Délit d'im@ges
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du droit, à la traduction des idées dans la législation, au contenu des constitutions et des lois.
Jusque-là, l’histoire de la Révolution, et d’une manière générale, l’histoire de France, a été écrite
par des historiens des facultés de lettres. Un historien du droit peut apporter un éclairage différent,
qui insistera moins sur l’événementiel (sans pour autant le négliger) pour offrir de la Révolution
une analyse philosophique, institutionnelle et juridique qui mettra en valeur les traits les plus
saillants, ceux qui sont utiles à la compréhension de l’événement et de sa portée. Ainsi, certains
aspects très importants, habituellement négligés par les historiens des lettres, sont mis en valeur.
— Avez-vous un exemple à nous donner?
— La définition par l’abbé Sieyès du système représentatif sur lequel repose notre ordre
constitutionnel. Le 7 septembre 1789, l’abbé Sieyès, à la tribune de l’Assemblée, expliqua aux
députés qu’ils avaient le choix entre deux formules politiques : la démocratie, régime dans lequel
le peuple décide lui-même des lois auxquelles il doit obéir, et le régime représentatif, dans lequel le
peuple élit des représentants qui décident à sa place de ces lois, des représentants qui, une fois
élus, échappent complètement à ceux qui les ont élus, votant la loi en leur âme et conscience,
sans être tenu par quelque mandat impératif que ce soit. Concrètement, en septembre 1789, il
s’agissait d’affranchir les députés du contenu des cahiers de doléances qui ne leur demandaient
pas de dépouiller le Roi de ses prérogatives souveraines et de rédiger une constitution écrite, il
s’agissait d’escamoter ainsi la prodigieuse inconstitutionnalité de tout ce que les députés avaient
fait depuis le 17 juin 1789. A plus long terme, cette démonstration illustre toute l’ambiguïté de
notre système politique, qui se prétend démocratique alors qu’il est représentatif, c’est-à-dire, par
nature, oligarchique. L’une des tensions les plus fortes que connaît notre système politique
découle de là.
— La Révolution semble obéir à un principe : le révolutionnaire du jour est le modéré de
demain, qui trouvera plus révolutionnaire que lui. Comme un jeu de « guillotine musicale »,
si je puis dire. Est-ce caricatural de résumer ainsi la marche des événements ?
— Dès les premières journées révolutionnaires et les massacres qui les accompagnent, en juillet
1789, se met en place une dynamique de radicalisation révolutionnaire. A chaque fois que la
Révolution se radicalise un peu plus, une fraction de ceux qui la soutenaient jusque-là manifeste
son inquiétude et son souci de « terminer la Révolution ». L’affrontement qui en découle, entre «
radicaux » et « modérés », se termine toujours par la victoire des « radicaux », lesquels, une fois
vainqueurs, se divisent à leur tour entre une aile radicale et une aile modérée. Après
l’affrontement entre « constitutionnels » et « monarchiens », au cours de l’été 1789, les
constitutionnels, vainqueurs en septembre-octobre 1789, se divisent, au cours de l’été 1791,
après Varennes, entre « radicaux », les Jacobins, et « modérés », les Feuillants. Après la victoire
des Jacobins lors du coup d’Etat du 10-Août et les massacres de Septembre, les Jacobins se
divisent entre « radicaux », les Montagnards, et « modérés », les Girondins. Après la victoire des
Montagnards, lors du coup d’Etat des 31-Mai et 2-Juin, les Montagnards se divisent entre «
radicaux », les ultra-révolutionnaires, « enragés » et « hébertistes » et modérés, les « indulgents »
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