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Dossier. « Méthodologie » (SCL A08). Licence 1. AMU. Faculté ALLSHS d’Aix-en-Provence.
04.12.14 5
(p.46), Jean-Dominique est la métaphore même de l’isolement. Même si l’individu conserve
toutes ses capacités d’intelligence, il est condamné au silence. Pour se sentir exister, pour se
faire une place dans la société, l’homme a besoin du langage, qu’il soit verbal ou non. Sans
celui-ci, l’homme est annihilé, comme emprisonné dans un monde où il serait seul, incapable
d’exprimer sa pensée. L’idée d’intégration sociale paraît donc fortement compromise.
D’autant plus dans notre société actuelle, qui ne cesse de vouloir "normaliser" le monde.
Ainsi, l’individu ne possédant pas le Verbe, est bien souvent stigmatisé et réduit à
cette altération comme s’il était dépourvu de toute qualité humaine. A ce propos, Philippe
Van Eeckhout (2001) dénonce le fait, qu’il soit difficile de conserver ou de se faire des amis
lorsqu’on est atteint d’aphasie, il emploie d’ailleurs l’expression suivante : « la lumière de
l’amitié baisse » (p.13). Mona Ozouf, auteure de la préface de l’ouvrage de Philippe Van
Eeckhout, relate les conséquences de l’aphasie sur le plan personnel et professionnel du
patient. Selon ses termes, cette lourde pathologie peut entraîner « l’arrêt du métier, avec la
perte d’identité, d’assurance et de fierté » (p.14). Des effets dévastateurs pour le patient
aphasique, qui ne désire qu’une seule chose : retrouver sa vie d’avant. En effet, ce « comme
avant » s’apparente au « leitmotiv » (p.11) des personnes aphasiques. Ces dernières, loin de
s’imaginer, au début de la maladie, qu’elles ne pourront pas retrouver toutes leurs capacités,
doivent, d’après Mona Ozouf, « accomplir un épuisant travail de deuil » (p.12). A la lecture
du livre de Philippe Van Eeckhout, qui est une série de témoignages bouleversants sur un
monde de silence, on se rend compte que même sorti de l’aphasie, celle-ci laisse des traces.
Ainsi, n’y a-t-il plus d’espoir ?
III. Doit-on abandonner tout espoir de ressusciter une quelconque forme de
communication ?
Que ce soit pour Emmanuelle Laborit, Jean-Dominique Bauby ou encore pour certains
patients de Philippe Van Eeckhout, l’espoir de retisser le lien qui unit n’importe quel être
humain au monde, à ses semblables, ne les a jamais quittés. Ce désir de trouver ou de
retrouver un moyen de communiquer ne s’est jamais atténué au plus profond d’eux-mêmes, a
contrario, il s’est accentué au fil des jours. Chaque journée qui débute porte en elle un
nouveau combat pour ces personnes privées de mots. Néanmoins, le sentiment d’isolement
entêtant ne parvint pas à décourager durablement ces êtres déterminés, et malgré tout, tant
attachés à la vie. Tous ces écrits nous montrent que la maladie, le handicap n’atteignent pas
l’esprit de la personne. Philippe Van Eeckhout, dans Le langage blessé, confie qu’il croit en
un « au-delà du trouble » (p.18). Pour lui, la personne atteinte d’aphasie peut se reconstruire