Le décrochage scolaire : quelques propos liminaires
Nous vous proposons ci-dessous quelques éléments présentés en introduction à la rencontre du
groupe Ville sur le décrochage scolaire qui s'est tenue le jeudi 24 mars 2011 à l'espace citoyen
Génicart (Lormont). A l'occasion de cette introduction, il s'agissait de :
poser le cadre notionnel c'est à dire de répondre à la question « de quoi parle-t-on
lorsque l'on parle décrochage scolaire » ;
placer la rencontre sous l'angle d'une approche décloisonnée et inter-partenairale du
décrochage.
// L'émergence du décrochage scolaire comme préoccupation d'ordre publique
Les sorties sans diplôme ou l'arrêt dans les études ne sont pas des phénomènes récents.
Pourtant, ce n'est qu'à partir de la seconde moitié des années 90 que monte la
préoccupation institutionnelle concernant les élèves dits « dé-scolarisés ».
Dominique GLASMAN, dans son ouvrage de 2004 consacré à la déscolarisation1, identifie
trois facteurs concourant à l'émergence de la question du décrochage scolaire comme
préoccupation d'ordre public :
le problème de l'insertion socio-professionnelle des jeunes non qualifiés ;
les exigences auxquelles l'école se trouve confrontée dans un contexte il est
devenu normal qu'un jeune de 18-19 ans soit encore dans une structure d'éducation et
ceux qui sortent avant cet âge et sans diplôme sont considérés hors norme ;
un souci d'ordre public et les menaces que sont censées faire peser sur lui les élèves
"en errance".
Pour Dominique GLASMAN, « Le travail social au sens de travail de la société sur elle-même
pour imposer la prise en charge du décrochage scolaire ne s'est pas fait sans douleur (…).
Pour les uns, prendre des mesures en direction des décrocheurs c'est gérer les retombées du
problème sur l'espace urbain. Pour d'autres, prendre en compte la question du décrochage,
s'est interpeller l'Education nationale. Pour d'autres enfin, la question de la déscolarisation
n'est que la face apparente d'un problème plus profond celui de la démobilisation scolaire ».2
Comme le montre l'analyse de Dominique GLASMAN, la question du décrochage scolaire
se pose dans l'articulation du dedans et du dehors de l'école, dans l'intrication du
social et du scolaire. Elle touche aux questions d'emploi, d'éducation, de sécurité. Cette
analyse montre la pertinence d'interventions mobilisant un large panel d'acteurs, au-
delà de l'éducation nationale, autour de la question du décrochage scolaire.
1La déscolarisation, La Dispute, p15
2La déscolarisation, La Dispute, p16
// Le décrochage : essai de définition
La définition du terme « décrochage » n'est pas aisée. Si on reprend la définition de l'Office
statistique des communautés européennes, le décrochage renvoie à une situation, celle
des jeunes de 18 à 24 ans qui ne suivent ni formation ni étude et qui se trouvent
sans diplôme.
A la définition d'un état de fait, les sociologues préfèrent considérer le décrochage non
comme un accident de parcours mais comme
« un processus de prise de distance par
rapport à la culture et aux savoirs enseignés à l'école »3.
Cette approche du décrochage scolaire semble davantage correspondre à la réalité dans la
mesure où elle comprend la situation des élèves sortis du système scolaire (drop out) mais
également les élèves intégrés au système scolaire mais n'y trouvant plus leur place (drop in).
La définition du terme « décrochage scolaire » pose également la question de la mesure
du phénomène. En effet, peut-on s'autoriser à parler le décrochage à partir d'un certain
niveau d'absentéisme4 ? Un élève absentéiste est-il forcément « décrocheur » 5? Et le retour
en classe signifie-t-il forcément reprise des apprentissages ?
Jacqueline COSTA-JALOUX dans son article intitulé « Absentéisme et décrochage scolaire :
comprendre pour agir »6 propose d'utiliser illettrisme comme indicateur de décrochage dans
la mesure où « l'illettrisme, tout comme la sortie sans diplôme obligent à s'interroger sur
l'école, les méthodes, les contenus d'enseignement, le rapport de l'école aux familles et à
l'environnement social ».
Cet indicateur nous apprend qu'en 2009, 12% des jeunes qui ont participé aux JAPD avaient
des difficultés de compréhension de l'écrit. On mesure à quel point la prise de distance
avec les enseignement et la culture de l'école est un phénomène d'ampleur.
Cet indicateur nous enseigne également que contrairement aux idées reçues, la prise de
distance avec les enseignement et la culture de l'école n'est pas l'apanage des populations
d'origine étrangère ou primo arrivantes. En effet, 75 % des personnes illettrées ont le
français pour langue maternelle7.
Dans son article paru en 2003 dans le numéro 132 de Ville École Intégration intitulé Prévenir
les ruptures scolaires, Dominique GLASMAN estime que même s'il est malaisé de définir,
« quelques résultats peuvent être engrangés : le premier (résultat) : la déscolarisation n'est
pas un phénomène exceptionnel et la préoccupation des pouvoirs publics s'en trouve
accréditée. Le second (résultat) : C'est à partir de 14-15 ans et de façon croissante jusque
16 ans que la déscolarisation proprement dite s'opère. Le troisième (résultat) : les filles sont
presque aussi concernées par la déscolarisation que les garçons, même si les modalités du
processus et les explications qu'elles en donnent sont assez distinctes de celles des
garçons ».
3 L'approche du décrochage en tant que processus est une approche commune à différents chercheurs qui analysent les
parcours des jeunes décrocheurs
4 Cette entrée renvoie à la question de la fréquence des absences. Il convient alors de distinguer les élèves qui pratiquent « l'école
buissonnière » des « grands absentéistes ». cette entrée renvoie également à la notion « d'absence justifiée et injustifiée »
5On pense à la situation des élève qui ne sont pas inscrits dans un établissement scolaire mais qui suivent
l'enseignement à distance.
6 L'article fait suite à une intervention de la sociologue à profession banlieue en décembre 2009
7 Chiffre mentionné par Jacqueline COSTA JALOUX dans l'article cité plus haut.
// Faire face au décrochage scolaire
Que faire face au décrochage scolaire ? On peut identifier différents registres de réponses :
la sanction via l'exclusion des élèves posant problème ou la suppression des allocations
familiales. L'exclusion va dans le sens du comportement reproché, quitter l'école. La
suppression des allocations familiales quant à elle fragilise davantage les familles quand on
sait que l'absence de ressources est identifié comme un facteur d'absentéisme.
les réponses de l'ordre de la deuxième chance (classes relais, ateliers relais). Ces
réponses laissent de côté la question de la capacité d'adaptation du système scolaire aux
élèves ;
des réflexions sur l'adaptation du système éducatif lui-même8 l'Education nationale
laisse plus d'autonomie aux établissements pour à la fois repérer l'absentéisme scolaire et
prendre des mesures adéquates pour y remédier ;
1. des expériences visant au rapprochement de l'école avec les parents au-delà des
représentations statuaires prévues dans les textes.
8 Circulaire du 25 octobre 1987
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