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© Magnard, 2015 – Histoire Géographie 2de – Livre du professeur
ouvriers (200 morts et 300 blessés) et les troupes royales
(12 morts et 80 blessés).
L’auteur insiste plus sur les actes de vandalisme que sur
les revendications salariales et les difficultés d’existence
du monde ouvrier dans un contexte de crise économique
et sociale des années 1788-1789. 2 : personne en état
d’ébriété – 1, 4 et 6: destruction des ornements du jar-
din– 3 et 5: incendie du mobilier de la maison du patron
de l’entreprise Réveillon.
◗Vers le Bac
On peut distinguer cinq types de facteurs des révoltes,
essentiellement sociaux. Tout d’abord, de nombreuses
révoltes tiennent aux relations entre classes sociales
et ordres. La société d’ordres et les privilèges affiliés à
la noblesse et au clergé provoquent des tensions et un
sentiment d’injustice. Le tiers état, notamment dans ses
classes supérieures (bourgeoisie) aspire à plus d’égalité
et remet en cause le bien-fondé de la fonction militaire
de la noblesse.
Le sentiment d’injustice tient particulièrement à la
question fiscale. Les ordres privilégiés ne paient pas
d’impôt alors que le tiers supporte l’essentiel de la
charge. En outre, la pression fiscale ne cesse d’aug-
menter. La dette financière de la monarchie amène à
créer de nouveaux impôts et le gouvernement monar-
chique se montre incapable de réformer et de faire par-
ticiper la noblesse et le clergé (échec des réformes de
Calonne, Brienne, Turgot).
Le monde du travail connaît aussi des révoltes. Dans
les campagnes, elles portent surtout sur les droits sei-
gneuriaux et les corvées. Dans les villes, elles portent
davantage sur les salaires et les réformes des corpora-
tions de métiers.
Enfin, l’ensemble de ces facteurs sociaux peuvent
s’exacerber lors de crises frumentaires. Les mauvaises
récoltes, les situations de pénurie provoquent la colère
du peuple confronté à des difficultés de subsistance.
Dans une moindre mesure, un dernier facteur, d’ordre
plus culturel, explique des révoltes: la question reli-
gieuse et l’opposition entre les différents courants. Par
exemple, au XVIII
e
siècle, le jansénisme s’oppose à
l’orientation de la doctrine catholique et à ses liens avec
le pouvoir absolutiste. Les révoltes peuvent aussi s’ex-
pliquer par l’opposition doctrinale de l’Église catholique
à des pratiques populaires (superstitions).
◗Réponses aux questions
1. L’argumentation de Diderot renverse les concep-
tions de la légitimité du pouvoir politique. Ce der-
nier ne doit pas venir «d’en haut», c’est-à-dire de
Dieu mais «d’en bas» c’est-à-dire du peuple, suite
à un libre consentement («aucun homme n’a reçu
de la nature le droit de commander aux autres»,
«la couronne, le gouvernement et l’autorité poli-
tique sont des biens dont le corps de la nation est
propriétaire, et dont les princes sont les ministres»).
Diderot pose ici les principes de la souveraineté de
la nation («peuple», «bien public», «corps de la
nation»).
2. L’Église catholique est ici critiquée. Diderot remet en
cause deux aspects du pouvoir de l’Église. Avec la
couronne à terre et le sceptre brisé, c’est le pouvoir
politique (alliance du trône et de l’autel) de l’Église
catholique qui est rejeté. Celle-ci soutient et conseille
la monarchie absolue et lui donne sa légitimité (droit
divin). La sphinge et le masque renvoient au poids
«culturel» de l’Église et l’associent à l’obscuran-
tisme. Diderot aspire à une religion plus « natu-
relle», délivrée de l’intolérance où vocation morale
de la religion, éducation, accès à la connaissance et
sciences sont conciliables.
◗Vers le Bac
D’une manière générale, les philosophes, et Diderot en
particulier, réprouvent le principe de la monarchie absolue
de droit divin. L’absolutisme est rejeté au nom des droits
naturels. Les hommes ne sont plus des «sujets» d’un roi
et son royaume mais des individus, des membres d’un
Notion: les Lumières
◗Lien avec le programme
Le programme invite à montrer « la montée des idées
de liberté à la veille de la Révolution». Les fiches Édus-
col précisent qu’il convient « d’analyser la diversité
des influences intellectuelles à l’origine des notions de
liberté, de nation, de république (humanisme, révolutions
anglaises, Lumières)».
◗Intérêt du sujet
Le cas de Diderot permet d’évoquer le mouvement des
Lumières et l’influence et le rôle de l’Encyclopédie. Cet
auteur est particulièrement emblématique de la remise
en cause des fondements de l’ordre politique de l’Ancien
Régime puisque ses écrits s’attaquent au rôle de l’Église
et à la légitimité du pouvoir. Cette étude permet d’évi-
ter certaines idées reçues ou anachronismes. Dans leur
grande majorité, les philosophes ne sont ni antimonar-
chistes, ni opposés au principe de l’existence d’un dieu
ou d’un «principe supérieur». Ces derniers veulent en
revanche renverser l’origine du pouvoir en donnant la
légitimité à la nation et réduire l’influence des institutions
traditionnelles comme l’Église. Le projet éditorial de Dide-
rot, quelle que soit la nature de ses écrits (roman, diction-
naire, essais), symbolise les aspects essentiels du courant
des Lumières: savoirs délivrés de l’influence de l’Église,
esprit critique, tolérance, droits naturels des hommes ou
«individus», légitimité et exercice du pouvoir. La portée
politique de ses écrits lui vaut la censure et permet de
poser la question des libertés fondamentales dont celle de
la liberté d’expression à la veille de la Révolution.
Étude Diderot, un philosophe
du siècle des Lumières ➤ p. 196 / p. 200
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En quoi, la pensée de Diderot bouleverse-t-elle l’ordre établi?