement sur le
méme pied: commerciales "informelles". artisanales
"informelles", agicoles "traditionnelles". »159
((
La littérature sur la problématique de l'informel au Gabon situe égaiement ce
phénomène dans le processus global de modernisation de la société. L'informel renvoie à
l'intégration dans le giron de Itéconornie capitaliste moderne, d'une société traditionnelle ou
Henry Panhuys: Lo moaée de 1 'économie informelle au Gabon. Situations et perspectives. Ciéneve. B ïï,
1992, p.27.
iS9
pré-capitaliste, La mise en avant de l'opposition tradition-modernité dans l'appréhension de
I'infomalité au Gabon suscite tout de même une remarque.
Si le processus de développement économique a nécessité et entrainé d'importants
changements dans les cultures (au sens anthropologique) même dans les sociétés occidentales,
il est évident qu'il n'a pas été une sorte (( d'épuration
)I
culhvelle consistant à éradiquer les
ensembles socio-culturels préexistants. La mise en opposition de la modernité avec la
tradition au Gabon. au moins dans le non-dit, semble relever de cene perspective demctrice
qui enverrait la nadition aux oubliettes. Une telle conception ôte au développement son
caractère de processus de transformation qui. en même temps qu'il fqonne la société. subit
également les contraintes de son environnement. Par ailleurs. la conception de ltinformalité a
travers le dualisme tradition-modemité au Gabon. est à notre sens un bouclier qui tente
maladroitement. de farder le dysfonctionnement des institutions de la modernité dans ce
pays. et la fonction du Gabon dans le SEM. Une dissimulation qui h i n e égaiement une
meilleure connaissance des activités informelles dans un pays où l'abondance des ressources
au regard de la population. suppose théoriquement le bien-être. Quant a nous. l'essor de
I'infotmalité au Gabon. est une création des logiques mercantiles qui gouvernent la di~lsion
internationale du travail. C'est dans le procès historique du développement mimétique et sa
systématisation actuelle dans le cadre du SEM,que l'informel urbain au Gabon trouve ses
fondements.
L'étude de I'inforrnalité à travers I'opposition tradition-modernité souffre aussi de
n'être qu'un constat du fonctionnement interne des économies en voie de modernisation. il
est à ce titre important de rappeler que?le développement des activités informelles, telles que
nous les avons définies est caractéristique du sous-développement: ce dernier étant lui même
rattaché a m contraintes imposées par l'économie mondiale et plus précisément à ce que nous
avons appelé le SEM. Les tentatives d'explication de l'essor des activités informelles par la
simple opposition tradition-modemité analysée dans les fonctionalités locales de l'économie
gabonaise, nous paraissent insuffisantes.
Les facteurs qui passent généralement pour des contingences internes sont. à notre
avis. à mettre au crédit de
((
locales de la modernisation »la
la dynamique de constitution et d'enrichissemeni des élites
relais du SEM dans les pays sous-développés. L'exploitation
coloniale de la maind'oeuvre et des ressources naturelles a bâti une économie de rente
extravertie et appauvrissante pour les populations. La prise en main des rênes politiques du
pays par les nationaux n ' a m toutefois. pas diminuer les écarts criants dans les conditions
d'existence. Puisque la modernisation se fait et que la tradition est présumément toujours
vivante. l'ananlyse de I'informel au Gabon est immédiatement orientée dans le champ de
fictions entre ces deux éléments. Cette fois. le débat se focalise sur l'organisation et la
gestion de l'espace public économique qui nous conduit inévitablement à I'opposition
formel-informel.
V.2. Le dualisme formel-informel
L'analyse dualiste caractérise les économies sousdéveloppées par
((
la c o e x i m c e de
deux secteurs distincts. un secteur moderne capitaliste et urbain et un secteur traditionnel et
rural. »16'.
Le rôle du secteur traditionnel nuai est de faciliter I'accumulation dans le secteur
capitaliste moderne qui d e m ensuite absorber la main-d'oeuvre libérée des activités
traditionnelles. L'absence de ce mécanisme de compensation est à l'origine de la non
intégration dans le salariat. d'une grande partie des néo-citadins. La multiplication des
activités économiques hors de l'espace moderne sera la conséquence pratique du chômage
urbain et de la aise économique. En réalité, les premières approches de la situation en termes
d'informel n'émargent pas véritablement dans le dualisme formel-informel. Elles se
préoccupent de la capacité des citadins à satisfalle convenablement l e m besoins. losqu'ils
'aFidèle-PierreNz&N@ma: Modernité ïïers-Mythe et Bouc Hémisphère. op-cit. 172p.
16'
Phiiippe Martinet: op. cit. p.3 1.
disposent d'un emploi. La question est de savoir si les salaires suffisent a faire face aux
contraintes quotidiennes lorsque le coût de la vie est de plus en plus élevé.
Le terme informel. « infornial
N
en andais, apparaît pour la première fois daris une
.'"
étude de Kei th Hart sur le Ghana en 197 1
La notion d'informel dans 1'acception de Hart,
fait part de la nécessité pour les ménages de rechercher des revenus additionnels opportunities N
((
incomes
- en complément des salaires. Ces revenus étant tirés d'activités annexes et
distinctes des occupations principales des ménages,ils seront dits informels. par référence
aux
((
informal incomes opportunities. N Hart perçoit l'informel
comme le résultat de l'inadéquation (inadequacy) entre le
niveau de salaire réel faible et la forte hausse norrîinale des
produits de subsistance: le déséquilibre chronique entre le
revenu salarial et les besoins budgétaires des ménages est
seulement en partie atténué par la génonsité des parents et
des voisins. et seulement temporairement différé par le
recours au sytème de crédit. Une ultime solution A
envisager peut être la recherche de revenu.
((
Pour Hart. la notion d'informel s'applique essentiellement aux opportunités de
revenus dans une crise généialisée qui s'éternise. L'auteur constate une baisse importante du
pouvoir d'achat des ménages. Alon. il
((
pose le problème du revenu informel comme un
revenu complémentaire devenu nécessaire devant la stagnation des salaires et l'inflation. alors
que la solidarité familiale et le recours au crédit atteignent leurs limites. »'64 La perspective de
Han est centrée sur les revenus des ménages. La notion d'informel est élaborée sans aucune
allusion a un quelconque "secteur informel ",distinct de l'économie moderne. contrairement à
l'analyse que fera le bureau international du travail (BIT).
'"
Keith Hm: informai income oppomnities and urban employment in Ghana m. J o d of modem
African mdies, II, 1, 1973, pp.6 1-89.
Claude de Miras: op-cir, p. 106.
l
a
Bmno Lautier: op. cir, p.9.
'"
Le concept de secteur informel
L'approche du Bureau International du Travail (BIT) est explicitement catégorielle. En
parlant d'informel, le BIT « définit d'emblée un secteur comme regroupement d'unités de
production, repérées à panir de caractéristiques essentiellement techniques auxquelles
s'ajoutent le fhible niveau de réglementation. Il mène donc l'analyse à pmir de l'unité de
production.
»16'
Convairement à l'optique de Hart orientée vers les opponunités de revenus
des ménages, l'approche sectorielle du BIT va focaliser la recherche sur les activités
productives dites informelles. La conception du BIT va engendrer la détermination du secteur
informel de façon antinomique et négative par rapport à l'économie modeme. Deux directions
énoncées dans cette approche seront abondamment suivies:
1. La fixation de caractéristiques techniques de reconnaissance des unités de production
informelles:
2. Le répérage selon le de@ de réglementation observé par ces mêmes unités. Ce dernier
critère sera développé a son tour. dans une mise en avant des aspects juridiques ou
statistiques. par le niveau d'intégration des activités informelles dans la comptabilité
nationale.
Cette orientation statistico-juridique foumit un éventail de termes considérés comme
synonymes d'informel et qui. tentent de couvrir l'ensemble des activités soupçomées
d'informalité ou reconnues comme telles. Willard a fait l'inventaire de ces désignations (Voir.
p109). Reprenant la typologie de Wiilard. Roubaud distingue trois entrées représentatives
des champs de recherche induits par la notion de secteur informel (Voir. pl 10).
La première entrée ou première famille. aborde l'informel dans une perspective
statistique. donc dénué de toute analyse qualitative. La deuxième famille « cherche à identifier
un ensemble de pratiques délibérernent occultées par ceux qui s'y a d o ~ e n t On
. se situe
clairement aux frontières de la légalité' voire au delà du côté des activités délictueuses. Les
aass@ania uou a p o u o q
sanbysprr~s>a sa[s%l samou xna ~nitddirqq?ya!ps,i ~ a @ s ? p mod sjdoldma s a n u a l
*apuoui-sia!~al s m p j ~ i m . t a i puxauxaddopqp un,p mam3ni!
salla'nb sduiai a q u r ua larnioypea uoyasp%o,p apow un ~uani?dradsallaurioJir! s y p ! i x
s q *srno3 iuo L m b saq~~nqys?par
l a s a ~ y s n p o ~sanbywd
d
Sap ? i ~ p q r e del a & p s
an3 -iuaumddola~?pal suep apuoui-sra!~np [email protected]
q ms luasse,! iaw la aiueqofiua
s q d >sa a p j aui?!s!on q ,« * i u a m ~ p B ? usaiouuoa mauiauoj luos s?Loldura s j p [ p e
Relevé non exhaustif des termes employés pour désigner l'activité échappant aux
normes légales et satistiques
1,7 Économie non officielle
1 kanomie non obsenée
1 Economie non enregiseée
2 Économie cachée
1,2 Économie non déclarée
7 Économie sous-marine
2 Économie dissimulée
2 Économie souterraine
2 Économie submergée
3 Économie secondaire
Z Économie clandestine
!,3 Économie parallèle
3 Économie duale
3 Économie alternative
2 Economie occulte
3 Économie autonome
2 Économie noire
!Économie grise
2 Économie irrégulière
3 Économie matginale
3 Économie périphérique
3 Contre-économie
2,3 Économie infoxmelie
1,2 Économie invisible
2 Économie de l'ombre
! Économie illwe
Source: François Roubaud, 1994, p.48.
Les c h i f i s 1'2 et 3 renvoient à la famille d'appartenance.
V.3. Le secteur informel au Gabon
Le dualisme formel-informel au Gabon est déterminé par 1'opposition tradi tonmodernité dont il est issue. Le formel caractérise le moderne. I'informel la tradition et la quasi
totalité des approches de l'informel au Gabon sont tributaires de ce schème. « Les comptes
nationaux 1991 (...) décomposent le PIB en deux grands secteurs: le secteur moderne, le
secteur informel lequel inclut le monde agricole. »16'
La direction de la pianification des
ressouces humaines (DPRH) « inclut dans le secteur non structuré (SNS), les activités
agricoles (et paragricoles), c'est à dire la paysannerie '61.»
Obame ~rnane'~'distingue à son
tour un secteur moderne constitué des salariés des secteurs public, parapublic et privé: ainsi
que les travailleurs indépendants et non salariés du secteur moderne. Le secteur informel
comprenant "l'ensemble des campagnes".
Ces approches de l'informel au Gabon sont distinctives des analyses sectorielles des
économies sous-développées. Elles en portent égaiement les faiblesses dont nous avons fait
antérieurement état. Il y a tout de même une particularité ici, c'est l'intégration systématique
des activités agricoles traditionnelles dans le secteur informel. dont nous pensons qu'elle est
redevable au dualisme niral-urbain dont plusieurs recherches s'inspirent pour parler de
l'informel. Si le monde rural n'est pas, il est Mai exempté des influences capitalistes. il nous
semble que les activités économiques informelles prennent principalement racine dans la ville.
Leur appréhension se fait par opposition
ii
l'économie formelle urbaine et non par rapport
aux activités agicoles de subsistance des paysans gabonais. En ce sens. une i-iormalité qui
inclut ces activités relève a notre avis d'un amalgame traduisant le désarroi des chercheurs
devant une réalité dont les ressorts sont difficiles a cerner. Ce qui donne parfois des
contradictions discursives revélarices du malaise.
Assimilant le secteur informel a l'ensemble des campagnes? Obame Emme se pose
ensuite la question suivante: (( que se passerait-t-il aujourd'hui si le secteur informel n'offrait
pas des possibilités aux personnes licenciées dans le secteur moderne ou dont le profil ne
répond pas aux exigences du secteur moderne ? d7' Il nous semble en définitive que ce ne
165
H e n ~h h u y s : op. cir, p.27.
ibidem.
Population et emploi. B Acies du séminaire d'Ovem sur la moulation et le
la Victor Obame Emme:
déveIo~uement.Libreville, MPWTiFNUAP, 1990, pp.97- 122.
"' idon. p. 118.
sont pas les campagnes vidées par l'exode nual, qui ofient ces posibilités. mais bien le
monde urbain.
Les représentations de l'informel chez les agents économiques du secteur moderne
gabonais sont différentes. En effet. ces demiers
((
voient dans le secteur iafonnel un
concurent d'autant plus dangereux que son développement s'es accéléré de fqon
CU-
extensive a la crise frappant de plein fouet l'économie moderne depuis 1986. Certains sont
tentés d'assimiler purement et simplement, sinon dans les faits. en tous cas dans le discours.
le SNS à un secteur huduleux, illégal. ))'72 Le h r e "illégaliste" du secteur uifomel selon
le président de la confédération patronale gabonaise (CPG),tient au non respect par les
informels de la réglémentation en vigueur. (( Pour le tâcheron, par exemple ce sera l'ignorance
totale (et. répétons le. volontaire) de toutes les réglémentations sociales (emploi d'étrangers
sans autorisation. salaires infërieun aux normes conventionnelles. non inscription à la caisse
nationale de sécurité sociale (CNSS): pour l'importateur. ce sera la sous-facturation. la
contrebande; pour l'un et I'autre l'absence de toute déclaration fiscale.
Cene attitude constitue une menace pour I'ensemble de l'économie et même la société
entière d'autant plus qu'elle est intentionnelle, selon le président de la CPG. La maîtrise des
activités informelles au Gabon par des étrangers, fait en sus planer le spectre d'une
importante fuite de capitaux vers l'extérieur du pays. Cette vision des activités informelles
souligne la violation consciente des procédures légales d'exercice des activités économiques et
relève également la main mise des étrangers sur les activités informelles au Gabon.
Il faut rappeler que le contrôle des activités économiques au Gabon par des intérèts
étrangers. est loin d'être l'apanage des pratiques informelles. Le secteur moderne de
l'économie dominé par les productions pérrolières et minières renferme d 'importants intérêts
é m g e r s dont le rapatriement des capitaux est sans doute plus énorme. Le fait que cela soit
i?
Henry Panhuys; op. cit, p.3 1.
'" Idem, p.32.
légal ne change rien au caractère extraverti de l'économie gabonaise et à la présence
d'étrangers. actifs formels ou informels. Le véritable enjeu que posent les activités
informelles. est en liaison directe avec la stnicture économique du Gabon et la capacité de
am état à assurer une régulation répondant aux besoins réels des populations. Le président du
CPG évoque égaiement une autre dimension dans sa conception de l'informel. Pour lui. il
s'agit de la volonté délibérée des actifs informels de contourner la réglémentation. Même si
l'auteur ne fournit aucun argument au non respect volontaire de la loi. on peut à ce propos.
évoquer deux hypothèses:
La première hypothèse est l'incapacité de l'État à s'assurer du respect de la
réglementation et. dans le cas du Gabon. cette incapacité repose sur un manque de volonté
politique. Cela nous renvoi am arguments de Claude de Miras dans son analyse de la nature
de l'État périphérique, où le jeu politique se focalise sur des enjeux personnels et non dans la
recherche d'une organisation sociale efficace. Par ailleurs. les actifs Uiforrnels ne sont pas
seulement des citadins en quête de sources de survie. Le prélèvement d'un surplus par les
détenteurs de pouvoirs. comme le signalent Le Bris et Amselle, peut également expliquer le
mutisme des pouvoirs publics devant la prolifération des pratiques informelles.
La seconde hypothèse suit l'argumentation de Hemando de Soto. L'évitement de !a
rég lémentation ne partici pe-t-il pas d'une stratégie économique rationnelle. dans un contexte
où le respect de la loi est coûteux, sinon que la loi est financièrement et administrativement
inaccessible ? La fiche circuit pour l'obtention d'un agrément au Gabon (Annexe B), nous
montre une douzaine d'étapes que doivent parcourir les demandeun du document qui
autorise I'exercice d'activités commerciales. La moitié de ces douze étapes exige des
contributions financières non négiigeables. Pour iliusûation: les frais requis au niveau de la
seule direction du commerce intérieure s'élèvent à 100 000 FCFA pour un gabonais. soit plus
du double du salaire minimum qui est de 44 000 FCFA. Pour les non narionaux. le montant
exigé est de 500 000 FCFA? ce qui n'est pas un e n c o q e m e n t au respect de
)a
réglémentation pour une immense partie des étrangers qui amivent au Gabon sans grande
fortme. Le rescensement de 1993 de la population gabonaise montre un faible taux de
scolarisation, dans la h g e de la population résidente étrangère, ainsi qu'un taux de
scolarisation (de niveau secondaire essentiellement) de 32.6% pour la tranche des 2 1 ans dans
I'ensemble de la population ré~idente."~Ces données suggère une méconnaissance probable
des lois en amont de i'exercice des activités économiques. La conjonction de ces facteurs et
l'absence de conuôles efficaces de la part de l'État suffisent, à notre sens, à infirmer
l'approche selon laquelle, les activités informelles au Gabon relèvent exclusivement d'un
« illégalisme » intentionnel, comme I'affirme le président du CPG.
La lecture de l'évolution du secteur informel au Gabon faite par Bano Charnbrier est
plus classique. Pour lui, « le secteur informel urbain doit son expansion à deux phénomènes
principaux: l'exode niral et I'imrnigation étrangère. Une partie de la main-dbeuvre appelée
pour la construction du pays, au cours de la période de forte croissance 1975-77. est
démeurée dans les centres urbains. attirée par les rémunérations pratiquées au Gabon: elle a
formé son propre circuit d'emploi et de consommation. fi1''
Du point de vue de la "technicalité" économique. la formation d'un secteur informel
peut se comprendre dans les termes que Barro expose ici. 11 s'agit autrement dit. d'un
chômage urbain dû au ratio population urbainekapacité d'emploi, tel que nous le retrouvons
dans les thèses de la aansition des sociétés pré-capitalistes vers l'économie de marché. Mais
alors. comment expliquer non seulement la perdurance de cette situation et même son
accroissement dans le pays le plus riche d'-que,
avec une population active ( Tableau 2)
estimée à 375 944 personnes ?176
.-.
' 'Rescensement général 1993: op. cir, pp.25-26.
B m Cbmbner L'éconumie du Gobon. Paris. Oeconomica, 1990. p.239.
Le rescensemeni 1993 définit la population active en actifs, actifs occupés et actifs chômeurs:
- un actif est une personne agde de 10 ans et plus. travaillant ou cherchant effectivement un emploi.
- un occupé est un actif ayant effectivement uavaillé au moins une semaine depuis le debut de I ' a d e .
- un chômeur est un actif n'ayant pas travaille depuis le début de l'année. mais toujours il la recherche
d'un emploi.
'YHugues Alexandre
176
Tableau 2: population active par sexe et groupe d'âge
Groupe d'âge
Total actifs
Hommes
Femmes
2 sexes
60-64
6 434
9 498
15 923
65 et +
10 486
14 587
25 073
Total
208 484
167 460
375 944
Source: établi à partir de rescensement, 1993, p.33.
La situation particulière du Gabon, avec une fàible population résidente et des revenus
importants n'autorise guère une interpretation de l'essor des activités informelles. en suivant
simplement une logique des nombres. Les migrations internes et internationales ont certes
contribué à I'augmentation rapide de la population urbaine?mais le bassin de population urbaine
ainsi constituée reste oès modeste en tant que tel, mais égaiement en rapport avec les ressources
dont le Gabon a disposé et dispose encore pour réaiiser son développement et ainsi faire face
(théoriquement avec succès) au chômage urbain. Ce que l'on constate au Gabon,c'est qu'en
« moins de 10 ans. le secteur moderne a perdu 30.000
emplois (93.000 en 1994 contre 124.000 en 1985) soit une
baisse annuelle de l'ordre de 3% remarquée surtout dans les
entreprises privées (-52% sur la période).Le taux de
chômage global représente 17'1% de la population active
soit plus de 60.000 demandeurs d'emplois. Ce nombre
devrait continuer à croître en l'absence de mesures visant à
augmenter l'ofne de travail et à améliorer les qualifications
de la population active. (...) Si le doublement de la Valeur
Ajoutée du secteur Pétrole a permis d'accroître la richesse
du pays. il n'a par contre quasiment eu aucun effet
d'enaainement (à l'exception du teniaire) sur les autres
secteurs d'activités et par voie de conséquence sur l'emploi
dont la détérioration est continue sur la période. quel que
soit Ie secteur d'activité. Cette détérioration est
particulièrement sensible dans le secondaire ( PIB : -45%.
Emploi : -60%). fortement influencée jusqu'en 1985 par
l'activité du BTP, ce dernier étant lui même très dépendant
de l'investissement public dont la baisse a été de 8 1% de
1985 a 1991. d7'
Ceae détérioration de la situation économique du Gabon n'est pas redevable à la
croissance de la population urbaine. La perte d'emplois dans les entreprises privées. la baisse
de !a production intérieure brute ( P B ) et de I'investisement public. sont-elles objectivement
consécutives à l'augmentation des populations urbaines, même si elles contribuent à
approvisioner le vivier des actifs informels ? Il parait difficile d'établir une relation causale
entre la croissance démographique et le développement d'activités informelles, plus encore au
Gabon. où les quantités humaines concernées sont modestes en valeur absolue.
'- Rapport PNUD 1%:
op. cit, p. 10.
B m souligne également la mise en place par les néocitadins d'un circuit autonome
d'emploi et de consommation. Une pareille entreprise suppose théoriquement deux
situations:
- l'inexistante d'un
circuit similaire. ou;
- l'inadéquation pour ces populations du circuit existant, au regard des moyens dont elles
disposent. Nous entendons par moyens la capacité financière donnant accès au circuit de
consommation. les capacités physiques et intellectuelles permettant de satisfaire aw
exigences du marché de l'emploi établi.
Au niveau financier. le Gabon se caractérise par une fone disparité dans la
redismibution du revenu national que Barro qualifie d'ailleurs de
((
différentiel excessif des
revenus H. Selon cet auteur, « la ventilation du revenu des ménages fondée sur la composition
socio-économique confirme que les agriculteurs et les travailleurs du secteur non-structuré.
constituent les couches les plus défavorisées. N
" ~ Le
tableau 3 ci-après illustre le très faible
pouvoir d'achat des informels. donc leur accès limité au circuit de consommation officiel.
Tableau 3: distribution des revenus par groupes socio-économiques
Groupe
1
l
Revenu moyen (francdmois)
1. Pauvres du secteur agricole
1
Nombre de ménages (en %)
1
f
15 000
1
1
1
12.4
2 . Apcultcurs indépendants
38 O00
23.1
3. Travailleurs du SPIS*
46 000
7.0
4 . Salaries agricoles
54 O00
1.O
5 . Ouvriers
70 O00
22.7
ri. Employés
100 O00
13,7
7. Fonctionnaires
160 O00
13.3
8. Cadres
350 000
O, 6
9. Employes non africains
400 000
1.4
1 0.Employeurs. pro fessionneIs
650 O00
1.7
1 1. Cadrcs non abicains
730 000
1.8
\lo!.ennc:To ta1
110 000
100.0
I
I
I
I
I
Source: Brno Charnbrier. 1990.
'" Hugues Ale.w&e
SNS: secteur non-structuré
Barro Chambrier: op. cir, p.226.
Au niveau de l'emploi. la formation d'un circuit autonome idorniel résulte de
situations diverses. Le tableau qui suit présente une nomenclature sommaire des personnes
que l'on reaouve dans ce circuit.
Tableau 4: personnes sans emploi en 1989 (en milliers)
Catégorie
Gabonais
Autres
Total
Travai1leurs licenciés
7 9,6
5:O
24,6
Jeunes diplômés
5 ,8
0,5
63
Autres
22'1
5'1
27'2
Total
47'5
10,6
58,l
Source:Obarne Emane. 1989.
II est important de rappeler que l'approche de Hart de l'informel en termes de
revenus supplémentaires et la distinction actifs formels et infoneis de Lautier. autorisent
l'inclusion dans la catégories des activités infomelles~celles qui sont menées par des actifs
formels dans le but d'obtenir des revenus additionnels.
La typologie d'Obame Emane qui ne comprend que des personnes sans emplois. bien
qu'éclairante sur la situation d'une importante partie des actifs informels est. a cet égard
restrictive. Elle donne la possibilité d'affirmer que les activités informelles ne sont pas
seulement l'oeuwe de personnes pauvres et sans formation professiomelle. des travailleurs
du secteur moderne et des diplômés à la quête d'un emploi y participent &dement. La
diversité des acteurs sociaux et des activités touchés par l'informalité au Gabon dénote bien
la nature du problème que ces éléments expriment: la crise des pratiques qui fondent le
(sous)développernentdu Gabon. L'informalité ne tiendrait-ellr pas du modèle capitaliste de
gestion de la société gabonaise ?
Le dualisme formel-iaformel repose sur la distinction dans l'économie de deux
secteurs. Le secteur formel
caractérisé
par la rationalité économique, la volonté
d'accumulation et s'exercant dans un cadre Rgiémenté s'oppose au secteur informel, défini à
l'envers du précédent.
L'une des critiques faite au dualisme a trait à l'essence même de cette analyse, c'estadire, le découpage d'une même économie en deux entités séparées. L'analyse systémique
refoule cette dichotomie au plan conceptuel par une exigence de totalité dans la
compréhension des problèmes du (sous)développernent. La notion d'informel renvoie dans
l'analyse systémique, non pas à une distinction dans I'économie de deux secteurs, mais à une
diffërenciation au sein du capitalisme des modes de production. Les activités informelles
procédant de la logique du capitalisme dominant auquel elles sont associées et soumises.
Une autre critique souligne la difficulté de découper une même économie pour des
raisons méthodologiques. Le sectorialisme « pose deux types de problème: l'impossibilité de
séparer aussi bien les activités formelles et les activités informeiles que les actifs formels et
les actifs informels d'une part; et l'impossibilité de trouver une quelconque unité à prion
entre les différents segments du "secteur informel", d'autre part. »"'
11 faut encore considérer
que les activités informelles ont également c o r n dans la sphère dite formelle? par l'activité de
pandes h e s qui utilisent une main-d'oeuvre non déclarée, via
la sous-traitance.Rejoignant
d'une certaine manière l'idée de Hart sur la recherche de revenus additionnels, Lautier relève
que beaucoup d'actifs formels sont également des actifs informels.
« Qu'il s'agisse des fonctionnaires arrondissant leurs fuis de
mois (ce qui peut être une question de survie en pknodr
d'ajustement spucturel) en faisant le taxi le soir
(éventuellement avec une voiture de service), en revendant
des fournitures détournées, ou tout simplement en vendant
des papiers administratifs en principe granits; ou encore de
travailleurs de l'industrie tenant une boutique le wu, ou
retournant sur l'exploitation paysanne familiale en fm &
semaine. »'
IP
Bmno Lautier: op. cit, pp.38-39.
'" Idem. p.39.
Par ailleurs, la notion de secteur informel suggère l'homogénéité des activités
appartenant à ce secteur. Une telle réalité est peu probable selon les critiques de cette notion.
La diversité des terminologies utilisées pour désigner les activités informelles témoigne de
l'hétérogénéité de ces activitds, et même, d'une certaine différence de nature. Le commerce
ambulant souvent toléré dans les villes du Tien-monde n'émarge pas dans l'informel, au
même niveau que les activités crimineiles contituées en réseaux, avec quelque fois des
connivences dans le secteur formel.
La critique du concept de secteur informel iufirme l'évidence de la juxtaposition de
deux secteurs dans les économies sous-développées. Lautier montre une Unbncation des
pratiques formelles et informelles qui n'autorise guère la distinction de deux secteurs d'une
part. Et d'autre part, les critères qui déterminent l'appartenance à la sphère informel sont si
peu parüigés. qu'il est difficile de corroborer l'hypothèse d'un secteur infonnel. En
définitive, la notion de secteur informel traduit le constat d'échec des politiques de
développement du Tiers-monde; Ik.fomine de la translation dans les pays sous-développés
du système économique occidental, des normes et valeurs qui s'y rattachent. On constate
finalement que (( le concept d'informel est effectivement né de la frustration des économistes
a rendre compte des rédités observées à travers une vision dualiste de l'économie
(rnoderne/naditiomelle,capitdistehon-capitaliste,structuree/non-stmcturee).»'*'
Le concept ainsi forgé, a partir des préoccupations dualistes ne rendrait pas
totalement compte. d'une réalité dont les fondements semblent échapper à la stricte
rationalité économique classique. La limite principale de l'analyse sectorielle (( est peut être
de miter en termes économiques ce qui à l'évidence relève des structures sociales et de
18' Catherine Coque~y-Vidrovitch:
.:L'informel dans les villes africaines: essai d'analyse historique ei
sociale *, op. cit, p. 11.
l'organisation étatique. »'82 L'évolution du concept d'uiformel se fera d'ailleurs dans le sens
des préoccupations sociales et politiques.
V.4. L'informel socio-culturel
Le concept d'informel entre dans le champ social par la porte de la marguialité.
Essentiellement développé dans le contexte latino-américain, la marginalité miale fait
allusion en suivant Azevedo, a
((
une population en marge du développement
économique ».la) L'analyse marginale fait état a un premier niveau, des faibles capacités
d'adaptation des populations aux réalités de l'économie capitaliste. L'on met en avant des
contingences géographiques et socioculturelles qui kinent l'essor d'une économie organisée
et I'intéption des normes modernes en la matière.
Le second palier de l'analyse marginale opère à contrario du précédent. Ici. la
margudisation procède de l'exclusion inhérente au système capitaliste. Une première
dimension de l'exclusion serait tributaire de la situation de périphérie des pays du Tiersmonde dans le système capitaliste international, alors qu'à l'interne, l'exclusion plonge la
majorité des citadins de ces pays dans la précarité et la pauvreté.
Dans sa dimension sociale, le concept d'infomel va caractériser les masses urbaines
non intégrées dans le salariat ainsi que leurs conditions d'existence. Les activités informelles
sont alors perçues comme les stratégies de sunie d'une main-d'oeuvre excédentaire qui,
((
pour éviter le chômage, s'incorpore dans des formes précaires de production de biens et
services d" La lune contre la marginaiisation des masses urbaines et la pauvreté décrétée
par les organismes hternationaux, marque une rupture significative dans l'évolution du
concept d'informel. En effet, le vice devient rapidement la vertu, le concept d'informel prend
une autre signification avec la reconnaissance de l'importance des activités infomelles dans
'" René Gallissot: op. cit, p.21.
'" Béatriz Azevedo: Secteur inforniel: la nature et l'évolution du concept dans L'Amérique h R n e . Gresal. 93û-i, 1993, 38p.
les économies sous-développées. L'économie moderne en crise ne pouvant répondre aux
besoins des populations, les advites informelles s'avèrent être (( la poule aw oeufs d'or »
que les stratèges du développement se doivent désonnais de protéger pour éviter l'implosion
sociale.
La nouveauté du débat comme nous le disions est la reconnaissance du file socioéconomique des activités informelles, leur validation comme instrument majeur de
développement grâce au dynamisme des micro-entreprises, a leur capacité de creatisn
d'emplois et de distribution de revenus, donc de régulation économique et sociale. Avec une
charge sémantique positive, l'informel est l'objet de mesures d'accompagnement et non
d'éradication ou de formalisation. Hugon précise la démarche ii suivre:
« dans l'ensemble, les politiques doivent être incitatives, il
est certes possible d'agir directement sur certains groupes
cibles, par exemple: agents les plus dynamiques liés à des
processus de modernisation (menuiserie, métallique,
réparation..); mais pour l'essentiel, les politiques doivent
plutôt agir sur l'environnement, au niveau des incitations
au regroupements sur des bases professionnelles, au niveau
des relations organiques au sein des filières ou au niveau de
la stabilisation de l'environnement. »Ia5
Au Gabon, l'analyse socio-culturelle de I'inforrnalité est récente. La montée des
activités informelles serait l'aboutissement d'un cheminement historique tissé par la violence
coloniale et doublé d'une deââcle de la modernité économique. L'informalité a de nos jours
une double justification:elle est caractéristique de la crise du "césaro-productivisme",
'@Idon. p. 10.
'" Philippe Hugon: a Les politiques d'appui au secteur informel en Afrique. a . in Tiers-Mondes: I'infomel
en g d o n ? : op. cit, p.55.
« en même temps qu'eue redonne Me a un système de
solidarités qui auront déjà permis de fgire face à la
ségrégation coloniale. Le"c&aro-pr~ductivisme'~ est ici
homologue du "césaropapisme" qui désigne vers la moitié
du XMe siècle, l'absorption par l'empéreur (César)
souverain temporel, des fonctions spirituelles dévolues au
chef de 17Eglw (je pape). (...) état se subaitue en
I'occurence à l'élite mercantile pour assurer au profit de
cette dernière et au détriment des classes laborieuses,
l'essor de la religion productiviste. »'86
k s dynamiques insuflées par la colodsation sont assez connues pour que nous ne y
attardions pas une fois de plus. L'exploitation des hommes et des richesses au Gabon aura été
la règle. La crise des systèmes sociaux contemporains ainsi établis, et dont procède I'informel,
conjugue des effets structurels et conjoncturels.
Sur le plan structurel, on peut souligner le mimétisme des élites &aines.
par
l'adoption des structures d'organisation sociales occidentales et une urbanisation incuntrolée.
Les effets conjoncnirels s'alignent sur la logique qui précède. Le Gabon par le caractère
extraverti de son économie, subit le contrecoup de la conjoncture intemationale, et un
instrument majeur dans les politiques économiques comme la monnaie est également sous le
contrôle d'agents externes. La dévaluation du Franc de la communauté financière afkicaine
(FCFA) en 1994 par le Fonds Monétaire International (FMI), a fini par « emporter les
réserves du dernier carré de sceptiques et de sophistes qui ratiocinaient sur la prétendue
indépendance économico-financière de 19Afiiqued8'
Dans cette continuation de l'histoire, la crise du césaro-productivisme au Gabon
présente le double visage de l'appauvrissement des masses et de l'e~chissement des élites,
ainsi que la maginaiisation du continent. « Mais, paradoxe ! cette éviction permet peut-être
lpb
Fidèle Nzé-Ngueuema:a L'entreprise informelle offretelle des correcnfs au secteur formel et lesquels ? *,
op.cit, nbdp.295.
lkldnn. p.298.
au continent de se retrouver, afin de créer d'autres voies, d'autres cheminements. »'88
est-
on pas devant une voie originale de développement, basée sur l'existence d'une « souche
sociétale », faite de ces solidarités g&e auxquelles I'AfZque a survécu au colonialisme ? La
vague informel1e est à la fois rejet et sanction de l'économie moderne par les populations
&caines.
« Le développement de l'informel, en même temps qu'il va révéler la crise du
césaro-productivisme, vise
a
transcender le désenchantement des populations par
l'intemédiation du cynisme salvateur qui s'exprime à travers les Rseaux de solidarité.
»189
Une smtégie qui s'imprime au Gabon, dans une « triple solidarité silencieuse » de travail, de
projet et de troc.
La solidarité de travail se caractérise a l'instar des organisations économiques
populaires latino-américaines, par la mise en commun de la force de travail pour un seul
adjudicataire. La solidarité de projet permet de réunir les membres d'une fimiille autour d'un
objectif d'acquisition d'un bien ou s d c e collectif. La solidarité de troc consiste à échanger en
nature des biens de première nécessité tels les aliments. Cet édifice est souvent complété par
des stratégies d'épargne, de prêts et emprunts que l'on regroupe sous le vocable de
« tontines )).
La triptyque des solidarités plus haut mentionnée, participe d'une logique de
reproduction sociale dont les garants, sont inspirées des stratégies de lutte déjà usitées lors de
l'occupation coloniale. Le nouveau dynamisme au Gabon des sociétés secrètes, rites
initiatiques et autres confrèries mditionnelles, sont un retour aux sources qui procède de la
volonté d'unifier les masses face à l'intensité de la pression de subsistance.
Mais les « tentatives d'émancipation de I'informel» au Gabon sont bien
embryom~res.Les mécanismes informels de régulation sociale n'augurent pas, dans l'état
actuel des choses, d'une possibilité de diffusion et d'institutionalisation comme modèle
d'organisation de la société globale. La dimension historique (dans le sens du devenir) semble
échappej en ce qui a trait aux activités informelles, à toute tentative de conceptualisation qui
ne serait pas que pures conjectures. On finit par redire que
Idem. p.299.
'" idem. p.300.
« l'informel, dans sa configuration actuelle, n'est pas
synonyme de nouveau sujet, de culture parallèle,
susceptible d'une transformation radicale des règles du jeu
du césaro-productivisme. Il s'agit tout au plus d'un simple
champ de dispersion qui conmibue, bien au coneaire, à
canaliser, avec plus ou moins de bonheur, les risques de
surchauffe sociale. L'kvolution organisationnelle de
l'informel rappelle sans conteste ceile du paysan face a
l'État. Elle semble se m e n e r davantage à une liberté
partielle, ie, une émancipation plutôt qu'une libération. (..)
Les efforts de l'informel pour gérer les urgences au
quotidien ne semblent pas devoir aboutir, en effet, à libérer
structurellement cet univers du césaro-productivisme. »190
En dépit de cette faiblesse, on note l'importance grandissante accordée am activités
informelles dans les politiques de développement. Ce qui n'est pas sans influence sur le
concept lui même. Ce dernier revêtira dans les développements subséquents, une
signification de nature holistique. D'instrument de développement, l'informel devient la
nouvelle voie de développement.
L'impasse des analyses sectorielles et la crise continue des économies modernes ont
pour conséquence de légitimer l'informel comme mode essentiel de régulation sociale et
économique dans les pays sous-développés. Plusieurs auteurs pensent que les activités
informelles ne sont pas seulement des stratégies de survie, qu'il ne s'agit pas d'un
épiphénomène conjoncturel, mais d'un processus profond de transformation des sociétés du
Tien-monde. Certaines analyses sectorielles commencent à voir en l'informel « une forme
particulière et complexe des relations de production fondées sur des principes économiques
du navail et des modes de gestion forts différents de cew de l'économie moderne
dominante.dg'La modification majeure engendrée au niveau conceptuel par cet état de fait
est la "mort" du terme secteur pour parler d'informel.
Il ne peut plus s'agir d'un secteur dans
Idem, pp.309-3 IO.
Ronaid Legec Les entreprises informelles donr k monde. Rolando Arllano: Yvon Gasse et Gérard Vema
(dir.), Quebec, PüL, 1994, Préface.
lm
Ig1
le contexte où l'inforrualité désigne une contre-culture, le rejet la rationalité technicoinstrumentale vil ipandée par le modèle occidental.
A ce moment, le concept d'informel est annonciateur d'une société nouvelle
économiquement équitable et socialement solidaire, constituant ainsi une alternative à une
société où l'économie est dominatrice. Le concept d'informel est ici joint à la revanche des
exclus du développement mimétique, sur des politiques et même une conception du
développement, axées sur la recherche du maximum de profit. Une recette qui aura contribué
a l'appauvrissement des masses urbaines du Tiers-monde.
En somme, ce nouveau concept d'informel (pour une large pan redevable
culturalisme) peut se résumer comme suit: ce n'est pas parce que les populations du Tiersmonde ne peuvent s'organiser dans la lignée du modèle sociale et économique occidental,
qu'elles ont des pratiques informelles notoires, c'est plutôt parce qu'elles ne le désirent pas.
Le concept d'informel est alors déconnecté des idées de pauvreté, stratégies de siaie et
marginalisation socio-économique. Il exprime désormais un choix de société que font les
peuples du Tien-monde, parallèlement avec leur refus d'un développement sans ouverture
sur la solidarité et la convivialité. L'activité
économique n'est plus un élément dominant.
mais un facteur de régulation panni d'autres. En ce sens, le concept d'informel renvoie à la
négation de l'homo oeconomicus occidental. Toutefois, le prolongement de la crise sociale et
économique met un bémol sur les capacités de régulation du modèle informel et par
conséquent, sur un concept d'informel élaboré autour de la proposition de l'avènement d'une
société alternative, d'une autre société.
V.5. Les approches actuelles de l'informel
L'informel n'est pas un phénomène transitoire, il est Ià pour durer. Tel est le constat
de la plupart des analystes après plusieurs annèes de recherche. Il appert pourtant que les
activités informelles ne se constituent pas en un véritable modèle social apte à la
progressivitk. Après un long détour, il semble que la réflexion revient aujourd'hui sonder le
sens éthyrnologique du concept d'informel, et essaie de cette façon, de déterminer les réalités
auxquelles on fait allusion. Le concept d'informel est une traduction du terme d'origine
anglaise -informal- qui sigdïe (( absence de forme ».La question qui se pose est la suivante: à
quelles formes fait-on référence pour disqualifier les activités dites informelles ?
Il existe à ce propos un débat allant de la philosophie hégelienne de la forme ( la forme
n'est pas concrète, mais le contenu l'est), à la gesthalnhéorie (théorie de la forme). Lautier, de
Miras et Morice sautent a l'essentiel et indiquent que les formes absentes dans informal-
sont celles imposées par l'État. Le concept d'informel renvoie à la non observation des lois
édictées par les pouvoirs publics.
((
Il peut s'agir de paiement d'impôts ou de cotisations
fiscalest de tenue d'une comptabilité généralisée, de respect du droit (du travail. foncier ou de
la concurrence). »19'
II est important de faire remarquer à ce niveau que le rapport à la loi en tant que tel est
déjà présent dans l'analyse sectorielle. Mais dans cene analyse, ce rapport nous semble
simplement procédural, c'est-adire que l'on constate le non respect de la réglémentation,
pour en faire ensuite un critère de classification. À la différence, le second rapport à la Loi,
qu' introduisent Lautier, de Miras et Morice se situe à un niveau de détermination plus élevé.
11 ne s'agit plus de constater le non respect de la procédure légale, mais de chercher les
raisons du non respect de la loi, dans une mise en rapport de l'institution étatique et de la
perception qu'en ont les citoyens. Ceci dit, l'informel ainsi couplé à l'État serait dans le
19",
B r n o Lauaer et d.,op. cit, p.6.
Tienmonde une des "économies non officielles", parce que ces activites « se développent en
dehors de toute obligation légale et échappent donc à une régulation étatique. »'93
Le concept d'informel dans ce cadre répond du non d o r m i s n e vis à vis de la
puissance publique et de ses prescriptions normatives. Toutefois, nous avons une seconde
interprétation de l'informel eu égard aux lois émises par l'État. Il semble en effet que le
rapport informel-État ne soit pas univoque, c'est à dire que les activités informelles ne
résultent pas seulement de la non observation des régla étatiques. Dans une perspective
inverse, c'est la thèse que défend Hemando de Soto, les lois étatiques sont elles mêmes
productrices d'infomalité.
Nous sommes donc en présence de deux approches opposées dans leurs
interprétations respectives des relations informel-État. L'une souligne le caractère délictueux,
voue occulte, des activités informelles et propose la restauration de l'État dans ses fonctions
légifémte et de contrôle. La seconde perspective situe les fondements des activités
informelles dans les distortions inhérentes à un centralisme bureaucratique aux effets pervers.
« En ce sens, l'informalité
se fait jour lorsque le droit impose des Rgles qui dépassent le
cadre légal socialement accepté, qu'il ne fait pas de place aux attentes, aw espoirs, et aux
préférences de ceux qui ne peuvent satisfaire a ces régles.
11 en résulte un réseau de
relations de production et d'échanges, des pratiques hors du cadre officiel, fonnant ce que de
Soto qualifie de « normativité extra-légale ».Pour l'auteur,
((
la notion d'informalité que nous
utilisons ici est donc une catégorie créée à p a d r de l'observation empirique du
phénomène dg', à partir de laquelle, il est possible de saisir « comment la norme qui
halement régit l'économie &iie n'est pas celle édifiée par la législation, sinon que celle que
les activités informelles élaborent en dehors de la loi. »'"
'" Édith Archambauit et Xavier Greffe (dir.). L s éconumies mn oflcielles. La Découverte. Paris. 1984. p. 11.
194
Hemando de Soto: op. cir, p.20.
lys
ibidem.
1%
François Roubaud: op. cit, p.%.
Ces deux visions du concept d'informel par rapport à l'État, non respect de la loi et
nonnativité extra-légale, revèlent en réalité toutes les deux; une absence, certes de nature
différente, dans la façon dont l'État assume ses fonctions. Absence du respect des régles
établies d'une part, et absence d'un cadre approprié au développement d'activités légales,
d'autre part. On peut se demander à la suite de Nzé-Nguéma s'il s'agit véritablement d'une
absence ? « Ne peut-on parler plutôt d'une rationalité "a-moderne1'ou d'une modernité "arationnelle" ? pl9' L'informel comme rationalité a-moderne serait l'expression d'un modèle (à
venir!) en délicatesse avec les logiques de la modernité occidentale. La rationalité tecnicoinstrumentale n'est pas exempte de dysfonctionnements au niveau pratique même dans les
sociétés occidentales. Pour preuve, les préoccupations enWonementdes actuelles par
exemple, sont plus que dissuasives à I'égard de l'industrialisation. Et si dans un premier
temps, les principes fondateurs de la modemité (progrès et liberté) ne sont pas contestables
en tant que tels, la possibilité d'instaurer un nouvel ordre reste ouverte dans une rationalité amoderne. Celle-ci pose que les sociétés non occidentales disposent de fonds culturels à partir
desquels il est envisageable d'élaborer des modèles sociaux répondant à l'axiologie de ces
groupes. Dans cette optique, « l'informel assure surtout la combinaison des valeurs, des
croyances. des comportements anciens avec la nouvelle société.
Les théories sur le développement qui subsument un a prion fondamental - présenter
la société industrielle comme le modèle achevé du développement
-
trouvent ici leur
limite. »198 Le concept d'informel subit ici une autre mutation paradigrnatique dans un
glissement vers un projet post-moderniste proche des thèses cultutalistes de l'avénement
d'une autre société. En définitive, le concept d'informel s'est pour l'essentiel construit à
l'envers du formel. Tributaire des oppositions dition-modemité et d - u r b a i n , le concept
d'informel est bien loin de faire I'unanimité non seulement au niveau de sa signikation, mais
également dans sa capacité opérationnelle en rant que concept.
Ir
Fidèle Nze-Ngudrna: L'entreprise informelle offre-t-elledes correctifs au secteur formel et lesquels ? *
op. cir, p.291.
198 Idon. p.308.
« Le caractère usuel, aujourd'hui largement admis, de la
notion de secteur informel ne suffit41 pas à balayer les
états d'âme théoriques que cette notion peut encore
produire eu égard à san insuffisance analytique?
Largement utilisé car suffisamment confuse et élastique,
cette notion véhicuiaire, par son usage mème, n'a-t-elle pas
acquis une légitimité qui rend vaine toute tentative de
remise en question et donne a une réflexion, &-elle a
prétention épistémologique, une allure de combat d ' h è r e
garde ? d*
Pour de Muas, la notion de secteur informel est une « chimère statisticoéconomique » peu aisée à appréhender comme concept ou comme réalité économique
appréciable. II rapelle le débat entre Ham Singer et Bruno Lautier sur la métaphore de la
« girafe et la licorne ». Affirmant que « le secteur informel est comme une girafe, difficile à
décrire mais facile à recomaitre N; Singer se vit repliquer par Lautier qu' « il est au contraire,
des animaux dont les descriptions abondent, de Pline a Léonard de Vinci, et qu'il est
impossible de reconnaître, à tel point que nui ne peut dire s'ils ont jamais été vus. Tel est le
cas de la licorne. N ~ "
Claude de Miras conclut que le secteur informel est un "concept analytiquement
faible" ,mais aussi une "notion idéologiquement forte". Une force que cette notion puise
dans l'impressionante quantité de données empiriques tirées des études sur le secteur
informel. ainsi que dans le caractère scientifique de son lieu d'émergence, c'est-à-dire les
organismes internationaux. Enfin, les enjeux économiques, en termes de subventions de
recherche participent également au renforcement de la notion de secteur informel.
Le virage pris par le concept dans sa mise en relation avec l'État et d'une part; et la
mise en exergue d'une certaine réappropriation des pratiques économiques par les sociétes
du tiers-monde que relèvent les approches de type post-modernistes d'autre part, ont donné
199
Claude de Miras: op. cit, p. 108.
='ldan. p.109.
au concept d'informel une nouvelle vigueur. La prise en compte des rappons de pouvoir
dans les études de l'informel et la réalisation éventuelle d'un nouvel idéal sociai sont
incontestablement, de nos jours, les nouvelles dimensions d'approche du concept d'informel.
Une mise au point des différentes conceptions de l'informel nous permet de dégager
deux tendances essentielles au Gabon: la première est une approche économique
conjoncttmlle de l'informalité. Elle regroupe les approches rrarisitionnelles et sectorielle
inspirées du procès de modernisation des économies sous développées. L'informel, dans les
diverses variantes que traduisent les oppositions tradition-modernité et formel-informel,
n'est qu'un épiphénomène redevable am difficultés ponctuelles d'insertion de l'économie
gabonaise dans les logiques et anthropo-logiques du capitalisme libéral. Cette première
tendance explicative du développement des pratiques informelles au Gabon s'articule, pour
ce qui est des modalités pratiques, autour de deux axes: un premier niveau situe la
problématique de l'informel dans les déséquilibres macroéconomiques ( B m C h b r i e r ) ,
alors que le second niveau d'analyse insiste sur le caractère illégal des activités inforneIles
(patronat et miliew: d'affaires).
L'une et l'autre de ces approches présentent l'informel comme une dysfonctionalité
interne d e l'économie gabonaise. Le retour aux équilibres macroéconomiques et une plus
p d e fermeté dans l'application de la réglementation se pointent en filigrane comme les
armes ultimes de la lutte contre l'informalité. La ligne de conduite adoptée par les autorités
gabonaises fàce a l'informel suit cette logique. « 11 faut bien reconnaître que la tendance
officielie au Gabon, semble bien aller dans le sens d'une volonté d'intégration-résorption de
l'informel dans l'économie moderne. »20'
La seconde tendance d'approche de l'informel est plus récente et rnarpuiaie. Elle
s'inspire des théories critiques de la modernité en crise et des développements culturalistes.
Cette ligne d'analyse fait ressortir deux points de vue sur les fondements de I'infomalité au
31
Hetq Panhuys: op. cil, p. 1 19.
Gabon. Le premier souligne la crise de la modernité et notamment celle des organisations
économiques dites modernes. Cette situation conduit les populations à élaborer des
stratagèmes de s w i e dans une société qui ne leur ofne pas la possibilité d'une intégration
régulière. Ce second point se distingue de la première tendance explicative de l'informel par
le fait qu'il c d e r e une certaine légitimité aux pratiques informelles relevant d'un
mode de
vie des urgences B. En réalité, la différence fondamentale entre ces deux tendances
d'approche de I'infonnel au Gabon, se situe au niveau de la perspective des auteurs. Force
est de constater que les analyses du champ économique opèrent généralement a partir du
fonctionnement interne des institutions et organisations de la sphère moderne (État,
entreprises etc.). On retrouve dors une argumentation basée sur la structure économique et
la régulation des activités socio-économiques par l'État, selon laquelle, l'informel est un
désajustement ou des pratiques qu'il faudrait ramener dans les normes admises.
L'appréhension de I'infomialité comme un fait inhérent aux contraintes imposées aux
masses par l'économie moderne renverse la perspective antérieure. Ici, les pratiques
informelles sont positivement perçues en tant qu'elles permettent à une imporiante partie de
la population de fave face aux difficultés quotidiennes. L'analyse, d'obédience culturaliste,
est résolument dans ce cas portée sur les efforts de survie et l'ima@nation créanice des actifs
informels. Dans le cas du Gabon, la première tendance (de type économique) domine le débat
sur l'informel. Le secteur informel ainsi érigé est le lieu d'afEontement, entre la modernité et
la tradition, mais également le repaire des activités délictueuses.
Pour notre part, le concept d'informel dans le cas du Gabon renvoie a deux ordres de
réalités. Le premier a trait aux modalités d'intégration de l'économie gabonaise dans les
échanges
internationaux, c'est-à-dire l'extraversion et la spécialisation. Ce qui est
véritablement informel -sans les formes requises- c'est la structure de l'économie gabonaise.
Le référent général qui nous permet cette distinction est bien sûr l'objectif de développement
économique et l'amélioration des conditions d'existence des populations. Parler d'économie
informelle revient, justement dans ce cas, à démontrer que cette économie ne pdsente pas les
formes pemetîant de daiiser le développement économique conduisant au bien-être des
populations. A partir du constat que l'économie gabonaise ne peut, par sa structure, générer
des emplois suffisants en se diversifiant, nous pouvons déduire qu'elle est dans une ceriaine
mesure, elle même informelle. La forme étant dans cette ligne de pensée, sa capacité &lie a
répondre aux aspirations de l'ensemble des populations. Le concept d'informel a trait ici a la
place et au rôle de I'éconornie gabonaise dans le contexte de la mondialisation.
Le second ordre de réalité auquel ramène notre concept d'informel procède du
précédent. Il fait ressortir, au niveau local, les disparités dans la répartition des richesses et
l'accès a de meilleures conditions d'existence. Le concept d ' i n f o d i t é dans sa rnise en
rapport avec l'économie ne tient pas souvent compte de la nature de cette économie et de sa
place dans l'environnement mondial. Il en découle comme nous l'avons vu, une
concepnialisation de l'informalité liée à la non-observation des presciptions étatiques ou à
des facteurs socio-culturels, sans que l'on s'interroge sur la capacité réelle de l'économie au
regard des enjeux du développement. Notre approche, dans sa recherche des causes de
l'informalité, donne au concept d'informel une dimension qui comprend cette réalité qu'est
l'interdépendance économique mondiale. Il s'agit de ne pas focaliser la réflexion sur l'informel
a ces réaiités « au ras du sol » certes importantes, mais qui ne sont en fait elles-mêmes, que
des excroissances de déterminations plus élevées.
Une telle approche permet aussi de revenir au sens premier de la notion d'informel
c'est a dire l'absence de formes. La majorité des chercheurs sur le sujet s'accordent dans une
large mesure sur l'absence des formes imposées par l'État. Nous en convenons également si,
dans ces formes (absentes) sont incluses celles qui permettent à une économie de servir ses
populations.
V.6. Définitions de l'informel
Les différentes options analytiques utilisées pour saisir l'informalité ont foumi une
gamme importante de définitions. Pour les tenants de la transition,
((
le travail informel, la
débrouiliardise, le piston relèvent de la pénétration monétaire, de la fin du monde enchanté
communautaire,du remplacement de l'esprit paysan par l'esprit de calcul (...). ce qui semble
faire correspondre l'informel a cet immense entre-deux qui fait passer de la campagne à la
ville. comme dans l'histoire du capitalisme. »202
L'approche rnarpinaiiste vient ouvrir l'angle de la non intégration des masses dans le
salariat. Elle fait part de cet
t(
ensemble de personnes ou de groupes qui parvient à se
maintenir et à se reproduire socialement lorsque les revenus en provenance de la rétribution
monétaire de la vente de travail sont insuffisants pour se procurer le minimum de biens
indispensables ii la s w i e .
?O3
Une définition que complète Hart qui t( distingue les sources
de revenus formelles (salaires et allocations diverses) et Uiformelles selon le critère du salaire
et de l'autwmploi; celles-ci peuvent être légitimes ou illégitimes (services: réel, usure, trafic
de drogue, prostitution. comption, contrebande; trmJeris: vols, détournements de fonds,
escroquerie, jeu de hasard. »204
Rappelons que la définition de Han n'implique pas
l'existence d'un secteur informel.
Les analyses stmcsturaiistes et fonctionnalistes soulignent la dualité économique dans
les pays sous-développés. Le structuralisme reprend la dichotomie signalée par la définition
marginale à un niveau de diffërenciation plus global dit t( d'hétérogénéité stnicturelle ».Cela
veut dire que les pays sous-développés présentent un développement à deux vitesses. La
définition structuraliae de I'infomel établit
une coexistence indépendante de processus
techniques et de relations sociales correspondant à différents nades de développement. ))'O5
L'analyse fonctionnaliste reprend cene idée, en précisant I'infériorité technologique du
Rene Galissot: op-ci?.p.25.
Urnenata cité par Marthe Nysseos et Ignacio Larraechea: op. ci?. p.39 1.
IY Philippe Hugon: a dualisme sectoriel ou soumission des formes de production au capitalisme. r op. cir.
?113
p.239.
205
Manhe Nyssens et I p c i o Larraechea: op. cit, p.39 1.
secteur informel et l'interaction fondomelle constante entre les deux secteurs, sans toutefois
d'accumulation dans le secteur informel. La définition fonctionnelle de l'informel est celle dite
de la petite production marchande « qui est internédiaire entre les petits services et
productions de simples valeurs d'usage et les activités capitalistes. »206
Dans le contexte urbain actuel de 17Afrique,la désignation de l'informel comme petite
production marchande est à la fois restreinte et inadaptée. La notion de petite production
marchande ne permet pas de différencier la production marchande avant, pendant et après la
colonisation. Enfin, i(secteur informel ou petite production marchande ne sont que des
composantes du surplus relevé par les classes dirigeantes en Afnque; le secteur
infracapitaliste renverrait à un antagonisme entre la bourgeoisie d'État ou compradoré,
représentants du capitalisme mondial et le peuple des villes et des campagnes. n207
Au Gabon I'ensernble des définitions de l'informel reconduit naturellement les
dichotomies tradition-modernité, urbain-ruraI et formel-informel. Pour la direction de la
planification et des ressources humaines (DPRH),le secteur non structuré ou informel
regroupe
« les emplois non salariés exercés par des individus ou des
groupes d'individus dans des métiers et des activités les
plus divers et répartis sur tout le temtoire et qui, par leur
nature et particularités spécifiques, ne sont pas
comptabilisées au niveau des statistiques officielles. En
d'autres termes, il s'agit de toutes activités commerciales,
des petits métiers dits de quartiers, des activités agricoles
et para-@coles de type traditionnel, exercés en marge du
secteur structuré, dans un environnement inorganisé et qui,
de ce fait, ne sont guère susceptibles de foumir un travail
régulièrement salarié. )?O8
.-
I
6
-
Philippe Hupon et 1.op. cit, p.&).
rn Jean-Loup Amselle et h i l e Le Bns: op. cit, p. 163.
m Henry
Panhuys: op. cir, p.20.
Cette définition appelle certaines remarques. Le regroupement des activités
informelles dans un secteur distinct a fait l'objet de nombreuses critiques de l'analyse
seaorielle. L'hétérogénéité des activités informelles et les liens entre ces activités et
l'économie moderne vont actuellement jusqu'à la négation de l'existence d'un secteur
informel. En outre, la définition donnée par la DPRH utilise l'emploi non salarié comme
critère d'identification des activités informelles. Il est ceratinement abusif de penser que tous
les travailleurs informels ne sont pas salariés. (( Il existe au Gabon comme ailleurs et même
plus qu'ailleurs, une catégorie de travailleurs du SNS qui sont salariés. ))'O9
Par contre, nous
convenons que les salaires qui ont cours dans le cadre des activités informelles, peuvent être
en d g a des normes officielles. Aussi, l'assimilation des activités agricoles aaditiomelles à de
l'informel, efface (( toute spécificité mucturelle et fonctionnelle de l'une et de l'autre.
»"O
Sur un autre registre, la distinction actifs formels et actifs informels échappe
totalement à la DPRH. Il est notoire aujourd'hui que cette distinction permet de situer les
actifs informels dans toutes les sphères socio-économiques au Gabon. La recherche de
revenus supplémentaires est une des principales motivations des actifs informels. Ces
derniers sont autant des individus ou groupes d'individus au chômage, que des salafiés de
l'administration et des secteurs public et para-public qui cherchent à améliorer l'ordinaire.
Mais un tel raisonement est peu envisageable dès lors que l'on part du principe de l'existence
d'un secteur informel autonome. La volonté de circonscrire ce secteur a d'ailleurs conduit aux
définitions multicritères.
Les définitions multicritères. empiriques ou statistiques
Les définitions rnulticritères ont pour base l'unité de production.
((
Elles s'inspirent
généralement de la théorie classique de la concurrence (atomicité et fluidité du marché des
produits et des facteurs de production) et voient dans le secteur informel une illustration de
l'économie de marché, "pure et parfaite", mais segmentée, c'est-à-dire non directement reliée
au marché officiel. )r2"
Les d é f ~ t i o n smulticntères utilisent des caractéristiques techniques
et économiques pour définir le secteur infomel.La plus connue de toutes est bien sûr celle
élaborée par le BIT chu le célèbre rapport ~ e ~ n i a . * ' '
Le rapport du BIT définit l'informel comme "une façon
de faire des choses avec les caractéristiques suivantes:
a) facilité d'entrée;
b) recours aux ressources locales;
c) propriété familiale des ressources:
d) activités à petite échelle;
e) technologies adaptées et à forte intensité de maind'oeuvre:
f) qualifications acquises en dehors du système scolaire
officiel;
g) marchés de concurrence sans réglémentahon". >rœ'13
((
A ces sept critères du BIT s'ajouteront les cinq suivants:
h) le c h i e d'affaire ne dépasse pas 100 000
h c s CFA par mois;
i) le matériel d'exploitation est rudimentaire;
j) l'entreprise emploie &WC salariés ou plus;
k) la productivité du travail par personne est
faible;
I) la recherche de l'élargissement de la
clientde n'est pas une préoccupation
rnajeure de I 'entrepreneur ».214
((
'"David Tumharn et d.. op. cir, p. l-î.
'"Emp fynent. Incornes and Equaiity. A Straregy for Increasing Productive Empbymenr in Kqvnia. Gtneva,
ILO, 1972.
Harold Lubell: Ir secteur infonnel&m les années 80 et 90. Paris. OCDE, 1991, p.19.
"'cites par Philippe Hugon et ai.. op. cit. p.32.
"'
D'autres études ont pour critères:
« m) la paie inférieure au salaire minimum;
n) l'absence de sécurité sociale;
l'absence de comptabilité;
p) l'absence d'électricité;
q) l'absence d'emplacement k e ;
r) la nature des bâtiments utilisés pour la production;
S) le non enregisûement. )P5
O)
Les critères retenus pour définir le secteur informel sont infinis. Ils varient selon les
chercheurs et l e m contextes de travail. Des nombreux repproches adressés à I ' e n c o n ~des
définitions multicritères, l'ignorance des liens entre le secteur formel et l'informel figure en
bonne place, ainsi que la tentative d'homogénéisation des activités du secteur informel dans
un ensemble en réalité diversifié. Elles semblent pourtant faiR l'unanimité auprès des
pouvoirs publics et du patronnat au Gabon. La DPRH revisera sa définition du secteur
informel par l'énumération de critères distinctifs suivants:
-
« activités diverses non salariées,
- non comptabilisées au niveau des statistiques
officielles,
de caractère fimilid,
échelle restreinte des opérations,
- exercées en marge du secteur structuré,
- dans un environnement inorganisé,avec des marchés
ouverts a la concurence,
- selon une organisation sociale particulière, les relations
entre travaillem étant amides voire fiaternel:es,
- sans protection sociale (sécurité ou assurance),
- petits métiers dits de quartiers. )?16
-
61'
Idem, p.32.
Idon. p.24.
Ces critères soulignent les caractéristiques organisationnelles de 1'entreprise, les
aspects juridiques et comptables. La nouvelle définition de la DPRH reprise par l'étude
BIT-PECTA (1983) et Bano Chambrier intègre l'informel dans « l'ensemble des activités
de production de biens et services qui se déroulent en dehors des structures modernes
d'entreprises. C'est-à-dire des structures répondant à des normes fixées par le
gouvernement. Il regroupe toutes les activités non recensées par la Caisse Nationale de
Sécurité Sociale (CNSS), productrices de biens et services dont la taille peut atteindre 1O
L'ensemble informel se définit finalement en référence ~LIX petites et moyennes
entreprises (PME), considérées elles mêmes « comme les entreprises soumises au régime de
la CNSS et n'employant pas plus de 10 employés.
»2'8
Afin de limiter les risques de
confusion entre les PME et les entreprises du secteur non strucniré, l'étude PME-Gabon
( 1985) a ajouté cinq critères limitatifs:
((
a) le propriétaire doit gérer lui même l'entreprise,
b) le nombre de travailleurs ne doit pas dépasser 5 sauf
pour le cas où ils seraient tous des aides fàrniiiaux,
c) la comptabilité ne dépasse pas le niveau du simple
cahier de dépenses et recettes,
d) l'entreprise ne compte pas de service officiel paxmi sa
clientèle,
e) l'entreprise ne paie pas d'impôts ou uniquement la
patente (et la taxe municipale y jointe).
Toute entreprise correspondant au moins a quatre de
ces critères est considérée comme SNS.»219
Ces critères laissent croire que toutes les activités informelles ont la forme
d'entreprises de type PME, ce qui n'est pas toujours le cas. Plusieurs actifs informels
exercent ces activités individuellement et sans le moindre souci de se constituer en
entreprise. Par ailleurs, il n'est pas évident dans le cas ou il s'agit d'une entreprise, que le
"9
Hugues Alexandre Barn, Chambrier: op. cit. p.238.
H e q Panbuys: op. cit. p.22.
Idon, p.23.
gestionnaire soit aussi propriétaire. Au Gabon, la monopolisation par les non nationaux des
activités du secteur informel est dans une large mesure le fait de la distribution de ces
activités, par les premiers étrangers migrants ou les plus fortunés, à des fières fiaichement
débarqués, leur permettant ainsi de démarer et de s'intégrer. Ce qui s'ajoute au système de
prête-nom qu'utilisent des Gabonais dont le statut ou les occupations officielles ne
permettent pas de s'afficher comme tels. L'étude du BIT souligne que 20% des
propriétaires d'entreprises informelles n'y travaillent pas directement. Ils «ont un emploi
rémunérateur dans le secteur public, pampublic ou privé moderne, et ont démarré leur
entreprise informelle, laquelle leur sert de ressource complémentaire (...). nY0
Le critère limitatif qui a trait au non paiement de l'impôt est dans sa nature lui même
limité. En effet, le non-paiement de l'impôt au Gabon n'est pas dans tous les cas synonyme
dgappanenanceau secteur informel. Le Code des investissements au Gabon ne prévoit-il
pas une exemption temporaire de l'impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux 9. 221
Cela ne fait pas de ces entreprises des unités de production informelles durant l'exemption.
Dans cette lignée, le fait de payer uniquement la patente et la taxe municipale n'est pas un
facteur pertinent dans la détermination de l'infomalité. Pour cemines activités légales
comme la vente au détail de boissons, la patente et la taxe municipale sont les exigences
fiscales essentielles au Gabon. En tentant de différencier les PME des activités informelles.
l'étude PME-Gabon crée un autre fatras en fixant des critères d'informalité que l'on
retrouve aussi dans les entreprises du secteur modeme.
En 1991, l'analyse économique SOFRECP
vient faire la synthèse au niveau des
critères utilisés pour définir l'infomel au Gabon. Eue présente quatre types de critères:
-
les « critères juridico-administratifs »: enrégistrement et conformité aux dispositions
légales.
"Idem, p.79.
21
Chambre de Commerce: Guide de I 'investisseur ind-el
Henry Panhuys: op. cit, p.25.
au Gabon. Libreville. 1986. 193p.
- les « critères de nature soci&conomique »: taille des unités de production, fhible intensité
capitalistique, faibles revenus, pas de sécurité,
-
les « critères statistiques »: non comptabilisés dans les comptes nationaux et les
statistiques officielles,
- les « critères fiscaux N:
absence de déclaration de revenus.
Panhuys suggère pour une appréhension plus globale de la montée des activités
informelles au Gabon, de considérer aussi les « critères ethno-géo-culturels pour tenir compte
du différentiel étmngdnationaux et parmi ceuxci, forestidnon forestiers, côtierdnon
côtiers avec leurs caractéristiques en matière de répartition, spécialisation, qua1ificauon
aptitude. comportement. »=
Les définitions multicntères de l'informel au Gabon reflètent bien la prédominance du
paradigme tradition-modernité et de son mollaire économique l'opposition fomel-informel.
Les éléments principaux de la définition de l'informel restent la non appartenance présumée
des actifs informels au salariat moderne, le non respect des normes juridiques et la dimension
des unités de production. Cette multiplication des critères contribue à rendre l'appréhension
des activités informelles confuse. Ces activités doivent-elles rencontrer tous les critères en
même temps, ou suffit41 qu'un des critères soit valable pour reconnaître une activité
informelle ? Face à une réalité polymorphe, les critères sont souvent imprécis et l'on déplore
le fait que « certains d'entre eux sont relativement complexes et ne sont pas suceptibles
d'observation simple. »U4
Sethurarnan va tenter de dénouer cet imbrogho par une décomposition de ces critères.
Pour lui. le secteur informel « consists of small-scalls units engaged in the production and
disrribution of goods and senices with the primary objective of generating employment and
incomes to their participants notwithstanding the constraints on capital, both physical and
-
" Idon, p.26.
a David Tumham et d . op. cit. p. 14.
human, and knowhow.
En insistant sur la production de biens et services et la création
d'emploi, Sethuraman
cite comme conditions d'appartenance au secteur
informel: l'emploi de dix personnes au plus, la non
application des règles légales et administrative, l'emploi
d'aides familiaux, l'absence d'horaires ou de jours fixes de
travail, l'absence de crédits institutionnels, une production
destinée au consommateur final, la destination de la
production au consommateur final, une formation scolaire
des travailleurs inférieure à six ans, et pour certaines
activités: l'absence d'énergie mécanique et électrique, le
caractère ambulant ou semi-permanent de l'activité.62'r)
((
Des ajustements seront apportés aux définitions mdticritères. La majorité des études
empiriques sur le secteur informel, vont adopter très souvent un seul critêre au choix, pour
définir I'infomalité. Actuellement. les deux critères dominants sont:
1) la taille des unités de production. Le BIT considère comme informelles les unités de
production de dix employés ou moins. Mais ce critère mène vite 1i la confusion au regard des
professions libéraies et autres activités indépendantes répondant parfaitement aux normes
formelles.
2) le non respect de la loi. Ce critère est certainement le plus utilisé pour définir l'informalité.
Les activités dites informelles sont celles qui n'observent pas la loi, qui, est elle même
scindée en plusieurs sous-critères:
- le non enrégistrement dans les régistres fiscaw;
- l'absence de comptabilité dans l'entreprise;
S.V. Sethuraman: The U r h n Infonnai Sector in Developing Counaies. Geneva. ILO. 198 1, p. 17.
cité par David Trmiham et al.. op. cit, p. 11.
- la non inscription à la sécurité sociale etc..
Le critère du non respect de la loi va s'étendre à ia non prise en compte des activités
informelles dans les comptes de la comptabilité nationale. Cette extension permettra par la
suite de qualifier les activités informelles de non officielles, souterraines, cachées etc., et de
définir l'informalité en interrogeant l'organe émetteur des lois, c'est a dire l'État.
Par rapport au rôle de l'État, deux courants de pensées s'opposent quant aux ressorts
des activités informelles. Le courant libéral sous la houlette de Hemando de Soto définit
l'informel comme « l'ensemble des activités économiques qui échappent au contrôle de
l'État o. Stigmatisant la mainmise de l'État sur le fonctionnement de l'économie, l'auteur
affirme que I'informel est une réaction rationnelle face à une législation qui n'offre rnm
populations. aucune alternative légale dans le but de satisfaire leurs besoins.
Ce ne sont pas les individus qui sont "informels", mais
leurs actes et leurs occupations. L'informalité n'est pas
non plus un secteur précis ou statique de la société; c'est
une &ange d'ombre mitoyenne du monde légal ou se
réfugient les individus lorsque le respect des lois coûte plus
cher qu'il ne rapporte. L'ùifomalité implique rarement le
rejet de toutes les lois; dans la plupan des cas. seules
certaines dispositions légales sont tournées. Les activités
informelles sont aussi celles pour lesquelles l'État a créé un
système légal d'exception dans lequel un "informel" peut
agir sans toutefois accéder à la protection et aux avantages
du système légal. P7
((
Sur cene définitien nous ferons deux remarques essentielles. La première est le refus
de repérer un secteur informel précis opposé au secteur formel. La seconde est le rapport à la
loi. L'informel est ici un abri contre une Iégislarion coûteuse, mais également un artefact
étatique permettant de "loger" tous cew que l'économie moderne rejette, ou ne peut intégrer.
-
- Hemando de Soto: op. cit, p.20.
'*.r
Aussi, de Soto spécifie clairement que le rejet des lois ne signifie pas le rejet de toutes les
lois. L'inforrnalité en ce sens ne suppose pas la désintégration de l'État, mais plutôt une
adaptation de la législation aux contingences locales.
Le second courant d'analyse défuiit l'informel a m e « les actes (ou ensembles
d'actes) économiques marchands qui échappent aux normes légaies, en matière fiscale,
sociale, juridique ou d'enrégistrement statistique.
»228
Cette définition ne contient égaiement
aucune allusion sectorielle. L'informalité est définie dans un champ strictement juridique sans
que cela suppose un quelconque calcul justifiant l'adhésion aux pratiques informelles. Moins
encore. I'informalité n'est nullement ici une méation "intentionnelle" de l'État, k
responsabilité de ce dernier se situant à un autre niveau, plus précisément dans un ensemble
de contraintes historiques et économiques.ug L'absence d'une tradition étatique, la position
de dépendance extérieure des économies périphériques biaisent fonement la capacité de
régulation des États du tiers-monde. « La victoire, dans de nombreuses régions du monde, de
I'économie informelle sur l'économie formelle est une victoùe par forfait, et non par KO.
>)"O
L'on fustige ici la faible capacité, sinon l'incapacité des États du Tien-monde à assurer un
controle véritable sur le fonctionnement de leurs économies, laissant ainsi un champ ouvert à
la croissance des activités informelles.
Le rappon a l'État dans la définition de l'informel au Gabon ne prédispose guère à
une analyse critique du fonctio~ernentde l'État. Moins encore, la situation de dépendance
de 1' ~ t a gabonais
t
ne figure nul part comme un facteur contribuant a l'informalité. Comment
les pouvoirs publics sont-ils questionnés eu égard à l'expansion des pratiques informelles?
L'allusion à l'État est orientée strictement dans le sens où les actifs informels sont les
principaux responsables de l'essor de l'informel, les pouvoirs publics se présentant en
victimes d'une opération de "désobéissance civile". Il n'est nullement question d'examiner
"Claude de Mims: op. cir, p. 1 17.
"Claude de Miras explique ce point de vue dans:
230
Bruno Lautier, op. cit, p.S.
l'informel: un mode d'emploi. op. cit.
l'ensemble des dispositions légales émises par l'État dans le domaine économique, de voir
dans quelles mesures elles pourraient contribuer l'expansion des pratiques informelles. Le
rôle de l'État n'est évoqué que dans l'hypothèse de sévir auprès des contrevenants
informels, pour les ramener dans les normes officelles. Une approche verticale qui réduit au
silence les thèses de Hernando de Soto autant que celles de Lautier, Monce et de Miras.
On a l'impression que l'informalité est assimilée, soit à un échec social des actifs
Uifonnels, soit à des comportements passibles de poursuites judiciaires. Par conséquent, la
responsabilité de l'État se situe seulement dans la nécessité de ramener les "brebis égarées"
au sein de la communauté officielle. En tenant l'État hors des manifestations informelles, il
nous semble que les analystes commettent une double erreur conceptuelle et
méthodologique. Au plan conceptuel, la définition même de l'informalité adoptée par les
pouvoirs publics ne vaut que par opposition aux formes imposées par l'État. L'essor de
-
l'informel donc des formes non imposées par l'État
- interroge obligatoirement l'État
et la
qualité du contôle qu'il exerce. Au Nveau méthodologique, la volonté affichée d'intégration
des activités informelles dans le secteur moderne au Gabon implique la compréhension des
mécanismes qui président à l'élaboration de ces « normes extra-légales ». Le retrait de l'État
dans la définition de I'informel paraît pour le moins inapproprié.
Troisième partie
Les fondements structurels de l'informel urbain au Gabon
Les modèles d'analyse culturaliste et post-moderniste ont en commun une vision de
l'infomel tenant de la rupture idéologique. En effet, le discours sur l'informel prend une
autre tournure, on parle de contre-culture, d'avènement d'une autre société, de refus des
logiques de la rationalité moderne et du rejet de l'homo oeconomicus occidental. L'informel
est le lieu de nouvelles alternatives dans lesquelles le Tiers-monde procède au réenchâssement
de l'économie dans le tout social. À la société organique se substitue la communauté
émotionnelle de type wéberienne (gemeinde).
En pratique, les concepts d'économie populaire et d'économie solidaire viennent
souligner les nouvelles formes d'organisation socio-économiques à partir de la base populaire.
La solidarité s'inscrit comme une des finalités de l'organisation dans les OEP*.Au sein des
({
activités, des liens d'aide mutuelle, de coopération, communautaires et solidaires se
manifestent non pas par un élément accessoire ou purement utilitaire, mais comme inhérent a
la manière dont on cherche à afbnter les problèmes, à satisfaire les besoins, à développer
l'organisation.
»'31
En fait, la crise de la modernité a occasionné un glissement du global au local, qui
redonne voix à des modes de restructuration sociale basés sur des réseaux restreints.
L'informel porte en même temps la force et la faiblesse d'une telle orientation. La force de
procurer aw populations du Tiers-monde un minimum vital non accessible autrement, et la
faiblesse de ne pouvoir s'ériger en une véritable alternative au capitalisme dominant. Que
retient-on de la problématique de I'infonnel ?
Au niveau conceptuel, la notion d'informel au Gabon est encore strictement
rattachée au procès de modernisation du pays. Losque l'on parle d'informel, il s'agit
automatiquement des petits métiers et commercants ambulants qui sont aujourd'hui une
image emblématique des villes africaines.
Les pratiques informelles dans l'état actuel du
discours et des recherches au Gabon résultent de la aise économique actuelle et du
organisation économique populaire
Marthe Nyssem et lgnacio Lanaechea: op. cit, p.389.
231
surpeuplement des villes. La poussée des populations urbaines consécutive contribue à la
constitution de « réseaux de distribution et de consommation » hors des institutions
officielles de la modernité. Le discours économique prime donc pour justifier l'essor de
l'infomalité au Gabon. Mais pour rendre tout a fait compte de l'explication économique de
l'informel, il faut dire qu'elle touche exclusivement les modalités de fonctionnement et de
gestion interne de l'économie gabonaise. Nous voulons souligner ici l'absence d'une mise en
corrélation de la structure globale de l'économie du pays avec la montée du phénomène
informel, ceci dans le contexte des échanges intemationaux. Cette impasse explique, par
ailleurs, le peu d' intérêt suscité par l'analyse hi storico-sociale du processus d'urbanisationindustrialisation au Gabon. La genèse de l'idomialité est, a notre sens, l'interface du
processus de développement amorcé par la colonisation et perpétué de nos jours par les
relations économiques internationales.
Les définitions de I'informel traduisent par conséquent la logique de la conception de
l'informel au Gabon. Activités traditionnelles, illégales, non officielles, a faible capitaux etc.;
toute k panoplie de définitions multicritères, héritées du dualisme sectoriel et dont la
fonction est de rendre compte de la dichotomie tradition-modernité, à partir desquels se
conçoit l'informalité. La perspective sur laquelle nous abordons l'informel tient compte de la
dimension économique. Nous tentons toutefois de nous sinier à un autre niveau de
détermination de l'informalité. Pour nous, la situation du Gabon caractérisée par
l'extraversion économique est beaucoup plus décisive que la classique opposition traditionmodernité, dans la compréhension de l'essor de l'informalité. Une conviction qui nous fait
dire que le développement des activités informelles urbaines, dont la montée est significative
au Gabon (voir Annexe A sur la situation de l'informel au Gabon) est un processus que l'on
peut cerner dans une lecture du rôle de ce pays dans le SEM. C'est l'objet de cette troisième
partie.
Chapitre VI
Capiralisme international et blocage structurel
Le présent chapitre porte sur l'incapacité structurelle du Gabon a bâtir une économie
d p m i q u e , novatrice, capable a moyen et long terme d'assurer une développement
relativement autonome des fluctuations intemationales. Autrement dit, l'insertion du Gabon
dans le SEM lui impose un certain nombre de contraintes dont les effets contribuent à
l'épanouissement des pratiques économiques infornielles. Le premier de ces effets est k
difficulte d' insufier une dynamique économique interne conduisant à la création d'emplois
stables. La conséquence est qu'une importante partie de la population active se retrouve
sans possibilités d'emplois.
Les chifies sont clairs, la croissance économique au Gabon est synonyme de
conjoncture favorable au niveau des cours internationaux des matières premières que le pays
exporte. notamment le pétrole (Voir annexe A sur le Gabon). Cette donne a un doubie
caractère qu'il est important de souligner. Le premier est naturellement l'exposition aw
moindres fluctuations mondiales, le second est lié à la faible capacité de ces activités de
rente. a jouer le rôle d'activités motrices pour l'ensemble de I'éonomie. Ce second caractère
est cenainement le plus intéressant dans la compréhension du développement des activités
infornielles a partir de la structure de l'économie gabonaise.
En d'autres ternes, les activités de production minière et pétrolière vouées à
l'exportation et qui forment l'ossature de l'économie gabonaise n'ofhnt pas les conditions
nécessaires à la constitution d'une dynamique productive, dont l'objectif serait de pourvoir
aux besoins (dans le sens large) des populations locales. On pourrait même avancer qu'une
économie de rente essentiellement tournée vers I'exténeur prédispose, parce que sans
véritable impact mélioratif sur les conditions de vie de la majorité des populations lofales, à
l'avènement des pratiques socio-économiques informelles. Il convient ici de présenter les
mécanismes qui, dans le cadre du SEM, concourent a justifier l'incapacité stnicturelle du
Gabon à mettre en place une économie interne productive.
Schéma G: POURTIER TP,, p 304
VI.1. La place du Gabon dans le SEM
La place du Gabon dans le système mondial est enviée
par bien des États dkicains confrontes à trop de pauvreté.
Cependant, il convient de ne pas se laisser aveugler par le
présent: la richesse, b o ~ fornine
e
aujourd'hui, est volage
et d'autant plus incenaine qu'elle est produite en grande
partie par et pour des acteurs étrangers. Or la manne
pétrolière a achevé de déstructurer les organisations sociospatiales autochtones, a considérablement artificialisé les
conditions d'existence, sans véritablement stimuler, en
contrepartie, l'effort créateur. (...) Les ressources du soussol sont trop exposées a des chutes de valeur pour
mettre"l'E1dorado d'Afrique cenmie" à l'abri de
lendemains qui déchantent. »'32
i(
Durant la période coloniale, le territoire du Gabon foumit le bois, le cafë et le cacao
dont l'exploitation et la culture entraînent le pays dans les échanges économiques
internationaux À cette époque déjà, la politique coloniale, qui consiste ii favoriser les
productions destinées a l'exportation, cause une diminution de la production vivrière qui se
soldera par des famines dans les années 1930. Mais la politique coloniale augure a cette
époque de ce que l'on dénomme de nos jours l'ancienne division internationale du travail, les
colonies fournissant a leurs métropoles respectives les matières de base et recevant des
produits manufacturés.
La DIT repose fondamentalement sur la distiction enee les pays industrialisés et
ceux dits sous-développés. Cette distinction repose elle
mème sur la nature des produits
échangés entre ces deux sphères au niveau du commerce international. La structure de
l'ancienne DIT est directement héritée de l'exploitation coloniale. Dans ce modèle, les pays
"Roland Pounier: Le Gabon. 72.i2ar et développement. Paris. L'Harmattanq 1989. p.303.
sous-développés fournissent les matières premières du sol et du sous-sol, tandis que les
nations industrialisées les approvis i o ~ e nen
t produits manufaçnirés.
La caractéristique majeure de cette DIT se résume pour les pays sous-développés
par la notion de spécialisation primaire. Cette notion traduit le fait que les exportations des
pays sous-dbveloppés comprennent essentiellement les matières premières. Pour certains
auteurs, (< la spécialisation est un choix, elle signifie qu'un pays concentre ses efforts sur
certains secteurs jugés favorables en délaissant d'autres secteurs jugés moins favorables.»233
Si la qualité de choix de la spécialisation est historiquement discutable dans l'espace
colonisé, il est mai que cette pratique a conduit à privilégier les secteurs les plus porteurs
dans les pays sous développés.
La situation du Gabon concorde pdaitement avec ce schéma de la DIT. Longtemps
voué à l'exploitation forestière, le pays rentre a la fin des années 1950 dans le cycle de
l'exploitation minière et pétrolière. Actuellement, le pétrole brut est le principal produit
d'exportation du Gabon. L'or noir a représenté i(en 1985 83% de la valeur des exportations
et 65% des recettes budgétaires. »U4 Aujourd'hui encore, la structure des exportations est
identique.
Par sa position centrale dans la valeur totale des exportations gabonaises. le pétrole
constitue le pncipal produit d'échange du Gabon dans le commerce international.
L'augmentation de son prix de vente au début des années 1970 a fait du Gabon, un des pays
les plus riches d'Anique, mais également (( accentué la dépendance financière, technologique
et commerciale de 1'économie gabonaise. >)as
La conséquence de cette spécialisation primaire, où domine l'exploitation pétrolière.
est naturellement la mise en veilleuse des autres secteurs de l'économie non reliés au pétrole.
En plus de l'importation des biens d'équipements que nécessite l'exploitation &ère
et
pétrolière. le Gabon est pour une large part dépendant de l'extérieur pour ce qui est des
produits alimentaires. (( La valeur des importations alimentaires a décuplé en quinze ans (en
"'Michel Courcier et Jean Maisot (dir.),La spt?cialisarion inrernaho14edes i d m a e sà 1'hon:on 1985.
Commissariat général du plan: La documentation française, 1978, p.23.
Roland Pounier. op-cit.. p. 189.
faris,
LU
francs courants). Même si l'on tient compte de l'inflation, on voit que la progression a été
considérable. nU6
La DIT a conféré au Gabon une structure économique e m v e n i e dont la fonction
principale était de m e m ses matières premières sur le marché international, au profit des
industries de transformations des pays industrialisés. Cette spécialisation primaire a permis
à l'économie gabonaise de bénéficier d'une rente sans effets d'entraînements permenant de
constniire une économie diversifiée.
La nouvelle DIT procéde d'une critique de l'ancienne. Les pays sous-développés
veulent désormais accéder à la production des biens mamufacturés a plus forte valeur
ajoutée. Autrement, nous assistons à une revendication d 'un nouveau modèle de relations
économiques qui s'attaque non seulement aux mécanismes de répartition des productions,
mais égaiement au fondement même du système d'exploitation des pays sous-développés
par les nations industrialisées.
La nouvelle division internationale du travail devra être
caractérisée par le rôle croissant que les actuels pays en
voie de développement joueront dans la production
industrielle du monde et notamment dans sa production
manufacninère; en vérité, une évolution progressive
conduira à l'abolition de la distinction entre pays
industrialisés et pays peu développés par généralisation de
l'industrialisation a tous les pays désireux de s'y livrer.
(...) Les échanges qui s'établiront dans le monde seront
semblables à ceux qui s'effectuent aujourd'hui entre pays
du monde industrialisé, et la spécialisation qui ne manquera
pas de s'établir sera celle qui découle d'une division
internationale du travail de type concurrentiel et non pas
complémentaire. P7
((
z3' Idem.
p.194 .
?dem. p.279.
"Guy De La Chmère: Lm nouvel& divirion uilemationuIe du travail. Gdni2vefParis. Librairie Droz. 1%9.
p.32.
Ces résolutions auront certainement permis I ' é m w c e des nouveaux pays
industrialisés OJPI) d'Asie du Sud-Est, par
le développement des industries
manufacturières. Pour le Gabon, la structure actuelle de ses échanges inteniationaux est
encore caractérisée par la spécialisation dans les produits primaires. A cette situation se
sont greffées les distorsions induites par la nouvelle DIT et notamment la répartition de la
production internationale selon le niveau de technologie utilisé. On constate en effet que de
façon globale, les activités de recherche et d'innovation technologique restent propriétés des
pays industrialisés, tandis que les pays sous-développés continuent d'être simplement des
consommateurs de ces technologies et encore seulement dans certains domaines.
En somme, quelque soit le modèle de DIT auquel on se refêre, la place du Gabon
dans le SEM reste celle de producteur de matières premières d'exportation. Cette
spécialisation dans les produits primaires a des répercussions négatives sur l'ensemble de
l'activité économique. Comment contribue-t-elle au Gabon, à mutiler la dynamique de
création d'emplois dans l'ensemble de l'économie gabonaise ?
Vi.2. Pétrole et mines:l'économie artificielle
Les domees sur le Gabon (Voir annexe A) montrent l'importance des secteurs public
et parapublic, qui représentent 70% des emplois.
((
Quand à la répartition des emplois par
grands secteurs, d e est caractéristique de ce type d'économie où l'on constate une
prédominance du secteur primaire dans la constitution du P B @lus de 50% dont près de
90% pour le pétrole) qui contraste avec la faiblesse des emplois directs correspondants soit à
peine 20% répaxtis dans moins de 10% des entreprises. »"*
Direction gCn6raie de la statistique:L'emploi dans le secteur moderne. op-cit.
Tableau 5: Effectifs des emplois en entreprise
Secteur d'activité
Entreprises
Effectifs
Agriculture
Forêt
Pétrole
Mines
industries du bois
Industries agro-dim.
Autres industries
Bâtiment etTravaux
Publics (BTP)
Transport-Télécorn,
Services
Commerce
Banques-
Assurances
Source: DGSEE,Libreville, 1993
La question que suscite le tableau 5 est la suivante: pourquoi les secteurs mines et
pétrole ne participent que pour moins de 10% des emplois en entreprises, alos qu'ils
conaituent les secteurs clés de l'économie gabonaise du point de vue de la valeur ajoutée
dégagée ?
La structure économique du Gabon, basée sur les rentes minières et pétrolière a en
définitive, un rôle néfaste sur l'emploi au Gabon. Autant ces activités ont permis au Gabon
de s'enrichir pendant les années fastes oii les cours de ces matières étaient relativement
élevés sur les marchés internationaux, autant elles ont peu contribué, sinon fkiné k
formation d'une économie innovatrice. Ces secteurs, qui devaient ètre les moteurs de la
création d'emplois et du développement économique n'ont eu que peu d'effets positifs sur
le reste de l'économie et particulièrement sur la situation de l'emploi.
Cela s'explique par un cenain nombre de facteurs inhérents aux logiques capitalistes
du SEM. traduites au Gabon par la domination des en~epnsesmultinationales (EMN), des
capitaux et technologies importées dans l'exploitation minière et pétrolière. Les EMN ont
une fonction essentielle dans la DIT élaborée de nos jours dans le cadre du SEM. Elles
participent au redéploiement a I'échelle mondial des industries et autres activités
productives. Plusieurs auteurs soulignent la divergence entre les intérêts capitalistes des
EMN et les préoccupations des pays sous-développés. On temarqueni à ce propos
((
qu'une partie importante des capitaux investis le soit dans des industries ou activités
dédiées à 1'extraction de ressources naturelles nZ9, rentables à aès court terme. Par ailleurs,
les pays sous-développés (( accusent. quant à eux, les entrepnses transnationales de ne créer
que très peu d'emplois, cherchant avant tout a rentabiliser au maximum les capitaw
investis. nZ4O
Au Gabon, le secteur pétrolier compte vingt-huit entreprises dont les effectifs sont
de 2 049 employés représentant 4,26% de l'emploi des entreprises, comme l'indique le
tableau 5. Le principal blocage à la création d'emploi introduit par l'exploitation minière et
pétrolière par les EMN est l'utilisation de hautes technologies. En fait, la nature de ces
activités ne permet guère l'utilisation d'une main d'oeuvre abondante. Les activités de
prospection
et de production des matières premières du sous-sol se font, depuis
-
39
U>
-
CEEIM-Bruxelles: op. cit. p.5.
Idem, p.13.
hngternps, par l'utilisation de technologies plus ou moins complexes et dont la particularité
est de ne pas nécessiter une forte main-d'oeuvre.
La recherche constante de meilleurs rendements aux moindres coûts débouche sur
l'utilisation des technologies les plus performantes. Il y a par conséquent un effet de
substitution d'une main-d'oeuvre, déjà faible en situation régulière dans ce secteur, par la
technique. Selon le Professeur De Bandt, « les effets globaux des SMN sur l'emploi (...)
apparaissent nettement négatifs »241 en raison du recours à des technologies toujours plus
performantes et peu utilisatrices de main d'oeuvre.
11 apparaît que les effets directs sur l'emploi de
l'investissement étranger direct dans les industries
d'extraction ne sont nullement en rapport avec le volume
important d'investissements qu'elles demandent. La cause
en est d'une pan, la nature capitalistique sans cesse plus
intense de tels investissements, et d'autre part, le fait que
la transformation des matières premières n'est pas réalisée
localement. »24'
L'exemple du terminal du Cap Lopez est certainement très flatteur et bénéfique pour
la société pétrolière française Elf, mais il n'en reste pas moins que, l'automatisation à
ounance de la production pétrolière est un lourd handicap pour l'emploi au Gabon. Ce
terminal est
l'exportation de son or
noir. (...) Deux types de pétrole transitent par le terminal
de Cap Lopez: le mndji qui provient des exploitations en
mer et le rabî, extrait du champ de Rabi-Kounga (...) Le
terminal du Cap Lopez a beaucoup bénéficié de l'arrivée du
rabî. Sa capacité s'est fortement accrue depuis 1989 et il
« le principal outil du Gabon pour
Idem. p. 19.
Idem. p.72.
s'est entièrement automatisé. Ce qui lui permet de
fonctionner avec une équipe permanente de vingt hommes
(...). Quant au gain de temps, il est considérable ii tous les
niveaux. Pour preuve: alors qu'il fallait quatre jours pour
charger 16 000 tomes de brut en 1957, ce même travail ne
prend plus aujourd'hui qu'une heure. De quoi engranger de
nombreux bénéfices...»243
C'est ici que divergent les intérêts des EMN et ceux de l'économie gabonaise. Ce qui
est un gain de temps et d'argent pour la multinationale pétrolière, est par ailleurs, une perte
d'emplois et de ressources financières pour l'économie du pays. Non opposés aux avancées
technologiques, nous relevons simplement la difficulté d'harmonisation des impératifs de
profit immédiat des EMN avec les contraintes de développement a moyen et long termes du
Gabon.
Quant au secteur des mines. il aura longtemps été le plus important dans le PIB
après le pétrole au Gabon. En baisse constante depuis plusieurs années, il ne réprésente
plus en 1997 que 2,5% des exportations. Les productions minières sont dominées par
l'uranuim et le manganèse exploités dans l'Est du Gabon respectivement par la compagnie
des mines d ' m u i m de Fmceville (Comuf) et la compagnie minière de l'Ogooué (Comilog).
Le tableau 5 montre que le secteur minier compte cinq encreprises, pour un effectif de 7 28 1
employés, soit un peu moins de 5% de l'effectif total des emplois crées par les entreprises.
Les faibles performances dans la création d'emplois du secteur mines-pétrole
tranchent avec la valeur de ces produits dans la constitution de la richesse de l'économie
gabonaise. L'utilisation de technologies de pointe est certainement un des fafteurs
explicatifs, mais l'absence quasi sytématique d' industries de transformation de ces matières
premières contribue egalement pour une large part a maintenir le déséquilibre population
5U
Jeune Afrique: op. Cit, p.80.
active-emplois disponibles. Pour le pétrole, le taux de dépendance à 1' exportation est de
95%' il est de 100% pour I'uranuim et de 99% pour le manganèse.
Pourquoi les EMN choisisent-elles de ne pas effectuer sur place, les opérations de
transformations des produits bruts ? Des experts nous répondraient que les processus
productifs liés a la transformation des matières premières, nécessitent des infi?içtructures,
technologies et une maind'oeuvre importante et relativement plus qualifiée que celle que
l'on retrouve sur les lieux. A cela, il est aisé de rétorquer par l'exposé d'un fait. La haute
technologie est &ja utilisée dans la prospection et l'exploitation des mines et pétrole sur le
temtoire gabonais, ce qui signifie qu'elle pourrait aussi servir a une diversification des
activités économiques par une transformation des produits bruts. On peut également ajouter
que de nombreux procédés de transformation font appel à des technologies dites
intermédiaires ou légères. largement accessibles à des ouwiers spécialisés.
En réalité, la DIT dans le contexte du SEM comme nous le soulignions
antérieurement, procède à une répartition des activités industrielles a l'échelle du monde qui
maintient des déséquilibres entre les régions. Les besoins du Gabon en industries de
transformation pour contrer le sous-emploi ne sont pas forcément un critère pertinenf dans
les stratégies de localisation mondiale des industries, élaborée dans le cadre du SEM. U existe
une échelle d'aptitudes qui déterminent la capacité de telle ou telle région du monde à exercer
telle ou telle activité.
VI.3. L-échelle des aptitudes du
SEM^*
La capacité d'une région à pratiquer certaines activités est déteminée par des
aptitudes que l'on retrouve dans le modèle de répartition des industries. Ce modèle fait de
ces aptitudes des préalables à l'investissement industriel. Chaque zone se voit ainsi attribuer
ZY
Les données de ce parapphe sont tirées de: Michel Courcier et Jean Malsot (ch.
op-cit,
), pp. 170- 189.
une sorte de coefficient d'aptitude par rapport a ces potentialités, déterminant de cette
manière les activités qu'elle peut exercer. Ces aptitudes sont les suivantes:
1. L'aptitude capiralistique,
((
mesurée par le montant moyen de FBCF disponible dans k
zone pour des investissements industriels ».245 L'on met l'accent ici sur le taux d'épargne
destine à l'investissement industriel dans la zone.
2. L'aptitude à la technicité. « Le niveau de technicité est défini par le pourcentage dans la
population active d'actifs formés dans l'enseignement supérieur et affectés a des emplois
supérieurs. »246
L'aptitude à la technicité sen à son tour à classifier les zones selon deux sous-aptitudes:
- l'aptitude
- l'aptitude
à produire des biens intermédiaires,
à fabriquer des biens de consomnation.
La spécialisation internationale des industries selon les aptitudes sus-citées place
naturellement les pays industrialisés en tête des zones les plus aptes à exercer toutes les
activités industrielles de transformation. Partant du postulat que ce sont ces activités qui
créent le plus d'emplois, on comprend aisément les difficultés structurelles des pays sous-
développés et du Gabon à la traîne de cet étalon de mesure, à diversifier les activités
économiques et d e r des emplois supplémentaires. L'échelle des aptitudes donne les
scénarios de base illuseés par les tableaux qui suivent:
3" Idem.
p.170.
a Idem. p.171.
Tableau 6:Aptitudes dans les principales activités
S C ~ N A R I ODE BASE
Aptitudo dans las principalar rctivitlr
173.3 % du tord de lm v i l r u r ijoutdr par las Indurtrio8 A locrtlrrtion Ilbra dans l m monda en 1W1
-
- -
e-UN,
A-
Ociw
Japon
URSS
N. M d
E.4da
UYr
Oiinr
AL 14d.
Mt'
6
3
l
'
URSS
hmnca
l
J
-
1-8
Ir
&i
SE
l
6
Tableau 7: Aptitudes dans les activités les moins nobles
SCÉNARlO DE BASE
Aptitude dans los ictivitds les moins noblas
(26.7 K du tata1 da Ir valaur aiout40 dans las industrias I localisarioci libra an 19851
I
Pan des actrvitts
en %
6.2
10.1
Ch To
C
1
4
Pays alpins
Au6 Sud-irtt
Afrique noire +
Europc mCdittr.
Monce arabe
.
Chine
.
'UEBL
II« britanniques
A d r i q u e Latina
5
Europe méditer.
1
2
3
Rang de La France
Afrique noire +
Monda arabe
Il
i3
S. 6
I
I
4.8
Cf:
C
l
h
I
1
Asir Sud-Est
Amdtique ktina
Chine
Afnqus noin +
Mondo araEurope centrale
9
I
Canada
PaW%a$
Pays scandinavtr
ANZAS
UEBL
9
L
Source: Coursier et Malsot. 1 978.
L'émde a laquelle nous nous référons ici constate pour la zone Afnque n o k et
Monde arabe,
une monospécialisation dans l'activité la moins noble
qu'est la production de biens de consommation dans de
petites unités de faible technicité. Cette catégorie recouvre
des industries de transformation de produits agricoles:
industries textiles, issues du bois et industries agricoles, ou
répond à des besoins de base: articles metalliques ou
plastiques peu évolués, cycles, montage de véhicules
automobiles. »247
G
La réalité gabonaise ne correspond pas parfaitement à ce modèle de spécialisation
industrielle. Plus précisement, l'économie gabonaise n'épuise pas les maigres possibilités
qu'offre l'échelle des aptitudes dans les industries de transformation dites les moins nobles.
On peut rappeler par exemple la faible contribution du secteur agro-industiel dans la
formation du PIB (43% en 1996). Pour illustration, (( le Gabon importe aujourd'hui environ
80% de ses besoins alimentaires. Fruits et légumes viennent du Cameroun ou d'autres pays
africains. voire de France. Quant à la viande, elle est achetée en Argentine et en Europe.
En somme.la spécialisation internationale des industries fait la part belle aux zones
les plus développées. Elle conduit à un monopole dans la production des biens
intermédiaires et surtout d'équipement, de la part des -des
puissances industrielles. Qu'il
s'agisse de l'aptitude capitalistique ou de l'aptitude à la technicité, le Gabon présente une
double contrainte structurelle financière et technologique, qui empêche son économie de
diversifier sa production et créer par conséquent de nouveaux emplois. Il y a, à notre avis,
une relation évidente entre la diversification des activités économiques et la création
d'emplois. La spécialisation dans les produits primaires sans transformation, comme c'est le
"Idem. p.183.
2as
Jeune Afrique: op.cit, p.78.
cas au Gabon, n'est pas porteuse d'une dynamique permettant de faire Face à une
population active même modeste.
La lecture des stratégies de répartition des activités productives du SEM permet
également de saisir, une autre dimension du blocage des économies sous-développées, ou de
leur spécialisation dans l'exportation des matières premières brutes. L'hypothèse de la
saturation des marchés au regard des fortes capacités de production actuelles des pays
industrialisées encourage, dans une large mesure, le maintien du statu quo. On appréhende
certainement avec une pointe d'inquiétude, un éventuel accroissement sur le marché
international de la part des pays sous-développés dans les domaines des biens
intermédiaires, d'équipement et même de consommation. La montée des dragons asiatiques
n'a-t-elle pas entrainé des comportements protectionnistes par les normes techniques et la
pression fiscale de la part des pays industrialisés ?
Autrement, une éventuelle poussée industrielles des pays sous-développées n'est
pas sans danger de déséquilibres pour les économies développées. La fabncation de biens
intermédiaires et de consommation fournit encore de très nombreux emplois dans les pays
développés. Une concurence intrasectorielle pourrait reviser la situation d'où le choix de
maintenir au niveau international, une économie complémentaire et non véritablement
concurrente. Cela se traduit dans un pays comme le Gabon par ce que nous appellons
I'incapacité structurelle à diversifier et dynamiser l'économie, qui concourt évidemment a
l'unité fonctionnelle du SEM.
Dans ce contexte, la croissance économique basée sur les rentes minières et pétrolière
ne relève simplement que de I'e~chissement artificiel, parce qu'elle n'a aucun effet
d'entrainement significatif sur l'ensemble de l'économie et encore moins, une réelle emprise
sur les conditions d'existence de la majorité des Gabonais. Une économie artificielle dominée
par les EMN dont l'objectif est essentiellement de rentabliser au plus tôt les
investissements. Dans cette ligne de réflexion,la prédominance des capitaux étrangers dans
l'économie gabonaise est aussi un point d'achoppement. Si l'investissement étranger est
souhaitable dans l'hnomie gabonaise,il reste qu'il contribue peu par ses orientations, à un
véritable développement économique du pays.
VI.4. Le capital international dans l'économie gabonaise
L'une des caractéristiques de l'économie gabonaise est sa très gmnde ouverture aux
capitaux étrangers. Nous soulignions déjà la prédominance des EMN dans les secteurs clés
que sont les mines et le pétrole, mais l'exploitation forestière, le commerce, les banques et
même les activités informelles dont nous parlons ne font pas exception.L7économie
gabonaise est p m i s les plus accessibles a l'investissement étranger, se positionnant
relativement bien au "hit-parade de la liberté économique".2Jg
L'apport du capital international au Gabon est important? ce qui peut sembler quelque peu
paradoxal dans le pays le plus riche d ' M q u e noire. Mais c'est en fait la raison principale
de cette afnuence du capital étranger au Gabon. Petit pays sous-peuplé de l'Afrique
équatoriale regorgeant de richesses naturelles, le Gabon attire depuis longtemps, les
investisseurs du monde entier en quête de profits immédiats. Ce qui n'est pas sans causer
des discordances notoires.
Les activités principales de l'économie gabonaise sont le domaine des EMN. On
trouvera en annexe C, une liste non exhausrive de ces EMN ou leurs filiales gabonaises, avec
un aperçu de la répanition du capital de ces entreprises. De fqon globale, on constate une
orientation des investissements extérieurs vers les secteurs forestier et minier,mais surtout
pétrolier qui consrituent l'ossature de l'économie gabonaise. Le taux d'investissement dans
le secteur pétrole est depuis 1986 non seulement toujours plus élevé que celui des autres
secteurs d'activité, mais aussi plus haut que ie taux d'investissement global du pays. Le
tableau 8 nous permet d'apprécier l'autorité des investissements du secteur pétrole sur
Au classement du 1
W Index of Economic Freedom de la Hentage Foundation le Gabon se situe dans la
catégorie des économies plutôt libres, soit le 686 rang sur 150 pays cIassés.
l'ensemble des investissements, même en période de récession. Une variation des données
pétrolières entrainant toujours dans le même sens les investissements totaux.
Tableau 8: Évolution du taw d'investissement
L
Période
Tx.d'Inv.
Moyenne
Moyenne
Moyenne
1 980- 1985
1986- 1988
1989-1992
Années du Boum
Années de
Années de
pétrolier
Récession
reprise
.
I
.
-
Hors Pétrole
Source: établi à partir de Rapport PNUD,1994
Tableau 9: Flux d'investissements par secteurs d'activité (en millions de FCFA)
1988
1989
1990
1991
+39 466
-9 746
+ 19 994
-28 649
SKL pewlia +28 453
-13 9 6
+21697
-1 1 598
Hors pétrole +1 1 0 13
+4 200
+19994
-17051
TOTAL
1 1992
1993
+36 185
+34 799
+7 890
+9 418
- --
Source: Banque des États de ilAfkique Centrale (BEAC)
Force
est
de constater que les investissements dans ce secteur névralgique de
l'économie gabonaise sont majoritairement le fait des EMN. Les groupes fhnçais Elf et
Angle-néerlandais Shelî assurent, par le biais de leurs filiales gabonaises respectives,
l'essentiel de la production pétrolière et donc des recettes de l'État. Cette présence massive
des capitaux étrangers dans les mines et pétrole est source, à notre avis, d'un ensemble de
déséquilibres qui biaisent au départ d'éventuelles efforts de restructuration de l'économie
gabonaise. Nous examinerons ici quelques unes de ces distorsions.
Le capital international s'investit pour l'essentiel dans les activités minières et
pétrolières au Gabon. Ce choix se justifie par la céléite avec laquelle les investissements y
sont rmtabilisés. La concentration des investissements étrangers dans ces domaines a eu,
entre 1974 et 1985, les effets suivants que décrit Barro:
secteur primaire (matières
une expansion très rapide du
(i
premières: hydrocarbures, produits minéraw); une stagnation
du secteur secondaire; une contribution de plus en plus élevé du secteur tertiaire. »250
Autrement, l'afnw des investissements dans le secteur primaire a pour corollaire
l'étiolement des activités industrielles hors pétrole et mines. Aussi, Barro souligne une autre
implication de la monospécialisation de l'économie gabonaise, le « mal néerlandais )>.
« L'essor rapide et brutal d'un secteur peut en effet provoquer des brusques modifications
dans l'attribution des ressources, avec une contraction des autres secteurs produisant des
biens échangés et une expansion des secteurs dont la production n'est pas échangeable. »
'''
Le mal néerlandais s i m e le délaissement des autres secteurs de l'activité
économique a la suite de I'accroissement de la richesse provenant des rentes minières et
pétrolière. Au Gabon, les industries de transformation et le secteur agricole particulièrement,
auront subi le contrecoup de cette situation. Par contre, les secteun des biens non
échangeables au plan international. bien entendu, connaissent une expansion. On peut
penser que les pratiques informelles urbaines sont de ces activités.
Ii est important de souligner que l'ajustement nécessité par le mal néerlandais se fait
par l'accroissement des importations, obérant ainsi l'économie gabonaise de ressources, qui
awaient pu servir à sa consolidation. Les déséquilibres induits par la focalisation du capital
étranger dans les secteurs les plus rapidement rentables ont, un effet direct sur l'économie
gabonaise, par une allocation inéquitable des ressources.
"Hugues Alexandre B m Charnbrier. op-cir, p.36.
"' Daniel P.citt par Barn, Charnbrier: op.cit, pp.3637.
« Une certaine dualité semble s'être constituée au sein de
l'économie, par la juxtaposition de deux secteurs sans
beaucoup de relations entre eux. D'un côté, le secteur de
production pour la demande intérieure constitué par deux
groupes principaux: la production de produits agricoles
traditionnels et de subsistance, celie des produits
industriels, de services et de commerce. De l'autre côté, un
secteur d'exportation dont l'ensemble de la production
dépend de l'évolution des marchés extérieurs. »252
La similitude de ces propos avec les analyses dualistes de l'informel est a s'y
méprendre. Mais en sommes nous véritablement loin? Les déséquilibres sectoriels
provoqués par le capital étranger appuient, avec fermeté, l'argumentation de 1'incapacité
structurelle de l'économie gabonaise a former un ensemble relativement hornogéne et
équilibré. Par ailleurs, l'importance des capitaux étrangers et la présence des EMN au Gabon
ont également des conséquences nocives, sur le plan financier.
Le constat majeur d'une analyse de l'économie de rente gabonaise est ce que nous
appelons ici le blocage structurel. Blocage de la capacité à créer des emplois, a diversifier ses
activités par le fait que les politiques et objectifs des EMN, qui contrôlent les activités
momces de cette économie divergent des besoins fondamentaux du pays. L'extraversion de
l'économie gabonaise, sa spécialisation dans les matières premières d'exportation
conformément à la DIT, imposée par le SEM,n'oflke a terme aucune possibilité de mettre
en place une économie dont le but est le développement, c'est-à-dire l'amélioration
constante des conditions de vie des populations. Le blocage structurel de l'économie
gabonaise, à notre avis, procède des caractéristiques suivantes:
1 ) la monospécialisation dans les produits primaires.
Au
Gabon, la rente pétrolière conditio~e l'ensemble de l'économie. Or la
production pétrolière « devmit être limitée dans les deux ans a venir les spécialistes tablent
sur un ralentissement compris entre 5% et 7%. Le déclin sera, en revanche, plus rapide à
partir de l'an 2000, assurent ces demiers. »2"
En plus du fait que le pétrole est une
ressource non renouvelable, son exploitation par des EMN pose plus de problèmes qu'elle
n'en résout. Le secteur est, d'une part, peu créateur d'emplois; et d'autre part, une immense
partie des capitaux générés par l'exploitation pétrolière est soustraite à l'économie sous
forme de bénéfices et d'avantages fim.
2) l'absence d'une industrie locale de transformation.
La rente n'aura pas entrainnéle développement d'une industrie locale. Au prise avec
le mal néerlandais, l'économie gabonaise se caractérise par la contraction des activités hors
pétrole et mines. « Le secteur industriel (hors rafnnage, transformation du bois, sucre et
textile et énergie) (...) représente 1'6% du PIB. (...) L'activité des autres industries (...)
représente 2,4% du PIB ».254
3) prédominance des capitaux étrangers dans I 'économie.
Lhne des conséquences du capital étranger dans une économie est le rapatriement
total ou partiel des bénéfices issus des activités des entreprises et même des particuliers. La
valeur de ces bénéfices étant généralement proportionnelle à la quote-part du capital emger
dans l'entreprise, il convient de mesurer I'irnportance des investissements extérieurs dans
l'économie @bonaise. Le tableau 10 nous permet de mesurer ce facteur pour quelques
entreprises pétrolières et minières gabonaises.
xi Jeune Afrique: op. cir. p.78.
PMID:Coopération au d6veloppemnt Gabon. Rapport 19%. Libreville, 1997. p.8.
170
Tableau 10: Répartition du capital dans des sociétés rniniéres et pétrolières
1 Activité
Sociéte
1 Intérêts gabonais (%) 1 Intérêts étrangers (%) 1
EIf-Gabon
Pétrole
25
75
Cornilog
Manganèse
39
61
.
- --p.p
Soute: Répertoire des industries et activités du Gabon, 1997.
La part des investissements étrangers dans le capital des quatre plus grandes
compagnies minières et pétrolières du Gabon laisse présager un flux considérable de capitaux
qui sortent comme bénéfices de ces entreprises. Avec seulement le quart des revenus
pétroliers, le Gabon a le PNB/hab. le plus élevé d'%que
noire; qu'en aurait4 été si le pays
bénéficiait de 75% des revenus pétroliers ?
Le rapatriement presque intégral des bénéfices par les EMN et l'importance des
salaires versés aux caûres expatriés constituent un énorme manque à gagner? qui aurait pu
servir au financement de projets de développement et à la création d'entreprises au Gabon.
Nous ne condamnons pas de façon extrême ces opérations, mais beaucoup plus le
fait qu'une partie significative de ces énormes capitaux ne soit pas réinjectés dans
l'économie gabonaise. L'instauration de la provision pour investissements diversifiés
( P I D ) ' ~ ~mème
,
si eiie n'a pas les résultats escomptés, est un bel exemple d'utilisation de la
rente pétrolière dont on sait par ailleurs qu'elle n'est pas éternelle, le pétrole étant une
ressource non renouvelable.
En définitive, le rapatriement des capitaw et sous diverses formes est une donnée
réelle procédant de la trop grande dépendance du pays, à l'égard des capitaux étrangers.
Les societés pétmIi2res versent dans la P D une partie de leurs béndfices qui servira 3 financer des projets
hors pétrole.
"
J
Conséquence: « le compte des transferts prives a été régulièrement déficitaire, reflétant les
importants envois de fonds des travailleurs expatries. (...) Les prestations gratuites du
secteur privé accusent pour leur part un déficit (...), en raison principalement des économies
sur salaires des coop6rants et des salariés étrangers. »256 TOUSles comptes nationaw qui
font état des mouvements de capitaux entre le Gabon et l'extérieur, sont pou. la majorité
déficitaires, qu'il s'agisse des transactions du secteur privée ou du secteur public.
Ce qu'il faut retenir ici, c'est la ponction d'une M o n non négligeable des
ressources financières du Gabon par le capital international, privant ainsi le pays de
précieuses ressources indispensables à son développement. Une ponction des ressources
qu'augmentent les concessions fiscales consenties aux E M N par les pays sous-développés.
Alors. comment financer les infirastmctures de développement, les communications, les
hôpitaux etc. ainsi qu'encourager 1'entreprenewiat créateur d'emplois ? À cette question, la
réponse du capitalisme est donnée par l'accès a diverses sources internationales de
financement pour les pays sous-développés. L'endettement extérieur pour financer le
développement s'avère aujourd'hui une des solutions les plus désatreuses proposées par le
capitalisme mondial.
La détérioration au milieu des années 1980 de la situation économique a revélé la
fiagilité de l'économie artificielle, bâtie par les EMN, autour de la rente pétrolière et minière
au Gabon. On se rend compte que les rentes n'ont pas permis d'édifier une économie
relativement autonome et pouvant compenser par d'autres activités, la baisse vertigineuse
des cours des matières premières. Dans cette situation, les solutions sont une fois de plus le
recours aw sources de financements internationales, qui continuent ainsi d'orienter les choix
de développement. La politique d'emprunt auprès des organismes tant privés que publics
des puissances industrielles participe au renforcement du blocage structurel du Gabon dont
l'un des éléments principaux sera désormais le taux excessif d'endettement. Peut-il en être
autrement lorsque les ressources propres de l'économie ne financent pas le développement ?
~6
Hugues Alexandre Barro Chambner op.cit, p.255.
L'emprunt extérieur ne reste-t-il pas l'ultime recours des pays stnicturellement bloqués en
même temps qu'il conforte le blocage ? Dans le cas du Gabon, la dette est véritablement un
boulet que le pays trainera encore longtemps. Classé par les organismes internationaux au
rang des
((
pays à revenu intermédiaire », le Gabon ne peut bénéficier de certains
mécanismes d'annulation ou d'allègement de sa dette, ou même de conditions avantageuses
de réechélonnement.
Les données qui suivent, nous permettent de mesurer l'effet d'étranglement de
l'endettement, au regard des besoins de financement d'une économie gabonaise sousdéveloppée.
a) Encours de la dette (fin 1997): 2 485 milliards FCFA, soit 75% du PIB et plus du double
du Budget 1998 (1 057 milliards FCFA)
b) Les intérêts annuels sur la dette: 395 milliards FCFA, représentent presque la totalité des
recettes pétrolières prévues pour 1998 et 40% des ressources budgetaires."'
Les c h i f i s ci-dessus présentés n'incorporent pas la dette interne de l'État qui est
aussi importante. En 1994 par exemple, « les remboursements d'anierés estimés à 703
milliards FCFA dont 378 milliards FCFA en principal et 325 miiliards FCFA en intérêts
pour la dette extérieure ont considérablement affecté la trésorerie et ont nécessité un
financement additionnel.
»'58
De cet endettement excessif résulte, pour une large part,
l'incapacité de 1 ' ~ t a gabonais
t
a financer le développement. état, dont le rôle économique
est encore extrèmement vital en matière d'investissements au Gabon, se retrouve dans le
cercle vicieux qui consiste à emprunter encore... pour rembourser la dette. Ceci
namllement se fait au détriment d'investissements productifs pour l'économie nationale et
donc de la création d'emplois.
5
Jeune Afrique: op. cir, pp.88-89.
2s Rappon P W D : op. cit, p. 15.
Conclusion
Le blocage structurel et plus précisément le mal néerlandais sont les sources
auxquelles s'abreuvent les activités économiques informelles. En effet, fàce a l'inertie de
l'économie moderne bloquée, les activités infonnelles trouvent dans la satisfaction des
besoins des populations, un champ d'activité ouvert qu'eues exploitent. Mais il est
indispensable de f& à ce niveau des nuances importantes.
Notre lecture des fondements de l'informel se situe dans les distorsions induites par
la DIT. au niveau de la répartition des activités industrielles a l'échelle mondiale, selon
l'échelle d'aptitudes déja décrite. L'orientation quasi exclusive vers le marché international
des activités les plus productives de I'économie gabonaise d'une part, l'organisation du
travail et les pratiques financières des EMN d'autre part ont pour résultat d'émasculer cette
économie de ses atouts, donc de sa capacité de générer des emplois stables et suffisants
pour ses besoins et sa population. Non seulement les rentes ne jouent pas un rôle moteur
dans le sens de la création d'une dynamique économique interne, mais elles participent à
l'affaiblissement des autres secteurs d'activités économiques en concentrant l'essentiel des
investissements. II se forme alors une économie areincielle caractérisée par la soumission aux
fluctuations du marché mondial et la rareté des emplois.
Le corrollaire à cette situation est la croissance exponentielle des activités permettant
d'obtenir des revenus hors des normes étatiques, le phénomène étant amplifie dans les
grandes zones urbaines où nous avons une forte concentration des populations. L'échelle
des aptitudes de la DIT, par la spécialisation qu'elle impose, a un impact direct sur la
capacité de l'économie gabonaise à créer des emplois pour ses populations. Cette incapacité
structurelle est, à notre sens, l'une des grandes causes explicatives de la montée des activités
informelles dans l'économie gabonaise. Mai s ce phénomène interpelle également la gestion
de l'État par les élites dirigeantes relais du SEM.
Chapitre VU
é état gabonais et le développement de l'informel urbain
Dans un ouvrage intitulé Les destins du Tiers-Monde * j 9 , Coutrot et Husson
présentent ce qu'ils appelent (( les facteurs internes du sous-développement ».La démarche
est bien connue des analystes du développement du Tien-monde qui ont souvent établi,
dans les facteurs de blocage du développement des pays du Sud,cene catégorisation entre
causes internes et externes. Que signifie cette dichotomie ?
On comprend cet angle d'approche comme la dissociation en deux catégories
distinctes, des éléments qui participent à la perpétuation du sous-développement, Coutrot et
Husson concentrent l'ensemble de ces facteurs dans ce qui caractérise le mie% a leur avis, les
pays sous-développées, c'est à dire la structure dualiste de l'économie.
((
Ce dualisme, qui
concerne aussi bien I'agriculhire que l'économie urbaine, n'est pas synonyme de chaos social,
contrairement a l'impression superficielle que peut donner le tumulte politique et
économique qui règne dans la plupart des pays du Tiers-Monde. Il possède au contraire une
forte cohérence qui lui permet de se perpétuer et le rend difficile à attaquer. >?'
"Les logiques internes du sous-développement" tiennent au départ de k
modernisation des sociétés non occidentales et plus précisément de l'introduction de
l'économie capitaliste. La saldsation des paysans, l'impôt numéraire obligatoire ont. entre
autres éléments, fini d'achever les « logiques antérieures, communautaires ou fëodales ».
Cette desmiction aura pour effet la création d'une main-d'oeuvre exdentaite formant « un
régime de sous-emploi permanent, baptisé secteur informel, dans lequel les entreprises
modernes puisent le personnel nécessaire au gré des fluctuations de l'activité
économique »?
l
Par ailleurs, selon Coutrot et Husson, la (( concentration missante des ressources et
du pouvoir» aux mains d'une minorité de personnes est aussi un facteur interne de blocage.
Dans un contexte ou les travailleurs ne disposent guère d'outils de défense de leurs droits.
Ya
Thomas Coutrot et Michel Husson: op. cit
Idem. p. 159.
/&m. p. 162.
les élites urbaines utilisent (...) surtout l'État pour s'approprier une part croissante des
ressources, au détriment surtout des paysans.
»262
Ce qui naturellement conduit à une
seconde dualité entre une majorité populaire pauvre et une élite minoritaire disposant de la
quasi totalité des ressources. Les comportements mimétiques de cette dernière contribuent à
orienter l'économie vers des investissements improductifs, allourdissant du même coup
I 'endettement.
L'analyse de la pensée de ces deux auteurs, reprise ici en substance, évoque des
réalités bien connues des pays sous-développés. Par mnm, la restitution de ces facteurs de
blocage comme facteurs internes du sous-développement, ne rend pas justice quant aux
véritables déterminants de cette situtation. Autrement, les facteurs cités comme étant des
éléments endogènes aw pays sous-développés, doivent être examiné à un niveau de
détermination plus élevé. En fait, le dualisme économique que présentent Coutrot et Husson
sous plusieurs modalités se rattache, a notre avis, a la collusion des intérêts entre le grand
capitalisme international sous l'égide du SEM et la gestion des pays sous-développés par
leun élites dirigeantes, relais du SEM.
Le présent chapitre vise à montrer la connivence de ces deux réalités, mieux. Ia
convergence de leurs intérêts dans le cadre de l'unité fonctionnelle du SEM.Les facteurs dits
internes (le dualisme économique) et la gestion interne des pays sous-développés, sont
l'endroit et l'envers de politiques de développement menées par ces acteurs du SEM et dont
nous savons aujourd'hui que le résultat est la paupérisation des masses du Tiers-monde. Les
éléments qui font figure de facteurs internes du blocage, ne sont dans notre analyse, que les
instruments d'application du SEM ( le dualisme sous toutes les formes que citent Coutrot
et Husson), ainsi que la gestion interne de l'État par les élites relais du SEM. 11 est
important de rappeler que pour nous, la gestion politique, économique et sociale des pays
sous-développés participe à l'unité fonctionnelle du SEM.L'établissement ou le maintien
Ibidem.
des intérêts du capital international implique de f q n pratique, la constitution au niveau
national, de « castes » dlligeantes vouées à la cause et bénéficiant naturellement des
avantages de cette situation d'intermédiaires. La dualité des structures sociales dont parlent
Coutrot et Husson schématise, fort justement, la disparité des ressources entre les élites
dirigeantes et la population.
Au Gabon, le développement des activités informeiles procèdent de cette double
logique d'enrichissement des uns (la minorité dirigeante) et d'appauvrissement des autres
(les masses populaires). Il en résulte, en définitive, que la classification en facteurs internes
et extemes du sousdéveloppement n'est pas opératoire dans la logique du SEM.
L'implication, de par leur puissance productive et financière des EMN, dans la gestion
quotidienne des économies sous-développées autorise très peu une perception du dualisme,
de l'extraversion, de la dette, du sous-emploi etc. comme des facteurs exclusivement internes
à l'économie gabonaise, pour autant qu'il puisse en exister. À ce propos, attardons nous
quelques instants sur un facteur qui nous semble faire la jonction entre l'essor de l'informel,
le blocage structurel et la gestion de l'État: le système de protection sociale en République
gabonaise.
La protection sociale au Gabon est assurée par deux organismes, la caisse nationale
de sécurité sociale (CNSS) et la caisse nationale de garantie sociale (CNGS). Le système est
complété par des entreprises privées spécialisées dans divers services d'assurances. La
CNSS gère les cotisations des travailleurs du secteurs privé, elle est donc chargée d90fEir
des prestations dans les domaines de la santé et des allocations Familiales pour ses membres.
A ce titre, la CNSS octroie aw familles prestataires les allocations suivantes:
- les pensions des retraités,
- 3 OOOFCFA/rnois/enfant de moins de 18ans,
- 10 000FCFNenfânt scolarisé l o s de la reneée scolaire,
- le taux de couvemire médicale est fié selon le salaire du cotisant, il est en principe total
pour les salaires les moins élevés.
La CNGS est subventiom6e par l'État et son rôle est de desservir les personnes non
couvertes par la CNSS. C'ea B cet organisme qu'échoient les prestations sociales des
chômeurs, indigents et contractuels de l'État. Le système de protection sociale au Gabon est
loin de c o u w l'ensemble de la population, mais il importe d'en apprécier les pefionnances.
Pour ce qui est de la CNSS, on peut avancer qu'elle s'acquite de ses obligations (les
allocations fimiliales notamment) avec une certaine régularité. Mais les montants alloués
sont si minimes qu'ils ne permettent de couvrir qu'une trks fàible portion des besoins. Les
prestations de santé tendent égalment à s'amenuiser dans un système général ou l'accès am
services de santé des personnes à faibles revenus est de plus en plus difficile. La CNGS
connatnt quant a elle une situation plus difficile. Le budget 1998 prévoit une dotation
financière de 5,2 milliards FCFA, afin de reprendre des prestations suspendues depuis
1986, une goutte d'eau cians l'immensité des problèmes sociaux à résoudre.
En somme. la protection sociale au Gabon n'est ni suffisante, ni efficiente. On note
d'abord que les agents de l'État ne sont couverts par aucun des deux organismes cités, l e m
charges sociales sont directement imputées au budget de l'État ou assumées par les
individus eux-mêmes. Par rapport aux personnes sans emploi, on peut dire qu'à toute fin
utile. elles ne peuvent compter sur une couverture de leurs besoins essentiels par les revenus
de transfert. l'attribution d'une allocation pour les chômeurs, n'est encore inscrite dans
aucun texte de loi. Nous disions plus tôt que le système de protection sociale est un pont
entre le blocage structurel, I'infonnel et la gestion de l'État. En effet, la question que suscite
cet inefficace système est de savoir quels recours ont les populations, devant les invariables
besoins de subsistance et dans un pays où le coût de la vie est relativement élevé ?
Nous pensons que l'informel fait bon poids à la faiblesse de la protection sociale par
les organismes officiels. Il peut s'agir de pratiques monétaires ou non, dont les formes vont
de la solidarité famiüale aux associations d'entraide. C'est exactement à ce niveau que les
activités informelles sont plus que jamais, les conséquences du blocage stnicturel et de la
gestion de l'État. Autrement, nous avons en amont, le chômage structurel et en aval, une
gestion ratée de la protection sociale, à laquelle les pratiques informelles constituent le
contre-poids. C'est en cela que la problématique de l'infomel au Gabon doit s'élaborer par
rapport aux logiques relatives à son file dans les échanges internationaux et aw
conséquences de cet
état
de fait sur les conditions d'existence des populations. Nous
tenterons dans ce schème de dflexion de montrer que le développement de I'infonnalité au
Gabon se nourrit, en plus du blocage structurel de I'hnomie, de la détorioration des
conditions de vie de la plus grande partie de la population et de la fonction de lais des
élites dirigeantes. A ce titre, il convient d'examiner des indicateurs socio-économiques
reflétant la situation du pays en la matière, mais également de faiR ressortir en quoi la
gestion de l'État prédispose-t-elle au développement des activités informelles. C'est le but
de ce chapitre.
VII. 1 . La gestion de 1'État
Une analyse de la gestion de l'État au Gabon, quel que soit l'objectif poursuivi, ne
peut faKe l'économie d'un q a r d sur la gestion passée de l'espace Gabon. Il y a en effet
dans le cas du Gabon, une constante notoire du processus de développement du pays: le
développement économique caractérisé par le prélèvement des richesses, encore de nos
jours, l'oeuvre d'un capital étranger à faibles effets sur l'économie locale.
La situation du Gabon a depuis lors évolué sans toutefois porter atteinte à
l'extraversion économique, qui est à l'origine d'un double mouvement d'appauvrissement et
d'enrichissement respectivement des populations et des acteurs du SEM. Aujourd'hui, la
montée des activités informelles au Gabon permet de mesurer l'impact d'une gestion de
l'État qui a toujours été reliée à la préservation des intérêts des acteurs du SEM, au
détriment des populations.
Le Gabon est historiquement marqué par une exploitation de ses richesses au
détriment des intérêts fondamentaux de ses populations. Comme nous le disions, le Mt
n'est pas nouveau et continue de se perpétrer au profit des grandes entreprises occidentales
et de la minorité dirigeante. Il nous parait important de souligner ici les trois cycles
d'exploitation du Gabon présentés par ~ o u r t i e ? ~le~ :cycle de la cueillette, le cycle de
l'okoumé et le cycle pétrolier et minier.Ces cycles exposent avec clarté. les dynamiques
d'appauvrissement des populations insuflées par les acteurs du SEM, dans un espace
richement doté par la nature.
L'implantation coloniale au Gabon succéda à une longue période de cornmerce entre
les populations autochtones riveraines du Gabon et les navigateurs occidentaux à la
recherche de produits exotiques. Cette activité commerciale certes de peu d'importance,
avait engendré une économie de troc dans laquelle les populations gabonaises o f i e n t des
produits de la ceuillette, auxquels s'ajoutait Ibivoire.Les compagnies concessionnaires vont
M m d . Pounier. op.cit. pp. 125-29 1.
par la suite amplifier cette économie de cueillette avec des comptoirs dans l'ensemble du
pays. Le cycle de la cueillette aura fortement éprouvé les populations gabonaises, en
l'absence
de voies de communications, les marchandises etaient transportdes à dos
d'homme contre la pacotille que reçevaient les populations. Par ailleurs, les compagnies
concessio~akesne consentaient que peu de moyens au développement de l'espace et au
bien-être des populations. Les adversaires des concessions commerciales dirent ceci de la
Société du Haut Ogooué (SHO):« Quand elle partira en 1923, il ne restera rien ou à peu
près d'une occupation de trente années. La Société laissera le pays beaucoup plus pauvre
qu'elle ne l'a trouvé et les populations infiniment plus misérables. »264
Le cycle de ia
cueillette aura été un échec pour les populations gabonaises. La désintégration par
l'exploitation coloniale de leurs modes de vie, la réticence des colons à investir dans k
région eurent pour effet d'appauvrir une population qui ailait encore s o u f i de
l'exploitation forestière.
Riche de nombreuses essences végétales, la forêt gabonaise est la première source de
richesse du pays. De par son importance dans la fabrication du contre-plaqué, l'okoumé va
dominer I'exploitation forestière, au point où il deviendra le produit d'identification du
Gabon. La mise en valeur de la forêt gabonaise est naturellement le fait des compagnies
coloniales dont les exportations de bois sont un investissement rentable, d'autant plus que
les coûts engagés sont minimisés par une main-d'oeuvre d'origine noale, relativement
abondante et bon marché. Notre intérêt pour I'exploitation de l'okoumé réside dans les
conséquences qu'elle a engendré.
« Des critiques sévères ont été portées a l'encontre des
méthodes d'une exploitation qui durant longtemps ne se
démarqua pas d'un pur et simple pillage des richesses
naturelles, accusé de paralyser le développement du pays.
N'en prenons pour témoin que le Gouverneur général
Reste: Tout a été subordonné a I'exploitation de la forêt:
les hommes et les choses. La forêt stérilise le Gabon, elle
frappe les hommes, elle prend les femmes (...) Telle est
l'image du Gabon: un pays sans route, sans progrés social,
sans organisation économique, l'exploitation & la forêt
ayant absort&toutes les forces vives du pays. »265
Le bilan de l'exploitation de l'okoumé aura été désastreux. Cette activité sera la
source d'une dispersion parfois contrainte de la main-d'oeuvre dont les conséquences seront
autant humaines qu'économiques. D'une part les conditions de travail éprouvantes et non
sécuritaires entraînent de nombreuses pertes de vies; d'autre part, la dispersion de la maind'oeuvre vers les chantiers forestiers s'est faite au détriment de I'agriculture vivrière, les
zones m l e s ayant été spoliées de leurs bras les plus vigoureux . Ce qui aura pour effet
d'engendrer famines et autres épidémies. (( Durant toute cette période le Gabon a retiré peu
de bénéfices d'une exploitation qui a enrichi une poignée de d o n s et ahenté le budget de
1'AEF.
»
'
6
L'exploitation industrielle de la forêt gabonaise se sera faite presque
exclusivement au profit du capital étranger.
Jusqu'à la veille de l'indépendance, plus d'une douzaine
d'entreprises produisent une capacité supérieure à 10 000
tonnes, assurent 60% de l'abattage toral des 821 500
tonnes, l'ensemble des entreprises de production moyenne
(5-10 0001) donnent 12% du total, seukment 25%
revenant aux exploitants gabonais et africains. Ces grandes
firmes multinationales vont ainsi s'assurer le contrôle de
34% de la forêt gabonaise. d6'
((
Par ailleurs, la méthode d'exploitation en favorisant seulement la mise en place du
strict minimum d'équipements indispensables a l'exportation du bois aura pour effef
Idem. p. 1-16.
?Sdlbidem.
AEF: Afrique Équatoriale Française
Fidele Nd-Nguéma: Moàernitétiers-mythe et bouc hémîsphère. op. cit. p. 102.
26:
1'absence d' infiastructures nécessaires à la construction d'une économie moderne.
L'essentiel des profits de l'exploitation forestière est rapatrié et les populations gabonaises
ne constatent aucune amélioration de leur conditions de vie. Ce qui fit dire au Gouverneur
Reste qu'
il est hors de tout doute que le Gabon, où nous sommes depuis bientôt 100 ans
(i
est incontestablement la colonie la plus arriérée de tout l'Ouest &cain.
»268
Après l'indépendance politique en 1960, le Gabon accélère le processus de
modernisation de son hnomie. De la colonie la plus pauvre, il devient l'un des pays les
plus riche du continent grrice aux revenus que procure la rentrée dans le cycle minier et
pétrolier.
Avec l'exploitation du pétrole, de I'uranuim et du manganèse, le Gabon connaît une
phase d'expansion sans précédent. « Entre 1960 et 1984, la valeur des exportations, en francs
courants. a été multipliée par 76, et le budget de l'État par 134, tandis que le PNB par
habitant est devenu le plus élevé d' Afiique noire, atteignant un pic d'environ 5 000 dollars en
1985. D ' ~ ~
Au delà des ponctions liées am importantes participations des EMN dans ces
activités. l'usage des rentes miniéres et pétrolières n'aura pas en réalité transformé de manière
méliorative, l'économie gabonaise. Deux pôles principaux auront bénéficié de ce vertigineux
enrichissement: le premier est cehi de l'emploi dans le secteur public.
((
Depuis
l'indépendance le nombre d'agents du secteur public a été multiplié par dix. On peut estimer
qu'aujourd'hui environ 45 000 salariés (dont plus de 1 500 expatriés) dépendent de l'État,
sans compter le secteur para-public (I'OCTRA par exemple): chBk élevé quand on le
compare à la population du Gabon. »'O'
?68
Roland, Pounier: op. cit, p. 18 1.
'69
I&m. p. 189.
Idem. p.205.
Les rentes ont servies dans une large mesure à financer le fonctionnement d'un
appareil étatique toujours plus imposant. Sur un budget de 796 milliards FCFA en 1985,
221 milliards ont été consacré au fonctionnement. En 1998, le montant affecté au
fonctionnement représente encore 377 milliards sur un budget tutal de 1 057 milliards. <( Les
dépenses de fonctiomement, et singulièrement de personnel, ont crû de manière beaucoup
trop rapide. En 1991, elles ont dépassé de 26% les recettes hors pétrole. Le train de vie de
l'État,
soutenable en phase de haute conjoncture pétrolière, est insupportable
actuellement. »'"
On peut reprendre l'argument du sur-emploi par rapport à la population
gabonaise, dans un secteur public dont l'efficience est loin d'être proportionnelle am
moyens qu'il nécessite pour fonctiomer. En fait, les effectifs administratifs n'auront fait
que renforcer la dépendance de l'économie et de ses agents aw retombées de la rente, se
privant ainsi d'investissements réellement productifs dans les secteurs de la transformation
et des services par exemple
Le second pôle d'utilsation des rentes est constitué d'ailleurs par les investissements
réalisés dans la période faste de l'économie minière et pétrolière.
état gabonais a consacré
d'importantes ressources aux investissements, notamment dans les infrastnicnws
immobilières et de transport. Aujourd'hui, le bilan de ces investissements coûteux est
maigre. Les structures sociales de toute nature sont insuffisantes, le réseau routier n'a pas
encore l'envergue espérée et le chemin de fer Transgabonais, qui aura coûté la coquette
somme de 1 000 milliards de FCFA est actuellement l'objet d'une cession par l'État à
d'éventuels reprenem.
En définitive, la politique d'exploitation coloniale et une économie de rente aux mains
du capital étranger convergent vers la formation d'une économie smcturellement bloquée.
La crise dans laquelle est par conséquent plongée l'économie gabonaise montre les limites du
" Alfred Mabika Mouyama: Snolégie de rédeploiemeru& 1'économie gabonaise. Louvain-la-Neuve.
Acadkrnia, lW, p.85.
système de rente, en même temps qu'elle iévele la précarité des conditions d'existence des
populations, aux prises avec le chômage et la pression de subsistance quotidienne.
Mais le tableau ainsi peint n'est pas sombre pour toutes les parties impliquées dans
cette économie "mondiale" gabonaise. Notre analyse revèle trois acteurs importants qui
auront réellement bénéficié des rentes minière et pétrolière. D'une part, nous avons les
EMN dont les technologies ont été largement sollicitées pour la réalisation des diverses
infrastructures. D'autre part, les sources de financement internationales privées et publiques
créancières de l'État gaôonais; et enfin, les élites dirigeantes du pays dont la gestion à
contribué à l'hypothèque des principaux atouts de développement du Gabon.
La montée des activités informelles est à notre avis, une excroissance des politiques
et pratiques de développement, qui période par @ode aboutissent a des disparités trop
criantes entre les détenteurs des pouvoirs économique et politique et les populations,
conduisant à des comportements de survie dits informels, dont l'interface est
l'e~chissementdes acteurs locaux du SEM. L'essor des activités informelles est tributaire
de ce double mouvement d 'appaumissement-enrichissement caractéristique de la gestion de
I - E B ~Nous
.
soulignons et rejoignons ici la thèse du prélèvement d'un surplus sur le travail.
On pourrait parler sans être cynique d'un surplus sur la pauvreté.
VII.1. La classe politique
Une grande partie des pratiques infornielles urbaines au Gabon relève effectivement
de la dynamique d'enrichissement des élites locales qui, fortes des privilèges et relations que
coderent leurs positions sociales, ont bâti un système de rétention des richesses générées
par les activités économiques nationales et internationales. Comment ce systéme participet-il à la promotion des activités inforneIles au Gabon ?
La contribution dans leur course à l'enrichissement des élites dirigeantes du Gabon à
la prolifération des activités uûormelles est multiforme. A mven des Rseaw< divers,
I'infomalité est stimulée au centre du pouvoir, par des mécanismes de gestion étatique qui
ont presque institutionalisé la corruption et le détournement de déniers publics.272Ce que
l'on constate en définitive, c'est un ensemble
d'illégaiimes de droits (Michel Foucault). Autrement dit,
cette délinquance économique n'est pas avant tout le fait
des petits, mais bien celui des puissants et des classes
dirigeantes dans leurs fonctions politiques et économiques:
ces derniers se réservent en toute impunité, la possibilité
de tourner leurs propres règlements et leurs propres lois et
de faire fonctionner tout un immense secteur de la
circulation économique à l'extérieur de la loi. »273
Ces illégalismes se rattachent d'une part à une appropriation des rentes par les
dirigeants, souvent de connivence avec des EMN soucieuses de conserver leur position ou
d'accroître leur pan de marché. 11 se crée par ce canal, des interactions entre les pouvoirs
politique et économique par lesquelles, les dirigeants et les EMN ont (( la mainmise sur ies
cultures d'exportation. le pétrole et les importations, la gestion des financements extérieurs
et de l'aide
D.''~
Ces activités sont informelles en tant qu'elles n'&margent pas dans la
comptabilité nationale. D'autres activités économiques apparement respectables sont
également hors la loi, parce que non soumises à toute la réglementation, du fait
d'interventions ou protections de la part des dirigeants de l'État.
'
L'ouvrage de Stephen Smith et Antoine Glaser (op. cit) est riche d'informations sur de telles pratiques au
Gabon.
Jean-FranqoisBayan; Stdphen Ellis et Béatrice Hibou: La crimidironon de I'Elor en *que. Paris. Ed.
Complexe, 1997. p.135.
"idem. p. 13.
On sait, en effet, que bon nombre d'activités
ressortissant à ce secteur sont liées de façon très étroite à
des positions détenues par les membres des classes
dominantes dans les appareils d'État. (Exemples: taxis,
activités d e s péri-urbaines, secteur de de la
constmction, etc.) Ce surplus (...) profite au premier chef à
ceux qui occupent le sommet de l'État et ne se reproduit
que dans le cadre du capitalisme international et en
défuiitive a son profit. »275
(<
La connexion interne d'un tel système est assurée a la base par les masses urbaines.
Le cycle de 1' informalité s'autotntretient par les nécessités respectives des riches et des
pauvres. Pour les premiers cités, il s'agit d'accroître rapidement un pouvoir économique lié
à des positions politiques que l'on sait volatiles. Pour les seconds, la contribution à l'essor
des activités informelles est généralement une question de s w i e . A I'illégdisme des formes
de gestion et d'appropriation des rentes se joint au Gabon l'inégaüté des Hommes devant la
nchesse, également puissant facteur de limitation de l'accès aux circuits officiels de
production et de consommation.
L'une des premières orientations de l'analyse de I'informalité économique définissait
ces activités, comme étant la recherche de revenus complémentaires, pour des personnes
dont les salaires ne sufisent plus à contrer la hausse nominale des produits primaires. On
peut donc en déduire que les revenus et pour être plus précis, le pouvoir d'achat que ces
revenus permettent d'avoir, a une influence sur l'évolution des activités informelles. Le
Gabon se caractérise par une répartition de la nchesse nationale très inéquitable. En dépit
d'une certaine opacité sur la distribution réelle des revenus dans l'ensemble de la
population, certaines domees confirment l'inégale répartition des richesses. I1 appert « que
l'inégalité dans la répartition des actifs au Gabon ait toujours été importante, ce qui laisse
supposer une forte inégalité des revenus. (..) D'autre part, en comparant la pan des revenus
-
-
Jean-Loup Amselle et Émile Le Bris: op. cit. p. 173.
du 1% supérieur de la population avec le reste, l'étude de l'OIT a conclu que moins de 1%
de la population recevait 80% du revenu total en 1975. »276
Pour sa part, l'enquête budget consommation (EBC)~'~
considère que 27% des
ménages se situent en dessous du seuil de pauvreté, (relatif ou absolu) fixé à environ 30 000
FCFA/tête/mois. Toujours de I'EBC, la distribution primaire des revenus serait tres
inégalitaire. « Avant transfert privés, (en ne retenant que les revenus du travail, les loyers et
les transferts publics), le coefficient de Gini dépasse 0,s ce qui est souvent considéré comme
décrivant une répartition très inégalitaire. ))278 On trouvera en annexe D, les données
chiffrées de I'EBC sur la répartition des revenus avant et après transferts entre les ménages
les plus riches et ceux les plus pauvres. Ces disparités de revenus sont, pour une large part,
à créditer au aain de vie de l'État, dont les dépenses de fonctiomement sont depuis
plusieurs années, supérieures am investissements en particulier dans le domaine social.
« Les dépenses d'investissement sont devenues, par
la force des choses, la principale variable
d'ajustement du budget en cette phase extrêmement
délicate de réduction prolongée des recettes. Il va de
soi que cette situation est nés pénalisante, face a une
demande sociale tres importante, dans la mesure où
I'uivestissernent public est l'un des moteurs de la
croissance, et que cette politique obère l'avenir au
profit du présent (les dépenses de fonctionnement
croissent). »279
Banque Mondiale-RépubliqueGabonaise: La pauvreté &ru une écorwmie de rente. Rappon No 16 333 GA.
2 9 Mars 1997, pp. 19-20.
? Ministère de la planif~cation:Enquête Budget Consommation (EBC).Les conditions de vie des popuiations
africaines à Libreville et Port-Gentil. Librevilie, Juin et Novembre 1994,T 1, 293p.
L'EBC a touché Libreville et Port-Gentil, les deux plus importantes villes du Gabon sur les plans économique
et dérnopphique.
-8C 1%: op. cil, p.157.
"9 Alfred Mabika Mouyama: op. cit, p.97.
r6
Graphique A: Investissement, fonctionnement et recettes totales de 1980 à 1993
Une importante partie du budget de fonctionnement de ~'fitat sert en définitive
entretenir me classe politique qui s'accapare l'essentiel des ressources du pays. L'exexnpIe
des parlementaires @riais
est Mifiant en la d k .En effet l'Assemblée nationale du
Gabon compte 120 députés pour une population estimée k un peu plus d'un mirfion
d'habitants. Le budget 1998 de cette institution s'élève A 13 milliards de FCFA, soit un ratio
annuel d'environ 108 millions FCFA par deputé. En réalité, Se revenu annuel d'un député
peut s'estimer ii partir des entrées suivantes:
salaire mensuel: 1,7 d o n FCFA, soit 20.4 millions FCFA/an
frais de souveraineté: 10 millions FCFAldéputélan
jenons de présence session parlementaire: 15 000 FCFA/jour. La session durant environ
6 mois, le compte donne: 450 000 FCFNmois, soit 2 700 000 millions FCFAlan.
Sans tenir compte des divers avantages sociaux dont bénéficient les parlementaires, on peut
estimer que chacun d'entre eux coûte à l'État, un peu plus de 33 millions FCFA/an.
A titre de comparaison, le salaire mensuel d'un député est plus de 38 fois le salaire
minimum fixé à 44 000 FCFA. Par rapport a un salarié payé au Smig a 44 000 FCFA et
dont le revenu annuel du travail plafonne a 528 000 FCFA, le revenu annuei d'un député
représente environ 62,5 années de labeur. Cela veut dire au plan statistique, qu'il faut
espérer vivre 9 années de plus que ne l'indique l'espérance de vie (l'espérance de vie à la
naissance est de 533 ans au Gabon) pour gagna durant toute l'existence, ce qu'un député
récolte en une année. Le parlement bicaméral gabonais a une chambre haute composée de 9 1
sénateurs. Ii est probable que ces derniers bénéficient, au moins, du même traitement.
Les conséquences de la concentration aux mains de la minorité dirigeante de la quasi
totalité des ressources du pays sont nombreuses. Mais, en définitive, elles panicipent au
renforcement d'une sé@gation de type économique, qui lirnite l'accès a un mieux être, à une
grande partie des populations. Dans les principales villes gabonaises qui abritent 73% de la
population @rés de la moitié de la population totale habite la capitale Libreville), cene
disparité des revenus concourt à l'essor des pratiques infomelles, désormais seuls recours
dans un environnement fortement monétarisé.
Somme toute, la contribution de la gestion de 1'~tatau développement des activités
informelles au Gabon,peut se résuma dans une double triptyque qui établit une d S h c e
de nature et non d'effets dans les origines de l'informaljté au Gabon.
Pour les dirigeants:
1- gestion kleptocratique des ressources,
2- dynamique d'enrichissemen& surplus sur la pauvreté,
3 - activités infomeiies comme instrument d'enrichissement.
Pour les populations:
1- faiblesse ou inexistence des revenus du travail salarié,
2- faibles probabilités d'insertion sur le marché du travail,
3- recours aux activités informeiles en guise de survie.
On peut s'interroger sur la préeminence de l'un ou l'autre de ces triptyques au
Gabon. A notre avis, une tentative de hiérarchisation des sources de l'informel placerait la
gouvemance de l'État au sommet de la pyramide. Le blocage smcturel de l'économie
gabonaise, pendant de son insertion dans les enjeux stratégico9tonorniques du SEM et la
fonction de relais et la dynamique d'enrichissement des élites dirigeantes, sont sans doute
les déterminants principaux d'un non-développement que l'informalisation des rapports
économiques sanctionne à la base comme au sommet.
.
Si la notion d'informel tient du manque de formes (formes imposées en I'occurence
par l'État). elle souligne par la même également l'absence des modalités qui donnent la forme
voulue. Mais encore une fois, s'agit4 véritablement d'une absence ? Nous optons plutôt
pour « une présence dans l'ombre
»$
un choix de gouvemance dont la reproduction sociale
repose sur l'enrichissement des uns (la minorité nationale et internationale) et
l'appauvrissement des autres (les masses du sous-développement).
Au Gabon, la gestion « sémieme » de l'État n'échappe pas a toutes ses logiques qui
mènent à la précarité. a la rnarginaiisation et au développement des activités informelles.
Aussi, la compréhension de cette corrélation nécessite que l'on mette en avant ces éléments
qui attestent de la pauvreté, source d'informalité.
Vn.3. La pauvreté
a Aucun doute n'est possible: quand les ressources
naturelles du Gabon seront dpuisées, les Gabonais seront
un des peuples les plus pauvres du monde. Et les villes
construites pour la minorité, nationale et étrangère, qui aura
vécu fastueusement a la faveur du "développement" du
Gabon, seront plus que probablement reconquises par la
forêt équatoriale. ))280
Selon la banque mondiale qui trace un "profil général de la pauvreté" au Gabon,
C
« les estimations sur l'évolution de la pauvreté depuis
1960 revèlent qu'en dépit d'un PiE3 par habitant parmi les
plus élevés d ' f i q u e sub-saharienne, le Gabon est
caractérisé par une forte inégalité des revenus et une
pauvreté persistante. La période de prospérité engendrée
par le boom pétrolier n'a semble-t-il pas réduit k pauvreté,
si ce n'est peut-être au Nveau des couches les plus pauvres
(pauvreté extrême). ))28'
Ces deux citations illustrent bien les paradoxes de la situation du Gabon. Riche, sous
peuplé et pauvre hier, aujourdliui et peut-être encore plus demain si l'on suit l'analyse de
Partant. Les potentialités et les énomes ressources provenant des rentes forestière, minière
et pétroiiere supposent, plutôt, une situation nettement meilleure, non pas en rapport avec
les autres pays de la région, mais au regard de la faible population du pays. On remarque au
contraire une ascension inquiétante de la pauvreté au Gabon, seul État en f i q u e noire a
"François Panant: L o f i du ûëveloppement. op. cit, p.33.
Banque Mondiale-RépuMique Gabonaise: op. cit. p. 12.
être encore classé par les organismes internationaux, au m g de pays à revenu intermédiaire.
A quoi tient alors cette pauvreté persistante ?
Le rapport de la banque mondiale sur la pauvreté au Gabon cite l'organisation
économique et les "choix stratégiques du gouvernement" comme facteurs explicatifs de la
pauvreté. « La structure économique peut être définie en termes de dotations en ressources et
de cadre institutionnel. La dotation en ressources détermine la capacité d'un pays à améliorer
les conditions de Me de l'ensemble de la population. La nature et le fonctionnement des
institutions déterminent les différences existant au niveau du contrôle des ressources
(matérielles et humaines) et le rendement de ces ressources. »282
Les inégalités décrites dans la répartition du revenu que nous soulignions plus haut
font partie intégrante de cette inéquité dans la dotation en ressources. Nous verrons plus en
avant, que ces disparités touchent également les infrastructures socio-économiques qui
concourent dans divers domaines (santé, éducation, etc.), au bien-être des populations. Le
rapport de la banque mondiale relève en plus, cinq sources de disparités conduisant a la
pauvreté, nous en examinons deux: la répartition des revenus entre les facteurs et les
institutions et les liaisons sectorielles.
La gestion de I'économie rentière gabonaise opère une distribution des revenus qui
a\-antage le capital au détriment du travail, d o s que pour les 2/3 des ménages de Libreville
et Port-Gentil, le travail constitue la source de revenu essentielle:"
reflétant justement la
situation de l'ensemble du pays. « Le revenu des ménages représente 44'9 1% des revenus
du Gabon, et le seul revenu du travail des ménages 27'91 %. Les revenus du travail des
ménages représentent donc 62% de la totalité de l e m revenus. n2"
Si pour les ménages les
revenus du travail sont la pierre angulaire, ces demiers restent en d g a du niveau des revenus
ldem. p.26.
EBC 19%: op. cil. p6û.
Banque mondiale-Republique Gabonaise: op. cit. nbdp.27.
du capital. « Sur la période 198 1-94, la part du revenu du travail dans le PIB a été
régulièrement infërieure à celle du revenu du capital » comme le montre le tableau 1 1 .
Tableau 1 1 :Part du revenu des facteurs dans le PIB du Gabon 198 1-1994 (enmilliarâs FCFA)
1 Revenu du travail I Revenu du capital
Impôts directs nets
1
Total
Source: Banque mondiale, 1997, p.27.
Il resson de ces données, qu'une part considérable de l'ensemble des revenus au
Gabon revient aux EMN, dont la participation au capital des activités les plus lucratives de
l'économie est plus que substantielle. La répartition inégalitaire des revenus dans la
population gabonaise au profit des élites dirigeantes vient renforcer les disparités et k
pauvreté.
Les liaisons sectorielles soulignent, quant à eues, la dichotomisation de l'économie
gabonaise. Les enclaves minières et pétrolières n'ont que peu de Liens avec le reste de
l'économie. L'indice d'intégration (cf. note du tableau 12) pour les branches pétrole et mines
est d'ailleurs Uiféneur à 1, alon que ces branches sont déterminantes dans la fornation du
PIB.
-
Tableau 12: les liaisons sectorielles au Gabon (1981 1989)
Intégration en aval
Intégration en mont
1981
1 Foresterie
1989
1 0'97
1 Industrie pétrolière
1 Emaction minière
1 Secteur manufacturier ( 1.17
1 Bâtiment et travaux publics 1 1,23
0'78
1,11
1'52
Services privés
1 Services publics
1981
1989
1 L34
.
1
3
.
.
-
- .. . - .--
0,911.
Source: Banque mondiale, 1997.
Note: L'indice d'intégration en aval est une mesure normalisée de l'incidence totale sur
l'économie, de I'augmentation d'une unité de la demande d'extrants produits par le
secteur en question: une valeur supirieure à 1 indique une incidence sufirieue a la
moyenne sur l'économie. Inversement, l'indice d'intégration en amont est un<:mesure
nomaliste de l'incidence sur un secteur donné de l'augmentation d'une unité de la
demande finale totale. Un indice d'intégration en amont supirieur à 1 indique que
I'incidence de I'augmentaion de la demande fmale totale sur le secteur est supCrieure a la
moyenne. Selon la méthode de Rasmussen, les secteurs ayant un indice d'intégration
supirieur à 1 sont considités comme ds secteurs clés.
Cette faible intégration des activités les plus productives est poneuse de pauvreté,
par le fait que la croissance économique ainsi enclavée, n'a guère d'effets positifs sur les
conditions réeues d'existence des populations. Les déséquilibres de répartition sont ainsi
aggravés par la structure dualiste de l'économie gabonaise et les choix de gestion de cette
économie rendent égaiement la lune contre la pauvreté plus difficile.
Quant a la politique économique, la situation actuelle de l'économie gabonaise
démontre l'inadéquation de l'usage de k rente et des stratégies anti-crise, au regard des
besoins de développement. Les grands investissements c a m e le chemin de fer « dont h
rentabilité économique reste à démontrer »285, l'endettement de l'État, la dévaluation
nominale du FCFA sont, entre autres, des mesures qui ont contribué à l'appauvrissement des
populations. Cela d'autant plus que les investissement productifs et sociaux ont été
minimisés. « Etant donné le manque de ressouces humaines et le dualisme de l'économie
gabonaise, il aurait été plus logique d'investir davantage dans les ressources humaines en
améliorant les systèmes de santé et d'éducation, le réseau routier et les communications, et
moins dans 1'infrastnicture ferroviaire et les entreprises parapubliques. ))286
En définitive. la pauvreté persistante que l'on rencontre au Gabon est bien le revers,
non seulement d'une exnaversion prononcée de l'économie, mais aussi la résultante de
stratégies de développement économique pour le moins inappropriées. L'aboutissement est
une stagnation voire un recul du bien-être.
VII.3.1. Les mesures de la pauvreté
II est difficile de mesurer l'étendue du phénomène de la pauvreté au Gabon, tant les
données en la matière sont insuffisantes. L'enquête budget consommation (EBC)réalisée
par le ministère du plan en 1994 et le rapport de la Banque mondiale de 1997 donnent toute-
fois un apperçu appréciable de la pauvreté, notamment dans les deux villes centres que sont
Librede et Port-Gentil. Les deux rapports sus-cités mesurent la pauvreté au Gabon en
érablissant des seuils de pauvreté relative et absolue.287Le seuil de paüvreté absolue est
cakulé (( sur la base du revenu nécessaire pour satisfaire les besoins nutritio~elsminimums
Idem, p.30.
"~dmi.p.31.
"
Selon I'EBC. les ménages ou individus. dont le revenu est en dessous de 30 0174 FCFAltêtelmois sont
considkrts comme pauvres. Au dessous de 18 880 FCFNt6telmois, il s'agit de pauvret6 extrême.
auxquels on ajoute une composante qui couvre les autres dépenses de base
».288
L'EBC
distingue le seuil de pauvreté absolue incluant un seuil bas et un seuil haut et le seuil de
pauvreté. Les seuils de pauvreté relative « sont évalués uniquement a partir des
caractéristiques de la distribution de revenus (ou des consommations) et non à partir de k
notion de suffisance, ou de couverture des besoins de base. »289 Pour le calcul de ces seuils,
I'EBC utilse uniquement le critère du quartile qui regroupe Ia population en quatre
catégories de 25%, allant de la plus pauvre a la plus riche.
Le rapport de la banque mondiale utilise pour sa part trois seuils de pauvreté
relative: le premier est basé sur le salaire minimum, le second correspond aux deux tiers de la
consommation moyenne et le troisième fixe un seuil de pauvreté universel de 1
dolla.r/personne/jour en unités de parité du pouvoir d'achat de 1985 (PPA).'* Ces trois
seuils de pauvreté permettent à la banque mondiale de calculer les indicateurs de la pauvreté
au Gabon.
XEJ
Banque mondiale-Republique Gabonaise: op. cir, p. 14.
= Idem.
p.140.
Pour le Gabon. ce seuil de pauvrete est fixe il 323 FCFNpers.ijow. ou encore 117 895 FCFAhn
VII.3.2. Les indicateurs de pauvreté
L'incidence de la pauvreté, appelée aussi indice par tête (Po), est la
proportion d'individus vivant au dessous du seuil de pauvreté dans
chaque région. Cet indice correspond au nombre de personnes vivant au
dessous du seuil de pauvreté divisé par la population de la région
considérée. Cependant, cet indice ne revele pas la profondeur (ou
l'intensité) de la pauvreté, c'est à dire l'écart entre le niveau du sousgroupe le plus pauvre par rapport au seuil de pauvreté. Ceci pourrait être
calculé comme la somme podérée des écarts des dépenses individuelles
par rapport au seuil de pauvreté. Ces écarts ainsi calculés sont ensuite
divisés par le seuil de pauvreté afin d'obtenir une mesure proportionnelle.
La sommation de ces écarts donne la somme pondérée des écarts. aussi
connue comme indice de profondeur de pauvreté (P 1 ).
Aucune de deux mesures mentionnées ci-dessus ne reflète le Qgre
d'inégalité (ou p v i t é ) parmi ceux qui vivent au-dessous du seuil de
pauvreté. Si un individu au-dessous du seuil de pauvreté effectue un
transfert d'argent vers un autre individu encore plus pauvre, un indicateur
devrait enregistrer un accroissement de sa pauvreté. Ces préoccupations
trouvent leur solution en prenant le carré des écarts proportionnels pour
les individus vivant au-dessous du seuil, normalisée par la population de
la région considérée. donne un indicateur de pauvreté qui intègre la
dimension d'inégalité parmi les individus au-dessous du seuil de pauvreté.
Cet indicateur est communément apppelé l'indice Foster-Greerniorbecke.(P2). Un P2 élevé signale qu'il existe dans la catégorie des
pauvres une inégalité considérable des revenus, avec des cas de pauvreté
extrêmement sévères.
,
:
t
."
.-O-%--
Source: Rapport Banque mondiale, 1997
.
P
I
C
i
.
Ces instruments d'analyse de la pauvreté donne pour le Gabon, les résultats
contenus dans les tableaux 13. 14 et 15.
Tableau 13 :Inégalités, pauvret6 et bien-être au Gabon: 1960-1994
Population (miilicrs)
1960 1968
4 5 0 . 482
1975
693
Cons. privcuhabitant (milliers de
5 1.80 56.85
156.8
1985
834
1990
938
1991
961
1992
985
1993
1994
1014
toi5
FCFA)
45
88
2 10
20
30
44
68.00
63.50
60.00
Ratio de distribution par décile (H)
8.9
12.60
14.70
Consommation privcePIB (%)
45
38
24
Indice de bien-tue (% du salaire
minimum)
23
23
30
Salaire minimum annuel (milliers
dc FCFA)
Inflation (Oh)
Seuil de Pauvreté (milliers de
FCFA) a
Indice Gini (%)
Nata: r Sur la b u e de I dollar p u jour n p u pmonnc i L PPA dc 1985.
b: En suppom! que I'inCg dit6 est h même qu'en 1975: nd :non
. - disponible
--.
Tableau 14: Tendances de la pauvreté au Gabon, 1960-1985
Incidence
IntensitE
Gravite
lncidcnce
lntcnsiti
Graviri
Incidence
Intcnsiti
Gravite
-
1968
1975
1905
Seuil de pruvrett s a h i r t minimum
86
35
87
89
53
52
60
61
38
58
47
46
Seuil de pauvreté = yJ de la consommatioa moyenne
68
67
62
62
39
55
30
30
27
21
18
18
Seuil de pauvret4 1 dollar par jour
66
57
26
15
38
27
8
4
26
15
4
1
1960
f ourct : C ~ L C UBanque
.~
Mondiale. 1995
-
9
j
1
Tableau 15 :Tendances de la pauvrete au Gabon, 1990- 1994
1992
199J
Seuil de pauvret4 = salaire minimum
199 1
1990
tncidenr:
84
lnicnsiti
Gravite
51
35
Incidence
[ntensiti
Gnviti
Incidence
Intensitt
Gravit6
61
O;
18
83
30
'
35
14
5
1
-
83
84
50
34
51
$3
50
36
jS
20 de la consommation moyenne
62
62
50
50
18
18
18
Scuil de pauvreci = 1 dollar par jour
12
IO
Il
2
2
1
1
.5
I
Scuil de pauvrtti
62
30
1994
61
;O
IS
25
7
3
Source : CalmIs Buiquc Mondiak 1993
Le constat générai que l'on peut fàire à partir des indicateurs de la pauvreté, est que
la majeure partie des Gabonais est pauvre et que cette pauvreté a peu, sinon pas ch@
dans I'ensanble de la population depuis les années 60. Calculée A partir du salaire minimum
et
des deu-tiers de la consommation moyenne, « l'incidence de la pauvreté en 1994 est
élevée (enm 83% et 62% de paume selon le seuil utiiisé) et n'a que peu diniinué depuis
1960 (entre 87% a 68%). »291 Néanmoins, il semble que la proportion des cas de paumt6
les plus p v e s (seuil & 1 dollarfpersJjour) soit en rrgressio~.« De 66% en 1960, elle est
tombée a 23%en 1994 »*%, précise Chrystel Monnard. Un satisfecit qui ne saurait cacher la
dégiadanon, ces demières annéees, de k situation de l'ensemble des Gabonais. Le seuil de
pauvreté universel (1 doUar/jour) indique une aggravation de la situation entre 1992 et 1994.
Comment le phénomène de la paumté se présente-il dans les villes du Gabon ?
La pauvreté urbaine est mesurée par les seuils de pauvreté. L'EBC sur Libreville et
Pon-Gentil constate que « 37% de la population africaine des deux villes appartient à des
Banque mondiale-République Gabonaise: op. cit, p. 15.
g1
"Jeune Afrique: op. cir. p. 1 1 1.
ménages situés en dessous du seuil de pauvreté absolu.^"^ Le seuil de pauvreté alimentaire,
c'est à dire une ration pouvant foumir 64 000 caljmois, est fixé a 18 880 FCFA/tête/mois.
Selon I'EBC, « 11% de la population composant les extrêmement pauvres disposent de 12
372 FCFA/mois, ce qui les situe très en dessous du seuil alimentaire. »294 Le seuil de
pauvreté relative qui retient les 25% des individus les plus pauvres selon le revendtête et
dont la valeur est de 29 129/tête/mois, nous montre que 1 8% des ménages sont en dessous
de ce seuil; alors que dans l'ensemble cette population, cette valeur passe à 25%.295 Mais il
reste qu'à
({
Libreville et Port-Gentil, (...) 20% des habitants subsistent (...) avec moins de
29 000 FCFA par mois. »2% Aussi, le rapport de la Banque mondiale donne les chifies
suivants:
a) 9% de la population concernée vit en dessous du seuil alimentaire minimum et a une
couvemire de ses besoins en dessous du standard de 3 1%,
b) « Dix-neuf pourcent des individu (environ 96 000 personnes) disposent d'un revenu
inférieur au seuil de pauvreté absolue. »"'
Tableau 16: Indicateurs de pauvreté de Libreville et Port-Gentil
Seuil de pauvreté
SeuiI de pauvreti
absolue:
relative:
18 000
39 000
59 O00
lncidrnce (Po) en %
9.0
18.9
25
Intensité (P1) en %
31
36
nd
2.9
6,7
nd
Seuil de paumté
1
alimentaire:
1
1
Sui1 de pauvreté (revenu/moisl'UC)
en FCFA
Grdvitt: (PZ)en %
1
Taille moyenne des minages
C
1
Source: Banque mondiale, 1997.
EBC 1994: op. cir. p. 139.
Idem, p.142.
;195 Idem, p.15.
9<
296
Jeune Afnque: op. cir, p. I l 1.
Banque mondiale-Rtpubiique Gabonaise: op. cit, p.37.
nd
7,9
1 0,7
1
1
I
conditions de vie des citadins gabonais, d'une part; et de l'appropriation par les acteurs du
SEM de I'essentiel des ressources du pays d'autre part. Dans cette optique, l'économie
informelle ne peut être d'un point de vue des origines, le sujet d'une histoire nouvelle des
sociétés du Tiers-monde (elle peut le devenir), mais elle n'est non plus un effet de
conjoncture, c'est une réaction de survie dans un espace où les idgalités créent une rareté
extrême.
204
CONCLUSION GÉNÉRALE
Au terme de cette étude, il convient de rappeler la question sur laquelle repose
l'ensemble de la problématique: quelles sont les causes de l'essor des activités informelles au
Gabon ? La question est d'autant plus importante qu'elle s'applique a un pays de fàible
étendue, avec une population estimée à un peu plus d'un W o n d'habitants et également
très riche si l'on tient compte des faits sus-cités, ainsi que de la situation économique de la
plupart des pays d'Afrique noire.
En guise de réponse a la question des déterminants de I'inforrnalité, une revue de la
littérature met en lumière essentiellement trois modèles qui rendent compte de l'évolution de
la question de l'informel dans le Tiers-monde: les approches économiques évoquent tour à
tour. la transition vers le capitalisme, la sectorialisation de l'économie et la soumission des
formes de production au capital. Les politiques nées de ces analyses tentent d'intégrer, par
divers mécanismes, les activités informelles dans le système moderne. Opérations dont
l'échec suscite un discours différent amorcé et systématisé par les analyses socio-culturelles
de I'informalité.
La démarche socioî.ulturelle met l'accent dans une première phase sur la
marginalisation urbaine, la déviance sociale et le phénomène de la pauvreté. Ensuite elle
analyse l'informel en termes de contre-culture et d'avènement pour les peuples du Tiersmonde d'une nouvelle voie & développement que trace le génie créateur informel. L'analyse
de l'économie informelle par les thèses cultudistes souligne un double mouvement: le rejet
par les peuples des pays sous-développés de l'homo oeconomicus occidental et 1-'tion
d'un modèle de régulation sociale différent de celui des sociétés occidentales. Ce renouveau
prend sa source dans ce que Latouche apelle la souche sociétale. Cette demière repose, en
Afnque par exemple, sur les liens de solidarité claniques que le capitalisme individualisant
contribue a défaire.
Les analyses politiques, quant à elles, interrogent l'institution étatique dans sa
fonction de régulation des activités socio-économiques. En fait, I'analyse politique hérite des
thèses culniralistes la volonté d'examiner la problématique de I'informalité dans le cadre du
fonctiomement global de la société. En ce sens, les enjeux de fond relèvent plus d'un
rapport entre l'État et les citoyens problématique dans les pays sous-développés. Ce que
nous appelons le "sous-État" souligne la non observation des formes réglementaires
imposées par l'État, la montée des activités informelles étant amibuable à la faible capacité
d'intégration des activités économiques dans le moule moderne. par les pouvoirs publics. En
somme. la problématique de l'informel dans le Tiersmonde commande la restauration de la
fonction de régulation de l'État. Un second courant de l'analyse politique de l'informel
inverse la proposition précédente. L'inforrnalité renvoie dans ce raisonnement à la présence
contraignante de la législation étatique dans l'économie. Les activités infomelles sont un
choix consécutif à un calcul rationnel du coût de la légalité et celui de l'informalité. Dans
cette optique, seule la déréglémentation peut libérer l'espace des activités économiques et
permettre le contrôle de toutes les activités économiques.
Les approches économiques, socio-culturelles et politiques constituent le champ
d'interprétation de Ifinformalitédans les pays sous-développés. Elles mettent en évidence
des thèses quelquefois opposées, mais, qui reflètent la diversité des situations et l'evolution
des rapports socio-économiques dans le monde sousdéveloppé. A quelle articulation de ces
rapports l'étude de I'idormel au Gabon nous ramène-t-elle ?
La problématique de l'informel au Gabon nous paraît en dernier ressort inséparable
de la question plus globale du développement de ce pays. On peut à plusieurs égards
emprunter a Max Weber la notion d'homologie stnmu.de dans l'analyse des questions de
développement et d'informalité au Gabon. Autrement dit, la recherche des origines de la
montée des activités informelles au Gabon, renvoie a un niveau de déterminations plus élevé,
am sources du sousdéveloppement qui marque la société gabonaise. Les conclusions des
études sur la situation socio-économique des Gabonais convergent vers un même constat: la
majeure partie de la population est pauvre alors que le pays dispose de ressources énormes
au regard a sa population.
La question de l'infomalité au Gabon est essentiellement corrélative au modèle
d'insertion de ce pays dans les échanges internationaux. Quelques fhgments d'histoire nous
rappelent que le Gabon a été une colonie fianese dont I'exploitation des richesses plonge
très tôt le pays dans la logique du capitalisme international. A l'instar des autres colonies
d'exploitation, les produits gabonais sont destinés à 1'approvisionnement de la métropole.
ceci au détriment de la construction d'une économie locale pouvant générer une véritable
amélioration des conditions de vie des Gabonais. L'extraversion économique est une
construction historique dont la gestion échoit, à l'heure de l'indépendance, a une élite
dirigeante locale. Le choix de la continuation de l'exploitation et de l'exportation des
matières premières dont regorge le pays est vite fait, d'autant plus qu'il génère facilement
des richesses.
Le modèle d'analyse de la problématique de l'informel que nous avons établi est
tributaire de cette proposition selon laquelle, la montée de l'informel au Gabon procède des
logiques inhérentes à l'exploitation économique, par le capitalisme mondial. Le choix de
notre modèle d'analyse repose sur la proposition suivante: la structure de I'économie
gabonaise et les choix de développement des dirigeants sont liés aw impératifs du
capitalisme international. Cene structure économique et ces choix de développement
aboulissent à la croissance des activités uifonnelles. La compréhension de ces mécanismes
met donc en &ne un cenain wmbre d'acteurs que nous avons regroupé au sein du site
économique mondial (SEM).Cette notion répond à une double préoccupation: mettre en
évidence le caractère international des acteurs du SEM et répondre à certaines analyses du
sous-développement selon lesquelles les cultures du Tien-monde et notamment afkaines
seraient les principaux k i n s du développement. L'analyse sitieme classique suggère que les
politiques de développement tiennent compte de ces contingences cultc~iles! d e s . La
thèse de (( la dimension culturelle du développement D aura été le modèle conceptuel de cette
dérnarche,
Cette approche quant à nous fait l'impasse sur
((
ce qui marche », c'est-àdire
1' insertion des économies sousdéveloppées dans les échanges internationaux, pl us
précisément leur spécialisation dans la production des matières premières. L'extraversion et
la spécialisation de l'économie du Gabon, le rôle des EMN, l'aide liée et son corroilaire k
dette sont, entre autres, les facteurs de sousdéveloppement du Gabon qu'il nous parait
difficile de relier aw cultures autochtones. A notre avis, les enjeux sont autres,
l'interdépendance qui caractérise l'économie mondiale commande un certain fonctionnement
de cette dernière et selon certaines modalités. L'unique crédo du capitalisme est la réalisation
de profits. dont l'usage permet par ailleurs d'améliorer les conditions d'existence. Mais est-
ce le cas dans le Tiers-monde et au Gabon ?
C'est dans cette ligne de réflexion que notre « site N tente d'éclairer la problématique
de l'informel à partir des pratiques capitalistes à l'échelle du monde et des intérêts des
acteurs du SEM. Les EMN, les organismes internationaux de financement et les élites
dirigeantes locales sont les acteurs d'une économie mondialisée qui se caractérise de plus en
plus par les écarts dans la répartition des richesses et l'accès au bien-être.
L'analyse de la situation économique du Gabon et dans une certaine mesure
I'obsen-ation font apparaître une montée des activités informelles. Elle met également en
lumière les raisons de l'expansion de ce phénomène que les officiels ont vite fait de mettre
au compte de la n i s e économique. Certes, la baisse des ressources de la rente a pour
conséquences cies politiques restrictives d'ajustement économique, mais il reste que la
structure et la gestion économique du pays sont les facteurs les plus déterminants. Nous
avons effectivement démontré que la structure économique du Gabon caractérisée par
l'exploitation de matières premiéres non renouvelables, la non transformation sur place de
ces produits et la part considérable du capital étranger dam les activités les plus productives
etc., fait que nous sommes en présence d'une économie s~ucturellementbloquée et
incapable d'une dynamique de création d'emplois. L'exploitation minière et pétrolière. nous
l'avons vu, est peu créatrice d'emplois. En plus du fait qu'elle obére le Gabon
d'importantes ressources fiaancières via les EMN qui la contrôle, elle est également à
l'origine du mal néerlandais qui porte préjudice aux autres activités économiques. De quelles
solutions dispose alors un pays comme le Gabon, pour répondre aux besoins d'emplois des
populations, lorsque l'exploitation minière et pétrolière est la principale activité
économique?
Muraris mutandis, la politique économique menée par les dirigeants est loin d'être un
exemple d'orthodoxie de la gestion du développement. A la kleptocratie s'ajoutent les
investissements non rentables, le délaissement des infrastructures socio-économiques (santé.
éducation etc.) et la concentration au profit des dirigeants de l'essentiel des ressources du
pays. Tous ces facteurs concourent à un appauvrissement des populations que constatent
toutes les recherches sur le sujet. L'analyse des effets de la structure économique et de la
gestion du Gabon par les dirigeants corrobore très largement les hypothèses émises dans le
cadre du présent travail. L'ouverture du Gabon au capitalisme international, s'il a permis
dans un premier de temps au pays de bénéficier de rentes importantes. a eu aussi pour
conséquence une économie non diversifiée où le chômage prend des proportions alamiantes.
Aussi, nous pensons que l'inegde répartition des richesses participe pour beaucoup au
phénomène de la pauvreté au Gabon.
L'avenir de l'économie informelle urbaine est assuré au Gabon. Les acteurs du SEM
et les populations des villes gabonaises offrent un terrain fertile au développement de
l'économie parallèle et des activités de s w i e , mais avec toutefois des motivations
différentes. Pour les acteurs du SEM,il s'agit de la course efEénée à l'enrichissement, alors
que les pauvres tentent de survive dans le marasme économique.Peut-il en être autrement ?
Les propositions que nous annoncions dans le cadre du modèle d'analyse ont été.
nous l'avons dit, largement recouvertes par les analyses de la m a u r e économique et de la
gestion de l'État. Les r4sultats des investigations sur le rôle du SEM dans l'économie
gabonaise sont assez déconcertants. L'échelie des aptitudes du SEM, par exemple, suggère
en filigrane une idéologie peu encourageante pour les pays actuellement aw prises avec des
difficultés économiques d'ordre structurel. C'en comme si les zones privilégiées, celles
habilitées à ia production à haute valeur ajoutée, aux technologies de pointe etc., étaient
hermétiquement fermées aux pays sous-développés. Le developpement économique
s'apparente dans cette logique, à un "club sélect", où les avantages reviennent encore et
toujours à ceux qui sont dpja avantagés. La théorie ricardienne des avantages comparatifs est
elle même rendue désuète par les écarts technologiques, qui permettent aux nations
industrialisées de devancer les autres, même au niveau des productions pour lesquelles les
pays sous-développés auraient pu garder un cenain avantage. Les innovations
technologiques transforment les processus de production, augmentant ainsi le sérieux
préciput en la matière des zones nanties. C'est le cas notamment dans les énergies de
substitution que développent les pays
industriaiisés et même dans l'industrie
man ufacturière,
L'hypothèse du blocage structurel aurait pu être sujet a caution dans la recherche des
causes de I'infomalité. Mais la structure économique spécialisée et extravertie du Gabon. la
faiblesse des emplois crées dans les secteurs minier et pétrolier par les EMN accentuée par
le non réinvestissemnet sur place dénonnes capitaux, confirment cette proposition. Rongée
par le mai néerlandais, l'économie gabonaise ,5prouve de graves difficultés à se divenifier,
créant par là même les emplois dont elle a besoin. Les dérives de la gestion de l'État étaient a
priori une des causes de l'essor des activités informelles au Gabon. Une certaine expérience
empirique guidait cetv appréhension, que les recherches d'organismes nationaux et
internationaux sont venues confirmer. En effet, les inégalités de répartition des richesses et
des infrastructures socio-économiques de développement ont engendrées richesse et
pauvreté, respectivement pour les dirigeants et les masses populaires urbaines, avec au
bout, la même sanction: le développement des pratiques informelles. L'ensemble de ces
facteurs permet en définitive une dflexion nouvelle sur la problématique de l'informel au
Gabon, à la fois sur l'objet d'étude empirique et sa connaissance théonque.
La présente étude a été l'occasion d'une connaissance renouvelée de la problématique
de l'informel au Gabon. Un premier élément est la diffusion de I ' i n f o d t é dans toutes les
sphères de la société gabonaise. Le champ de l'informalité n'est nullement cuconscnt snor
stéréotypes que sont les commerçants ambulants et autres petits métiers, il comprend
également les pratiques de gouvemance de l'État. En d'autre termes, la montée de l'informel
au Gabon se présente comme le fait de la conveqpce de ces facteurs. Nous parlions,
antérieurement, de la connexion interne d'un système global de gestion de l'économie ou les
inégalités sont notoires. La fonction des activités informelles dans ce contexte est double:
Une première dimension serait de permettre aw acteurs locaux du SEM de prélever un
surplus sur le travail (les rentes incluses), base des inégalités de répartition; alors que la
seconde dimension de la fonction de l'informel revient a "colmater les brèches" créées par ces
inégalités, base de la pauvreté. Ceci permet aussi de remodeler "l'image accoustique" à
laquelle renvoie traditionnellement l'informel dans les pays sous-développés, c'est-à-dire les
petits métiers. Les pratiques informelles sont présentes autant dans le commerce ambulant
que dans les grandes institutions formeiles (État et entreprises), tout autant que les actifs
informels sont dissémines dans ces sphères. Mais l'informel ne d e r m e pas que ces
fonctions, il convoque d'autres facteurs qui s'établissent cette fois sur le plan théorique.
L'orientation que nous avons adopté est exclusive de certains modèles d'analyse,
notamment les approches économique de la transition et sectorielle. La théorie de la
transition a été non seulement démentie par la croissance des activités informelles. mais
également par la reconnaissance du caractère m c w e l des ces activités par les thèses
sectorielles. Ces dernières également sont aujourd'hui inopérantes. L'homogénéité des
activités informelles qui justifiait la distinction sectorielle a été battue en brèche par
l'interpénétration avérée des deux secteurs et la difficulté m&hodologique que pose cette
dichotomie.
Notre rapport avec les analyses cuituralistes de l'informel se situe dans une double
dimension temporelle. A court terme, l'optimisme ambiant de l'avénement d'une "autre
société" ne nous semble pas réaliste. La mise en place de structures ~ n o m i q u e s
communautaires informelles dans certains pays ne sape pas pour étant les fondements du
capitalisme régnant. Mais une détérioration continue des conditions d'existence des
populations pourrait, à long terme, enclencher un tel mouvement rendant ahsi possible une
véritable "révolution informelle" capable de réguler la société globale dans le Tiers-monde.
Mais nous sommes encore loin d'une p a ~ i l l eéventualité, d'autant plus que l'économie
capitaliste est toujours fon attrayante.
Par contre, notre analyse s'inspire des analyses politiques, par le rapprochement au
fonctionnement de l'État et a la démarche systémique qui, situe la problématique de
l'informel dans la saisie globale de l'économie capitaliste. Ces similitudes s'accompagnent de
nuances importantes. En effet, aussi critiques que sont ces deux approches vis à vis des
analyses sectorielle et de la transition, elles relèvent dans une large mesure de la critique
interne. soit de la régulation étatique. soit de la dichotomie formel-informel dans une même
économie. Notre démarche permet une approche de l'informel qui présente un triple intérêt
théorique:
1. La concephialisation de l'informel dans le contexte des relations économiques
internationales, plus précisément dans la confirmation de l'idéologie du capitalisme libéral
comme facteur de régulation universel des sociétés contemporaines. Ce qui entraîne:
2. La mutation conceptuelle de l'informel. Reconnue comme étant "analytiquement faible",
le concept d'informel traduit désormais le blocage structurel des économies sousdéveloppées qui procède de l'échelle des aptitudes du SEM.
3. Enfin, le concept d'informel se rattache également aw stratégies d'enrichissement des
auteurs des inégalités de répartition dans les pays sous-développés, c'est-à-dire les élites
dirigeantes, relais du SEM.
L'un des enseignements que l'on tire de cette analyse est la remise en cause de la
notion de secteur, qui tente de circonscrire I'infomalité au Gabon, à un type d'acteurs
particuliers (les pauvres, le petit commerce etc.). La contribution de l'économie moderne
mondiale et des dirigeants à l'essor de l'infomalité limite la portée de cette notion au Gabon.
Nous pensons que les notions de pratiques ou activités informelles traduisent mieux l'origine
étendue et diffuse de l'inforrnalité au Gabon.
Le modèle d'analyse que propose notre étude permet de reposer la problématique de
l'informel dans le contexte contemporain. L'hégémonie du capitalisme libéral dans le monde
est une évidence de nos jours autant que l'interdépendance économique. L'économie
mondiale capitaliste n'a rien de fortuit, il s'agit comme nous l'avons montré, d'un système
possédant des règles précises de fonctionnement. L'une de ces kgles est de tirer le meilleur
parti dans chaque région du monde pour les acteurs du SEM , nonobstant d'éventuelles
conséquences néfastes.
L'analyse des fondements de l'informel, telle que présentée dans notre modèle.
suscite quelques reflexions qui peuvent enrichir son apport théorique. Premièrement, à
quelles institutions échoient véritablement les stratégies de développement du Tiers-monde,
surtout pour les pays comme le Gabon qui disposent de matières premières mondialement
commercialisables ? La question qui se pose ici est celle de l'autonomie des gouvernements
nationaux devant les forces économiques planétaires dont les EMN et les organismes de
hancement sont de dignes représentants. Le poids financier excessif' des EMN dans
I'économie gabonaise, la position de débiteur de l'État gabonais auprès des bailleurs de fonds
sont questiomables quant à leurs implications au niveau des politiques de développement.
La montée de la pauvreté et de I'infonnel au Gabon n'est-elle pas à mettre au crédit de ta
négligence des intérêts nationaux au profit du capital international et dune mondialisation
qui appauvrit encore plus les pauvres?
La question de la dette est certainement celle qui fait apparaître la préeminence dans
les choix de politique économique du Gabon des intérêts du capital étranger. Fon de son
statut de pays a revenu intermédiaire, le Gabon retournera à ses créanciers étrangers au titre
des intérêts sur la dette, la presque totalité de ce qu'il reçevra en 1998 de la vente du pétrole.
La seconde question que suscite notre approche des pratiques informelles est d e de leur
rappon a la modernité. référent générai sur lequel repose le développement de type
industriel. L'analyse de l'informalité a généralement pour cadre de fond la crise de la
modernité dans le Tien-monde. Les approches culturalistes ont d'ailleurs construit leur
analyse autour de ce constat. On peut tout de même se demander si l'essor de l'informel au
Gabon est en liaison avec cette aise de la modernité et même s'il s'agit réellement d'une crise.
Sur le plan des statistiques économiques, il est évident que la baisse des rentes et le
niveau de la dette ont enminé une mpture, et joué défavorablement sur l'activité
économique. On pourrait parler évidemment de crise au niveau pratique de la gestion
économique. Par contre, l'idéal progressiste de la modernité que reproduit la DIT dont nous
avons montré la complicité active dans la problématique de l'informel ne semble souffrir
d'eucune crise. Ce n'est pas parce que les pays sous-développés vont mal que la modernité
est en crise. Les manifestations empiriques même détestables d'une idéologie, ne la remettent
pas forcément en question en autant que les logiques de cet idéal sont respectées. Nous
voulons parler ici de la rationalité du SEM et de la DIT.
Au niveau de la DIT et du SEM, l'application de l'échelle des aptitudes vise
cenainement des objectifs de rationalisation de la production mondiale et de maximisation
des profits. ce qui est également rationnel dans l'entreprise capitaliste que mènent les EMN.
Les effets induits par ces rationalités (l'informel par exemple), par ailleurs prévisibles, ne
peuvent à notre avis être interprétés en termes de crise. Ni une aise des pratiques et encore
moins une crise de l'idéal de la modernité. Il s'agit des conséquences normales de la structure
de l'économie mondiale et de la façon dont elle répartit sa production. Au niveau local, les
activités informelles ressortent également de l'application de ce même type de rationalité
pour une fin. La dynamique d'e~chissementdes élites est un fait rationnel dans un système
de développement mimétique et une économie mondiale qui admettent les inégalîtés aussi
grandes soient-elles. De l'autre côté, les stratégies de suMe des masses urbaines pauvres
sont égaiement rationnelles du fait qu'elles constituent souvent le seul moyen d'assurer son
existence. En réalité, il est difficile d'affirmer que l'essor des activités informelles est dû à une
crise de la modernité. Cet idéal n'a d'ailleurs jamais été exclusif de toute manifestation
néfaste au niveau empirique.
La problématique de l'essor de l'informel au Gabon, dans le contexte de l'économie
mondiale suggére quelques réflexions quant à la lune pour le développement et le bien-être
des populations. L'extraversion de l'économie et la spécialisation peuvent être des facteurs
de croissance et non de développement. Celui-ci implique une diversification des activités au
sein de l'économie et une certaine autonomie vis-à-vis des fluctuations des marchés
internationaux aggravées par les instruments de domination que sont le capital et la
technologie. 11 convient dans un pays comme le Gabon potentiellement riche de s'assurer
que le recours? souhaitable, à I'investissement extérieur et aux technologies de pointe
contribue a solidifier l'économie nationale et non à la fkgîliser. Pour cela les choix de
développement et la gestion de l'État doivent prioriser les secteurs productifs de l'économie
autres que les mines et le pétrole dont la santé et l'éducation des populations par exemple.
La bonne gouvemance que prônent les organismes internationaux signifie, non seulement
faire des choix économiques judicieux, mais également la rigueur et l'équité dans la gestion et
la répartition des ressources dont disposent le pays. C'est à ces conditions que les
politiques de l'État gabonais qui visent l'intégration des activités infornielles au sein de
l'économie moderne auront un écho fivorable et contribueront a l'amélioration des conditions
de Me dans les villes gabonaises.
215
Bibliographie*
Ouvrages:
ADAIR, Philippe: L 'économie informeUe: Figures et discours. Paris, Anthropos, 1985,
180p.
ALHIANGA, Martin: Strucmres communautaires tr~ditionnelles et perspectives
coopératives dans la société Mogovéenne. Rome,Éd. Roma, 19 7 6 , 6 2 5 ~ .
ALTHABE. Gérard : Urbanisation et enjeux quofidiem. Paris. Albin Michel, 1993,
4 12p.
AMSELLE, Jean Loup : Logiques métisses: anthropologie de l'idenrité en Afrique ez
ailleurs. Paris. Payot, 1990,257~.
ARCHAMBAULT, Édith
et
GREFFE, Xavier (dir.), Les économies non oBcie/les.
Paris. La Découvene, 1984, 247p.
ARELLANO, Rolando; GASSE. Yvon et VERNA, Gérard (dir.), Les entreprises
injrmelles dans le monde. Québec, PUL, 1994,484~.
ASSIDON. Elsa: Les théories économiques du développement. Paris, La Découverte.
1992.124~.
* Les ouvrages cités dans le texte sont indiqués par la puce en ps
AZEVEDO, Béatriz: Secfew informel: lo nature et l'évolurion du concept dans
1 'Amérique Latine. Gresal, n 93-04, 1993,38p.
BARR0 CHAMBRIER, Hugues Alexandre: L 'économie du Gabon. Paris, Oeconornica,
1990,355~.
BAYART, Jean-François; ELLIS, Stéphen et HIBOU, Béatrice: La criminalisution de
1 'État en Afiique. Paris, Ed. Complexe, 1997, 167p.
BENOT, Yves : Qu 'est-ce-que le développement ? Paris, Maspero, 1973, 185p.
BERTHOUD, Gérald : R était une fois le développement. Lausanne.
a.d'en bas, 1986,
155p.
BESNARD, Philippe; BORLANDI, Massimo et VOGT, Paul (dir.), Division du navail
et lien social. Paris. PUF, 1993,329p.
BOUQUEREL. Jacqueline : Le Gabon. Paris, PUF,Coll. QSJ. 63. 1970, 127p.
CANEL, Patrick : Construire la ville qfiicaine. Paris. KanhaldACCT, 1970. 197p.
CANNAT. Noël : Le pouvoir des exclus: pour un nouvel ordre culttrrel rnondiol. Pans.
L'Harmattan, 1990,204p.
CANPJAT, Noël : Sous les bidons, la vifle: de Manille à Mexico a truvers les bidonvilles
de l'espoir. Paris, L'Harmattan. 1 9 8 8 , 2 5 0 ~ .
CERQ: L 'organisation du travail et ses formes nouvelles. Paris, kd.Centre d'Études et
de Recherche sur les Qualifications, 1977,292~.
CLAPIER VALLANDON, Simone: Panorama du culturalisme. Paris, Éd. Epi, 1976,
236p.
COQUERY-VIDROVITCH,Catherine
: Décolonisations et nouvelles dépendances:
modèles et contmmodèles idéologiques et culturels dans le Tiers-monde. Lille, PU.Lille,
1986.283~.
COQUERY-VIDROVITCH, Catherine :Histoire des villes d'Afrique noire, des origines
à la colonisarion. Paris, Albin Michel, 1993,4 12p.
COQUERY-VIDROVITCH. Catherine et NEDELEC, Serge (dir.), Tiers-Mondes:
L 'informel en question ? Paris, L'Harmattan, 1 99 1 , 2 8 5 ~ .
COQUERY-VIDROVITCH, Catherine: Le
Congo au temps des compagnies
concessionnaires. Paris , Mouton & Co, 1972,498p.
COL'RCIER Michel et MALSOT, Jean (dir.), L4 spécialisation iniernutionde des
industries à l'horizon 1985. Commissariat général du plan. Paris, La documentation
frmçaise. 1 9 7 8 , 3 7 0 ~ .
COUTROT, Thomas et HUSSON,Michel: Les destins du Tiers-Monde. Analyse, bilan
et perspectives. Paris, Nathan, 1 993,208~.
DE LA CHARRIERE, Guy:La nouvelle division intermiionde du navoil. Génève/Paris,
Librairie Droz, 1 969, 3 50p.
DE SOTO,Hemando: L 'autre sentier. La révolution informelle dans le Tiers-monde.
Paris,La Découverte, 1994, 244p.
DEBLÉ.Isabelle et HUGON,Philippe (dir.), Vivre et survivre dans les villes afiicaines.
Paris,PUF/IEDS, l982,3 1 Op.
DOMINGO, Jean: Espaces africains en crise: formes d'adaptation et de réorganisation.
Reims. & . ~ n g ~1993,
,
1 53p.
DUMONT, Fernand :Le lieu de l'homme. Montreal, E~.HMV.1968.733p.
DUPRÉ.Géorges : Un ordre et sa destruction. Paris. ORSTOM, 1982,446p.
DURKHEIM, Émile : Les règles de la méthode socio/ogique. Paris, PUF, 1968. 149p.
DURKHEIM, Émile: De lu division du havail social. Paris. QuadrigelPUF, 1986.4 16p.
ELA. Jean Marc: La ville en Afrique noire. Paris,Kanhala, 1983,219~.
ETOUNGA MANGUELE, Daniel: L 'Afique a-1-elle besoin d'un plan d'ajustement
d u r e l ? Paris,Edit. Nouvelles du Sud, 199 1, 1 54p.
GORZ. André: Critique de la division du navail. Paris, Seuil, 1973,295~.
GRIMAL, Henri: La décolonisation de 1919 b nos jours. Paris, Éd. Complexe, 1985,
HERMANN, Jacques : Les langages de lu Sociologie. Paris, PUF, 1983, 127p.
HUGON. philippe, NHo LE ,Abadie
et
MORICE, Alain: La petite production
marchande et l'emploi dans le {(secteur informel »: le cas ofkain. Paris, IEDS, 1977,
272p.
ILLICH. Ivan: Le travail fantôme. Paris,Seuil, 198 1, 1 62p.
IRCOM: Lu notion de moderne, rnoderni!é. modernisme. Paris, Université de ParisSorbonne, 1975, 1 4 3 ~ .
KABOU. h e l l e : Et si 1'Afrique refiLFuit le développement ? Paris, L'Harmattan, 199 1.
208~.
LACHAUD? Jean-Pierre: Le secteur informel et le marché du fruvail en AJSique au Sud
du Sahara. Genève, E S , 1988,38p.
LALÈYÊ, Issiaka-Prosper; PANHUYS, Henry; VERHELST. Thierry et ZAOUAL.
Hassan (dir.), Organisations économiques et cul~uresqtiicaines. De 1 'homo oeconomicus
à I 'homo situs. Paris, L'Harmattan, 1996, 500p.
LATOUCHE, Serge: Luplanète des naufragés. Paris, La Découverte, 1991,235p.
LATOUCHE, Sage: L 'économie devoilée. Du budget familial a u contraintes
planétaires. Paris, Éd. Autrement, 1995, 199p.
LAUTER, Bnino: L 'économie informeelle dans le Tiers-monde. Paris, La Découverte,
1994. 125p.
LAUTIER, Bruno; DE MIRAS, Claude et MORICE, Alain: L 'Etar et 1 'informel. Paris,
L'Harmattan, 1991,211p.
LEVESQUE, Benoît: L 'autre économie, une économie oltewtive ? Montréal. PUQ,
1989, 372p.
LUBELL, Harold: Le secteur Nlformel dans les années 80 et 90. Paris. OCDE,
1991,
138p.
MABIKA MOUYAMA, Alfred: Stratégie de rédéploiemeru de I'économie gabonaise.
Louvain-la-Neuve, Académia 1994,33 1 p.
METEGUE N'NAH, Nicolas: L'implantation coloniale au Gabon. résistance d'un
peuple. Paris, L'Harmattan, 198 1, 1 1 9p.
MORICONI-EBRARD, François: L'urbanisation du monde depuis I950. Paris,
Anthropos, 1993,3 7233.
NZE-NGUÉMA, Fidèle Pierre: Modernité tiers-mythe et bouc-hémisphère. Paris, Éd.
Publisud, Coll. Perspectives Aîticaines, 1989, 1 72p.
22 1
PAQUOT,Thierry: Homo urbanus. Paris,Éd. Du Félin, 1990. 177p.
PAQUOT,Thierry: Yilleset civilisations urbaines. Paris, Larousse, 1992, 189p.
PARTANT, François: Cette crise qui n'en est pas une. Paris, L'Harmattan, 1994,290p.
PARTANT, François: Lu fin du développement. Paris, La découvenefMaspero, 1987,
186p.
PENOUIL. Marc et LACHAUD, Jean-Piem: Le développement spontané. Les ac~ivizés
informelles en Apique. Paris, Pedone, 1985, 303 p.
PONCELET. Marc : Une utopie post-tiersmondiste: la dimension culturelIe du
développement. Paris, L'Harmattan. 1994,366~.
POURTIER Roland: Le Gabon Tome 1: Espace-histoire-société. Paris. L'Harmattan,
1989.254~.
POURTIER. Roland: Le Gabon. Tome 2: Étut et développement. Paris. L'Harmattan,
1989,351~.
QLIVY, Raymond et CAMPENHOUDT, Luc Van : Manuel de recherches en Sciences-
Sociales. Paris, Bordas, 1 988, ?7 1p.
REMONCHAMPS , Robert :Créativité et chungements socio-cuit urels. Bruxelles. Éd.vie
ouvrière- 1 976, 119p.
REICHERT, H ~ Met REMOND,Jean Daniel: Analyse sociale de lo ville. Paris, Masson,
1980,226~.
&MY, Jean et VOYÉ, Liliane: Lu ville et I 'urbanisation. Paris. Duculot, 1974,252~.
&MY, Jean : Méthode d'analyse de conlenu et Sociologie. Bruxelles, Fac. Univ. St-
Louis, 1990,24 1p.
RIST. Gilbert: Le développement. Histoire d'une croyance occideruale. Paris. Presses des
Sciences Po, 1997,426~.
ROUBAUD. François: L 'économie informelle au Mexique. De la sphère domestique ii la
dynamique macro-éconornique. Paris, Karthiilafûrstom, 19 9 4 , 4 5 3 ~ .
SÀNCHEZ. Juan Carlos et DESJELJX, Dominique (dir.), Lu culture, clé du
développement. Paris. L'Harmattan, 1 994, 1 95p.
SAYTOS. Milton: Les villes du Tiers-monde. Paris,Ed. M.-TH. Génin. 197 1 . 4 2 8 ~ .
SAUVY, Alfred: Le travail noir et ['économie de demain. Paris, Cdmann-Lévy, 1984.
304p.
SCHWARZ. Alf : Les dupes de la modernisation: déveioppemenr urbain et sous-
développernenfen Afiique. Montreal, Nouvelle optique, 1983,293p.
SCHWARZ. Alf : Les faux prophètes de liifrique ou l'Afi(eu)canisrne. Québec, PUQ.
1980.243~.
SÉRIS, Jean-Piem: Qu 'est-ce que lu division du travail ? Paris, Librairie philosophique
J. Vrh, COU.Pré-textes, 1994, 1 2 7 ~ .
SETHURAMAN, S.V.: The Urban Informal Sector in Developing Counnies. Geneva,
ILO,198 1 , 7 2 5 ~ .
SHAYEGAN, Daruis : Le regard mutilé: schyzophrénie culfurelle,pays trodirionnelsfaFe
à la mudernite. Paris. Albin Michel, 1989,247p.
SMITH. Stéphen et GLASER, Antoine: Ces messieurs Afrique 2. Des réseam a u
lobbies. Paris. Calmann-Lévy, 1992,286~.
TÉvoÉDIRÉ, Albert : La pauvreté, richesses des mtions. Paris, Éd. Économie et
Humanisme, 1978,207~.
TURNHAM, David. SALOMÉ, Bernard et SCHWARZ. Antoine (du.). h.ouvelIes
approches du secteur informel. Paris, OCDE, 1 99O,27 1p.
üNESCO:La dimemion culfurelledu développement. Vers une approche pratique. Pais,
Éd. UNESCO, 1994,241 p.
VAN DUK. Meine Pieter: Le secteur informel de Ouagadougou. Paris. L'Harmattan.
1986,203~.
VEhWTIER, Pierre : Les formes de l'économie urbaine en Afiique noire et à
Madcgascar. Bordeaux, CEGT Bordeaux, 1 9 8 3 , 2 8 8 ~ .
VENNETIER, Pierre: Les villes d'Ajrique tropicale. Paris, Masson, 1991, 190p.
ZIEGLER, Jean : Lo victoire des vaincus. Oppression
et
résist~nced m e l l e . Paris,
Seuil. 1991,333~.
Thèses et Mémoires :
DUDLEY.Sandra : Adaptation à lo vie moderne en ville. Maîtrise Sociologie. Univ.Lava1,
1983.
MBA OBAME, André: Modernitk et société en Ajrique noire: essai sur la formation et
I 'insertion socio-culturelle de lgtat gabonais. Maîtrise sociologie. Univ. Laval. 198 0.
MOUIU'GUÉGOOH, Viviane : Aménagement du ferriruire et développement régional:
I'informel et la production de logements dans les villes d'Afrique noire. Maîtrise. Univ.
Laval. 1994,43f.
NDJOYi, Lucien Blake: Le rôle de ~$tatdans les ancienrpqys colonisés: cas du Gabon.
Ph.D Histoire. Univ. Laval. 1989,397f.
NZE-NGUEMA. Fidèle-Pierre : Mirage de la modernité; E ~ O Iet monde rural: le cas du
Gabon. Ph.D Sociologie. Univ. Laval. 1986. 564f.
Rapports et Actes :
BANQUE MONDIALE-&PUBLIQUE
GABONAISE: La pauvreté
dans une
économie de reme. Rapport No 16 333 GA,19 Mars 1 9 9 7 , 1 6 7 ~ .
CEEIM-BRUXELLES: La division interrutionale du travail et les entreprises
multinationales. Bruxelles, Publications du CEEIM, 1979,195p.
CORNIA, Giovanni Andrea, JOLLY,Richard et STEWART, Frances: L 'ujustement à
visage humain. Paris, W C E F , l987,3 7-p.
FNUAP/MPEDT: Actes du cohque d 'Oyem sur la population et le développement. 1934 Nov. 1990. Libreville, IWO, 27 1 p.
ILO: Employmenl, h o m e s and Equulity A Strategy for hcreasirig Productive
Empioyment in Keynia. Geneva, ILO, 1972.
LESPÈS, Jean-louis (dir.): Les pratiques juridiques, économiques et sociales informelles.
Actes du colloque international de Nouakchott, 8- 1 1 Déc. 1988. Orléans, Université
d'Orléans. PUF, 1 9 8 8 , 5 5 9 ~ .
MINISTERE DE LA PLANIFICATION, Direction générale de la statistique et des
études économiques,République gabonaise: L 'emploi dons le secteur moderne, Libreville,
1994.
MINISTERE DE LA PLANIFICATION: Enquête Budget Consommation (EBC). Les
con di lion^ de vie des populatiom aj-icoines à Libreville et Port-Gentil. Libreville, Juin et
Novembre 1994, T l , 293p.
MMISTERE DE LA PLANIFICATION: Rescensemrnf général de la populorion ei de
1 ' h a b i ~Libreville,
.
1-3 1 Juillet 1993,96p.
PANHUYS, Henry: La montée de l'économie ir$ormelle au Gabon. Situations et
perspectives. Génève, BIT, 1992, 194p.
PNUD: Coopération au développement. Gabon: Rapport 1994. Libreville, 1995, 1 5 1 p.
PNUD:Coopération au développement. Gabon: Rappon 1996. Libreville, 1997, 145p.
Articles:
AMSELLE. Jean Loup et LEBRIS. Émile: «De la petite production marchande à
l'économie mercantile. », in C'ivre el survivre daBs les villes afiicuines. Paris. PUF/IEDS,
1982. pp. 163- 173.
BAHIGIKI. Emmanuel: « L'apport de l'entreprise informelle dans la culture d'enneprise
en Afnque. », in Organisations économiques er cultures arfiicaines. Paris, L'Harmattan.
1996. pp.3 13-3 1 8 .
BERTHOUD. Gérard: La modemité: vérité culturelle ? »,Revue Le Muuss, 24, pp.33((
51.
CESSEUX, René: « Approche historique et critique de la division du travail. )), in
L 'organisation du travail et ses formes nouvelles. Paris, Éd. Centre d'Études
et
de
Recherche sur les Qualifications, 1977, pp.27-7 1.
COING, H~M,LAMICQ, Hélène, MALDONADO, Carlos et MEUNIER, Christine:
« Allocation de la force de travail et excédent relatif des travailleurs. », in Vivre et
-
survivre dans les villes africaines. Paris, PUFDEDS, 1 982, pp. 1 73 1 92.
COQUERY VIDROVITCH, C a t h e ~ e :« L'informel dans les villes afkaines: essai
d'analyse historique et sociale. D, in Tiers-Mondes: L 'informel en questions? Paris,
L'Harmattan. 1991,pp.171-196.
DE MIRAS. Claude: « L'informel: un mode d'emploi. n, in L %rat et I '»lformel. Paris.
L'Harmattan, 1991,pp.77-142.
DE SAMTE-MARIE, Joseph (R.P): « La modernité religieuse. N, in La notion de
moderne, modernité, modernisme. Paris, Université de Paris-Sorbonne, 1975, pp.96- 122.
GALLISSOT. René: « Société formelle ou organique et société informelle. N, in Tiersmonde: 1'informel en questions? Paris,L'Harmattan, 1 991, pp.2 1 -30.
HART. Keith: « Informa1 income Oppomuiities and Urban Employment in Ghana. D,
Journui of Modern Afiican Studies. II, 1 , 1973, pp.61-89.
HERNANDEZ, Émile Michel : Le secteur informel en Afiique: I'approche d'un
gestionnaire. Centre SaheWniv. Laval-Québec,1 995,27p.
HUGON, Philippe: « Dualisme sectoriel ou soumission des formes de production au
capital. Peut-on dépasser le débat? >), R e w e Tiers-Monde, XXI, 82, Avril-Juin 1 982,
pp.235-259.
HUGON, Philippe:
((
Économie duale, a-légalité au Nord et au Sud: convergence des
modes de gestion de la crise ou divergences structurelles des modes de régulation. D, in
Les pratiques juridiques, économiques et sociules informelles. Actes du colloque
international de Nouakchott. 8-1 1 Déc. 1988, pp.7-26.
HUGON, Philippe: Les politiques d'appui au secteur informel en Afnque. », in Tiers((
Mondes: l 'informeZ en questions? Paris, L'Harmattan, 199 1, pp.5 5 -69.
IKONICOFF, Moïse: « Le système économique mondiale, désordre ou rationalité. »,
Revw Tiers-Monde, WU, 82, Avril-Juin 1982. pp.8 7- 1 3 8.
IKONOCOFF. Moïse et SIGAL, Silvia:
c< Armée
de réserve, marginalité et secteur
informel. ): Revue Tiers-Monde, XXI, 82, Avril-Juin 1 980, pp.427-445.
LACHAUD, JeanPierre: (( Les lois de fonctionnement du secteur informel traditionnel ».
Présentation d'un modèle. D, Revue Tiers-Monde,XXI, 82, Avril-Juin 1980, pp.435-445.
LATOUCHE, Serge : «: Le sous-développement est une forme d'acculturation. », Rewe
le Mauss, 2, pp.35-50.
LATOUCHE, Serge: « Autre économie ou autre société ? D, in L 'économie dévoilée.
Paris. Éd. Autrement, 1995, pp. 190- 195.
LATOUCHE, Serge:
((
De la signification éthique du développement, une réflexion
philosophique sur le processus économique. D, Revue le Mauss, 23, pp.53-70.
LATOUCHE, Serge: (( Les paradoxes de la n o d i s a t i o n de l'économie informelie. », in
Les pratiques juridiques, économiques et sociales informelles. Actes du coiloque
international de Nouakchott. 8- 1 1 Déc. 1988, p p.63-70.
LAUTIER, Bruno:
c(
Economie informelle. solution ou problème? )), Revue Sciences-
Humaines. 50, Mai 1995,pp.26-19.
MARTINET. Philippe: (( Secteur informel: débat et discussion autour d'un concept. »,
in Tiers-Monde: i 'informel en questions? Paris, L'Harmattan. 199 1, p p.3 1-70.
MIALA. Diabomba:
((
L'Afrique. D, in Les entreprises informelles dans le monde.
Québec. PUL, 1994,pp. 141 - 165.
WSSENS. Marthe et LARRAECHEA, I p i o :
((
Les organisations économiques
populaires du Chili: la montée en puissance du facteur C. », in
Organisationr
économiques et cultures pfiicaines. Paris,L'Harmattan, 1996. pp.389-4 1 8.
NZE-NGUÉMA,Fidèle Pierre:
((
L'entreprise informelle offre-t-elle des correctifs au
secteur formel et lesquels ? »,in Organisations économiques et cuitures crfricaines. Paris.
L'Hamiattan, 1996,pp.291-312.
OBAME EMANE, Victor: (( Population et emploi. N, in Actes du séminaire d'ûyem sur
la population et le développement. M P E A T M AP, Libreville, 1990,pp.97- 121.
POLIN, Raymond: (( Le concept de moderne.», in La notion de moderne. modernité,
modernisme. Paris,Université de Paris-Sorbonne,1975, pp.3-18.
ROUSSELET, Micheline: Tien-Monde, l'éclatement d'une idée. », Revue Sciences((
Humaines, 50, Mai 1995, pp. 1 6-19.
VERNA, Gérard: (( Légalité-légitimité: la dialectique de l'informel. », in Les enireprises
informelles dans le monde. Québec, PUL, 1994, pp.9-30.
WILLARD, Jean Charles: « L'économie souterraine dans les comptes nationaux. ».
honomie et staristique, 226, INSEE,1 989, pp.35-44.
ZAOUAL, Hassan:
({
Le paradigme relationnel des organisations économiques
afn caines. )), in Organisations économiques et cultures africaines. Paris. L'Hamianan,
1996, pp.37-45.
Journaux et Périodiques:
CENTRE SAHEL : Connaissances et politiques de développement du secteur informel
en Afnque. Centre SaheVUniv. Laval-Québec-1 989-76f.
CHAMBRE DE COMMERCE: Guide de l'investisseur industriel au Gabon. SEEDG,
Libreville. 1986. 193p.
EDICOM: Repenoire des industries et activités du Gabon. Edicom, Libreville, 1997.
2 15p.
JEUNE AFRIQUE, 1793, 18-24 Mai 1995, 13 Op.
Annexe A:
1) Présentation du Gabon
2) La situation de l'informel urbain au Gabon
Présentation du Gabon
CARTE AOMlNlSTRATIVE DU GABON
Source: RGPH, 1993.
Nous donnons ici des informations constituant des éléments de repère sur le Gabon.
Il s'agit de situer ce pays sur le continent &cain, de voir son cheminement historique et de
présenter sa situation socio-économique et politique
A cheval sur l'équateur entre 2'30 de latitude Nord et 4" de latitude Sud, le Gabon est
un pays de 1'Afnque centrale, enwe le 9e et le 14e degré de longitude Est. Sa superficie de
367 667 lon2,dont 225 000 lanZ couverts par la forêt équatoriale, en fait un petit pays. Le
Gabon est limité au Nord par le Cameroun, au Nord-Ouest par la Guinée Équatoriale, au Sud
et à l'Est par la République populaire du Congo. A l'Ouest, le Gabon est baigné par l'Océan
Atlantique sur une longeur de 800 km.
En dépit de sa modeste superficie, le Gabon se compose de neuf provinces divisées
elles-mêmes en départements, cantons et communes. Les provinces
sont sous
l'administration directe d'un gouverneur représentant l'administration cenaale. Les
communes sont dirigées par des maires élus. Les autres entités sont chapeautées par des
présidents d'assemblées départementales et des chefs de cantons.
Les provinces du Gabon:
Estuaire
Moyen-Ogooué
Lambaréné
Ogooué-Ivindo
Makokou
Ogooué-Lolo
Koularnoutou
Orooué- Maritime
Port-Genti I
Oyem
Données démographiques et sociales
"'
La population
Le Gabon est un pays faiblement peuplé. Les statistiques démographiques nous donnent les
chiffres suivants:
Population totale au 1 /06/93:
1 014 976 hab.
% moins de 15 ans:
41%
% de population urbaine:
73%
%émgen:
l5,2%
Densité:
3,8 hab.lkni!
Taux d'accroissement naturel:
2,5%
T a u de mortalité infantile:
94/1 O00
Taux de mortalité maternelle:
lgO/I O0 O00
Espérance de vie à la naissance:
53,5 ans
Âge au premier mariage (y. c. unions libres):
Hommes:30,3 ans
Femmes: 26,6 ans
Âge moyen des femmes à la ficondité: 28,l ans
Nombre moyen d'enfants des femmes de 50 ans: 5,2
Les chiffres sont tirés de: Ministere de la planification et de I'amdnagement du remtoire. Direction generale
de la statistique et des ktudes économiques. Bureau centrai du ncensemen~Republique gabonaise:
Rescencemeni genthi de la population et de l'habitat (RGPH) du ler au 30 Juillet 1993: ei de: PNUD:
Coopération au développement, Gabon,rapport 94,Libreville. Octobre 1995.
Pyramide par années d'âge des résidents:
La constante améliorarion de la connaissance de Ilgc a ûaven les trois
recensements mentionnés ci-dessus, se traduit par une pyramide de p l u en
plus régulière, et par un ratio hornrneslfemmes plus lissi; néanmoins un
ajustement de la pyramide sera nécessaire en raison des meun de
déclarations encore perceptibles. La base s'tlargii progrcssivemen~illustrant
I'augmentation de la fccondite.
La pyramide par année d'âge laisse apparaine cenaines inexactitudes
ducs a I'amaction des chiffres 'ronds"; ige temint par O ou 5, ou date de
naissance domcc pour l990,19SS...
Le creux i la base conespondant aux " 1 an', devant étre comigé dans des
travaux ultérieurs, provicnr de ce que ceux nes de Juillet a DCstmbre 91 ont
Ctê comptes comme ayant deux ans, alors qu'au moment du recensement ils
n'avaient pas encore franchi la date anniversaire. Les âges suivants sont
Cgalement donnés par différence de millésime.
Source: RGPH, 1993.
La population gabonaise est jeune, les moins de 35 ans représentent plus de k moitié
des habitants. Nous avons également un nombre relativement important d'étrangen venant
de phsieurs iégions du monde.
-
-
-
D'AU
86.141
8J.205
s5,41s
4s.121
40.017
32.653
26.OSl
11.173
14. SOS
13.854
14.S78
18.414
t3.428
9.9SS
I6.SBI
0-4 rnr
5-9
10-14
15-19
20-24
2s-29
30-34
31- 39
45-44
45-49
10-14
sa-ss
80-64
1s-69
70 & a
17 .$O2
15. fi01
t SJ. 490
Source: RGPH, 1993.
Les données socides
Le Gabon est
une moaœque ethno-linguinique.
En effeh une quarentaine d'ethnies
catégorisées généraiernent en huit grands groupes, forment
groupes Fang
et
la population gaimnaise. Les
Pounou représentent respectivement 25% et 24% de I'awmble, les autres
groupes étant les Kota, Mbédé, Myené, Nzebi, Okandé et Pypé. « L'Estuaire est la seule
province où plus de deux grands groupes ethniques cohabitenq dans les autres, la presque
totalité de la population se regroupe en deux grands groupes ethniques ))299, excepté le
Woleu-N'tem qui (( est la sede province quasiment mono-ethnique
Sur le plan social, le Gabon présente des statistiques intéressantes à certains niveaux
comme l'éducation. Le taw net de scolarisation est presque de 100%, alon que le taux
d'alphabétisation des adultes est de 59% (hommes: 70%, Femmes: 48%), comme nous
1' indique le rapport du PNUD. Maiheureusement, on note un niveau de déperdition scolaire
relativement élevé. Aussi, 68% de la population a accès a une eau salubre et le pays a un
taux de couverture rnédicai d'un médecin pour 2 500 habitants.
Les voies de communication terrestres restent encore une faiblesse au niveau des
infrasmictures. Le pays dispose de 7 800 km de routes dont 1 160 km seulement étaient
bitumés en 1994. Une voie ferrée de 648 km relie la capitale à l'Est du pays et complète un
réseau relativement dense et assez fiable de transport aérien. En ce qui a trait à l'énergie. le
Gabon possède une capacité électrique installée de 301 Méga Watt.
"DGSEE: RGPH. op. cit. p. 18.
Ibidem.
Présentation de Librevitle
QUARTIERS'DE LIBREVILLE
Source: RGPH, 1993.
Capitale du Gabon, Libreville est une presqu'île qui s'étend le long de la côte
atlantique. Simple bourgade au début des années 1960, la ville commit depuis un important
accroissement. La population de Libreville est presque la moitié de la population totale du
pays avec 419 976 habitants. En plus d'être le centre politique et administratif du pays,
Libreville est également le lieu d'importantes activitds économiques.
L'histoire de Libreville a un Lien avec les pratiques esclavagistes en cours encore au
milieu du XIXe siècle. En effet, en 1846, un navire brésilien, I'Eliza, est capturé avec à son
bord 272 esclaves. Ces derniers seront libérés et conduits à Gorée au Senegal. Mais les
autorités coloniales du comptoir du Gabon demandent et obtiennent une partie de cette maind'oeuvre.
((
Ce fut l'occasion pour Bouët Willaumez d'adjoindre au comptoir Gabon un
village de liberté, auquel il donna, à l'instar de Freetown, le nom de Libreville. En 1850
Libreville était née. »30'
Lëtolution du Gabon
L'histoire précoloniale du Gabon reste très peu connue. La présence d'une
quarentaine d'ethnies laisse penser que ce territoire a constitué le point de chute de diverses
populations d'origine bantoues dans leurs migrations. Aussi, la situation du pays en pleine
forêt équatoriale indique que ces populations vivaient essentiellement de chasse, pêche et
ceuillette.
Les premiers contacts des populations gabonaises riveraines avec les Occidentau
furent établis en 1473 par les Portugais. « L'embouchure du fleuve dit G a k parce que
semblable de forme à ce vêtement )) (le caban des marins)
))302,
serait à l'origine du nom
Gabon. Les échanges commerciaux entre les autochtones et les marins se limitaient i l'ivoire
"' Roland Poumer: Le G h n .Tome 1: Espuce-himire-société. Paris, L'Harmattan, 1989. p.53.
* Idem. p.&
241
et aux esclaves. La côte gabonaise ne recelait pas de beaucoup de richesses aux dires des
marins, mais l'estuaire du Gabon semble avoir été très prisé.
t(
La rivière du Gabon est
assurément un des lieux forts de la côte. Au début du X W e s i d e Bosman en dit ceci: Efk
est si célèbre qu'elle ne peut être inconnue a aucune nation qui a été téns cene partie &
1 Afiique (..) 12 y vient beaucoup de vaisseaux, non seulement pour le négoce, mais clussi
parce qu 'elle esrforr propre pour les nenoyr et les calfater. »jo3
La pénétration de l'intérieur du Gabon se fera plus tard surtout par les explorateurs
français. Face à la rivalité anglaise, les Français tente de s'implanter plus solidement sur les
côtes africaines. L'estuaire du Gabon était un site stratégique et assez bien connu, un
comptoir y sera crée en 1842 par un té entre les Français et (( le roi Louis (Ré-Dowé)(...)
qui concédait la souveraineté du temtoire du roi Louis au roi des Français. Des traités
semblables furent signés en 1843 et 1844 avec les autres chefs M'pongwé de l'estuaire: la
France était installée au Gabon et y implantait un poste qui prendra pour nom Fon
d'Aumale.
»3'>4
L'implantation officielle du comptoir de Fort d'Aumale marque le début de la
colonisation h ç a i s e au Gabon. mais aussi celui de la systématisation d'une politique
d'exploitation économique.
La colonisation
Le comptoir du Gabon est initialement rattaché à l'administration coloniale française
du S
é
n
w
. Mais
i(
les décrets des 26 Février et 5 Mars 1859 créent les établissements
français de la Côte d'or et du Gabon (ils continueront à dépendre du Sénégal pour la justice et
les questions militaires). )j305 Le renforcement du dispositif militaire permet par la suite une
plus grande exploration de l'intérieur des terres, ainsi que l'implantation de quelques
Roland Pourtier: op. cit. T l , pp.4749.
"
Idem. p.53.
MS
Roland Pourtier: op. cit, T 1, p.57.
compagnies concessionaires françaises, en plus des anglaises et allemandes d'ailleurs plus
puissantes.
« Les plus importantes parmi celles-ci étaient la maison
anglaise Hatton et Cookson, dont les agents avaient
commencé a Fréquenter le Gabon vers 1851, la maison
allemande Woemiann qui s'est établie au Gabon en 1 86 1 et
la maison John Holt de Liverpool, installée au Gabon
depuis 1 868. (...) A la fin du XIXe siècle, il n'y avait plus
qu'une seule maison commerciale française ayant une
certaine importance, à savoir la maison Dubarry Frères. à
laquelle s'ajouta, à panir du 1 5 Décembre 1894, la Société
commerciale et industrielle du Haut-Ogooué couramment
appelée Société du Haut-Ogooué (S.H .O.).
L'influence commerciale h ç a k e reste pourtant faible dans la colonie du Gabon.
Cette situation faillit provoquer la cession du Gabon par les Français aux Anglais contre la
Gambie. Mais l'échange n'eut pas lieu grâce à des Français vivant au Gabon et qui pensaient
que cette colonie était importante par sa situation géographique propice à l'exploration du
continent afiicain. L'économie coloniale consistera pour l'essentiel à l'exploitation des
essences végétales fon nombreuses et particulièrement I'okoumé, en plus de l'imposition de
cultures de rentes comme le café et la cacao. La fin de la seconde guerre mondiale, à laquelle
les colonies ont participé pour défendre la « mère patrie », consacre la volonté de plus en
plus affirmée des Afi=icainsde prendre en main les destinées de leurs pays. La fin des années
1950 est un tournant dans l'histoire politique de ces pays, qui accèdent don pour la plupart.
à la souveraineté.
X4
Nicolas Metegue N'nah: L'irnpiunrotion colonhie au Gabon, r é s i s m e d'un peuple. Paris. L0Hannanan,
198 1, p.35.
L'indépendance ou I'ère posttoloniale
Le Gabon devient une république le 17 Août 1960. Les liens avec la puissance
colonisatrice resteront importants, la France continuant d'être le premier partenaire
économique de la nouvelle république. Au niveau politique, le pays opte pour le
multipartisme et un Rgime parlementaire approuvés par la Constitution de 1961. Une
situation qui changera en mars 1968 avec l'instauration du monopartisme. La crise
économique qui frappe le pays au milieu des années 1980 conduit a une crise politique et
sociale dont I'apogée est l'intense mouvement de revendications qui ont lieu a panir de 1990
et qui marqueront le retour à un régime politique pluripartiste. Mais dans un pays aux
ressources relativement importantes, les difficultés économiques actuelles suscitent un climat
social pour le moins incertain, que seule une amélioration substantielle des conditions de vie
peut ramener au beau fixe.
Le libéralisme économique, choisi par les dirigeants gabonais depuis l'indépendance,
n'aura cenainement pas comblé les attentes de la majorité de la population dont la situation
est rendue encore plus précaire, en raison des differentes politiques d'ajustement structurel
imposées par les organismes financiers internationaux (Banque mondiale, FMI).
L'économie du Gabon
« Le
Gabon se distingue sur la scène africaine par la conjonction des deux faits
suivants: c'est un petit pays et l'un des moins peuplé, en même temps qu'un des plus riches.
.
(.. )
Il se classe l er pour ce qui est du PNB par habitant ».-'O7
Le Gabon doit cette situation enviable aux ressources naturelles dont regorgent son sol
et son sous-sol.
Roland Pourtier: op. ci!, T2,p.7.
La forêt
Les ressources forestières constituent la première richesse du Gabon. Avec de 85% de
l'ensemble du temtoire recouvert par la forêt, le pays dispose de milliers d'essences
végétales.
G
Le Gabon possède un des plus beaux potentiels forestiers d'Afrique. (...) Pour
une superficie boisée de 22 millions d'hectares (...), entre 20 et 21 millions d'hectares sont
considérés comme exploitables. (...) le volume de bois fort serait de l'ordre de 6 milliards de
m3. Les volumes commercialisés n'en représentent donc qu'un faible pourcentage. »308 Les
essences les plus exploitées sont l'ozigo, le moabi, le padouk, l'ébène, l'iroko, le bdhga etc.;
mais l'okoumé est incontestablement le bois le plus prisé et dont le Gabon détient le
monopole mondial. (( II a fourni en moyenne 95% de la production forestière jusqu'en 1960.
Cene production s'est abaissée à 75% par suite de la promotion de bois divers (...). mais
depuis bientôt un siècle l'Okoumé a été l'essence motrice d'une exploitation qui a
profondément marqué l'espace et les hommes et fortement contribué à la spécification de
l'entité Gabon. »309
La production forestière est également depuis la colonisation la première pourvoyeuse
de devises. Son importance économique deviendra secondaire avec l'augmentation des
productions pétrolière et minière.
Le pétrole
Dès les premières heures de l'indépendance, le développement économique du Gabon
sera animé à l'exploitation du pétrole. La production de l'or noir commence effectivement en
1957 et prendra tout de suite la première place dans les exportations. « Entre 1960 et 1983.
la valeur des exportations, en francs courants, a été multipliée par 76, et le budget de 1'État
"Idem. p.i-18.
Idem, p. 1-15.
par 134, tandis qüe le PNB par habitant est devenu le plus élevé d'Af'rique noire, atteignant
un pic d'environ 5 000 dollars en 1985. »310
La part du pétrole dans la valeur des exportations est importante. En 1985 par
exemple, il représentait « 83% de la valeur des exportations et 65% des recettes
'' ' La prépondérance du pétrole dans l'économie ne s'est
budgétaires».
jamais démentie
depuis lors. Aujourd'hui encore, cette matière première est la principale source de recettes de
l'État gabonais et l'activité qui crée le plus de richesses.
Le manganèse et I'uranuim sont les principales ressources minières du Gabon. Leur
exploitation commence en 1961 pour I'uranuim et 1963 pour le manpése. En 1994, la pan
de ces produits miniers dans le PIB n'était que 2% pour une production de 1,4 millions de
tonnes pour le manganèse et 650 tonnes pour 1'uranuim?l2
Le bois. le pétrole, le manganèse et l'uranuim sont les principales ressources dont
disposent le Gabon pour l'exportation. 11 existe également d'importantes mines de fer dans la
région de Bélinga; ainsi que de l'or, du diamant, du plomb, du zinc et dont les productions
sont moindres. Par ailleurs, le Gabon dispose aussi d'un réseau hydrographique considérable
avec un littoral de 800 km et un fleuve de 1200 km l'Ogooué, qui traverse le pays de l'Est au
Sud-Ouest.
"O
Iakm, p.189.
"' Roland Pounier: op. cit. T t . p. 189.
"'PNLID. Rapport 94:op. cit. pp.5-6.
Répartition sectorielle des activités économiques au Ciabon313
Secteurs
1
F
Primaire
Agriculture, Elevage, Pêche
Exploitation forestière
Pétrole brut
Mines
Secondaire
Industries agro-alimentaires et boissons
indude du bois, Autres industries
Raffinage
Electricité et eau
Batiments et Travaux publics
Recherche et services pétroliers
Transport
Services
Commerce
Droits et Taxes à l'impon
Banques et Assurances
Selon le rappon 1994 du PNUD, le secteur primaire participe en 1994 pour 52,6% du
montant de la production intérieure brute. Le pétrole est à 41.6% du PIB. alors que
[email protected]'élevage et la pêche contribuent pour 5,4%. Le secteur secondaire est à hauteur
de 1 1.9% du PIB, tandis que le tertiaire compte pour 24,5%.
'13
Pabablie d'aprés les données du rappon PNUD 1%.
op.cit. p.7.
Les agrégats de l'économie nationale:
1- Le produit national brut (PNB) et le produit intérieur bmt (PB)
PNB (1 994)
3,7 milliards de dollars
agriculture: 6%
mines et industries: 42%
2 380 milliards FCFA
Pétrole: 1 098
Hors pétrole: 1 282
3- La balance des paiements
La balance des paiements fait le bilan des mouvements de services et de capitaux, ainsi
que celui des échanges co;mm&aux.
Le tableau ci après nous montre un déficit globai de la
balance des paiements de 85,9 milliards de FCFA pour I'année 1994, même si la baiance
commerciale enregistre un excédent dû am exportations de pétrole.
''" Sources: PNB: site Web du Gabon: P I B h b . et PNBhb.: rapport PNUD 1991; PIB: Jeune Afrique no
1793. 18-24 Mai 1995, p.89.
BALANCE DES PAIEMENTS (milliards FCFA)
1993
-
1994
-
Exportations (hb)
658,7
1 286,8
-dont pétmle
503,4
1 019.2
importations (fob)
-239,3
420
Balance commerciale
4 19,4
Balance des services (nets)
420.8
Transferts (nets)
-543
Balance des capitaux
-94.2
-Emprunts M & LT
-84.1
Capitaux a CT
- 1 0.2
Balance Globale
-150.1
-85.9
26.9
66.1
Avoirs
EM. nets BEAC
Source: PNUD. 1994.
3- Ladette
La dene constitue une des difficultés majeures auxquelles le Gabon fait face dans ses
politiques économiques. « L'encours de la dette publique, augmenté par les effets de la
diduation est estimé a environ 2.607 milliards FCFA en 1994, aggravant ainsi la capacité
du Gabon à financer le développement. Le seMce de la dette dans la loi des finances 1994
représentait 558 milliards FCFA pour 656 milliards FCFA de recettes soit 85% des recenes
propres de l'État. »3" L'annulation par la France d'une pmie de la dette publique du Gabon
(220 milliards FCFA) n'a eu que peu d'effets sur l'endettement extérieur du pays qui
?15
Rapport PNUD 1%:
op. ci?, p. 15.
((
représente 120% du PIB en 1994 ».)16
Les principaux bailleurs de fonds du Gabon en
1994 sont par ordre d'importance : la France, l'Union européenne, le Japon, la Belgique et le
Canada. Le Gabon contracte des emprunts également auprès des institutions financières
internationales comme la Banque mondiale, la Banque diicaine de développement (BAD), le
fonds européen pour le développement (FED), les organismes des Nations Unies etc. Des
organismes privés tels les clubs de Londres, Paris et Rome comptent également parrni les
bdleurs de Fonds du Gabon.
La situation de l'emploi au Gabon
Le boom pétrolier de 1973 est une ère de prospérité aussi relative qu'éphémère. La
dure réalité se montre vers les années 1985 avec la baisse brutale des recettes d'e-xportations
que les cours avaient ~ificiellementgonflées la décennie précédente. Le Gabon rentre alors
dans une période de réajustements par suite des difficultés économiques a la fois structurelles
et conjoncturelles.
De nombreuses entreprises qui vivaient des retombées de la rente
pétrolière ont cessé leurs activités (...). L'euphorie des années fastes a fait place à un profond
marasme avec la raréfaction de l'argent.
L'une des conséquences de cette détérioration de la santé économique du pays est I
croissance des demandeurs d'emplois ou chômeurs. Devant une économie qui a du mal à
trouver son second souffle, un secteur public que l'on dit aux effectifs pléthoriques et les
restrictions budgétaires des politiques d'ajustement structureIs, la création d'emplois se fait
rare aussi bien dans le secteur privé que le public au Gabon. Le tableau qui suit montre
l'holution des emplois salariés entre 1985 et 1992.
jlC
I h . p.22.
"'Roland Pourtier: op. fit. T2,pp.8-9.
€vol ution des emplois salariés 1985- 1993
Efectijs saiun'is totaux du secteur moderne
1986
1985
82.4 l !
Pnvc
63.909
1987
1988
1989
1990
1991
1992
57.875
55.443
$22701
5 1.749
49.39
48.013
En 1994, la situation de l'emploi était la suivante (en milliers):
« Fonction Publique (TemporaVes inclus): 41 286
Entreprises privées modernes:
27 375
Entrepn~sPm-publiques:
20 726
Collectivités locales:
3 758. dl8
a
La direction de la statistique 319 présente la situation de l'emploi au Gabon envimn
dans la même pinode wrnme suit:
-
'lu
'19
---
Rappon PNUD 1994: op. cir. p.xv.
Ministtrc de la planification ci de I'amtnagernent du ccrritoire. Direction gCnCde de la statistique ct des
Ctudcs économiques, Rtpublique gabonaise: L'emploi &tu le ~ccteur&m. op. cii.
L'emploi dans le secteur moderne
Çaracterisliaues Générales
Situalion a fin 1992
Secteur Primaire
Secteur Secondaire
Répartition des entreprises et des effectifs selon le secteur d'activité (privé et parapublic):
t
Secteur d'activitb
1 Entreo 1 ~ffectitslr
Agriculture
Foret
P6tmle
Mines
Industries du Bois
Industries Agro Alim
Autres Industries
Eau-Elec-Raffinage
0.T.P
Transp-TBl6com
Services
Commerce
'
Banques-Assurances
La siructure des emplois révèle les grands dtktquilibres de I'economie Gabonaise.
il y r Ileu de noter en premler lieu le poids ereessif du secteur public qul,avec le parapublic
concentre 70% des effectifs globaux.
Quant ii la rçpartitlon des emplois par grands secieurs,elle est caract&rlstfque de ce type
d'économie OB /'on constate une prédominance du secleur primaire dans la constitution du P I
(plus de 50% dont prCs de 90% pour k pétroW qul contraste avec Ia faiblesse des emplois
directs corresponcfants soi? à peine 20% tdpariis dans moins de 10% des entreprises.l~tau1
neammoins souligner Ir contribulion de ce secteur en terme d'emplois hdirects qui .Se
retrouvent dans le tertiaire.
Enfin cette structure traduit ks efforts t entreprendre en direction du secteur secondaire 43
participe au PI8 pour seulement 15% tout en confribuant d l'emploi pour 30%.
1
Un autre &ciairage de fa relation emploi avec l'aclhde économique peul &Ife dond par & Chinre
d'affabesrdalist! par les differenls secteurs ~ i n sque
l l'illusfre le graphique ci-ap& i partir des
f ~ t u l t a i sd'enqudie m e d e par la Conl&d&aiion P~ironaleGdbonalse enluln 1993 a u p t h d e 700
en lreprlses.
-
Source: DGSEE. 1 994.
252
RESUME DES CONTRAINTES DE L'ECONOMIE GABONAISE
Source: PNUD, 1994.
En définitive, le Gabon possède sans doute d'indéniables atouts pour un
développement économique qui puisse répondre aux attentes des populations. Mais il faut
noter que les atouts du Gabon sont également ses faiblesses. La manne pétrolière des années
1970 à 1980 n'a pas permis au pays de se bâtir une économie forte et intégrée. La
dépendance à l'égard des marchés internationaux est telle que le pays ne dispose guère d'une
marge de manoeuvre importante, afin de comger les aléas de la conjoncture internationale. Ce
qui s'est traduit par la perte de nombreux emplois et entreprises avec la crise pétrolière et
l'acceptation des contraintes du FMI, dont les conséquences sociales, conjuguées aux effets
de la dévaluation du FCFA, se sont avérés désastreux.
Le grand défi du Gabon dans un proche avenir reste de convertir son économie par des
activités productives renouvelables et moins exposées à la vindicte des lois du marché
international. L'atteinte de cet objectif passe par une gestion optimale des ressources
disponibles et certainement aussi par un retour à une valeur sûre: l'agriculture.
254
La situation de l'informel urbain au Gabon
Importance des activités informeIles au Gabon
Tableau 17: Les activités et métiers du secteur informel
Production
a ) Mariufacturikre
. sur bois
menuiserie/ébénisterie
tapisserie
- sculpture
consmiction pirogues
. sur piemiterre
- sculpture (Bigou)
- briqueterie
. sur fibre végitalr
- vannerie
. sur fibre textiles, tissus
- couture
. sur cuir
- cordonnerie
. sur rnktal
- chaudronnerie, soudure
- ferronnerie (grilles)
- semirerie
b) Piche artisanale
- en rivicre
en mer
c ) Extractives
- orpaillage
-
-
-
BTP
Tous métiers BTP
en particuliers:
- entreprise bâtiment
(tâcherons)
- électriciens
- peinture
- carrelleurs
- décorateurs
-fabricant parpaings.
aglos, briques
-
Source: BITPanhuys, 1 994
Services
a ) Réparation Elrc-Mrc
. autos-motos
- mécan. Autos
- réparat. Motos
- vulcanisation
- tôlerie, peinture
. équipt. Domestiques
-appareils
électroménagers
- froid /climatisation
(insrallart., réparat.)
-radio-TV
(installat., réparat.)
b)Servic.Techno. avancée
. santé
. pharmacie
. bureaux-conseils
Sibrairie
c) Divers
. coimire
. horlogerie-bijouterie
. studio-photo
. gravure-plastification
. boucherie-poissonerie
. boulangerie
Commerce
a) ~ l i m e n z e
. vente produits base
.vente pain, sandwich
. vente beignets.
brochettes, grillades
. vente poissons
. vente viandes
b)Non alimentaire
. commerces tissus C I
vêtements
. commerce général de
détail
. vente cigarettes et
journaux
. vente des cassettes
ventes bijoux, montres
. vente artisanat
africain
.vente
matériaux
construction
. vente accessoire
électr., radio, TV,
quincaillerie
C)
Restaurationhôtellerie, loisirs
bars.
bistrots,
buvettes
restaurants. snacks
dancing, discothkques
i) Transport
taxis passagers
taxis marchand
cars
(passager.
narchand)
pirogue
Le tableau 17 nous permet de constater la diversité des activités concernées par les
pratiques infomellles urbaines au Gabon. L'artisanat, le bâtiment, la biotechnologie et
surtout les activités commerciales (66% à 70% des unités recensées) de toutes natures, sont
pour une large part l'oeuvre des activités informelies.
Secteur informel et emploi
Par la nature des activités informelles, il n'est pas aisé d'en mesurer avec exactitude
la contibution au niveau de l'emploi. ii reste que ces activités jouent comme le
reconnaissent toutes les recherches, un important rôle d'amortisseur de crise par la création
de nombrew emplois dans les économies sous-développées. La crise économique survenue
au milieu des années 1980 à profondément modifié la situation de l'emploi au Gabon. Le
chômage a gagné du terrain avec les nombrew licenciements qui ont eu lieu dans les
entreprises privées et même le secteur public. Il en a résulté une croissance des activités
dites informelles, devant l'incapacité du secteur moderne a offrir des emplois.
Selon Obame Emane. le secteur informel emploie (( plus de personnes que le secteur
moderne (1 28 000 contre 97 000) »3'0 en 1989 au Gabon. Le tableau 18 ci-après. montre la
répartition de l'emploi par catégories socio-professionnelles. fl permet aussi d'apprécier
l'évolution des activités uiformelles et des aunes secteurs d'emploi au Gabon. De façon
globale, l'emploi informel connaît une forte croissance depuis 1985. Le taw de variation des
emplois informels est de +35,5% dans la période choisie, représentant ainsi 49,23% des
emplois. toutes activités confondues en 1989. Les emplois de l'entreprise moderne sont en
baisse de 34%, pour s'établir à 9,72% du total de l'emploi de la période.
'%cior
Obarne Emane: op. cir. p. 118.
Tableau 1 8 : Situation de l'emploi par nature (en millien)
Catégorie
Variation (%)
Total
Salent*
Indépendant
Source: Obarne Ernane, 1989
'Salent: Salariés des entreprises
* *Salet: Salariés des ariministmtions
Total
Tableau 19: Importance du SNS par branche en 1990
Montant en
Branches
'
%
SNS
% branche*
milliards FCFA
Industries
aliment,
agro-
Tl
4,6
12,s
8,o
boissons,
tabac
industries
manufachiriimx
Autres
1
( Bâtiments, T P
14,6
1
9,4
et
13,O
8,4
services
53,2
34,2
Transports
communications
Autrcs
marchands
( Commerce
I
55,O
Totaux
155.4
.4gric. Elevagç, chasse.
84,8
1
35,4
100,O
pSchc
Exploitat. Foret., ind.
4,9
bois
1 PIB total (DTI exclus) 1
1.340,4
1
*activités modernes comprises
Source: BIT/Panhuys, 1992
Nous constatons que les activités informelles représentent une part significative de
l'activité économique au Gabon, notamment dans les services marchands et le commerce
(respectivement 34,2 et 35'4%). L'importance de ces activités est encore plus grande
lorsque l'on examine la situation à l'intérieur des branches d'activités. En valeur absolue, les
activités informelles contribuent à générer 19.47 des 55 milliards FCFA du commerce et
18.1 9 des 53,1 milliards FCFA des services marchands. Sur les 1 55'4 milliards FCFA
produits en 1990, la part des activités informelles est de 41,48 milliards FCFA, soit 26,70%
du montant total.
Valeur ajoutée du secteur informel dans l'économie gabonaise
Tableau 20: La place du secteur inforniel dans l'économie (en milliards FCFA et %)
1 . Pétrole
1. Secteur informel
1
259
5 . PIB
I
1 293
I
271
I
Source: Établi à partir de Marchés tropicaux, 6 décembre 199 1
277
La montée du secteur informel
Avec l'entrée en crise de l'écunomie, l'informel s'est enraciné dans l'activité
économique (...) Exprimée en valeur ajoutée, la part du secteur informel double en valeur
entre 1 980 et 1985 (...) ce qui fait un taux de croissance de 16%' contre 13% pour la rente et
le PIB alignés l'un sur l'autre. (...) On peut dire que l'économie grise, qui compte alon pour
un gros 10% du PIB, représente un bon quart de la rente, près de la moitié du secteur
constitué et n'est pas loin de faire jeu égai avec les activités officielles (80%). (...) La période
1986-1 988 amène des modifications importantes. (...) Les positions deviennent les
suivantes: l'informel égale la rente, représente les trois-quarts de l'activité formelle (contre la
moitié auparavant) et fait nettement
miewt
que la contribution de l'administration au PIB
(1 2% de celle-ci). (...) En 1991, l'informel (...) compte pour un cinquième du PIE3
(contre10%).
Source: Marchés Tropicaux, 6 décembre 1991 (Extraits)
Nous avons ainsi une vision plus précise de l'apport des activités informelles dans
l'économie gabonaise, par comparaison à l'importance de ces activités avec les secteurs dés
de l'économie gabonaise, c'est-à-dire les secteurs pétrolier, minier et agro-forestier. Le
tableau 21 résume l'évolution de la valeur ajoutée des activités informelles par rapport aux
deux secteurs les plus importants de l'économie gabonaise.
Tableau 2 1: Vaieur relative du SNS 1 984-90 (en %)
Ensemble
KA,
de référence
pétro-
Avec
minier et agroforestene
Avec
agr0-
foresterie
mais
pétro-
sans
minier
HO~S
foresterie
Hors
A~o-
et
pétro-
minier
Source: BITPanhuys, 1992
En définitive, on remarque que « dans tous les cas de figure, le SNS loin d'être
r n a r p d est un secteur dont l'importance actwlle dépasse celle de tous les autres exception
faite bien entendu du pétrole et des mines ».'*' La contribution des activités informelles
dans la production et la distribution de biens et services au Gabon est passée de 8,6% a
15.7% entre 1984 et 1990. Si l'on exclut les secteurs pétrolier et agro-forestier, les activités
informelles représente 38,5% de la valeur ajoutée produite par l'économie gabonaise.
Au niveau de l'emploi, les activités informelles continuent de jouer le rôle de
pourvoyeur non seulement pour les nouveaux migrants, mais également pou. les anciens
salariés des secteurs para-public, privé, tous ceux qui ne disposent pas d'un emplo; et les
"'
H e q Panhuys:op. cit, p.5 1.
personnes qui y font affaire dans un but lucratif. Les activités infiormelles ont un rôle de
régulation écunomique et sociale chaque jour plus affirmé au Gabon. Avec la fin déja
annoncée des rentes rniniére et pétrolière, les difficultés de restmcturation actuelle de
l'économie et l'endettement, il e n fon probable que les pratiques économiques informelles
prendront, une part encore plus élevée dans l'économie gabonaise, au cours des prochaines
années.
Annexe
B: Fiche circuit pour l'obtention d'un agrément de commerce
Source: Panhuys/BIT, 1992
1
Demandeur
1 **
I
Ministère du Commerce
Direction Commerce interieur
Commission ad hoc
I
deur d'agdment
I
-
Contributions directes et indirectes
b
3
-
--
)
.
Direction generale des domaines
- Receveur des domaines
Explication
1 . Constitution du dossier et remise a la direction du Commerce intérieur et de la production
2. Présentation du dossier en Commission
3. Rejet motivé du dossier
4. Avis favorable de la Commission et transfert au Ministère
5. remise de l'ordre de recette au demandeur
6. transport de l'ordre de recette auprès du receveur des domaines pour paiement de la
redevance
7. Délivrance d'une quittance par le receveur des domaines après paiement
8. Présentation de la quittance à la Direction du Commerce intérieur
9. Délivmce de l'agrément
10. 1 1. 12. Transport de l'agrément auprès des contributions directes et indirectes. du Trésor
Public et du Tribunal.
Annexe C: Liste non exhaustive des entreprises multinationales au Gabon
Source: EDICOM, 1997
a$.
COMPAGNIE MINIER€ DE L'OGOOUE
..: 3 .q-9&#&$'
$
MOANDA (Rép.Gabon:)
.. . 3. . :. . 3 ,.'
........................................................................
Total
Nombre de salariés
-
-
.-
S y lvio ....................................................C
I du ConwI J'XJm~np,i~
M.
,M. LEVML' ,Michel
Adrn~nism~eur
&:..
>(. GROS Philippe ..........................................~.......................... Administntcur De:..
SI. ABEUE .LImcl .................................................................................Dirrcieur Cc.&(.BAYLEYvcs ...........~.............,......................................
D u r G h C d .A:
.Li HELD Raymond...................................-....... D
i Administratif ct Cornp.
31. ,MIDISA-MAGNI Almin ................................................................
D e c t u r de IJ '.
i des Approvirionncr
M. MARCHA'ID Claude ............................................... D
M.OYIEYE Antoine ..........................................c t u r Chargé des Relations Pub;:
Dirigeants d'entreprise
.-
,
Télex : ~ 1; i
Data de création : ?MF# l V i !
1 Capital : 31Y.~I2.StWiiUW) CFA
-
-
dont
Africains
non gabonais
gabonsls
cadres
Nc
afric
Répartition du capital
ETAT GABONAIS : 28% - WiIt r 17% - SYCAMAYG : 9% - GLXGABOS
FOFLMM'G :9% - AUTRES :22%
Investissement
pdvu p u r 1 9 ~ 4:
-
2.000.000.000 FCFA
Afrique
Gabon
Montant du CA ht
50 milliards FCFA
Eu-
67 %
Produits fabriquds ou
activités de l'entreprise
33 5
Minerais mCtailurgiqucr (5 1% Mn)n p d x n m t 95 5é de I'activitC globale. 1
des Bioxyde (83 % de Mn 01) reprtsentant 5 56 de l'activité globale. cxpor,;
majeure panie.
Principales matières
premières utilisées
-
Projets en cours
Equipemcnts miniers
Ecj;ri;;enents
ou performances
exceptionnelles
fnstdlations ponuaircs B Owcndo
Matirid ferroviaire de tnnspon ac mincri
Premier producteur mondial de bioxyde naturel.
Pré homo~cinisa~ion
du minerai.
-
1
Autres établissements
Oben
-
-
Date de creation :
Forme juridique : 5
COMUF Cie des Mines d'uranium
de Francevllle.
;
4'
.\
-
TL1 I 141 r 59.?6..;.t.4 l F u : 39 2627.48
. . . .
.
.
.
M. Jacques GISCARD D'ESTAIXG .............................................................P.C..A
Dirigeants d'entreprise
.................................................................... ...Adjoint P.C..A
iL!. Josi PEIX ...................................................................... A d m i n s r Délégu~
M. Egidc BOUNDOaO-SIMhSGOYE...................................... Directeur Ginira
M. Pitre ESC.WDIE.........................~~.................................
C o n e u r de Gestior
M. Arthur YGAiVIE..................................................C o n r l de Gestion Adjoin'M. Jirôme OKINDA
dont
Nombre de salariés
1
gaWnais
1
i
1
Non
africain.
Eut Gabonais
: Z , 7 5 Sc:
Compagnie Fnnçaise de MOKTA ( C m :38.98 %
Répartition du Capital
COGEMA
: 29,43 %
: 534 %
SGCF
Gabon
Montant du CA ht 1995
I 5 . W milliards de F CFA
Afrique
Europe
Asie
70 %
30 5%
Prdvu en 1996 : 1.683 milIiards de FCFA COMUF
2.220 milliards de FCFA SYSMIN
Investissements
I
-
Produits fabriqués ou
activités de l'entreprise
Extraction et transformation du minerai d'uranium
Production d'ur;tnatc de magnasic ou ycliow-cake Production 1995 : Extrsction
= 179.000 tonnes
Uranium nid =
653 tonnes
Ventes 1995 :
Uranium rnCd =
65 Tonnes
Principales matières premières utilisées
Soufre
: ISOO tonnes
(FlUIUCE)
Chlomrc de sodium : 1300 tonnes
(SB'EGAL)
K6rosinc
: 150 000 litres
(FRhYCE)
Magnesic
:
150 tonnes (ROYAUMEL'h7S)
Chlorate de soude
:
3 0 tonnes
(BEiGIQüE)
Bioxyde de maqantsc : 1ûûû tonnes
(GABON)
Boulets
:
2üû tonnes
(ALLEMqGNE)
Floculants
:
45 tonnes
(FRWCE)
Pojets en
cours
Reconnaissance et mise cn exploitation des gistmtnb dc B.-\GOMBE et
MIKOLOUNGOU -
Pcrccrnrncnt de nuut ~tle?;
chzn~inicsct yderics d ' a i m ~pour
~ ;imiliorcr Iss
conditions de trwsiil Jan?;le3 ni ines (projet SYSXIlXi
Equipernents ou performances
exceptionnelles
1
I
0
Dirigeants d'entreprise
b[. TARÂLLO Anclic
................................................ Président Directeur Cen
M. CORDIER Jean-Piem ..........................................................Dinxtcur Gec.
bI. PAEL AP.4,VDINA André .................................... Directeur G i n i n l Dili.
bl. 0i\;,~,
OVONO Lamben ........................................... Dinoeu G n C n l A J ~ .
Nombre de salariés
Repartition du capital
25 56 Eut GabOnais
57% EA 18% Divers
Investissements pétroliers (1996)
total : 133.7 MS
-
-
Montant du C.A. ht en MS (1996)
-
-
-
Gabon
hors Gabon
a1
101 a
1099 MS
Eutope
Dlven
-
Produits fabriques ou
Exploration Production et commercialisation des hydmarburcs liquide
activités de l'entreprise
gazeux
Superficie tim minier de recherche : 28959 Km2 60Km
Géophysique : Sismique 2D :
3D :
Air mag
:
446 K m 2
3494 Km
Forage :mtms fods (Elf Gabon opérateur) : 10470
Nombre de puits :4
Production revenant B ELF Gabon : Huile :7217 K tonnes
Gaz : 86$Mrn3
Rcmier ptoducuur pCtrolier :39.6 56 de la pmduction nationale de brut Cvalc
18.2 millions de tonnes
Production cumulét opérée depuis i'origine : 181 miilions de t o ~ n e s
Projets en cours
Explontion : Campagne sismique marine 3D : 220 Km:
Puits in fil1 sur Bdistt début6 fin 96
Projet de développement des champs Coud ct Xvoccnc
D i m m g e cornprcsion Centrifuge An,ouiiiflorpiik
Equipements ou performances
exceptfonnelles
- Fang g m d fond privu en 97
- Auromîrisation. ~Clcesploirationet optiniisaion des puits en gn-lift Sur
- GRM - 0 DM - B DNM et TRhf
champs de .AGM GNXI
I
1
I
Telex : {:llh
f
;( J
do cr68tIon : W M l 2 l ' H d l
f o r n u Juridique : S.A.
Capital : I5.lNNl.ll(N) W) CFA
0810
N D m l f e de
raiatm
*
total
I1
'*iJ
1
~;idrc$
I
1
""'"
gabonais
non gab.
rtriuins
1
iw
OPÉRATEURPÉTROLIERAU GABC
156
509
I
1
75 "r Cmupe Royal Dutch Shell
Rapanttion du capital
1
Mantant du C.A. hl
I
,
.
Gabon
1
Attique
&van
Eu-
I W I
P i n l e Gabon
Prlnciprler iruritns
praml4ns utilisier
I
Aofrrs itabllrrsmenl,
.G.CMBA - TtL: 50 00 63
- LIBREvZUE :TU.: 74 01 0 1 - Fu :76.û2.34
I
Nombre a0 U I N f e S
I
1
1
t0UI
dont
'(
gah~i.
A m r &tabllrormnîs TPWe du p u p r KELT -GY
4 UJ LOh'DON- EyGLAiD
r
t
r
"on W.
i u
-a**
m
projets in cours
IWi Jcmyn S ~ r a
-0
Dirigeants d'entreprise
-
.................................. PrS?iiJcntdu c o n ~ if.4
M. R.4DE&I81‘;0-CO~Ic)L'ET
l dm
M. OT.ANDO Jean FiJ ~ l ..............................................
c
............................... Dirtac.,
$1. SlBY Feli.1 .................................................. D
u Ginènl Adjoint Adm.
M. TROlJ Fnnc;oir ....................................................... D i c t u Gknl AJjoinr .
$1. PAPOZ ;Michel. ......................................................................
Nombre de salarids
Répartition du capital
dont
Total
cadres
gabonais
423
33
4L3
-
Montant du C A ht
46.789 M.FCFA
Produits fabriqués ou
activités de l'entreprise
n$Eiai3
1
a
l
-
25 9 Eui Gabonais 21.83 $?;Eh t S d & S u i o d e Gtf Aquitaine) 18.73%
Fnnc3isc des pduota TOTAL^ 11.67 Sb Mobil Oil 11.39% SHEU GABON
AFRlCA Lm 326% EMOFLXA SA 250% AGlP
-
-
lnvestlssernent
-Dirtctcur
-
-
-
5.61)r
tata 1 : 1.868.000.000 CFA
prgvu : i.soo.ooo.oa CFA
Europe
Afrique
Gabon
Div4
I
90%
I
-
Rafhagt de pétrole brut Fabrication 'moyenne :B u m 10 000 t/ur
essence ordinaire 5 000 t super arburuit 35 000 t /an
Gaz-oil 170 000 t K e w n e 95 OOQ t Fuel 130.000 t 1 an
BimeISûûût
-
-
-
-
Ir.
-
-
19.000.000 tonnes de pétrole brut gabonais traitCs de 1968 i 1991 soit une r:
annuelle de 800.000tonnes .
Principales matihres .
premieres utlIis8es
Projets en cours
-
Equipements ou performances
exceptionnelles
Sous traitance
donnée
-
-
-
-
-
RaffÏncnc exploitée i 70 9de o capaciti
Moyenne d'ige de I'tquipcmcnt 25 am
PossibiIitCs de rous produits finis, &in&
Unit6 équipée d'un visco-riductcur permettant h u3nsfomution de fud cn produit,
Unit6 de mumage de binirne.
InctaIlation Cquipic dune conduiic senvaliste.
-
-
Marathon
Petroleum Gabon LDC
Marathon
Petroleum Akoumba Limite.
BP: 654
f i k x : 83'3 WTKFORD GO
Dmta dr d t l o n : 1982
F o m jurldlqw :SA.
Capihl :
Q.enmprue
LARSESG.O. .-....._.....--.
. D b w
11 M.HAERlYG
T.
D-ur
Y.
m.-..S.-S..-.-..--...
rcllvith ue I'witnpriw
Wc« Africa
Marketing
Autm d t r b l l U O ~ n i 8
i
uhl..
tahl
I
itdcainr
dont
-dm,
p.-ih
ph.
non
dwn.
S m S0el.l
Pl20 SHELL
...
Oirigemir d'mtrrprisr
Hombre de ulartms
!
LI. LIP()CGHO EPIGAT
..............A. Pr&
Coru.d'AJm.
........,.......... Dirrcuur Géntnl
1 51. 4PPLETT)N Chnsi .,...., ,. ...."..Directeur G='-Adj.
i
j
kt. BOI,'ROBOL'.An;itol
total
'Ont
udns
I
1
G~&MJ,
1
afrîdN
non gab
1
non
drîuins
toiri : 1.300.000.000CFA
privu :
Montant du C A . ht
DISTRIBUTEUR EXCLUSIF DES LU8RIRANTS SHELL
Produits frbdques ou
rctivrlea d.l'entrmprlse
Diriribuiion de produits raffints sur I'tnscrnble du
Gabon : carbumu. lubrifimrr, bume, binrmes.
*rufatsan c w t s
Continuation de la rt& en d u t cc e x m i a n du :sur tout Ic itmtoirc.
In~csùuerncnudam Ic gaz iiqutdc.
Equlprmmta w
mrformim
uœptlonnrlkr
34 srjtions-semc~srfpmiu sur I'ca~mblcdu CJ3 dipdo lubnfianrs : Libreville. Pon-Gnal. Mc-y
TOTAL FINA GABO
Représentation
-
~ l r i g i r n id'enirrvisc
l
Dimcur Cenenj C F A 0 CABON
Dlm-trvrhI Adjoint CFA0
' 11 LAFARGUE P . Dimctsur AJmmisu;iiif ci financier
. 11 \'ILL \ Fnynis .............. +. .... Dirtctcur Dép~icrneni
automobile
\1 i E BER niilippc..,..,.
: U Y01 4 ? G A .........
.,..,.
#
ffm
m'mmm
L
MOTORS
Produha fabrlquir ou
K t l v i î i r 80 l'mb.pdse
Iiiipnaiion. vcnic cl m i c c aprez-tcnlc de voiture,
~mions.motcun muins.
Rqrkniaiion dc nuquei . Slitsubuhi M t ~ c u nr i .
-
Sutuki
-
1
~vrrlisument
!
-
2.000.000.000CFA
total :
prwu :
500.000.000 CFA
Am-
Clbon
Montant Ou CA. hl
(grou# CFA0 au lZ36i
~ ~ . ~ i t . mCFA
ooo
i
ûivrm
100
Représentation automobile
OMg-nu tanurprti*
M.LE BER Philippe,
M. BOL'ASGA .
-
-..,..-
/
/
DCA CFAO Gabon
Dirrcuur Dtprncmcnt
,M. .M&X&Sï Dutid
M.SKX?04.R . . . , . . . -
R)prrUtion du mprW
s '"4U;I
DL#ncur Wnéd CFAO Gabon
PfUCEOT
û k t m u C~rtun&d
Produits tabfiquda ou
1 Imporuu'on - Vmtt a ttrvicc ipts mrc de voitures
Eut :rt
Gmup CF.40 98 4
total : IWO.WO.OM)cF.4
privu : 500.000.000 CFA
Equlpnnrntr ou
p.r(ormrnus
oxnpilomnlirr
Magasin bt p i k a de r t c h g c
G a q e VL et PL
..
Date de ctaaiian : 1Wicu11.i
F o m jundlqw : S . A .
Capital : 3SO.oiH).iMI CFA
A u t m O ~ J O I I S U ~:~ U
&pit~~cL\~-T
76.11.N
d
AIR LIQUIDE
.4r~wrn uùnc : PPrr-Gnul. BP : I t l
T;~: J S 3 l i Th :mj Fu: rJ.oi .ri
-
Oinpimi trrntiepiii.
21 HOC RI Y YE Cl~u*.-......Msulrnidu Caneil JAJm.
51 DE LA ROCHFTERIE.alan.-.....-Dirtc~curC i n e a l
kt GALLO Chnziim
Dircctmf
. \I \il\TOCC'E Duminique .-P...Rcsp. Adm. Comptahlc .
1
i
..................................
(
total
%amow se w a t t e s
I
-
R e g m ~ i ~ oau
r i capital
'
GABC
1
dant
Cadt8S
j
1
-
1
l e p l
africains
n a 9.b.
non
at"csins
1
.
C~rburrclc alcrum ci j i r c n 100 % [CEE1
E n q i c clccrnque t SEEO
Ptlnclgllms rnrlllrms
p r a m l h s uWlr).m
3 ) . i E:JI C d b i n i t ~t SOh'.-\DICI
4f) ' 7 & i f LqutJc
.
'&
-
-
I
I
.
b c i c i c C a b ~ n r i r c J.~t!;inc c l acct?lcnc
F h ~ 1f
1 ïinduunch c i m d ~ c a u i
JC 'AC
ae!ivi(*s da i a e n t m p r , ~ ~m i n c ~ i d ~ i 1 1 k
0111nuluam3 p i u u k ~ u h i i ~ i o~r i t n vC m * k tnatcricfr Jc w d q c . Jc mtcncl< msdicwt . P m ~ 3 ' 0 "
Clxnnwrultoiirin JL mentit . ~ t i t m uI C nwH
~
QUI-^^'
Produttr t m t i q ~ ou
s
7
Prolets an cours
i
Amrli,wiii~~n
Je\ ; ~ ) d i t ~ ~ rJC
n sprduiitofi
-
SOOIM T P
ap .
Oirtprinil d'enirupriu
'
1
1
/
-W
........................ R i s . du Cons. d'Mm.
8 0 i . 7 0 Z X E T Rokn ....................Dirmeur G C M d
b1. KERASCALL thMian ...... Adrninuvru~WKp=
U.THOCVESIS RicM ........ "....-..........-. Directeur
Timberjacl
,hl. BRE5AC R e n i
b1.
BOSCH
RENAULT
SOGAF
~
GROUPE BOLLORE TECHNOLOGIE
Société des cigarette
Gabonaises
tnvmrttrrrtnonta
Montant au C.A.
9 iXC &KI
~ioauitsm r ~ q w sw
aet,uitar da ranirrprtsr
1
.
X
X
I
.
û
û
û
Cf
.
m
A
privu :
205 000.000 CFA
Clam
ht
300 Cf.A
toui :
I
1
-
Atrlqua
Eutopa
ûivmrr
B.P. 2175
1%
C i ~ x t t t e GABONAIS
~
ES^. 5 P R l h T .
"ESCELLE3CE' ei 'DCMHILL'.
- LIBREVILLE
I
Fis€:
b
Pter,,
an cou,i
Culture Ub;>i
Annexe
D:Seuils de pauvreté et distribution des revenus au Gabon
Source: Enquête budget consommation (EBC), 1994
Les seuils de pauvreté
Qu'il soir relarfou ab501u. le seuil de lu p a w r e t t se situe
aur afentours de 30 O00 F K F A par rire et par moir.
Seuil d e pauvrete absolue calcuk
Les seuils de pauvreté absolue.
B partir de la ration calorique.
Les seuils de pcwreti d a t i v e sont Nalui
La iechniquc habituelle:
On
rialise une rigression linéaire de la :
uniq;temenf a purtir d u carucferitt.iqucr de ia
1 @)t e seuil de p u u v d alhentairr.
disrribution d u rrvcnas (ou des coirrommatiom) Ilfiut compter ennvimn 20 000 Fpar nrok POLU calonque p d r d'une fonction de nwnu k
nible) par tête, et de Ir taille du m b p e ImoC.
et non c i parrir de b notion de suffuuonce. ou de
nourrir nonrilemen; un individu r n o w
co~verrured a buoinS de bat.
II s'exprimeen Fmcs CFA par titc ct par mois ou sans la tailledu meme (modek2.J.
flscomrpondentqui~~miaitmitauquintilc,et comrpond i Ia vaicur normale der besoins
C+I = 1 8 946 L n ( m - 990 m. 1 1 9 9me
a la demi-moyenne (Ewope), aux deux tiers de la caloriquesd'un individumoyen,
-par convention64
moyenne (Afiqut).
MX) calorier par mois. .
Cal = 21 820 L n m 159 984 /21
~ s e u i c n t i n d e c e ~ g u e n 0 ~ ~ u test
i 1 i s ~ ~Sous irons retknv un coût moyen de 295
Les seuils de pauvreté relative
6b
-
Le calcul des seuils de pauvreté absolue
se1011lu techniques hobituefltx
Le calcul des seuils de pauvreté
Définir les besoins de base
Le seuil bas
absolue
En dehors des besoins dimentaires,il est artriOn prend un minage thioriquedont la tai:
Besoins a/imentaires et non alimentaire.
fl:nnt difficile d e p a i r à d C f i n i r niquanuf,a
moyme (S.49membres) n lacorwmmrtion:
besoins*de base. 1'esrimoiion du coi! de ta
Onsépareen deux le mirement:on uouved'un partite ioutjustc égale au seuil alimentain.
s ^ r / . c i i o n d u besoins alimentaires n ' u t pas dtélecrlculda besoinsalhcntaircs,deI'aumcehi
Ce m&gcnevap.r c o ~ m m a ~ i e m c
des besoinsnon alimentaires.
~ m p dec reproches non p l u .
produitsalimenrak, il vaconsacraumpanic
On conroume lu dificulre en utilisant la pan
ie sail Jimcnmk,guem a v o ~ d i jabordi
i
consommation à d'autrt~achats.
~ c r ~ e c r ae !'alimmraiion
e
duas b conrommafion fournira l'cnimation du coût de l'alimcntat~on'norCnie pullgprClevér au d&entdht.
bck.
rnale'.
\,....
.tionde sesbesoinssuimcncalhcntaif~~,
a*
Reste a ajouter la part du non-alimentaire. 'sid&comme~prim~tlaptlapiusmEomprr
OnutilisedorsIa 1oid'Engcl.
dcsbesoinsnon alimentaires. .
La loi d'ENGEL:
Onl'ajoute don à la valeur du seuil 11upai.i
E N E L remarqua que la
consad a
Le seuil de pauwetd haut
on obtien~teseuitbas:
On definit un minage thcorique de 5,49 mtm~lirnmtationd m l a c m w d o n t o d e des r n d Pour un prix de 295F lu 1 000calories.c:
zs les plus pauvres est p l u impoiuaie que la part brrr, qui consacrmit m n m c n t ason dirne~tation en de 24 53 1 Flmois. (soir du dipense
It minimum alirncntaih
.snsacriepar let ménages lesplus riche.
alimentaires de 5 63 1 F/mou),
ii établit Iamimerelationpow lcrmtrvga dc
OnatMeciirrctnn~ll$p'artirdelaloi~GEL, Lesdl ainsi obtenu ainfineurauseuil;
,ande raille par n p p n a u ménagespluspciiu,2 kcdhsa~ticmtodcsorrespondante:
dcat C'enlaraisonpourlaqucllconI'appelIc
'Suivanileshypothésesd'un coQtde295 F les 1 bas" (infirieur auprCcidrnt car le coeflcie
5wau dc consommationgiobale id.
Larelarion mmlapauvrriéellapartcod 000 ulorier a d'un besoin siandard de 64 WO consommarions alimentaires ur we for
:i'dimrntationluiniggiraque 1ecoeficieritbudgt- dories par mois, o enutilisant1'appmxirnaciundeIoi diooissmie du r m n u par téte).
aire de l'alimcntation ( e r p t i i r e der a t r con~
CEPIGELpropos&,
le seuil de paumté absolue serait de 30 174 F
:~mmationr dont la proportion vurie nm la
:onsommarion iorale) pouvait itnuti1iséccouüne (Bcroinsnon alimentaires = 30 174 18 880 soif:
11 294 F par tire et pur mois.).
XIindicateurindirect du niveau de vie.
-
r
Les indicattursprisentèsceux 1uph.r utilkk
l
,?cr les organismes internationaux dam Iew op- I!
:roche de la pauvreri.
LEGENDE:
96 o o ~ u l aiorl;
t Propodond'individus vivantdaru:
des mi'nagcs situb en dasous du seuii dcpaunctc
considiri.
1 !% de la population des deux villes vit cians
da menagesdont le revenudisponible (uprismm/'cru par theest infirieurauseuil alimentaire. Zr!
des habityiuvivcnt âansdesrninagcsaudessousdu
seuil de pauvnit absolut o ~ i l h u r ) .
La courbe deENGEL que nous utilisons a été estirnee ainsi:
-
-
-
w (%) = 236,27 16,22 Ln (WQ (1,165 T)
1
w P m en K de ~alimnliitim
et des boisons datu ia consommation
T- Taifle centmie des mbnages ici la moyenne 5.49 membres
WT Revenu par [&ru
Libreville & Port Gentil
brcs dans Ics minages considCris.
Les miaagts pauvres et extrëmerneafpauvm
sont de wjIltserrsiblemeritmpérieutcalarnoycnnc
(de 7'7 a 8,1 selon le seuil. la moyenne etanide 5J
mcrnbresl.
:
C le nppon entre la différence financierminimurna rhlisupowiradiqucr!a;
dunvaiudispooibtt rnoycndelapopulati0nu)ltsle
Revenu_dis~onlble
par tête;Rcvatu net de seuil et la valeur du seuil considm.il est de 33%
tnmferts privk entre menages ( ENmble des environ. (Il/audrait un menu additionnelm y e n
égaf OU I B de la v a / w du se& r r m u p w
revenus +Ridesreçues Aida d o ~ i t s ) .
En r n o ~ m cles
, 1 1%deIa populationcomposantles atteindre ce seuil).
S'il n'ya pas de diperditionni b c k rnultiplicacruimemenrpuvrtsdirposentde12372F/rnokce
tcur, cet indicateur est utilisi pour mesurer I'effon
qui Ics situe iris mdessowduscuilîlimtnwirc.
-
m i a univeaudusail a partirduquel cet indic:
est calcdi.
Fiveay de
Cest le pmduit du
population musIcscuii et du dificiirnoyni.
:
Ccstuniadicatcia~quetcrwitcwnplc
fois de la propodon de pauvreset du dificit mc:
de leun revenuspar iapponau seuil.
Représentation graphique de l'établissement d e s seuils de pauvreté absolue
A cote de lu courbe d'E,VGEL represenranr Ia relation enrre le coeflcitnr budgeroire de l'ulimen~orionet la consommarion rorûle.
nous o v o h t / a i r / i p r e r la courbe d e vuleurs moni~uircrde f'alimen~arioncorruportdant a u coeficienrt er a f a coruommarion,
Dis tribution et conce~.itrdt.o.rdes re .remJS
Lrr eJieis combink d u tram/uU
et de l a millefont passer 1 'indice de GlrVl ùe QS? u 1 ' 4%
Les transferts entre ménages
Une dis tribufion primaire des revenus
La taille des ménages
tres inegalliaire
réduisent les inégalités
et l a réduction des inegalites
La aides et dons que se font la mén~gesJ ~ I C - En prenant maintenant Icrcvniu prtiic neid..
Avant tmfauprivtr, (en neretenan~quelcr
rc;cirru du ouvuil. lu l o ) m et ies tmirr/crtl nuent c o ~ i d c n b i m m
l'ine@jli
~
obserkedw IJ
on comutc une nouvelle diminution 6.
publics). le cocmcienr de GMI dipasse 0,sCC qui distributioninitiaied~~
mcn~s.
la valeur du coefficient Il atteint dbormais O, df
L'indice de G M p w e en cfkde O,j2 a Ol4j.
ut souvtnt considéré.cumedicrivanr une réparOa amne l'approche des effets de la taille de
ution tris intgdiiaire.
minages sur la redistribution en utilisant cttte foi
les unit& de consommation plutOt que le nombr
dk membru, le coefficient descend a 0,40.
Un coefficient de G N almk sur Ic revtt,
iar tète ou par uniti deconsornmtion d'une MICI;
pprochant 0,4 est conforme a ce qui a t o b s m
62 636
Ecan ppe
161 201
IJJ 054
lans &aucapitales Africaines (Abidjon 88).
Cocd;cim de diuyriirnc
Cocficent â'applariumenf
CoeMcienl de GlM
1.69
2S.87
0.52
3.23
21.16
0,45
5.08
62.64
0,42
37.02
0,40
On obtiendrait wre rcla~ionsimllaireen m e ncutt non pas Ie revenu mais la consommarion.
la consommarion des minugafournit un coefficien; de G M d e 0.43, et la contomma~ionpar
W.C. Un coeficient riduit à 0e37. Les indicor e m d'inêgaliri ont tendance à im unpeu pl&*
fiiblcs Iorsqu 'iksont calCulisnula coniommalion. que lorsqu'ilr s a n ~cdclrlis Ù podr d e
rcwnw.
b propouion à épargna u t plus grandl
dans iw huuo revenus. ce qui a tendance .
diminuer l
u karts enrra k
a consommations.
Annexe E: Indicateurs non ménétaires de la pauvreté
Sources: Banque mondiale. Alfred Mabika Mouyama
2.19
Pour bien comprendre la pauvrete. il faut aussi considerer les indicateurs autres
que les indicateurs lies au revenu ou a la dépense par tëte. L'accès au.services sociaux
tels que l'éducation et la santé, et les conditions de vie des mtnages (accès à l'eau potable.
conditions d'habitat. etc.) constituent des indicateurs non monétaires de la pauvrcti des
populations. Les chapitres 6 sur I'education et 7 sur la santC fournissent les données
relatives a l'accès aux services sociaux. tandis que les indicateurs d e conditions de vie
sont présentés ci-dessous".
2.20 Lin approvisionnemenr inégal en eau porable. L'accès à l'eau potabLe reste un
problème crucial au Gabon,avec des conséquences graves sur la santé de la population
La prévalence de maladies endémiques ou de maladies liées à la consommation ou au
i
contact d'eaux non traitées (telles que les bilharzioses et diarrhées) est favorisce par les
conditions d'approvisionnement prtcaircs. Selon le RGP,66% de la population totale du i
Gabon a accès a l'eau potable, directement dans le logement (38%), auprès d'un voisin :
(2 1%) ou a la borne fontaine (7%), mais les variations régiondes sont très marquees:
quand 80% des ménages de l'Estuaire et 53% de ceux de I'OgoouC Maritime ont accès à
l'eau potable, dans la Nyanga et dans la Ngounii ces taux se situent en-dessous de 20%. ;
De même,dans les provinces de la Ngounié, l'Ogooué Ivindo, l'Ogooué Lolo er le Woleu
Ntem, trois ménages sur cinq utilisent encore l'eau des rivières et des lacs.
1
1
2.2 1 Précarité des logements er statut d'occupation. D'une manière générale, le
recensement montre l'importance de l'habitat de construction légère (en planche
.
.
. -essentiellement); 46% des minages occupent des logements de ce type, 25% des
.
logements de trpe semi-dur. et 27% des logements de type dur ou moderne. Les
vanations régionales sont importantes: dans l'Ogooué maritime, 32% des ménages sont
logés dans des constructions légères. alors que dans I'Ogoout Lolo la proportion atteint
76%. Les mtnages logés dans des constmctions temporaires (7% au total) sont sunout
nombreux dans la Nyanga (25%) et la Ngounie ( 1 5%). D'après les résultats de I'EBC.
plus de la moitié de la population de Libreville et un peu plus d'un tien de celle de PortGentil occuperaient des logements de type moderne".
* .
p
.
P .
2.22 Les d' .Zrences régionales sont également assez marquees en cc qui concerne le
statut d'occupation des logements: les ménages locataires sont évidemment plus
nombreux dans les dew provinces "urbaines" de l'Estuaire (Libreville) et de 1'0po0uC
MMtime (PonGentil), ob 49 et 44% des ménaees sont locataires de leur logement
( E n a d r i 2. 2). Trois autres provinces comptent 10 a 15% de ménages locataires. Le
reste des provinces compte plus de 70% de minages propriétaires de leur logement. En
milieu mal. la plupm des rntnages sont proprielaires ou loges gratuitement.
Les conditions de logement en milieu urbain
.
h précarifi du logement et I'iniicuricé qui !'accompagne Mn1 lei prtncipslci c o n l r ~ i n r ociiecs p u les p m o n n a
ntcnopits I o n de I'EPP (environ 80% des rcponscs). A Libreville. comme dans les villes secondaira. ics logcmmis
pauvres sont gintnlcrneni consuuits cn mattriaux prtcaires. plrnchcs. contre-pfaquèr toles qui Iaiueni d m la
dupan des CS passer la pluie. Cemains ont essaye de construire cn maltriaux dunbles mais le baiiment est louveni
u i t inachcvé il a suiic de la pene des sources de revenus. D'autres occupent u n logcmcnt en dur Iaissc p u d a
mmis depuis plusicun d c c m n i u cl jamais entretenu fausuie dc moyens. En milieu n i d le coiit des maitriaux
mpond cri pr&ibitifpour lu villageois. Ilest diflicilc de construire une habitation conmc m matcriaux locaux
quand on n'a pas !e tronçonneuse pour abattre les ubrcr. ct aussi quand. selon Ics pemnna intcnogée* il devient de
JIUS
cn plus d i l l i ~;c de trouver de la paille pour Ic toit. En gtntral. ccs c~nstnictionsrèsistent mal aux intmipcrie% et
ne proiégenr p u contre In vols. Dans la q u u i i m denses de Libreville. le3 incendies peuvent tourner a la catastrophe
fi p m j ~ ~ l iqe l ~ I*(uI~ d~dla voirje ne penne[ pas I'accb dcs s m i c u dc x c o u n . II existe une ddc a u sini[inondations. inccndie) adrninis~ecpar Ic Bureau des A i d a et Sccoun du Minisière des Allaires Sociales. mais en
mendant que SC %unisseIr Commission Annuelle pour l'examen d a dossim il faut uouver un l o g m m t temporaire
DU SC cantonner dans lu parties de la maison qui ont d i n i au sinistre.
Le müt du loyer. Pour les uis pruvrs. e u x qui n'ont pas h chance d'avoir htrité la maison de leurs puau ou
d'occuper un logement ippmmuii I un parent rbidant ailleurs la situation dc locataire CS bien riir Ir plus redoutable
Ccruins oni des yri&és de p l u s i w n mois et se voient menacb par leur propriétaire. Compte tenu de la prtcuiii du
bkimeni ou de I'cxiguW du logment. le montant du loyer u t juge excessir p u l
u locaoircr dans ta apiulc comme
dans In centres secondaires (juqu'i 15.000 FCFNmois pour une seule pikc cn plancha h Minvoul. 20.000 FCFA
une sculc pièce en dur a Librevillc).
Source:
EPP. jc:?
I395.
.
Eaubernent sanitaire. La majorité des minages (76%) utiliseraient des latrines,
mais les proponions varien1 de 63% dans le Haut Ogooué à 95% dans l'Ogooué Lob. Le
recensement ne fournit pas d'informations sur la qualité des latrines utilisées ou sur la
fiabilité de l'information. On peut noter par ailleun que dans trois provinces (celles ou se
situent les trois plus grandes villes du pays) un peu plus de 20% des menages utilisent des
2.23
toilettes à chasse d'eau une proportion inférieure a celle des logements en dur (27% pour
1'ensembIe du pays). Une enquête effectuée en 1993 par le Ministêre de la Sanré
Publique et de la Population a situe a 49,7% le pourcentage des ménages qui évacuaient
correctement les ordures.
2.24
Le pétrole et le bois, principales sources d 'énergie. Le Gabon est un pays riche en
bois et en pétrole, et, de ce point de vue, les mènages gabonais sont relativement mieux
lotis que ceux des autres pays de la région. La source principale d'éclairage est
l'électricité (60% des ménages). suivie du pétrole (34%). Les variations régionales sont
irnponantes. avec 84% des ménages utilisant I'élecuiciié dans l'Estuaire, contre 1 6% dans
I'Ogooue Ivindo. D'après I'EBC. la situation entre les deux villes principales du pays est
sensiblcment comparable: 49% des ménages de la capitale et 58% des ménages de Port
Gentil ont un compteur personnel. Au total, respectivement 95 et 85% des ménages des
dcw. villes ont accès à I'électriciti, que ce soit par compteur individuel, ou par
l'intermédiaire du propriétaire de leur habitation ou de leur voisin.
1.25 L e gaz est le combustible le plus utilist pour la cuisine (52% des minages) suivi
du bois (39%). Mais les disparités régionales sont, encore une fois, tres importantes: à
I'excepiion des provinces où les ménages utilisent essentiellement le gaz (l'Estuaire 75%.
I'Ogooui maritime : 78%. le Haut Ogooué : 47% et le Moyen Ogooue : jj%),plus de
80% des ménages cuisinent encore au bois dans le reste du pays
I
1
'
2.26 L'évaluation de la pauvreté qui précède s'appuie sur une analyse des donnees
quantitatives du phénomène. Il est aussi intéressant de c o ~ a i t r edirectement le point de
vue des populations concernée^'^. pour cela, une enquête participative sur la pauvreté
(EPP)a Cté conduite en juin 1 9 9 ~ ' ~Cette
.
enquête, mente en milieu urbain et ml,a
consisté a demander à des groupes pauvres de citer les principaux problèmes rencontrés
dans leur vie (Tableau 2 . 5 et Graphes 2.1,2.2, et 2.3), d'en analyser les causes, et de
proposer des solutions2'. Les résultats ont permis d' identifier les besoins prioritaires
suivant le milieu géographique, et ils font rcssonir des situations très diffCrentes entre
.-. .
villages, centres secondaires et Librevlllc.
mésentente 0
inondations
logement,
- - a -
Source: EPP. Juin 1995
2.30 Priorités. La dispersion des réponses rend difficile la démarcation entre première
et seconde piorités, mais elle confirmel ' i m p o ~ c edes besoins en eau, électricité et
voie de dessene du qumier. L'accès a la tante est ciasse comme première priorité par
28% des personnes intenogées et celui à l'éducation comme seconde priorité par 22%.
1.
Quaniers sous-in tégrés de Libreville
2.3 1 A Libreville. ou existent des infrastructures sanitaires fonctionnelles, la santi reste
un probléme pour 36% des personnes interrogées dans les quartiers sous-integrts de la
capitale. Mais sunout. les habitants des quanien sous-intégrés - ou "matiris" -dénoncent I'insaiubritC de leur cadre de vie (66% des penomes). Toutefois. cette
situation. tout comme le mauvais Ctar ou l'abscncc de voies de desserte (55% des
. .
personnes se plaignent de l'enclavement de leur quartier), et une situation d'insécuntë
croissante avec l0augmentationdu chômage (44% des personnes), touchent aussi bien les
mu\:-:; que les classes relativement aisees habitant dans ces quartiers. Par contre, les
problèmes d'approvisionnemmt en eau (selon 40% des penonnes) concernent
essentiellement les plus pauvres; ceux-ci en effet n'ont pas les moyens d'obtenir un
branchement et, en raison du manque de bornes fontaine,dépendent souvent de voisins
qui leur distribuent de l'eau à des prix Cleves.
Graphe 2.3: Problèmes des quartiers sous-intégrés
marche
hausse prix
2.32 Priorités. Respectivement 40% et 34% des personnes interrogées classent
l'enclavement des quanien et l'insalubriti comme premier et second problème
prioritaire. Le problème de I'insécurité est citè au troisième rang par 15%. 11 faut noter i;
que 1'approvision.nement en eau et la sante sont aussi des problèmes importants puisque
respectivement 13?4 et 1 1% les ont classés comme premier besoin priori taire.
I
l
:
M~lyrCles sommes r n y q t r s dans Is sant2 CI I'cnisicnu: dc csntrcs
hocpiulisn dans la capit~lz.l'sspénnçe de vic au Gabon n'ssi quc Ji: 53 Jns
cn moyenne. Dc nombreuses maladies doivent encore être combmues. tel le
paludisme. A l'intérieur du pays. même quand u n ccnue hospitalier existe. il
n'estpas dot&de tous les serdice'set est dtpourvu du personnel et du minimum
vital.
i
i
1
Le aux d'accroissement de la population qui est assez hible souffre de
cette situation. Mèrne si le taux de natalit6 est élevé, la mortalité infantile est
de l'ordre de 96 900 et celle des enfants de moins de cinq ans de 150 460.
l
Ces taux, meilleurs que ceux d'il y a quelques annCes. monvent bien
qu'il y a cnçorc il fairc. Dcs résoliats plus saiishisanis pcuvcnt Çirc cnçorc
recherchés. Cet impératif s'impose pour toute politique qui pounuit un
divcloppement du bien-être des populations.
Néanmoins.le recul de certaines maladies ne pourra Eue effectif qu'avec !
l'adjonction aux programmes de sant6 curative, d'un programme de
développement d'hygiéne, d'éducation sanitaire. mais aussi cn dotauon
d'infrasuucturcs et d'actions ddpassant largement le cadre du budget de la
sant6 publique : distribution de I'eau par cxcmple, ramassage des ordures.
assainissement de zones insalubres.
Ainsi que le note une ttude rédisCe par le Ministère de la Planification.
si 1' infrastructure sanitaire s'est nettement améliorée quantitativemenc ce
--
dtveloppernent a sunout btntficib la médecine curative,avec 1' accroissement
du nombre des grands hôpitaux : 16 en 1982:33 en 1990 (y compris les
hôpitaux des grandes endémies). A contrario, les dispensaires ainsi que les t
centres mtdicaux et sociaux, qui rcprésentcat la base pour I'actioa de la
mCdecine primaire. ont vu leur nombre ne pas progresser sensiblement depuis i
,
dix ans environ (406 en 1990 contre 381 en 1982).
1
Ccitc Cuide poursuit quc, même si quantitativemeni le nombre des
hôpiisux a augmcnté. leur Ctat s'est constamment dCgradC : vCtusti des i
installations, manque total d'entretien. en panicukr l'intérieur du pays. .
Cette situation est duc prinçipdemcni la pan dc plus cn plus réduite dans
la budgets successifs. des montanu alloués 1 l'entretien, mais aussi h la
faiblesse de I'organisation et de la prtvision dans ce domaine de l'enuetien
au niveau du ministère de la SantC.
On peut alon tout de suite rappeler le montant des investissements
publics dans le domaine de la santé depuis 1980 : 45 milliards de F.CFA
contre près de 2.122 milliards de F.CFA d'investissemeni publics totaux. A
tiue de comparaison. pour la même période. les investissements conwcrés i
11 dCfcnse nationale ont CtC prés de 5 fois supdrieun ceux de Ia santd.
N.ldmnoins. Ics résdiarc; de ces comparaisons doivent Cire nuancés par Ie hi;
qui: I' Eiat J sous-toité et subventionné une partie dc son intcwention dans la
sanie. 3 1) Caissc Nationale dc Sèçuriti Sociale. qui est sortie de son r31e de
proiccriun sociale cn assurant dircstsnicnt tcs soins 3 partir dcs hùpii;iux ct
des centres m&dic;iux.
I
!
j
'
.
La protection
1.2
sociale
La protection sociale est assurée par dcux organismes :
-
-
LI Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNSS)pour le secteur
privé.
La Caisse Nationale de Garantie Sociale (CNGS)
pour les indigents.
Ics agents contractuels de t'Eut et les travaiileun indépendants.
II faut noter que les agents de I'Etat ne sont couvem p u aucune de ces
dcux caisses et que la prise en charge des risques est assurée par I'agent luimême ou par le budget de l'Eut.
Les politiques d'investissement choisies par Ir CNSS. l'absence de
gestion des moyens matériels ou humains, principalement dans les
Ciablissernents de soins. ont entrain6 des pcnes d'exploitation qui mettent en
-..
m.
péril la mission de protection sociale de cet organisme.
-
La parc des cotisations, tant salariale que patronale, pourtant élevCe et
mponsable en partie du foncoOt des facteurs. ne suffitpas au remboursement
des pmtations médicales. Le salarie, dans la plupan des cas. s'adresse alon
son employeur qui doit couvrir les frais engagés par le salari&.La charge est
ainsi doublc p u r l'cntrcprisc ct un dcs rCncxcs pour cclle-ci cst de suspcndrc
Ic paicincni h la CNSS, aggravant ainsi sa situation financière.
13 L'éducation
1
Le pamdoxe est aussi Cvident ici que dans le secteur de la sont& quand :
on imagine que 1'Etat y investi directement 125 milliards de F.CFA au cours
des dix derniéru années pour une population d'un million d'habitants. Le
budget 1994 y consacre encore 11,30 % des dtpenses d'investissement
estimées il 150 milliards de F.CFA. Les bourses représentent 11 mithrds de
FCFA et les salaires drttinh aux enseignants 38 milliards soit 23.4 % des
salaircs tul;iux dc II Fonction publique.
1
I
l
Cet effort a c e n u poné sur l'enseignement avec I'accroissement des
effectifs.
;
1
1
I
I
- nombre
d'adolescents quittent le système Cducatif
sans aucune formation propre A leur m u r e r
minimum l
d'orientation dans l'appareil de production;
Cet eïfon quantitatif s'est hilas tnduit par une efficacité qualitative
médiocre e t dicroisssntc. L'échec scolaire est une dgle dominante avec
quatre conséquences :
un
très &vC
un
-
-
ie coût de I'éILve diplômé apparaii exorbiuni:
1
1
l'àge moyen des Clèves est extrêmement ClevL;
Ia formaiion dispcnske nc ripond pas encore aux besoins de
I'iconomic. trop largement couverts aux nivcaux administratifs,
ncticmtnt nid assurés aux niveaux intcrrnidiaircs ci techniques.
L C ~W L ~ ~ I C~ I U ue
X 4 cuuçarion oc I YI)> wmcm lnls cn CvIuencc ICS
causes profondes de la crise du systérne éducatif. dors caracterisé par une
perte dc qualité.
Les développements des crises scolnircs. à travers Ics gréves. traduisent
I'mpIeur du mal. désonnais ttendu aux moyens (classes. équipements.
rémunérations)
. .-_m_ai.__--s aussi 13qualité des maîtres (contenu des programmes.
dCveloppernent des filitres). Ils renvoient plus largement i la nicessitCd'une
réforme smcturelle qui permette l'épanouissement authentique de lajeunesse
gabonnisc ct la rclève dc I'cxpatriation par une rneillcurc adéquation du
système de formation aux besoins du sysdme de production.
Malgré le niveau élevé du revenu par habitant au Gabon. I'anaIphabCtisme
affecte encorc 50 % dc la population. Le taux de scolarisation primaire est de
60 % seulement,et le taux d'abandon scolaire de 40 %.
L'éducation est devenue le secteur de prCdilection de toutes les critiques.
Les partis politiques en ont fait leur &&me favori et rassembleur
stigmatiser l'imperitie du gouvernement. Un effon a Cté fait pour rédu
taux d'occupation des salles de classes. NCanmoins. on rencontre encore des
classes de 80 élèves. II n'est pas surprenant dans ce cas d'enregistrer des taux
de redoublement de l'ordre de 30 %.
Comme on le verra plus loin, l'instauration d'une politique de relance
économique décentralisée paraît alon une des solutions A la planification
dans le secteur de i'éducation.
L'énergie e t l'eau
1.4
La disposition de ID6nergicet de I'eau constitue un des facteurs-clés du
dtveloppement tconomique comme du bien-être social.
L 'énergie
A l'origine fondCe sur I'exploitation de petits systèmes thermiques
alimentant des réseaux strictement locaux. la politique de développement du
secteur a visé deux objectifs :
-
utiliser au mieux l'immense potentiel hydroélectrique du pays et
par 12. abaisser les coGu de l'énergie;
favoriser la diffusion de l'énergie Clectrique sur l'ensemble du
territoire.
Effectivement mise en oeuvre travers la rCalisation des bmages d e
KinguCIC, Tchimbélt et Petit Poubaa (Bongolo vient d'être mis en service).
la prtiductioo a pu ainsi croître dc façon cxtri!mcment fortc (de 20 millions
GWH en 1960 i 945 millions GWH en 1992). alors que le nombre de
raccotdemenls progressait tout autant (de 4.300 i83.830 depuis 1960).
Toutefois. l'élecrricit~n'est pas 1 la portée de tous les citoyens.
1
'
'
La production d@éleciriciiia &è obtenuc h un co0t qui reste élevC tant
pour les ménages que pour les enueprises. En ouire. la volonté d'étendre
progressivement les réseaux l'ensemble du terriioire s'appuie sur un
systérne dc péréquation. mis en place des novembre 1963 et alimenté par un
préIéLcrneni sur les ventes d'électricité dans les grands centres urbains. Ceci
se traduit donc paradoxalement par une wrification plus ilevCe h Libreville
que dans les petits centres de l'inttricur.
L'eau
La production d'eau a progressé de 2.1 millions de ml en 1960 B 35
millions de m3en 1992. le nombre de points de livraison Cianr multiplie5 par
vingr sur la mime période. Parallèlement, un programme d'hydraulique
villageoise a permis d'exécuter des forages dans plusieurs villages.
,
Le rtseau de distribution d'eau fonctionne avec rCgularitC. compte tenu
de la taille des populations concemécs. Ntanmoins, l a difficultés de la SEEG
font peser un risque certain quant la pérennitt de cet acquis social essentiel.
L'eau potable manque encore cependant A bon nombre de Gabonais.
1.5
L'habitat et l'urbanisme
Lorsque I'adminisuation française céde la place l'administration
gabonaise, la population encore stdentaire ne connaît pas d'exode nird
massif. Les grands cenues adminisuatifs sont dotCs de structures iégéres,
autour desquelles de petites agglomCrations nt posent pas outre mesure de
probléme aux responsables politiques.
Le dCveloppement Cconomiquc cenu6 sur Libreville et Port-Gentil
entraînera. vers les anntes 60,un afflux de populations vers ces villes dont
1' expansion va dCpasser la capacitt d' organisation des services cadastraux.
Cette situation s'est trouvCe aggravCe par l'importance de la population
irnmigrCe rcpr6sentant jusqu'h 22 96 de la population totale dans certaines
zones.
Dans I'Ctudc ponant sur cinq qunrticrs dc Librcvillc. on mcntionnc quc
l'habitat a Libreville (350.000habitants) demeure ?
plus
i
de 60 % sousintégré. c'est-A-dire ne disposant pas de voie d'accès. inorganisé et souséquipé. Il est gtntralcmcni occupé illégalement*avec de très fortes densités
atteignantjusqu.8 305 habitanis il'hcctrirc sur des versants de collineou dans
des bas-fonds marécageux.
Sans aucun doute. les causes d'un Cchec de la politique de logement sont
l'inorganisaiion des services. 1'insuffisancc des moyens financien et le coPt
des facteurs de production.
Les voix qui se sont élevées pour une rmélioration du logement n'ont eu
de nison jusqu'alors que de soutenir une clientéie populiste qui. demain.
rfclamcrn dcs moyens appropribs visani B mcttre fin 3 ccuc situation.
Lc probl2itiç dc fond n'a pas eticorc trouvé dc w l u i i i m maigre l'cfrort
déji cntrcpris dans la construction Je quelques nouveaux quartiers et 13 mise
en pluçc dcs siruçturcs icchniqucs : Crédit Foncier du Gabon. Fonds National
dc l'Habitat.
11 faut encore au moins 1 .O00logcrnenrs par an à Libreville en moyenne.
Lc coût du logement est encore ClevC et le financement n'est pas assuré.
L'urbanisation nécessite I'ouverturc des voies dans les principales villes.
'
1
1
Les investissementscons;icris h l'habitat cr à l'urbanisme en 1992 n'ont i
été que de 177 millions de F.CFA. soit prés de 0.2 4b du budget i
d' investissement.
1
I
Les crédits ouvem en 1994 nc sont que de 890 millions. La Banque
Mondiale notait a ce sujet dans un rapport : n S'agissant d'un sous-secteur
prioritaire pour l'amélioration des conditions de vie de la population. on peut
se demander si cc faible volume d'investissement est le résultat d'un choix
délibért evou le reflet d'une insuffisance de projets prtparés dans ces
secteurs W . Ce rapport recommande un ajustement vers le haut dans les
prochaiiics aimf CS.
Les problèmes de l'habitat sont donc la consCquence de l'intensification
de l'exode rural et du dtstquilibre de développement entre les rtgions. La
population de Libreville qui a plus que doublC au cours des trois dernières
décennies a contraint les auto ritCs il entreprendre des programmes
d'assainissement ei d'urbanisation naguhre suspendus faute de financements
et d'organisation.
La f a ~ a d maritime
e
de Librcviilc contraste fort avec les grands quartiers
populaires, véritables bidonvilles où le vacarme musical et l'insalubrité
provoquent, entre autres, maladies et perturbations psychologiques et socioculturelles.
La circulation normale l'intérieur de ces quanien est presque interdite
et les inondations répCt6es thoignent -.-du manque d'assainissement
-- --.-.
Le defaut de voies de circuIation travers lu quaniers populaires des
grandes agglomérations s'ajoute aux difficultés de liaisonsconvenables entre
,
1.6
.
Les transports et le réseau routier
Tout nouvel Etnt soucieux de développer les potcniiels du pays et d e
rapprocher Ics hornrncs se doit dc construire u n systémc de mnspon.Dans le !
cas du Gabon. même si tous les modes de tnnspon ont fait l'objet d'eff~ns:
non négligeablcs. il apparaît quc IC choix majeur s'est poni ués npidement
sur le chcmin dc fcr. h In fois cornmc modc Cconomiqi~cen tant qiic tel. et
cornmc iiistm mçnc Sundmcntïl dc la swctumtion d e I'éconornic du pays.
Lcr cyctr'incs Jc rr~nsport.dtivelopp2s sur 13 base de ces i n f r x m c t u r e ~ .
rcpoteni cssriitidlemcnt sur des enucprisrs du sccieur parapublic.
Lcc diffiçuliés de crc dernières mettent en péril 1 1 fonction sociale du
droit au déplacement. compte tenu des wrifications très élevées et des
dessertes peu dbveloppées.
!
Ce risque. très réel. puisque sanctionné h Libreville par la disparition de
SOTRAVIL (société de transport urbain). pourrait se induire par une
regression du niveau du bien-être général.
Lcs cr;tnsportciirï prives (6tr:irlgcrs pour I;I plup;in) nsstircnt nsscz bicn
la relève. Alais le prix du irajct fixé il 100 F.CFA qui n'a guére varié depuis
vingt-cinq ans est cn réalité qunue i cinq fois plus élevé, la notion de trajet
n'ayant pas été définie.
Le réseau routier
Le riseau routier, long de 2.000 kilomètres. s' est largement dtgradC. et
rnCrite d'être bati durablement et progressivement pour limiter le
désinvestissement pennancnb alors que le secteur des infrastructures a
absorbC près de 800 milliards de F.CFA ces dix derniéres annçes. La route
pourrait contribuer au dCveloppement des regions notamment en matière
d'agriculture, par un retour de ceux que la ville a attirés et qui y m e n t sans
travail. Le commerce interprovincial s*accélérerait. laissant au passage
-l
9
e
s
s
n
?
h vie dans les villagu.
--
D'oh l'urgence de mettre en place une politique de communication qui
relie les hommes m u e eux et qui permette tous les courants d'échange
I'inidneur du pays.
1.7
L'environnement
Compte tenu de la taille du pays et du caracttre relativement clainemC
dc La population, In nécessité d'élaborer c i d'appliquer une politique de
l'cnvironncment s'est fait trés peu sentir au Gabon, en dehors des
préoccupations Lites au concept de rCserves naturelles de hune.
Depuis quelques années et devant les ddgradations causées ailleurs
qu'au Gabon.a la foré[tropicale humide, les autorités se sont progressivement
inquittirs de la question.
Le risque de voir la forêt gabonaise sérieusement menack existe 2 long
terme. Des précautions apparaissent nécessaires. A la fois ii la périphérie des
zones protégées c i dans les zones de plus fort peuplement. pour orienter
1. activi~iagricole tradi tionnelle (aujourd'hui sur brûlis) pntiquéc par les
fcmrnes vers une nctiviti plus moderne.
niveau de l'exploitation forestiére elle-même. une politique de
re forestation. ntgligk depuis plusieurs années. devrait Sue rcactivte. tandis
quc SC pose la qiicstion d'une mcillcurc vdorisation des coupes. le taux dc
rciidrmcnt c f f c ~ i i fi i m i ués faible (dc JO Oc pour I ' O z i g ~3 57 W pour
Au
['Okoumé).
Y
Lc Gabon. avec I'3pptii dc II B:inqiic mondialci. ~ppliqucaiijourd'hui un
rr,.:~
zn
Jcfi.Un e 9cmi(
ci,nqlcnt decodrbkrbde & d p k r
I
1
1
1
+
Téléchargement