DE CASTELLANE : UNE HISTOIRE PAS SI SIMPLE
Tous les visiteurs de passage dans la ville d'Epernay, ne peuvent manquer d'apercevoir cette tour qui
domine la ville et qui affiche fièrement le nom du champagne de Castellane, à l'emplacement actuel
de la Maison du même nom et de ses bâtiments imposants.
En l'observant de façon détaillée et grâce aux photos que j'ai pu réaliser, j'ai été intrigué par certains
motifs et décors présents sur cette tour, notamment les lions et les blasons sur lesquels figurent les
lettres U et C. Quel rapport avec la Maison de Castellane ? L'acquisition de deux factures de l'Union
Champenoise, l'une de 1929 et l'autre de 1930, m'a mis sur la piste.
En continuant mes recherches, j'ai retrouvé le fil conducteur de cette histoire, qui est rarement
mentionnée dans son intégralité, et qu'il a donc fallu reconstituer en réunissant les diverses
informations isolées trouvées.
Malheureusement, ces informations ne sont pas toujours concordantes sur les dates (et parfois même
sur des noms). C'est pourquoi je suis resté approximatif pour certaines d'entre elles.
Les informations récoltées couvrent les 19e et 20e siècles, et restent axées sur la fameuse tour.
Tout commence dans les années 1880. La société des vins mousseux de Saumur, Bouvet-Ladubay,
sise à St Hilaire-St Florent dans le Maine et Loire et créée en 1850, fonde à Epernay une importante
succursale vinicole, l'Union Champenoise, société de négoce en vins de Champagne. Cette société va
être dirigé par Fernand Mérand, fondé de pouvoir de la maison Bouvet-Ladubay.
Vers 1889, ce dernier transfère les activités de l'Union Champenoise, un peu à l'écart de l'avenue de
Champagne et à proximité de la ligne de chemin de fer Paris-Strasbourg, à l'emplacement actuel de la
Maison de Castellane.
Les premiers bâtiments sont édifiés cette année-là, le pavillon central en 1890, les caves louées à
Mercier, qui est juste à côté, et tout ceci sous la direction d'André Girard-Bouvet, petit-fils d'Etienne
Bouvet-Ladubay (1828-1908), le fondateur de la célèbre Maison.
Le 22 octobre 1895, soit 15 ans plus tard, le vicomte Louis Boniface Florens de Castellane (1865-
1931), originaire d'une des plus vieilles familles du sud de la France (qui remonte aux comtes d'Arles
et de Provence), s'installe à Epernay quel endroit ? Mystère !) pour se consacrer au négoce de vins
de Champagne. Il crée la marque qui porte son nom : Vicomte de Castellane.
L'emblème de la famille est une couronne vicomtale ornée de la devise en langue d'oc : « May
d'hounour que d'hounours » ce qui veut dire « Plus l'Honneur que les honneurs ».
Médaillon accroché à la cuvée Florens de Castellane dans les années 1980. On peut y
voir l'emblème et la devise de la famille du vicomte
Sur les étiquettes de la marque, figure la croix de St André, emblème de l'étendard d'un des plus vieux
régiments d'infanterie de Champagne.
Un autre personnage de la famille va oeuvrer pour le développement de la marque, Marie Ernest
Boniface de Castellane (1867-1932), dit « Boni », cousin du fondateur. C'est une célébrité de la vie
mondaine parisienne de l'époque et il va jouer un rôle d'ambassadeur de la marque en la faisant
connaître dans le monde et en en faisant un symbole de fête.
Vers 1904, les bâtiments de l'Union Champenoise vont s'agrandir avec la construction de celliers et
d'une tour haute de 66 tres. Cette tour est conçue pour servir de château d'eau, rôle qui ne durera
qu'une année au bout de laquelle elle sera désaffectée.
Sur les quatre frontons de la tour figure en grand le nom de l' Union Champenoise, comme on peut le
voir sur les cartes postales de cette époque.
Carte postale ancienne montrant les bâtiments de L'Union Détail de la tour
Champenoise
Figure également sur les quatre côtés de cette construction, l'emblème de l'Union Champenoise : un
lion posant sa patte sur un blason portant les lettres U et C entrelacées.
Emblème de L'Union Champenoise figurant sur Le même emblème sculpté sur les 4 côtés de la tour
une facture de 1930
Ce même blason se retrouve au-dessus du nom de la société, écrit en grandes lettres sur la tour.
Tous ces motifs sculptés sont toujours visibles aujourd'hui. Seul le nom de la Maison a été remplacé.
Cette tour, évidemment, sera appelée « tour de l'Union Champenoise », comme il est mentionné sur
de nombreuses cartes postales de l'époque. L'architecte s'appelle Marius Toudoire, il est à Toulon
en 1852 et décédé en 1922. C'est lui qui a conçu également la Gare de Lyon à Paris.
En 1907, le vicomte Florens de Castellane qui apparemment se lasse de diriger sa maison, cède la
marque portant son nom à Fernand Mérand, qui en fait très rapidement le fleuron de l'Union
Champenoise à côté des marques déjà existantes « Union Champenoise » et « Fernand Mérand &
Cie ». Mais la Grande Guerre arrive et va briser l'essor de la marque.
Il faudra attendre le milieu des années trente, pour que le fils de Fernand Mérand, Alexandre
Mérand, qui possède également sa propre affaire de négoce de vins de Champagne, succède à son
père en rachetant l'Union Champenoise. Il réussira à faire de la marque du vicomte, l'une des plus
notoires de Champagne (1,5 million de bouteilles annuelles, soit une part de marché de 5%).
Ce titre de vicomte disparaîtra du nom de la marque, mais non la devise et l'emblème de la famille.
C'est sûrement à partir de cette époque que le nom « Champagne de Castellane » va remplacer celui
de l'Union Champenoise sur la fameuse tour qui sera appelée dès lors « la tour de Castellane ».
On peut voir sur cette facture, qu'en 1930, le nom d'André Girard-Bouvet figurait toujours sous la
raison sociale de l'Union Champenoise.
En-tête de facture des années 20 et buvard portant encore le nom de la marque « Vicomte de Castellane »
avec le dessin du célèbre affichiste et illustrateur Léonetto Cappiello
Alexandre Mérand disparaîtra en 1970, laissant sa fille Francine Augustin à la tête de la maison
jusqu 'en 1983, période pendant laquelle la notoriété de la marque s'affaiblira, faute de dynamisme.
Ce n'est qu'à partir de 1983, année Hervé Augustin, le petit-fils d'Alexandre Mérand, accèdera à
la direction de la Maison, et ce, jusqu'en 1998, que la marque de Castellane retrouvera son lustre
d'antan grâce à un management dynamique et l'appui financier du groupe Laurent-Perrier.
Sur cette fiche de la Maison de Castellane
(années 80), le nom Mérand est toujours mentionné Publicité au dos d' un dépliant touristique
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