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Chapitre 0
Petit viatique d’alg`ebre commutative
Ce chapitre rassemble les points d’alg`ebre commutative dont nous aurons besoin
dans les chapitres suivants. Les paragraphes 0.1 `a 0.3.3 sont des rappels de notions
et propri´et´es ´etudi´ees dans les classes pr´eparatoires ou dans le premier cycle des
universit´es. Ces paragraphes ne contiennent pas de d´emonstrations ; le lecteur est
cependant invit´e `a v´erifier qu’il peut suppl´eer `a cette absence. On trouve par contre
quelques d´emonstrations dans le paragraphe 0.3.4 (le plus long) qui traite des anneaux
factoriels. Dans le (court) paragraphe 0.4 on introduit la notion de module sur
un anneau (pour une version un peu plus longue de ce paragraphe voir le premier
paragraphe des notes de cours sur la th´eorie des modules sur les anneaux principaux).
0.1. La structure d’anneau
On appelle anneau un ensemble A muni de deux lois de compositions, appel´ees respec-
tivement addition et multiplication, not´ees (x, y)7→ x+yet (x, y)7→ xy, satisfaisant
les axiomes suivants :
- L’addition est une loi de groupe commutatif.
- La multiplication est associative et poss´ede un ´el´ement neutre.
- La multiplication est distributive par rapport `a l’addition :
x(y+z) = xy +xz , (y+z)x=yx +zx
pour tous x,yet zdans A.
Si la multiplication est commutative on dit que l’anneau est commutatif.
L’´el´ement neutre de l’addition est not´e 0 (0Asi la pr´ecision peut ˆetre utile) ; l’´el´ement
neutre de la multiplication est g´en´eralement not´e 1 (1Aidem).
On observera que l’on n’impose pas que ces ´el´ements neutres soient distincts. En fait
on a pour tout anneau Al’alternative suivante :
- 0 6= 1 ;
-A={0}, on dit alors que Aest nul.
Le premier des trois axiomes ci-dessus dit que l’ensemble Amuni de la seule addition
est un groupe commutatif ; on l’appelle le groupe additif de Aet on le note A+.
(Cette d´efinition peut paraˆıtre bien p´edante ! Elle est l`a pour formuler certaines des
d´efinitions ci-apr`es et pour faire pendant `a la notion de groupe multiplicatif d’un
anneau que l’on rappelle ci-dessous.)
On dit qu’un ´el´ement ude Aest inversible (ou, par abus de langage, qu’il est une
unit´e) s’il existe un ´el´ement vde Atel que l’on a uv = 1 et vu = 1. La multiplication
induit une structure de groupe sur l’ensemble des ´el´ements inversibles de A; ce
groupe est appel´e le groupe multiplicatif de Aet not´e A×(ou encore A).
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ebre commutative
Soient Aet Bdeux anneaux. On appelle homomorphisme d’anneaux une application
fde Adans Btelle que l’on a :
f(x+y) = f(x) + f(y), f(xy) = f(x)f(y), f(1A)=1B.
On note f(A) ou Imfl’image de f. Posons B0= Im f, B0est une partie de Bqui
v´erifie les propri´et´es suivantes :
-B0est un sous-groupe du groupe additif B+;
- si zet tappartiennent `a B0alors zt appartient `a B0;
- 1 appartient `a B0.
Une partie d’un anneau qui v´erifie ces trois propri´et´es est appel´ee un sous-anneau.
Un sous-anneau muni des lois induites par celles de l’anneau est encore un anneau
d’o`u le nom de sous-anneau.
Convention terminologique
Comme les anneaux que nous aurons `a consid´erer sont commutatifs, le mot “anneau”
signifiera dans ce cours, sauf mention expresse du contraire, “anneau commutatif”.
Attention cette convention est d´ej`a en vigueur dans les paragraphes ci-apr`es.
0.2. Id´eal, anneau quotient
Soit f:ABun homomorphisme d’anneaux. L’image r´eciproque de 0Bpar f
s’appelle le noyau de f; on le note f1(0) ou Kerf. Posons I= Kerf,Iest une
partie de Aqui v´erifie les propri´et´es suivantes :
-Iest un sous-groupe du groupe A+;
- si xappartient `a Ialors ax appartient `a Ipour tout adans A.
Une partie d’un anneau qui v´erifie ces deux propri´et´es est appel´ee un id´eal (de cet
anneau).
Exemples
- Soient Aun anneau et xun ´el´ement de A. La partie de Aconstitu´ee des ´el´ements
ax,ad´ecrivant A, est un id´eal ; on l’appelle l’id´eal principal engendr´e par x, on le
note Ax ou xA ou encore (x).
- Soit plus g´en´eralement Eune partie de A. La partie de Aconstitu´ee des ´el´ements
de la forme a1x1+a2x2+··· +anxn, a1, a2,···, and´esignant des ´el´ements de Aet
x1, x2,···, xnd´esignant des ´el´ements de E, est un id´eal ; on l’appelle l’id´eal engendr´e
par E. C’est le plus petit id´eal de Acontenant E.
L’exercice ci-dessous montre que tout id´eal n’est pas principal.
Soit Aun anneau ; on rappelle que la notation A[X] d´esigne l’anneau des polynˆomes
`a coefficients dans A(en l’ind´etermin´ee X).
Cours J. LANNES
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Exercice 0.2.1. Montrer que l’id´eal de Z[X] engendr´e par 2 et Xn’est pas principal.
Soient Aun anneau et Iun id´eal de A. On dit que deux ´el´ements xet x0de Asont
congrus modulo Iet l’on ´ecrit xx0(mod I) si x0xappartient `a I. On a l`a
une relation d’´equivalence sur Adont l’ensemble quotient est not´e A/I. Comme les
relations xx0(mod I) et yy0(mod I)) impliquent x+yx0+y0(mod I)
et xy x0y0(mod I) l’addition et la multiplication de Aefinissent par passage au
quotient une addition et une multiplication sur A/I ; ces lois font de A/I un anneau
que l’on appelle anneau quotient de Apar I. Il est clair que la structure d’anneau de
A/I ainsi d´efinie est caract´eris´ee par le fait que la surjection canonique AA/I est
un homomorphisme d’anneaux. Il est clair ´egalement que le groupe additif (A/I)+
est le quotient du groupe additif A+par le sous-groupe (distingu´e) I.
Un homomorphisme d’anneaux f:ABinduit un isomorphisme d’anneaux
A/KerfImf: cet isomorphisme envoie la classe de xmodulo Kerfsur f(x).
Exercice 0.2.2. Montrer que le quotient de l’anneau Z[X] par l’id´eal engendr´e par 2
et Xest isomorphe `a l’anneau Z/2Z.
Exercice 0.2.3. On note Z[ı] le sous-anneau de Cconstitu´e des ´el´ements de la
forme a+ıb avec aet bdans Z. Montrer que Z[ı] est isomorphe `a l’anneau quotient
Z[X]/(X2+ 1)Z[X].
Exercice 0.2.4. Soit Aun anneau ; soient Iet Jdeux id´eaux de A.
1) On note I+Jla partie de Aform´ee des sommes d’un ´el´ement de Iet d’un ´el´ement
de J. Montrer que I+Jest un id´eal de A.
2) On note respectivement ρet σles surjections canoniques AA/I et AA/J.
Montrer que ρ(J) est un id´eal de A/I et σ(I) un id´eal de A/J.
Montrer que les anneaux A/(I+J),(A/I)(J) et (A/J)(I) sont canoniquement
isomorphes.
Exercice 0.2.5. Soit nun nombre entier, disons strictement positif. Montrer que
les anneaux Z[ı]/nZ[ı] et (Z/nZ)[X]/(X2+ 1)(Z/n)[X] sont isomorphes.
0.3. Anneaux particuliers
0.3.1. Anneaux int`egres
On dit qu’un anneau Aest int`egre s’il est non nul et si le produit de deux ´el´ements
non nuls de Aest encore non nul.
Exemples :Z,Qet Z/2Zsont int`egres ; Z/4Zne l’est pas.
Proposition 0.3.1.1. Si un anneau Aest int`egre alors il en est de mˆeme pour
l’anneau de polynˆomes A[X].
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ebre commutative
Proposition 0.3.1.2. Si un anneau Aest int`egre alors l’homomorphisme d’anneaux
canonique AA[X](envoyant un ´el´ement ade Asur le polynˆome “constant” a)
induit un isomorphisme des groupes multiplicatifs A×
=(A[X])×.
Exercice 0.3.1.3. D´eterminer le groupe multiplicatif de l’anneau de polynˆomes
(Z/4Z)[X]. (Consid´erer l’homomorphisme (Z/4Z)[X](Z/2Z)[X] induit par l’homo-
morphisme ´evident Z/4ZZ/2Z.)
0.3.2. Corps, id´eal maximal
Un corps est un anneau non nul dans lequel tout ´el´ement non nul est inversible.
Exemples. Les anneaux Q,Ret Csont des corps. L’anneau quotient Z/pZ,p
d´esignant un nombre premier, est un autre exemple de corps (voir 0.3.3.5) ; ce corps
sera plutˆot not´e Fpdans ce cours.
Il est clair qu’un corps est int`egre.
Remarque 0.3.2.1. Notre convention terminologique “anneau = anneau commu-
tatif” force du mˆeme coup la convention terminologique “corps = corps commutatif”.
Celle-ci est en fait assez r´epandue et les corps non commutatifs sont aussi appel´es
corps gauches. Les quaternions fournissent un exemple de corps gauche.
La construction du corps Q`a partir de l’anneau Zse g´en´eralise `a tout anneau int`egre
A. On obtient ainsi le corps des fractions de A. Il s’agit d’un corps Kcaract´eris´e, `a
isomorphisme pr`es, par les deux propri´et´es suivantes :
-Kcontient Acomme sous-anneau ;
- tout ´el´ement de Kest de la forme a/b (autre notation pour ab1), aet besignant
deux ´el´ements de Aavec b6= 0.
Tout homomorphisme d’anneaux injectif d’un anneau int`egre Adans un corps se
prolonge de fa¸con unique au corps des fractions de A.
Soit Aun anneau. Soit I(A) l’ensemble des id´eaux de A, distincts de A;I(A) est
ordonn´e par inclusion. On dit, par abus de langage, qu’un id´eal Ide Aest maximal
si c’est un ´el´ement maximal de I(A). Un id´eal maximal est donc un id´eal Itel que :
-Iest distinct de A;
- les seuls id´eaux contenant Isont Iet A.
La notion d’id´eal maximal est intimement reli´ee `a celle de corps :
Proposition 0.3.2.2. Soient Aun anneau et Iun id´eal de A. Les propri´et´es
suivantes sont ´equivalentes :
(i) l’id´eal Iest maximal ;
(ii) l’anneau quotient A/I est un corps.
Cours J. LANNES
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Exercice 0.3.2.3. On note Z[ı5] le sous-anneau de Cconstitu´e des ´el´ements de la
forme a+5 avec aet bdans Z.
1) Montrer que la partie de Z[ı5] constitu´ee des ´el´ements a+5 avec a+bpair
est un id´eal maximal.
2) Montrer que cet id´eal n’est pas principal. (Indication : utiliser l’application
“norme” N : Z[ı5] Z, a +57→ a2+ 5b2.)
Le lemme de Zorn implique :
Proposition 0.3.2.4. Tout id´eal d’un anneau, distinct de l’anneau lui-mˆeme, est
contenu dans un id´eal maximal.
En appliquant cette proposition `a l’id´eal {0}et en tenant compte de 0.3.2.2, on
obtient :
Corollaire 0.3.2.5. Soit Aun anneau. Les conditions suivantes sont ´equivalentes :
(i) Aest non nul ;
(ii) Aposs`ede un id´eal maximal ;
(iii) il existe un homomorphisme d’anneaux surjectif de Adans un corps ;
(iv) il existe un homomorphisme d’anneaux de Adans un corps.
Exercice 0.3.2.6. Montrer que l’implication (i)(iii) de 0.3.2.5 entraˆıne 0.3.2.4.
0.3.3. Anneaux principaux
On dit qu’un anneau Aest principal s’il est int`egre et si tous ses id´eaux sont princi-
paux.
Voici les deux exemples type d’anneaux principaux :
Proposition 0.3.3.1. L’anneau Zest principal.
Proposition 0.3.3.2. Soit Kun corps. Alors l’anneau de polynˆomes K[X]est
principal.
Exercice 0.3.3.3. Montrer que l’anneau Z[ı] (voir 0.2.3) est principal. (En cas de
difficult´es voir l’exercice suivant.)
Exercice 0.3.3.4. Soit Λ un sous-anneau de C. On suppose que Λ v´erifie les pro-
pri´et´es suivantes :
(P1) Le point z´ero est isol´e dans Λ (autrement dit, il existe un nombre r´eel δ > 0 tel
que l’on a |λ| ≥ δpour tout λdans Λ − {0}).
(P2) Pour tout zdans Cil existe λdans Λ tel que l’on a |zλ|<1.
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