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En fait, le jeune n’en parle pas “parce qu’il est dissocié”: il est traumatisé,
mais il veut protéger sa famille. Ne pas en parler, c’est faire comme si cela
n’existait pas. Cela peut augmenter la honte, confirmer à la personne “qu’on
ne fait plus partie de la communauté des hommes” comme dit MUGNIER. Le
thérapeute doit “ramener le jeune dans la communauté des hommes”. Il doit
pouvoir imaginer ce qui est en train de se passer dans sa tête, formuler des
hypothèses et les partager avec l’enfant/ado, par exemple en disant: “Je ne
peux pas m’empêcher de penser que peut-être tu t’es dit...”.
e) “Il n’en parle pas,... il faut en parler... ”
Pour éviter de traumatiser à nouveau le jeune, il convient de le préparer à
parler du trauma en évoquant d’abord des événements plus neutres et plus
positifs auxquels il peut faire référence. On peut utiliser la dissociation
comme outil thérapeutique.
Exemple: Décrire la pièce : ce que je vois (4 éléments), ce que j’entends
(4), ce que je sens (4), puis 3, puis 2, puis 1.
“Où est-ce que tu préférerais être, plutôt qu’ici ? Qu’est-ce que tu
préférerais faire maintenant ? Pense à ton ailleurs. Ici, je vois (3), là
(ailleurs), je vois (3)”,...
Il s’agit de faire émerger de l’espoir, tout en respectant le trauma, de parler
du passé en même temps que du présent.
f) “Ca n’arrive qu’aux filles...” (et les garçons ?). “Seuls les hommes
abusent...”
Cette idée reçue repose sur différentes croyances:
a) Croyance sociétale de l’autonomie sexuelle masculine et donc de la
difficulté avec l’identité masculine
“Un homme, c’est...quelqu’un de fort”. Si un garçon ou un homme
admet avoir été victimisé, il est vu comme n’étant pas vraiment un
homme. Pour beaucoup d’abusés, la vulnérabilité devient associée à
l’impuissance qu’ils ont ressentie étant enfant lorsque quelqu’un de plus
fort a abusé d’eux. Ils ont souvent été invités à supprimer ou à réprimer
leurs émotions. Pour eux, la prescription sociale de la virilité réussie est
en conflit direct avec leur expérience. La colère, symbole de force et
d’énergie, est un état affectif en accord avec les rôles masculins tels que
définis par la culture. Elle est ressentie comme plus acceptable que
l’expression d’émotions davantage liées à la vulnérabilité.
b) Croyance à l’initiation sexuelle du garçon
Selon les garçons abusés par un homme, ils ont réagi sexuellement dans
des circonstances où un homme normal aurait été impuissant. En
conséquence, ils en viennent à se considérer comme anormaux.
Lorsque l’abus est hétérosexuel, le garçon peut avoir du mal à
reconnaître qu’il s’agit d’un abus puisque l’interprétation culturelle de cet
événement est qu’il a été initié sexuellement par une femme plus âgée.
c) Croyance à l’innocence maternelle/féminine
“Les femmes n’abusent pas...” Les mères ont culturellement la
permission de toucher leurs enfants. Lorsque le contact est érotisé,
parfois sous l’apparence de rituels liés à la toilette ou aux soins
médicaux, un garçon peut avoir du mal à reconnaître ce comportement
comme abus. Alors que chez le père, la même façon d’agir peut être
jugée comme une atteinte à la pudeur.
C’est à cause de ces préjugés culturels que les rapports sexuels
inopportuns entre une femme adulte et un enfant sont ignorés.
d) Croyance à la contamination
“Toutes les victimes deviennent des abuseurs”. Ce stéréotype culturel
empêche certains abusés de dévoiler l’abus dont ils sont victimes.
S’il est vrai que beaucoup d’hommes abuseurs ont été victimes enfants,
il est faux de penser que toutes les victimes deviendront abuseurs.