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Introduction
Les filles et les garçons peuvent être confrontés à des agressions de la part d’inconnus,
d’autres enfants et jeunes ou, le plus souvent, de la part d’adultes proches.
Leur éducation les prépare souvent mal à faire face à ces situations.
Ce Vendredi du Social avait pour but de faire connaître aux travailleurs sociaux les
termes d’abus sexuels, de sévices sexuels et de faire comprendre comment un enfant
peut être soumis à des activités sexuelles qu’il n’est pas en mesure de comprendre et
comment il peut en sortir.
En tant que professionnel, comment le soutenir ?
Que faire pour qu’il se sente compris ?
Que faut-il éviter de faire afin de ne pas aggraver sa situation ?
Cette matinée d’information a aussi permis, à l’aide d’un outil pédagogique, de
déconstruire les idées reçues, principalement de genre, quant aux abus sexuels...
Synthèse des exposés
1. “Le parcours d’une victime d’abus sexuel au sein de Services de Police.
Police- services sociaux: une approche commune ?”
Mmes Sabine CRUCIFIX et Ariane PIRARD du Service d’Assistance Policière aux
Victimes de la Police Fédérale et M. Christophe ADAM, Inspecteur principal à la Police
Judiciaire Fédérale
A) Le parcours de la victime
Plusieurs personnes ou services peuvent dévoiler les faits d’abus sexuels
concernant un enfant, dont ils ont connaissance : famille, école, service social,
ASBL, citoyen, CPMS, SOS enfants, SAJ,... Ces personnes ou services dénoncent
les faits à la Police ou au Parquet du Procureur du Roi.
La Police auditionne la personne à qui l’enfant s’est confié et dresse un PV, lequel
est communiqué au Parquet du Procureur du Roi. Si la personne nonce les
faits au Parquet, celui-ci demande une audition à la Police, laquelle dresse un PV.
Ensuite, le Parquet organise une audition audio-filmée de l’enfant, via la
Coordination TAM (Technique d’Audition de Mineur).
B) Législation
- Loi du 28/11/2000 modifiant la protection pénale des mineurs.
- Circulaire ministérielle du 16/07/2001 précisant les modalités de
l’enregistrement audiovisuel de l’audition des mineurs victimes ou témoins
d’infractions.
C) Circulaire Ministérielle du 16/07/2001
a) Objectifs de cette circulaire : définir
- Personnes habilitées à ordonner et à effectuer cet enregistrement,
- Cas dans lesquels il peut avoir lieu pour les mineurs victimes ou témoins,
- Modalités, conditions et formalités de l’enregistrement,
- Statut juridique des supports d’enregistrement.
b) Objectifs de l’audition
- Permettre la retranscription précise de la parole du mineur,
- Eviter la répétition traumatisante des auditions pour le mineur,
- Permettre l’analyse des propos et attitudes,
- Eviter la perte de souvenir,
- Eviter la confrontation entre le mineur et l’auteur.
c) Champ d’application “Art. 91 bis du Cic” de la Loi du 30/11/2011
- Prise d’otage,
- Viol et attentat à la pudeur,
Séance des Vendredis du Social du 21/11/2014
Abus sexuels
“Filles et garçons, mêmes dégâts”
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- Corruption de la jeunesse et proxénétisme,
- Outrage public aux mœurs et pornographie infantile,
- Lésions corporelles volontaires,
- Mutilation d’organes génitaux féminins,
- Abstention coupable de porter assistance,
- Délaissement ou abandon d’enfants/ incapables dans le besoin,
- Privation d’aliment ou de soin,
- Enlèvement de mineurs,
- “Grooming”.
d) Autres cas pour lesquels un enregistrement audiovisuel (AVF) peut
être ordonné:
- Autres infractions dans le cas de circonstances graves et exceptionnelles,
en tenant compte des objectifs d’un enregistrement audiovisuel,
- Situation une victime/témoin majeur est particulièrement vulnérable
(selon l’appréciation du Magistrat).
e) En pratique...
La coordination TAM organise l’audition audio filmée du mineur
à un moment et en un lieu donnés
avec 2 auditionneurs TAM (un actif et un en régie)
en présence d’un(e) psychologue (suivant les desiderata du Magistrat)
et des enquêteurs chargés de l’enquête.
La prise en charge est différente si les faits dévoilés sont intra ou extra-
familiaux :
1) Faits dévoilés intrafamiliaux
Prise en charge de l’enfant au sein du milieu scolaire
Enfant amené par un tiers
Audition hors présence des civilement responsables par le Service
d’Assistance Policière aux Victimes (SAPV) ou les enquêteurs,
Au préalable : expliquer à l’enfant, dans un endroit adapté et à l’aide
de mots adaptés à son âge, que le Procureur du Roi souhaite qu’un
policier parle avec lui, répondre à ses questions et inquiétudes,
l’écouter sans jamais lui poser de questions concernant les faits, le
rassurer.
2) Faits dévoilés extrafamiliaux
Enfant amené par une personne référente au moment prévu lors du
contact préalable avec la coordination TAM ou les enquêteurs,
Accueil par le SAPV ou des auditionneurs TAM (local adapté, jeux,
coloriages,...)
Prise en charge par l’auditionneur actif (mise en confiance,
présentation des locaux, explications,...)
Si nécessaire, prise en charge de l’accompagnant par le SAPV pendant
l’audition (écoute, soutien, explications,...)
f) Service d’Assistance Policière aux Victimes (SAPV)
Le SAPV intervient au moment des faits (ou de leur dénonciation) ou juste
après ceux-ci, à la demande des policiers, des victimes, du Parquet, des
services sociaux, de l’école, de la famille,…
Il vient en appui aux policiers lorsqu’ils ne peuvent assister la victime à eux
seuls et de façon optimale (choc émotionnel important, victimisation
conséquente). Un rôle de garde fonctionne 24h/24, il peut être rappelé pour
toute situation de victimisation grave (postposer la présence du SAPV serait
préjudiciable à la victime) service pro-actif.
Le SAPV veut éviter toute forme de victimisation secondaire (éviter le fait,
pour la victime, de subir de nouvelles souffrances qui viennent s’ajouter à
l’impact initial de l’événement et qui peuvent l’accentuer) qui est provoquée
par des attitudes de blâme, de surprotection ou de banalisation suite à
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l’événement, voire par des maladresses (non intentionnelles) commises en
voulant aider les victimes. Dans ce but, le SAPV met l’accent sur :
- l’accueil, l’écoute, le premier soutien : présence rassurante, structurante,
- l’accompagnement, l’aide pratique, la gestion des conséquences
immédiates,
- les 1
ère
informations sur les actes d’enquête présents et futurs, les étapes
de la procédure, l’aide juridique, le soutien social et psychologique,...
- l’orientation, le relais vers les services compétents à moyen et à long
termes (SOS enfants, accueil des victimes, aide sociale aux
justiciables,…)
D) Conclusion
Le dévoilement d’une situation de maltraitance est un processus long, fait de
périodes de parole et de silence. L’enfant ne parle que quand il est prêt.
Face à des situations de maltraitance qui pourraient donner lieu à une audition
audio filmée d’un mineur, il est important d’avoir une approche commune,
d’écouter la victime en créant des conditions favorables.
Il convient aussi d’éviter d’interroger l’enfant, de mener une enquête, d’éviter
qu’il doive se répéter, de donner ses limites et de le remercier.
2. “Abus sexuels et idées reçues”
Mme Caroline DE VOS, Psychologue et psychothérapeute au Service d’Aide Sociale
aux Justiciables de Verviers
A) Qu’est-ce qu’un traumatisme (trauma) ?
Le trauma est comme “un gong” : le corps s’est figé, quelque chose de terrible a
été vécu dans la solitude et l’impuissance.
Par la suite, la personne réagit comme si la situation de danger était toujours là,
“une part de soi est accrochée au passé”. Au moindre stimulus assocde près
ou de loin à la situation traumatique, des réactions d’angoisse vont apparaître.
Ce n’est pas le passé qui nous fait mal, c’est la manière dont on s’en souvient.
Ce qui retient une image négative dans notre cerveau, c’est l’émotion.
Faisons une comparaison avec l’ordinateur : la mémoire à court terme (CT) est
comme le bureau sur l’ordi. Tout ce que je vois occupe mon conscient. Celui-ci
stocke toutes les informations, puis les trie et les envoie dans la mémoire à long
terme (LT), cela devient des souvenirs. La mémoire CT est scannée lors du
sommeil paradoxal. Ce qui n’est pas coloré émotionnellement est mis à la
corbeille. Quand il y a une émotion, elle s’exprime et se détache de l’information.
Chez les personnes traumatisées, le souvenir est toujours dans la mémoire CT ;
il se crée comme une poche traumatique.
Heureusement, le cerveau peut traiter les situations traumatisantes en séparant
l’émotion négative de l’information, il a la capacité de cicatriser. Grâce à une
aide extérieure, nous pouvons être résilients (Voir B. CYRULNIK).
B) Les croyances et l’impact sur le trauma
Nous croyons des choses par rapport aux événements que nous vivons, nous
nous racontons des histoires. Certaines sont aidantes, d’autres plus limitantes.
Ce que je crois va se vérifier. Les personnes qui nous entourent se racontent
aussi leur propre histoire, en lien avec leur vécu et comment elles se
représentent ce que nous vivons.
Les croyances que nous avons sur nous-mêmes prennent de l’ampleur avec les
réactions de notre environnement, de la société.
C) Croyances fréquemment rencontrées dans l’abus sexuel / idées reçues
Une idée reçue est une opinion, souvent répandue, considérée comme évidente
et peu remise en question car elle permet de répondre de manière simpliste (et
rassurante) à une question complexe. Elle aide à ne plus réfléchir et s’impose
insidieusement. Voici quelques exemples.
a) “C’est de ma faute...”
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Les enfants victimes d’abus sexuel intrafamilial se sentent responsables et
ne peuvent remettre en question leur parent (dépendance et stratégies de
l’abuseur). Des questions peuvent être présentes chez les victimes, comme
une tentative pour donner du sens à ce qu’elles ont vécu : “Quelle est ma
responsabilité ?”, “Pourquoi cela m’est-il arrivé ?.”
Le sentiment de faute est en lien avec les réactions au moment du
traumatisme (rester figé, ne pas réagir, avoir des réactions corporelles “J’ai
ressenti du plaisir = je suis sale”,...).
La tendance à s’attribuer une partie de la responsabili est peut-être une
tentative pas forcément consciente, pour rester humain.
Ne pas en parler peut augmenter la honte.
Les croyances de l’entourage telles que “Il/elle l’a un peu cherché” ou “Elle a
quand même un comportement aguicheur...” renforcent la culpabilité de la
victime. Il y a confusion entre attention recherchée et sexualité. Les
comportements séducteurs éventuels de l’enfant/ado (masturbation, jeux
sexuels,...) sont bien une conséquence de l’abus sexuel et non sa cause. Les
comportements sexualisés sont comme un incendie à éteindre.
La réaction de la famille et, en particulier, du parent non abuseur (souvent la
mère) est essentiel pour la “récupération” de l’enfant. Si le parent non
abuseur vit le dévoilement de l’abus de son enfant comme une blessure
narcissique et/ou comme un rappel de ses éventuels abus subis dans le
passé, sa réaction peut être tout à fait inappropriée.
Il convient, au contraire, que l’entourage familial soit sécurisant et aidant.
b) “L’abus sexuel est une maladie génétique”
Des questions se posent aux victimes: “Est-ce que moi aussi, je serai
comme papa ? ”Suis-je issu d’un monstre ?”.
Ces questions peuvent être renforcées par le fait que l’enfant/ado abusé
peut encore être plus envahi par la sexualité (pulsions sexuelles,
masturbation,..). Certains jeunes peuvent aussi retourner la violence contre
eux-mêmes (automutilation ou pensées suicidaires) ou adopter des
conduites asociales (tentative de faire savoir qu’on se considère comme
dangereux ?). Des jeunes qui ont des gestes sexualisés sur d’autres ne sont
pas nécessairement des pervers sexuels, mais plutôt des jeunes qui
s’interrogent “Suis-je comme mon père ?” et qui ont difficile à métaboliser
des sensations corporelles.
Le mal fait à d’autres part souvent d’un mal plus ancien. Aborder les autres
générations permet de sortir du non-sens et d’approcher l’histoire familiale,
d’offrir au jeune abusé de faire autre chose que ce à quoi il se croit
programmé.
Exemples de questionnements : Qu’est-ce qui a pu abîmer votre père, pour
qu’il franchisse une limite aussi grave ?”, “Cette injustice envers les enfants
remonte à loin, comment l’arrêter ?” Cela permet à l’enfant/ado de ré-
expérimenter la confiance relationnelle envers l’autre et de se reconstruire.
c) “Il/elle n’a pas peur, il/elle veut revoir son abuseur... Je ne
comprends pas”
En fait cette“ légitimité destructrice” s’explique par le fait que “le cœur de
l’enfant est plein d’ambivalence”. Son abuseur est souvent quelqu’un de
proche, en qui il a confiance, qui, par ailleurs, peut lui offrir une sécuriet
lui donner une éducation. De plus, le jeune peut intégrer que la seule
manière de recevoir de l’affection se fait par des gestes sexuels.
Il est donc important de bien évaluer pourquoi il veut revoir son abuseur et
en est l’abuseur. Notons aussi que si l’enfant est sorti du secret, il n’est
pas pour autant sorti du pacte, ce lien abusif qui l’enferme, par l’emprise,
dans un sentiment de faute.
d) “Il/elle n’en parle pas, donc tout va bien”, “Il vaut mieux ne pas en
parler”
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En fait, le jeune n’en parle pas “parce qu’il est dissocié”: il est traumatisé,
mais il veut protéger sa famille. Ne pas en parler, c’est faire comme si cela
n’existait pas. Cela peut augmenter la honte, confirmer à la personne “qu’on
ne fait plus partie de la communaudes hommes” comme dit MUGNIER. Le
thérapeute doit “ramener le jeune dans la communauté des hommes”. Il doit
pouvoir imaginer ce qui est en train de se passer dans sa tête, formuler des
hypothèses et les partager avec l’enfant/ado, par exemple en disant: “Je ne
peux pas m’empêcher de penser que peut-être tu t’es dit...”.
e) “Il n’en parle pas,... il faut en parler... ”
Pour éviter de traumatiser à nouveau le jeune, il convient de le préparer à
parler du trauma en évoquant d’abord des événements plus neutres et plus
positifs auxquels il peut faire référence. On peut utiliser la dissociation
comme outil thérapeutique.
Exemple: Décrire la pièce : ce que je vois (4 éléments), ce que j’entends
(4), ce que je sens (4), puis 3, puis 2, puis 1.
“Où est-ce que tu préférerais être, plutôt qu’ici ? Qu’est-ce que tu
préférerais faire maintenant ? Pense à ton ailleurs. Ici, je vois (3), là
(ailleurs), je vois (3)”,...
Il s’agit de faire émerger de l’espoir, tout en respectant le trauma, de parler
du passé en même temps que du présent.
f) “Ca n’arrive qu’aux filles...” (et les garçons ?). “Seuls les hommes
abusent...”
Cette idée reçue repose sur différentes croyances:
a) Croyance sociétale de l’autonomie sexuelle masculine et donc de la
difficulté avec l’identité masculine
“Un homme, c’est...quelqu’un de fort”. Si un garçon ou un homme
admet avoir été victimisé, il est vu comme n’étant pas vraiment un
homme. Pour beaucoup d’abusés, la vulnérabilité devient associée à
l’impuissance qu’ils ont ressentie étant enfant lorsque quelqu’un de plus
fort a abusé d’eux. Ils ont souvent été invités à supprimer ou à réprimer
leurs émotions. Pour eux, la prescription sociale de la virilité réussie est
en conflit direct avec leur expérience. La colère, symbole de force et
d’énergie, est un état affectif en accord avec les rôles masculins tels que
définis par la culture. Elle est ressentie comme plus acceptable que
l’expression d’émotions davantage liées à la vulnérabilité.
b) Croyance à l’initiation sexuelle du garçon
Selon les garçons abusés par un homme, ils ont réagi sexuellement dans
des circonstances un homme normal aurait été impuissant. En
conséquence, ils en viennent à se considérer comme anormaux.
Lorsque l’abus est hétérosexuel, le garçon peut avoir du mal à
reconnaître qu’il s’agit d’un abus puisque l’interprétation culturelle de cet
événement est qu’il a été initié sexuellement par une femme plus âgée.
c) Croyance à l’innocence maternelle/féminine
“Les femmes n’abusent pas...” Les mères ont culturellement la
permission de toucher leurs enfants. Lorsque le contact est érotisé,
parfois sous l’apparence de rituels liés à la toilette ou aux soins
médicaux, un garçon peut avoir du mal à reconnaître ce comportement
comme abus. Alors que chez le père, la même façon d’agir peut être
jugée comme une atteinte à la pudeur.
C’est à cause de ces préjugés culturels que les rapports sexuels
inopportuns entre une femme adulte et un enfant sont ignorés.
d) Croyance à la contamination
“Toutes les victimes deviennent des abuseurs”. Ce stéréotype culturel
empêche certains abusés de dévoiler l’abus dont ils sont victimes.
S’il est vrai que beaucoup d’hommes abuseurs ont été victimes enfants,
il est faux de penser que toutes les victimes deviendront abuseurs.
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