Ville de Strasbourg
Observatoire des politiques culturelles
Synthèse du colloque
C
ONSTRUIRE LA CITE DE LA RELATION
L'
ENJEU INTERCULTUREL DANS LES VILLES D
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AUJOURD
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HUI
Rencontres organisées par la Ville de Strasbourg sous l’impulsion
du Conseil des résidents étrangers, dans le cadre de l’année « Strasbourg cosmopolite
2013 » et avec la collaboration de l’Observatoire des politiques culturelles
Jeudi 4 et vendredi 5 avril 2013 – Cinéma l'Odyssée à Strasbourg
Synthèse de Josiane Stoessel-Ritz maître de conférences HDR en sociologie
Université de Haute-Alsace
Novembre 2013
Observatoire des politiques culturelles
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Sommaire
Sommaire ............................................................................................................................................2
Ouverture ............................................................................................................................................3
Table-Ronde d’ouverture ..............................................................................................................4
Cultures, identités, altérités : comment faire société dans le monde d’aujourd’hui ?
.................................................................................................................................................................4
Atelier I.................................................................................................................................................6
Culture régionale, culture nationale, cultures issues de l’immigration et
plurilinguisme : quelles pratiques ? Quels enjeux ?.............................................................6
Atelier 2................................................................................................................................................8
Quel projet d'éducation aux pratiques interculturelles ?..................................................8
Synthèse de l’atelier 3.................................................................................................................. 10
Comment les projets artistiques et culturels font-ils écho aux enjeux de la
diversité culturelle et du dialogue interculturel ?............................................................. 10
Atelier 4............................................................................................................................................. 13
Comment les institutions patrimoniales et les musées se saisissent-ils de la
problématique interculturelle ?............................................................................................... 13
Atelier 5............................................................................................................................................. 16
Comment la question culturelle se pose-t-elle au quotidien ? Exemples autour du
monde du travail et de la santé ................................................................................................ 16
Table-ronde 2.................................................................................................................................. 18
Interculturalité et vivre ensemble dans la cité : quelles perspectives ? .................... 18
Table-ronde de clôture................................................................................................................ 19
Construire la cité de la relation est-il une utopie ?............................................................ 19
En guise de conclusion................................................................................................................. 22
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Ouverture
Les Rencontres de Strasbourg sont d'emblée placées sous le signe de la diversité et de
l’interculturalité par Faruk Günaltay, qui accueille les participants dans un lieu centenaire et
emblématique, celui de l’Odyssée, cinéma de la Ville de Strasbourg qu'il dirige. Dans son
allocution, le Maire de Strasbourg, Roland Ries, précise que la question de l’interculturalité
répond à Strasbourg à des préoccupations concrètes de la ville : comment, en effet, vivre
l’interculturalité comme une menace dans une ville qui est lieu historique de brassages et de
passages ? La tentation d’une fermeture sur soi existe aujourd’hui à Strasbourg comme ailleurs.
En Alsace, elle n’est pas nouvelle : l’entre-deux-guerres a notamment été un terrain propice à des
mouvements autonomistes tentés par une idéologie aux relents nationalistes, sinon racistes. Cette
histoire laisse des traces dans la capitale européenne qui déclare aujourd’hui son ouverture pour
construire ensemble un monde commun.
L’introduction de Jean-Pierre Saez, directeur de l'Observatoire des politiques culturelles, invite au
débat : comment la diversité culturelle peut-elle devenir une source de cohésion sociale ? Il incite
à sortir des déclarations d’intention pour prendre part au débat sur des questions concrètes
(proximité, quotidien) et souligne que l’organisation de telles rencontres est encore trop rare
aujourd’hui en France. Il faut se féliciter qu'une ville-monde, Strasbourg, s’engage à créer des
lieux de dialogue pour inviter les acteurs de la société civile dans toute leur diversité à s’emparer
de la question de la diversité comme un potentiel de ressources créatives qui nourrissent un projet
plus global de vivre ensemble. Dans une époque de transition, entre un monde passé et un monde
nouveau à construire, les transformations s’accélèrent en même temps que s’affirment les attentes
de repères ; l’appétit de reconnaissance nourrit des revendications identitaires qui ne pourront
suffire en soi, mais appellent la relation aux autres (comme altérité) comme une force
régénératrice. Ce processus de « créolisation du monde » (pour reprendre les termes d'Edouard
Glissand) est aussi celui de la reconstruction de la cité, au contact et en relation avec les autres ; il
est source d’apprentissage de nouvelles compétences.
Avant d'ouvrir les débats avec la première table ronde, le documentaire « la diversité, une richesse
à partager » est projeté. Il s'agit d'une production du Comité des peuples du quartier
strasbourgeois de la Meinau (2007), dont le président Claude Heckel expose le chemin accompli
depuis 1992 par les habitants du quartier (50 nationalités, 17 000 habitants) depuis la première
Fête des peuples : au-delà des violences et des misères, cette fête crée un lieu nouveau de
convivialité où l’on apprend à vivre ensemble, où les différences sont reconnues parce que chacun
est mis à pied d’égalité. Le dialogue rendu possible entre les gens a produit un effet d’apaisement
dans le quartier.
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Table-Ronde d’ouverture
Cultures, identités, altérités : comment faire société dans le monde d’aujourd’hui ?
La sociologue Anne-Marie Autissier, animatrice de la table ronde, propose comme fil rouge
d’interroger la signification des mots qui jalonneront le débat au cours de ces deux journées de
réflexions (dialogue, diversité, interculturalité, multiculturalité) et de les replacer dans leur
contexte.
L'intervention du sociologue et directeur d'études à l'Ecole des hautes études en sciences sociales
(EHESS) Michel Wiewiorka met l’accent sur la complexité du débat culturel en France, débat qui
focalise de multiples enjeux pesants et sont sources d’incompréhension. Il rappelle que
l’apparition des minorités et de la question des identités dans nos démocraties européennes
remonte aux années 1960, avec la naissance des régionalismes. Dans la décennie 1970, le débat
concerne l’immigration des pays arabes et musulmans, soit une immigration de peuplement
(Hessel) et non de travail. L’islamophobie émerge dans nos sociétés, et l’on pensait alors que le
multiculturalisme pouvait traiter la « grande affaire de l’Islam ». Le fait nouveau à considérer
dans ces années concerne une religion qui est déterritorialisée (l’Islam). En France, au cours des
années 1980, on couvre un racisme culturel qui vise le Maghreb ; le phénomène se complique
quand les victimes ont tendance à s’auto-racialiser. Si l’idée du multiculturalisme a ussi à
s’imposer ailleurs (Grande-Bretagne, Canada), il est un échec en France. Selon Michel Wieviorka,
il convient de penser autrement pour sortir de l’impasse entre l’essentialisme qui institue les
différences et les tenants du communautarisme qui plaident la reconnaissance des ancrages locaux
des populations. Michel Wiewiorka propose une approche renouvelée de la question des cultures
et des identités, en s’intéressant à « la production des individus ». Parler de diversité en soi n'est
pas suffisant. Cette notion ne doit pas occulter l'importance dans ce débat des inégalités sociales et
de la capacité des individus eux-mêmes à changer au cours de leur vie ; l’assignation à des places
ou à des identités par d’autres ne peut être admise. Il conclut son propos en mettant en avant le
besoin de l’individu d’apprendre à maîtriser ses propres expériences, à inventer des mélanges et à
contribuer lui-même à l’interculturalité dans le double respect, des valeurs universelles et des
valeurs particulières.
Pour Patrice Meyer-Bisch, coordonnateur de l’Institut interdisciplinaire d’éthique et des droits de
l'homme de la chaire UNESCO des droits de l'homme et de la démocratie (Université de
Fribourg), « les droits culturels disent l’espace public ». Plutôt que de parler de différence
culturelle, il nous invite à considérer les références culturelles pour penser le rapport dialectique
entre le particulier et l’universel et pour comprendre comment se construit la singularité de chaque
individu. Ces ressources sont proposées dans la ville les personnes échangent et entrent en
contact entre elles ; les individus se reconnaissent réciproquement par des valeurs. Pour Patrice
Meyer-Bisch, il s’agit de clarifier l’importance des droits culturels dans l’ensemble des droits
civils, culturels, économiques, politiques et sociaux, tels qu’ils sont reconnus dans les instruments
internationaux et ce, depuis la Déclaration Universelle des droits de l’Homme (1947). La
citoyenneté s’expérimente chaque jour dans sa dimension culturelle par des rencontres, sources de
liens et d’interrelations avec d’autres, qui créent un partage de valeurs au sein d’une communauté
politique dans la cité. L’exercice des droits culturels par chacun ouvre de nouvelles connexions,
qui sont des possibilités de communiquer (selon sa langue, son appartenance religieuse, son
groupe d’appartenance), et au sein desquelles chaque personne invente librement de manière
créative et proactive sa façon d’établir un dialogue culturel. Chaque personne participe librement
et exerce sa responsabilité vis-à-vis des autres. Chacun est ainsi un « connecteur », quelqu’un qui
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« tisse » des liens dont l’essentiel réside dans la dynamique de réciprocité comme une force de
solidarité.
Salah Oudahar quant à lui représente un collectif d’acteurs et souhaite faire état de son expérience
à travers le Festival Strasbourg Méditerranée, une manifestation qui a vu le jour en 1999 et dont il
est directeur. L’histoire de ce projet justifierait un travail d’évaluation pour rendre compte des
métamorphoses opérées depuis 1990, par des initiatives autour de la mémoire de l’immigration,
jusqu’à aujourd’hui la question centrale posée par ce collectif porte sur la reconnaissance de la
citoyenneté des étrangers et de leurs droits sociaux, culturels et politiques. Le Festival Strasbourg
Méditerranée vise à créer une plateforme pour une meilleure lisibilité de questions faisant débat :
c'est ainsi qu'en 2003, le thème de l’hospitalité et de l’accueil de l’autre a été le fil conducteur du
festival. La question des nouvelles identités, entre terminations et émancipation a été mise en
valeur en 2005. En 2013, le thème du festival était celui des métissages. Tous ces sujets sont posés
dans le débat public et réappropriés collectivement. Ce projet appelle une reconnaissance dans la
vie de la cité. Pour Salah Oudahar, construire une communauté de citoyens demande à construire
ensemble « les communs ». Au fond, l’enjeu est de soutenir la force de création et de
renouvellement de la relation sociale. Quelle politique publique sera à même de s’emparer de ces
questions et de sortir d’un discours « technocratique » sur la reconnaissance ?
Les participants au débat qui a suivi ont d'abord formulé quelques commentaires : ainsi le
traitement de la question culturelle ne peut se concevoir sans une meilleure articulation entre le
social, le culturel et le politique. A propos du social, l’un des participants considère que
l’interculturel ne peut être réduit à un processus de changement, il faudrait insister sur les
antagonismes et les inégalités sociales. Les interventions ont également mis l’accent sur la
question de la pauvreté, l’absence de moyens matériels, qui se double d’une absence de
reconnaissance de celle-ci, sinon de violation du droit culturel. D’autre part, les participants ont
interrogé les intervenants : comment distinguer le particulier de l’universel ? Comment intervenir
dans la gestion de questions qui touchent à l’ethnicisation ? Interpellé sur la question du
particulier et de l’universel, Michel Wiewiorka propose de définir des critères de distinction pour
tout ce qui relève du particulier : que signifie le port du voile pour les femmes voilées, rarement
interrogées ? Pour les critères relevant de l’universel, qui sont au contraire valables pour tous, il
évoque le principe du droit et de la raison. Il conclut en soulignant que les acteurs demandent des
droits et que, derrière les mouvements sociaux, il convient de voir des individus que l’on doit
prendre en considération et de ne pas tomber dans le piège de « la question de l’Islam » qui biaise
et écrase toutes les autres questions.
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