Economie 3. LA COORDINATION PAR LE MARCHE 3.1 – Qu’est- ce qu’un marché ? Thème 3.1 – Qu’est-ce qu’un marché ? Notions Institutions marchandes, droit de propriété Indications complémentaires On présentera la diversité des marchés concrets (depuis les foires du Moyen Age jusqu’aux achats en ligne ; les marchés des biens, des services, des actifs, du travail…). On montrera que le fonctionnement des marchés nécessite des règles de droit, qui déterminent notamment qui possède quoi et ce qui peut être ou non échangé. On montrera que le marché suppose notamment l’existence d’institutions et de conventions (par exemple marchandage, achat à l’unité ou en nombre, enchères, etc.). On expliquera en quoi les droits de propriété (y compris les droits d’auteur, brevets, marques...) sont au fondement de l’échange. On évoquera l’existence de droits sociaux et humains et on s’interrogera sur les limites de l’échange marchand (existence de commerces illicites, brevetabilité du vivant, interdiction du commerce d’organes, etc.). Marché : lieu physique ou virtuel ou s’effectue l’offre et la demande aboutissant à un certain prix. Un marché est organisé, sécurisé et réglementé. Homo oeconomicus : agent économique étudié par l’Ecole Néoclassique. Homme rationnel faisant des calculs couts-avantages dans le cadre d’une économie de marché. Economie de marché : système économique régulé par les lois de l’offre et de la demande et de la flexibilité des prix. Institution : ensemble de règles juridiques et de normes sociales organisant la société. Dans le cadre du marché, elles définissent les conditions des transactions. Corporation : organisme social regroupant les personnes ayant la même profession, et possédant leurs propres coutumes et valeurs. Droit de propriété (intellectuelle) : droit garanti par l’Etat de choisir les usages économiques d’un bien (utiliser, vendre, louer). Ce droit concerne aussi les œuvres de l’esprit. La durée du droit dépend du bien, pendant cette durée l’auteur choisit d’autoriser ou de refuser l’accès à son bien. La SACEM : Société des Auteurs Compositeurs et Éditeurs de Musique, est une société gérant les droits d'auteur des œuvres musicales. Convention : ensemble de choix arbitraires facilitant les échanges. 1 Oligopole : situation de marché dans laquelle il y a peu de producteurs (offreurs) face à de multiples acheteurs (demandeurs). Monopole : situation de marché dans laquelle il n’y a qu’un producteur (offreur) face à de multiples acheteurs (demandeurs). Cartel : entente conclue entre plusieurs entreprises d'un même secteur d'activité, dans le but de limiter la concurrence, de contrôler le marché et de maximiser leurs profits. Abus de position dominante : entreprise abusant de sa position de domination sur un marché pour imposer ses produits ou prix à ses clients. Dumping : pratique commerciale consistant à vendre des produits à un prix inférieur à celui des couts de production (vente à perte). Délit d’initié : personne disposant d'informations qui pourrait l’avantager lors de transactions financières. Class actions : personnes ayant un intérêt commun à faire une plainte groupée pour faire valoir leur droit ou recevoir des dommages et intérêts. Marchandisation : processus par lequel des biens et services non-marchand (tels que le corps humain, le sang, l’ADN, l’école, etc.), passent dans la sphère marchande. Ce terme est souvent employé dans un sens polémique ou négatif. A. Une diversité de marchés Les foires, ancêtres du marché, sont un système marqué par une anarchie politique et une économie rudimentaire. Le marché est une construction sociale et historique nécessitant des règles, des unités fixes (unification des poids et mesures) ainsi qu’une organisation administrative pour l’organiser ainsi que de modalités de fixation des prix. Aujourd’hui, plusieurs systèmes de fixations des prix, correspondant chacun à des besoins différents, cohabitent. Certains prix de biens et services sont fixés et encadrés par l’Etat pour des raisons sociales et utiles. Par exemple les produits pharmaceutiques ou les loyers qui sont encadrés par la Marie de Paris afin qu’ils ne dépassent pas un certain seuil. On distingue 3 grands types de marchés : Le marché des capitaux (actions, obligations…), il permet d’obtenir du financement Le marché du travail, où l’offre et la demande s’effectue et est fixée par le salaire Le marché des biens et service dont l’immobilier est une des composantes B. Le marché, une construction historique et sociale Karl Polanyi, historien du marché étudiant leur fonctionnement et évolution, rappelle qu’il ne faut pas confondre échange marchand et économie de marché. 2 Pendant tout le Moyen-Age, il y avait des échanges marchands sans qu’il y ait une économie de marché car à cette époque les prix ne résultaient pas des variations de l’offre et de la demande mais étaient fixés par la coutume ou par l’Etat. Il y avait donc très peu d’échanges et la production est autoconsommée. A partir du XVIIIe siècle, l’économie de marché apparait. C’est une façon d’organiser l’économie, ce système repose sur la flexibilité des prix ainsi que sur la confrontation de l’offre et de la demande. L’économie de marché est donc une construction historique et sociale mais n’étant pas universelle et non naturelle (création de l’Homme). Afin que l’on puisse parler d’économie de marché, il faut qu’il y ait une production de masse destinée à l’échange ainsi qu’une spécialisation des marchés. Elle suppose également qu’il y ait de la concurrence pour que les individus puissent négocier et comparer les prix. Max Weber, autre grand fondateur de la sociologie, insiste sur le fait qu’il y ait une culture favorable au marché, c’est-à-dire qu’il y ait des normes et valeurs pour que l’économie de marché puisse exister. Dans Ethique protestante et esprit du Capitalisme (1905), il démontre que l’économie de marché nait avec la réforme protestante. Contrairement aux catholiques qui privilégient la théologie de la pauvreté pour accéder au royaume de Dieu, les protestants veulent faire fructifier ce que Dieu leur a donné. L’enrichissement devient alors un signe de la volonté de Dieu, le protestantisme prône des valeurs favorables à l’épargne et à l’investissement afin de réaliser l’œuvre de Dieu et d’exploiter les talents qu’Il leur a offert. L’Etat français institue l’économie de marché à partir de la Révolution (1789) qui abolit la société d’ordre et met l’individu au centre de tout. Cette révolution aboutit à des idées libérales autant sur le plan politique et philosophique que sur le plan économique. Dans la société de l’Ancien Régime, les positions sociales été données par Dieu. Avec la Révolution, l’individu est libre d’accéder à la position sociale qu’il souhaite atteindre. Ainsi, la société n’émane plus de Dieu mais est créée par les hommes notamment grâce au contrat social. Pour que chacun puisse accéder à la position sociale voulue, l’Etat fait passer un certain nombre de lois comme la loi Chapelier de 1791 qui empêche les corporations et qui marque le début du libéralisme économique. C. Le marché nécessite des règles et des institutions Pour fonctionner, le marché a besoin d’institutions, d’encadrement, de règles, de normes… Ces institutions sont une réponse à l’incertitude (concurrence, prix, innovation) qu’il y a sur le marché et permettent de maximiser les échanges et l’investissement. Ces règles vont donc sécuriser les individus. La tendance naturelle des hommes est de s’affranchir des lois du marché (abus de positions dominantes, ententes pour fixer les prix). Adam Smith décrit dans De La Richesse des nations, comment les hommes se réunissent pour faire des complots contre l’intérêt général : « Les membres d'une même industrie se rencontrent rarement par plaisir ou pour se divertir, mais leur conversation aboutit invariablement sur une conspiration contre l'intérêt général ou sur un accord pour augmenter leur prix. » L’encadrement du marché s’effectue par : 3 Le droit de propriété qui protège du vol et sécurise les échanges en assurant la consommation et l’investissement. Le 1er code du commerce écrit date de 2000 ans av. JC, c’est le Code d’Hammourabi (Babylone). Les institutions de marché : par la monnaie (instrument de valeur, d’échange et de réserve institué par l’Etat) qui permet de faciliter les échanges, d’évaluer la valeur des biens ainsi que d’épargner. Par des règles sociales encadrant la concurrence, on cherche à éviter les situations de monopoles, d’oligopoles débouchant sur des ententes, d’abus de position dominante, de dumping ou encore de délit d’initié. Par des autorités de marché, qui ont pour but d’organiser le fonctionnement du marché et de le réguler (AMF pour la bourse), par des organisations étatiques, qui surveillent les atteintes à la concurrence (interdiction de monopole, d’oligopole ou de concentration par l’Autorité de la concurrence, la Commission européenne ou l’Organisation mondiale du commerce). Ou par les associations de consommateurs, qui testent les produits, signalent les abus (portent plainte) ou font des class actions. Les conventions qui permettent au marché de fonctionner, même si elles ne sont pas économiquement optimales (innovation = baisse de productivité). Même les libéraux, comme Adam Smith par exemple, approuvent l’intervention de l’Etat dans l’économie comme nécessaire. Mais d’autres, comme les libertariens, refusent son intervention, jugeant l’Etat comme illégitime, et prônent le droit du contrat social. L’importance de l’intervention de l’Etat dans l’économie est un débat très ancien menant à l’apparition de deux opinions sur ce dernier : L’Etat gendarme qui se concentre simplement sur des missions essentielles et traditionnelles. L’Etat providence mettant en œuvre un certain nombre de mécanisme pour réduire les inégalités et s’assurant du bien-être de la population. D. Quelles limites à l’échange marchand ? Pour des raison éthiques, sanitaires, morales ou religieuses certaines activités telles que la GPA (gestion par autrui) ou l’achat d’enfant, ne donnent pas lieu à des échanges sur un marché. De plus la légalisation de ces activités pourrait creuser davantage les inégalités dans l’accès aux soins médicaux pour les plus pauvres. Cependant l’interdiction de ces activités entrainent de nombreux risques comme le développement du commerce illicite ou du trafic. L’extension du marché est devenue un objet de réflexion ainsi qu’un domaine d’étude pour l’économie mais aussi pour la philosophie et la littérature. Dans Extension du domaine de la lutte, Michel Houellebecq démontre que les relations homme-femme dépendent de la classe sociale et du statut économique d’un individu. SYNTHESE : Il existe une grande variété de marchés : il y a autant de marchés que de biens à échanger (pétrole, travail, marchés financiers, etc.) et de manières de procéder à l’échange (vente à prix fixe, troc, enchères, prix administrés, négociation…). 4 Au-delà de ces différences, tous les marchés se définissent par la rencontre, physique ou non, d’une offre et d’une demande qui aboutit à la fixation d’un prix auquel se réalise une transaction. Cependant le marché n’est ni universel, ni spontané ; il résulte d’une construction sociale et historique dans laquelle l’Etat a joué un rôle central, pour augmenter son influence et ses recettes fiscales. Pour fonctionner, le marché nécessite des institutions, c’est-à-dire des règles qui encadrent les échanges, au premier rang desquelles on trouve les droits de propriété, la monnaie ou encore la confiance. Certaines de ces institutions sont nationales (par exemple l’Autorité des Marchés Financiers), d’autres sont supranationales (comme la Commission européenne qui veille au respect de la concurrence). Le marché nécessite également des conventions qui simplifient la coordination entre tous les acteurs (exemple du clavier QWERTY). Cependant des limites existent à la marchandisation. Au nom de l’éthique, il est interdit d’échanger certains biens et services. Il est difficile néanmoins de faire respecter ces interdictions et des marchés illicites apparaissent. 5