2 - Livret - La philosophie de la Renaissance

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QUATORZIÈME SUJET
MONTAIGNE ET LES ESSAIS
La philosophie est la science qui nous apprend à vivre.
Essais, I , 26
Chaque homme porte la forme entière de l’humaine condition.
Essais, III, 2
I
PRÉSENTATION
1 - Michel Eyquem de Montaigne et la fondation de l’humanisme contemporain
2 - Un auteur de la fin de la Renaissance française
3 - Montaigne, un personnage emblématique et mythique des lettres françaises
4 - Un philosophe pourtant largement méconnu quant à son rôle dans l’histoire des idées
5 - Ses relations avec les autres humanistes de son temps
6 - Le contexte historique de Montaigne : des temps troublés et des ruptures
II
ÉLÉMENTS BIOGRAPHIQUES (1533-1592)
1 - Ses origines familiales, dans une famille récemment anoblie
2 - Une éducation humaniste inspirée du De pueris instituendis d’Érasme
3 - Des études humanistes, nourries des philosophes antiques
4 - Une première carrière de magistrat, de 1556 à 1571
5 - Vers 1558, sa rencontre décisive avec Étienne de La Boétie (1530-1563)
6 - En 1565, son mariage avec Françoise de La Chassaigne
7 - 1568, la mort de son père Pierre Eyquem
9 - Une nouvelle carrière diplomatique auprès de Charles IX et d’Henri de Navarre !
10 - Le début de ses projets d’écriture vers 1572, la publication des Essais en 1580
11 - Le voyage en Italie de 1580, dont le Journal sera publié en 1774 !
12 - En 1581, il est nommé maire de Bordeaux et restera en fonction jusqu’en 1585
13 - À partir de 1586, il se remet à l’écriture et à la réécriture des Essais, notamment le tome 3
14 - Montaigne rattrapé par la huitième guerre de religion en 1586
15 - En 1588, son voyage à Paris pour faire imprimer la seconde édition des Essais
16 - En 1588, sa rencontre à Paris de Marie de Gournay (1565-1645), sa “fille d’alliance”
17 - Il rentre dans son château, ses dernières missions à Bordeaux
18 - Sa mort en 1592
III
SON ŒUVRE, LES ESSAIS
1 - L’homme d’un livre, le livre d’un homme
2 - Les Essais, une œuvre livre, un continent d’une extraordinaire richesse et complexité
3 - Un livre inclassable et unique dans l’histoire de la philosophie
4 - Quel est le statut du livre ?
5 - Le début de la rédaction vers 1572, une rédaction continue jusqu’à sa mort
6 - La publication des Essais s’échelonnera de 1580 à 1635 !
7 - Un livre en devenir, une écriture réflexive
8 - Le choix étrange du français, un choix philosophique
9 - L’évolution du style des Essais, en fonction des sujets et de lui-même
10 - Une écriture cherchant la simplicité, refusant le pédantisme et le jargonage philosophique
11 - Les Essais, entre la tradition des Leçons, des exemplum et de l’otium philosophique
12 - Le chaos des thèmes et l’écriture labyrinthique
13 - Un livre partant toujours d’expériences, concrètes ou imaginales, de soi ou du monde
14 - Un chaos qui cache le livre de soi, il s’essaye
15 - Un livre de l’examen de l’homme à travers la relativité et la subjectivité des hommes
16 - Un ouvrage du perpétuel questionnement, une réflexion continue, une enquête perpétuelle
17 - Un livre pour secouer les préjugés et dérégler les habitudes de penser
18 - Un ouvrage de la vie terrestre et non plus de la vie céleste
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IV
PRINCIPALES THÈSES DE L’HUMANISME DE MONTAIGNE
1 - Un auteur de l’humanisme renaissant mais qui ira au-delà
2 - Une évolution du stoïcisme moral vers une philosophie éclectique, l’humanisme terrestre
3 - Une philosophique qui s’affirme par elle-même et non plus comme commentaire des anciens
4 - Le retour au rôle normal de la philosophie pour guider l’existence humaine
5 - Une philosophie non dogmatique, anti-systémique, pragmatique et non-métaphysicienne
6 - La distinction entre le plan théologique et le plan humain, l’autonomie du plan terrestre
7 - Le doute questionnant comme règle de penser, le scepticisme montaignien : Que-sais-je ?
8 - Les Essais, livre d’exposition méthodique et tournés vers ce monde-ci, une anti-métaphysique
9 - Une philosophie centrée sur l’homme et pour l’homme pris dans comme individu, base de son
universalisme
10 - Avec Montaigne, l’amitié n’est plus une vertu, elle est un accomplissement humain
11 - L’importance de la connaissance de soi, l’omniprésence du «Connais-toi toi-même»
12 - La conscience de la diversité de l’humanité, le relativisme culturel
13 - À l’égard de la religion : le refus des fanatismes et la critique des raisons de croire
14 - Une philosophie de la libre pensée, fondée sur la rationalité et l’esprit critique
15 - Le retour à l’expérimentalité de soi et du monde
16 - La sagesse humaniste montaignienne
V
CONCLUSION
1 - Une pensée forgée dans un temps précis mais qui le transcende, une pensée universelle
2 - Une introduction à l’universalité de la condition humaine et à l’unicité des individus
3 - Les Essais, un ouvrage radicalement novateur et moderne
4 - Les Essais, un ouvrage de référence de toutes les philosophies humanistes ultérieures
5 - Un livre devenu aujourd’hui un classique universel
ORA ET LABORA
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Document 1 : Portrait présumé le plus fidèle de Montaigne peint vers 1578 par Dumonstier et repris par
Thomas de Leu pour orner l’édition des Essais de 1608. Ce portrait, dit de Chantilly car acquis par le duc
d’Aumale en 1882, est aujourd’hui au musée Condé. Les vêtements et décorations désignent le détenteur
de l'ordre de Saint-Michel qui lui fut attribué en 1577.
Estampe de Montaigne par Thomas de Leu ornant l'édition des Essais de 1608, exécuté d'après
celui de Dumonstier. Le quatrain qui suit est attribué, sans fondement, à Malherbe.
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Document 2 : Note de Montaigne sur sa mise au cachot à la Bastille par la Ligue, datée 10 juillet 1588, lors
de son retour après les journées des barricades où il avait suivit le roi Henri III. La reine mère est intervenu
auprès du duc de Guise pour le faire libérer.
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Document 3 : Vue aérienne du château de Michel de Montaigne et de la Tour où il avait sa librairie, avec ce
qu’il reste du mur d'enceinte (vu des jardins).
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Document 4 : La chambre de Montaigne dans sa tour était pourvue d’une cheminée et de deux fenêtres, les
murs étaient autrefois richement peints. À l’étage au-dessus se trouvait sa bibliothèque. Au dessous, se
trouvait sa chapelle privée, avec un trou dans le mur qui lui permet de suivre la messe sans descendre de
sa chambre (visible sur la photo du bas, à droite.
Au pied du lit, le coffre de voyage où fut découvert en 1770 son Journal de Voyage.
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Document 5 : La chapelle au rez-de-chaussé de la tour.
Document 6 : La librairie au deuxième étage de la tour dans son état actuel.
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Document 7 : Dans sa librairie, le recoin où il écrivait.
Document 8 : Reconstitution virtuelle de la bibliothèque de Montaigne.
La forme de ma bibliothèque est ronde et n’a de rectiligne que ce qu’il faut à ma table et
à mon siège,
et elle m’offre dans sa courbe, d’un seul regard, tout mes livres rangés sur cinq rayons
tout autour.
Essais, III, 3
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Document 9 : Les maximes antiques du plafond de la librairie. Montaigne ornait les poutres de sa
bibliothèque de maximes, en latin ou en grec, d'auteurs anciens. Une seule est en français : “Que sais-je ?”.
Sur la poutre la plus proche de son écritoire, l’adage latin de Térence : “Je suis homme et crois que rien
d’humain ne m’est étranger”.
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Document 10 : Les solives, bis !
Document 11 : Frontispice de la première éditions des deux premiers livres.
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Document 12 : Annotations de Montaigne sur une page du livre I des Essais de l’exemplaire de Bordeaux.
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Document 13 : Préface des Essais.
C'est ici un livre de bonne foi, lecteur. Il t'avertit dès l'entrée que je ne m'y suis proposé
aucune fin, que (1) domestique et privée. Je n'y ai eu nulle considération de ton service,
ni de ma gloire. Mes forces ne sont pas capables d'un tel dessein. Je l'ai voué à la
commodité (2) particulière de mes parents et amis : à ce que (3) m'ayant perdu (ce qu'ils
ont à faire bientôt) ils y puissent retrouver aucuns (4) traits de mes conditions et humeurs
(5), et que par ce moyen ils nourrissent plus entière et plus vive la connaissance qu'ils
ont eue de moi. Si c'eût été pour rechercher la faveur du monde, je me fusse mieux paré
et me présenterais en une marche étudiée. Je veux qu'on m'y voie en ma façon simple,
naturelle et ordinaire, sans contention (6) et artifice : car c'est moi que je peins. Mes
défauts s'y liront au vif, et ma forme naïve, autant que la révérence publique (7) me l'a
permis. Que si j'eusse été entre ces nations qu'on dit vivre encore sous la douce liberté
des premières lois de nature, je t'assure que je m'y fusse très volontiers peint tout entier,
et tout nu. Ainsi, lecteur, je suis moi-même la matière de mon livre ce n'est pas raison (8)
que tu emploies ton loisir en un sujet si frivole et si vain ; à Dieu donc.
Préface des Essais, tome 1
Note :
1. sinon.
2. intérêt.
3. pour que.
4. certains.
5. caractères et goûts.
6. effort.
7. ma spontanéité autant que le respect du public.
8. il n’est pas raisonnable.
Document 14 : Dans les Essais, Montaigne présente ses réflexions sur l’éducation des enfants, inspirées
de celle d’Érasme et de Vivès. Dans le passage qui précède immédiatement cet extrait, Montaigne insiste
sur le fait qu'un enfant est capable d'appliquer son esprit et sa sensibilité à des domaines très différents et
qu'il faut donc lui laisser une diversité de choix.
Pour tout ceci, je ne veux pas qu'on emprisonne ce garçon. je ne veux pas qu'on
l'abandonne à l'humeur mélancolique (1) d'un furieux (2) maître d'école. Je ne veux pas
corrompre son esprit à le tenir à la géhenne (3) et au travail, à la mode des autres,
quatorze ou quinze heures par jour, comme un portefaix. Ni ne trouverais bon, quand par
quelque complexion solitaire et mélancolique on le verrait adonné d'une application trop
indiscrète (4) à l'étude des livres, qu'on la lui nourrît (5) ; cela les rend ineptes à la
conversation civile (6) et les détourne de meilleures occupations. Et combien ai-je vu de
mon temps d'hommes abêtis par téméraire (7) avidité de science ? Carnéade (8) s'en
trouva si affolé (9) qu'il n'eut plus de loisir de se faire le poil et les ongles (10). Ni ne veux
gâter ses mœurs généreuses par l'incivilité et barbarie d'autrui. La sagesse française a
été anciennement en proverbe, pour une sagesse qui prenait de bonne heure, et n'avait
guère de tenue (11) À la vérité, nous voyons encore qu'il n'est rien si gentil (12) que les
petits enfants en France ; mais ordinairement ils trompent l'espérance qu'on en a conçue,
et, hommes faits, on n'y voit aucune excellence. J'ai ouï tenir à gens d'entendement que
ces collèges où on les envoie, de quoi ils (13) ont foison, les abrutissent ainsi.
Au nôtre, un cabinet, un jardin, la table et le lit, la solitude, la compagnie, le matin et le
vêpre, toutes les heures lui seront unes, toutes places lui seront étude : car la
philosophie, qui, comme formatrice des jugements et des mœurs, sera sa principale
leçon, a ce privilège de se mêler partout. [... ]
Les jeux mêmes et les exercices seront une bonne partie de l'étude : la course, la lutte, la
musique, la danse, la chasse, le maniement des chevaux et des armes. Je veux que la
bienséance extérieure, et l'entregent (14), et la disposition de la personne, se façonne
quant et quant (15) à l'âme. Ce n'est pas une âme, ce n'est pas un corps qu'on dresse,
c'est un homme ; il n'en faut pas faire à deux (16). Et, comme dit Platon, il ne faut pas les
dresser l'un sans l'autre, mais les conduire également, comme un couple de chevaux
attelés à même timon.
De l’institution des enfants, I, 26,
Note : (1) sombre - (2) dément - (3) recrute - (4) excessive - (5) développât (6) contact des autres - (7) exagérée (8) philosophe grec (IIème siècle av. J.
C.) - (9) rendu fou - (10) on raconte qu'il consacrait tellement de temps aux
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études qu'il n'avait même plus le temps pour sa toilette - (11) durée - (12)
noble - (13) il y a - (14) qualités sociales - (15) en même temps que - (16) il ne
faut pas les séparer.
Document 15 : Chacun appelle barbarie ce qui n'est pas de son usage.
Or je trouve, pour revenir à mon propos, qu'il n'y a rien de barbare et de sauvage en cette
nation (1) à ce qu'on m'en a rapporté, sinon que chacun appelle barbarie ce qui n'est pas
de son usage, comme de vrai, il semble que nous n’avons autre mire (2) de la vérité et de
la raison que l'exemple et idée des opinions et usances (3) du pays où nous sommes. Là
est toujours la parfaite religion, la parfaite police (4), parfait et accompli usage de toutes
choses. Ils sont sauvages, de même que nous appelons sauvages les fruits que nature,
de soi et de son progrès ordinaire, a produits : là où, à la vérité, ce sont ceux que nous
avons altérés par notre artifice et détournés de l'ordre commun, que nous devrions
appeler plutôt sauvages. En ceux-là sont vives et vigoureuses les vraies et plus utiles et
naturelles vertus et propriétés, lesquelles nous avons abâtardies un ceux-ci, et les avons
seulement accommodées au plaisir de notre goût corrompu.
Et si pourtant (5), la saveur même et délicatesse se trouve à notre goût excellente, à
l'envi des nôtres, en divers fruits de ces contrées-là sans culture. Ce n'est pas raison que
l'art (6) gagne le point d'honneur sur notre grande et puissante mère Nature. Nous avons
tant rechargé la beauté et richesse de ses ouvrages par nos inventions que nous l'avons
du tout étouffée. [...] Ces nations me semblent donc ainsi barbares, pour avoir reçu fort
peu de leçon de l'esprit humain, et être encore fort voisines, de leur naïveté originelle.
Les lois naturelles leur commandent encore, fort peu abâtardies par les nôtres ; mais
c'est en telle pureté, qu'il me prend quelquefois déplaisir de quoi (7) la connaissance n'en
soit venue plus tôt, du temps qu'il y avait des hommes qui en eussent su mieux juger que
nous.
Essais, I, Des cannibales, 31
Note :
1. les indigènes des Antilles et de l’Amérique du Sud.
2. critère.
3. usages.
4. régime politique.
5. et pourtant.
6. l'artifice.
7. de ce que.
Document 16 : Notre monde vient d'en trouver un autre !
Notre monde vient d'en trouver un autre (et qui nous répond si c'est le dernier de ses
frères, puisque les démons, les sibylles et nous, avons ignoré cettui-ci jusqu'asteure ?)
non moins grand, plein et membru que lui, toutefois si nouveau et si enfant qu'on lui
apprend encore son A, B, C ; il n'y a pas cinquante ans qu'il ne savait ni lettres, ni poids,
ni mesure, ni vêtements, ni blés, ni vignes. Il était encore tout nu au giron, et ne vivait que
des moyens de sa mère nourrice. Si nous concluons bien de notre fin, et ce poète de la
jeunesse de son siècle, cet autre monde ne fera qu'entrer en lumière quand le nôtre en
sortira. L'univers tombera en paralysie ; l'un membre sera perclus, l'autre en vigueur.
Bien crains-je que nous aurons bien fort hâté sa déclinaison et sa ruine par notre
contagion, et que nous lui aurons bien cher vendu nos opinions et nos arts. C'était un
monde enfant; si ne l'avons-nous pas fouetté et soumis à notre discipline par l'avantage
de notre valeur et forces naturelles, ni ne l'avons pratiqué par notre justice et bonté, ni
subjugué par notre magnanimité. La plupart de leurs réponses et des négociations faites
avec eux témoignent qu'ils ne nous devaient rien en clarté d'esprit naturelle et en
pertinence. L'épouvantable magnificence des villes de Cuzco et de Mexico, et, entre
plusieurs choses pareilles, le jardin de ce roi, où tous les arbres, les fruits et toutes les
herbes, selon l'ordre et grandeur qu'ils ont en un jardin, étaient excellemment formés en
or ; comme, en son cabinet, tous les animaux qui naissaient en son État et en ses mers ;
et la beauté de leurs ouvrages en pierrerie, en plume, en coton, en la peinture, montrent
qu'ils ne nous cédaient non plus en l'industrie. Mais quant à la dévotion, observance des
lois, bonté, libéralité, loyauté, franchise, il nous a bien servi de n'en avoir pas tant qu'eux ;
ils se sont perdus par cet avantage, et vendus et trahis eux-mêmes.
Quant à la hardiesse et courage, quant à la fermeté, constance, résolution contre les
douleurs et la faim et la mort, je ne craindrais pas d'opposer les exemples que je
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trouverais parmi eux aux plus fameux exemples anciens que nous ayons aux mémoires
de notre monde par deçà. Car, pour ceux qui les ont subjugués, qu'ils ôtent les ruses et
batelages de quoi ils se sont servis à les piper, et le juste étonnement qu'apportait à ces
nations-là de voir arriver si inopinément des gens barbus, divers en langage, religion, en
forme et en contenance, d'un endroit du monde si éloigné et où ils n'avaient jamais
imaginé qu'il y eût habitation quelconque, montés sur des grands monstres inconnus,
contre ceux qui n'avaient non seulement jamais vu de cheval, mais bête quelconque
duite à porter et soutenir homme ni autre charge ; garnis d'une peau luisante et dure et
d'une arme tranchante et resplendissante, contre ceux qui, pour le miracle de la lueur
d'un miroir ou d'un couteau, allaient échangeant une grande richesse en or et en perles,
et qui n'avaient ni science ni matière par où tout à loisir ils sussent percer notre acier ;
ajoutez-y les foudres et tonnerres de nos pièces et arquebuses, capables de troubler
César même, qui l'en eût surpris autant inexpérimenté, et à cette heure, contre des
peuples nus, si ce n'est où l'invention était arrivée de quelque tissu de coton, sans autres
armes, pour le plus, que d'arcs, pierres, bâtons et boucliers de bois; des peuples surpris,
sous couleur d'amitié et de bonne foi, par la curiosité de voir, des choses étrangères et
inconnues : comptez, dis-je, aux conquérants cette disparité, vous leur ôtez toute
l'occasion de tant de victoires.
Essais, Livre III, ch 6, «des Coches»
Document 17 : L’intérêt de la philosophie pour Montaigne.
Quarante-trois ans après la mort de Socrate qui avait changé la façon de penser
occidentale, naissait Alexandre qui allait changer l'ordre politique. Lequel des deux fut le
plus grand ? «Je conçois aisément Socrate en la place d'Alexandre ; Alexandre en celle
de Socrate, je ne puis. Qui demandera à celui-là ce qu'il sait faire, il répondra : "subjuguer
le monde", qui le demandera à celui-ci, il dira : “Mener l'humaine vie conformément à sa
naturelle condition” ; science bien plus générale, plus pesante et plus légitime. Le prix de
l'âme ne consiste pas à aller haut, mais ordonnément.
Essais, III, 2
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POUR APPROFONDIR CE SUJET, NOUS VOUS CONSEILLONS
Conférences en relation avec ce sujet
- 1572, le massacre de la Saint-Barthélemy
- L’édit de Nantes, Mythes et réalité de l’édit de tolérance
1000-269
1000-127
Quelques livres de Montaigne disponibles en librairie
- Les Essais, version en français moderne d’André Lanly, Quarto Gallimard, 2002
- Les Essais (en 3 tomes), Gallimard, 1980
- Journal de voyage en Italie, Michel Eyquem de Montaigne, Livre de Poche,1974
Livres sur la pensée philosophique
- Montaigne ou la conscience heureuse, Marcel Conche, PUF, 2002
- Montaigne notre nouveau philosophe, Joseph Macé-Scaron, Plon, 2002
- La conversation de Montaigne, François-Victor Rudent, L’Harmattan, 2001
- Montaigne à cheval, Jean Lacouture, Seuil, 1998
- Montaigne, Marcel Conche, Seghers, 1964
- Descartes et Pascal, lecteurs de Montaigne, Léon Brunschvicg, Éditions de la Baconnière, 1945
- Les sources et l’évolution des Essais de Montaigne, Pierre Villey, Hachette, 1908
Livres sur Montaigne
- Montaigne et La Boétie : Deux images de l'amitié, Daniel Lefèvre, article paru dans la revue Imaginaire et
Inconscient, n°20, L'Esprit du Temps éditeur, 2006
- Dictionnaire de Michel de Montaigne, Philippe Desan, Champion, 2004
- Michel de Montaigne, Madeleine Lazard, Éditions Fayard, 2002
- L'Histoire juive de Montaigne, Sophie Jama, Flammarion, 2001
- Le château de Montaigne, Avec Montaigne dans sa Seigneurie ; Une visite à Montaigne, Léonie Gardeau ;
Jacques de Feytaud, Société Internationale des Amis de Montaigne, 1999
- Montaigne, une vie, une œuvre, par D. Frame, tr. p. J.-C. Arnould, N. Dauvois et P. Eichel, Champion, 1994
- Les Commerces de Montaigne, Philippe Desan, Éditions Nizet, 1992
- Montaigne, Pierre Moreau, Hatier, 1971
- Montaigne par lui-même, Francis Jeanson, Seuil, 1971
- Montaigne, Stefan Zweig, PUF, collection «Quadrige»
- Lettre sur la mort de Montaigne. Choix de poèmes, Pierre de Brach, avant-propos de Iñigo de Satrústegui,
Éditions L'Horizon chimérique, 1988
Livres sur Marie de Gournay
- Marie de Gournay, Itinéraires d’une femme savante, Michèle Fogel, Fayard, 2004
- Œuvres complètes réalisées par J.-C. Arnould, E. Berriot-Salvadore, M.-C. Bichard-Thomine, C. Blum, A.
L. Franchetti, V. Worth-Stylianou, Honoré Champion, 2002
- Les dimensions multiples des traités de Marie de Gournay. Marie-Thérèse Noiret, Bulletin de l'Association
d'étude sur l'humanisme, la réforme et la renaissance. N°43, pp. 65-77, 1996.
Livres sur le contexte historique de Montaigne
- 1572, la Saint-Barthélemy, Janine Garrisson, Éds Complexe, 1998
- La France moderne (1498-1789), Lucien Bély, PUF, 1998
- Histoire et dictionnaire des guerres de Religion, collectif : Arlette Jouanna, Jacqueline Boucher, Dominique
Biloghi, Collection Bouquins, 1998
- Charles IX, Michel Simonin, Fayard, 1995
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Webographie
- Journal de voyage : récit du voyage de Michel de Montaigne en Italie par la Suisse et l'Allemagne
effectué en 1580 - 1581, avec des Notes par M. de Querlon, de l’édition de 1774 :
- http://fr.wikisource.org/wiki/Journal_du_voyage_de_Montaigne
- http://humanities.uchicago.edu/orgs/montaigne/h/lib/JV1.PDF
- Les Essais : vous trouverez le texte complet de l'édition Villey-Saulnier appartenant a l'université de
Chicago (avec un moteur de recherche intratextuel), avec notamment les indications des trois couches de
textes (celle de 1580, des additions de 1580-88 et de l’exemplaire de Bordeaux) :
- http://www.lib.uchicago.edu/efts/ARTFL/projects/montaigne/
- Revue «Montaigne Studies», publiée par l'Université de Chicago, en anglais, de nombreuses informations
et beaucoup de documentations :
- http://humanities.uchicago.edu/orgs/montaigne/
- Pour les amateurs de tourisme philosophique, visitez le château de Montaigne :
- http://www.chateau-montaigne.com/
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