1. une liberté contractuelle bridée par l`ordre public économique 2

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1
« Le délai convenu
entre les parties pour
régler les sommes
dues ne peut
dépasser 45 jours
fin de mois ou 60
jours à compter de
la date d’émission de
la facture. En cas de
facture périodique,
au sens du 3 du I
de l’article 289 du
code général des
impôts, ce délai ne
peut dépasser 45
jours à compter de
la date d’émission
de la facture. (…)
Sont passibles
d’une amende
administrative dont
le montant ne peut
excéder 75.000€
pour une personne
physique et 375.000
€ pour une personne
morale le fait de ne
pas respecter les
délais de paiement
mentionnés (…). Le
montant de l’amende
encourue est doublé
en cas de réitération
du manquement
dans un délai de 2
ans à compter de
la date à laquelle la
première décision de
sanction est devenue
définitive. »
2
« Un accord,
selon lequel le
créancier peut
exiger l’exécution
d’une obligation en
paiements au-delà
d’un délai de 60
jours à compter de
la réception de la
contre-prestation
n’est valable,
que si l’accord
a été souscrit
expressément
et qu’il n’est pas
manifestement
inéquitable au regard
des intérêts du
créancier. »
3
Art. L.441-6 Code de
commerce
4
Art. L.441-3 Code de
commerce
5
Art.L.441-6 Code de
commerce
6
Art.L.442-6 2e Code
de commerce ;
Art.L.442-6 1er Code
de commerce
7
Art. L442-6 5e Code
de commerce
8
CA Paris, 11/09/2013,
N° 11/17941 ; CA
Paris, 18/09/2013, N°
12/03177 : analyse
des clauses de
révision des prix
du fournisseur, des
clauses de taux de
service
Cette singularité tient aux sanctions administratives,
pénales et aux motifs d’ordre public économique
que le Législateur français assortit aux dispositions
communautaires à transposer.
On pense notamment à la Directive 2011/7/UE
concernant les retards de paiement qui, en droit
français a été transposée à l’article L. 441-6 Code
de commerce lequel prévoit des amendes administratives en cas de contravention allant jusqu’à
375 000 e, ce montant étant augmenté du double
en cas de récidive1.
On est bien loin de la transposition faite de cette
même directive en droit allemand, qui n’est assortie d’aucune amende. Outre Rhin, la violation des
prescriptions légales entache de nullité la clause
qui déroge à la loi et ouvre droit, tout au plus, au
versement de dommages et intérêts si préjudice
il y a.2
Jamais, le Ministre allemand de l’économie n’intervient dans les contrats à ce titre, alors que les
interventions ministérielles en droit français ne sont
pas rares.
On constate donc en droit commercial français
un recul de la liberté contractuelle, soumise au
contrôle toujours plus strict de l’administration et
du juge.
Jusqu’à ce jour, ce recul de la liberté contractuelle
avait pour terrain d’élection le Code de commerce.
Désormais avec le projet de réforme, il fait son
entrée dans le Code civil, ce qui lui donne une
légitimité de principe.
Or, en procédant de la sorte, le Législateur français
dessine un droit aux contours incertains, qui est
facteur d’insécurité juridique et nuit à l’attractivité
du droit français.
1. Une liberté contractuelle
bridée par l’ordre public
économique
À ce jour et en droit commercial, la plupart des
éléments économiques constitutifs des contrats
(délais de paiement3, facturation4, intérêts de
retard5, existence d’une contrepartie équitable6,
délai de préavis de fin de contrat7) sont susceptibles d’être contrôlés par l’administration prise en
la personne du Ministre de l’économie, et in fine
par le juge.
La liberté contractuelle se réduit à peau de chagrin.
Son principe est sévèrement affaibli, d’autant plus
que le contrôle exercé par l’administration et le juge
s’effectue au moyen d’outils juridiques mal définis.
Or, plus les termes sont vagues, plus il est difficile de
les contenir. En pratique, ils légitiment un contrôle
toujours plus étendu.
Ainsi en va-t-il des notions de « dépendance » et
de « déséquilibre », qui sont devenues les stars
des prétoires français !
On ne compte plus les procédures engagées au
visa de l’article L. 442-6 Code de commerce
en demande de dommages et intérêts au motif
qu’un contrat serait déséquilibré, de sorte qu’il y
aurait motif à indemniser la partie victime de ce
déséquilibre !
En effet, au visa de cet article, le fait de « soumettre
ou de tenter de soumettre un partenaire commercial
L ’a c t u a l i t é
à des obligations créant un déséquilibre significatif
dans les droits et obligations des parties » engage la
responsabilité de son auteur.
Peu importe que le contrat ait été accepté des
parties !
Peu importe qu’il ait été signé !
Seul importe ce que le magistrat considérera
comme étant un rapport de droit équilibré au
regard du prétendu déséquilibre, objet du grief
soulevé.
La valeur de l’engagement des parties est alors
mesurée à l’aune de cette notion d’équilibre,
qui met d’ailleurs les magistrats dans un certain
embarras, car la notion d’équilibre n’est définie
nulle part.
Ces notions de droit commercial mettent à mal la
force contraignante des contrats. Elles nourrissent
aujourd’hui un contentieux commercial de mauvais
aloi, marqué par le comportement opportuniste
des plaideurs.
Or ce sont ces mêmes notions que le projet de
réforme envisage d’introduire au code civil.
2. Une définition économique
du contrat
Ces notions économiques qui abondent dans
le Code de commerce consacrent une nouvelle
définition du contrat. Le contrat n’est plus seulement un engagement de droit ayant force de
loi, mais un instrument économique dont la force
obligatoire sera fonction de l’équilibre économique
qu’il consacre ou pérennise.
En droit commercial, le déséquilibre visé à l’article
L. 442-6 Code de commerce se traduit en pratique
par ses répercussions financières dans l’exécution
du contrat.
Dans l’appréciation du déséquilibre, la jurisprudence8 évalue l’impact financier défavorable de
clauses convenues et que le magistrat considèrera
comme étant équilibrées ou déséquilibrées selon
que celui en défaveur duquel elles ont été conclues
subit une charge qu’il a difficulté à assumer.
On observe à ce jour que l’équilibre des obligations
contractuelles est en partie évalué selon ses effets
sur la viabilité financière du contrat.
Si l’exécution d’un contrat s’avère non rentable en
raison de l’application d’une clause défavorable
pour l’un, il est susceptible d’être remis en cause
au visa de l’article L. 442-6 Code de commerce.
Cette analyse se généralise car l’article L. 442-6
Code de commerce, qui a été pensé pour la
grande distribution, a vocation à s’appliquer à
tout type de contrat.
Or, d’une part, il est dangereux de donner un prix
à l’exercice du droit.
Ces considérations économiques ne devraient pas
avoir droit de cité dans l’appréciation de la validité
de contrats, et notamment ceux négociés de gré
à gré.
D’autre part, ces considérations économiques
ne devraient pas empiéter et brider l’exercice de
droits disponibles, sauf à ce que le droit de la
concurrence applicable aux ententes et position
dominante ait vocation à s’appliquer.
j u r i d i q u e
2 0 1 6
p a r
L a m y
&
A s s o c i é s
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