EAST ACCOUNTANCY ASBL REUSSIR SA PLANIFICATION SUCCESSORALE : QUELLE STRATEGIE ADOPTER SELON SON AGE ? Luc HERVE, Avocat au Barreau de Liège, cabinet d'avocats Herve, (avenue du Luxembourg, 25 à 4020 Liège, Tél : 04/343.53.33 – [email protected]) Chargé de cours à la Faculté de Droit de l'ULg, Maître de Conférences à HEC-ULg (Tax Institute), Professeur à l'Ecole Supérieure de Comptabilité de Liège (CBCEC Liège), Conférencier à l'ICHEC-ESSF, Assesseur juridique suppléant à la Chambre Exécutive Francophone de l'IPCF Chaineux, le 18 février 2016 Confédération de la Construction, Z.I. Chaineux-Petit-Rechain Luc HERVE – Réussir sa planification successorale REUSSIR SA PLANIFICATION SUCCESSORALE : QUELLE STRATEGIE ADOPTER SELON SON AGE ? Luc HERVE, Avocat au Barreau de Liège, cabinet d'avocats Herve, (avenue du Luxembourg, 25 – 4020 Liège / Tél: 04/343.53.33 / [email protected]) Chargé de cours à la Faculté de Droit de l'ULg, Maître de Conférences à HEC-ULg (Tax Institute), Professeur à l'Ecole Supérieure de Comptabilité de Liège (CBCEC Liège), Conférencier à l'ICHEC-ESSF, Assesseur juridique suppléant à la Chambre Exécutive Francophone de l'IPCF I. INTRODUCTION 1.Dans le cadre limité de la présente contribution, notre objectif est de mettre en évidence l'opportunité d'organiser une planification successorale, étant entendu que les solutions à retenir sont susceptibles d'évoluer en fonction de l'âge. Après avoir défini ce qu'il y a lieu d'entendre par "planification successorale", nous tenterons de distinguer certaines priorités, par tranches de vie. Ainsi, il nous paraît que, sauf circonstances exceptionnelles et évènements de nature à réduire la durée de vie : - la période de 50 à 64 ans correspond au temps pour réfléchir ; - la période de 65 à 80 ans correspond au temps pour agir ; - la période au-delà de 80 ans correspond au temps pour réagir. A l'occasion de ce parcours dans le temps, nous détaillerons diverses techniques utilisées dans le cadre d'une planification successorale, avant de conclure. Nous avons délibérément opté en faveur d'une présentation simplifiée et, nous l'espérons, pédagogique des concepts, au détriment de développements par trop scientifiques, assortis de nombreuses références doctrinales et jurisprudentielles. Depuis le 1er janvier 2002 (article 3 de la loi spéciale du 16 janvier 1989 "relative au financement des Communautés et des Régions" tel que modifié par l'article 5 de la loi spéciale du 13 juillet 2001 "portant refinancement des Communautés et extension des compétences fiscales des Régions"), le droit d'enregistrement sur les transmissions à titre onéreux de biens immeubles situés en Belgique et le droit de donation sont, parmi d'autres, devenus des impôts pleinement régionaux. 2 Luc HERVE – Réussir sa planification successorale Le 1er novembre 2003, la Région de Bruxelles-Capitale et la Région flamande ont fait usage de cette compétence. La Région wallonne a suivi. Le 1er janvier 2015, le gouvernement fédéral a transféré de nouvelles compétences fiscales aux Régions en matière de droits d'enregistrement et de succession. A cette occasion, la Région flamande a modifié son Vlaamse Codex Fiscaliteit (en abrégé, "VCF") afin d’y intégrer toutes les règles fiscales dépendant de la compétence régionale flamande, contenues notamment dans le CDE (Cf. Décret du 19 décembre 2014 portant modification du VCF du 13 décembre 2013, publié au Mon.B du 29 janvier 2015). Le lecteur trouvera dans notre contribution toutes les références actualisées au VCF. Le plan de notre exposé sera le suivant : TABLE DES MATIERES N°§ I. INTRODUCTION 1 II. PLANIFICATION SUCCESSORALE – NOTION 2 II.1. Constat préalable : les droits de succession sont très élevés en Belgique II.1.1. Tarifs applicables a) Région wallonne b) Région flamande c) Région de Bruxelles-Capitale II.1.2. Exception : transmission de l’immeuble où le défunt a eu sa résidence principale a) Région wallonne b) Région de Bruxelles-Capitale c) Région flamande II.1.3. Exception : transmission d’une entreprise sous la forme d’actions et créances ou d’une universalité de biens, d’une branche d’activité ou d’un fonds de commerce 2 2 2 2 2 3 3 3 3 4 II.2. Définition de la planification successorale 5 III. PERIODE DE 50 A 64 ANS : TEMPS POUR REFLECHIR 6 III.1. Constat préalable : il est a priori trop tôt pour mettre en œuvre une planification successorale 6 III.2. Régime matrimonial : les aménagements envisageables 7 3 Luc HERVE – Réussir sa planification successorale III.2.1. Régime légal ou de communauté de biens III.2.2. Régime de séparation de biens 7 10 III.3. Succession ab intestat : les héritiers 12 III.4. Succession testamentaire ou legs III.4.1. Option héréditaire a) L’acceptation pure et simple b) La renonciation c) L’acceptation sous bénéfice d’inventaire III.4.2. Devoirs impératifs de solidarité et d’affection à l’égard de certains membres de sa famille a) Notions de "réserve" et de "quotité disponible" b) Héritiers réservataires c) Réserve des successibles du défunt c-1) Réserve des enfants et des descendants du défunt c-2) Réserve des ascendants du défunt c-3) Réserve du conjoint d) Détermination de la quotité disponible et de la réserve e) Action en réduction 15 16 18 19 20 III.5. Accroissement de la protection du conjoint ou du cohabitant légal 31 III.6. Donation entre vifs d’une partie du patrimoine 34 IV. PERIODE DE 65 A 80 ANS : TEMPS POUR AGIR 35 IV.1. Donation entre vifs – modalités IV.1.1. Eléments constitutifs de la donation a) L’élément intentionnel : ″l’animus donandi″ b) L’élément matériel : l’enrichissement et l’appauvrissement IV.1.2. Don manuel IV.1.3. Donation indirecte 36 36 38 39 41 42 IV.2. Donations immobilières – régime fiscal IV.2.1. Tarif progressif par tranches analogue à celui existant pour le calcul des droits de succession IV.2.2. Exception : donation de l’immeuble où le donateur a eu sa résidence principale IV.2.3. Exception : donation d’entreprise IV.2.4. Réserve de progressivité 43 IV.3. Donations mobilières – régime fiscal IV.3.1. Dons manuels et donations indirectes exempts de droits 48 48 21 21 22 23 23 24 25 27 30 44 45 46 47 4 Luc HERVE – Réussir sa planification successorale IV.3.2. Donation d’une entreprise sous la forme d’actions et créances ou d’une universalité de biens, d’une branche d’activité ou d’un fonds de commerce IV.3.3. Taux réduits applicables à certaines donations de biens meubles a) Assouplissement en faveur des instruments financiers et titres de sociétés b) Durcissement au détriment des donations affectées d’une condition suspensive 49 50 51 IV.4. Sauvegarde de revenus IV.4.1. Réserve d’usufruit IV.4.2. Charge financière 52 52 54 IV.5. Conservation du contrôle IV.5.1. Transmission de parts sociales a) SPRL et gérant statutaire b) Société en commandite par actions IV.5.2. Société civile de droit commun IV.5.3. Mandat de gestion 56 56 56 57 58 59 IV.6. Garantie contre les aléas affectant le donataire IV.6.1. Clause de retour conventionnel IV.6.2. Interdiction d’aliénation IV.6.3. Interdiction d’apport en communauté 60 61 62 63 V. PERIODE AU DELA DE 80 ANS : TEMPS POUR REAGIR 64 V.1. Pourquoi une réaction aussi tardive ? 64 V.2. Il n'est pas encore trop tard, mais il est grand temps ! 65 V.3. Sécurisation du donateur 66 V.4. Régularisation des avoirs et revenus occultes 67 VI. CONCLUSION 68 51 5 Luc HERVE – Réussir sa planification successorale II. PLANIFICATION SUCCESSORALE - NOTION II.1. Constat préalable : les droits de succession sont très élevés en Belgique II.1.1. Tarifs applicables 2.Les droits de succession sont calculés sur la part nette recueillie par chaque ayant droit, suivant un tarif progressif qui varie suivant le degré de parenté existant entre le défunt et ses ayants droit. Depuis le 1er janvier 1997, les tarifs applicables diffèrent selon le lieu où la succession est imposable, en Flandre, en Wallonie ou à Bruxelles. Cependant, si le tarif progressif peut sensiblement varier d’une Région à l’autre, les règles de calcul et de liquidation des droits sont généralement similaires, surtout en ce qui concerne la Région wallonne et la Région de Bruxelles-Capitale. Le tableau reprenant le tarif progressif des droits de succession est contenu dans l’article 48 du CDS. a) Région wallonne Tableau I Tranche de part nette De 0,01 à 12.500 € inclus De 12.500,01 à 25.000€ inclus De 25.000,01 à 50.000€ inclus De 50.000,01 à 100.000 € inclus De 100.000,01 à 150.000 € inclus De 150.000,01 à 200.000 € inclus De 200.000,01 à 250.000 € inclus De 250.000,01 à 500.000 € inclus Au-delà de 500.000 € % ligne directe, entre époux entre cohabitants légaux Montant total de l'impôt sur tranches précédentes 3 4 375 € 5 875 € 7 2.125 € 10 5.626 € 14 10.625 € 18 17.625 € 24 26.625 € 30 86.625 € 6 Luc HERVE – Réussir sa planification successorale Tableau II Tranche de part nette De 0,01 à 12.500 € inclus De 12.500,01 à 25.000€ inclus De 25.000,01 à 75.000€ inclus De 75.000,01 € à 175.000 € inclus Au-delà de 175.000 € b) Entre frères et sœurs %tranches préc. Entre oncles ou tantes et Entre toutes autres neveux ou nièces personnes %tranches préc. % tranches préc. 20 25 30 25 2.500 €30 3.125 € 35 3.750 € 35 5.625 €40 6.875 € 60 8.125 € 50 23.125 €55 26.875 € 80 38.125 € 65 73.125 €70 81.875 € 80 118.125 € Région flamande Tableau I Tarif applicable en ligne directe, entre époux et entre cohabitants Tranches d'imposition De 0,01 € à 50.000€ De 50.000 à 250.000 € Au-delà de 250.000 € Tarif applicable à la tranche Montant total de l’impôt sur les correspondante tranches précédentes 3% 9% 1.500 € 27 % 19.500 € Tableau II Tarif applicable entre les personnes autres qu’en ligne directe, les époux et les cohabitants Tranches d'imposition Tranche 0,01 € à 75.000 € de 75.000 à 125.000 € au-delà de 125.000€ Tarif applicable à la tranche correspondante entre frères et entres tous les sœurs autres Montant total de l’impôt sur les tranches précédentes entre frères et entre tous les sœurs autres 30 % 45 % 55 % 55 % 22.500 € 33.750 € 65 % 65 % 50.000 € 61.250 € 7 Luc HERVE – Réussir sa planification successorale c) Région de Bruxelles-Capitale Tableau I Tarif en ligne directe, entre époux et entre cohabitants A B C Tranches Pourcentage d’imposition Montant total de l’impôt sur les d’imposition par tranche tranches précédentes De à 0,01 - 50.000 € 50.000 € - 100.000 € 100.000 € - 175.000 € 175.000 € - 250.000 € 250.000 € - 500.000 € Au-delà de 500.000 € 3% 8% 9% 18% 24% 30% 1.500 € 5.500 € 12.250 € 25.750 € 85.750 € Tableau II Tarif entre frères et sœurs B C Pourcentage d’imposition Montant total de l’impôt sur les par tranche tranches précédentes A Tranches d’imposition De à 0,01 - 12.500 € 12.500 € - 25.000 € 25.000 € - 50.000 € 50.000 € - 100.000 € 100.000 € - 175.000 € 175.000 € - 250.000 € Au-delà de 250.000 € 20% 25% 30% 40% 55% 60% 65% 2.500 € 5.625 € 13.125 € 33.125 € 74.375 € 119.375 € Tableau III A Tranches d’imposition De à 0,01 € - 50.000 € 50.000 € - 100.000 € 100.000 € - 175.000 € Au-delà de 175.000 € Tarif entre oncles ou tantes et neveux ou nièces B C Pourcentage d’imposition Montant total de l’impôt sur les par tranche tranches précédentes 35% 50% 60% 70% 17.500 € 42.500 € 87.500 € 8 Luc HERVE – Réussir sa planification successorale Tableau IV Tarif entre toutes les autres personnes B C Pourcentage d’imposition Montant total de l’impôt sur les par tranche tranches précédentes A Tranches d’imposition De à 0,01 € - 50.000 € 50.000 € - 75.000 € 75.000 € - 175.000 € Au-delà de 175.000 € 40% 55% 65% 80% 20.000 € 33.750 € 98.750 € II.1.2. Exception : transmission de l'immeuble où le défunt a eu sa résidence principale 3.Lorsque la succession du défunt comprend au moins une part en pleine propriété dans l'immeuble où le défunt a eu sa résidence principale depuis cinq ans au moins à la date de son décès et que cet immeuble, destiné en tout ou en partie à l'habitation, est recueilli par un héritier, un légataire, un donataire en ligne directe, par le conjoint ou le cohabitant légal, le droit de succession applicable à la valeur nette de sa part dans cette habitation, abstraction faite, le cas échéant, de la valeur de la partie professionnelle dudit immeuble soumise au taux réduit applicable aux successions d'entreprises en vertu de l'article 60bis du CDS, est fixé d'après le tarif indiqué ci-après. a) Région wallonne En ce qui concerne les successions ouvertes à partir du 1er juin 2014, il existe désormais une exonération à concurrence de 160.000,00 € en Région wallonne en faveur du conjoint et du cohabitant légal. Le tableau des droits applicables peut ainsi être établi comme suit : Pourcentage d'imposition par Tranche tranche en faveur de part du conjoint nette ou du cohabitant légal De 0,01 à 25.000,00€ 0 Pourcentage Montant total de d'imposition par Montant total de l’impôt sur les tranche en l’impôt sur les tranches faveur de tranches précédentes l’héritier, du précédentes donataire ou du légataire en ligne directe 1 9 Luc HERVE – Réussir sa planification successorale De 25.000,01 à 50.000 € inclus De 50.000,01 à 160.000€ inclus De 160.000,01 à 175.000€ inclus 0 2 0 5 5 5 250 € 750 € 6.250 € De 175.000,01 à 250.000€ inclus 12 750 € 12 7.000 € De 250.000,01 à 500.000€ inclus 24 9.750 € 24 16.000 € Au-delà de 500.000 € 30 69.750 € 30 76.000 € b) Région de Bruxelles-Capitale L'exonération en faveur du conjoint et du cohabitant légal est totale. Il y a une réduction de tarif en faveur de l'héritier, du donataire ou du légataire en ligne directe. Tranche de part nette Pourcentage d'imposition par tranche en faveur de l’héritier, donataire ou légataire en ligne directe De 0 à 50.000 € inclus 2 De 50.000,01 à 100.000 € inclus 5,3 10 Luc HERVE – Réussir sa planification successorale De 100.000,01 à 175.000 € inclus 6 De 175.000,01 à 250.000 € inclus 12 Au-delà de 250.000,00 €, le surplus est soumis au tarif général de l’article 48 du CDS applicable en Région de Bruxelles-Capitale (cf. supra, II.1.1, c). c) Région flamande L'exonération en faveur du conjoint et du cohabitant légal est totale. L’ayant droit en ligne directe ne bénéficie toutefois d’aucun tarif préférentiel. Le bénéfice du tarif réduit est maintenu, même lorsque le défunt n'a pu conserver sa résidence principale dans l'immeuble considéré pour cause de force majeure ou de raisons impérieuses de nature familiale (état de besoin en soins dans le chef du défunt ou d'un de ses proches), médicale, professionnelle ou sociale. II.1.3. Exception : transmission d'une entreprise sous la forme d'actions et créances ou d'une universalité de biens, d'une branche d'activité ou d'un fonds de commerce 4.Dans ce cas, l'article 60bis du CDS prévoit un taux réduit à 0 % (en Région wallonne) ou à 3 % (dans la Région de Bruxelles-Capitale) moyennant la réunion de différentes conditions qui doivent exister ab initio et être maintenues pendant une période de cinq ans. Nous ne les commenterons pas ici, tout en soulignant que, hormis en Flandre où le régime est davantage complexe (il y est question, non pas de successions d'entreprises, mais "d'héritages d'entreprises familiales et de sociétés de famille" dont le taux de transmission varie de 3 % à 7%, cf. articles 2.7.4.2.2 et s. du VCF), ces conditions sont essentiellement au nombre de trois: a) L'activité principale ou une activité admise doit être poursuivie. b) Le nombre total de travailleurs salariés ou de personnes indépendantes exprimé en unités de temps plein doit s'élever au moins à 75 % en moyenne. c) Les avoirs investis ne doivent pas diminuer à la suite de versements ou de remboursements. 11 Luc HERVE – Réussir sa planification successorale II.2. Définition de la planification successorale 5.La planification successorale peut se définir comme étant l’ensemble des méthodes permettant d’anticiper, du vivant du défunt, les conséquences de son décès, en vue de gérer et d’organiser au mieux la transmission de son patrimoine, sans pour autant impliquer un dépouillement ou une perte totale de la maîtrise des avoirs transmis. Dans cette perspective, la période de 50 à 64 ans correspond au temps pour réfléchir à la manière de transmettre, entre vifs, du vivant du donateur, tout ou partie de son patrimoine immobilier et mobilier (cf. Section III). La période de 65 à 80 ans correspond, quant à elle, au temps pour agir (cf. Section IV). A cet égard, nous analyserons quelques techniques de transmission successorale au moyen de certaines formes de donations, notamment la donation indirecte et le don manuel. Nous mettrons en exergue les différentes moyens permettant de conserver un certain contrôle sur les avoirs transmis, notamment la constitution d’une SCA, d’une SPRL, d’une société civile, ou encore la conclusion d’un mandat de gestion (cf. Section IV). Outre le contrôle, il existe également diverses manières de sauvegarder des revenus issus des avoirs transmis. C’est notamment le cas de la constitution d’un droit d’usufruit portant sur le bien transmis, de l'instauration d’une charge financière dans le chef des bénéficiaires de la transmission ou encore de la prévision d’une rente à payer par ces derniers (cf. Section IV). Enfin, la période au-delà de 80 ans correspond au temps pour réagir (il n'est pas encore trop tard, mais il est temps), en mettant en œuvre les différentes techniques évoquées à la Section IV, tout en étant attentif à la sécurisation du donateur ainsi qu'à la problématique de régularisation des capitaux et/ou revenus occultes (cf. Section V). * * * 12 Luc HERVE – Réussir sa planification successorale III. PERIODE DE 50 A 64 ANS : TEMPS POUR REFLECHIR III.1. Constat préalable : il est a priori trop tôt pour mettre en œuvre une planification successorale 6.La période de 50 à 64 ans correspond encore, en règle générale, à une période d’activité intense, tant au plan professionnel qu'au plan privé. Si l'état de santé est satisfaisant, la priorité est rarement d'organiser les modalités de transmission de son patrimoine par suite de décès. Il reste que mieux vaut prévenir que guérir, ceci d'autant plus que nul n'est à l'abri d'une détérioration grave et rapide de son état de santé, mais également d’un éclatement de la cellule familiale d'origine, impliquant un(des) éventuel(s) remariage(s) et des enfants nés de lits différents. La planification successorale peut également être envisagée, dès cette tranche d'âge, en vue d'avantager et/ou de protéger le conjoint. III.2. Régime matrimonial : les aménagements envisageables III.2.1. Régime légal ou de communauté de biens 7.Lorsque les époux n’ont pas fait précéder leur union d’un contrat de mariage, le régime légal devient, de plein droit, le régime matrimonial applicable à leur vie commune. Les mêmes règles s’appliquent également aux époux ayant choisi, par contrat de mariage, la communauté de biens comme régime matrimonial. Le mariage des époux sous le régime matrimonial légal ou de communauté implique la coexistence de trois patrimoines : un patrimoine propre à chaque époux composé des biens qu’il possédait avant le mariage ou qui lui proviennent de sa famille d’origine par donation ou succession, et un patrimoine commun aux deux époux comprenant notamment, en principe, l’ensemble des revenus perçus pendant le mariage. Le décès de l'un des époux engendre la dissolution du régime matrimonial. Lors de la liquidation du régime légal ou de communauté des biens suite au décès d’un des époux, le patrimoine commun est divisé en deux parts égales (article 1445 du Code civil). La moitié est attribuée à l’époux survivant, et elle n’est pas sujette aux droits de succession. L’autre moitié rentre dans la masse successorale du défunt qui comprend également les biens propres éventuels de ce dernier. 13 Luc HERVE – Réussir sa planification successorale 8.Il peut être dérogé à la règle qui précède, dans le contrat de mariage, en vue, par exemple, d’assurer la subsistance du conjoint survivant en lui attribuant plus que la moitié de la communauté (article 1461 du Code civil). Il s'agit d'une clause dite "de partage inégal", laquelle est constitutive d’un avantage matrimonial à concurrence de ce qui excède la moitié de la communauté. Cette clause peut aboutir à l’attribution de toute la communauté au conjoint survivant. Il s'agit alors d'une "clause d’attribution totale" de la communauté. Dans ce cas, tous les biens communs échappent aux héritiers de l’époux prédécédé, mais leur reviendront de façon différée au décès de l’époux bénéficiaire. L'article 5 du CDS (article 2.7.1.0.4 du VCF) tend à assimiler à une institution contractuelle ou à un legs, pour la perception de l'impôt successoral, toute dérogation au partage égal de la communauté, qui a pour effet d'attribuer au conjoint survivant, sous condition de survie, une part du patrimoine commun supérieure à la moitié. Par conséquent, l'avantage ainsi obtenu est assujetti aux droits de succession. Cette assimilation est nécessaire, parce que ces avantages matrimoniaux sont considérés comme des conventions à titre onéreux entre époux (articles 1458 et 1464 du Code civil) non soumises, comme telles, à l'impôt successoral. A cet égard, il convient d'évoquer la clause dite "de la maison mortuaire", cette dernière ayant pour objectif d'attribuer à un époux déterminé l'ensemble de la communauté en cas de décès de l’autre époux, sans être assortie d'une condition de survie. Il est donc recouru à cette clause lorsque le décès d'un des époux devient imminent ou inéluctable. L'absence de toute condition de survie a longtemps permis à la clause de la maison mortuaire d'échapper à l'article 5 du CDS (article 2.7.1.0.4 du VCF) et donc d’être exonérée fiscalement. Il était ainsi possible de transmettre légalement, sans droits de succession, l'ensemble de la communauté à un conjoint déterminé. Il était même fréquent que l'adoption de cette clause fût précédée d'un apport en communauté de biens propres de l'époux appelé à décéder en premier lieu. Ce temps est toutefois (presque) révolu. En effet, la Circulaire n° 5/2013 du 10 avril 2013 précise que si la preuve n'est pas fournie de ce que cette clause se justifie par d'autres motifs que l'évitement de l'impôt successoral, celui-ci sera perçu, sur base de l'article 5 du CDS (article 2.7.1.0.4 du VCF) à titre principal, ou, à défaut, sur base de la disposition anti-abus visée à l'article 106, alinéa 2 du CDS (article 3.17.0.0.9 du VCF) (renvoyant à l'article 18, § 2 du CDE – article 3.17.0.0.2 du VCF) - cette clause figurant sur la liste noire des clauses abusives selon la Circulaire AAF n° 8/2012 du 19 juillet 2012 -, sur la part qui dépasse la moitié du patrimoine commun et qui est attribuée au conjoint survivant. 9.Un autre aménagement au principe de l’attribution pour moitié de la communauté de biens consiste en l’insertion d’une clause de préciput. 14 Luc HERVE – Réussir sa planification successorale Celle-ci peut se définir comme étant la clause par laquelle "à la dissolution par décès d’une communauté, l’époux survivant a le droit de prélever sur le patrimoine commun, avant que l’on ne procède au partage par moitié de celui-ci, une somme ou un ou plusieurs biens en nature, un immeuble ou des meubles meublants par exemple" (cf. article 1457 du Code civil ; P. DELNOY, Les libéralités et les successions, Précis de droit civil, 4ème édition, Collection de la Faculté de droit de l’Université de Liège, Larcier, Bruxelles, 2013, p.79). Le conjoint survivant est ainsi avantagé à concurrence de la valeur des biens qu’il prélève sur le patrimoine commun. En vertu de l’article 1458 du Code civil, la clause de préciput n'est pas regardée comme une donation, mais comme une convention de mariage. Toutefois, elle est considérée comme une donation, à concurrence de moitié, si elle a pour objet des biens présents ou futurs que l'époux prédécédé a fait entrer dans le patrimoine commun par une stipulation expresse du contrat de mariage. III.2.2. Régime de séparation de biens 10.- La séparation de biens est un régime choisi par les époux dans leur contrat de mariage, qui réserve à chacun des époux la propriété exclusive et la gestion indépendante de ses biens, ainsi que l’obligation à son passif personnel, sauf en ce qui concerne les dettes du ménage (cf. article 222 du Code civil) et celles contractées conjointement ou solidairement. Ainsi, la séparation de biens est basée sur une triple séparation : la séparation des patrimoines, la séparation des dettes et la séparation dans la gestion par chacun des époux de ses biens. Cette situation peut apparaître inéquitable au moment de la dissolution du régime matrimonial, étant donné la confusion des intérêts patrimoniaux inhérents à une vie en couple. En effet, l’époux survivant ne recueillera rien à l’occasion de la dissolution de son mariage en l’absence d’un patrimoine commun, et ce, sans préjudice d’un éventuel patrimoine indivis composé des biens acquis ensemble par les deux époux qui devra être partagé. 11.- Des aménagements peuvent ainsi être apportés au régime de la séparation de biens, et ils sont par ailleurs régulièrement conseillés, sous réserve de l’hypothèse d’un remariage ou d’une fortune conséquente dans le chef d’un époux (cf. à ce sujet Y.-H. LELEU, A. VERBEKE, J.-F. TAYMANS et M. BOURGEOIS, Manuel de planification patrimoniale. 1. Le couple. Vie commune, Bruxelles, Larcier, 2009). Aussi, il est possible de prévoir, dans un contrat de mariage de séparation de biens, une clause de participation aux "acquêts". Les acquêts couvrent les économies et les acquisitions réalisées par chacun des époux durant le mariage, à l’exclusion des acquisitions réalisées par 15 Luc HERVE – Réussir sa planification successorale un époux au moyen de fonds lui appartenant avant le mariage ou reçus par donation ou succession. La particularité de cette clause de sauvegarde est qu’elle produit ses effets tant entre les époux qu'à l'égard des tiers. A la dissolution du mariage, chaque époux aura droit à la moitié de l'enrichissement de l'autre. Par ailleurs, les époux peuvent constituer entre eux un ″patrimoine commun interne″, adjoint à la séparation de biens, et destiné à recueillir leurs acquêts, l’objectif étant toujours de pallier à l’absence de solidarité patrimoniale légale. Cette faculté est soumise à la liberté contractuelle de sorte que les époux spécifient librement la composition et les modes d’alimentation de cette masse, ainsi que sa gestion. L’inconvénient réside essentiellement dans le fait que cette convention ne produit ses effets qu’entre les parties contractantes, et non à l’égard des tiers. III.3. Succession ab intestat : les héritiers 12.- La succession ab intestat est celle où le défunt n’a pas manifesté sa volonté dans un testament, en ce qui concerne la transmission de ses biens au moment de son décès, de sorte que c’est la loi elle-même qui désigne les personnes qui ont vocation à recueillir son patrimoine. Aussi, les successions sont déférées aux enfants et descendants du défunt, à son conjoint non divorcé ni séparé de corps, à ses ascendants, à ses parents collatéraux et, dans les limites des droits qui lui sont conférés, à son cohabitant légal, dans l'ordre et selon les règles déterminés par les articles 731 et suivants du Code civil. 13.- L’article 745bis du Code civil organise la transmission du patrimoine du défunt lorsque ce dernier laisse un conjoint survivant : a) Si le conjoint survivant vient en concours avec des descendants du défunt, des enfants adoptifs, ou des descendants de ceux-ci, il a droit à l’usufruit de toute la succession. Dans ce cas, le droit d’usufruit du conjoint survivant et le droit de nue-propriété des successibles précités coexistent, ne formant entre eux aucune indivision étant donné qu’il ne s’agit pas de droits de même nature, de sorte qu’il n’y a pas lieu à partage, chacun pouvant conserver son droit sans être contraint d’y renoncer ou de le céder. Pour sortir de cette situation, l’article 745quater, §1er, du Code civil permet, tant au conjoint survivant qu’à l'un des nus-propriétaires, de solliciter que l’usufruit du conjoint survivant soit transformé, totalement ou partiellement, en : 16 Luc HERVE – Réussir sa planification successorale - une somme à payer par les nus-propriétaires au conjoint survivant ; - la pleine propriété des biens successoraux grevés de l’usufruit ; - une rente indexée et garantie. C’est ce que l’on nomme "la conversion de l’usufruit du conjoint survivant", l’objectif poursuivi étant de permettre la libération des biens grevés d’usufruit moyennant attribution au conjoint survivant-usufruitier d’un autre bien ou d’un autre droit en contrepartie de la valeur de son usufruit (articles 745quater à sexies du Code civil). Il importe de noter que l'usufruit qui s'exerce sur l'immeuble affecté au jour de l'ouverture de la succession au logement principal de la famille et sur les meubles meublants qui le garnissent, ne peut être converti que de l'accord du conjoint survivant (article 745quater, § 4 du Code civil). b) Si le conjoint survivant vient en concours avec d’autres parents successibles, il convient de distinguer deux hypothèses : - si le conjoint survivant et le défunt étaient mariés sous un régime légal ou de communauté de biens, le conjoint survivant recueille la part du défunt dans cette communauté, ainsi que l’usufruit de ses biens propres ; - si le conjoint survivant et le défunt n’étaient pas mariés sous un régime légal ou de communauté de biens, tel que le régime de la séparation des biens, le conjoint survivant recueille l’usufruit de la succession. Lorsque la nue-propriété appartient aux successibles précités, le conjoint survivant peut exiger, conformément à l’article 745quater, § 2, du Code civil, cette conversion dans un délai de cinq ans à dater de l'ouverture de la succession. Il peut également, dans ce cas exclusivement, exiger à tout moment que lui soit cédée, contre espèces, la nue-propriété de l'immeuble affecté au jour de l'ouverture de la succession au logement principal de la famille et des meubles meublants qui le garnissent. c) Si le conjoint survivant est seul à venir à la succession ou qu’il n’y a aucun successible, il recueille la pleine propriété de toute la succession du défunt. En toute hypothèse, le conjoint survivant recueille l'usufruit du bien soumis au droit de retour légal et le droit au bail relatif à l'immeuble commun affecté à la résidence commune au jour de l’ouverture de la succession. 17 Luc HERVE – Réussir sa planification successorale 14.- S’agissant de la transmission du patrimoine successoral au cohabitant légal survivant, lorsque ce dernier n’est pas également le descendant du cohabitant légal prédécédé, l’article 745octies du Code civil dispose que, quels que soient les héritiers avec lesquels il vient à la succession, le cohabitant légal survivant recueille l'usufruit de l'immeuble affecté durant la vie commune à la résidence commune de la famille ainsi que des meubles qui le garnissent. En outre, le cohabitant légal survivant recueille seul, à l'exclusion de tous les autres héritiers, le droit au bail relatif à l'immeuble affecté à la résidence commune de la famille au moment de l'ouverture de la succession du cohabitant légal prédécédé et il recueille l'usufruit des meubles qui le garnissent. Les règles prévues par les articles 745quater à sexies du Code civil organisant la conversion de l’usufruit du conjoint survivant s’appliquent mutatis mutandis au cohabitant légal survivant. III.4. Succession testamentaire ou legs 15.- Dans le cadre d’une succession testamentaire, les biens successoraux sont attribués en respectant la volonté du défunt qui, dans l’acte juridique unilatéral qu’est le testament, a désigné les personnes auxquelles il entend attribuer, au moment de son décès, tout ou partie (en ce compris un bien déterminé) de son patrimoine (ce qui constitue le "legs"). III.4.1. Option héréditaire 16.- En fonction de l’étendue des droits que le défunt a entendu conférer au légataire, il s'agira d'un légataire "universel" lorsque ce dernier a vocation à recueillir l’ensemble du patrimoine successoral, tant actif que passif (article 1003 du Code civil), d'un légataire "à titre universel" lorsque cette vocation s’étend à une partie, active et passive, du patrimoine (article 1010 du Code civil) ou d'un légataire "à titre particulier", lorsque la vocation s’étend à un ou plusieurs biens déterminés sans qu’il puisse être tenu au passif successoral. Cette distinction se justifie notamment au regard de l’exercice de l’"option héréditaire". En effet, la succession est un mode volontaire d'acquérir les biens du défunt (ou de cujus) de sorte que le successeur ne peut être contraint à accepter une succession (article 775 du Code civil). Il bénéfice d’une option lui permettant de décider de l’acquisition des biens successoraux et de l’étendue de cette acquisition. 17.- Les articles 774 à 810bis du Code civil consacrent trois possibilités qui s’offrent au successeur universel ou à titre universel (le légataire à titre particulier ne peut qu’accepter ou renoncer à la succession, n’étant pas tenu au passif successoral) : 18 Luc HERVE – Réussir sa planification successorale a) L’acceptation pure et simple (articles 774 à 783 du Code civil) 18.- Dans cette hypothèse, l’héritier manifeste sa volonté, sans aucune réserve, d’acquérir tout l’actif et d’assumer la charge de tout le passif. En ce qui concerne l’actif, le patrimoine du défunt et celui du successeur se confondent pour n’en former plus qu’un (article 802 a contrario du Code civil). Au niveau du passif, l’héritier assume l’ensemble du passif de la succession. Si celui-ci dépasse l’actif, l’héritier est alors tenu sur son patrimoine propre ("ultra vires hereditatis"). L’acceptation peut revêtir trois formes : 1° être expresse et se manifester dans un écrit, comme par exemple dans la déclaration de succession (article 778 du Code civil) ; 2° être tacite et résulter d’un acte juridique posé par le successeur, que seul un héritier définitif aurait pu réaliser; c’est le cas lorsque le successeur a accompli un acte de disposition du patrimoine successoral (à savoir, notamment, détruire ou vendre un bien successoral), à l’exclusion d’un acte conservatoire ou d’un acte d’administration provisoire (article 779 du Code civil) ; 3° être forcée en raison soit d’un recel successoral ou d’un divertissement des biens successoraux commis par le successeur (article 792 du Code civil), soit d’une condamnation à accepter formulée à la demande d’un créancier successoral, d’un légataire ou d’un cohéritier (article 800 du Code civil), soit d’un retrait bancaire d’une certaine importance opéré sur un compte du défunt (y compris en cotitularité) par le conjoint ou le cohabitant légal survivant (cf. article 1240ter du Code civil). b) La renonciation (articles 784 à 792 du Code civil) 19.- Le successeur refuse de recueillir le patrimoine successoral, tant actif que passif. L'héritier qui renonce est censé n'avoir jamais été héritier (article 785 du Code civil). Dans cette hypothèse, il convient de s’en référer aux règles légales de dévolution successorale, lesquelles désignent les successibles, en fonction de leur ordre et de leur degré de parenté à l’égard du défunt (article 786 du Code civil). S’il n’existe aucun autre successible, la succession est réputée vacante (article 811 du Code civil). Le Tribunal de la famille désigne alors un curateur à succession vacante qui est tenu de faire constater l'état de la succession par un inventaire, d’administrer et de liquider la succession (articles 813 du Code civil et 1228 à 1231 du Code judiciaire). La renonciation à une succession ne se présume pas. Elle ne peut être faite qu'au greffe du tribunal de première instance dans l'arrondissement duquel la succession s'est ouverte, dans un registre particulier tenu à cet effet, ou devant notaire. Lorsqu'elle est faite devant un notaire, 19 Luc HERVE – Réussir sa planification successorale celui-ci adresse, dans les cinq jours qui suivent la déclaration de renonciation, une copie de celle-ci au greffe du tribunal de première instance de l'arrondissement dans lequel la succession s'est ouverte, en vue de son inscription dans le registre précité (article 784 du Code civil). c) L’acceptation sous bénéfice d'inventaire (articles 793 à 810bis du Code civil) 20.- Dans cette hypothèse, l’héritier accepte tout l’actif, et le passif uniquement dans la mesure où il n’excède pas l’actif. L’héritier ne sera donc tenu au paiement des dettes qu’à concurrence des biens qu’il recueille ("intra vires hereditatis"). Ainsi, les créanciers de la succession et les légataires sont payés sur les biens successoraux de préférence aux créanciers personnels de l'héritier, mais ils ne peuvent se faire payer que sur ces biens successoraux, à l’exclusion des biens personnels du successeur acceptant. Le bénéfice d'inventaire a pour effet d'empêcher la confusion des patrimoines, tant à l'égard de l'héritier que des créanciers et légataires (article 802 du Code civil). Tout comme l’acceptation pure et simple, l’acceptation sous bénéfice d’inventaire est irrévocable. L’héritier ne pourra ainsi ultérieurement répudier une succession qu’il a acceptée. La renonciation implique une déclaration faite par l’héritier au greffe du tribunal de l'arrondissement dans lequel la succession s'est ouverte ou devant notaire. Elle doit être inscrite dans le registre spécifique visé au point b) (article 793 du Code civil) puis publiée au Moniteur belge. Dans un délai de trois mois à compter de la date de publication, les créanciers et les légataires sont invités à faire connaître leurs droits. La déclaration d'un héritier qui accepte sous bénéfice d'inventaire, n'a d'effet qu'autant qu'elle est précédée ou suivie d'un inventaire fidèle et exact des biens de la succession dans les formes réglées par les articles 1175 et suivants du Code judiciaire, et dans les délais déterminés par les articles 795 et 798 du Code civil. III.4.2. Devoirs impératifs de solidarité et d'affection à l'égard de certains membres de sa famille a) Notions de "réserve" et de "quotité disponible" 21.- Toute personne peut disposer librement de son patrimoine au moyen d’actes réalisés à titre onéreux ou de libéralités, qu'il s'agisse de donations ou de legs. Cette liberté de disposer doit être tempérée au regard de la règle de la réserve légale visée à l’article 913 du Code civil. 20 Luc HERVE – Réussir sa planification successorale La "réserve" est une partie du patrimoine du défunt dont ce dernier ne peut disposer à titre gratuit au préjudice des héritiers dits "réservataires". A contrario, le défunt peut disposer librement de la ″quotité disponible″ (= son patrimoine – la réserve des héritiers réservataires). Cette réserve est fondée sur l’idée selon laquelle le défunt a un devoir de solidarité et d’affection à l’égard de certains membres de sa famille. Il s'ensuit que le défunt ne peut pas librement disposer à titre gratuit de l’ensemble de son patrimoine, que ce soit dans le cadre d’une donation entre vifs ou dans un testament, du moins lorsqu'interviennent certains héritiers. Le Code civil octroie ainsi un statut particulier aux héritiers dits "réservataires" qui bénéficient en quelque sorte d’une protection du législateur afin d’empêcher le défunt de les déshériter complètement, leur garantissant ainsi une part dans la succession du défunt ("la réserve"). Si le défunt a consenti des libéralités qui excèdent la quotité disponible, les héritiers réservataires ont la possibilité de demander la réduction des libéralités afin de reconstituer leur réserve en diligentant une action en réduction. Un projet de loi a été déposé en vue de réformer la matière dans le sens d’une plus grande liberté de la personne lorsqu’il s’agit de disposer de sa succession, avec notamment une diminution de la réserve héréditaire des descendants et donc, corrélativement, un accroissement de la quotité disponible. b) Héritiers réservataires 22.- Les héritiers réservataires sont : 1° 2° 3° les enfants du défunt (y compris les descendants du défunt); les parents et ascendants du défunt, à défaut d'enfant (article 915 du Code civil) ; l’époux du défunt (article 915bis du Code civil). En vertu de l'article 745octies, § 1er, du Code civil, quels que soient les héritiers avec lesquels il vient à la succession, le cohabitant légal survivant recueille l'usufruit de l'immeuble affecté durant la vie commune à la résidence commune de la famille ainsi que des meubles qui le garnissent. Si, à son décès, le cohabitant légal prémourant n'était pas propriétaire de l'"immeuble préférentiel", le cohabitant légal survivant recueille le droit au bail dont il était titulaire, à condition que le droit au bail se trouve dans la succession (tel n'est pas le cas du bail à vie qui s'éteint par le décès du preneur). 21 Luc HERVE – Réussir sa planification successorale La règle de la réserve est une règle impérative. Néanmoins, l’héritier réservataire peut renoncer à sa réserve après le décès, sauf le conjoint qui peut renoncer à sa réserve par contrat de mariage. c) Réserve des successibles du défunt c-1) Réserve des enfants et des descendants du défunt 23.- Lorsque le défunt a disposé (libéralités) à l'égard d'autres que son conjoint, la réserve légale est égale à (article 913 du Code civil): - la moitié du patrimoine du défunt, en présence d’un enfant ; 2/3 du patrimoine du défunt, en présence de deux enfants ; 3/4 du patrimoine du défunt, en présence de trois enfants ou plus Sont compris sous le nom d'"enfants", les descendants en quelque degré que ce soit. Néanmoins, ils ne sont comptés que pour l'enfant qu'ils représentent dans la succession du disposant (article 914 du Code civil). c-2) Réserve des ascendants du défunt 24.- Lorsque le défunt a disposé (libéralités) à l'égard d'autres que son conjoint, à défaut d'enfant, la réserve est égale à (article 915 du Code civil): - la moitié du patrimoine du défunt, si ce dernier laisse un ou plusieurs ascendants dans chacune des branches maternelle et paternelle ; le quart du patrimoine du défunt, si ce dernier ne laisse un ou plusieurs ascendants que dans l’une des deux branches. La réserve des ascendants est sans effet à l’égard du conjoint survivant et du cohabitant légal survivant. Autrement dit, les libéralités réalisées en faveur du conjoint survivant ou du cohabitant légal survivant ne peuvent pas faire l’objet d’une action en réduction par les ascendants. c-3) Réserve du conjoint 25.- Lorsque le défunt a disposé (libéralités) à l'égard de son conjoint, la réserve du conjoint survivant comprend deux composantes : - elle porte sur l’usufruit de la moitié des biens de la succession (article 915bis, §1er du Code civil) ; 22 Luc HERVE – Réussir sa planification successorale - par ailleurs, le conjoint survivant a droit à l’usufruit de la totalité des biens préférentiels, à savoir, l’immeuble constituant le logement familial au jour de l’ouverture de la succession ainsi que les meubles meublants (article 915bis, § 2 du Code civil). En cas de concours avec d’autres héritiers réservataires, la réserve du conjoint survivant est supportée proportionnellement par la réserve des héritiers et par la quotité disponible (article 915bis, § 4 du Code civil). L'usufruit des biens préférentiels est imputé sur l’usufruit de la moitié des biens de la succession, mais il n’y est pas limité. Si la valeur du logement familial et des meubles meublants est inférieure à la valeur de la moitié des biens de la succession, le conjoint survivant a droit à l’usufruit d’autres biens de la succession pour reconstituer sa réserve. 26.- Le défunt peut supprimer la réserve du conjoint survivant dans quatre hypothèses : 1° Le défunt peut unilatéralement manifester sa volonté, par testament, de priver son conjoint de sa réserve si, au jour du décès, les époux étaient séparés de fait depuis plus de six mois et que, par un acte judiciaire, le défunt avait sollicité une résidence séparée de celle de son conjoint et que depuis, les époux n’avaient plus repris de vie commune (article 915bis, § 3 du Code civil). 2° En cas de divorce par consentement mutuel, l’article 1287, alinéa 3 du Code judiciaire prescrit aux époux de prévoir les modalités de leurs droits successoraux pour le cas où l'un deux décéderait avant le jugement ou l'arrêt prononçant définitivement le divorce. 3° Lorsqu’il apparaît qu’un enfant a été conçu pendant le mariage par un des époux et une autre personne que son conjoint, mais cette suppression de la réserve du conjoint survivant ne vise pas la réserve portant sur les biens préférentiels (article 334ter du Code civil). 4° Dans la mesure où au moment de l’exhérédation, l’un des époux a un ou plusieurs descendants issus d’une relation antérieure à leur mariage ou adoptés avant leur mariage, ou des descendants de ceux-ci. La suppression doit figurer dans le contrat de mariage ou dans un acte modificatif. Elle ne peut pas porter sur la réserve ayant pour objet les biens préférentiels (article 1388, alinéa 2 du Code civil). Le défunt peut également, non pas supprimer la réserve en usufruit de son conjoint, mais la remplacer par des libéralités. Pour ce faire, il doit manifester expressément sa volonté de limiter les droits de son conjoint survivant aux biens qu'il lui donne ou lui lègue (article 1094, alinéa 3 initio du Code civil), sans pour autant pouvoir le priver d'une partie de la valeur de sa réserve. 23 Luc HERVE – Réussir sa planification successorale d) Détermination de la quotité disponible et de la réserve 27.- La réserve doit être déterminée par référence au patrimoine du défunt au jour de son décès. Toutefois, il y a lieu de reconstituer la masse des biens qui auraient dû composer le patrimoine du défunt s’il n’avait pas consenti de libéralités. La masse successorale est composée comme suit : biens existant au jour du décès (estimés à ce moment) ; + biens légués + biens ayant fait l’objet d’institution contractuelle - dettes successorales + donations consenties par le défunt de son vivant (dans l'état de l'époque et avec la valeur au décès), y compris par la voie d'une assurance-vie (prise en compte du montant de la prestation d'assurance) A la valeur de la masse successorale est appliquée la fraction correspondant à la fraction des héritiers réservataires. La quotité disponible est obtenue en déduisant la réserve. 28.- Les libéralités sont imputées de la manière suivante (articles 923 à 927 du Code civil): 1° Les libéralités ci-après sont imputées sur la quotité disponible : - libéralités en faveur des étrangers ; - libéralités en faveur d’héritiers non réservataires ; - libéralités en faveur des héritiers réservataires qui sont faites par préciput et hors part ou avec dispense de rapport. 2° Les libéralités rapportables consenties aux réservataires, dites "en avance d'hoiries", c’est-à-dire en avance sur la part successorale ainsi constituée, sont imputées sur la réserve. 3° Les libéralités sont imputées dans l’ordre de leur date en commençant par la plus ancienne. 4° Les legs sont imputés simultanément après les donations, sauf si un ordre de préférence a été stipulé par le défunt après les donations. 29.- Les libéralités qui excèdent la quotité disponible sont sujettes à réduction (cf. infra point e). Les biens réduits reviennent en nature dans la succession, quittes et libres de toute charge de dettes ou hypothèques que le donataire aurait créées (article 929 du Code civil). La réduction en nature connaît toutefois quelques exceptions (articles 866, 918, 924 et 930 du Code civil). 24 Luc HERVE – Réussir sa planification successorale e) Action en réduction 30.- L’action en réduction est l’action judiciaire par laquelle les héritiers réservataires sollicitent la réduction des donations excédant la quotité disponible telle que définie supra au point d), afin de reconstituer leur réserve. Cette action est dirigée contre les donataires et les bénéficiaires des legs. L’action en réduction ne peut porter que sur des libéralités dès lors qu'elle vise à éviter que le défunt ne se soit appauvri au préjudice de ses héritiers réservataires. La charge de la preuve pèse sur les héritiers réservataires. Il leur appartient d'établir, d'une part, l’existence des libéralités excédant la quotité disponible, d'autre part, le montant des libéralités. Cette preuve peut être rapportée par toutes voies de droit, en ce compris les témoignages et présomptions. En outre, les héritiers réservataires bénéficient de deux présomptions réfragables (c'est-à-dire susceptibles d'être renversées) : 1° lorsqu’un défunt a disposé d’un bien dont le bénéficiaire aurait pu hériter de lui en ligne directe au moment de l’acte ou en se réservant l’usufruit dudit bien ou en stipulant en sa faveur une rente viagère ou un droit viager, il y a une présomption selon laquelle il s’agit d’une donation par préciput et hors part de la valeur de la pleine propriété du bien au décès (article 918 du Code civil) ; 2° les libéralités de l’un des époux aux enfants ou à l’un des enfants de l’autre époux issus d’un autre mariage, et celles faites par le donateur aux parents dont l’autre époux est héritier présomptif au jour de la donation sont présumées avoir été faites à l’autre époux lui-même (article 1100 du Code civil). Tant que la réduction n'est pas demandée, il faut liquider les droits de succession en tenant compte des legs non réduits. La réduction qui interviendrait ultérieurement serait un évènement nouveau, emportant un changement dans la dévolution de l'hérédité. Un projet de loi existe visant à diminuer la réserve héréditaire et, corrélativement, à augmenter la quotité disponible. Cette réforme, si elle aboutit à ce résultat, influencera nécessairement l’étendue de l’action en réduction. III.5. Accroissement de la protection du conjoint ou du cohabitant légal 31.- Une convention de mariage peut contenir une clause de partage inégal de la communauté de biens, visant à attribuer totalement ou partiellement la communauté légale au conjoint ou cohabitant survivant (cf. supra, III.2.1). 25 Luc HERVE – Réussir sa planification successorale Les conjoints ou cohabitants peuvent également effectuer une donation réciproque portant sur l’ensemble de la succession du prémourant en vue d’en transférer la pleine propriété au conjoint ou cohabitant survivant, sans préjudice de la réserve héréditaire telle que définie supra, III.4.2. Si l’objectif poursuivi est louable au plan civil, la volonté étant de favoriser le conjoint ou le cohabitant survivant, le traitement fiscal réservé à une telle donation est défavorable. En effet, en vertu des règles légales de dévolution successorale consacrées aux articles 745bis et octies du Code civil, le conjoint ou le cohabitant survivant recueille un droit d’usufruit, dont l’étendue dépend de sa qualité et des successibles avec lesquels il entre en concours. Les descendants successibles recueillent, quant à eux, un droit de nue-propriété. Des droits de succession sont dus à l’occasion de cette transmission, pour cause de décès du conjoint ou cohabitant prémourant, de droits d’usufruit et de nue-propriété. En revanche, au moment du décès du conjoint ou cohabitant usufruitier, les descendants nuspropriétaires acquièrent la pleine propriété de la première succession par l’effet de la loi, le droit d’usufruit étant un droit viager dont la durée maximale est la durée de vie de l’usufruitier, de sorte qu’ils ne seront redevables, à cette occasion, d’aucun droit de succession. Au contraire, une donation réciproque entre conjoints et cohabitants de la pleine propriété de leur succession implique un double paiement des droits de succession relativement à cette succession : - une première fois, dans le chef du conjoint ou du cohabitant survivant au moment où il recueille la pleine propriété de la succession du prémourant ; une seconde fois, dans le chef des héritiers descendants au moment du décès du conjoint ou cohabitant survivant. 32.- Une personne peut également prévoir une clause d’attribution optionnelle au profit de son conjoint ou cohabitant par laquelle un choix est laissé au conjoint ou cohabitant survivant, choix qu’il pourra exercer au moment du décès du prémourant. La clause prévoit ainsi qu’au décès du premier des conjoints ou cohabitants, le patrimoine commun ou indivis appartient, au choix du conjoint ou du cohabitant survivant, à ce dernier : - soit pour la totalité en pleine propriété ; soit pour la totalité en usufruit ; soit pour partie en pleine propriété et pour partie en usufruit, le cas échéant en faisant une distinction en fonction du type de biens. 26 Luc HERVE – Réussir sa planification successorale La clause peut contenir toute autre variante à déterminer par les époux ou cohabitants, mais, en tout état de cause, elle doit préciser le délai d’exercice de l’option par le conjoint ou le cohabitant survivant, les modalités de celui-ci et la répartition du passif commun. D’un point de vue fiscal, l’article 5 du CDS (article 2.7.1.0.4 du VCF) ne sera appliqué que si le choix porte sur une attribution du patrimoine commun au conjoint ou cohabitant survivant qui excède la moitié de la communauté des biens. 33.- Pour mémoire, si le cohabitant prémourant n’a rien prévu dans un testament concernant la part de sa succession qui sera recueillie par le cohabitant survivant, l’article 745octies du Code civil dispose que, quels que soient les héritiers avec lesquels il vient à la succession, le cohabitant légal survivant recueillera exclusivement l'usufruit de l'immeuble affecté durant la vie commune à la résidence commune de la famille ainsi que des meubles qui le garnissent. Il recueillera également le droit au bail relatif à l'immeuble affecté à la résidence commune de la famille au moment de l'ouverture de la succession du cohabitant légal prédécédé et l'usufruit des meubles qui le garnissent. Par conséquent, si l'on entend protéger davantage le cohabitant légal survivant, il est indispensable de manifester sa volonté en ce sens par des dispositions testamentaires. III.6. Donation entre vifs d'une partie du patrimoine 34.- Dans la Section IV, nous examinerons certaines donations entre vifs, notamment le don manuel et la donation indirecte, ainsi que les modalités pouvant les assortir afin de permettre au donateur de conserver un contrôle sur les biens donnés et/ou de sauvegarder les revenus générés par les biens donnés. * * * 27 Luc HERVE – Réussir sa planification successorale IV. PERIODE DE 65 A 80 ANS : TEMPS POUR AGIR 35.- Une libéralité peut être définie comme étant "un transfert de droit réel, actuel ou virtuel, réalisé dans une intention de bienfaisance et entraînant pour le bénéficiaire un enrichissement corrélatif à l’appauvrissement du disposant" (cf. P. DELNOY, o.c., p. 19). Il y a trois types de libéralités : 1° la donation entre vifs (article 894 du Code civil) ; 2° le testament (article 895 du Code civil) – cf. Section III ; 3° l’institution contractuelle (article 1081 du Code civil) qui est "l'acte par lequel une personne donne à une autre personne tout ou partie de ses biens qu’elle laissera à son décès" (cf. P. DELNOY, o.c., p. 17) et qui ne peut être réalisée qu'à des conditions très strictes. Dans la présente Section sont essentiellement examinées les donations entre vifs, y compris lorsqu’elles ont pour objet les titres d’une société. IV.1. Donation entre vifs - modalités IV.1.1. Eléments constitutifs de la donation 36.- Une donation est un acte juridique bilatéral (un contrat) quant à sa formation, dès lors qu’il requiert l’accord de volonté d’au moins deux personnes, le donateur et le donataire. Les conditions de fond communes à tous les contrats (consentement, capacité, objet, cause, licéité de l’objet et de la cause) doivent donc être réunies, avec une attention particulière portée au consentement donné par le donateur (article 901 du Code civil). La donation entre vifs n’engagera le donateur et ne produira d'effet que du jour où elle aura été acceptée en termes exprès (article 932 du Code civil). Il s'ensuit que le donataire doit en principe clairement manifester son acceptation pour que la donation sorte ses effets. La donation est par ailleurs un acte juridique unilatéral quant à ses effets dès lors qu’il ne fait naître d’obligations que dans le chef du seul donateur. Ce dernier s’oblige à s’appauvrir de l’objet de la donation au bénéfice du donataire. Certaines obligations peuvent cependant être imposées au donataire, notamment dans le cadre des donations avec charge(s). 37.- La donation est en principe irrévocable de sorte qu’elle ne peut être anéantie par la seule volonté du donateur, sans préjudice d’une révocabilité par consentement mutuel entre donateur et donataire. 28 Luc HERVE – Réussir sa planification successorale Il est toutefois dérogé à ce principe dans deux hypothèses : - a) lorsqu’il s’agit de sanctionner l’attitude du donataire (articles 953 et suivants du Code civil) ; lorsque les donations sont faites entre époux durant le mariage et en dehors d’un contrat de mariage (article 1096, alinéa 1er du Code civil). L’élément intentionnel : "l’animus donandi " 38.- Il s’agit de la volonté du donateur de transmettre au donataire tout ou partie de son patrimoine sans contrepartie équivalente à la valeur de ce dernier. Il doit avoir l’intention d’enrichir le donataire sans contrepartie. L'animus donandi est ainsi le critère prépondérant. L’élément intentionnel peut se manifester à l’occasion de : - un envoi d'une lettre confirmative de donation, le pli lui-même étant soumis à la formalité de la recommandation ; - une convention confirmative de donation ou un pacte adjoint, rédigés postérieurement à la donation et distincts de la lettre confirmative (en règle, pour des raisons de confidentialité) ; - un acte authentique. b) L’élément matériel : l’enrichissement et l’appauvrissement 39.- L’objet de la donation doit être un bien (corporel ou incorporel) faisant partie du patrimoine du donateur, quelle que soit la valeur du dit bien, et dont le donateur va s’appauvrir au profit du donataire. Le patrimoine du donataire est enrichi à concurrence de la valeur de l’objet donné. Cet enrichissement entraîne un appauvrissement à concurrence de la même valeur dans le chef du donateur. Cet élément matériel peut se traduire notamment par : - un prélèvement, un dépôt, un virement ou un transfert bancaire ; - des mentions apportées dans le registre des parts ; - un acte authentique constatant une nouvelle répartition des parts. 40.- Quant à la forme que doit revêtir l’acte de donation, en principe, l’article 931 du Code civil impose qu'il soit passé devant un notaire au moins. La forme authentique est en tout état de cause requise pour les donations avec réserve d’usufruit, pour les donations d’immeubles et celles d’entreprises. 29 Luc HERVE – Réussir sa planification successorale Toutefois, il est dérogé à l'exigence de l'acte authentique en ce qui concerne le don manuel et la donation indirecte (cf. infra, IV.1.2 et IV.1.3). IV.1.2. Don manuel 41.- Le don manuel est "la donation d’un meuble corporel réalisée par la remise du bien de la main à la main" (cf. P. DELNOY, o.c., p. 24). Il se réalise par la "tradition réelle", c’està-dire par le fait que le donateur est dépossédé d’un de ses biens meubles en le remettant effectivement au donataire, ce dernier devenant le nouveau propriétaire du bien objet de la donation. Le don manuel nécessitant une remise de la chose de la main à la main, il ne peut donc porter que sur un bien mobilier corporel (par exemple, du numéraire, un tableau, une voiture, un meuble, un bijou, etc...). Le don manuel ne doit pas être constaté dans un acte authentique pour être valable. L’intention libérale du donateur est mentionnée dans un document distinct, à savoir, soit un pacte adjoint (ou une convention confirmative de donation), soit une lettre elle-même recommandée adressée par le donateur au donataire dans laquelle le premier notifie au second son intention libérale. La lettre recommandée permet de conférer à la donation une date opposable à l'administration et de faire ainsi courir le délai de trois ans visé à l’article 7 du CDS (article 2.7.1.0.5 du VCF). En vertu de l’article 7 du CDS (article 2.7.1.0.5 du VCF), les biens dont l'administration fiscale établit que le défunt en a disposé à titre gratuit dans les trois années précédant son décès, sont considérés comme faisant partie de sa succession si la libéralité n'a pas été assujettie au droit d'enregistrement établi pour les donations. Il s'agit d'établir une date antérieure à cette période de trois ans, qui soit opposable à l'administration fiscale L'article 7 du CDS (article 2.7.1.0.5 du VCF) doit être lu en combinaison avec l'article 108 du CDS (article 2.7.3.2.5 du VCF) qui établit une présomption légale suivant laquelle, jusqu'à preuve contraire, les valeurs dont le défunt a été propriétaire au cours des trois dernières années de sa vie sont présumées faire encore partie de la succession. IV.1.3. Donation indirecte 42.- La donation indirecte est la "donation qui se réalise par un acte neutre, c’est-à-dire par un acte qui a priori ne révèle pas sa cause" (cf. P. DELNOY, o.c., p.24). A titre d’exemples d’actes neutres, on peut notamment citer : 30 Luc HERVE – Réussir sa planification successorale - un virement bancaire animo donandi ; - la renonciation à un droit d'usufruit, de superficie ou d'emphytéose réalisée avec intention libérale en faveur d'une personne déterminée ; - la remise de dette animo donandi ; - la stipulation pour autrui lorsqu'elle n'est pas réalisée en contrepartie d'une prestation du bénéficiaire ; - l'inscription dans le registre des parts animo donandi, - etc… La donation indirecte ne peut porter que sur un bien meuble, corporel ou incorporel (par exemple, numéraire faisant l'objet d'un virement, titres nominatifs, créances incorporelles, etc…). La donation indirecte ne doit pas être constatée dans un acte authentique pour être valable. L’intention libérale du donateur est mentionnée dans un document distinct, à savoir, soit un pacte adjoint (ou une convention confirmative de donation), soit une lettre elle-même recommandée adressée par le donateur au donataire. La lettre recommandée permet de conférer à la donation une date opposable à l'administration et de faire ainsi courir le délai de trois ans visé à l’article 7 du CDS (article 2.7.1.0.5 du VCF) (cf. supra, IV.1.2). IV.2. Donations immobilières – régime fiscal 43.- Les donations immobilières sont obligatoirement enregistrables, d’une part, dans la mesure où elles doivent faire l’objet d’un acte notarié (cf. articles 1er et 2 de la loi hypothécaire, article 931 du Code civil et article 19,1° du Code des droits d’enregistrement, ci-après "CDE"), et d’autre part, en ce qu’elles constituent un acte translatif de propriété ou d’usufruit d’immeuble situé en Belgique (article 19, 2° du CDE). Les tarifs applicables diffèrent selon que le donateur personne physique, habitant du Royaume, a, au moment de la donation, son domicile fiscal en Flandre, en Wallonie ou à Bruxelles. Si, dans les cinq ans précédant la donation, le donateur a eu son domicile fiscal dans au moins deux Régions, le droit applicable est celui de la Région dans laquelle son domicile fiscal est demeuré établi le plus longtemps pendant ces cinq ans. IV.2.1. Tarif progressif par tranches analogue à celui existant pour le calcul des droits de succession 31 Luc HERVE – Réussir sa planification successorale 44.- La base imposable est la valeur vénale des biens immeubles (article 133 du CDE article 2.8.3.0.1, § 2 du VCF). Si la donation porte sur l'usufruit ou la nue-propriété, la base imposable est déterminée de manière forfaitaire conformément aux articles 47 à 50 du CDE (article 133, alinéa 2, b) du CDE - article 2.8.3.0.1, §2 du VCF). Les droits d’enregistrement sont dus avec application du tarif progressif visé à l’article 131 du CDE qui varie suivant le degré de parenté ou d’alliance existant entre le donateur et le donataire. Le tarif applicable en Région wallonne et en Région de Bruxelles-Capitale est identique à celui existant pour le calcul des droits de succession. Nous renvoyons aux tableaux établis supra, II.1.1. Il n’en va pas de même en ce qui concerne la Région flamande. Tableau I Tarif applicable en ligne directe, entre époux et entre cohabitants Tranches d'imposition De 0,01 € à 12.500€ De 12.500 à 25.000€ De 25.000 à 50.000€ De 50.000 à 100.000 € De 100.000 à 150.000 € De 150.000 à 200.000 € De 200.000 à 250.000 € De 250.000 à 500.000 € Au-delà de 500.000 € Tarif applicable à la tranche correspondante Montant total de l’impôt sur les tranches précédentes 3% 4% 375 € 5% 875 € 7% 2.125 € 10 % 5.625 € 14 % 10.625 € 18 % 17.625 € 24 % 26.625 € 30 % 86.625 € 32 Luc HERVE – Réussir sa planification successorale Tableau II Tarif applicable entre les frères et sœurs Tranches d'imposition De 0,01 € à 12.500 € De 12.500 à 25.000€ De 25.000 à 75.000€ De 75.000 à 175.000 € Au-delà de 175.000 € Tarif applicable à la tranche correspondante Montant total de l’impôt sur les tranches précédentes 20 % 25 % 2.500 € 35 % 5.625 € 50 % 23.125 € 65 % 73.125 € Tableau III Tarif applicable entre oncles ou tantes et neveux ou nièces Tranches d'imposition De 0,01 € à 12.500 € De 12.500 à 25.000€ De 25.000 à 75.000€ De 75.000 à 175.000 € Au-delà de 175.000 € Tarif applicable à la tranche correspondante Montant total de l’impôt sur les tranches précédentes 25 % 30 % 3.125 € 40 % 6.875 € 55 % 26.875 € 70 % 81.875 € Tableau IV Tarif applicable entre toutes autres personnes Tranches d'imposition De 0,01 € à 12.500 € De 12.500 à Tarif applicable à la tranche correspondante Montant total de l’impôt sur les tranches précédentes 30 % 35 % 3.750 € 33 Luc HERVE – Réussir sa planification successorale 25.000€ De 25.000 à 75.000€ De 75.000 à 175.000 € Au-delà de 175.000 € 50 % 8.125 € 65 % 33.125 € 80 % 98.125 € IV.2.2. Exception : donation de l'immeuble où le donateur a eu sa résidence principale 45.- Il existe un régime particulier pour les donations en ligne directe, entre époux et entre cohabitants légaux, de la part en pleine propriété du donateur dans un immeuble destiné en tout ou en partie à l'habitation, qui est situé en Région wallonne ou en Région bruxelloise, et dans lequel le donateur a eu sa résidence principale depuis cinq ans au moins à la date de la donation, sauf si le donateur n’a pu conserver sa résidence principale dans l’immeuble pour cause de force majeure ou de raison impérieuse de nature médicale, familiale, professionnelle ou sociale (article 131ter du CDE / Rég. Wall. et article 131bis du CDE / Rég. Brux.). Ce tarif préférentiel est similaire à celui applicable pour le calcul des droits de succession. Nous renvoyons aux tableaux établis supra, II.1.2. Ce régime de faveur doit être examiné avec circonspection, dès lors qu’existent également des règles spécifiques et préférentielles quant au calcul des droits de succession au regard de l’immeuble familial (cf. supra, II.1.2). En Région flamande, il existe des dispositions particulières temporaires pour les donations de parcelles de terrains destinées à la construction d’habitations selon les prescriptions d'urbanisme, dont l'acte est passé durant la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014 compris (article 2.8.4.2.1 du VCF). IV.2.3. Exception : donation d’entreprise 46.- Le régime préférentiel relatif aux donations d’entreprises (cf. infra, IV.3.2.) s’applique également lorsque de telles donations englobent un droit réel portant sur un immeuble appartenant à l’entreprise. Lorsque la donation porte sur des biens composant une universalité, une branche d'activité ou un fonds de commerce de l’entreprise, le tarif préférentiel n’est applicable à l’immeuble qui en fait partie que pour autant que ce dernier ne soit pas affecté, totalement ou partiellement, à l’habitation. Cette restriction ne trouve pas à s’appliquer lorsqu’il s’agit d’une donation d’un droit réel portant sur des titres ou créances de l’entreprise. 34 Luc HERVE – Réussir sa planification successorale IV.2.4. Réserve de progressivité 47.- Les donations immobilières espacées de moins de trois ans sont considérées, au plan des droits d’enregistrement, comme une seule opération, avec pour conséquence de calculer les droits proportionnels d’enregistrement sur la valeur totale des biens donnés au cours de cette période de trois ans (si l’un des actes est affecté d’une condition suspensive, c'est la date de réalisation de celle-ci qui est prise en considération) (article 137 du CDE - article 2.8.3.0.3 du VCF). Il incombe aux parties de déclarer, dans l’acte de donation, les donations qui ont été réalisées dans les trois années qui précèdent, ainsi que la base imposable de ces dernières, à peine d’une amende (article 138/1 du CDE - articles 3.12.3.0.4, §1 et 3.18.0.0.11, alinéa 1er, 15° du VCF). En outre, pour la détermination de la progressivité du droit de succession, il faut en principe tenir compte des donations entre vifs que le défunt a faites en faveur de ses ayants droit par actes remontant à moins de trois ans avant la date du décès et qui, avant la même date, ont été présentés à la formalité de l'enregistrement ou sont devenus obligatoirement enregistrables (article 66bis du CDS - article 2.7.3.2.9 du VCF). Cette dernière mesure tend à empêcher que, par des donations successives faites de son vivant à ses ayants droit, le défunt élude une partie de l'impôt en évitant la progressivité du tarif. Elle n'est toutefois pas applicable, d'une part, aux donations de biens meubles ayant fait l'objet des tarifs réduits visés à l'article 131bis du CDE / Rég. Wall., à l'article 131, § 2 du CDE / Rég. Brux.et à l'article 2.8.4.1.1, § 2 du VCF, d'autre part, aux donations d'entreprise ayant fait l'objet du droit réduit. IV.3. Donations mobilières - régime fiscal IV.3.1. Dons manuels et donations indirectes exempts de droits 48.- Lorsqu’une donation n’est pas obligatoirement enregistrable et qu'elle n’est pas enregistrée, il convient de veiller au prescrit de l’article 7 du CDS (article 2.7.1.0.5 du VCF) qui crée une fiction juridique visant à soumettre les biens y visés aux droits de succession (cf. supra, IV.1.2). L’article 7 du CDS (article 2.7.1.0.5 du VCF) est applicable dans la mesure où le défunt a, dans le délai de trois ans précédant son décès, fait des donations pour lesquelles les droits d’enregistrement n’ont pas été acquittés. La charge de la preuve de cette circonstance incombe à l’administration fiscale. 35 Luc HERVE – Réussir sa planification successorale Aussi, si l’administration fiscale rapporte la preuve requise par l’article 7 du CDS (article 2.7.1.0.5 du VCF), les biens ainsi donnés sont soumis aux droits de succession qui sont proportionnels par tranches. Il est ainsi primordial de se réserver la preuve d’une date de la donation qui soit antérieure de plus de trois ans au décès du donateur. IV.3.2. Donation d'une entreprise sous la forme d'actions et créances ou d'une universalité de biens, d'une branche d'activité ou d'un fonds de commerce 49.- Dans ce cas, l'article 140bis du CDE (article 2.8.6.0.3 du VCF) prévoit une exemption (en Région flamande), un taux réduit à 0 % (en Région wallonne) ou à 3 % (dans la Région de Bruxelles-Capitale) moyennant la réunion de différentes conditions qui doivent exister ab initio et être maintenues pendant une période de cinq ans. Nous ne les commenterons pas ici, tout en soulignant que ces conditions sont essentiellement au nombre de trois : a) L'activité principale ou une activité admise doit être poursuivie. b) Le nombre total de travailleurs salariés ou de personnes indépendantes exprimé en unités de temps plein doit s'élever à au moins à 75 % en moyenne. c) Les avoirs investis ne doivent pas diminuer à la suite de versements ou de remboursements. Quant aux conditions d’octroi du régime préférentiel lorsqu’il s’agit d’une donation de titres, on notera que le taux réduit ne s’applique que si la société a son siège de direction effective situé dans un Etat membre de l'Espace Economique Européen et qu’elle exerce, elle-même ou elle-même et ses filiales, une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou forestière, une profession libérale ou une charge ou office. IV.3.3. Taux réduits applicables à certaines donations de biens meubles 50.- Il existe un régime particulier pour les donations entre vifs de biens meubles (article 131bis du CDE / Rég. Wall., article 131, § 2 du CDE / Rég. Brux.) avec application d'un taux de 3 % (en Région bruxelloise) ou 3,3 % (en Région wallonne) pour les donations entre époux, en ligne directe et entre cohabitants, de 5,5 % (en Région wallonne) pour les donations entre frères et sœurs, et entre oncles ou tantes et neveux ou nièces et de 7 % (en Région bruxelloise) ou 7,7 % (en Région wallonne) pour les donations à d'autres personnes. 36 Luc HERVE – Réussir sa planification successorale En Région flamande, l’article 2.8.4.1.1, § 2 du VCF prévoit un taux réduit de 3 % pour les donations entre vifs de biens meubles en ligne directe et entre époux et de 7 % pour les donations à d'autres personnes. Le taux réduit n'est cependant pas applicable aux donations entre vifs de biens meubles assimilées aux legs en vertu de l’article 4, 3° du CDS. 51.- Toutes les donations mobilières ne peuvent pas bénéficier des taux réduits, le champ d’application de ceux-ci ayant, par ailleurs, évolué au cours du temps. Avant le 19 mai 2014, en Région wallonne, l'application des taux réduits de 3,3 - 5,5 ou 7,7 % était conditionnée au respect de différentes conditions qui devaient être cumulativement réunies lorsque la donation avait pour objet des instruments financiers ou des titres de société. En outre, il existait une exclusion du bénéfice de ces taux réduits frappant les donations mobilières sous condition suspensive se réalisant par suite du décès du donateur. Cette exclusion de principe était cependant atténuée par quatre exceptions. Ce régime a été profondément modifié par le Décret wallon du 11 avril 2014 "en matière de droits d'enregistrement, d'hypothèque, de greffe et de procédure fiscale wallonne et modifiant le décret du 19 septembre 2013 portant des dispositions fiscales diverses (1)" (publié au Mon.B. du 9 mai 2014 et entré en vigueur le 19 mai 2014) : a) Assouplissement en faveur des instruments financiers et titres de sociétés Les paragraphes 2 et 3 de l’article 131bis du CDE / Rég. Wall. ont été abrogés en vue de remédier aux critiques qui ont été formulées par la Commission européenne à l'encontre de la réglementation fiscale wallonne qui restreignait considérablement les possibilités de donation à des taux réduits de certains instruments financiers déterminés. Il s'ensuit que les exclusions liées à la nature des biens meubles ont été abrogées. D’une part, les instruments financiers peuvent faire l’objet d’une donation enregistrée aux taux réduits, sans pour cela devoir respecter cumulativement plusieurs conditions strictes. D’autre part, l'application des taux réduits est étendue aux donations d'actions ou de parts de sociétés patrimoniales immobilières, ce qui constitue une avancée considérable. L'article 131bis du CDE / Rég. Wall. est totalement simplifié étant donné qu’il est applicable à toutes les donations entre vifs (en propriété, usufruit et nue-propriété) de biens meubles, y compris les donations portant sur les parts des sociétés patrimoniales, sans qu’il n’y ait plus lieu de distinguer la donation d'un instrument financier ou titre de société de toute autre donation de biens meubles réalisée entre deux personnes physiques. 37 Luc HERVE – Réussir sa planification successorale b) Durcissement au détriment des donations affectées d’une condition suspensive Le législateur a réintroduit l’exclusion du bénéfice des taux réduits relative aux donations de biens meubles affectées d'une condition suspensive qui se réalise par suite du décès du donateur, alors qu’il avait considérablement atténué cette exclusion en prévoyant diverses exceptions. Aussi, ne peut donc plus être enregistrée aux taux réduits, la donation du bénéfice de la prestation d'un contrat d'assurance-vie, par la désignation du donataire en tant que bénéficiaire de ce contrat en cas de prédécès de l'assuré, le capital stipulé dans ledit contrat constituant la base taxable aux droits de donation. Il en va de même de la donation ayant pour objet l'accroissement ou la réversion d'un droit d'usufruit ou de tout autre droit temporaire ou viager. On observera que les travaux parlementaires ne commentent en rien la question de la suppression des exceptions à l’exclusion de principe des donations de biens meubles affectées d'une condition suspensive qui se réalise par suite du décès du donateur. A contrario, nous sommes d'avis que le législateur confirme ainsi qu’il est possible de soumettre au taux réduit une donation à terme, quel que ce soit ce dernier (par exemple, le décès). Le droit d'enregistrement est dû immédiatement, ce qui permet d'échapper à l'application de l'article 7 du CDS (article 2.7.1.0.5 du VCF), à concurrence de la valeur de l'objet donné. IV.4. Sauvegarde de revenus IV.4.1. Réserve d'usufruit 52.- En vue de conserver les fruits du bien donné, le donateur peut démembrer l’objet de la donation en limitant celui-ci à la nue-propriété des biens donnés et en se réservant l’usufruit. Lorsque l'usufruit est insuffisant, notamment parce que les titres qui en sont l'objet ne produisent pas ou produisent peu de revenus, il peut y être suppléé au moyen d'une clause stipulant un revenu complémentaire ou un revenu minimal garanti à l'usufruitier. Cette faculté de réserver l'usufruit sur le bien donné est organisée par l’article 949 du Code civil, lequel dispose qu' "il est permis au donateur de faire la réserve à son profit, ou de disposer au profit d'un autre, de la jouissance ou de l'usufruit des biens meubles ou immeubles donnés". Pour mémoire, la donation avec réserve d’usufruit doit faire l’objet d’un acte authentique de sorte qu’elle est ainsi obligatoirement enregistrable (cf. article 19, 1° du CDE). 38 Luc HERVE – Réussir sa planification successorale Lorsque la réserve d’usufruit porte sur un bien immeuble, l’enregistrement s’effectue au taux plein. Lorsqu’il s’agit de la transmission à titre gratuit de la nue-propriété avec réserve d'usufruit en faveur du donateur, portant sur les biens meubles visés par l'article 131bis du CDE / Rég. Wall. ou l'article 131, § 2 du CDE / Rég. Brux. ou l'article 2.8.4.1.1 du VCF pour la Région Flamande, les taux réduits sont applicables (cf. supra, IV.3.3). Il est à noter que la donation mobilière avec réserve d’usufruit constatée dans un acte authentique passé devant un notaire étranger ne doit pas obligatoirement être enregistrée, de sorte que les droits d’enregistrement peuvent ainsi être légalement évités. Dans cette hypothèse, il convient toutefois de rester attentif au délai de trois ans prévu par l’article 7 du CDS (article 2.7.1.0.5 du VCF). 53.- En présence d’une donation avec réserve d’usufruit, la valeur vénale de l’usufruit doit être déterminée. Lorsque l'usufruit (viager) est constitué sur la tête d'un tiers, la valeur vénale est obtenue en multipliant le revenu annuel des biens, calculé au taux de 4 % de la valeur de la pleine propriété des biens sur lesquels l'usufruit est établi, par le coefficient visé à l’article 47 du CDE (article 2.9.3.0.4 du VCF) déterminé par l’âge de la personne sur la tête de laquelle l’usufruit est constitué au jour de la donation (article 133 du CDE - article 2.8.3.0.1 du VCF). La base imposable de la nue-propriété est toujours représentée par la différence entre la valeur (vénale) de la pleine propriété des biens et la valeur forfaitaire de l'usufruit. Pour autant qu'elle ne fasse pas partie d'un montage constitué de plusieurs actes, la Circulaire n° 5/2013 du 10 avril 2013 considère que la donation avec réserve d'usufruit ou d'un autre droit viager et celle par acte passé devant un notaire étranger ne peuvent pas, "en soi", être cataloguées comme abus fiscal. IV.4.2. Charge financière 54.- Le donateur peut stipuler à son profit une charge financière permettant de lui garantir des rentrées financières périodiques. Celle-ci peut notamment être déterminée à concurrence d'un certain pourcentage de la valeur de l'objet de la donation, qui peut actuellement être fixé à 3,5% ou 4%. La charge financière présente divers avantages par rapport à la donation avec réserve d’usufruit : 1° 2° la charge est garantie au donateur, là où et l’usufruit demeure soumis à un aléa, consistant dans le rendement effectif du bien donné (à moins d'appliquer un correctif); la charge financière n’est pas taxable dans le chef du donateur, alors que les revenus issus de l’usufruit de titres ou de numéraires sont imposables en tant que revenus mobiliers (ils sont soumis au précompte mobilier, en principe au taux de 25 %) ; 39 Luc HERVE – Réussir sa planification successorale 3° 4° une donation avec charge peut faire l’objet d’un acte sous seing privé alors qu’une donation avec réserve d’usufruit nécessite un acte notarié ; le donateur peut renoncer (temporairement ou définitivement) à la charge, sans coût fiscal, de manière à ne pas reconstituer un nouveau capital. La charge financière peut être modalisée avec une grande souplesse. La charge peut ainsi être payée suivant différentes périodicités. Le donateur peut renoncer, en tout ou en partie, au bénéfice de la charge, la renonciation à celle-ci n'emportant pas renonciation de la charge pour l'avenir. Si le donateur n’a pas perçu tout ou partie de la charge, une clause peut prévoir que le solde ne pourra être réclamé au donataire qu'endéans un certain délai suivant la date d’exigibilité de la charge, après quoi elle est définitivement perdue pour lui, etc… La donation peut encore être assortie d'une clause de sauvegarde (également appelée, clause de confort) consistant dans une charge imposée au donataire de supporter tous les frais médicaux, pharmaceutiques et de soin ainsi que tous les frais liés à un séjour dans un établissement hospitalier ou en maison de repos (non couverts par une assurance déjà souscrite par le donateur) qui seraient engagés pour le donateur et ce, jusqu'au décès de ce dernier. Le plus souvent, cette charge est limitée à concurrence de la totalité de ce que le donataire a reçu à titre de donation. 55.- En vertu de l’article 954 du Code civil, lorsque le donataire n’exécute pas la charge stipulée dans la donation, le donateur peut demander la révocation de cette dernière. La révocation n’a pas lieu de plein droit, elle doit être demandée en justice (article 956 du Code civil). Si le tribunal ordonne la révocation de la charge, les biens donnés retournent dans le patrimoine du donateur comme s’ils ne l’avaient jamais quitté et le donataire retrouve la valeur de la charge qu’il aurait exécutée par le passé. IV.5. Conservation du contrôle IV.5.1. Transmission de parts sociales a) SPRL et gérant statutaire 56.- L’associé qui souhaite transmettre les parts qu’il détient dans une SPRL tout en conservant le contrôle sur cette société peut opportunément revêtir la qualité de gérant statutaire. Il s'agit de celui qui est nommé dans l’acte constitutif de la SPRL ou par une assemblée générale extraordinaire modifiant les statuts afin d'y prévoir sa nomination. Sa nomination étant consacrée dans les statuts de la SPRL, le gérant statutaire bénéfice d’une stabilité accrue de son poste étant donné qu’il est en principe irrévocable, si son mandat est à 40 Luc HERVE – Réussir sa planification successorale durée indéterminée. Lorsque son mandat a une durée déterminée, ce dernier prendra logiquement fin à l’expiration de son terme. Par dérogation au principe de l'irrévocabilité d’un gérant statutaire, ce dernier peut être révoqué dans les trois hypothèses suivantes : 1° 2° 3° b) lorsque les statuts eux-mêmes dérogent à son irrévocabilité ; lorsque sa révocation est votée par une décision unanime de tous les associés, en ce compris le gérant statutaire lui-même s’il est également associé ; lorsque des motifs légitimes et graves lui sont imputables, sa révocation peut être prononcée par le juge. Société en commandite par actions 57.- La SCA est la société que contractent un ou plusieurs associés responsables et solidaires, que l'on nomme commandités, avec un ou plusieurs associés commanditaires qui ont la qualité d'actionnaires et qui n'engagent qu'une mise déterminée (article 654 du Code des sociétés). Ainsi, la SCA se structure sur base d’une séparation entre, d’une part, les pouvoirs de gestion et de décision, et, d’autre part, la détention économique du patrimoine ou de l’entreprise. Il y deux types d’associés : - les commandités, qui sont indéfiniment et solidairement responsables de toutes les dettes de la SCA et dont les parts ne sont en principe pas cessibles, n’étant pas représentatives du capital social ; - les commanditaires, qui ne sont responsables qu’à concurrence de leurs apports et qui sont titulaires de parts représentatives du capital social et cessibles. Le gérant ou les gérants est/sont nécessairement associé(s) commandité(s) nommé(s) dans l'acte constitutif de la SCA. Il(s) est/sont responsable(s) comme fondateur(s) de la société. Un gérant d’une SCA jouit de pouvoirs de gestion aussi étendus que ceux du conseil d’administration d’une société anonyme. Sa particularité réside dans le droit de veto dont il dispose en ce qui concerne les décisions de l’assemblée générale. En effet, en vertu de l’article 659 du Code des sociétés, "Sauf disposition contraire des statuts, l'assemblée générale ne fait et ne ratifie les actes qui intéressent la société à l'égard des tiers ou qui modifient les statuts, que d'accord avec les gérants. Elle représente les associés commanditaires vis-à-vis des gérants". 41 Luc HERVE – Réussir sa planification successorale Ce droit de veto se justifie eu égard à la responsabilité indéfinie et solidaire que les commandités assument en tant que mandataires de la SCA à l’égard des tiers, de sorte que les décisions importantes impliquant la société doivent recevoir leur aval. IV.5.2. Société civile de droit commun 58.- La société civile de droit commun est un contrat par lequel au moins deux associés mettent quelque chose en commun, formant ainsi une indivision entre eux, afin de réaliser un objectif commun défini. La société civile de droit commun n’est pas dotée de la personnalité juridique. Elle n’a donc pas d’existence propre, indépendamment de celle de ses associés et ne possède donc pas de patrimoine propre, seule existant une indivision entre les associés. La gestion de l’indivision et de l’organisation de cette société est le domaine de prédilection de la liberté contractuelle, caractérisée par sa souplesse, et exprimée soit dans les statuts de la société soit dans une convention ultérieure. Ainsi, notamment, la répartition du nombre de parts attribuées en contrepartie des apports des associés, lesquelles représentent une quote-part dans l’indivision, est généralement fixée dans les statuts. Lorsqu’un associé envisage de donner des parts indivises, les statuts peuvent le nommer en qualité de gérant statutaire et définir qui exercera cette fonction en cas de décès du gérant. Son mandat ne peut être révoqué, sauf motifs graves. Pour céder à titre gratuit le patrimoine mobilier aux donataires, deux approches sont envisageables. Soit, le donateur transfère au donataire des avoirs mobiliers qui sont ensuite immédiatement apportés à la société civile par le donataire, ce dernier recevant un nombre important de parts. Soit, le donateur apporte directement les avoirs mobiliers en question à la société civile et il consent une donation de ses parts de la société civile au donataire, le plus souvent au moyen d'un acte authentique. Un usufruit peut éventuellement être constitué en faveur du donateur sur les parts données, afin notamment de lui permettre d'exercer le droit de vote attaché aux parts données, avec, le cas échéant, accroissement ou réversion en faveur du conjoint. L'usufruit permet également au donateur de se voir attribuer les revenus. En cas de liquidation de la société, le patrimoine social est réparti sans coût fiscal de mutation s'il est mobilier et à un coût fiscal de mutation réduit à 1 % de la valeur vénale des biens si, dans le patrimoine indivis, existent un ou des immeubles. La mise en place d'une société de droit commun ne constitue pas, par elle-même, un abus fiscal, pas davantage qu'une donation ultérieure des parts de cette société. 42 Luc HERVE – Réussir sa planification successorale IV.5.3. Mandat de gestion 59.- Lorsque la donation porte sur la pleine propriété des biens donnés, et plus particulièrement lorsqu'il s'agit d'un portefeuille-titres, le donateur peut souhaiter conserver le pouvoir de procéder à des arbitrages et réinvestissements et d'adapter la stratégie de gestion (par exemple, de défensif à neutre). Un mandat de gestion, éventuellement combiné à une clause de rente, lui permet d'atteindre cet objectif. Le mandat ne doit pas être rédigé en des termes trop généraux. Il doit exclure tout pouvoir de disposer à sa guise des biens donnés, à peine de mettre en péril le caractère nécessairement irrévocable de la donation. En outre, l'exécution des conditions stipulées ne doit pas dépendre de la seule volonté du donateur, sinon la donation est nulle (article 944 du Code civil). Un tel mandat de gestion est révocable ad nutum (article 2004 du Code civil). IV.6. Garantie contre les aléas affectant le donataire 60.- Le donateur peut souhaiter se prémunir contre certains aléas qui peuvent affecter la vie ou les modalités d'existence du donataire. Il en est ainsi de la clause de retour conventionnel ainsi que de l'interdiction d'aliénation ou d'apport en communauté. IV.6.1. Clause de retour conventionnel 61.- En cas de prédécès du donataire (avec ou sans descendance) ou en cas de prédécès du donataire et de ses descendants, la clause de retour conventionnel organise la résolution rétroactive de la donation et le retour de la propriété des biens donnés, libres de toute charge, dans le patrimoine du donateur sans que ce dernier doive payer des droits d'enregistrement ou des droits de succession. Le donateur peut alors procéder à une nouvelle donation, le cas échéant avec application des tarifs réduits. La clause de retour conventionnel peut faire l'objet de différents aménagements. Ainsi, le droit de retour peut ne pas opérer automatiquement, mais être facultatif ou optionnel, le choix devant être exercé endéans un certain délai. Le défaut de choix du donateur peut être assimilé à une renonciation à la clause de retour conventionnel, une distinction pouvant être opérée selon que le donataire a ou non laissé une descendance. A défaut de stipulation particulière, le droit de retour conventionnel s'exerce uniquement sur les biens donnés, faisant a priori obstacle à la possibilité de retrouver la propriété de ceux-ci lorsqu'ils ont été aliénés par le donataire. Il est donc utile de prévoir une clause subrogatoire stipulant que le droit de retour peut également s'exercer sur les biens, quelle que soit leur nature, qui ont remplacé les biens donnés, en cas de subrogation, emploi ou réemploi, indépendamment de la valeur des biens donnés. Il peut également être intéressant de prévoir 43 Luc HERVE – Réussir sa planification successorale un retour par équivalent à concurrence de la contre-valeur des biens donnés, notamment lorsque les biens acquis en remploi sont des immeubles. A cet égard, lorsque la donation a pour objet un portefeuille-titres, il peut être recouru à la notion d'universalité (de fait) afin d'identifier l'objet de la donation comme étant le portefeuille-titres in globo et non pas chaque titre qui le compose considéré ut singuli. IV.6.2. Interdiction d'aliénation 62.- La clause d'interdiction d'aliénation empêche le donataire d'aliéner ou de mettre en gage les biens donnés, notamment dans le cas où il est encore jeune. Pour être valable, elle doit être limitée dans le temps (par exemple, être liée au décès du donateur ou du conjoint survivant) et avoir un caractère légitime. Cette clause ne peut en aucun cas faire obstacle à la saisine des biens du donataire par ses créanciers. IV.6.3. Interdiction d'apport en communauté 63.- La clause d'interdiction d'apport en communauté permet au donateur d'interdire au donataire d'apporter les biens reçus ainsi que les fruits générés par ceux-ci dans une communauté matrimoniale, une indivision entre époux ou entre cohabitants légaux (notamment lorsque la donation porte sur des œuvres d'art, des bijoux ou des biens familiaux ayant une dimension affective). Les biens donnés doivent demeurer dans le patrimoine propre du donataire. Pour être valable, cette clause doit avoir un caractère temporaire et présenter un caractère légitime. * * * 44 Luc HERVE – Réussir sa planification successorale V. PERIODE AU DELA DE 80 ANS : TEMPS POUR REAGIR V.1. Pourquoi une réaction aussi tardive ? 64.- Plusieurs raisons peuvent expliquer l'absence de toute mise en œuvre d'une planification successorale, voire même de toute réflexion à cet égard, et notamment : a) L'ignorance ou le défaut d'information ; b) Le souhait de ne se dessaisir de rien suite à la volonté de tout gérer seul, la peur "d'être sans rien", ou encore le ressentiment vis-à-vis de certains successeurs ; c) L'indécision liée, par exemple, à une situation familiale compliquée, à la présence d'enfants nés de plusieurs lits ; d) Le caractère "occulte" d'une partie du patrimoine. V.2. Il n'est pas encore trop tard, mais il est grand temps ! 65.- Il convient de mettre en œuvre les différentes techniques étudiées dans la Section IV, et notamment : a) Les mécanismes de transmission entre vifs à titre gratuit ; Pour autant qu'elles ne fassent pas partie d'un montage constitué de plusieurs actes, il résulte de la Circulaire n° 5/2013 du 10 avril 2013 que les donations dites in extremis (peu de temps avant le décès) ne sont pas remises en cause. Il nous paraît qu'il convient de conclure à l'absence d'abus fiscal en raison de l'existence même de la donation qui implique le but civil de gratifier autrui, l'enregistrement au taux réduit étant une faculté laissée au redevable et non, une obligation. b) La sauvegarde de revenus ; c) La conservation du contrôle et de la gestion ; d) La garantie contre les aléas affectant le donataire. V.3. Sécurisation du donateur 66.- Afin de sécuriser le donateur, il est opportun d'attirer son attention sur les points suivants : a) La situation de chaque donateur doit être personnalisée et la question de la sécurisation de sa situation financière doit être envisagée de manière individualisée. 45 Luc HERVE – Réussir sa planification successorale b) On recommandera au donateur de conserver par devers lui un "bas de laine" dont l'importance sera infiniment variable en fonction de l'individu concerné, de manière à le tranquilliser tant matériellement que psychologiquement. c) Les donations de valeurs mobilières à taux réduits ou à 0 % peuvent être répétées plusieurs fois au cours du temps. En ce qui concerne le taux de 0 % applicable à un don manuel ou à une donation indirecte, il convient d'être attentif au délai de trois ans prévu par l'article 7 du CDS (article 2.7.1.0.5 du VCF). d) La planification successorale peut être soumise préalablement au Service des Décisions Anticipées (SDA), le plus souvent dans le cadre d'un prefiling qui est une étape préalable et facultative par laquelle est introduite une demande similaire à une demande de ruling classique. L'avantage de cette dernière procédure est que si les contacts avec le SDA tendent à laisser croire qu'une demande officielle aboutira à une réponse négative, on évite une telle conséquence dans le chef du demandeur. V.4. Régularisation des avoirs et revenus occultes 67.- La détention d'avoirs et de revenus occultes peut être de nature à faire obstacle à la mise en place d'une planification successorale transparente. Il peut donc s'avérer opportun de régulariser ceux-ci. La DLU (déclaration libératoire unique) organisée via le Point de contact régularisation au sein du Service des Décisions Anticipées ne peut plus être utilisée depuis le 1er janvier 2014. En pratique, il est toutefois possible aujourd'hui de régulariser des avoirs et revenus occultes directement auprès des administrations fiscales concernées. a) En matière de contributions directes, le délai pris en considération est en règle de sept années, le taux d'accroissements d'impôt est fixé à 50 % et des intérêts de retard sont applicables. Le prélèvement communautaire opéré à l'étranger est imputable sur l'impôt dû. b) En matière de droits de succession, le délai pris en considération est en principe de dix ans suivant la date ultime de dépôt de la déclaration de succession, le taux des amendes peut éventuellement être réduit à de 50 % à 20 % et des intérêts de retard sont applicables. La pratique révèle que l'I.S.I. procède à un contrôle a posteriori des revenus et des avoirs qui ont été ainsi spontanément déclarés. Il convient d'insister une nouvelle fois sur l'évolution inéluctable vers une transparence toujours accrue des avoirs et des revenus dans l'Espace Economique Européen. * * * 46 Luc HERVE – Réussir sa planification successorale VI. CONCLUSION 68.- Une planification successorale réfléchie et mise en œuvre en temps utile permet de : 1° Sécuriser le transfert du patrimoine aux successeurs, grâce à une certaine prévisibilité ; 2° Eviter dans une large mesure les conflits ultérieurs entre héritiers et/ou légataires, ce qui suppose une information adéquate de ces derniers ; 3° Diminuer de manière importante le coût fiscal d'une transmission du patrimoine par décès et donc garantir la sauvegarde de ce patrimoine ; 4° Faire le point sur les aspirations, communes ou non, des donateurs, les attentes des successeurs et apaiser les esprits des uns et des autres. Si ces différents objectifs sont pour l'essentiel atteints, le planning pourra être considéré comme réussi ! Luc HERVE, Avocat au Barreau de Liège, cabinet d'avocats Herve, Maître de Conférences à l'Université de Liège (Tax Institute), Collaborateur scientifique à l'ULG et à HEC-ULG, Professeur à l'Ecole Supérieure de Comptabilité de Liège (CBCEC Liège), Assesseur juridique suppléant à la Chambre Exécutive Francophone de l'IPCF * * * 47