NumÉro 2 REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGE « Langues, discours et espaces » Numéro coordonné par BERGHOUT NOUJOUD BEDJAOUI WAFA ISSN : 2507-721X Directrice de la publication Pr. Khaoula Taleb Ibrahim Directrice du laboratoire « Linguistique, sociolinguistique et didactique des langues » Responsables de la rédaction Bedjaoui Wafa et Berghout Noudjoud Comité de lecture N°2 Aci Ouardia (U. Blida 2), Amari Nassima (U. Alger 2), Ammouden M’hand (U. Bejaia),Amokrane Saliha (U.Alger 2), Amrani Salima (U.Batna), Arezki Abdennour (U. Bejaia), Asselah-Rahal Safia (U. Alger 2), Barssoum Yasmine (Université française d’Egypte), Bektache Mourad (U. Bejaia), Boukhannouche Fatima-Lamia (U.Blida 2), Benaldi Hassiba (U.Alger 2), Bestandji Nabila (U. Alger 2), Boumedini Belkacem (U. Mascara), Boussiga Aissa (U. Bouira), Djebli Mohand Ouali (U. Alger 2), Dourari Abderezzak (U. Alger2), Guehria Wajih ( U. SoukAhras), Hedid Souheila (U. Constantine), Hessas Hakim (U. Alger 2), Marzouk Sabrina (U. Bejaia), Merbouh Hadjer (CU. Ain Timouchent), Mfoutou Jean-Alexis (U.Rouen), Morsly Dalila (U. Angers), Ouaras Karim (U. Mostaganem), Oulebsir Fadila (U. Alger 2), Outaleb-Pellé Aldjia (UMMTO) Philippou Maria (U. Mostaganem), Sadouni Rachida ( U. Alger 2), Sini Chérif (UMMTO). Adresse électronique : revuealgeriennesdl @gmail.com ISSN : 2507-721X Alger, novembre 2016 2 Sommaire Avant-propos………………………………………………………………………….…………..5 Les représentations sociales du code switching arabe dialectal/français chez les locuteurs algériens (le contexte batnéen) Radhia HADDADI……………………………………………………………………………..p.7 Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la transmission familiale des langues aux enfants Mahmoud BENNACER……………………………………………………………..…………p.22 L’emprunt lexical au carrefour des contacts linguistiques : cas de l’intégration de l’emprunt lexical au français en arabe dialectal tunisien Inès MZOUGHI………………………………………………………………..………………p.38 Hanoï : langue urbaine et identité Đang Thi Thanh Thuy …………………………………………………………………..……..p.50 Dynamique et changement des phénomènes migratoires et des pratiques langagières dans l’espace de la mobilité virtuelle Hasna SEBIANE………………………………………………………………………….……p.70 L’anaphore pronominale dans le discours journalistique algérien Nawal MOKHTAR SAIDIA ………………………………………………………….………p.90 L’effet du contexte sémantique dans l’identification, la compréhension et la production des prépositions abstraites Fatima Zohra KHALIL……………………………………………………………………p.102 3 Implicite et ambiguïté au service de l’humour : entre sens et argumentation Kheira MERINE……………………………………………………………………...………p.114 La didactique du FLE : une discipline en construction Abdelkrim KHETTAB………………………………………………………………………..p128 ًﺧﺼﻮﺻﯿﺎت اﻟﻤﺼﻄﻠﺢ اﻟﺘﺸﺮﯾﻌﻲ ﻓﻲ اﻟﺠﺰاﺋﺮ وﺿﻌًﺎ وﺗﺮﺟﻤﺔ 141..................................................................................... ,,,......................................... إﯾﻤﺎن ﺑﻦ ﻣﺤﻤﺪ Compte-rendu d’ouvrage Wafa BEDJAOUI…………………………………………………………………………….p.149 Résumés de quelques mémoires de master et de magistère soutenus au département de français (Université d’Alger 2) au cours de l’année 2016…………………………………………….p.152 4 Avant propos Le présent numéro de « RASDL » réunit des articles sélectionnés suite à l’appel à contribution pour rendre hommage à Thierry Bulot traitant la thématique « Langues, discours et espaces ». Les contributeurs de ce numéro ont voulu rendre hommage à ce grand maître (décédé le mardi 26 janvier à Rennes suite à une brutale maladie). Ce fondateur de la sociolinguistique urbaine avait mené et dirigé de nombreuses recherches afin de théoriser cette nouvelle discipline qui problématise l’urbanité et l’urbanisation linguistique. A ce propos, les différentes contributions composant ce numéro sont inscrites dans des domaines variés : en linguistique, en sociolinguistique générale, en sociolinguistique urbaine et en didactique des langues et des cultures. Le numéro s’ouvre par la contribution de Radhia HADDADI qui propose une étude qui traite des représentations sociales liées à la pratique du code switching comme modalité discursive adoptée par les locuteurs bi-plurilingues. Mahmoud BENNACER s’interroge sur les pratiques de transmission familiale des langues aux enfants. En effet, la question des langues dans l’espace familial algérien occupe, ces derniers temps, beaucoup l’intérêt des chercheurs dans le mesure où la société algérienne en général et la famille en particulier vivent des mutations socioculturelles diverses, liées à la fois aux exigences socioéconomiques et au phénomène de la mondialisation. Dans sa contribution, Inès MZOUGHI présente une problématique qui s'articule autour de la question de l'intégration morphosyntaxique des emprunts lexicaux au français en arabe dialectal tunisien. Son objectif est d'analyser et de décrire les différentes phases d'adaptation morphologique et syntaxique par lesquelles passe l'emprunt lexical en s’intégrant dans la langue d'accueil. Đang Thi Thanh Thuy a pour objectif d’étudier le contexte urbain de Hanoï, en abordant la ville par les discours qui la sous-tendent, et en prenant en compte la prégnance de la spatialité urbanisée en s’appuyant sur l’affirmation de Thierry Bulot pour qui « la ville est donc une matrice discursive. Elle fonde, gère et normalise des régularités plus ou moins consciemment éllicitées, vécues ou perçues par ses divers acteurs ; régularités sans doute autant macrostructurelles (entre autres l’organisation sociale de l’espace) que plus spécifiquement linguistiques et langagières » (Bulot, 2008). 5 Nawal MOKHTAR SAIDIA montre que l’anaphore pronominale constitue un test crucial pour la problématique des marques de la cohérence et de la pertinence. Elle cherche également à voir à quoi l’analyse des pronoms anaphoriques peut contribuer à la cohésion et l’organisation textuelle du discours journalistique algérien. La contribution de Fatima Zohra KHALIL a étudié les causes qui rendraient l’emploi des prépositions abstraites difficile à maitriser. Kheira MERINE a voulu montrer comment le texte combine entre ambiguité et implicite, d’une part pour instaurer l’incompréhension qui sert l’humour et d’autre part pour débloquer la situation, toujours à l’aide de mots articulés à deux niveaux : leur signification et leur représentation. Abdelkrim KHETTAB pose une réflexion autour de la« didactique », un concept protéiforme qui est souvent confondu avec des concepts voisins. Il sera plus exactement question d’examiner les contours de la didactique du FLE en précisant sa genèse ainsi que son évolution tant au niveau conceptuel qu’épistémologique. Imane BENMOHAMED étudie les caractéristiques du langage juridique en Algérie en prenant en considération sa traduction et ses différentes utilisations institutionnelles. A travers un corpus constitué à partir d’articles de la constitution algérienne, l’auteure fait montre de la francophonie des discours officiels écrits. Wafa BEDJAOUI nous fait part de sa lecture de l’ouvrage collectif dirigé par Bruno Maurer, intitulé « Mesurer la francophonie et identifier les francophones. Inventaire critique des sources et des méthodes », publié en 2015. Les responsables de rédaction ont intégré, à la fin de ce numéro, les résumés de quelques mémoires de master, de magistère et de thèse de doctorat soutenus au département de français de l’Université d’Alger 2 au cours de l’année 2016. Noudjoud BERGHOUT Alger, le 19-11-2016 6 Les représentations sociales du code switching arabe dialectal/français chez les locuteurs algériens (le contexte batnéen) Radhia HADDADI Université Batna 2 Résumé Cette étude traite des représentations sociales liées à la pratique du code switching comme modalité discursive adoptée par les locuteurs bi-plurilingues. Ces représentations pèsent effectivement sur les pratiques langagières car les langues sont incontestablement considérées parmi les critères indispensables permettant la caractérisation de la conscience collective et individuelle, notamment dans le cas du plurilinguisme où les tensions idéologiques dûes au choix d’une langue au lieu d’une autre ou en les alternant deviennent la préoccupation majeure des locuteurs, au quotidien, entraînant ainsi de leur part, soit une valorisation soit une dévalorisation. Abstract This paper deals with social representations related to the practice of code-switching as a discursive modality adopted by the bi-multilingual speakers. The findings of the study revealed that these representations actually hanging over the language practices because languages are undoubtedly considered among the essential criteria for the characterization of the collective and individual consciousness, particularly in the case of multilingualism or the ideological tensions due to the choice of a language instead of another where the alternates become the major concern of the speakers, in their everyday use, thus, resulting from them either a valuation or a depreciation. Introduction Depuis son émergence en tant qu’objet de recherche vers la fin des années 1960 et dont les principaux initiateurs sont Fishman (1971, 1972), Gumperz (1964, 1967, 1989) et Blom et Gumperz (1972), le code-switching est au cœur des études portant sur le bi-plurilinguisme, et se présente comme une modalité discursive inévitable adoptée par les locuteurs. 7 Selon Sophie Alby dans son article «alternance et mélanges codiques » et en retraçant l’évolution de la recherche sur le code-switching, deux axes peuvent être distingués : le premier est « un axe plus structural, qui s’intéresse au fonctionnement linguistique des alternances et cherche à identifier les contraintes systémiques présidant au code-switching (Myers- Scotton, 1993b : Muysken, 1995 ». Le deuxième « un axe plus social, conversationnel, qui porte son attention sur le fonctionnement discursif des alternances (Auer, 1995) ou sur le rôle joué par le code-switching dans la construction de l’identité des locuteurs qui le produisent (Myers-Scotton, 1993a ; Li, 2002, Gafaranga, 2001) » (Alby, 2013 : 43-70). Nous nous inscrivons plutôt dans le deuxième axe car nous nous proposerons dans cette contribution à connaître les raisons qui motivent les locuteurs à choisir telle ou telle langue dans leurs pratiques langagières et de répondre à la question suivante : comment les Algériens considèrent-ils le code-switching arabe dialectal / français? Et quelle image associent-ils à ce phénomène langagier? En se référant aux données sociolinguistiques propres à notre contexte, nous pensons que l’image est doublement représentée. Il s’agit de deux attitudes linguistiques contradictoires : valorisation d’une part et stigmatisation d’autre part, car selon la façon avec laquelle le code-switching est appréhendé par les Algériens, les enjeux et les fonctions ne sont pas toujours explicites et doivent être analysés sur tous les niveaux : linguistique, sociologique, psychologique et pragmatique. 1- Cadre théorique de l’étude 1-1 Aperçu sur le contexte sociolinguistique algérien Le paysage sociolinguistique algérien est fortement animé par l'existence de diverses langues. Cette diversité qui est un atout, est maîtrisée différemment par l'ensemble des locuteurs, suite à la politique linguistique1 menée et entretenue par l'état algérien au lendemain de l'indépendance. Une politique linguistique qui a fait écarter indirectement les langues maternelles et a fait promouvoir un « nationalisme linguistique outrancier » (Miliani, 2004 : 211). Cette contribution est une synthèse d’une partie des résultats de notre thèse de doctorat en sciences du langage soutenue en 2015. 1 - L’expression "politique linguistique" est souvent employée en relation avec celle de planification linguistique. En Algérie la politique linguistique mise en place par l’Etat c’est bien la politique d’arabisation qui tend à généraliser l’utilisation de la langue arabe. 8 Pour ce qui est de la langue arabe, on a vite agit pour sa valorisation et on lui a attribué le statut de langue nationale en 1962. Un statut longtemps minimisé pendant la colonisation française. Il est à rappeler que la langue arabe est divisée en plusieurs variétés. - La première est l'arabe "classique", langue de la religion et du livre sacré sans altération, ni modification. - La deuxième est celle qu'on appelle l'arabe "moderne" ou "standard" est né de cette ouverture du monde arabo-musulman sur le monde occidental et l'adoption de quelques termes relatifs à la science et à la technologie. Cette variété est très répandue en termes d'usage (presse, discours politique, enseignement, administration). - La troisième variété quant à elle est orale, ne jouissant d'aucun statut politique. Elle est la langue maternelle de la majorité des Algériens. Cette dernière est subdivisée elle aussi en un grand nombre de parlers locaux variant d'une région à une autre (le parler algérois, constantinois, oranais, saharien). De ce fait, il existe un rapport diglossique entre les deux dernières variétés de la langue arabe : la première sacralisée, bénéficiant d'un statut supérieur de par son usage, la deuxième, dotée d'un statut inferieur étant la langue de tous les jours et non celle des institutions, des écoles, ou de l’administration. Ce rapport diglossique qui, au regard des spécialistes n'a rien d'anodin est envisagé selon certains comme un dysfonctionnement linguistique et culturel. Hérité du colonialisme, le français qui s’est étendu dans la même période comme langue de l’élite et du pouvoir est toujours présent dans l’administration, l’enseignement supérieur, les écrits littéraires et journalistiques. Le positionnement du français dans le répertoire linguistique batnéen est important, il en est de même pour l’attitude linguistique de certains locuteurs qui trouvent que ne pas parler français est le signe d’une manifeste arriération, même si sur ce point, nous pouvons distinguer en réalité et d’une manière objective trois types de locuteurs : ceux qui utilisent souvent le français dans la vie quotidienne , ceux qui l’utilisent d’une façon occasionnelle et ceux qui ne l’utilisent pas. Malgré toutes les représentations sociales, le français dont le statut de langue étrangère est un peu discuté « reste en position de force sur le marché linguistique algérien » (Derradji , 2006 : 49) et l’ambiguïté de la place qui lui est assignée est l’un des faits marquants du colonialisme qui 9 reste un facteur déterminant dans la planification et la politique linguistique menée par notre Etat : « L’héritage colonial est un facteur récurrent dans les politiques linguistiques des gouvernements africains. Dans pratiquement tous les domaines (éducation, communication, administration, politique et développement) la question a toujours été de savoir s’il était souhaitable ou même possible de rompre avec les pratiques existantes et si oui à quel prix ? » (Bamgbose, 1991 : 05). Pour le chaoui qui est une variété de "tamazight", nous pouvons dire qu'il s'emploie exclusivement dans les massifs des Aurès à l'instar des autres variétés qui sont localisées, chacune dans sa région; ex: le kabyle en Kabylie, le mozabite dans la région du Mzab etc. Ce n’est qu’après les pressions du mouvement culturel berbère en 2002 sur le pouvoir, que le tamazight a été reconnue comme langue nationale et que son enseignement devient possible. 1-2 Le code-switchig comme phénomène résultant du contact des langues Tout acte de parole est d’abord lié à des motivations langagières et à des excitations neurologiques provoquant une pulsion communicative qui va être conceptualisée au niveau de la structuration de l’inconscient. Ce dernier, et pour ce qui est du cas d’un sujet qui connaît plusieurs langues, est constitué de divers agents structurants qui sont en opposition permanente concrétisant ainsi l’emploi alterné, tantôt d’une langue, tantôt d’une autre. Il s’agit, en effet, d’un mécanisme très complexe, auquel plusieurs facteurs peuvent contribuer. Nous citons à titre d’exemple : l’intention des sujets parlants et les différents éléments situationnels. Cet usage intercalaire, au sein du même discours est connu sous le terme de code switching ou alternance codique comme le définit Gumperz (1989 : 57): « la juxtaposition à l’intérieur d’un même échange verbal, de passages où le discours appartient à deux systèmes ou sous-systèmes grammaticaux différents ». 10 1-2-1 Les causes du code-switching Il apparaît, à travers la genèse de l’acte de parole chez le sujet bi-plurilingue que le recours à tel ou tel code est dicté par un processus d’élimination de certains agents structurants, voire idéologiques caractérisant chacune des langues existantes au niveau de l’inconscient. En effet, insérer dans son discours des segments linguistiques différents est loin d’être une procédure soumise au hasard car le code switching fait référence à différents phénomènes qu’il est parfois peu aisé de distinguer : « Il ne peut se produire que lorsque certaines conditions sont réunies : présence d’interlocuteurs bilingues en relation de familiarité, échange personnel plutôt que transactionnel, et situation informelle » (Dabène, 1994 : 92). Contrairement à cela Myers Scotton qui a repris les travaux de Gumperz et de Poplack trouve que « les motivations de l’alternance restent accidentelles et idiosyncrasiques, c'est-à-dire dépendantes de l’activité langagière du sujet et donc non prévisibles linguistiquement il n’ya pas de généralisation théorique possible » (Canut & Caubet, 2002 : 10) Le code switching qui constitue, en fait, une modalité discursive à part entière voire une stratégie communicative1 adoptée par le locuteur, doit être étudié selon le principe de description des pratiques langagières, expliqué par Fishman: «qui parle ? Quelle langue ? À qui ? Et quand ?». (1965) 2 , en posant la question autrement: «Qui fait du code-switching ? Avec qui ? Comment ? Quand ? Et dans quelles conditions?». (Barillot, 2002 : 120) Plusieurs éléments, sont donc à prendre en considération, entre autres: La nature des interlocuteurs et le type des relations qui les relient : (relations familiales, amicales, professionnelles etc). Le choix du sujet. L’état émotionnel du locuteur (colère, joie), etc. 1 - Dans les recherches anglo-américaines, ce phénomène est relié aux domaines du bilinguisme et de la linguistique du contact, tandis qu’en France « ce champ d’analyse est apparu bien plus tardivement [et] s’est développé tant dans des perspectives sociolinguistiques, interculturelles ou didactiques que linguistiques » (Canut, 2002 : 09). 2 - Cf le titre de son article «who speaks what language to whom and when? » (Fishman 1965) 11 2- Les représentations sociales du code-switching Dans notre société, les code switchings: arabe dialectal/ français et parfois même (mais plus rarement), berbère (chaoui)/ français sont les formes les plus récurrentes caractérisant les pratiques langagières des individus, notamment des intellectuels ; puisque l’insertion du français dans n’importe quel code (arabe ou berbère) 1 est, selon les différentes représentations sociales, un signe de culture ou d’un niveau d’étude important. 2-1/ Les représentations sociales Le sujet des représentations sociales est d’actualité dans les sciences humaines et sociales car elle renvoie aux questions complexes de la distinction entre systèmes de pensées et systèmes de valeurs. Grâce à leur dynamisme, les représentations ont pu s’infiltrer dans plusieurs domaines tels que la sociolinguistique et la didactique. Leur ancrage en sociolinguistique apparaît à travers les comportements, les jugements, les préjugés, les stéréotypes, les attitudes (positives ou négatives) des locuteurs, comme le confirme H.Boyer : « toute représentation implique une évaluation, donc un contenu normatif qui oriente la représentation soit dans le sens d’une valorisation, soit dans le sens d’une stigmatisation » (2001 : 42). 2-2 Le code-switching entre appréciation et dépréciation : l’enquête Pour confirmer nos hypothèses de départ et pour vérifier la justesse de notre réflexion, nous optons pour une étude de terrain. Nous nous appuyons sur une enquête par questionnaire 2 ciblant une large population complétée par des entretiens semi-directifs. Une démarche méthodologique classique combinant macro et micro-enquête. Cette dernière a toujours montré sa fiabilité en matière de recherche sur les représentations sociales et les phénomènes épilinguistiques. 2-2-1/ Présentation du public : le public ciblé par notre acquête est composé de 84 personnes appartenant aux différentes couches socio-professionnelles. Nous les avons sollicités et approchés chacun dans son milieu professionnel. 1 - Le code switching : berbère (chaoui)/ français peut être interprété comme une volonté d’exprimer une certaine appartenance enthno-linguistique. 2 - Voir annexes. 12 Profession des enquêtés Sexe enquêtés Enseignants Etudiants Médecins 08 03 05 Féminin 21 31 16 Total 29 34 21 des Masculin Total 84 Tableau n° 01 : Distribution des enquêtés selon le sexe et selon l’activité professionnelle 2-2-2/ Analyse quantitative et qualitative des résultats de l’enquête par questionnaire Interprétation des graphiques Graphique n°01: Approbation ou désapprobation du mélange de langues OUI Le mélange de langues considéré comme moyen aidant à mieux transmettre un message dans certaines situations de communication et pouvant lui assurer efficacité et fiabilité, est reconnu par la majorité des enquêtés. En effet, 69.04% de notre public trouvent que le code switching est une stratégie discursive qui joue un rôle crucial 22 26.19 % NON SANS REPONSE 4 4.76% 58 69.05 % en matière d’intercompréhension, notamment dans les contextes qui l’exigent. Contrairement à cette conviction, 26.19% des enquêtés ne semblent pas du tout adhérer à cette idée. 13 Graphique n°02: Principaux motifs du mélange de langues Le recours au code switching est interprété en termes de compétence linguistique selon 35.71% et en termes d’incompétence linguistique par Sans Réponse 9 10.71% Autres 20 23.81% Compétence 30 35.71% 29.76%. D’autres parlent encore de facteurs extra-linguistiques et évoquent les notions « d’habitude » et de « nécessité », en explicitant Incompétence 25 29.76% de la réponse "Autres". Notons qu’à cette question, nous attestons à de multiples réponses expliquant ce phénomène discursif tant discuté : il pourrait être le résultat de nombreux facteurs : psychiques, linguistique, sociologique et d’autres. M68M1 : « On fait appel à une autre langue pour se faire comprendre ». T41F : « Ils le font pour faciliter la compréhension ». E01M : « Peut-être par prétention ». E27F : « L’entourage exige cela ». E39F : « Dans certaines situations de communication on est obligé de remplacer quelques mots par leurs équivalents dans l’une ou l’autre langue ». 1 - Codification des enquêtés : M : médecin, T : étudiant, E : enseignant. 68 : n° d’ordre dans le corpus. M : masculin, F : féminin. 14 Graphique n°03:Fréquence du mélange de langues selon le contexte ou la situation de communication OUI Concernant la pratique du code-switching, 57.14% soit la NON SANS REPONSE majorité des enquêtés affirment le recours à cette pratique 36 42.86% langagière face à un pourcentage 00% constaté pour dire que le code-switching est devenu inévitable. 48 57.14% Il y a 36 personnes de notre effectif ,soit 42.85% qui ne donnent pas de réponse. 0 0.00% Concernant l’usage du code-switching, nous avons relevé les propos suivants : E19M : «Je l’utilise (code-switching) dans le cas où mon interlocuteur l’utilise ». E01M : « Pour moi c’est quand je n’arrive pas à exprimer une idée que requiert une langue particulière ou plus exactement que je crois pouvoir exprimer plus clairement dans telle ou telle langue ». E22F : « Cela vient naturellement lorsqu’on est en face d’une personne bilingue ». E21F : « Le code-switching s’impose à nous même si on veut être puritain ». E77F : « Cela dépend du contexte, mais généralement c’est avec mes collègues et ma famille ». T63F : « Avec les amis, sur Facebook et dans les SMS ». Graphique n°04: Les différentes langues mises en interaction dans le code switching A propos des différentes langues mises en 11 11 13.10% 13.10% interaction par nos locuteurs, le type le plus courant est celui de 44 52.38% l’arabe dialectal/français, pratiqué par 52.38% de 18 21.43% personnes ; vient en deuxième position par Arabe Dialectal / français 21.42% des enquêtés. Et en 3ème position Arabe Classique / français l’arabe classique/français, employé Chaoui / français Sans réponse 15 nous trouvons le troisième type de mélange de langues qui est le chaoui/français auquel recourent 13.09% de notre population. Cet ordre s’explique par le fait que l’insertion du français dans notre parler quotidien intervient d’une manière spontanée alors que le 2 ème type d’alternance est souvent employé dans des situations ou contextes formels. Pour le dernier type d’alternance, on peut dire qu’il concerne pratiquement, les berbérophones seulement, et de ce fait ils alternent le chaoui et le français pour confirmer d’un côté leur appartenance ethnique et d’un autre pour montrer leur niveau intellectuel. Graphique n°05: Les différentes représentations liées à l'insertion du français dans le parler quotidien En interrogeant nos enquêtés sur ce que représente, pour eux, l’insertion du français dans le parler quotidien, les réponses ont affiché diverses représentations qu’on a pu déceler à travers leurs propos et que nous avons classées comme suit : 20 23.81% 4 4.76% 13 15.48% 30 35.71% Façon de s'exprimer (Habitude) Aisance linguistique Confiance et prestige Domination Culturelle 17 20.24% Sans Réponse Une façon de s’exprimer, pour 35.71% de notre public. Une aisance linguistique, pour 20.23% de notre public. Un prestige linguistique, pour 15.47% de notre public. Une domination culturelle ou acculturation pour 04.76% de notre public. Ces différentes représentations sociolinguistiques autant individuelles que collectives sont construites par l’ensemble de la société qui les partage et les légitime, selon un certain nombre de données, déjà abordées. Ces représentations ne peuvent malheureusement pas être dissociées des différentes pratiques langagières. E17F : « Dans ma tête, je ne l’introduis pas, ça va d’emblée ». 16 E21F : « La question ne se pose pas, à des niveaux différents le français s’invite malgré nous, pour dire merci, non, au revoir ». E01M : « Je tente toujours d’éviter cet acte, mais si je le fais c’est que cela s’est avéré indispensable ». T41F : « C’est pas étrange : tous les Algériens sont habitués à l’utilisation du mélange de langues ». E73F : « Démarcation identitaire et culturelle ». E02F : « C’est normal, du fait de la colonisation ». E19M : «Une domination culturelle à laquelle nous n’avons pas pu échapper ». 2-2-3/ L’enquête par entretiens semi-directifs ( interactifs ) est conçue en complémentarité au questionnaire afin d’apporter le maximum d’informations quant aux représentations sociales que se font les enquêtés concernant, le mélange de langues. Le public ciblé par les entretiens est réduit au nombre de 12 enquêtés parmi ceux ayant déjà contribué à notre enquête par questionnaire. Deux questions constituent l’axe principal des conversations: Que représente pour vous le mélange de langues ? Pourquoi vous y optez-vous ? Le choix entre les différentes langues composant le répertoire linguistique de nos locuteurs ainsi que leur utilisation alternée selon les situations et les objectifs de communication fait que le code-switching est différemment jugé en tant que stratégie communicative. Ci-dessous, les jugements que font nos enquêtés de ce phénomène langagier. Nous les avons classés, selon qu’ils soient valorisants ou dévalorisants. 17 Tableau n°02: Les différents jugements linguistiques du code-switching Jugements valorisants Jugements dévalorisants - «A mon avis / c’est :: une façon de parler / et - « Franchement euh/ je :: le considère comme pour dire aussi / que je connais telle langue une impureté linguistique // et personnellement /// » (ENT n°12) Euh je l’évite/ surtout dans les contextes formels /// (cours ; réunions, soutenances) et - « C’est un plus / ana <moi> je suis pour / c’est une forme de créativité dans le langage // et c’est aussi / une carte identitaire de notre société /// » (ENT n°11) - «Oui / souvent // ça fait partie de notre : quotidien // et puis euh le français : évoque mieux / certaines situations ///» (ENT n°10) par contre // je le trouve normal / dans les discussions ordinaires et quotidiennes // parce qu’il s’agit de notre façon de parler /// » (ENT n°03) - « Euh :: d’un côté / je considère ça comme une euh destruction de notre culture / et d’un autre côté :: c’est un plus pour notre culture - «Euh ça fait partie / de notre :: quotidien // /// » (ENT n°06) c’est devenu \ une habitude // car / il y a vraiment // des situations / où on doit alterner /// machi lazem <pas obligatoire> mais de préférence » (ENT n°09) - «Si j’alterne ::, c’est généralement euh parce que je ne trouve pas le mot // et ça ne pose :: aucun problème pour moi / et puis c’est :: tout le monde qui mélange les langues /// c’est devenu une habitude /// ya3ni 3adi <c'est-àdire normal> » (ENT n°08) - « Euh / c’est bien \ pour moi // c’est un mélange de cultures /// » (ENT n°07) - «C’est juste une : façon de parler / ça vient 18 comme ça / tji wah’dha <ça vient toute seule, c’est-à-dire naturellement> » (ENT n°05) - «Faire passer efficacement un message / c’est aussi une question d’habitude /// » (ENT n°04) - «Une manière de s’exprimer /// » (ENT n°02) - «Une façon de parler /// » (ENT n°01) - « Euh :: d’un côté / je considère ça comme une euh destruction de notre culture / et d’un autre côté :: c’est un plus pour notre culture /// » (ENT n°06) Nous avons remarqué que malgré les jugements dévalorisants du code-switching notés chez certains de nos enquêtés le considérant comme une forme langagière impure qui pourrait avoir un impact sur le développement de la langue, la totalité des interviewés confirment leur recours au code-switching dont le type le plus fréquent reste l’arabe dialectal / français. Etant majoritairement d’accord que le code-switching est une habitude ou une façon de parler, les raisons divergent en fonction du contexte et de la situation de communication. Le code-switching : les raisons ! En répondant à la question portant sur les motifs et les raisons qui pourraient gérer le codeswitching dans les échanges verbaux quotidiens, non formels, les enquêtés semblent être sur la même longueur d’onde. Les raisons qu’ils ont exprimées les confirment ces propos: « Faire passer efficacement un message » (ENT n°04) « Pour renforcer une idée / ou :: pour introduire une connotation particulière qu’une langue évoque mieux etc. /// » (ENT n°03) « Oui / souvent // ça fait partie de notre : quotidien // et puis euh le français : évoque mieux / certaines situations /// » (ENT n°10) Les réponses relevées, et bien qu’elles soient proches les unes des autres dans leur contenu, laissent entendre que l’alternance codique présente dans les discussions des enquêtés, qui sont 19 d’une classe socioprofessionnelle favorisée est envisagée comme une "alternance de compétence". Cette alternance est visiblement la plus fréquente du moment que nos locuteurs maîtrisent les différents codes linguistiques, essentiellement, l’arabe et le français. Conclusion En guise de conclusion et à partir de notre enquête, nous pouvons dire que le code-switching arabe dialectal/français considéré comme phénomène langagier issu systématiquement du contact des langues est différemment jugé par nos locuteurs. Il se présente, le plus souvent, comme une simple façon de parler voire un comportement langagier habituel , un prestige social et un luxe oral mais parfois et contrairement à cela, il se présente comme un signe de malaise culturel vu cette hétérogénéité linguistique qui se dégage et se laisse entendre. Pour les locuteurs avec qui nous avons enquêté, le français notamment est plus qu’une langue dite "professionnelle" ou de formation et les représentations qu’ils se font découlent de l’incompatibilité entre le statut politique et social que requiert cette langue car nul n’ignore que sur le plan politique le français est déclaré comme première langue étrangère mais sur le plan social, cette langue a toute la latitude d’une langue seconde. Son cadre d’usage n’est pas fortement fixé et limité et son brassage avec l’arabe dialectal constitue souvent une variété linguistique recherchée. De ce fait, les besoins communicationnels et le souci de se faire comprendre et de faire preuve d’une compétence linguistique poussent les locuteurs en question à user du code-switching arabe dialectal / français pour s’exprimer et éventuellement pour marquer une certaine appartenance socioculturelle. Références bibliographiques ALBY, S. (2013). « Alternance et mélanges codiques » in Simonin, J et Wharton, S (Dirs) Sociolinguistique du contact. Dictionnaire des termes et concepts, Lyon, ENS Editions, pp 4370. BAMGBOSE, A. (1991). Language and the nation, Adinburgh University Press. BARILLOT, N. (2002). «Code switching arabe marocain / français : remarques générales et aspects prosodiques », in, CANUT, C. et CAUBET, D. (eds). Comment les langues se mélangent. Codeswitching en Francophonie, Paris, L’Harmattan, pp 119-134. 20 BOYER, H. (1991). 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Sociolinguistique interactionnelle, Université de la Réunion, L’Harmattan. 21 Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la transmission familiale des langues aux enfants1 Mahmoud BENNACER Université A-MIRA, Bejaia – Algérie Résumé Le présent article tentera de mettre en évidence la place des langues dans l’imaginaire linguistique de quelques parents citadins de la ville de Bejaia. Notre contribution interrogera les pratiques de transmission familiale des langues aux enfants. En effet, la question des langues dans l’espace familial algérien occupe, ces derniers temps, beaucoup l’intérêt des chercheurs dans le mesure où la société algérienne en général et la famille en particulier vivent des mutations socioculturelles diverses, liées à la fois aux exigences socioéconomiques et au phénomène de la mondialisation. Dans le but d’appréhender le discours de quelques parents citadins sur la question de la transmission des langues à leurs enfants, nous avons tenté de réaliser notre objectif de départ, en soumettant à notre public d’enquête un questionnaire auto-administré, structuré selon plusieurs parties distinctes. En prenant en considération la variable d’appartenance linguistique des parents, ce présent travail nous a permis de déceler, à travers leurs discours sur les langues transmises à leurs enfants, inscrits au niveau des centres de petite enfance de la ville de Bejaia, le poids des représentations sociolinguistiques quant aux pratiques de transmission des langues. Une telle contribution nous a permis, par ailleurs, de confronter les deux choix, d’une part la politique linguistique familiale initiée au moment de la socialisation langagière de l’enfant; d’autre part, celle prônée par l’État algérien. Abstract This article will attempt to highlight the place of languages in the linguistic imagination of some citizens of the city of Bejaia parents. Our contribution will question the familial transmission of practical language to children. Indeed, the language issue in the Algerian family occupies space 1 Nous soulignons que le contenu de la présente contribution a été communiqué au cours d’un colloque international organisé par l’Université de Constantine et l’Agence Universitaire de la Francophonie du 16 au 18 novembre 2014. 22 in recent times, many researchers' interest in the extent of Algerian society in general and the families in particular are experiencing various socio-cultural changes, related to both socioeconomic requirements and the phenomenon of globalization. In order to understand the speech of some parents citizens on the issue of language transmission to their children, we have tried to achieve our initial objective, subjecting our public investigation a self-administered questionnaire, structured in several distinct parts. Considering the variable of linguistic affiliation of the parents, this work allowed us to detect, through their discourse on language passed on to their children, enrolled at the centers of early childhood in the city of Bejaia, weight sociolinguistic representations regarding language transmission practices. This contribution has allowed us also to compare the two choices, first family language policy initiated at the time of the language socialization of the child; secondly, that advocated by the Algerian state. Introduction On s’accorde beaucoup à dire que la cellule familiale constitue un espace favorable voire fructueux pour l’analyse des questions linguistiques, surtout quand il s’agirait de la problématique de la transmission familiale des langues aux enfants. Comme beaucoup de microstructures, à l’instar de l’école et les organismes de travail, la cellule familiale constitue, elle aussi, un espace à la fois de productions et d’influences. Elle est non seulement, "propulseur" de nouvelles pratiques socioculturelles, auxquelles les sources principales sont inhérentes aux représentations mentales des groupes, mais elle est également le vecteur essentiel de toute mutation socio-langagière de la société. Nous pourrions admettre le postulat que, préalablement, le foyer familial est le vecteur principal dans la formation du futur profil linguistique de l’enfant. Car dans toutes les situations de plurilinguisme sociétal, le poids des parents, quant à la (aux) première(s) langue(s) de socialisation de l’enfant, constitue un moment de choix décisif. Un tel éclaircissement nous permet, donc, de mesurer l’importance de cette contribution, dans la mesure où elle scrute les pratiques et les motivations des parents quant aux premières langues transmises. Ceci dit que notre visée fondamentale est de pouvoir appréhender la réalité des langues au sein de quelques familles citadines, car dans beaucoup de situations sociolinguistiques familiales, l’enfant est préalablement confronté au plurilinguisme familial avant de connaître celui de la société (IBTISSEM, 2008). Pour ainsi dire que l’intérêt des parents 23 pour les langues dans le milieu familial est dicté par le rôle que jouent les langues à l’échelle sociétale et mondiale. Dans cette optique, il est important de noter qu’en raison de plusieurs facteurs, la société algérienne est aujourd’hui confrontée à des changements divers, touchant ses différents aspects, notamment socioéconomiques et culturels. L’impact de ces mutations socioculturelles, qui sont dues à la fois au phénomène de la mondialisation des besoins et aux bouleversements socioéconomiques, est relativement remarquable au niveau de quelques cellules familiales algériennes. Les effets de la globalisation des besoins des membres de la famille sont observables sur le plan compositionnel, voire même fonctionnel, passant ainsi de la famille traditionnelle à la famille nucléaire. Cette mutation familiale, tant sur le plan structurel que fonctionnel, aura son poids d’influence sur plusieurs domaines entre autres celui de la transmission familiale des langues aux enfants. Ainsi, ces différents changements occupent, à l’heure actuelle, beaucoup l’intérêt des chercheurs, d’autant plus que la structure familiale algérienne subit des reconstructions de fonds et de formes importants. Nous considérons qu’en Algérie la problématique de la transmission familiale des langues se heurte à de multiples interventions, d’autant plus qu’elle est prise entre deux mâchoires. D’une part, le choix linguistique de l’État algérien qui se résume, jusqu’à aujourd’hui, à promouvoir la langue arabe comme unique système de communication quotidienne ; d’autre part, le pouvoir des langues étrangères qui se maintient, entre autres, grâce aux nouvelles technologies de l’information et de la communication. En plus de ces différents paramètres, nous sommes amené, par ailleurs, à évoquer l’aspect plurilingue de la société algérienne dont l’hétérogénéité sociolinguistique est une réalité incontestable. Dans ce parcours, nous nous interrogerons sur la situation des langues au sein de quelques familles algériennes, en essayant, dans ce cas de figure, de mettre en évidence ce qui pourrait expliquer le choix linguistique des parents quant aux langues transmises à leurs enfants (AISSAOUI, 2013). La réponse à cette interrogation nous permettrait, peut-être d’appréhender non seulement le degré d’influence de la politique linguistique officielle, mais aussi de mesurer, en tant que domaine de recherche, l’importance des représentations assignées aux langues: « La langue est un savoir fortement lié au monde : à la fois celui de la réalité qui l’entoure et celui de l’affectivité et de l’identité profonde de l’individu. Ce qui compte donc, pour les sujets apprenants potentiels c’est autant la représentation 24 qu’ils se font de ce nouvel objet offert à leur apprentissage que l’objet lui-même ». (DABENE, 1997 : 19) Il est convenu, par ailleurs, que l’action de la politique linguistique 1 des officiels pourrait se rapprocher de celle exercée au sein de la famille, car elles sont toutes les deux instaurées par deux forces autoritaires qui sont l’État et la famille. L’autorité linguistique familiale que nous associons au concept de politique linguistique familiale est définie par Christine DEPREZ : « Cette politique linguistique familiale se concrétise dans les choix de langues et dans les pratiques langagières au quotidien ainsi que dans les discours explicites qui sont tenus à leur propos, notamment par les parents ». (DEPREZ, 1996 : 155). Nous pourrions, ainsi, inscrire, d’ores et déjà, les choix linguistiques des parents, quant aux langues transmises, dans l’optique de valorisation et de mise en place des langues dans l’espace familial dans la mesure où l’action linguistique des parents - anticipée par rapport à celle exercée par l’institution scolaire - sur les langues dévoilerait des fonctions hiérarchisées assignées aux langues en présence. Une telle contribution se proposera, par ailleurs, comme une lecture anticipée sur le devenir des langues. L’appréhension de la question des langues au sein de la famille pourrait, peut-être, suggérer à l’échelle sociétale, un portrait linguistique de l’avenir des langues, voire de leur devenir. Nous voulons, dans ce présent travail, analyser la dynamique des langues transmises aux enfants dans un espace géographiquement bien déterminé qui est la ville de Bejaia 2. Nous soulignons, à ce sujet, que la caractéristique essentielle de notre terrain d’enquête est la pratique linguistique plurilingue. Bejaia fait partie de la région de Kabylie dont les spécificités sociolinguistiques sont essentiellement la pratique du kabyle. En plus de cette langue, plusieurs autres langues, à des degrés différents, se partagent la région. Les deux langues arabes, à savoir le classique et le populaire, occupent différemment leurs places. Ainsi, l’arabe classique se maintient par le biais des institutions scolaires et administratives, alors que l’arabe populaire est employé dans certaines zones urbaines de la ville. Le français, par contre, y est très présent à la fois dans l’usage formel et informel. Sur le plan institutionnel, le statut de langue officielle en Algérie est réservé exclusivement à la langue arabe, alors que celui de tamazight est uniquement national. 1 Nous devons souligner que pour des considérations politiques et idéologiques, la politique linguistique monolingue de l’État algérien concerne l’ensemble des régions du pays. 2 Située au nord centre de l’Algérie, Bejaia est caractérisée par son aspect sociolinguistique plurilingue. Le kabyle, l’une des variétés essentielles de tamazight, est la langue d’usage quotidien. 25 Cette disparité statutaire, remarquable entre les deux langues, à savoir l’arabe et le tamazight, met institutionnellement en œuvre une forme de diglossie institutionnalisée, dans la mesure où nous assistons à une hiérarchisation fonctionnelle des langues. 1. Cadrage théorique et méthodologique Notre contribution d’article interroge les pratiques de transmission familiale des langues aux enfants et les motivations des parents quant aux langues adoptées. De façon précise, il sera question de mettre en exergue l’impact de l’appartenance linguistique des parents quant aux choix de premières langues aux enfants. Nous considérons que l’appartenance linguistique des parents, comme paramètres extralinguistiques, détermine leurs choix de langues transmises aux enfants, car le profil linguistique exerce une influence considérable dans l’entreprise de transmission des langues : « Les différentes études montrent des pratiques variées et variables, où les choix de langues en famille dépendent des langues parlées respectivement par le père et la mère, des langues du milieu, des interlocuteurs en présence, de leur sexe, des moments, des sujets de conversations, de l’âge des enfants, des valeurs accordées aux langues en présence, des projets d’insertion dans la société d’accueil et de l’idée qu’on se fait du retour au pays si l’on vient d’ailleurs.» (MOORE, 2006 : 81) Ceci nous permet d’affirmer que les variables extralinguistiques contribuent à élucider les sources de variation des pratiques linguistiques au sein d'une communauté ou d'un groupe social donné, voire même au sein des familles. Dans ce sillage, nous supposons que le choix des langues est intimement lié aux variables extralinguistiques propres à nos informateurs en l’occurrence leur(s) première(s) langue(s) de socialisation. Notre démarche, dans ce présent travail, ne consistera pas uniquement à déterminer, sur le plan quantitatif le pourcentage de parents qui adoptent telle ou telle langue, mais aussi à saisir, sur le plan qualitatif, leurs motivations quant aux choix de langue(s). Il est important de souligner que le milieu familial est un espace difficile à approcher, dans la mesure où il constitue un espace d’intimité individuelle et sociale des membres d’un groupe. Et, pour des raisons diverses, de natures socioculturels voire même religieuses, nous avions choisi de rencontrer notre public d’enquête aux entrées des centres de petite enfance de la ville de Bejaia, que nous appelons communément la crèche. Pour un besoin méthodologique, nous avions conduit notre enquête sociolinguistique à l’intérieur de ces centres en choisissant les deux 26 moments de la journée (le matin et le soir). En effet, ce sont les seuls instants qui nous ont permis de rencontrer notre public d’enquête, à savoir les parents. Et, dans l’objectif d’atteindre les pratiques et les motivations des parents, nous avions adopté les paramètres méthodologiques suivants: Nous avions introduit la technique du questionnaire auto administrée, ayant l’avantage de libérer l’informateur en lui offrant l’opportunité de remplir lui-même son questionnaire. Ahmed BOUKOUS souligne les aspects avantageux du questionnaire : « Le questionnaire occupe une position de choix parmi les instruments de recherche mis à contribution par le sociolinguiste, car il permet d’obtenir des données recueillies de façon systématique et se prêtant à une analyse quantitative ». (BOUKOUS.1999 :15) Sur le plan structural, notre questionnaire a été structuré en plusieurs parties distinctes; Enfin, pour plusieurs avantages d’ordres techniques, nous avions introduit le logiciel informatique1 Sphinx Plus2 conçu pour plusieurs fonctions : Élaboration de questionnaire en fonction des objectifs de recherche ; Collecte de réponses : (saisie rapide des réponses) ; Traitement et analyses des réponses : dépouillement et analyse des réponses. Le contenu du questionnaire initialement élaboré, est composé de vingt questions, et dans ce cas de figure, nous nous sommes intéressé à deux questions principales, dans la mesure où elles prennent en charge l’objet essentiel de cette contribution. Dans cette optique, nous tenterons d’énumérer les questions relatives à notre présente contribution: 1 Nous avons introduit le logiciel informatique Sphinx Plus2 , online version 2008, pour garantir une analyse objective du corpus. 27 Parties du questionnaire - L’identification sociolinguistique - de l’informateur ; Le(s) première(s) langue(s) acquise(s) des parents informateurs (les deux conjoints) - Les langues transmises à leurs - enfants ; Quelle(s) langue(s) avez- vous transmises à votre enfant ? - Pourquoi ? (justifiez votre choix) Tableau 1 : Les parties essentielles du questionnaire Après avoir procédé au dépouillement du questionnaire, le travail d’investigation que nous avions réalisé au niveau de sept centres de petite enfance de la ville de Bejaia a généré un corpus de 301 informateurs, ces derniers représentent les parents d’enfants inscrits, soit 78,18% de l’ensemble des questionnaires distribués. Comme tout travail de recherche, l’enquête de terrain 1 que nous avions menée a été, pour nous, une tâche difficile, d’autant plus que les enquêtés sollicités affichent parfois leur indifférence quant au remplissage du questionnaire. A plusieurs fois, nous étions dans l’obligation de demander la restitution des questionnaires distribués. L’enquête de terrain s’avère souvent difficile, car l’enquêteur se heurte à une réalité parfois spécifique, voire complexe dont la raison de sa complexité est liée, nous-semble-il, à la nature de l’être humain. Ce dernier se montre souvent méfiant, lorsqu’il est question de déclarations relatives à ses pratiques sociales et culturelles. 2. Analyse des résultats 2.1. Une transmission intergénérationnelle mélangée Il est fondamental de souligner qu’à la question relative à leur(s) première(s) langue(s) acquise(s) avec leurs parents, nos informateurs se souviennent facilement des langues acquises dans leur espace familial. Les résultats obtenus par le biais du questionnaire révèlent à la fois des pratiques et des compétences linguistiques des parents interrogés. Dans cette optique, après avoir interrogé nos informateurs sur les langues transmises par leurs parents aînés, il a été demandé 1 Nous soulignons, à cet effet, que l’enquête de terrain a été réalisée en avril 2014 ; en conséquence, ce travail a nécessité un mois de travail. 28 dans un second temps, par l’intermédiaire du même questionnaire de voir " Quelle(s) langue(s) avez-vous transmises à votre enfants ?" la figure ci-dessous met en évidence les pourcentages des deux générations comme suit : En effet, de première lecture, la figure ci-dessous traduit des pourcentages qui révèlent beaucoup de significations quant à l’évolution des pratiques de transmission des langues entre deux générations. En ce qui concerne la première génération, les deux tendances des deux langues (kabyle / arabe populaire) détiennent la première place. La tendance de monolinguisme est remarquable chez cette génération dans la mesure où les taux de 66% et 26% sont les plus importants par rapport aux autres tendances. Le cadre linguistique familial de nos informateurs dévoile une réalité linguistique particulière de leur époque. Les pourcentages de deux langues (kabyle / arabe populaire) sont significativement importants à considérer d’autant plus ils mettent en évidence le rôle primordial assuré par les langues vernaculaires dans l’espace familial à cette époque ; ceci révèle, par ailleurs, la place qu’occupe l’arabe classique dans l’espace familial algérien dans la mesure où il n’a jamais été une langue de transmission en Algérie. Contrairement aux indices précédents, enregistrés chez la première génération, dont la tendance au monolinguisme est remarquable quant aux langues transmises, la deuxième génération révèle, par Figure 1 : Langues acquises et langues transmises par les contre, la plurilinguisme. En tendance au effet, le parents Langue(s) aquises par nos informateurs bilinguisme (kabyle/arabe populaire) Langues transmises par nos informateurs à leur enfants (arabe kabyle/arabe populaire français/arabe populaire français/kabyle (français/kabyle) enregistre des taux 2.00% importants comparativement à la 14% 3% 0% 0% anglais 0% 0% français 1% arabe classique 0% 0% kabyle et 2.00% 1,00% autre langue arabe populaire populaire/français) précédente. 20% Nous constatons, par ailleurs, la présence exclusive du français dans quelques cellules familiales, dont le statut officiel est de langue étrangère en Algérie. Ainsi, 18% hormis le français qui enregistre un indice de 18.27% soit 55 informateurs 26.00% 22% 24% 66.00% sur le chiffre global de 301, l’arabe classique, par contre, n’enregistre 29 aucun pourcentage chez la deuxième génération. Ainsi, à travers cette lecture globale, nous pourrions admettre l’idée de l’évolution des pratiques de transmission des langues de la première à la deuxième génération, dans la mesure où les indices recueillis nous montrent deux aspects sociolinguistiques différents. L’un prônant le monolinguisme comme tendance de transmission, alors que l’autre se réfère au plurilinguisme familial. Et globalement, la tendance au plurilinguisme dans l’espace familial est la caractéristique essentielle de la deuxième génération. 2.2.L’appartenance linguistique des parents : source de variation des pratiques de transmission familiale des langues Le travail d’investigation que nous avions pu entreprendre, au niveau de quelques centres de petite enfance de la ville de Bejaia, a révélé une dynamique linguistique au sein des familles. Les parents ont beaucoup d’intérêt au choix de langues, car elles constituent le premier socle linguistique et culturel de l’enfant. Cependant, dans cette perspective de recherche, notre travail consistera essentiellement à confronter les résultats généraux que nous avions pus obtenir, à des variables extralinguistiques afin de déceler les facteurs qui pourraient spécifier la politique linguistique familiale de nos informateurs. Dans cette perspective, nous supposons que leurs profils linguistiques, de première(s) langue(s) acquise(s) pourraient être révélateur de pratiques de transmissions familiales des langues. Nous voudrions, dans ce cas de figure, mettre en exergue leurs choix de langues en fonction de deux postures sociolinguistiques opposées : les couples homogènes et les couples mixtes : 2.2.1. Les couples linguistiquement homogènes Nous avons opté pour la prise en compte de cette variable afin de voir comment se profile le choix de langues au sein des couples linguistiquement homogènes. Notre objectif, à travers cette mise en relation, est de voir comment cette catégorie adopte leur choix quant aux langues transmises à leurs enfants. La figure ci-dessous présente les pourcentages comme suit : 30 Ainsi, à travers cette représentation graphique, nous pourrions saisir une configuration systèmatique de choix de langues. Les deux catégories de couples, à savoir les kabylophones et les arabophones, adoptent leur choix en fonction de leur appartenance linguistique. Respectivement, chez la première catégorie, le kabyle détient le pourcentage de 34,37% alors que chez la deuxième catégorie l’arabe populaire détient le pourcentage de 43,75%. La tendance au bilinguisme, par ailleurs, est plus remarquable chez les couples kabylophones que chez les couples arabophones soit 43,75% contre 34.42% . Cependant, une telle description nous permet de kabyle français anglais français/arabe populaire français/kabyle arabe populaire arabe classqiue autre langue kabyle/arabe populaire 43.75% 45.90% dire que l’émergence du plurilinguisme commence à partir de la famille. Nous constatons également, pour les deux catégories, l’adoption exclusive du français comme première 34.42% 34.37% langue de socialisation de l’enfant chez quelques familles soit 21,87% contre Figure 2 Les couples linguistiquement homogènes 21.87% 19.67% 19,67%. Cette comparaison nous permet d’affirmer que pour les deux catégories, la variable prise en compte à savoir 0% 0%0%0%0%0% 128 couples kabylophones 0.00% 0%0%0% 0%0% 61 couples arabophones l’appartenance linguistique des parents détermine significativement leur choix linguistique dans le processus de transmission des langues. Les premières langues acquises, dans leur environnement familial, ont un impact considérable dans leur politique linguistique familiale. En dépit des indices insignifiants, la tendence au bilinguisme est remarquable chez les deux catégories, leurs premières langues acquises se trouvent associées à l’introduction du français ce qui permet à cette langue de s’octroyer le statut de langue "maternelle" 1 au sein de ces cellules familiales. 1 En raison de son ambigüité sémantique, nous avons soigneusement évité d’employer le concept de "langue maternelle" car, « en fait ce qui est ambigu dans l’expression, ce n’est pas tant les termes qui la constituent que leur association dans la mesure où ils n’appartiennent pas au même domaine de référence » (DABENE 1994, p.15) 31 2.2.2. Les couples linguistiquement mixtes Pour un but plus extensif sur le processus de transmission des langues, nous nous sommes intéressé, par ailleurs, aux couples linguistiquement mixtes dont la première langue acquise des membres du couple est différente. Un tel éclaircissement aura comme objectif d’éclairer le processus des pratiques de transmission des langues au sein des ces couples, car la dynamique des langues, dans ce cas de figure, nous paraît très complexe. Le pouvoir des pratiques de transmission des langues se trouve confronté aux représentations sociolinguistiques des uns et des autres à savoir les membres du couple. La figure ci-dessous résume les pourcentages comme suit : Après avoir répertorié les données recueillies en fonction de l’appartenance linguistique des membres du couple, il s’est avéré que les femmes jouent un rôle essentiel dans le choix des kabyle français anglais français/arabe populaire français/kabyle arabe populaire arabe classqiue autre langue kabyle/arabe populaire langues. Pour les deux catégories, le profil linguistique de la mère exerce une influence considérable dans le processus 40,90% de transmission des 38.88% langues aux enfants. En effet, le kabyle et l’arabe populaire, premières langues de socialisation 23.33% 22.22% des 18.18% 18.18% 14.44% détiennent les pourcentages les plus importants respectivement soit de 40.90% et de 9.09% 9.09% 4.54% 0% 0% 0% mères, 1.11% 0% 0% 0% 0% 3 Les couples linguistiquement mixtes 90 PèresFigure kabylophones VS 22 Pères arabophones VS mères mères arabophones kabylophone 38.88% ; ces indices sont talonnés par le bilinguisme (arabe populaire/français) (kabyle/français) et dont les taux varient entre 23,33% et 18,18%. Nous pourrions, ainsi, constater que les pourcentages avancés par nos informateurs révèlent largement le rôle essentiel des mères dans le processus de transmission des premières langues aux enfants. Pour les deux catégories, les indices des pères (kabylophones ou arabophones) enregistrent des pourcentages inférieurs à ceux des mères (kabylophones ou arabophones) soit 22,22% contre 40,90% et 18,18% contre 38,88%. Les pourcentages de la figure ci-dessus nous 32 livrent, par ailleurs, une réalité particulière du français au sein de ces familles. En effet, pour les deux catégories prises en compte, l’intrusion du français dans l’espace familial algérien, en l’occurrence les familles de la ville de Bejaia, est un paramètre important. Cependant, il se trouve que chez les mères kabylophones, le français enregistre des indices supérieurs par rapport à la catégorie des mères arabophone soit 14,44% contre 9,09%. Ainsi, pour quelques familles, le français est devenu la langue exclusive de transmission familiale, alors que pour les autres, il est associé aux langues vernaculaires, à savoir le kabyle et l’arabe populaire. 2.3.Les motivations des parents quant aux langues transmises Après avoir tenté de comprendre l’impact de l’appartenance linguistique des parents quant aux pratiques linguistiques transmises à leurs enfants, il a été question, par le biais du même questionnaire, de déceler leurs motivations par rapport à leurs choix. Un tel travail nous permettra, du coup, d’appréhender, de façon globale, à la fois leurs représentations sociolinguistiques et leurs motivations quant à leurs choix de langues. Ainsi, les résultats suivants, que nous présentons sous forme de représentation graphique, ont été recueillis grâce à la question « pourquoi » dont l’objectif était d’appréhender leurs motivations : Langue de l'avenir Langue de l'université Langue des études universitaires Langue utilitaire Langue de la famille Langue de mes parents Langue de notre histoire 55% Langue maternelle 45% 45% 35% 32% 28% 20% 13% 10% 7% 3% 0%0%0%0% Le kabyle 7% 0%0%0%0% L'arabe populaire 0%0%0%0% Le français 0%0%0%0%0%0%0%0% 0%0% L'arabe classique Figure 4 Les motivations des parents quant aux langues transmises 33 Une lecture attentive des réponses recueillies par le biais du questionnaire, nous a permis de saisir qu’au sein des familles interrogées, leurs choix de langues sont liés à des paramètres révélateurs d’un fond représentationnel, relatif aux images linguistiques assignées aux langues en présence. Leurs motivations quant aux langues transmises, à savoir le kabyle, l’arabe populaire et le français, sont construites selon les fonctions sociales et culturelles jouées par les langues en Algérie. En guise d’analyse, nous avions pu déceler quelques aspects importants que nous résumons comme suit : L’héritage culturel véhiculé par les deux langues, à savoir le kabyle et l’arabe populaire a marqué leur raisonnement. Ainsi, les choix motivationnels des parents révèlent leurs attachements et leurs volontés de maintenir ces langues au sein leurs foyers familiaux. Ils témoignent, entre autres, de l’ancrage et de la volonté de perdurer la tradition linguistique héritée de leurs parents ; Eu égard à son utilité sociale, scolaire et professionnelle, le choix du français, en tant que première langue de transmission familiale a été perçu comme une nécessité, car il assure l’avenir de leurs enfants. Le choix du français par les parents est lié aux fonctions qu’il assure dans les différents secteurs d’activité. Une telle mise au point nous permet d’affirmer, par ailleurs, que la demande sociale du français, exprimée à travers leurs motivations, est liée à ses fonctions universitaires et socioprofessionnelles ; L’adoption d’une politique linguistique familiale qui tient compte à la fois de leur héritage linguistique et de l’avenir linguistique scolaire et professionnel de leurs enfants. Ceci dit, en plus de leur attachement, exprimé à l’égard des langues vernaculaires, nos informateurs anticipent également sur le devenir de leurs enfants en optant pour les langues étrangères, en l’occurrence le français. L’engouement des parents pour cette langue, est justifié, à notre sens, par leurs inquiétudes quant au projet linguistique de l’institution scolaire algérienne, qui continue à proposer uniquement l’arabe comme la seule langue de l’enseignement des matières. 3. Synthèse Ainsi, l’analyse des résultats déclarés par le biais du questionnaire, soumis à des catégories socioprofessionnelles diversifiées, a révélé beaucoup de constatations que nous pourrions synthétiser comme suit : 34 Le domaine des langues étrangères, en l’occurrence le français, occupe une place importante dans l’imaginaire des parents d’enfants inscrits au niveau de ces centres. Ainsi, les résultats que nous avions pus avoir, à travers l’enquête sociolinguistique, ont révélé l’attachement des parents aux langues étrangères notamment le français comme première langue de socialisation de leurs enfants. Le français, langue étrangère en Algérie, se trouve très présent dans les choix linguistiques à la fois des couples (homogènes et mixtes). Ceci dit, l’enfant algérien est confronté à une réalité plurilingue d’où la pratique quotidienne plurilingue qui est le fruit de la politique linguistique familiale, favorisant ces dernières années l’introduction de langue(s) étrangère(s) comme première(s) langue(s) de transmission familiale ; Cette présente contribution met en évidence, par ailleurs, la situation de la langue arabe scolaire dans l’espace familial. En effet, le discours officiel sur les langues, valorisant l’arabe en tant qu’unique langue d’enseignement des sciences au niveau de tous les paliers, n’a pas pu influencer les représentations sociolinguistiques de nos informateurs. Les résultats obtenus ont mis en exergue l’absence totale de cette langue tant sur le plan des pratiques linguistiques familiales que sur le plan de leurs motivations épilinguistiques. Ceci dit, malgré son imposition au niveau des institutions scolaires, notamment à partir du préscolaire, la langue arabe scolaire n’arrive pas avoir sa place au sein des familles interrogées. La variable prise en compte, relative à l’appartenance linguistique des parents, a révélé des pertinences de différenciations des pratiques de transmission au sein de ces couples. En ce sens, les femmes dont le rôle est essentiel au sein de leur foyer, exercent beaucoup d’influence dans le processus de transmission des langues, leur profil linguistique joue beaucoup d’importance. En effet en plus de l’éducation familiale de leurs enfants, les mères assurent également leur éducation linguistique ; Une telle investigation sociolinguistique sur la politique linguistique familiale invoque la prise en charge de l’enfant algérien sur le plan linguistique, dans la mesure où son profil linguistique, partagé entre les langues vernaculaires et le français, n’est jamais pris en considération par l’institution scolaire. Enfin, un tel travail de recherche invoque la remise en 35 question de la dénomination des langues en Algérie faites par le discours officiel sur les langues. En guise de conclusion, l’enquête sociolinguistique que nous avions entreprise avec les parents d’enfants a révélé des aspects importants quant à la question de la transmission familiale des langues. Le milieu familial s’avère un espace de dynamique linguistique et de rapport conflictuel entre les langues en présence. En effet, ce travail d’investigation a révélé le pouvoir des parents sur le domaine des langues quant à la transmission linguistique familiale. Nous pourrions admettre, à priori, l’affirmation que la problématique de transmission familiale des langues, à l’heure actuelle, est révélatrice de plusieurs aspects à la fois socioculturels et représentationnels. La variable prise en compte, dans ce contexte, est déterminante, d’autant plus elle révèle des choix linguistiques inhérents à leurs profils linguistiques. Ainsi, les deux aspects retenus, comme objet de cette contribution, pratiques de transmission de langues et les motivations des parents, ont apporté une nouvelle vision quant à la politique linguistique familiale exercée au sein de quelques foyers algériens. Les langues étrangères, en l’occurrence le français, semblent convoitées par l’ensemble des catégories socioprofessionnelles, une telle mise au point nous conduit, sans aucun doute, à appréhender la place qu’occupe le français au sein de quelques familles ce qui nous permettra d’affirmer que le statut de langue étrangère, attribué au français, mériterait d’être repositionné dans la mesure où il constitue, aujourd’hui, l’un des socles linguistiques de quelques enfants algériens. Références bibliographiques AISSAOUI A., (2013), « Politiques linguistiques des familles de jeunes Français d’origine algérienne en France et en Algérie », in Synergie Algérie N°20, p.p 83-92. CHACHOU I., (2008), « Enfance et socialisation », in Revue algérienne d’anthropologie et des sciences humaines : Insaniyat, n° 41, Oran : CRASC, p.p. 27-39. BOUKOUS A., (1999), « Le questionnaire », in Calvet J-L et Dumont P (éd) L’enquête sociolinguistique, Paris, L’Harmattan, p.15. 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Annexes Le tableau suivant met en exergue le nombre de questionnaires en fonction des structures d’accueille des enfants : Centres de petite enfance (Crèche) Questionnaires Distribués Récupérés Validés Génération d’espoir 55 52 47 Ma journée 55 51 46 Les Lauréats 55 52 42 Les colombes 55 48 42 Les amis de Dora 55 49 43 Bonne journée 55 54 44 Sara 55 41 37 Total de questionnaires 385 347 301 Les sept centres de petite enfance de la ville de Bejaia 37 L’emprunt lexical au carrefour des contacts linguistiques : cas de l’intégration de l’emprunt lexical au français en arabe dialectal tunisien Inès MZOUGHI EISTI -Cergy Résumé Cet article porte sur les emprunts lexicaux au français en arabe dialectal tunisien. Notre problématique principale s'articule autour de la question de l'intégration morphosyntaxique des emprunts lexicaux au français en arabe dialectal tunisien. L'objectif de la présente étude est d'analyser et de décrire les différentes phases d'adaptation morphologique et syntaxique par lesquelles passe l'emprunt lexical en s’intégrant dans la langue d'accueil. Abstract This article deals with lexical words borrowed from the French language by the Tunisian Arabic dialect. Our main point concerns the integration of lexical items from the French language into the Tunisian Arabic dialect. The objective of our research is to analyze and describe the morphological and syntaxic adaptation of the various phases necessary to the integration of the lexical items borrowed from the French language by integrating the host language. Introduction L’histoire de la Tunisie témoigne d’une pluralité qui s’est toujours exprimée dans la diversité linguistique (Mejri, Mosbah, & Sfar, 2009, pp. 35-74). Les différentes civilisations qui ont transité par ce pays ont laissé leurs empreintes dans le patrimoine artisanal, culturel et linguistique tunisien (UNESCO, 2009). Ces civilisations ont enrichi le dialecte tunisien en emprunts lexicaux d’origines multiples ; parmi ces emprunts, nous avons choisi d’étudier principalement les emprunts au français, car ce 38 sont les plus importants d’un point de vue quantitatif, et les plus dynamiques et productifs du point de vue du lexique (Baccouche, 1994, p. 64). Dans le cadre de cet article, nous allons exploiter les résultats du dépouillement d’un corpus écrit en arabe dialectal tunisien (Mzoughi, 2015, pp. 195-220). Ce corpus se compose de trois œuvres littéraires, de genres et de styles différents, écrites entre 1997 et 2013 en arabe dialectal tunisien : Klemellil (Jébali, 1997), une pièce de théâtre, Al amirassaghir (Balegh, 1997), une traduction du Petit Prince (Saint-Exupéry, 1943/2007) en arabe dialectal tunisien, et Kalb ben kalb (Ben Brick, 2013), roman satirique. À travers la description et l’analyse d’un échantillon d’emprunts lexicaux au français (révélé par le dépouillement des trois ouvres), notre problématique aura pour but de mettre en évidence les manifestations morphosyntaxiques les plus constantes qui s’opèrent dans le processus d’intégration de l’emprunt lexical au français en arabe dialectal tunisien. En examinant des exemples précis d’occurrences d’emprunts au français, nous nous demanderons si ces mots « voyageurs » partagés entre la quête d'intégration dans la langue d'accueil et la fidélité à leur langue d’origine conserveraient dans leur usage des marques de leur système d’origine. 1. Les contacts linguistiques au cœur de la question de l’emprunt La notion d’emprunt implique forcément un contact des langues, des peuples et des cultures : Quand un groupe d’hommes parlant une langue définie se trouve en relation avec un autre groupe utilisant une langue distincte, il arrive presque toujours que des mots, des éléments grammaticaux, des significations s’introduisent d’un parler dans l’autre. Cette diversité des formes de l’emprunt justifie la définition suivante que je reprends, en la traduisant, à Vittore Pisani : « l’emprunt est une forme d’expression qu’une communauté linguistique reçoit d’une autre communauté. » (Deroy, 1956, p. 18) Le contact des langues est placé au cœur de la question de l’emprunt linguistique. Dans Dictionnaire de linguistique, Dubois considère l’emprunt comme le phénomène sociolinguistique le plus important des contacts de langues. 39 En effet, l’emprunt lexical est un phénomène universel. Il s’agit du moyen d’enrichissement linguistique le plus observable au niveau des langues. De son côté, Marina Yaguello affirme : À de rares exceptions près (peuples isolés), toutes les langues subissent l'influence d'autres langues en contact avec elles. L'emprunt lexical en est la marque la plus spectaculaire. (Yaguello, 1988, p. 57) Comme en témoigne cette citation, à l’exception des peuples isolés, toutes les langues en contact s’influencent. La preuve la plus pertinente de ces influences est sans doute l’emprunt lexical. Cependant, comme les contacts linguistiques se sont produits dans des contextes différents, cela a eu une influence considérable dans l’intégration de l’emprunt. Lorsque des mots ont été introduits dans un contexte colonial, leur intégration dépendra principalement de leur acceptation et de leur représentation par les locuteurs. En réalité, le mot « emprunt » ne décrit pas vraiment ce phénomène qui n'a d'emprunt que le nom « puisqu'il ne saurait jamais, en la matière, être question de restitution » (Calvet, 1979, p. 87). Une langue n’emprunte jamais les mots à une autre. L’usage du terme « emprunt » pourrait être considéré comme un emploi métaphorique. Comme l’affirme Henriette Walter : Pour désigner tous ces mots que les langues du monde apportent à l’une d’entre elles, les linguistes ont un euphémisme plaisant : ils parlent pudiquement « d’emprunts » chaque fois qu’une langue prend des mots à sa voisine, tout en n’ayant pas la moindre intention de les lui rendre un jour (Walter, 1997, p. 10). La langue n’emprunte donc pas des mots à une autre langue pour les restituer, elle les prend etles intègre à son lexique en les adaptant à ses propres règles phonologiques, morphologiques et syntaxiques. Passés d’une langue à une autre, certains emprunts deviennent difficilement identifiables. Dans la langue arabe, il y a de façon générale une reconnaissance de l’existence de l’emprunt. On retrouve des termes différents désignant l’emprunt linguistique (Baccouche, 1994, p. 27) : 40 [taʕrib] « arabisation », pour distinguer les mots qui ont été adaptés au système de l’arabe, [daχi:l] « intrus », [muʕarrab] « arabisé », ou encore [muħda θ] au sens de « nouvelle création ». À l’époque actuelle, nous pouvons dire que le purisme face au phénomène de l’emprunt en arabe s’est plus ou moins défigé grâce à l’évolution linguistique. Cela se constate aisément dans les journaux et les médias arabes qui diffusent un arabe moderne et riche en emprunts. Parallèlement à l’arabe littéral, il existe des dialectes arabes qui continuent d’évoluer et de s’enrichir en emprunts de toutes sortes et provenant de différentes langues. Cependant, à cause de la situation de diglossie arabe littéral / arabe dialectal (Laroussi, 2002, pp. 129-153), les recherches sur les dialectes et sur les emprunts qu’ils contiennent restent encore assez limitées. Dans le cadre des études sur l’arabe dialectal au Maghreb, nous pouvons citer trois œuvres phares : Mots turcs et persans conservés dans le parler algérien (Cheneb, 1922), portant sur les mots turcs et persans qu’on retrouve dans l’arabe dialectal algérien. L’auteur a dressé des listes intéressantes comprenant 634 emprunts de mots turcs et persans. L’emprunt en arabe moderne (Baccouche, 1994) présente une étude des emprunts en arabe tunisien. Dans cet ouvrage, l’auteur procède à une recherche des occurrences d’emprunts linguistiques dans les deux registres, littéral et dialectal, de l’arabe tunisien. On y trouve des listes d’emprunts dégagés d’un corpus écrit, accompagnés de critères d’identification clairs, et d’une description phonétique, morphosyntaxique et sémantique. Les questionnaires de l’Atlas linguistique de Tunisie (Baccouche & Mejri, 2004) ; s’inscrivant dans le cadre de la géographie linguistique, cet ouvrage a pour objectif de fournir une description systématique de l’arabe dialectal tunisien, en se basant sur trois questionnaires : phonologique, morphologique et lexical. Bien que cette œuvre ne concerne pas directement l’emprunt, elle rend compte d’un certain nombre d’occurrences d’emprunts produits dans le parler spontané des Tunisiens, et fournit des indications intéressantes pour l’étude de l’intégration de l’emprunt. (Mzoughi, 2015, pp. 56-57) 41 À travers cette recherche, nous espérons contribuer à combler en partie la lacune que l’on constate dans les études portant sur les emprunts en arabe dialectal. 2. Intégration morphosyntaxique des emprunts lexicaux au français en arabe dialectal tunisien En passant d’une langue à une autre, l’emprunt subit des transformations, principalement sur le plan phonologique/phonétique et morphosyntaxique (Queffélec, 1998, pp. 245-256), ce qui conduit à parler de son degré d’intégration dans la langue emprunteuse. L’arabe dialectal tunisien reste globalement assez proche de l’arabe littéral au niveau phonétique et phonologique, mais présente néanmoins des différences sur le plan lexical et morphosyntaxique. Les systèmes du français et de l’arabe étant très différents, en intégrant l’arabe dialectal tunisien, l’emprunt lexical au français subira des adaptations morphosyntaxiques en plus des adaptations phonologiques. Ces adaptations se manifestent par l’adjonction d’affixes de l’arabe dialectal tunisien au radical français (Mzoughi, 2015, pp. 278-282). En intégrant la langue d’accueil, l’emprunt ne conservera en général que son radical. L’affixation est un élément considérable dans la composition des mots dérivés, elle aura une signification conséquente au niveau de leur intégration morphosyntaxique. Nous nous intéresserons aux manifestations les plus pertinentes et les plus productives de cette intégration. 2. 1. Intégration du genre et du nombre 2.1.1. Intégration du féminin tunisien En arabe dialectal tunisien, le féminin est généralement marqué à la fin du mot par le son [a] (Caubet, Simeone-Senelle, & Vanhove, 1989, pp. 39-66) qui sert à différencier le masculin du féminin. Ainsi, on dira [kɛlb] pour « chien » et [kɛlba] pour « chienne». Les emprunts lexicaux au français ne conserveront pas la marque du genre du français en intégrant le dialecte tunisien, ils intégreront celle de la langue d’accueil. Les emprunts lexicaux au français seront donc marqués par l’adjonction du suffixe [a] à la fin du mot pour marquer le genre féminin. Quant au genre masculin, il n’est pas marqué en arabe dialectal tunisien ; en 42 l’absence de cette voyelle finale au singulier, le mot est considéré par défaut comme masculin dans la majorité des cas1. Exemples « » اﻟﺒﺎﻧﻜﺔ/ [lba:nka] « la banque » (Balegh, 1997, p. 65) et (Ben Brick, 2013, p. 139) « » ﺑْﻼﻛﺎ/ [blaka] « plaque » (Jébali, 1997, p. 74) « » ﻛﻤﯿﻮﻧﺔ/ [kɛmju:na] « camionnette » (Jébali, 1997, p. 104) « » اﻟﺮوﻧْﺪ ْه/ [erru:nda] « la ronde » (Ben Brick, 2013, p. 21) « » ﺗ ْﻠﻔْﺰه/ [tɛlfza] « télévision » (Jébali, 1997, p. 67) et (Ben Brick, 2013, p. 77) Bien que cette règle s’applique à la plupart des emprunts au français, on retrouvera certaines exceptions lorsque l’emprunt lexical est un xénisme, comme c’est le cas dans les emprunts tels que : [kra:fa:t] « cravate » (Ben Brick, 2013, p. 113), [biskle:t] « bicyclette» (Ben Brick, 2013, p. 38) et [mu:bi:le:t] « mobylette » (Ben Brick, 2013, p. 172) qui ont gardé la marque du genre de la langue d’origine. De même que le nom, l’adjectif intégrera lui aussi cette marque de féminin à l’exemple de l’emprunt : [mgɛri:sa] « graissée » (Ben Brick, 2013, p. 11). 2.1.2. Intégration du pluriel tunisien Souvent, c’est la pratique de la langue et le recours au lexique qui servent de références pour le pluriel en arabe dialectal tunisien. « Néanmoins, nous pouvons distinguer certaines formes de pluriel assez constantes et fréquentes » (Mzoughi, 2015, p. 129) qui s’obtiennent par le simple ajout du suffixe [ɛ:t] ou [a:t] à la forme du singulier, de sorte que le radical du mot au singulier ne se trouve pas réellement affecté. Contrairement à l’arabe littéral, cette forme de pluriel externe s’applique autant pour le féminin que pour le masculin. 1 Certains cas de noms féminins n’obéissent pas à cette règle et ne porteront pas cette marque du féminin. C’est le cas du mot [tma:tem] « tomate » qui est un nom féminin, mais qui n’est pas marqué. Dans ce cas, c’est la pratique de la langue et le lexique qui déterminent le genre. 43 En intégrant l’arabe dialectal tunisien, les emprunts au français vont adopter le plus souvent cette marque de pluriel externe, à l’exemple des emprunts : [ɛlfa:tu:ra:t] « les factures » (Ben Brick, 2013, p. 77), un nom féminin pluriel et [ɛrru:su:ra:t] « les ressorts », un nom masculin pluriel (Ben Brick, 2013, p. 165), ou encore [ɛlbi:ru:wɛ:t] « les bureaux » (Jébali, 1997, p. 97), un nom masculin pluriel et [ʔu:ti:stɛ:t] « des hôtesses » (Jébali, 1997, p. 101). D’autres emprunts vont intégrer une forme différente de pluriel tunisien, et celle qui contient le plus de variétés. Il s’agit d’un pluriel avec une modification à la fois interne (infixe) et externe (suffixe) du mot. Dans le passage du singulier au pluriel, on observe la chute de la première voyelle courte et un allongement par une voyelle longue en [a:] ou encore en [ɛ:] (Mzoughi, 2015, pp. 136-137). Cet allongement vocalique va entrainer la fermeture de la dernière syllabe du mot. Exemples [bla:ka] « une plaque » → « » اﻟﺒﻼﯾﻚ/ [ɛlbla:jik] « les plaques » (Jébali, 1997, p. 96) [tɛlfza] « télévision » → « » اﻟﺘْﻼﻓﺰ/ [ɛttlɛ:fiz] « les télévisions » (Ben Brick, 2013, p. 18) 2.1.3. Intégration du duel En arabe dialectal tunisien, le duel marque surtout les noms utilisés pour des mesures, des quantités et des durées, ainsi que pour designer certains termes allant généralement par paires. Cette forme spécifique à l’arabe littéral et dialectal sera elle aussi intégrée par emprunts au français (Mzoughi, 2015, pp. 283-284). Le duel simple sera marqué en arabe dialectal tunisien par un suffixe en [i:n] pour les noms masculins et en [ti:n] pour les noms féminins. Exemples [bana:na] « une banane » → [bana:nti:n] [mɛlju:n] « un million » → [mɛljuni:n] Quant au duel composé, il sera formé de l’adjectif numéral [zu:z] signifiant « deux » suivi du pluriel de l’emprunt. 44 Exemples [gattu] « un gâteau » → [zu:zgattuwɛ:t] « deux gâteaux » [pi:la] « une pile » → [zu:zpi:lɛ:t] « deux piles » 2.2. Intégration syntaxique et changement de genre et de nombre Dans leur passage en arabe dialectal tunisien, les emprunts au français ne conserveront pas toujours la même marque de genre et de nombre que dans la langue d’origine. En effet, en intégrant la syntaxe de l’arabe dialectal tunisien, certains emprunts vont changer de genre. C’està-dire que certains emprunts qui sont des noms masculins dans la langue d’origine deviendront des noms féminins en arabe dialectal tunisien, à l’exemple de l’emprunt « foulard » qui a donné un féminin [fula:ra] (Balegh, 1997, p. 65) en arabe dialectal tunisien, et« cartable » qui a donné un féminin [karta:bla] (Ben Brick, 2013, p. 42). De même, d’autres noms féminins en français deviendront des noms masculins en passant dans la langue d’accueil, c’est le cas de l’emprunt « cigarette » qui a donné un nom masculin [siga:ru:] (Ben Brick, 2013, p. 11) en arabe dialectal tunisien. On constate le même phénomène qui se produit aussi au niveau du nombre, certains noms pluriels français en passant dans la langue d’accueil donneront lieu à des noms singuliers, et réciproquement. Ainsi, le mot « espadrilles », un nom pluriel en français a donné en arabe dialectal tunisien [sbɛ:dri:] (Ben Brick, 2013, p. 80) qui est un nom singulier dont le pluriel est [sbɛ:dri:jɛ:t]. De même, le mot « maths » qui est un nom féminin pluriel en français a engendré un nom singulier en arabe dialectal tunisien [ma:tˤ] (Ben Brick, 2013, p. 68). 2.3. Dérivation et néologisme On constate, au-delà du phénomène de l’emprunt, la création de mots nouveaux à partir des emprunts au français intégrés à la langue d’accueil. Grâce à l’affixation, des mots dérivés sont créés fréquemment en arabe dialectal tunisien, ce qui va favoriser une morphologie nouvelle du mot, souvent accompagnée d’une extension du sens, ou d’un changement sémantique. 45 2.3.1. Formation de verbes par dérivation En arabe dialectal tunisien, de nombreux verbes se sont formés par dérivation à partir du lexème nominal français. C’est le cas des emprunts tels que « crédit » dont dérive le verbe [kɛrdɛ] (Ben Brick, 2013, p. 23), signifiant faire un crédit, l’emprunt « grève » qui a permis la création du verbe [gɛrrif] (Ben Brick, 2013, p. 31), signifiant faire grève, ou encore l’emprunt « sauvage » dont découle le verbe [tsu:fiʒ] (Ben Brick, 2013, p. 140) qui veut dire devenir sauvage. On remarquera par ailleurs que ces néologismes verbaux n’ont pas leurs équivalents exacts en français. 2.3.2. Des adjectifs formés sur le lexème nominal français L’adjectif en arabe littéral, ainsi qu’en arabe dialectal, se forme à partir du nom. Certains adjectifs attestés dans le dialecte tunisien ont été formés sur ce modèle à partir d’emprunts nominaux français. Exemples - Graisse : nom français, a donné [mgɛri:sɛ] (Ben Brick, 2013, p. 11) qui veut dire « graissée », participe à valeur d’adjectif en arabe dialectal tunisien. - Cirage : nom français, a donné [msˤiriʒ] (Ben Brick, 2013, p. 26), un participe à valeur d’adjectif en arabe tunisien, signifiant « ciré ». Nous pouvons rajouter à ces deux exemples un emprunt d’actualité, en rapport avec les nouvelles technologies et l’informatique plus précisément. Il s’agit de l’emprunt [mverjiss] qui est un dérivé du mot « virus », et qui signifie avoir été contaminé par un virus informatique. Cet emprunt a conquis l’ensemble des dialectes maghrébins ces dernières années. Bien que nous nous soyons appuyés dans le cadre de cette étude sur un corpus essentiellement écrit, il est néanmoins nécessaire de préciser que ces manifestations morphosyntaxiques se vérifient aussi aisément à l’oral, dans les médias et dans le parler spontané des Tunisiens. Comme le prouve le questionnaire morphosyntaxique mené dans le cadre des questionnaires de L’atlas linguistique de Tunisie (Baccouche & Mejri, 2004, p. 47), des emprunts comme : 46 [karta:bla], [sa:k], [ra:dju] et [tɛlfzɛ] sont employés par des locuteurs d’âge, de sexe et de niveau culturel et social différents. De même, les entretiens menés dans le cadre de l’étude de L’intégration des emprunts lexicaux au français en arabe dialectal tunisien (Mzoughi, 2015, pp. 220-261) démontrent que la fréquence de production spontanée d’emprunts par minute à l’oral chez une locutrice illettrée et qui n’a jamais appris le français est la même que chez les locuteurs francophones interviewés du même âge. Cette locutrice a produit spontanément à l’oral les emprunts : [magazɛ̃] « magasin », [tɛksijɛ:t] « des taxis », [trɛ̃] « train », [telifu:n] « téléphone », [marʃi] « le marché », [ga:z] « gazinière », [telfzɛ] « télévision », [fu:la:ra], « foulard », [ɛtˤtˤablijjɛ] « le tablier », [mu:nikijr] « manucure », [limɛ:ʃ] « les mèches ». Nous voyons là une belle illustration du phénomène d’intégration des emprunts au français en arabe dialectal tunisien à la fois sur le plan phonologique et sur le plan morphosyntaxique. Conclusion Pour conclure, nous souhaitons d’abord préciser que la liste d’emprunts que nous présentons dans cette étude n’est pas exhaustive, de même que nous n’épuisons pas le sujet à travers nos analyses. Notre ambition dans le cadre de cet article est de faire apparaître, à travers un corpus précis, les éléments qui nous semblent être les plus constants, les plus fréquents et les plus pertinents dans l’intégration morphosyntaxique de l’emprunt. En nous appuyant sur des exemples précis d’emprunts lexicaux au français, nous avons pu démontrer l’importance du phénomène d’affixation dans le mécanisme d’intégration morphologique et syntaxique des emprunts, conduisant quelquefois à la formation de néologismes. Nous constatons, au terme de cette recherche, que malgré la différence considérable de l’organisation syntaxique de deux systèmes linguistiques, des mots français ont réussi à intégrer le dialecte tunisien, au point de devenir indissociables du reste du lexique. Bien que nous observions dans la majorité des emprunts cités une certaine fidélité à la langue source qui se traduit par la conservation du radical du mot emprunté, les modifications morphosyntaxiques constatées prouvent néanmoins que la quête d’intégration demeure plus grande et bien plus importante. 47 En intégrant la langue d’accueil, l’emprunt lexical intègre non seulement un système linguistique diffèrent, mais aussi la culture et la psychologie de ses locuteurs. Une fois installé dans la langue d’accueil, l’emprunt lexical est comme « naturalisé », il se détache de son origine pour représenter une identité et une réalité nouvelles. Aujourd’hui, les locuteurs tunisiens, sans distinction de niveau social, d’âge, ni d’instruction, emploient spontanément et inconsciemment des emprunts au français dans leur communication quotidienne. Références bibliographiques BACCOUCHE, T. (1994), L'emprunt en arabe moderne, Tunis, Beit El Hikma. BACCOUCHE, T. et MEJRI, S. 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En analysant des discours épilinguistiques et topologiques tenus par les jeunes Hanoïens, cet article tente de montrer que la mise en mots de l’identité hanoïenne catégorise non seulement les lieux de ville mais aussi les locuteurs du hanoïen. Les habitants attribuent à l’espace des caractéristiques linguistiques, langagières valorisant l’identité hanoïenne. Nos analyses ont montré que le lien étroit entre espace, langue et identité hanoïenne obéit au mécanisme de la centralité urbaine. Abstract Urban sociolinguistic study the need to conceive urban spaces as places of production of norms (socio-spatial, linguistic and identity). By analyzing epilinguistic and topological discourses held by young Hanoians, this article tries to show that the putting into words of the Hanoians' identity categorizes not only the city space, but also the class-level of the speakers there. The inhabitants attribute to space linguistic characteristics which enhances the Hanoians' identity. Our analyzes have shown the close link between space, language and Hanoians' identity based on "the mechanism of urban centrality." Introduction En sociolinguistique urbaine, étudier la ville via des discours épilinguistiques et topologiques et conceptualiser la ville comme un espace urbain porteur de tensions à la fois (géo)politique, sociale, identitaire et linguistique… invite les chercheurs à étudier les rapports complexes entre espace, langue et identité et à construire une approche spécifique en fonction des espaces urbains étudiés. La sociolinguistique urbaine pose la nécessité de concevoir l’espace dit de ville comme des lieux de production des normes (socio-spatiales, linguistiques, langagières). Et selon Thierry Bulot, penser la ville comme un espace plurilingue où se jouent, via les pratiques linguistiques/langagières, les tensions structurantes dudit espace permet de concevoir la ville comme un processus, une démarche discursive de référence pour ses différents auteurs (Bulot, 50 2002, 2011). Ainsi les chercheurs pourront-ils appréhender le « poids urbain » de ce qui est espace, langue et identité de la ville. Etudier la ville en tant qu’espace urbain selon l’approche de la sociolinguistique urbaine est un terrain très récent dans le contexte asiatique en général et dans le contexte vietnamien en particulier. L’objectif de cet article est de soulever, à travers l’analyse des discours épilinguistiques, le lien entre l’espace, l’identité et la langue de Hanoï. De manière précise, en abordant les attitudes linguistiques des individus et de différents groupes habitant la ville de Hanoï et la question identitaire sociale, cet article tente de montrer que dans le contexte de Hanoï, il existe un lien étroit entre le parler, l’identité hanoïens et l’espace de référence de la ville. 1. Quelques concepts théoriques L’identité urbaine. Thierry Bulot conceptualise l’identité urbaine comme la conscience des habitants d’une ville de leur appartenance à une entité qui est uniforme, isolable et complexe (Bulot, 2007 : 18). Ce concept permet d’analyser les pratiques langagières des locuteurs urbains qui se représentent « la tension ainsi posée entre leur indispensable identification à une communauté et leur propre différenciation par rapport à d’autres lieux communautaires de tous ordres, signalant une appartenance groupale » (Dang et Bulot, 2015 : 24). La langue. Thierry Bulot définit la langue comme un processus et affirme qu’une langue est ainsi non seulement une pratique discursive (une pratique du discours) mais encore des pratiques discursives sur ce discours (un discours sur la pratique) (Bulot, 2013). La mobilité spatio-linguistique. La mobilité linguistique et la mobilité sociale sont deux processus liés certes l’un à l’autre. Selon Thierry Bulot, il s’agit « d’un phénomène de la variété de langue dominante au détriment de la variété dominée. La variété dominée est délaissée pour ce que le locuteur estime être l’emploi adéquat de la langue du statut qu’il revendique pour lui ou le groupe auquel il s’apparie ou s’apparente. C’est un phénomène courant que l’on observe par exemple chez les locuteurs de parlers dialectaux qui s’installent en ville et assimilent progressivement la version urbaine de la langue légitime » (Bulot, 1999 : 26). Le concept de 51 mobilité spatio-linguistique nous permet donc d’étudier le lien entre l’espace, l’identité et la langue. 2. Méthodes d’enquête et échantillon Nous avons recueilli des données en deux temps : pré-enquête par entretiens semi-directifs en 2011 auprès de dix informateurs 1, d’une durée variant entre trente et quarante-cinq minutes ; enquête par questionnaire et par test avec des locuteurs masqués en 2012 auprès de soixantequinze enquêtés2. Le guide des questions utilisé dans les entretiens semi-directifs est élaboré selon trois champs principaux : le territoire de Hanoï, l’identité hanoïenne et le(s) parler(s) hanoïen(s). Au total, ce guide se compose de vingt-sept questions réparties en trois grands items : le parler hanoïen ; les représentations sur le territoire de Hanoï et l’identité hanoïenne ; les informations ethnosociolinguistiques. Le questionnaire d’enquête est composé de cinquante-cinq questions dont la plupart sont sous forme de questions à l’échelle d’attitude. Les questions ouvertes ont pour objectif d’inviter les enquêtés à donner des exemples concrets concernant des usages linguistiques. Si le guide des questions pour les entretiens semi-directifs est élaboré en mentionnant les trois parties distinctes afin de rappeler à l’enquêtrice les thèmes à exploiter, le questionnaire est conçu avec une série de questions où les parties distinctes ne sont pas identifiées. Cependant, notre questionnaire respecte toujours la logique du guide des questions, ce qui amène les enquêtés à répondre d’abord aux questions concernant le territoire/espace urbain de Hanoï, puis à celles concernant l’identité et le parler hanoïens, et enfin aux informations ethnosociolinguistiques. Le test avec des locuteurs masqués est élaboré dans le but d’analyser les jugements, les appropriations, les évaluations de nos enquêtés vis-à-vis des pratiques linguistiques du (non)hanoïen. Nous avons fait entendre dix extraits de dix locuteurs masqués et dont chacun est suivi de quatre questions interrogeant nos enquêtés sur les informations ethnosociolinguistiques des locuteurs masqués. 1 Ces informateurs sont étudiants sortants de la promotion QH2007 du département de français de l’Université de Langues et d’Etudes Internationales de l’Université nationale de Hanoï, Vietnam. QH est le sigle de Quoc gia Hanoï (Université nationale de Hanoï) et 2007 est l’année de l’entrée à 2 Ces enquêtés sont étudiants sortants de la promotion QH2008 du département de français de l’Université de Langues et d’Etudes Internationales de l’Université nationale de Hanoï, Vietnam. 52 Nous adoptons la méthode d’analyse du discours et dans le cadre de cet article nos analyses se basent principalement sur les discours épilinguistiques et topologiques enregistrés lors de la préenquête par entretiens semi-directifs et de l’enquête par questionnaire. Ainsi les évaluations des pratiques linguistiques relevées à partir du test avec des locuteurs masqués n’y seront pas abordées. Nos informateurs et enquêtés 1 âgés de vingt à vingt-quatre ans sont originaires de plusieurs régions du pays dont Hanoï (dans toutes ses acceptions) et ont une durée de résidence dans cette ville entre quatre et vingt-quatre ans. Ils déclarent tous avoir des contacts et des échanges avec les gens vivant à Hanoï et dès lors ils ont à faire des choix interactionnellement devant les différentes variétés du vietnamien, ce qui suppose qu’ils ont pu intégrer le discours dominant F1 23 Nord 4 F2 22 Nord 4 F3 22 Sud 4 x x x 1 Pour « distinguer » les étudiants qui ont participé à deux étapes de notre enquête, nous appelons « informateurs » les étudiants qui ont participé aux entretiens semi-directifs et « enquêtés » ceux qui ont répondu au questionnaire et au test avec des locuteurs masqués. Cette appellation est d’ordre purement technique pour distinguer nos deux sources de « données ». Elle n’a pas pour intention de « réduire les personnes à un seul statut 2 de fournisseur d’informations pour le chercheur » (Blanchet, 2012 : 45). Pour préserver l’anonymat des informateurs de notre pré-enquête par entretiens semi-directifs, nous les avons codés selon le sexe et l’ordre chronologique des entretiens. Ainsi, M1 désigne le premier étudiant interviewé et F1 la première étudiante. Pour préserver l’anonymat des enquêtés, nous les avons numérotés de EQ1 à EQ75. 53 hanoïen passeport de pas hanoïen Ne possède du passeport d’obtention hanoïen En cours « ancienne » Possède le (ans) passeport Hanoï résidence à Durée de naissance Région Age Informateur de produit par la matrice discursive (Bulot, 1999). F4 22 Nord 12 x F5 22 Centre 4 F6 22 Hanoï « ancienne » 22 x M1 22 Hanoï « ancienne » 22 x M2 22 Hanoï « élargie » 4 x M3 22 Hanoï « ancienne » 22 x M4 22 Centre 4 x x Hanoï ancienne et 23 n d’obtentio cours en hanoïen ni passeport Pas de hanoïen passeport du n d’obtentio cours En hanoïen passeport le Ayant d’enquêtés Nombre enquêtés des naissance Lieu de Tableau 1 : Profil des informateurs 23 élargie Dans le Nord du 45 2 7 36 2 2 3 Vietnam Dans le Centre du 7 Vietnam 54 Dans le Sud du 0 Vietnam Tableau 2 : Profil des enquêtés 3. Hanoï : identité et langue urbaine 3.1. Hanoï : une ville, une histoire Hanoï, la capitale du Vietnam, est un centre politique, économique, culturel et social du pays. Cette ville, qui a fêté en 2010 mille ans d’accession au statut de capitale du Vietnam, connaît un accroissement de population sensible et ses limites administratives évoluent vers un élargissement géographique. Si selon les études de Philippe Papin « depuis 1010, Thăng Long1 avait toujours été définie par les deux districts qu’enveloppaient la rivière et la levée extérieure » (Papin, 2001 : 199) et il y avait, au XVIe siècle environ vingt mille foyers, Hanoï s’étend sur une superficie de 3.344,7 km2 avec une population de près de sept millions d’habitants lors du recensement de 2010. Tout au long de son histoire, Hanoï attire les populations venues d’autres provinces du pays. Elle est donc un espace de rencontres, d’échanges des personnes venues de différentes régions du Vietnam, un lieu de contacts de langues et de cultures, et dès lors elle constitue un laboratoire sociolinguistique manifestant des tensions entre des politiques unificatrices (parce que les bienfaits du monolinguisme et la purification du vietnamien sont perçus comme idéologie) et les dynamiques langagières très diverses et hétérogènes. Le graphique ci-dessous permettra de mieux voir les changements géographiques et 1 Thăng Long est un parmi les anciens noms de la ville de Hanoï actuelle. Le nom Thăng Long est né d’une légende datant du moment du transfert de la capitale racontant que lors du transfert de la capitale de Hoa Lư à Đại La, le roi Lý Công Uẩn a vu au-dessus de son bateau un dragon prenant son essor. C’est ainsi qu’il a baptisé cette ville Thăng Long. Thăng Long est de fait un mot composé : « Long » signifie « Dragon » (c’est aussi le symbole du Roi et de la puissance du système féodal), « Thăng » désigne l’acte de prise de l’essor ou le développement, le vol. Thăng Long signifie donc la « ville du Dragon qui s’élève ». Dans l’histoire du Vietnam, par deux fois, cette ville a porté le nom de Thăng Long. Mais ce nom, donné par le roi Lý Công Uẩn en 1010 et ainsi que celui repris en 1805 sous la dynastie des Nguyễn sont des homophones. En 1805, le roi Gia Long de la dynastie des Nguyễn a changé l’écriture du mot « Long » en Thăng Long, de sorte que « Long » ne signifie plus « dragon » mais « prospérité ». Rappelons que sous la dynastie des Nguyễn, la capitale s’est déplacée à Phú Xuân (la ville actuelle de Huế) et selon les historiens, le roi voulait insister sur le fait que le « Dragon » (le Roi) était à Phú Xuân, Thăng Long ne pouvait donc plus être la ville du « Dragon », celle de la capitale. Par conséquent, ce mot homophone Thăng Long signifie la « prospérité qui s’élève ». 55 démographiques de Hanoï depuis 1954, l’année de la victoire de la Révolution d’août suite à laquelle Hanoï devient la capitale de la République démocratique du Vietnam 1. Année Population (d’habitants) Superficie (km2) 1954 53 000 152 1961 91 000 584 1978 2 500 000 2 136 1991 2 000 000 924 1999 2.672.122 924 2005 3 200 000 924 2007 3 398 889 924 2008 6 233 000 3 344,7 2009 6 451 909 3 344,7 6 913 000 3 344,7 30/10/2010 Tableau 3 : Hanoï : Population et superficie 1 Après la réunification du pays en 1975, Hanoï devient la capitale de la République Socialiste du Vietnam (depuis le 2 juillet 1976). 56 3.2. L’identité hanoïenne mise en mots Habiter une ville se traduit par un besoin d’appartenance des individus, un besoin d’établir leur identité dans cette ville. Selon Hélène Bailleul et Benoît Feildel, la notion d’habiter ne se limite donc pas à l’habitat ni à la question du logement, elle recoupe dans son sens phénoménologique l’idée de la construction signifiante d’un rapport au monde, mêlant un être social et un être spatial en un « être-là » (Bailleul et Feildel, 2011 : 28). Les individus qui habitent une ville ont certes le besoin d’y exprimer et d’y affirmer leur identité. Pour Bernard Lamizet, « habiter la ville ne signifie pas seulement y passer sa vie : cela signifie, surtout, y mettre en œuvre une activité symbolique par laquelle on exprime notre identité pour les autres habitants […] habiter une ville c’est y exprimer de façon usuelle, courante l’identité dont on est porteur, dont on est reconnu par les autres […] habiter une ville c’est élaborer une identité dont on est porteur aux yeux des autres » (Lamizet, 2008 : 6). Nous adoptons dans nos recherches la notion d’identité urbaine de Thierry Bulot pour parler de la conscience des habitants d’une ville de leur appartenance à leur ville. La ville est le lieu de rencontres, de (re)naissance et de conflits des identités. La ville de Hanoï n’est pas une exception, elle est par conséquent un espace dans lequel les acteurs sociaux définissent et montrent leur identité aux « autres ». Et c’est dans la confrontation des identités dont ils sont porteurs que les habitants de Hanoï définissent et expriment leur identité. Pourtant, les contacts, les confrontations voire les conflits des identités d’une ville ne provoquent pas systématiquement l’exclusion de telle ou telle identité et l’identité hanoïenne n’est pas non plus une addition de toutes les identités existantes dans la ville. La ville conduit ses habitants à adopter des « codes de la ville », une identité leur permettant de s’identifier et d’être identifiés comme habitants de la ville tout en leur permettant d’être eux-mêmes différents « des autres ». Le processus de la construction d’identité est certes complexe. L’identité ne peut exister sans l’altérité. L’identité urbaine (ici hanoïenne) est de fait construite par et dans les deux processus contradictoires de l’identification et de la différenciation. Cette identité est reflétée dans la langue. Elle est mise en mots à la fois par ceux qui y habitent et par ceux qui y effectuent un passage. 57 Lorsque l’individu exprime son attachement ou au contraire son retrait vis-à-vis des langues / parlers dont il se déclare être locuteur ou non, il affirme son statut social et son identité. Nous sommes de l’avis de Thierry Bulot et Nicolas Tsekos affirmant que l’identité urbaine est évaluée en fonction de la façon de parler des personnes et en rapport avec le territoire que les gens occupent dans l’espace urbain (Bulot et Tsekos, 1999). Dans le cas de Hanoï, la présence de langues différentes (des parlers, des façons de parlers différents) des habitants de la ville (ceux qui sont nés et/ou venus d’ailleurs, ceux qui sont nés à Hanoï) amène à une confrontation symbolique qui conduit à une sorte de hiérarchisation sociale qui est fonction des sentiments et des attitudes épilinguistiques des habitants de la ville. À notre demande de définir une personne hanoïenne, nos enquêtés ont donné plusieurs désignations non exclusives les unes des autres : « c’est une personne née et qui a grandi à Hanoï » ; « être né et habiter à Hanoï » ; « la famille habite à Hanoï depuis des générations » ; « une personne cultivée, intellectuelle, riche, polie … » ; « une personne citadine élégante » ; « une personne respectant les valeurs traditionnelles » ; « une personne qui se comporte bien » ; « ils parlent doucement » ; « ils parlent le hanoïen »… D’un point de vue général, nos enquêtés définissent une personne hanoïenne en se basant sur trois critères : a) l’origine de la personne et la durée de résidence de la famille à Hanoï ; b) les qualités humaines et c) sa façon de parler. Le premier critère semble très important car la plupart des enquêtés en parlent quand nous leur demandons de définir une personne hanoïenne. Pour eux, une personne hanoïenne doit être d’abord quelqu’un qui est né et qui a grandi à Hanoï. Et puisque nos enquêtés tiennent les discours affirmant que les arrondissements intérieurs sont le lieu qui représente le mieux Hanoï et quand on parle de Hanoï, on pense tout de suite aux vieux quartiers du centre de la ville, l’image d’une personne hanoïenne renvoie à ceux qui sont d’origine hanoïenne et habitent dans le centre ville. Ceux qui ne répondent pas à ce critère sont par conséquent considérés comme non Hanoïens. C’est la raison pour laquelle la plupart de nos informateurs ont catégoriquement refusé de se présenter comme Hanoïens : - quand une personne est née à Hanoï / sa famille habite à Hanoï / elle est originaire de Hanoï / mais si elle n’y habite pas / on parlera simplement d’une 58 personne originaire de Hanoï et elle n’est pas Hanoïenne / les Hanoïens doivent vivre à Hanoï(F1). - Je ne suis pas Hanoïen parce que je suis né à Nghệ An (M4). - En général quand les gens me demandent si je suis hanoïenne je ne dis pas que je suis hanoïenne parce que je suis née dans une autre ville / j’habite à Hanoï… lorsque les gens me demandent d’où je suis / je réponds en disant que j’habite à Hanoï mais que je ne suis pas hanoïenne (F4). - je ne suis pas Hanoïenne / [euh] premièrement je suis née et j’ai grandi ailleurs / deuxièmement peut-être que j’habite ici depuis assez longtemps / d’une manière générale je suis contaminée par la culture d’ici mais on ne peut pas dire que je suis hanoïenne (F5). - Non / je ne suis pas Hanoïenne […] Parce que je suis de Vĩnh Phúc / ma région n’a pas fusionné avec Hanoï / elle est simplement devenue [euh] une province voisine de Hanoï (F2). - Si je parle de l’origine / moi je ne suis pas hanoïenne / c’est simplement que mes parents habitent ici et que je suis née ici / mon père est originaire de Nam Định / il est venu ici faire des études et est resté ici depuis / moi je ne suis pas hanoïenne de souche / je suis née et j’ai grandi ici tout simplement (F6). Selon nos informateurs, les gens ne se présentent pas comme Hanoïens, non seulement parce qu’ils ne sont pas nés à Hanoï mais encore parce que pour eux, le deuxième critère concernant les qualités humaines est décisif : Non je ne suis pas Hanoïenne / parce que premièrement je ne suis pas née ici / et deuxièmement mes caractères ne conviennent pas aux critères que j’ai déterminés chez les Hanoïens / c’est pourquoi je ne suis pas Hanoïenne (F3). L’incarnation de l’identité hanoïenne renvoie à ceux qui ont des caractéristiques propres aux Hanoïens, des comportements différents : ils sont plus doux / plus fermés / ils ne sont pas agités / ils ont quelque chose de très particulier (F6). 59 Les analyses montrent aussi que dans les représentations de nos étudiants, être Hanoïen signifie être Hanoïen de souche : avoir des qualités humaines, respecter la culture de mille ans de Hanoï, les traditions familiales hanoïennes et celles du peuple vietnamien : - Une personne hanoïenne de souche c’est quelqu’un qui respecte toujours tout ce qui est ancien et traditionnel / ce sont des gens qui se comportent doucement et poliment comme les Hanoïens d’autrefois / ils défendent tout ce qui a trait à la tradition familiale / ils respectent les valeurs traditionnelles / ils ont la nostalgie de la tradition (F3). - Les Hanoïens de souche […] doivent avoir des caractéristiques propres aux Hanoïens / par exemple leur façon de vivre / de se comporter / ils doivent connaître les coutumes traditionnelles des Hanoïens qu’aujourd’hui ils respectent toujours […] par exemple les femmes dans la famille doivent savoir faire des plats traditionnels lors des fêtes traditionnelles et au Têt / [euh] de génération en génération elles apprennent aux enfants et aux petits-enfants à préparer ces plats des Hanoïens / pendant le Têt et aux autres fêtes traditionnelles les gens pratiquent le culte des ancêtres à la manière des Hanoïens d’autrefois / ils gardent toujours leur façon de manger d’autrefois par exemple (F6). Être Hanoïen, selon la majorité de nos informateurs et enquêtés c’est encore avoir la façon de parler des Hanoïens : doucement, gentiment, poliment. Nos informateurs affirment que les Hanoïens ont leur propre parler, différent des autres provinces. Cette différence, selon F3 est évidente parce que « des régions différentes ont évidemment des différences / Hanoï est aussi une province donc c’est naturel que le parler hanoïen soit différent de celui des autres provinces / par exemple je suis venue d’une autre province j’ai naturellement une prononciation différente par rapport aux autres / lorsque l’on est d’une autre province ou d’un autre lieu le parler sera différent » (F3). Pendant les entretiens et à plusieurs reprises, nous avons remarqué que nos informateurs avaient cherché des raisons à leur réponse « dans les livres » ou dans les discours « des autres ». Autrement dit, leur discours est conditionné par le discours dominant, le discours littéraire, médiatique valorisant l’identité hanoïenne : 60 - J’ai lu beaucoup de livres littéraires qui parlent de Hanoï selon lesquels on dit que les Hanoïens sont depuis toujours des gens civilisés et élégants […] dans les livres on dit que les Hanoïens de souche sont des gens qui vivent calmement / ce sont des gens civilisés / élégants (M2). - À travers la lecture je suis persuadé que les Hanoïens doivent être des gens civilisés / élégants / ils sont toujours calmes / patients / ils sont toujours modérés dans les relations et les comportements entre eux (M3). 3.3. Le parler hanoïen mis en mots Tout en affirmant que les Hanoïens ont une prononciation différente et en appréciant « la douceur » dans la façon de parler des Hanoïens, nos informateurs reconnaissent des « défauts » du parler hanoïen en insistant sur le fait que « la prononciation des Hanoïens n’est pas conforme à la norme ». - si on parle d’un accent standard / l’accent hanoïen n’est pas standard / les Hanoïens ne prononcent pas toujours bien selon les règles de prononciation décrites dans l’alphabet du vietnamien (F1). - pour quelques sons les Hanoïens ne prononcent pas correctement comme dans d’autres régions (F2). - peut-être qu’ils ne prononcent pas bien correctement […] on peut dire que leur prononciation ne se conforme pas aux normes (F3). - les Hanoïens confondent parfois des sons […] il y a des sons que les gens ici n’arrivent pas à bien prononcer (F5). Pourtant il existe un discours contestant que le hanoïen soit le standard ou la norme. Nos informateurs notent la différence dans la prononciation de certaines consonnes par les Hanoïens et celle d’un certain vocabulaire entre les Hanoïens et les gens d’ailleurs. - je ne pense pas que ce soit un parler vraiment standard, si on se base sur la dictée on trouvera qu’il n’est pas vraiment correct (F6). 61 - dire que le hanoïen est un parler standard n’est pas juste / puisque [euh] ce n’est pas quelque chose que l’on peut mesurer ou évaluer / cela dépend du point de vue de chacun / peut-être que pour ceux qui sont dans le domaine culturel ils trouveront que l’accent de Hanoï est beau / pourtant ce n’est pas sûr que les gens du Sud soient du même avis / s’ils entendent les gens du Nord parler ils trouveront peut-être que c’est très difficile à entendre / tout comme les gens du Nord disent qu’ils n’arrivent pas à comprendre les gens du Sud en raison de leur accent / par conséquent il est impossible de dire / il ne faut pas dire que c’est un accent standard (F1). - en ce qui concerne les normes je pense qu’il ne faut pas considérer le hanoïen comme norme […] il ne faut pas imposer une norme aux gens originaires d’ailleurs ni aux autres ethnies / je pense qu’il ne faut imposer aucune norme (F3). Mais même si la plupart des informateurs citent des « erreurs phonétiques » des Hanoïens, ils sont d’accord pour dire que c’est un parler « agréable à entendre », « plus agréable que celui des gens d’autres provinces » : - personnellement je trouve que l’accent de quelques Hanoïens est vraiment particulier / c’est [rire] un bon accent très agréable (F1). - j’ai eu des contacts avec des Hanoïens de souche / et je trouve qu’ils parlent doucement […] ils ont des prononciations différentes […] c’est assez agréable à entendre et il y a une mélodie montante et descendante assez fascinante (F3). - je pense que les Hanoïens ont leur façon de parler […] dans leur accent et dans leur voix on trouve quelque chose de léger et d’agréable à entendre (F6). L’acceptation, voire l’appréciation des « erreurs phonétiques » des Hanoïens contribuent à renforcer le discours valorisant le hanoïen et dévalorisant les autres parlers. Nos informateurs affirment que les « autres » parlent « plus vite » avec un « lourd accent », « difficile à comprendre » : 62 - je pense que les Hanoïens prononcent bien / leur prononciation est très bonne / ce n’est pas comme les habitants d’autres régions / quand ils parlent on a du mal à comprendre (M1). - je pense qu’ils parlent lentement / pas trop vite comme dans d’autres provinces dont la mienne (M2). - le parler hanoïen a des traits différents des parlers d’autres régions / il est considéré comme un parler standard / les Hanoïens parlent doucement / poliment / pas trop fort ni trop bas / le parler hanoïen n’a pas de mots des provinces / pas de confusions des lettres / pas de bégaiements (F2). Lors de l’enquête par questionnaire, à notre question : « Pensez-vous que le hanoïen est un parler standard ? », nos enquêtés sont nombreux à répondre par l’affirmative. Seul EQ-10 affirme que « le hanoïen n’est pas le vietnamien standard » (EQ-10). Les informateurs qui disent qu’« il est juste de décider que le hanoïen est un parler standard » expliquent que « c’est mieux quand tout le monde utilise les mêmes mots et les mêmes sens dans les dictionnaires que d’utiliser des parlers différents ». Selon eux, le hanoïen est un parler standard parce que les Hanoïens ont une « bonne prononciation » et qu’ils utilisent « le parler des médias » avec « des mots dans les dictionnaires » : - le hanoïen est un parler standard / d’abord [euh] parce que la prononciation des Hanoïens est bonne / il n’y a ni confusion ni bégaiement / puis ils parlent doucement (F2) - d’abord les Hanoïens ont un parler facile à comprendre / puis ils utilisent un lexique standard / standard selon le dictionnaire vietnamien / il n’y a pas de mots régionaux (M1). - je pense que l’on a raison / pour la prononciation et [euh] le sens de la verbalisation je pense que les Hanoïens ont un parler standard (F4). Nos informateurs donnent une autre raison pour expliquer que le hanoïen « mérite d’être un parler standard » : Hanoï est la capitale et le hanoïen est le « parler choisi » auquel on a décidé 63 d’accorder le statut « standard » et ce, même si « le parler hanoïen n’est probablement pas le parler standard » et malgré des « erreurs sur le plan linguistique et phonétique » commises par ses locuteurs : - Au point de vue administratif / si on dit que le parler de la capitale est le parler standard / je suis d’accord avec cette idée […] c’est le standard du point de vue administratif tout simplement (F5). - personnellement je suis de cet avis / parce que Hanoï est de toute manière la capitale / et je pense que la capitale doit être quelque chose de standard / il faut être standard pour devenir capitale (M3). Le hanoïen est donc « choisi » parce qu’il a le statut du parler de la capitale. Il est le parler des médias : « le hanoïen est bien le parler utilisé à la télé et dans les médias » (M3) ; le parler utilisé à l’école : « il est choisi comme parler scolaire » (M4) et le parler standard dans le discours quotidien : « lorsque les gens d’autres régions viennent à Hanoï et parlent avec les Hanoïens ils confirment tous que c’est le parler standard / car ce parler est utilisé à la Voix du Vietnam / dans tous les médias / c’est pourquoi c’est le parler standard du pays » (M2). Le statut « choisi » du parler hanoïen fait que toute différence avec les autres parlers devient non standard : ne pas prononcer comme les Hanoïens signifie avoir une prononciation incorrecte ou confondre les sons, ne pas parler à la manière hanoïenne signifie avoir un accent très lourd, une façon de parler difficile à comprendre, ne pas utiliser les mots à la façon hanoïenne signifie utiliser un vocabulaire régional. Nos informateurs tiennent le discours affirmant que les Hanoïens utilisent un « vocabulaire standard comme dans le dictionnaire du vietnamien ». Ils apprécient le fait que les Hanoïens parlent doucement. Par conséquent, ils disent que les habitants d’autres provinces et surtout ceux du Centre du Vietnam ont un « accent lourd » et que cela crée « des inconvénients » pour les locuteurs d’autres parlers et « des sentiments désagréables » pour les locuteurs du hanoïen lorsque ces personnes sont en communication. Ce type de discours valorise sans aucun doute le hanoïen, mais il fait aussi de ce parler un élément de distinction identitaire voire un facteur de stigmatisation identitaire. 64 3.4. Hanoï : identité et espace de référence Les discours sur le parler et l’identité hanoïens valorisent voire survalorisent l’identité hanoïenne et dévalorisent en même temps l’identité non hanoïenne. Les résultats de l’enquête par questionnaire montrent que nos enquêtés considèrent que les non Hanoïens « ne connaissent pas bien Hanoï » et « ne peuvent pas exprimer les beautés traditionnelles des Hanoïens ». Plusieurs enquêtés affirment qu’une personne non hanoïenne est une personne qui n’est pas dynamique ni élégante ; une personne qui n’a pas un bon comportement, qui ne sait pas se comporter convenablement ou qui se comporte mal ou cruellement avec les autres ; une personne qui a une mauvaise façon de vivre (avoir une vie en désordre, jeter les ordures partout)… Nos informateurs tiennent aussi le type de discours discriminant rejetant l’identité non hanoïenne à l’extrémité où tout est mauvais : Je pense que les mauvaises images qu’on a de Hanoï sont à cause des gens d’ailleurs / des gens originaires des provinces ou des gens qui ne sont pas hanoïens de souche et ce n’est pas à cause des Hanoïens de souche / il est certains que parmi les Hanoïens de souche il y a aussi de mauvaises personnes / mais je pense que ces personnes ne représentent qu’un très faible pourcentage (M4). Ce genre de discours, produit des processus contradictoires de l’identification et de la différenciation, amène à des confrontations, à des conflits identitaires en ville et participe à hiérarchiser socialement les habitants de la ville. C’est une des raisons pour lesquelles nos informateurs expriment à la fois une distance et un attachement à l’identité hanoïenne. Distance parce que selon nos informateurs, cette population ne représente qu’une minorité et que Hanoï ainsi que ses habitants ont changé. - Avant / à Hanoï il n’y avait que les habitants de la ville / les Hanoïens de souche / mais maintenant des gens de partout viennent y habiter (F4). - Depuis longtemps il y a les Hanoïens de souche qui y habitent depuis plusieurs générations / ils font partie des Hanoïens / et maintenant beaucoup de jeunes et de travailleurs viennent gagner leur vie à Hanoï / il y a aussi beaucoup d’intellectuels et de commerçants / [euh] les étudiants sont les plus nombreux / et puis / après la saison 65 des récoltes une partie des agriculteurs viennent y chercher du travail / en fait à Hanoï il y a plusieurs classes sociales qui y vivent (M2). - Les Hanoïens d’aujourd’hui sont pour la plupart des gens originaires des provinces voisines et fusionnées / ils ont des empreintes régionales / ils n’ont pas la façon de vivre des Hanoïens de souche (F2). - Les Hanoïens d’aujourd’hui sont venus de toutes les régions / ils viennent vivre et travailler à Hanoï / ils ont quelque chose de plus trépidant / quelque chose qui rend cette ville plus animée mais qui en même temps fait que cette ville perd ce côté ancien qui fait son charme (F3). Attachement parce que l’identité de référence hanoïenne est attribuée aux Hanoïens de souche considérés comme les gardiens de la culture et de l’identité de Hanoï, à ceux qui habitent dans les vieux quartiers, dans les lieux qui représentent un style de vie d’autrefois : - Maintenant il y a peut-être des vieux qui habitent dans les lieux peu peuplés ou dans des lieux très peuplés aussi / mais ces lieux-là représentent toujours un style de vie d’autrefois / dans les vieux quartiers par exemple / je crois que ces gens-là sont Hanoïens de souche (M3). - À mon avis / la culture et la façon de vivre des Hanoïens sont le mieux représentées dans les environs du lac de l’Épée restituée / de leur façon de s’habiller à leur façon de dépenser de l’argent / de leur apparence à leurs comportements quotidiens / tout s’y exprime / et on peut certainement y rencontrer les Hanoïens » (M2). Les analyses des discours épilinguistiques et topologiques montrent que l’incarnation de l’identité hanoïenne renvoie à une modélisation de l’espace marquée par la présence d’une population respectueuse des valeurs confucéennes : les personnes qui représentent le mieux l’identité hanoïenne sont des personnes âgées considérées comme gardiennes des traditions culturelles. Ce sont les « vieux1 » habitant dans le centre-ville, dans les vieux quartiers. 1 Pour les Vietnamiens, ce terme n’a pas d’aspect péjoratif dans son usage sociolinguistique. 66 - « En général nous pouvons rencontrer ces vieux Hanoïens dans les vieux quartiers de Hanoï où ils habitent » (F2). - « les vieux je les vois souvent dans les arrondissements de Ba Đình /de Hoàn Kiếm / de Tây Hồ1 » (F6). - « Moi je les rencontre le plus souvent au Petit Lac2 ou dans les parcs / beaucoup de vieux font du Tai Chi Chuan dans les parcs / ils y sont plus nombreux que dans les environs » (M2). Conclusion La mise en mots de l’identité de référence du parler de la capitale catégorise non seulement les lieux de ville en valorisant ce centre de référence associé à une population-modèle, mais valorise aussi son parler, considéré comme « de référence » ou « la norme ». La valorisation via les discours de l’espace central, de l’identité linguistique rejette donc tout autre parler et identité hors du centre-ville. Ce genre de discours participe certes à créer et creuser des discriminations et hiérarchisations sociales. Nous pouvons dire que par le mécanisme de la centralité urbaine, ce type de discours (la langue), traversant l’espace urbain de la ville, se cristallise par les pratiques linguistiques/langagières des habitants de la ville (ceux qui se présentent comme Hanoïens et locuteurs du parler de Hanoï, comme ceux qui ne se présentent pas en tant que tels), et à son tour a des influences sur la ville et ses habitants. Ces derniers attribuent à l’espace des caractéristiques linguistiques / langagières qui font sens pour leur identité, à travers leur langue et leur façon de parler. Ils contribuent par conséquent à renforcer ce type de discours et participent en même temps à la production des formations socio-spatiales de la ville. Dans ce sens, la ville est de fait « un espace praxique où les discours, bien qu’ils ne soient pas la réalité, mais parce qu’ils constituent le seul accès au réel, finissent par devenir le réel » (Bulot, 2008). 1 Ce sont les arrondissements intérieurs de Hanoï. Le Petit lac, appelé aussi Le lac de Hoàn Kiếm (qui signifie le lac de l’Epée restituée) se trouve dans l’arrondissement du même nom et qui est un des arrondissements intérieurs de Hanoï. 2 67 Notre étude du contexte urbain de Hanoï, en abordant la ville par les discours qui la sous-tendent, et en prenant en compte la prégnance de la spatialité urbanisée, permet de valider l’affirmation de Thierry Bulot pour qui « la ville est donc une matrice discursive. Elle fonde, gère et normalise des régularités plus ou moins consciemment éllicitées, vécues ou perçues par ses divers acteurs ; régularités sans doute autant macro-structurelles (entre autres l’organisation sociale de l’espace) que plus spécifiquement linguistiques et langagières » (Bulot, 2008). 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DANG Thi Thanh Thuy et BULOT Thierry, 2015, « Sociolinguistique, urbanité(s) langagière(s) et mobilité(s) : Hanoï ou la circulation des normes », dans SY Kalidou (Dir.), Logiques de l’hétérogène. Langages de ville et production de singularités, GRADIS 1, Université Gaston Berger de Saint-Louis, Saint-Louis du Sénégal, 23-40. DANG Thi Thanh Thuy, (2015), Discours épilinguistique et urbanité. Hanoï, une ville sociolinguistiquement singulière ?, Discipline sciences du langage, Université Rennes 2, Thèse de Doctorat. LAMIZET Bernard, (2008), « La ville, un espace de confrontation des identités », La_Revue, n02, http://www.lrdb.fr/articles.php?lng=fr&pg=884, mis en ligne en février 2008. PAPIN Philippe, (2001), Histoire de Hanoï, Paris, Fayard, 404 pages 69 Dynamique et changement des phénomènes migratoires et des pratiques langagières dans l’espace de la mobilité virtuelle Hesna SEBIANE Université de Tlemcen Résumé Dans notre contribution, nous tenterons de comprendre l’impact des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) sur les pratiques langagières et migratoires dans une mobilité virtuelle. En effet, les changements linguistiques, émergés à l’essor des nouveaux modes de communication informatisée, sont reconfigurés et de nouveaux contacts langagiers y sont fusionnés dans des sphères géographiquement éloignées. Notre objectif étant d’observer et de décrire les nouvelles pratiques langagières saillantes de la communication médiée par ordinateur au cours d’une mobilité virtuelle, nous voulons rendre compte de la façon dont est (co)construite la mobilité langagière (Van Den Avenne, 2005). Dans ce cadre, nous analysons des échanges synchrones écrits (notamment des conversations instantanées sur Facebook) où les internautes algériens et descendants de l’immigration algérienne en France mettent en contact leur répertoire linguistique pour les mêler à d’autres codes verbaux et non-verbauxen vue de se faire comprendre et d’établir des relations sociales. Cette analyse nous permet de montrer comment la communication médiée par ordinateur peut jouer le rôle de médiateur linguistique entre les internautes bi-plurilingues et contribue au développement de leurs compétences langagières tout en se constituant en tant qu’espace de mobilité virtuelle favorisantpar-là, la mobilité langagière. Abstract In our contribution, we will try to understandthe impact of Information and Communication Technologies (ICT) on language and migration practices in virtual mobility. Indeed, language changes emerged in the development of new methods of computer communication, are reconfigured and new language contacts are merged in geographically remote areas. Our objective is to observe and describe new prominent language practices of computer mediated communication in a virtual mobility, we realize how is (co) constructed a linguistic mobility (Van Den Avenne, 2005). In this context, we analyze the writings synchronous exchanges 70 (including instant conversations on Facebook), Where Algerian Internet users and descendants of Algerian immigration to France put their linguistic repertory to combine them with other verbal and non-verbal codes in order to make themselves understood and to establish social relations. This analysis allows us to show how the computer mediated communication can act as linguistic mediator between users (bi) multilingual and contributein the developmentof their language skills, while building as an area of virtual mobility, thereby promoting language mobility. Introduction L’usage massif des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) contribue à de nouvelles pratiques migratoire, des modes de mobilités contemporaines permettant ainsi aux langues, par-delà les frontières, de se rencontrer et d’entrer en contact. Nous assistons à une dynamique linguistique générée par les révolutions récentes des phénomènes migratoires, survenue dans la foulée des nouveaux modes de communication médiée par la technologie. En effet, cette forme de communication tout azimut représente un attrait pour de nombreux linguistes comme les travaux de Herring (1999), Mondada (1999), Anis (2002), Atifi (2007), Marcoccia & Atifi (2006), Marcoccia (2010), Pierozak (2010),pour ne citer que ceux-là. De même, cet espace « déterritorialisé », « sans frontières » (Chardenet, 2009) se caractérise par des pratiques bi-plurilingues dans lequel des communautés diasporiques développent tendanciellement une « culture du lien » (Diminescu, 2002 : 6)avec le pays d’origine, dans une mobilité relativement virtuelle. Toujours est-il, cette mobilité, dite « virtuelle », constitue un espace d’échanges synchrones (chat, messagerie instantanée) et/ou asynchrone (blog, courrier électronique), n’impliquant toutefois pas de coprésence physique. Cette forme de mobilité, contribue tout comme la mobilité spatiale, au développement des pratiques plurilinguistiques dans la mesure où les langues sont reconfigurées, suscitant autant de ressources, de nouveaux codes et de nouvelles façons d’écrire. De fait, nous nous proposons à partir de cette contribution d’observer des espaces d’échanges des communautés diasporiques algériennes, précisément des échanges synchrones entre internautes algériens et les descendants1de l’immigration algérienne en France afin d’étudier les nouvelles pratiques langagières proéminentes au cours d’une mobilité virtuelle, en termes d’influences subies et d’influences exercées. 1 Les descendants de l’immigration algérienne en France représentent une situation à part entière, dans la mesure où ils se retrouvent au carrefour de deux langues et deux cultures (à savoir, le français et l’arabe algérien). 71 Nous inscrivons cette étude dans le champ de l’analyse de la sociolinguistique interactionnelle (Gumperz, 1989) pour nous interroger sur ce qui ressort de la communication médiée par ordinateur (Herring, 1999). Cette approche nous permet, d’abord de réfléchir sur la façon dont les interlocuteurs utilisent les langues et les variétés de langues au cours de ces échanges en ligne, mais aussi de voir comment les échanges entre des internautes ne pratiquant pas les langues1 qui leur servent de moyen de communication de la même manière et n’ayant les mêmes rapports à ces langues. En outre, on se donne comme objectif dans cet article de décrire les différents phénomènes langagiers mobilisés à partir de l’examen des conversations écrites synchrones, et ce pour rendre compte de la façon dont se co-construit le code qui renseigne sur la mobilité langagière dans un espace virtuel. Il ne s’agira pas d’apporter une nouvelle définition à la notion de mobilité linguistique, déjà définie dans les travaux de certains linguistes (Van Den Avenne, 2005 ; Veltman, 1997)2 mais plutôt d’analyser les conséquences des contacts de langues qui se produisent dans ce type d’interaction et de conceptualiser le rôle des TIC dans le maintien et l’amélioration des répertoires linguistiques des internautes algériens issus ou non de l’immigration dans un espace de mobilité virtuelle. De ce fait, notre hypothèse est que la mobilité virtuelle favorise la mise en contact des langues écrites/langues parlées par les internautes et permet a posteriori, la mobilisation de ressources linguistiques et non-linguistiques originales. De fait, la communication médiée par ordinateur privilégie les alternances codiques et les formes néo-codées et participe par-là, au développement du répertoire linguistique des internautes bi-plurilingues et génère un usage commun d’un code comme marque du pluralisme linguistique. A cet effet, il convient de se demander si la mobilisation d’éléments de plusieurs langues dans une situation de contact en ligne fait-elle évoluer les compétences langagières des internautes. Par quoi sont caractérisées les pratiques langagières des internautes dans une mobilité virtuelle ? Quelles sont les raisons qui poussent les participants à employer des alternances codiques dans une conversation en ligne ? Ya-t-il des langues privilégiées plus que d’autres dans cet espace de mobilité ? Quelles sont les conséquences linguistiques de nouvelle forme de mise en contact des langues ? 1 Nous nous référons ici au français et à l’arabe algérien. Nous avons retrouvé la notion de mobilité linguistique dans le dictionnaire de sociolinguistique édité par Moreau (1997), qui renvoie au même concept que celle d’assimilation linguistique (Veltman 1997 : 2012), tandis que Van Den Avenne (2005) apporte une conception plus large à la mobilité linguistique pour l’exposer en tant que processus constitutif de constructions linguistique et identitaire complexes des locuteurs pris dans diverses situations de pratiques socio-culturelles. 2 72 1- Corpus et méthodologie Le corpus sur lequel repose cette étude concerne des échanges entre internautes algériens et les descendants de l’immigration algérienne en France en situation de mobilité virtuelle. Nous avons donc procédé par un enregistrement des données conversationnelles à partir de l’historique de la messagerie instantanée du réseau social Facebook. En fait, nous avons conformément cherché à obtenir chez les différents participants, des enregistrements de l’historique de leurs conversations avec des internautes algériens issus de l’immigration (des amis ou de la famille immigrants en France), que nous avons ensuite sauvegardé dans 12 fichiers Word de tailles variables, enregistrés entre 2012 et 2014. A fortiori, le chercheur n’est pas confronté au « paradoxe de l’observateur » au sens de Labov (1976), au contraire il peut être pratiquement certain d’avoir recueilli un corpus authentique, non influencé et donc représentatif de la pratique spontanée des interlocuteurs, de cette manière on peut avoir « accès à la façon dont les gens se servent du langage quand on ne les observe pas » (Labov, 1976, cité par Pierozak, 2010 : 25). En effet, on a réussi à réunir 12 paires constituées de 46 conversations d’internautes algériens et descendants de l’immigration algérienne en France –découpées en fonction de la date à laquelle elles ont été réalisées et dans l’ordre de leur envoi –, composées de 1066 « tours d’écriture »1. Les internautes de notre corpus, de sexes féminin et masculin2, se situent dans une tranche d’âge entre 20 et 30 ans, auxquels on a attribué un code, en raison du caractère privé de la messagerie instantanée. Nous avons donc eu recours aux initiales des pseudonymes de chaque internaute, notamment de la catégorie socio-culturelle, « i » pour les internautes descendants de l’immigration algérienne en France et « ni » pour les internautes algériens non-immigré, comme l’exemple d’une paire de notre corpus : [iAF – niFT]. Notre méthodologie s’inscrit dans le champ de la sociolinguistique interactionnelle (Gumperz, 1989)qui traite de la communication médiée par ordinateur. A ce propos, la messagerie 1 La communication synchrone se rapproche, éventuellement de la communication face à face, dans la mesure où elle se fonde sur l’alternance des rôles d’émetteur et de récepteur. Ceci dit, la notion de tour de parole propre à la conversation où deux locuteurs interagissent pour construire ensemble une interaction peut être appliquée à notre corpus. En effet, la messagerie instantanée, de nature dialogale, se réalise à partir de l’alternance des « tours d’écriture », décalés dans le temps et dans l’espace. 2 Dans le cas de cette étude nous n’avons pas pris en compte la variable sociale, sexe, car nous n’avons pas repérer de distinction entre les conversations des internautes de sexe masculin et celui de sexe féminin dans les éléments à analyser, c’est pourquoi nous avons jugé cette variable non-pertinente pour l’analyse des pratiques langagières des internautes étudiés. 73 instantanée assure l’archivage des messages et « offre des possibilités méthodologiques intéressantes, dans la mesure où elle permet l’engagement prolongé et l’observation persistante » (Marcoccia, 2011 : 58), c’est pourquoi nous procédons en deux temps. La première étape repose sur une observation persistante (Atifi & Marcoccia, 2006) qui consiste à examiner de près les conversations recueillies, enregistrées à partir de l’historique de la messagerie instantanée de Facebook et regroupées dans une même arborescence afin de valider la représentativité du corpus. La seconde étape relève de l’analyse conversationnelle, fondée sur l’organisation du système d’alternance des tours d’écriture,qui nous permet de repérer les éléments pertinents à analyser. Le corpus ainsi collecté nous permet d’étudier quelques exemples de pratiques et de mise en contacts des langues produites lors des échanges synchrones par des internautes en mobilité, appartenant à des sphères socio-culturelles différentes. 2- De nouvelles pratiques langagières à l’œuvre Le contexte sociolinguistique algérien est incontestablement plurilingue, du fait des mobilités des différents peuples, civilisations et colonisations qui ont marqué l’Histoire de l’Algérie. Il se caractérise par la coexistence de plusieurs langues et/ou variétés de langues : l’arabe algérien comme langue maternelle des locuteurs algériens et outil de communication de la vie quotidienne ; le berbère représente également la langue maternelle des berbérophones et est employée par une minorité linguistique des usagers qui la parlent 1 ; l’arabe classique demeure une langue réservée à la religion, à l’administration et aux institutions formelles ; enfin, les langues étrangères, comprenant principalement le français, qui conserve une place importante au sein de la société, et l’anglais et l’espagnol dont l’usage reste encore faible. Les locuteurs algériens sont désormais confrontés à une pluralité des langues et des variétés de langues en présence, tendanciellement métissées et alternées, essentiellement de l’arabe et du français et correspondant à une situation de communication bi-plurilingue. Toutefois, cette situation linguistique complexifie les pratiques langagières des locuteurs algériens en général et celles des descendants de l’immigration en particulier du fait de l’asymétrie croisée des répertoires (Ali-Bencherif, 2009). Plusieurs travaux en sociolinguistique ont porté un intérêt particulier aux pratiques langagières des populations maghrébines immigrées 1 Dans notre corpus, nous n’avons pas rencontré la langue berbère. 74 ou issues de l’immigration, dans des situations de communication « ordinaire » au sein de la société française (Billiez, 1985 ; Deprez, 1991 ; Melliani, 1999 ; Ali-Bencherif, 2009) 1 . Ces recherches ont montré que le contact de la langue se rapportant à la culture d’origine/d’appartenance des parents et celui de la langue d’accueil/de résidence développe un bi-plurilinguisme et favorise « une objectivation du langage et une décentration ethnosociolinguistique » (Billiez & Trimaille, 2001 : 112). Par ailleurs, la pratique bi-plurilingue résulte des contacts d’une ou plusieurs langues de la culture d’origine reçue(s) en famille. En effet, une enquête menée en 2008 par l’Ined (Institut national d’études démographiques) et l’Insee (Institut national de la statistique et des études économiques) sur l’héritage linguistique et le plurilinguisme des descendants d’immigrés vivant en France (Condon & Régnard, 2010), a montré que la transmission de différentes langues en famille et leur niveau de maîtrise ne constitue aucun obstacle à l’intégration dans la société d’accueil, de façon à considérer cette pratique bi-plurilingue comme une ressource potentiellement mobilisable, qui tend à favoriser le développement des attitudes d’ouverture à la diversité linguistique et culturelle. Compte tenu de la situation sociolinguistique en Algérie et, a posteriori, de la présence du français en Algérie et celle de l’arabe dialectal en France, les locuteurs algériens et descendants d’immigrés se particularisent par des pratiques bi-plurilingues, impliquant un répertoire linguistique partagé entre l’arabe et le français, et entraînent par-là à des alternances codiques régulières. 2-1 Choix et négociation des langues dans l’espace de la mobilité virtuelle Si la situation de communication socio-langagière en Algérie est marquée par la coexistence et le contact de plusieurs langues et, par extension, d’un bi-plurilinguisme, les situations de communication médiée par ordinateur n’en font pas l’exception. En effet, les TIC jouent le rôle de médiateurs linguistiques (Chardenet, 2005 : 237) et stimulent de part et d’autres l’usage des langues étrangères et davantage celui des langues maternelles/d’origine et/ou minorées. A ce propos, Calvet (2002) remarque que l’anglais, langue dominante sur Internet, subit une baisse lente de son utilisation pour laisser place aux langues supranationales, ainsi qu’à d’autres langues plus ou moins minoritaires. Seulement, le problème qui se pose est lié au système orthographique 1 Les pratiques langagières en contexte migratoire n’ont pas manqué d’attirer l’attention de nombreux linguistes et ont fait l’objet de plusieurs travaux que nous n’avons pas cité supra. 75 des langues et leur respect fluctuants sur Internet, conservant ces langues à des fonctions grégaires. Par ailleurs, la mobilité virtuelle implique la gestion des langues (Melo & Araùjo e Sà 2008 : 122) que chaque internaute met en œuvre dès les premiers échanges où chacun choisit une ou plusieurs langue(s) pour communiquer et interagir à partir des compétences linguistiques propres à lui et des représentations des compétences de l’autre (Chardenet, 2005 : 240), en s’appuyant sur la localisation, la reconnaissance du nom ou du pseudonyme et la relation entretenue (amis, famille ou personne étrangère), comme dans les extraits suivants : Extrait (1) niFT : tu c parler un peux arab iAF : Non Je vais comprendre un peu Des mots rien de plus iAF : la, maca da nach al' arabia (non je ne comprends pas l’arabe) Extrait (2) niSS: tacompre arab? (tu comprends l’arabe ?) iYCC : oui niSS : bien alore jiti la blad had el 3am (alors tu es venue au pays cette année) Extrait (3) niSS : el hmd (Dieu merci je croi tafham bien arbiya (je comprends bien la iCFM : crois que tu langue arabe) bien bien sur Nous relevons à partir des conversations de notre corpus différentes langues en usages à savoir : le français, l’arabe algérien, l’anglais et l’espagnol. Chacune de ces langues remplit des fonctions plus ou moins spécifiques dans cet espace de mobilité. D’abord, le français, langue dominante dans les échanges des internautes algériens et les descendants de l’immigration algérienne en France, constitue la langue de l’interface du réseau Facebook. En outre, l’usage prégnant de cette 76 langue est dû aux instruments émis par les dispositifs techniques permettant l’accès aux TIC sans difficultés, par le clavier « latin » des ordinateurs. L’arabe algérien est la langue la plus utilisée après le français. Malgré les contraintes technologiques, les internautes algériens et leurs interlocuteurs descendants d’immigrés vivant en France se sont appropriés les mécanismes de la communication médiée par ordinateur, en employant, à l’aide du clavier « latin », leur langue maternelle/d’appartenance pour des fonctions grégaires. Ainsi, le choix de cette langue découle de la nature conviviale et amicale de la communication en ligne (Atifi, 2007 : 40). Sans compter que l’emploi de l’arabe algérien, langue maternelle des locuteurs algériens et celle d’appartenance des locuteurs descendants de l’immigration algérienne en France, est réservée à la communication privée et informelle ; tandis que le français, langue dominante et internationale dans le cyberespace, est médiatrice de la communication formelle. Quant à l’anglais et l’espagnol, elles sont utilisées à basses proportions ; d’abord l’anglais est souvent retrouvé dans des formules de salutations telles que « hellow », « welcome », mais aussi dans une formule très fréquente dans la communication en ligne « lol » 1 et correspond au procédé graphique de la langue d’écran (que nous développerons infra) qu’imposent les nouveaux modes de communication informatisée. En revanche, l’espagnol, retrouvé dans quelques interventions, n’est employé que par les internautes algériens descendants d’immigrés en France, et ce à un faible degré, pour amplifier un message par exemple. Nous supposons que l’usage de cette langue est en rapport avec le statut (L2) qui lui est attribué en France et s’avère être enseignée à partir de la troisième année du collège. Il est ainsi question de « bi-plurilinguisme scolaire »2. Cependant, des négociations, voire des revendications, sur le choix des langues entre les internautes immigrés et les descendants de l’immigration algérienne en France sont repérées au cours des échanges. Ces négociations concernent substantiellement le français et l’arabe algérien. En outre, le choix des langues est négocié en fonction du degré de maîtrise et du répertoire verbal caractérisant chaque internaute, où il se montre faible dans une langue et fort dans l’autre. Cela 1 « laugt out loud », l’équivalent de « mort de rire » (mdr) en français.Ce choix linguistique et graphique entraîne « le contact de l’anglais et celui de la langue d’écran » (Develotte, 2005 : 159). 2 Colindéfinit le bi-plurilinguisme scolaire comme « la compétence langagièreconstruite uniquement en contexte scolaire, par le biais d'une langue étrangère qui est le vecteur de tout ou partie de la scolarisation, dans des situations dites exolingues, autrement dit lorsque la langue d'enseignement n'est pas présente dans la société environnante de l'élève. Du lieu qu'est l'école découlent à la fois des contraintes interactionnelles, et des buts communicatifs qui déterminent le type de compétence que l'on peut attendre des enfants scolarisés en enseignement bilingue » (2012 : 56). 77 dépend de leur milieu social et familial favorisant ou non l’emploi de telle ou telle langue. Voici les extraits suivants : Extrait (4):sollicitation du choix de langue (arabe dialectal) du fait des insuffisances linguistiques dans l’autre langue (français) niAB : motivation? iRB: ( طﻠﺐ ﻋﻤﻞlettre de motivation) f3emt? (tu as compris ?)1 niAB : da oui fhamt (maintenant oui j’ai compris) mais b1 rak tafham l3arbiya (tu comprends bien l’arabe) iRB : Chouft hahaha (tu as vu) Extrait (5) : revendication du choix de langue (français) du fait d’incompétence linguistique dans l’autre langue (l’arabe dialectal) niMM : iMS : niMM : bien tu parle l arabe ou francais? franxais je ne sais pas ecrir le francais ah oki aler rach mlih ghouya w bach rah mlih w yamach w khoutech kach raham w ksikso [surnom] rah yatchitan (tu vas bien mon frère et ton père va bien et ta mère et tes sœurs vont bien et ksikso fait des sottises) iMS : parle en francais niMM : toi qui ma dit tu sait pas le francais Les pratiques langagières des internautes algériens et des descendants immigrés en France sont gérées en fonction des rapports de rôle et de place qui s’établissent lors des premiers échanges de la conversation. Le choix des langues est ainsi fondé sur les déclarations (directes ou indirectes) des compétences linguistiques spécifiques à chaque internaute, à travers lesquelles des langues sont négociées, revendiquées voire parfois privilégiées et préférées à d’autres langues. Ce choix 1 Tous les messages écrits en arabe dialectal sont traduits en français et mis entre parenthèses 78 linguistique participe à la construction de l’identité discursive (Atifi, 2007 : 38) des internautes en mobilité. De même que la mobilité virtuelle se caractérise par la mobilisation des compétences linguistiques des internautes où « les choix des langues sont avérés comme une norme partagée, négociés par certains, adoptée et adaptée par d’autres, comme faisant partie de leurs habitudes communicatives dans l’univers du cyberespace » (Ali-Bencherif, 2015 : 108). 2-2 L’alternance codique : une forme qui s’apparente à celle de l’oral L’alternance codique, telle qu’elle est décrite par Gumperz est « la juxtaposition à l’intérieur d’un même échange verbal, de passage où le discours appartient à deux systèmes ou soussystèmes grammaticaux » (1989). Elle représente une stratégie communicationnelle que les internautes mettent en exergue dans leurs échanges en ligne. Ces derniers utilisent des langues, détenant ainsi des normes langagières et orthographiques, qu’ils mélangent à d’autres langues, consacrées seulement à la communication orale et non-codifiées orthographiquement (comme l’arabe algérien par exemple), avec un certain automatisme dans des alternances codiquesrégulières. Dans notre corpus, l’alternance codique remplit des fonctions communicationnelles, déterminées dans la typologie élaborée par Gumperz. A priori, le choix du passage d’une langue à une autre n’est pas fortuit, « une telle communication a d’importantes fonctions communicatives et comporte des significations qui, à bien des égards, sont semblables à celle des choix stylistiques dans les situations monolingues » (Gumperz, 1989 : 111). Nous relevons quatre fonctions des conversations analysées. a) L’interjection L’alternance codique peut-être insérée dans une intervention à l’aide d’une interjection pour exprimer un sentiment ou une émotion personnelle dans la langue choisie. Voici les deux extraits suivants : Extrait (6) niAB : iRB : win rak tkoun (où est-ce que tu te trouves ?) fdar o? (à la maison oh ?) pk? Extrait (7) iMS : si je sais sidi ahmed je par avec moi iwa(alors) la famille sa va niMM : bien cous1 et ta famaille cava 79 Le recours à l’interjection dans une langue plutôt qu’une autre profère un sentiment de mécontentement (comme dans l’extrait 6). Cependant, l’interjection est exprimée dans la langue d’appartenance (l’arabe algérien) « iwa1 la famille ça va » pour parler de sujets rattachés au pays d’origine. La fonction de l’interjection accentue les échanges en ligne et accroît la force expressive. b) La réitération La fonction de réitération est très fréquente dans les conversations des internautes de notre corpus. Un même message peut être énoncé d’abord dans une langue, puis répétée dans une autre, comme dans les extraits ci-dessous : Extrait (8) iRB : Tout va s'arranger niAB : iRB : mafhamtakch (je n’ai pas compris) Inshallah kah i tha normal (si Dieu le veut tout va s’arranger) niAB : iRB : j'ai rien compré Mat rafch(ne t’inquiètes pas), tout irga3 normalinchallah (tout redeviendra normal niAB : si Dieu le veut) no hata haja maraha normal(non il n’ya rien qui va)lol Extrait (9) niSS: yasmin bon 8layla sa3ida (bonne nuit) Nchalah (si Dieu le veut) iYCC: merci toi aussi Les internautes répètent leur message dans chaque langue (c’est-à-dire en arabe algérien puis en français ou l’inverse) en vue de clarifier ce qui a été exprimé et d’insister sur une information communiquée. Néanmoins, l’alternance codique semble être utilisée sous forme de traduction/reformulation (extrait 9) ou d’amplification d’un message. A cet égard, nous dirons 1 Cette interjection prend le sens du mot « alors ». 80 que la fonction de réitération joue un rôle fondamental dans la possibilité d’appropriation de nouvelles ressources linguistiques. c) La modalisation d’un message Il s’agit de traduire une prise de position du locuteur sur l’importance relative des informations qu’il transmet dans son message. En fait, le changement du code n’est qu’un procédé pour indiquer la valeur relative du message, comme dans les extraits suivants : Extrait (10) iAF: Cc ptite sœur j'espère que tu te porte bien, et que le ramadan se passe bien inchaAllah (si Dieu le veut) ... Nous en France c long mais subraAllah (la patience de Dieu) le temps est avec nous Il nous facilite hamdoullah (Dieu merci). Prend soin de toi ptite sœurqu'Allah (Dieu) veille sur toi... Amine (amen) Extrait (11) niAB : iRB : mafhamtnich (tu ne m’as pas compris) si mais yana zit inshallah (moi j’ai ajouté si Dieu le veut) ca vaut dire stena chouya d) (attends un peu) La fonction de personnalisation versus l’objectivation Dans le répertoire des locuteurs, certaines langues sont réservées à des faits objectifs tandis que d’autres langues sont associées à des faits subjectifs, comme dans les extraits ci-contre : Extrait (12) iNE : j'attends mon surci de l'armé en France bach ma nahsselch fle retour (pour que je niIS iNE : : ne sois pas coincé au retour) pourquoi tu dois passe larmee la bas nn mais je dois renouvelé mon surci au niveau du consulat du coup, je n'ai pas encore eu de réponse pas de l'armé en France c 81 seulement bach ki nehbet(comme ça quand je repars) l'algérie, yhasslounich (il ne me coince pas) b l'armé c tout je prends ma mes précaution Extrait (13) miAB : slt cv? iRB : oui et toi? miAB : cv hmd (si Dieu le veut) iRB : la famille? miAB : rahom mlah hadi simana machoftam (ils vont bien ça fait une semaine que je ne les ai pas vu ) iRB : ah ca va l'école? miAB : cv pas sm (semaine) trée difficile iRB : pourquoi? miAB : parce que les modules fondamontale ses le math w (et) physique chimie w (et) yana (moi) faible math lol iRB: hahaha miAB : tfou (acte de cracher) 3lik ya lahmar (espèce d’idiot) loooooooooool iRB : Hahahaha Tu veux de l'aide pour les maths? miAB : matzidch tathak 3liya (ne ris plus de moi)ou est j'ai trouvé ce l'aide? iRB: Moi miAB : oooh mzrci merci ca fais plaisir Nous remarquons à travers les extraits ci-dessus que le français est réservé à des faits objectifs, quand il s’agit d’évoquer des thèmes liés aux études, par exemple, alors que les faits subjectifs sont exprimés en arabe algérien. L’alternance codique marque ici la différence d’implication de l’internaute par rapport à son message. Dès lors, l’alternance codique apparaît, dans la communication médiée par ordinateur, comme une ressource pour la production du sens dans et par l’interaction ; elle est une manifestation 82 significative de développement des compétences bi-plurilingues. De la même manière, les internautes algériens et descendants de l’immigration algérienne en France recourent à des alternances et des mélanges de langues pour des raisons multiples et diminuent les asymétries qui jaillissent dans certains de leurs échanges (Ali-Bencherif, 2015 : 107). Par ailleurs, l’usage fréquent de l’alternance codique et par conséquent, le contact et le mélange du français et de l’arabe algérien résulte d’un contact de langue écrite (le français qui est une langue écrite, codifiée) et langue parlée (l’arabe algérien qui est une langue non-codifiée) (Develotte, 2005 : 157). Il en ressort qu’il faut penser ce contact de langue orale et écrit comme une sorte de continuum, caractérisant des internautes algériens et descendants d’immigrés en France, comme un sujet « entre-les-langues » et un « entre-les-cultures » (Chardenet, 2007 : 248). Nous pouvons ainsi dire que la mobilité virtuelle facilite et rend plus massive l’alternance et le mélange des langues, constituant par-là une langue transfrontalière. 2-3 L’alternance néo-codique : une solution qui se donne à l’écran ? Compte tenu de la variable communicationnelle et du cadre spatio-temporel, les internautes algériens, sont eux aussi amenés à adapter une nouvelle forme de langue métissée produite à partir d’un contact entre la technologie et la langue parlée (Develotte, 2005 : 153). Develotte fait référence à la langue d’écran par opposition aux langues naturelles, il en ressort des alternances néo-codiques caractérisées par des usages langagiers, situées entre l’oral et l’écrit et influencées entre autres par le caractère synchrone de la communication médiée par ordinateur. A la suite des travaux d’Anis (2002), nous relevons les différents contacts de langue parlée/d’écran. En s’appuyant sur la typologie des marqueurs de la cyberlangue 1, proposée par Anis (2002), le tableau suivant indique les éléments des alternances néo-codiques qui correspondent aux caractéristiques néo-graphiques et aux particularités morpho-lexicales2 : 1 Les termes de la cyberlangue apparaissent dans l’ensemble des termes qui ne sont pas présents dans le dictionnaire. 2 Les exemples cités dans ce tableau sont tirés du corpus. 83 Néographies Graphies phonétisantes1 Koi, trankil, kelle, ki, qoi, prochène, minion, manifique, té, nan, wé, chui, chai, uii, etc. Squelettes consonantiques Slt, bjr, cc, hmd (hamdoulillah/ Dieu merci), slm (salem /bonjour), cv, bzf (bezef/trop), sbh (sabah/matin), mrc (merci), etc. Syllabogrammes C (c’est), g (j’ai), ct (c’était), etc. Rébus à transfert2 Bon8 (bonne nuit), cous1 (cousin), bi1 (bien), 3ad (encore), 9atlek (elle t’a dit), 3la (sur), etc. Logogrammes A++ (à plus), 1peu, 1semaine, koul 2 (mangesen deux), etc. Paralogogrammes Lol , mdr, etc. Etirements graphiques Bieeeeeeeeeeeeeeensuuuuuuuur, nnnnnnnnnnnn, teghwiiiiiiiiiiii freroooooo, ssssssssssssiiiiiiiiiii, (tu es beau), looooool, waaaaaaaah (oui), baaaaaay, etc. Particularités morpho-lexicales Troncation Num (numéro), mob (mobile), ordi (ordinateur), cam (webcam), etc. Anglicisme/hispanismes Hellow, welcome, playoffs, cool ; bella, pedro (papa), etc. Onomatopées Mouah, waw, tfou (action de cracher), etc. Tableau : Quelques exemples des alternances néo-codiques Ce tableau montre que les internautes de notre corpus recourent constamment aux différents marqueurs de la cyberlangue, faisant intervenir de nouvelles pratiques d’écriture via écran, qui tirent leur marque de la langue parlée ; opérées ainsi au niveau de l’orthographe, le plus souvent 1 Ce procédé graphique se divise en deux sous-groupes : les réductions graphiques (elles correspondent à un abrègement en caractères) et les réductions avec variantes phonétiques (elles reprennent les mêmes caractéristiques de celui qui le précède, mais en y ajoutant des variations phonétiques). 2 Il faut noter que les internautes utilisent certains chiffres pour transcrire des sons de la langue arabe dialectale, n’ayant pas d’équivalent en langue française. Nous avons pu relever les deux sons [ ]عet [ ]قreprésentés par les chiffres [3] pour le premier son et [9] pour le second. 84 par des graphies abrégées, effectuées à travers les choix des différents procédés cités supra. Pourtant, cette langue, née des contacts des langues parlée/d’écran, entraîne une convergence entre les internautes de par son côté socialisant, mais aussi son aspect ludique et familier. Nous dirons que la mobilité virtuelle implique l’usage des langues disponibles dans ce type de communication et met en relief des langues en contact, du fait du caractère interculturel de l’interaction à distance. Conclusion En définitif, on peut dire que les nouvelles pratiques langagières des internautes algériens et descendants de l’immigration algérienne en France se caractérisent par des compétences biplurilingues, permettant ainsi la mobilisation des ressources communicatives spécifiques à chaque internaute, effectuant d’autant plus des choix de langues négociés, voire parfois revendiqués à partir des représentations des compétences linguistiques des uns et des autres. De même que la communication médiée par ordinateur stimule l’usage des alternances codiques et néo-codiques et joue le rôle de médiateur linguistique dans ce contexte de mobilité virtuelle, ce qui accroît le maintien d’une culture du lien avec le pays d’origine et contribue au développement des compétences langagières à la fois dans la/les langue(s) d’origine(s)/ d’appartenance(s) chez les internautes immigrants et dans les différentes langues étrangères présentes dans le cyberespace. A cet effet, la mise en contact des langues à la technologie (mélange et alternance des langues parlées/écrites et de la langue d’écran) apparaît comme le résultat d’une mobilité langagière des pratiques bi-plurilingues des internautes et tend à favoriser un continuum qui se co-construit au cours de l’interaction interculturelle à distance. Cet espace de mobilité virtuelle implique, en effet, la gestion et la circulation des ressources linguistiques et non-linguistiques et prend forme à travers les nouvelles pratiques langagières suscitées par la technologie. Néanmoins, si la mobilité virtuelle constitue un vecteur puissant des contacts des langues (Chardenet, 2009) et permet des représentations gravitationnelles de ces langues, selon les fonctions qu’elles remplissent dans le cyberespace (le français, langue internationale, de l’interface ;l’arabe algérien, langue périphérique, maternelle, d’origine), peut-on parler de situation diglossique dans cet espace « déterritorialisé » ? Enfin, il semble que la mobilité virtuelle œuvre à une dynamique langagière où des identités plurielles sont témoignées par les internautes projetés dans cet espace d’interaction plurilingue 85 comme des « électrons libres » (Diminescu, 2002 : 7) et se manifeste par une langue transfrontalière, contribuant par-là, à de nouvelles pratiques migratoires. Références bibliographiques ALI-BENCHERIF, M.Z. (2009) L’alternance codique arabe dialectal/français dans desconversations bilingues de locuteurs algériens immigrés/non-immigrés, Thèse de Doctorat, sous la co-direction de Boumediene BENMOUSSAT et Jacqueline BILLIEZ, Université de Tlemcen. ALI-BENCHERIF, M.Z. (2015) « Un cas de pratiques littéraciées plurilingues : le clavardage des jeunes internautes algériens » in, Abdelhamid BELHADJ HACEN et Isabelle DELCAMBRE (dirs.), Littéracies et plurilinguismes. Quelles pratiques ? Quels liens ?, Paris, L’Harmattan, pp.97-120. ANIS, J. 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Notre attention s’est fixée sur ce concept car il constitue un test crucial pour la problématique des marques de la cohérence et de la pertinence. Elle cherche également à voir à quoi l’analyse des pronoms anaphoriques peut contribuer à la cohésion et l’organisation textuelle du discours journalistique algérien. Abstarct This study focuses on a theme that has spilled much ink, both in linguistics and psycholinguistics: pronominal anaphora. Our attention is fixed on this concept because it is a crucial test for the issue of brand consistency and relevance. It also seeks to see what the analysis of anaphoric pronouns can contribute to cohesion and textual organization of the Algerian journalistic discourse. Introduction L’anaphore pronominale occupe une place importante parmi les éléments d’enchaînement assurant la cohérence textuelle, c’est pourquoi elle a suscité énormément d’attention depuis plusieurs années Kleiber (1994, 2001), Corblin (1995), Apotheloz (1995). Notre étude s’assigne comme objectif de mettre en évidence les contraintes sémantiques et pragmatiques qui justifient l’emploi de l’anaphore pronominale dans la presse francophone algérienne contemporaine. Les questions auxquelles nous avons tenté d’apporter des réponses sont les suivantes : 90 - A quoi sert l’anaphore pronominale dans les pratiques langagières des journalistes algériens ? - Quelles sortes de contraintes (sémantiques et/ou pragmatiques) président à l’emploi des pronoms anaphoriques dans les faits divers du discours journalistique algérien ? Le corpus sur lequel nous avons travaillé est constitué d’un ensemble d’articles de faits divers tirés de deux journaux algériens d’expression française: le Quotidien d’Oran et El Moudjahid. Notre choix s’est porté sur ce corpus, car il présente un double intérêt. D’une part, en tant que dispositif de communication, unité pragmatique du discours dans laquelle nous relatons des événements en fonction de la situation, c’est le genre qui joue le rôle le plus important dans la construction du sens dont il nous permet d’obtenir une interprétation pragma-sémantique adéquate du phénomène de l’anaphore. D’autre part, le fait divers a pour fonction première de créer des émotions chez son lectorat et non de simplement l’informer comme le font les autres rubriques. Il joue, pour cela, sur la quotidienneté et la proximité de l’événement. En outre, le lecteur trouve dans la lecture des récits de faits divers un terrain d’expression de sa perception de la quotidienneté et de ses aspirations propres. Il y impose une part de sa subjectivité et de sa représentation des dérapages de la vie quotidienne. De plus, la répétition des événements et les grandes affaires criminelles dans un récit de fait divers met en valeur la nécessité de recourir aux procédés de reprise et particulièrement au phénomène d’anaphore. Selon Pierre Larousse (1872 : 52) : Sous cette rubrique, les journaux groupent avec art et publient régulièrement les nouvelles de toutes sortes qui courent le monde : petits scandales, accidents de voitures, crimes épouvantables, suicides d’amour, couvreur tombant d’un cinquième étage, vols à main armée, pluies de sauterelles ou de crapauds, naufrages, incendies, inondations, aventures cocasses, enlèvements mystérieux, exécutions à mort, cas d’hydrophobie, d’anthropophagie, de somnambulisme et de léthargie. Les sauvetages y entrent pour une large part, et les phénomènes de la nature y font merveille, tels que : veaux à deux têtes, crapauds âgés de quatre mille ans, jumeaux soudés par la peau du ventre, enfants à trois yeux, nains extraordinaires. Quelques recettes pour faire le beurre, guérir la rage, détruire les pucerons, conserver les confitures et enlever les taches de graisse sur toutes sortes d’étoffes s’y mêlent volontiers ; elles accompagnent à sa dernière demeure le centenaire 91 qui, bien que n’ayant jamais bu de vin ni mangé de viande, a vécu un siècle et demi, laissant après soi, deux cent soixante-treize enfants, petits-enfants et arrière-petitsenfants. 1. Les pronoms anaphoriques Nous choisissons comme point de départ la définition traditionnelle de l’anaphore telle que celleci est proposée par Oswald Ducrot( 1995 : 548): « Un segment de discours est dit anaphorique lorsqu’il fait allusion à un autre segment, bien déterminé, du même discours, sans lequel on ne saurait lui donner une interprétation (même simplement littérale) […] ». « Ceux qui usent du terme anaphore s’accordent sur plusieurs points : l’anaphore est un rapport entre des expressions linguistiques et il s’agit d’un rapport dissymétrique entre un terme, dit « anaphorique », et un antécédent ou “source”» ( Corblin, 1995 :31). Nous devons la première définition du phénomène anaphorique au grammairien grec Apollonios Dyscole (IIe siècle) qui réserve l’anaphore aux pronoms : « Il oppose ainsi les déictiques (pronoms qui renvoient à des objets) et les anaphoriques (pronoms qui renvoient à des segments de discours), montrant ainsi que la référence d’un pronom peut n’être pas une chose du monde, mais un dire » (Seriot, 1987 :147-160) Selon Claude Normand : « Le pronom anaphorique est un élément linguistique reprenant une autre forme linguistique – lexème (dit antécédent) ou proposition – énoncée précédemment et désignant un objet du monde ou un état de chose » (1998 : 155). Cependant, le principal problème que pose toute expression anaphorique est celui de l’identification ou le repérage du bon antécédent, celui-ci est appelé tantôt « anaphorisé », tantôt « source sémantique » ou même « interprétant ». Lucien Tesnière( 1965 :86-87) indique pourquoi il préfère la dénomination « source sémantique » à celle de « l’antécédent » : « Malheureusement, le terme antécédent a l’inconvénient de désigner le mot en question, non d’après sa nature, qu’on ne recherche même pas, mais d’après sa position, qui est sujette à toutes les variations que lui impose l’ordre linéaire de la chaîne parlée. » (Corblin, 1995 : 31) La dichotomie de Michel Maillard – référé/référant – est difficile à utiliser à cause de la confusion qu’on peut faire entre le référant (segment linguistique) et le référent (« ce à quoi 92 renvoie un signe linguistique dans la réalité extralinguistique, telle qu’elle est découpée par l’expérience d’un groupe humain » (Dubois & Lagane, 1973 : 415). De même, le couple anaphorisé/anaphorisant proposé par Jean Claude Milner( 1982 : 82) restreint l’aire de la référence cotextuelle à l’anaphore, en négligeant la cataphore. Denis Apothéloz (1995 :164) utilise le syntagme « précédente désignation » pour dénommer l’expression linguistique qui introduit explicitement le référent de l’anaphorique dans le discours. Le véritable antécédent ici n’est pas donc l’expression linguistique antécédente elle-même, mais la représentation conceptuelle du discours. En d’autres termes, c’est l’adresse d’une entité discursive formée par cette expression linguistique. C’est en ces termes que François Cornish (1986 :6) propose de nommer les occurrences de segments textuels qu’on a appelées souvent antécédent « le déclencheur d’antécédent (antecedent trigger) », et « antécédent » l’interprétation anaphorique. Face à ce foisonnement d’appellations et cette divergence entre les auteurs, nous pouvons relever un point commun aux uns et aux autres : par antécédent, nous entendons donc le segment du cotexte qui contribue de la façon la plus probable et dans la plus grande proportion à la saisie du référent d’un anaphorique. Alors que, l’anaphorique est l’élément linguistique qui ne peut pas être interprété référentiellement de façon non-ambigüe sans l’aide du cotexte. 2. Analyse du corpus Il nous convient de souligner que les pronoms anaphoriques participent fréquemment aux chaînes référentielles et qu’ils s’emploient de préférence dans des situations de continuité référentielle ou topicale. Nous allons donc analyser dans le détail comment l’emploi des pronoms de reprise contribue à assurer la continuité référentielle dans le discours journalistique. Les articles que nous commenterons ici pourraient passer pour des exemples types de l’effet de continuité provoquée par l’emploi du pronom anaphorique. (T1) « Un ancien employé de la mairie d’Iliten le mis en cause T. Slimane […] il y figure comme unique fils. Ces faux documents lui ont permis de se faire établir un passeport françaisil a nié les faits pour lesquels il a été poursuivi mais a déclaré que 93 suite aux menaces proférées contre lui pour sa participation aux élections de 2001, son défunt père l'a aidé à obtenir le passeport français qui lui a permis de s'enfuir en France. » (Le Quotidien d’Oran : 15/7/2010) A première vue, nous remarquons que l’antécédent masculin singulier animé humain mentionné sous la forme nominale « Un ancien employé de la mairie d’Iliten » est immédiatement redéfini sous forme nominale « le mis en cause T. Slimane ». Ce GN donne naissance à une chaîne anaphorique sur le mode de l’anaphore pronominale assurée par le pronom personnel sujet de la personne 3, il (3 fois), le pronom régime indirect lui (3fois) et régime direct l’ (1 fois). Il est à noter que le recours aux pronoms personnels anaphoriques est justifié ici par des contraintes stylistiques. D’abord, ce sont des outils privilégiés pour accéder aux référents de discours très focalisés en mémoire de travail. Ainsi, en tant que marqueurs de substitution, ils jouent des rôles importants dans la réduction du taux des désignations du thème principal. Ils ont donc une fonction esthétique fondée sur la notion d’économie qui vise l’éviction de la répétition « non-stylistique » d’un nom et d’éliminer une certaine redondance. A ce propos, Roy (1976 : 44) note que : « La plupart du temps lorsqu’on désire éviter la répétition, on a recours à ce qu’on appelle traditionnellement un pronom » (T2) «Trois pêcheursCes malheureux pêcheurs Ils ont pris la mer à partir de la plage de Beauséjourils ont tenté de remonter les filets Ils auraient été emportés par les forts courants marins prévalant dans cette zone par mauvais tempsils auraient risqué, au péril de leur vie, cette sortie en mer en bravant la forte houle avec la conviction de réussir une bonne prise dans leurs filetsils ont assez d'expérience pour savoir qu'ils s'exposaient ainsi à un grand danger en décidant cette périlleuse sortie en mer […]» (Le Quotidien d’Oran : 3-2-2011) L’antécédent principal mentionné sous la forme nominale, « Trois pêcheurs », est l’entité topicale de l’article et est aussi l’antécédent le plus important dans le texte. Les expressions référentielles qui le désignent sont en majorité des pronoms personnels de la personne 6, « ils » qui occupent de façon constante la position sujet. Notons que les pronoms personnels ne servent pas seulement à éviter la répétition, mais ils signalent que le narrateur continue de parler d’un référent déjà saillant, et qu’il va en parler en continuité avec ce qui l’a rendu saillant. A cet 94 égard, ils jouent un rôle important dans le maintien de la cohésion du texte et dans la thématisation. D’après Kleiber : « On peut voir dans le pronom il effectivement un marqueur référentiel moins coûteux que les SN « pleins » tels que noms propres, expressions définies, etc. » (1994 : 98 L’exemple (T3) présente un cas d’interposition de plusieurs référents co-présents dans la chaîne anaphorique principale : (T3) « Un groupe de malfaiteurs Les membres présumés de ce réseau au nombre de trois ont été identifiés et confondus après une plainte de l'une de leurs victimes, un commerçant auquel les mis en cause avaient déjà extorqué une importante somme d'argent dans un premier temps avant de lui réclamer une autre rançon en le menaçant de mort. Deux des trois mis en cause sont natifs de Azazga alors que leur troisième complice est originaire de Thénia (Boumerdès). Ce dernier a été arrêté en possession d'une arme à feu utilisée dans leurs attaques contre de paisibles citoyens. Ils ont été placés sous mandat de dépôt avant-hier par le parquet de Azazga[…] » (Le Quotidien d’Oran : 20/10/2011) Nous constatons que les deux antécédents en présence sont pour l’un, masculin pluriel animé humain « un groupe de malfaiteurs », et pour l’autre, masculin singulier « un commerçant ». Les deux chaînes anaphoriques s’entremêlent sur le mode de l’anaphore pronominale sans qu’il y ait ambiguïté référentielle. Nous remarquons que l’antécédent pluriel est repris au début par anaphore nominale « les membres présumés de ce réseau » et « les mis en cause » et ensuite par une anaphore pronominale avec le pronom personnel de la personne « ils » après une anaphore nominale « Deux des trois mis en cause ». En effet, l’introduction de cette anaphore nominale n’est pas liée à une concurrence référentielle entre les deux référents de nombre différent, mais elle intervient pour assurer la division explicite d’un hyperthème « les membres présumés de ce réseau au nombre de trois » en deux groupes anaphoriques : « deux des trois mis en cause » et « leur troisième complice » qui acquiert une autre anaphore nominale démonstrative « ce dernier ». Au contraire, la chaîne anaphorique du référent singulier, se prolonge par anaphore pronominale avec les pronoms personnels lui et le sans aucune ambiguïté référentielle. 95 Il en va de même pour l’article (4) qui présente deux référents co-présents de genre différent : (T4) « Poursuivi pour le meurtre de son épouse, B.H.---le mis en cause --- sa victime, H.R.--- Il lui a asséné des coups à la tête à l'aide d'une pierre, avant de tenter de l'étrangler avec son foulard. La malheureuse---elle a été admise le jour de son agression dans un état comateux. » (Le Quotidien d’Oran : 1/7/2010) Dans cet article, les deux chaînes anaphoriques entrelacées, l’une renvoyant à un antécédent masculin singulier animé humain « le meurtre de son épouse, B.H », l’autre renvoyant à un antécédent féminin singulier animé humain « sa victime, H.R » sont susceptibles d’utiliser simultanément l’anaphore pronominale sans qu’il y ait une concurrence référentielle. En effet, l'antécédent masculin est repris par anaphore nominale « le mis en cause » et ensuite par anaphore pronominale avec le pronom personnel de la personne 3, « il » sujet du verbe « a asséné ». L'antécédent féminin se poursuit par anaphore pronominale avec le pronom personnel « lui », « l’ »et « elle ». Notons que les formes non marquées en genre comme « lui » sont sans ambiguïté pour des raisons sémantiques et grammaticales, dans « il lui a asséné » il est clair que « lui » ne peut être que féminin, puisque le masculin joue déjà le rôle de sujet de ce verbe renvoyant à la violence. Analysons maintenant un cas où les référents co-présents sont de nature différente : (T 5) « Un éleveur de bovins--son petit troupeau constitué de trois vaches et deux veaux ---il fut --- il--- les --- Il les ---. Il ---Les gendarmes---ils --- Ils ---- Ils --- le propriétaire de ce garage --- les --- il--- il --- il l'avait conduit là en attendant de trouver son propriétaire […] » (Le Quotidien d’Oran : 14/4/2011) Dés la première lecture détaillée, il devient évident que ce texte fait également preuve d’un très haut degré de cohésion. Cette cohésion est assurée par l’entrelacement de deux chaînes anaphoriques de référent animé humain singulier pour l’un, « un éleveur de bovins », repris par anaphore pronominale avec le pronom personnel de la personne 3, « il » (4 fois), l’autre est féminin pluriel animé non humain, « ses bêtes » repris par le pronom personnel conjoint, « les » 96 (2 fois). Il est important de noter que cet antécédent s’intercale dans le courant de la chaîne anaphorique principale sans déstabiliser la continuité référentielle de celle-ci. Nous présentons maintenant quelques cas de ruptures et maladresses au niveau de la continuité référentielle rencontrés lors de l’analyse des textes de notre corpus. Dans l’article (T6), par exemple, la coréférence n’est pas établie de façon claire : (T6) Cinq et trois ans de prison pour les accusés: Il l'agresse à coups de hache pour lui voler sa voiture « G. Walid, G. Farid et D. Lehmani ---G. Walid--- D. Lehmani--- la victime Y. Seif Eddine, --- les --- l'accusé G. Walid ---- l'--- la victime --- Les deux mis en cause --l'accusé G. Walid --- lui --- G. Farid --- lui --- eux --- il --- La victime ---ces jeunes confrontés au chômage et à l'oisiveté » (Le Quotidien d’Oran : 01/06/2010) Nous commençons, par exemple, par le titre « Cinq et trois ans de prison pour les accusés: Il l'agresse à coups de hache pour lui voler sa voiture » qui donne l’impression que les faits en question « l’agression et le vol de la voiture » ne semblent pas faire référence aux accusés bien délimité dans le contexte immédiat. Le lecteur est ainsi dérouté dans ses tentatives de reconstitution de la réalité en question. Ainsi, il hésite sur l’identification de l’antécédent du pronom personnel de la personne 3, « il » sujet du verbe « agresser » mentionné dans la deuxième partie du titre. Une première tendance du lecteur sera de chercher l’antécédent dans la proximité immédiate. Il aurait tendance à interpréter le « il » anaphorique comme une référence au SN « les accusés ». D’une certaine façon, cette interprétation se révèle fausse car elle risque de causer des ruptures au niveau de la continuité référentielle pour tout lecteur. Le rédacteur aurait pu utiliser le pronom personnel de la personne 6, « ils ». Une autre explication éventuelle pour cet usage flou : le lecteur peut deviner que le journaliste a voulu parler de « l’accusé G. Walid » mentionné dans la suite du texte. Mais, si le lecteur doit deviner, c’est que le texte n’est pas clair parce qu’il y a un décalage des représentations entre les interlocuteurs. 97 Outre les cas que nous avons signalés en ce qui concerne l’ambiguïté référentielle, nous avons relevé dans notre corpus des situations où deux référents remplissent simultanément les conditions d’utilisation de la forme morphologique pronominale présente et peuvent entraîner une perturbation dans la continuité référentielle et une hésitation quant au choix du référent visé. De même, le rédacteur ne fournit pas suffisamment d’informations de nature à permettre au lecteur de procéder à une identification aisée du référent en question. C’est le cas dans l’article que nous proposons d’analyser ici : (T7) Une dispute, un mort et 7 ans de prison TM Comme si les accidents de la circulation ne suffisaient pas, il a fallu encore que les disputes sur la route coûtent encore des vies humaines. Ainsi, au mois de septembre passé, deux cousins se trouvaient dans leur voiture et se dirigeaient vers Alger. Arrivés à la rue du 1er Novembre à Bou Ismail et plus exactement au niveau de la gare routière, le conducteur d'un véhicule klaxonna plusieurs fois avant de les dépasser. S'engagea alors une course-poursuite entre les deux véhicules, le conducteur de la Volkswagen s'arrêta sur le bas-côté pour demander des explications. Une dispute s'engagea entre eux et ils en vinrent rapidement aux mains. Le cousin, fort que lui. Il sortit alors pour prêter main-forte à son cousin et s'arma d'un couteau à cran d'arrêt. Il se dirigea vers les deux adversaires et le conducteur de la Volkswagen fut tué sur le coup. Ils furent donc arrêtés par les policiers qui les présentèrent au parquet et ils furent mis sous mandat de dépôt. Après l'instruction menée tambour battant ils ont été jugés au cours de cette session du tribunal criminel de Blida qui condamna M.M. à sept ans de prison ferme. A noter enfin que le représentant du ministère public avait requis la perpétuité contre lui. (Le Quotidien d’Oran : 2-5-2010) 98 Dans cet article, les deux constituants dont les chaînes anaphoriques s’entremêlent sont les suivants : « deux cousins » et « le conducteur d’un véhicule ». Leurs chaînes anaphoriques utilisent l’anaphore pronominale. Mais cette anaphore est un peu plus complexe parce que les référents co-présents répondent aux mêmes conditions morphologiques et référentielles pour le pronom personnel (les deux candidats à la reprise sont masculins et animés), ce qui entraîne une possible ambiguïté référentielle. En premier lieu, la rupture est due à un décalage au niveau des connaissances partagées entre le rédacteur et le lecteur. Par exemple, les pronoms personnels eux et ils, peuvent renvoyer soit aux « deux cousins » et « le conducteur de la Volkswagen », soit aux deux conducteurs, mentionné plus loin sous la forme nominale « les deux adversaires ». Dans ce cas, il est extrêmement difficile d’établir un lien entre l’anaphore pronominale et son antécédent puisque le rédacteur ne fournit pas suffisamment d’informations de nature à permettre au lecteur de procéder à une identification aisée de l’antécédent en question, à savoir les deux conducteurs, que dans la suite du texte. Il faut alors utiliser à la place de ces deux pronoms insuffisamment marqués un nom propre ou un SN caractérisant les référents (une anaphore nominale qui servira à la reprise de chaque constituant s’interposant dans la chaîne anaphorique des constituants co-présents de mêmes caractéristiques référentielles). Ensuite, la reprise anaphorique s’accompagne d’un changement du nombre avec le passage d’une référence plurielle à une référence singulière « le cousin » qui se poursuit par anaphore pronominale avec notamment le pronom personnel de la personne 3, « il » sujet des verbes « sortit, s’arma » et « se dirigea ». Par ailleurs, nous n’avons pas noté d’ambiguïté référentielle entre deux constituants qui présentent une différence dans l’une de leurs caractéristiques référentielles et grammaticales. Conclusion Au terme de cette étude, nous avons relevé quelques spécificités des faits divers journalistiques algériens, en ce qui concerne l’emploi des anaphores pronominales : la proportion des pronoms personnels augmente où aucune dénomination du référent n’est pas disponible ou pour éviter la répétition. ils ont tendance à se trouver près de leurs antécédents et ils signalent qu’un objet unique occupe le centre d’attention. Ce constat est un indice fort pour mettre en tête 99 l’emploi des pronoms personnels en tant que marques de la continuité référentielle dans les récits de fait divers. les textes des faits divers sont pluri-référentiels (ils contiennent au moins deux référents humains), ce qui augmente les risques d’ambiguïtés dans l’identification du bon antécédent de l’expression pronominale. De ce fait, les journalistes algériens tendent à utiliser les expressions nominales qui se répartissent entre les SN définis et les démonstratifs pour dénicher le bon candidat et diminuer les ambiguïtés pronominales. Le journaliste préfère l’usage des pronoms personnels (sujet) au début du paragraphe dans les textes de faits divers parce que la narration est centrée sur un seul protagoniste. Références bibliographiques APOTHELOZ D., (1995), Rôle et fonctionnement de l’anaphore dans la dynamique textuelle. Langue et culture, Genève : Droz. CORBLIN F., (1995), Les formes de reprise dans le discours. Anaphores et chaînes de reference. Rennes : PUR. CORNISH F., (1986), Anaphoric Relation in English and French: A Discourse perspective, London, Croom Helm. DUBOIS J. & LAGANE R., (1973), La nouvelle grammaire du français, Paris : Larousse. DUCROT O. & SCHAEFFER J.-M., (1995), Nouveau dictionnaire encyclopédique des sciences de langage, Paris : Seuil. KLEIBER., (1994), Anaphores et pronoms, Louvain-la-Neuve : Duculot. LAROUSSE P.,( 1872), Grand dictionnaire universel du XIXe siècle, tome huitième, p. 58. MILNER J.-C. (1982), Ordres et raisons de langue, Paris : Seuil. NORMAND C.,(1998), « Sur certains cas de référence inassignable », Sémiotique, n°15, pp. 155-165. p. 155. 100 SERIOT P., (1987), « L’anaphore et le fil du discours (sur l’interprétation des nominalisations en français et en russe) », IVe colloque international de linguistique slavo-romane, Copenhague, 2729 août 1989, in Opérateurs syntaxique et cohésion discursive, Copenhague, pp. 147-160. TESNIERE L., 1965, Eléments de syntaxe structurale, klinckseick : Paris. 101 L’effet du contexte sémantique dans l’identification, la compréhension et la production des prépositions abstraites Fatima Zohra KHALIL Ecole polytechnique, Oran Résumé La préposition s’impose aujourd’hui comme un sujet d’étude incontournable en sémantique, mais reste un phénomène marginalisé dans l’apprentissage d’une langue étrangère. Les grammaires scolaires, présentent la préposition comme un mot purement grammatical, elle est ainsi, réduite à un simple élément de relation. Nous avons fait le choix de l’aborder autrement en nous intéressant à la représentation de son contenu sémantique hors contexte et en contexte. Notre réflexion porte sur l’effet du contexte sémantique dans 1) la représentation (l’identification) des prépositions, 2) la compréhension des prépositions et 3) la production des prépositions. La définition exclusivement grammaticale étant, pour nous, incomplète et ne pouvant répondre à notre question de recherche, nous nous sommes orientée vers les recherches menées sur la sémantique de la préposition. Cette dernière représente le fruit de longues recherches entreprises par des linguistes depuis le début du XXème siècle. Aborder et étudier la préposition sur le plan sémantique, c’est tout simplement aborder son signifié en tant qu’unité linguistique. Le postulat principal sur lequel repose notre travail stipule que les prépositions, aux yeux des apprenants, sont assimilées à de simples mots de relation servant à relier des éléments sur le plan phrastique et donc dénuées de sens. Notre but est de les amener, grâce à nos expériences, à réfléchir et à prendre conscience de l’importance de la préposition dans la construction du sens. Il s’agit donc de ne plus la considérer comme un simple « relateur », mais comme une unité ayant sa propre charge 102 sémantique aussi ténue soit-elle. Il s’agit donc d’étudier les multiples sens qu’elle est en mesure d’activer en emploi, et la relation qu’elle peut entretenir avec son co(n)texte. Mots clés : Prépositions abstraites, contenu sémantique, contexte sémantique, espace, temps et notion. Abstract The preposition has become today an essential research topic in semantics, although it remains quite marginalized in foreign language learning. Schoolbook grammar deals with the preposition as a purely grammatical word, thus reduced to a mere linking tool. This justifies the choice made here to deal with it differently by focusing on the representation of its semantic substance in and out of context. This reflexion addresses the role of the semantic context for prepositions in their 1) representation (identification), 2) understanding and 3) production. The exclusively-grammatical definition being, from my standpoint, incomplete and incapable of answering the research question, research on the semantics of the preposition has been the recourse. This is the outcome of substantial works undertaken by linguists since the early 20th century. Deal with and study the preposition at a semantic level is simply tackle its signified as a linguistic unit. The main postulate underlying this work is the idea that prepositions, according to learners, are simple linking words used to relate sentence elements and having no meaning. The objective here is to bring them, through this experiment, to think and be aware of the importance of the preposition in the making of meaning. It is then an attempt to consider it no longer as a mere « link », but as a unit having its own semantic content, however small. It is therefore about studying the multiple meanings it can induce while used, and the relation it can have with its co(n)text. Introduction Notre recherche questionne le rôle du contexte sémantique dans la représentation (l’identification), la compréhension et la production des prépositions en situation d’apprentissage du FLE. Nous formulons l’hypothèse générale suivante : le contexte sémantique joue un rôle important dans la représentation (l’identification), la compréhension 103 et la production des prépositions abstraites. Pour réaliser les trois expériences de notre recherche expérimentale, nous avons plusieurs variables. D’abord, le groupe des participants qui constitue une variable aléatoire. Ensuite, trois contextes sémantiques différents, le premier contexte est représenté par des prépositions décontextualisées, que nous avons appelé contexte zéro, le deuxième contexte, représenté par des phrases isolées, que nous avons appelé contexte faible et le troisième et dernier contexte représenté par un texte, le contexte fort et enfin les huit prépositions : à, de, par, pour, avec, dans, en et sur actualisées dans le contexte faible et le contexte fort dans des emplois spatiaux, temporels et notionnels. Les trois contextes et les huit prépositions constituent nos variables indépendantes. Nous signalons que ce sont les mêmes variables pour les trois expériences. Ces dernières ont été menées entre mai 2010 et mai 2011, la première expérience a été réalisée début mai 2010, la seconde fin mai 2010 et la troisième début mai 2011 soit une année après. Pour étudier le rôle du contexte sémantique, les sujets ont réalisé chacune des trois expériences dans un ordre de présentation précis et inchangé pour chacun des quatre groupes, les participants de chaque groupe sont passés par trois étapes que nous avons appelées tâches et qui constituent nos variables dépendantes. Les participants sont des étudiants inscrits en première année à l’ENSET d’Oran au département des langues en vue de préparer une licence d’enseignement en langue française. La durée de la formation est de quatre ans. Ils sont au nombre de 80 et viennent de régions géographiques différentes (Ouest, Est, Centre et Sud algérien), ils sont tous bacheliers (baccalauréat séries : Lettres et philosophie, Lettres et langues étrangères, Sciences de la nature et de la vie) et leur âge varie entre 18 et 22 ans. Ils sont répartis en quatre groupes (G1, G2, G3 et G4) Dans la première expérience, l’objectif est d’étudier les capacités des apprenants à identifier les prépositions du point de vue de leurs représentations syntaxiques. Sachant que les prépositions sont généralement construites par les apprenants à partir des apports de la grammaire traditionnelle et de la syntaxe des prépositions. Nous posons l’hypothèse que leur identification dans les trois contextes étudiés ne pose pas de difficulté, car elles font partie des connaissances déclaratives des apprenants élaborées tout au long de leur cursus scolaire. 104 L’analyse des résultats confirme notre hypothèse, lorsqu’un apprenant connait les prépositions, il les reconnait et les identifie dans les trois contextes. L’ordre de présentation des différents contextes n’intervient pas ou peu dans l’identification des prépositions. Les résultats montrent que les participants font bien la différence entre la catégorie mots « grammaticaux » et la catégorie mots « lexicaux ». En effet, parmi, ceux qui ont réussi la tâche c'est-à-dire ont identifié les huit prépositions (à, de, en, sur, dans, pour, par et avec), ont également identifié, en plus, d’autres unités comme étant des prépositions. Les unités linguistiques identifiées comme telles sont essentiellement des mots « outils » ou « grammaticaux », ce sont : où, qui, donc, car, comme, que… que nous avons introduits avec d‘autres unités lexicales dans les trois contextes et que nous avons appelés distracteurs. Les grammaires scolaires se basant sur la grammaire traditionnelle, définissent les prépositions comme mots grammaticaux et les participants en tant qu’apprenants font de même. C’est la syntaxe, discipline intégrée dans l’enseignement scolaire, qui traite de la combinatoire grammaticale des mots qui prend en charge la préposition (élément outil introduisant un groupe prépositionnel). Le groupe prépositionnel est abordé lorsque l’enseignant traite les différents compléments (complément circonstanciel, complément d’objet indirect, complément du nom, complément du verbe…). Les apprenants sont souvent amenés à identifier et à caractériser un mot dans la phrase et à préciser sa fonction syntaxique (préposition : introduire un groupe prépositionnel complément ; conjonction de subordination : subordonner une proposition à une principale ; conjonction de coordination : coordonner ;…). En consultant les programmes scolaires, mais aussi les tables de matières des ouvrages de grammaire, (Arrivé et al, 1986 ; Galichet, 1973 ; Grevisse & Goosse, 1995 ; Chevalier et al, 2002 ; Baylon, & Fabre, 2001 ; Grevisse, 2003 ; Poisson-Quinton S., 2004 ; etc.), nous constatons effectivement que lorsque l’ouvrage fait l’entrée par les « parties de discours », la préposition est introduite généralement dans un chapitre intitulé « Mots grammaticaux » au même titre que les conjonctions de subordination ou de coordination. Il la présente comme simple mot de relation et se limitent à donner des listes de prépositions et des exemples de bon usage. Et lorsque l’entrée se fait par les « constituants de la phrase », la priorité est donnée à la fonction syntaxique, la préposition n’étant qu’un élément parmi d’autres pouvant introduire différents compléments et différents rapports logiques. 105 Par ailleurs, nous constatons dans cette première expérience, que c’est la nature même du contexte qui est à l’origine des différences de résultats. En effet, ce sont les contextes qui génèrent des difficultés et non pas leur ordre de présentation. De plus, ils ne permettent pas aux participants de réussir les tâches de manière égale. Les moyennes obtenues montrent que tous les participants réussissent à identifier les prépositions dans le contexte zéro et le contexte faible mieux que dans le contexte fort. Dans la deuxième expérience, l’objectif est d’analyser l’effet de la prise en compte de la valeur sémantique des prépositions. Nous posons l’hypothèse générale que la compréhension des prépositions, autrement dit, l’identification de la valeur sémantique des prépositions est la plus difficile à construire et notamment celle des prépositions décontextualisées. Les grammaires scolaires considèrent les prépositions comme des mots outils et les apprenants ne leur attribuent pas une valeur sémantique. Cette hypothèse a été validée, car les résultats de cette expérience présentent les taux les plus faibles, comparés à ceux des deux autres expériences. Pour le groupe G3 (ce groupe commence par le contexte zéro « prépositions isolées »), la majorité des participants donne aux prépositions à, dans et sur une valeur primaire, spatiale. Considérer ces prépositions comme des prépositions spatiales pourrait s’expliquer soit par le fait que le repérage dans l’espace est un ancrage de base pour la parole, considéré comme prototype psychologique (Vandeloise, 1986 ; Cadiot, 1997 ; 2000), soit parce que les apprenants se réfèrent à la grammaire scolaire qui se réfère elle-même à la description traditionnelle des prépositions qui elle-même représente la meilleure illustration de ce spatialisme. Ce prototype aurait des corrélats grammaticaux, dont prennent acte-outre les grammaires scolaires- par exemple les théories de la grammaticalisation (Cadiot, 2001 : 118). Et donc, nous revenons à l’idée que le repérage dans l’espace est un ancrage de base pour la parole. Les prépositions sur et dans mobilisent immédiatement et même inévitablement une représentation spatiale (Franckel & Paillard, 2007). Quand on envisage par exemple la préposition dans isolément et pour elle-même, une notion d’intériorité, d’inclusion ou d’un rapport de contenant/ contenu s’impose (Franckel & Paillard, 2007 ; Leeman, 2008). 106 Pour la préposition pour, tous les participants lui ont attribué un sens premier et unique, le but, aucune autre valeur n’a été donnée. On revient encore une fois à la grammaire scolaire qui tend généralement à privilégier un emploi parmi d’autres. Pour la préposition pour, c’est souvent l’expression du but. (Conséquence souhaitée). En ce qui concerne les autres prépositions, de, en, par et avec, plusieurs valeurs ont été données, toutes dans le domaine notionnel. Contrairement aux participants du groupe G3, les participants des groupes G1, G2 et G4 qui commencent par les contextes fort et faible, et non pas le contexte zéro, proposent des réponses plus variées, ils ont attribué aux mêmes prépositions à, dans et sur hormis la valeur spatiale et la valeur temporelle et pour la préposition pour hormis la valeur notionnelle « but », d’autres valeurs sans doute reconnues ou identifiées dans les deux autres contextes, étant donné que leur première étape de l’expérience correspondait soit au contexte fort, soit au contexte faible. Ceci conforte l’hypothèse que le co-texte joue un rôle dans la détermination de la valeur sémantique des prépositions qui puisent leur sémantisme dans les unités coprésentes (Cadiot, 1997 ; 2001 ; 2002 ; Franckel & Paillard, 2007 ; Leeman 2008). Le plus grand nombre des emplois identifiés sont les emplois spatiaux, les seconds sont temporels, et viennent en dernière position les emplois dans le domaine dit notionnel. En effet, la majorité des participants, tous groupes confondus, ont réussi à identifier la valeur introduite par les prépositions à, dans et sur lorsqu’elles sont actualisées dans un emploi spatial (nous partirons cet été à Paris ; cet enfant a peur de nager dans la piscine ; le cahier est sur la table), les participants se basent sur le contexte, à savoir, les unités coprésentes dans l’environnement des prépositions pour lui attribuer une valeur sémantique. Pour les exemples ci-dessus, ils reconnaissent les unités Paris, Piscine et Table et leur associent un signifié qui renvoie à un référent extralinguistique. En revanche, pour l’exemple après cette déclaration, ce policier se trouve dans l’embarras , exemple dans lequel la préposition dans introduit une valeur notionnelle « manière », et qui pourrait être paraphrasé par ce policier est embarrassé la majorité des participants ont attribué à la préposition dans une valeur spatiale ignorant, sans doute, le sens de l’unité lexicale «embarras » et attribuant à la préposition dans un sens primaire spatial, sens largement privilégié dans les grammaires scolaires. Les participants associent au signifiant «embarras » le signifié « lieu ». 107 Rappelons que tous les participants du groupe G3 dont la première étape consiste à préciser la valeur des prépositions dans le contexte zéro avaient attribué à la préposition pour une valeur primaire, mais surtout unique celle de l’expression du but. Pour le contexte faible (phrases), les participants de ce groupe lui associent d’autres valeurs notamment la valeur spatiale dans la phrase dans quelques jours il part pour l’Europe et la valeur temporelle dans la phrase mon amie part en voyage pour six mois. Il est clair que les participants dans ce cas se basent essentiellement sur les éléments environnants et surtout les compléments introduits par la préposition : Europe et six mois pour donner la valeur. Pour la phrase : ce bandit a été condamné pour vol, exemple dans lequel la préposition pour introduit une valeur causale, aucune réponse correcte n’a été donnée. Pour cet exemple, les participants reconnaissent forcément le sens de l’unité « vol » ne renvoyant, pour eux, ni à un espace ni à un temps, et l’ensemble ne renvoyant pas à l’expression d’un but (visée, objectif), ils hésitent et ne savent plus quelle valeur lui attribuer. Pour le contexte fort (texte), ce sont aussi les emplois spatiaux et temporels qui viennent respectivement en première et deuxième position, les emplois notionnels arrivent quant à eux en dernière position. Lorsque les participants identifient clairement dans l’environnement qui suit la préposition une lexie exprimant un lieu ou le temps, ils reconnaissent et identifient la valeur sémantique introduite par la préposition (par une journée ; pour toujours ; de la terre de son rêve ; dans les prochains jours ; à la tombée de la nuit ; en cet endroit ; dans ce lieu ; …). En revanche, pour les emplois notionnels (en roi des lieux, à bout de force, pour cette faute, en silence, dans son propre intérêt, dans les difficultés,…), la tâche a été plus difficile, rares sont les participants qui ont identifié plus de la moitié des emplois. Reconnaitre et comprendre les unités dans l’environnement immédiat de la préposition ne suffi t plus pour identifier la valeur de la préposition (le rapport exprimé). C’est tout l’énoncé qui fournit les éléments nécessaires à la compréhension, ces difficultés sont dues au degré d’abstraction élevé des prépositions. La charge sémantique de ces dernières étant très ténue et instable voire insaisissable. (Cadiot, 1997 ; 2001 ; 2002). Conformément aux résultats des analyses statistiques inférentielles que nous avons réalisées, nous pouvons généraliser les résultats des participants de notre échantillon à la population parente et supposer que l’ensemble des apprenants considèrent les prépositions comme essentiellement des mots outils servant juste à relier les constituants d’un énoncé. Lorsqu’il 108 faut leur attribuer un sens hors contexte, ils font appel à leur intuition et représentations, autrement dit aux emplois les plus représentatifs. Parler d’un sens hors contexte (confondu avec l’intuition naïve), c’est sortir de la langue en se pliant à l’ordre des référents (Cadiot, 2001 : 121). Et lorsque les prépositions sont contextualisées, les apprenants font appel au contexte linguistique, à savoir les unités environnantes (coprésentes) pour en déterminer le sens (la valeur sémantique). La reconnaissance de cette valeur dépend étroitement de la base des connaissances lexicales des apprenants, mais aussi du degré de maitrise de la langue. Dans la troisième expérience, l’objectif est de mesurer la capacité à produire les prépositions dans deux contextes, le contexte faible représenté par les phrases et le contexte fort représenté par le texte. Rappelons notre principale hypothèse : les participants réussiront la tâche concernant le contexte faible « prépositions en phrases ». Produire des prépositions dans des phrases sera plus facile pour les participants que de les produire dans un texte. Cette hypothèse a été validée par les résultats de l’expérience. Dans le contexte faible, les participants gèrent moins d’informations par rapport au contexte fort (texte). En effet, pour le contexte faible, les phrases sont indépendantes, et les sujets lisent phrase par phrase (contexte sémantique restreint) pour trouver et produire la préposition adéquate. Les participants n’ont pas été confrontés à une surcharge cognitive. Pour le contexte fort (texte), dans lequel les informations à traiter sont beaucoup plus importantes, les sujets devaient comprendre d’une part, le texte dans sa globalité et l’enchainement des idées, et d’autre part, comprendre la valeur que devait introduire (coder) chaque préposition en se référant aux deux éléments X et Y, environnement immédiat de la préposition, pour pouvoir produire la préposition adéquate et arriver à une cohérence textuelle. Pour le contexte fort, et contrairement au contexte faible, certains participants n’ont pas terminé l’exercice dans sa totalité. Les « trous » qui n’ont pas été complétés se trouvent dans la deuxième moitié du texte. Ce qui montre que les participants n’ont pas complété les trous au hasard en ne s’intéressant qu’aux deux éléments dans l’environnement immédiat de la préposition, mais qu’ils l’ont fait dans un ordre respectant l’enchainement des idées, c’est -àdire en lisant le texte du début à la fin. Par ailleurs, nous avons relevé que face à une difficulté, l’apprenant opte pour des unités autres que les prépositions abstraites. En effet, 109 malgré l’aide proposée aux participants, à savoir la liste des huit prépositions, toutes abstraites avec lesquelles ils devaient compléter le texte, certains participants ont complété les vides par d’autres unités linguistiques. Ils construisent du sens, comprennent le rapport introduit, mais n’utilisent pas les prépositions proposées, sans doute parce qu’ils les cantonnent dans un domaine bien spécifique, souvent le plus représentatif (cf. résultats expérience 2). Les unités retrouvées sont des unités, le plus souvent, considérées comme des mots « pleins » ou plus précisément des prépositions à charge sémantique stable, par exemple dans : durant les hivers, plus rudes et plus impitoyables, il était contraint (…) ou encore dans : (…) il était conscient que le rêve se transformerait facilement en cauchemar si ? pendant les prochains jours, il ne trouvait pas le moyen de se nourrir. Pour le contexte faible, certains participants, aussi, optent pour des prépositions autres que celles attendues : Nous partirons cet été à / pour Paris ; Il arrive à l’heure de / à Annaba ; Nous sommes passés à / par Mostaganem avant de rentrer à Oran ; il est avec / sur ses gardes ; mon ami part en voyage pour / dans six mois ; … Ces phrases sont certes, syntaxiquement et sémantiquement correctes, mais le choix de la préposition code automatiquement des différences interprétatives. Ce qui nous amène à nous poser la question suivante : est-ce qu’en choisissant l’une ou l’autre des prépositions, le participant saisit le sens activé par la préposition choisie ? Dans une démarche comparative, où nous comparons pour chaque contexte les trois expériences nous avons formulé des hypothèses : La première concerne le contexte zéro, énoncée comme suit : l’expérience de l’identification sera la plus facile pour le contexte zéro ; identifier des prépositions dans une liste de mots est plus facile que d’identifier des prépositions dans un texte ou des phrases. Cette hypothèse a été confirmée, car les résultats, pour ce contexte, représentent les taux les plus élevés. L’exercice a été réalisé dans un laps de temps très bref comparé aux deux autres contextes. Nous expliquons ce résultat par la différence de quantité d’informations introduites par les trois contextes, une simple liste de mots, des phrases et enfin un texte. Pour identifier les prépositions, il faut effectuer un balayage des unités constitutives de chaque contexte. Ce balayage se fait, bien sûr, plus facilement de la liste au texte. La seconde hypothèse concerne le contexte faible, formulée comme suit : 110 L’expérience sur la compréhension serait la plus facile pour le contexte faible. Pour le contexte zéro, donner une valeur spécifique aux prépositions est quasiment impossible vu leur polyvalence. Cette hypothèse a été validée par les résultats. C’est dans le contexte faible que les participants, tout groupe confondu, réussissent à caractériser d’une manière aisée la valeur introduite par les prépositions, vient en seconde position le contexte fort et en troisième et dernière position le contexte zéro. La troisième hypothèse concerne le contexte fort, formulée comme suit : L’expérience sur la production serait la plus facile pour le contexte fort, car les éléments environnants X et Y (avant et après la préposition : X prép Y), mais aussi les autres éléments du texte faciliteront la compréhension et donc la production des prépositions. Cette hypothèse n’a pas été validée par les résultats, comme nous l’avons mentionné ci-dessus, le contexte fort a généré beaucoup de difficultés, et les participants n’ont pas réussi l’exercice. C’est encore dans le contexte faible que les taux de réussite sont les plus élevés. Toujours dans une démarche comparative où nous comparons cette fois le niveau de langue des différents groupes, nous avons formulé l’hypothèse suivante : Contrairement aux groupes G1, G2 et G3, le groupe G4 réussira mieux les trois expériences, car il bénéficie de deux années d’apprentissage supplémentaires. Cette hypothèse a été confirmée, car les résultats des trois expériences montrent qu’il y a une interaction entre le niveau de français et la tâche à réaliser. Pour l’identification, cette interaction n’est pas significative en revanche, pour la compréhension et surtout la production des prépositions l’interaction est très significative. Les participants du groupe G4 sont ceux qui réussissent le mieux la production des prépositions et notamment dans le contexte fort, contexte qui a généré plus de difficultés chez les participants des autres groupes. Nous pouvons conclure que la pratique de la langue que ce soit un enfant qui apprend sa langue maternelle ou un étranger qui apprend une langue étrangère permet d’enregistrer dans un premier temps les combinaisons partielles de propriétés conventionnellement acceptées par la langue qu’il parle pour élargir par la suite l’usage de la préposition. « C’est par ce choix que les langues diffèrent, rendant ainsi l’apprentissage des prépositions dans une deuxième langue particulièrement difficile. » (Vandeloise, 1993 : 37) Références bibliographiques 111 Arrivé M., Gadet F., Galmiche M., (1986), La grammaire d’aujourd’hui, Paris, Flammarion. 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Devos « A quand les vacances ? », nous essayons de montrer le fonctionnement de deux procédés linguistique et pragmatique dans le blocage ou le déblocage communicationnel à savoir : l’ambiguïté et l’implicite. Notre travail consistera à montrer comment le texte combine entre ces deux procédés différents pour en faire des ingrédients, d’une part pour instaurer l’incompréhension qui sert l’humour et d’autre part pour débloquer la situation, toujours à l’aide de mots articulés à deux niveaux : leur signification et leur représentation. Notre but dans cette réflexion est de montrer la dimension communicative du mot qui n’est pas que linguistique mais qui peut reposer sur d’autres paramètres. Le mot donc sera l’élément clé d’analyse, il sera pragmatisé tel que l’utilise le texte dans un but d’être soit élément ambiguïsant (Fuchs, 1996), soit élément fonctionnant implicitement pour aiguiller le sens (Ducrot,Kerbrat-orecchioni) dans une construction argumentative. Abstract In every communication act, during the reception phase, the question of meaning arises, as this latter is often perceived differently from what the productive instance conceives it. The several causes of this hiatus have been discussed, for a large part by pragmalinguistics (Grice, Martin, Ducrot, Moeschler, Kerbrat-Orecchioni…).. On the other hand, comedians make use of this phenomenon to construct situations where words contribute to create discrepancies serving 114 humour indeed, but allowing a kind of language "falsification" as well. Using R.Devos' sketch "When would the vacations be?", we shall try to unveil the functioning of the linguistic and pragmatic processes present in the communication blocking and unblocking, namely ambiguity and the implicit. We shall aim at showing how the text combines these two processes, on one hand, to establish the misunderstanding that serves humour, and, on the other hand, to unlock the situation, thanks to words articulated on both levels of meaning and representation. The communicative dimension of the word is not solely linguistic, but is also based on other parameters. The word will thus be the key element in the analysis, and will be pragmatised, as the text uses it, either as a factor creating ambiguity (Fuchs, 1996), or as one functioning implicitly to steer meaning (Ducrot,Kerbrat-Orecchioni) in an argumentative construction. Introduction Comme l’humour repose essentiellement sur un langage conçu pour créer des décalages, il fait appel à des constructions textuelles où sont combinés des procédés sémiotiquement complexes. Répondant à son aspect majeur qui est de fonctionner autour et à l’aide d’incongruité, il sélectionne ses ingrédients pour marquer son originalité mais aussi pour répondre à une finalité qui n’est pas que le rire. Le texte « A quand les vacances ? » de Raymond Devos, texte constituant notre corpus d’analyse, s’inscrit dans cette logique en se démarquant par sa structure d’apparence simple mais dont le fonctionnement sémiotique et pragmatique lui confère une valeur oscillant entre le philosophique et le didactique, rattachant ainsi la notion d’humour à l’une de ses origines.1 Se servant de procédés traditionnellement connus, tels que le sens ambigu et l’implicite le texte construit sa logique interne (local logic) en se basant sur le mot et sa portée aussi bien linguistique que pragmatique. Notre travail consiste donc à analyser la combinatoire mise en œuvre pour faire du mot l’élément clé du texte, à partir duquel fonctionnent l’incongruité ainsi que sa théâtralisation. Nous structurons notre texte autour du rapport qu’entretient l’humour, dans un premier temps, avec l’ambiguïté, dans un deuxième temps, avec l’humour et dans un troisième temps, avec la distanciation comme principale fonction discursive. 1 Dans son ouvrage intitulé « le sens littéraire de l’humour »(PUF,2010), J-M, Moura montre que la notion d’ humour permet de montrer comment de la théorie des humeurs médiévale, le concept aboutit à une « tournure d’esprit » singulière, avant de devenir notion philosophique dans les écrits d’idéalistes allemands… » (cité par Myriam Bendhif-Syllas, 2011, Humour et littérature in acta Fabula [mis enligne], page consultée le 21septembre 2014) 115 1. L’ambiguïté mise au service de l’humour L’humour, échappant à une norme définitoire, a toujours été considéré par rapport à des procédés provoquant le rire. Donnant lieu à des théories, ces procédés, sont définis en fonction de l’aspect ludique qu’ils engendrent dans un acte communicationnel ; parmi eux figurent le contraste et l’ambiguïté. Ainsi pour Kant ( Prieogo Valverde1964 :17) « les théories du contraste sont davantage centrées sur l’humour comme procédé ludique et tentent d’en décrypter le fonctionnement. Le contraste réside dans l’écart entre ce qui est attendu et ce qui se produit réellement et c’est la perception de cet écart qui déclenche le rire ». Développant cette idée, Koestler précise que « c’est non seulement l’écart entre ce qui est logiquement attendu et ce qui survient qui déclenche les rires mais c’est aussi et surtout le fait que l’élément qui apparait est compréhensible selon deux niveaux de sens différents, l’un logique et l’autre incongru » (1964 :21). On comprend que le contraste est causé par deux sens différents présentés par le même fait de langue ce qui se rapproche du phénomène produit par l’ambiguïté qui se présente sous forme d’un signifiant renvoyant à plusieurs signifiés, comme le précisent Le Goffic et Catherine Fuchs, dans les définitions suivantes : - « Un énoncé (une phrase) est ambigu quand il possède une description (représentation) à un niveau donné et deux ou plusieurs descriptions (représentations) à un autre niveau » (Le Goffic, 1982 :84) - « un constituant linguistique est ambigu quand à une seule forme correspondent plusieurs sens. […]Parler d’“ambiguïté-alternative” (Fuchs : 1996), c’est insister sur le fait que les différents sens d’un constituant ambigu sont mutuellement exclusifs. Si c’est le sens A, ce n’est pas le sens B (et inversement) ; il faut donc nécessairement choisir entre les deux si l’on veut comprendre le message. » Ce caractère biunivoque de l’ambiguïté (un signifiant renvoyant à au moins deux signifiés, 1Sa Sé1 et Sé2…), souvent vu comme une dualité va fournir à l’humour l’un de ses éléments clés à savoir le disjoncteur (Morin, 1966) qui va servir à la mise en place de l’incongruité ; il permet ainsi, au Sé2 de fonctionner en prenant le dessus sur le Sé1. Dans notre texte, cette disjonction 116 est mise en œuvre à l’aide de l’homophonie qui joue sur « le signifiant (phonique) identique renvoyant à des signifiés distincts » (Gaudin et Guespin, 2000.). 1.1. L’homophonie : un disjoncteur discursif Structuré sous forme de dialogue, notre texte installe l’incongruité dès les premiers échanges des deux interlocuteurs par le biais de l’homophonie : - [puʀkɑ̃ kɛlœʀ] ? - [kɔmɑ̃ vulevukәʒәvudizkɑ̃ siʒәnәsɛpau] ? [puʀkɑ̃ kɛlœʀ] ? présente deux réalités qui peuvent être interprétées ainsi : « Pour Caen, quelle heure ? » considéré comme étant Sé1 ou « pour quand ? quelle heure ? », considéré comme étant le Sé2. C’est cette deuxième interprétation qui installe l’incongruité puisqu’elle engendre une réponse confirmant le décalage instauré par le jeu, du fait que « le disjoncteur favorise le passage vers S2 sans annuler S1 » ( Prieogo Valverde, 1964 :22) , ce que A. Koestler appelle « bisociation » qu’il définit comme « […] la perception d’une situation ou d’une idée L, sur deux plans de référence M1et M2 dont chacun a sa logique interne mais qui sont habituellement incompatibles. On pourrait dire que l’événement L, point d’intersection des deux plans, entre en vibration sur deux longueurs d’onde. Tant que dure cette situation insolite, L n’est pas simplement liée à un contexte d’association, il est bisocié à deux contextes. » (1964 :21) Les deux contextes seraient les deux univers sémantiques qui sont confrontés dans l’échange verbal. Il reste à savoir comment fonctionnent ces univers et qu’est ce qui maintient leur jonction loin de toute résolution. 1.2. L’homophonie source d’ambiguïté en texte. L’ambiguïté surtout linguistique, mise en discours, est « épinglée » (Fuchs, 1996) par un contexte plus ou moins développé, sans ce dernier (contexte), elle serait une ambiguïté virtuelle. Pourtant l’homophonie (ambiguïté sonore) est entretenue de manière à se servir du contexte textuel pour fonctionner selon les principes du jeu que s’est assigné le texte. Cet entretien s’explique par le fait qu’elle est associée à un procédé dénominatif faisant appel soit à des noms propres (NP) soit à des noms communs (NC). 117 1.2.1. Homophonie et nom propre Dans le texte le NP est employé pour désigner des lieux et plus particulièrement des villes (Caen, Troyes, Sète), seulement, si la composante graphique de ces NP leur confère une particularité distinctive, il n’en est pas de même pour leur composante phonique qui se confond avec celles d’autres mots renvoyant à d’autres réalités. Ainsi, le nom de la ville se confond-il soit avec un adverbe interrogatif exprimant le temps ([kã]Caen / quand ?), soit avec un numéral cardinal ([tRwa]Troyes / trois ; [sεt] Sète / sept). Mais ce qui renforce la mise en place du décalage c’est d’une part le lien établi entre deux éléments linguistiques à valeurs opposées (homophonie et NP) et d’autre part, leur mise en discours, autrement dit leur contextualisation. 1°) Homophonie/NP : lien ou contamination ? Si l’homophonie est par essence ambiguë créant, comme nous l’avons vu plus haut, « un débordement du sens sur la forme » (Fuchs, op.cit), le NP est d’après les différentes thèses qui en ont débattu, lié directement au référent de sorte à ne pas être confondu avec d’autres ‘’ désignateurs ‘’ 1 , il découle d’une convention beaucoup plus culturelle que linguistique ou systémique. D’après Kleiber : « le nom propre « N » a pour sens la dénomination ‘’ être appelé N’’, il est donc la désignation claire et univoque du référent. Et c’est en lui donnant , sur le plan phonique, l’aspect d’une unité linguistique autre, que le texte dénature le NP et lui fait perdre sa valeur dénominative référentielle et par ricochet sa représentation culturelle C’est ainsi que le jeu du texte fonctionne aux deux niveaux de représentation : représentation culturelle, effacée au profit de la linguistique, effacement dû à la contamination du NP par l’homophonie telle une pathologie de la langue (Kerbrat-Orecchioni, 1999), et représentation linguistique donnant au mot tout le pouvoir de dépasser les conventions. 2°) NP et contexte ambiguïsant Si le mot (ici le NP) a ce pouvoir, il l’acquiert dans son rôle discursif, quand il agit dans un environnement. Ainsi, concernant la séquence disjonctive [puʀkɑ̃ kɛlœʀ] ?, l’incongruité ne réside pas uniquement dans l’ambiguïté du mot [kɑ̃ ] , mais dans la formulation de la question où il est employé, question marquée par une forme elliptique faisant abstraction d’éléments pouvant 1 Néologisme créé par nous-même signifiant ‘’éléments de désignation’’. 118 épingler l’ambiguïté causée par l’homophonie (ex : pour aller à Caen, à quelle heure faut-il prendre le car ?), le décalage n’est pas le fait de l’homophonie au niveau du NP, mais elle est due aussi au cotexte qui lui est choisi. Tout comme le NP, le NC connait le même rapport avec l’homophonie et sa mise en discours. 1.2.2. Homophonie et nom commun La deuxième réplique dans le texte jouant sur l’homophonie pour maintenir l’incongruité et soustendre l’humour, est [lәkaR] ; elle est composée d’un déterminant accompagnant un NC (renvoyant à deux interprétations : le car/le quart). Mais ce qui lui permet d’entrer dans la logique du jeu c’est le fait que son signifiant (ambiguïsant) jouit de la même distribution au niveau du texte pour les deux sé, (le car était là / je suis arrivé au quart (ou je suis arrivé au car) / le quart est passé (ou le car est passé)). Excepté le premier exemple, dans les deux autres, l’homophonie du mot entraine celle de la phrase : [ ʒəsɥizaʀiveokaʀ ] je suis arrivé au quart ou je suis arrivé au car, la deuxième éventualité s’explique par le fait que l’occurrence [kaR], signifiant moyen de transport commun, apparaît à plusieurs reprises dans le texte (le car était là, prenez le car…) [ləkaRεpase] le quart est passé ou le car est passé. Dans ce troisième exemple, le phénomène de l’homophonie phrastique s’explique par le fait que le mot [kaR] s’adapte à la construction sous ses deux formes signifiantes comme sujet du verbe passer. 1.2.3. L’ambiguïté en contexte au service du texte humoristique. Le texte, menant au niveau de sa structure ce travail ambiguïsant, semble avoir deux visées, l’une apparente qui a un lien avec l’humour (plus l’ambiguïté dure, plus l’humour est maintenu) et l’autre est d’ordre théorique : il cherche à montrer que le contexte peut aider à générer des sens ambigus, construits d’une manière volontaire, rejoignant ainsi la position de certains linguistes et philosophes dont Paul Ricoeur qui précise que « par divers procédés, le discours peut réaliser l’ambiguïté qui apparaît comme la combinaison d’un fait de contexte : la permission laissée à 119 plusieurs valeurs distinctes ou même opposées du même nom de se réaliser dans la même séquence. » C’est ainsi que notre texte construit sa progression autour d’une question ambiguë et déroutante qui connaît deux tensions amplifiant le jeu : - La première tension se sert de l’ambiguïté du mot [kã] pour transformer le rôle du questionneur (en quête d’une information) en un rôle d’informateur, pour que le questionné qui est chargé d’informer devienne demandeur d’informations. C’est l’auteur de la question de départ qui guide l’échange jusqu’à ce qu’il soit arrivé à une entente avec son interlocuteur. - La deuxième se construit sur un renversement des rôles où l’informateur (le personnage principal qui fait une leçon d’histoire et de géographie) se trouve obligé d’écouter les explications que lui présente son interlocuteur et au terme desquelles il se trouve dans la position qu’a connue son interlocuteur au début du texte, c’est-à-dire reprenant le terme [kã] sous une signification alors que la question visait la seconde signification. Ce n’est plus lui qui guide le débat mais c’est l’autre qui décide de l’orientation de la communication. Cependant, il faut reconnaitre que si le mot est ici, source d’ambiguïté, son seul aspect formel n’aurait pu faire de lui l’élément ambiguïsant sans sa pragmatisation qui l’intègre, selon un choix bien déterminé, dans un processus communicatif engendrant des décalages où il devient, non seulement informatif mais indicateur de rôle, ce qui permet au texte d’entretenir l’ambiguïté et de lui permettre d’agir en son contexte. 2. Implicite et humour : le mot pragmatisé On est presque unanime à l’idée que - « Plus que dans toute autre analyse littéraire, l'implicite règne en maître dans celle de l'humour. Sous la signification de surface de ce que produit l'effet comique, se pressent les sous-entendus, les non-dits qui contribuent à son efficacité. »1 1 Présentation de la revue Humoresques n°17, « L’humour et L’implicite, hommage à Raymond Devos », janvier 2003 [en ligne] consulté le 7/10/2014 ; 120 C’est ainsi que notre texte s’en sert et en fait une arme à double jeu : servir l’humour mais aussi et surtout s’en servir comme argument. Pour ce faire, il utilise comme support à cet implicite des éléments référentiels. Ce sont là deux notions qui s’opposent de par leur nature ainsi que de par leur fonctionnement : les marques référentielles sont explicites et exposent le référent sans aucun calcul inférentiel, tandis que l’implicite, qui est défini par Grice (1975) comme étant « ce qui est communiqué moins ce qui est dit », repose sur l’inférence pour jouer entre ce qui est linguistiquement apparent et ce qui ne l’est que par le sens. Comment donc le texte arrive-t-il à concilier ces deux éléments du discours ? Répondant à son genre (sketch visant le jeu sur scène), le texte pragmatisé, présente un discours à caractère spontané découlant d’un dialogue (rapporté dans un monologue) où le personnage principal, étant un usager des transports communs, cherche à s’informer sur l’heure de départ des cars en partance pour Caen. Cependant, dans les échanges verbaux, quelques répliques sont conçues pour servir de référence historique (là où a eu lieu le débarquement) qui fonctionne à deux niveaux : l’argumentatif et l’humoristique 2.1. La référence historique, un argument désambiguïsant La référence historique apparaît à la suite de NP qui n’ont pas réussi à représenter le lieu cité par le personnage principal à son interlocuteur ; pourtant la suite de NP respecte une présentation géographique du lieu progressive, allant du nom global de la région à son nom spécifique (Normandie / Calvados), et cela pour mieux situer la ville dont le NP se confond avec un autre mot, comme on l’a déjà vu [kã] (Caen/quand). C’est donc une référence qui joue beaucoup plus pour la situation du lieu que pour rappeler son histoire ; ainsi, le seul mot de débarquement 1 a réussi à rendre tous les NP (Normandie, Calvados, Caen) signifiants avec la présence de relation, aussi bien géographique qu’historique entre eux. C’est toute la stratégie discursive du texte qui place comme premier référent culturel le référent historique, en le faisant transcender au référent géographico-spatial. Ainsi fonctionnant comme noyau sémantique, cette référence va non seulement permettre à l’ambiguïté d’être épinglée (pour un premier temps) mais en plus, elle met en relief le caractère culturel du texte 1 Il s’agit du débarquement des alliés, en Normandie, lors de la deuxième guerre mondiale, en 1944. 121 humoristique. Ainsi, c’est la connivence du récepteur qui est convoquée par ce rappel historique, qui montre que le sens de ces trois NP n’est complet, que lorsqu’il est historiquement cadré. Ce cadrage historique se limite à l’emploi d’un seul mot, celui de débarquement dont l’incidence au sein du discours est déterminative par rapport au contexte dans lequel il agit en apportant « une dose massive d’informations ». Son choix n’est donc pas fortuit car « ce n’est pas parce que le jeu est ludique qu’il est fortuit » (Prieogo-Valverde, 1964 : 45) Ainsi, profitant de la connivence de son récepteur, le texte se voue un rôle plutôt didactique où, en plus de données géographiques, il rappelle un fait historique qui ne doit pas être ignoré. 2.2. Référence historique et humour Là aussi le procédé discursif est mis au service de la référence historique. En effet, le texte, à vocation théâtrale, s’adresse au récepteur (spectateur et auditeur du texte) qui n’est pas communiquant, mais qui participe par des réactions extralinguistiques, donc purement situationnelles (gestes, rires, applaudissements ou silence). Il convoque donc la présence d’un seul personnage sur scène qui va émettre à deux niveaux : Locuteur / acteur public/ spectateur : le locuteur est le narrateur qui présente toute l’histoire au public avec les répliques discursives intra-textuelles (discours des deux personnages) en jouant le rôle du personnage principal (c’est lui le concerné par l’histoire), il est donc narrateur/personnage. Locuteur / personnage allocutaire / personnage : il s’adresse à son allocutaire qui est le 2 ème personnage et qui n’est présent que dans le texte mais absent sur scène. Ces deux plans de l’énonciation vont jouer en faveur de l’implicite dont les sous-entendus se déplacent d’un niveau à l’autre. Ainsi, l’emploi du couple verbe/nom : débarquer / débarquement va fonctionner au niveau du récepteur/spectateur selon deux visées : - La première, provoquer le rire - - La deuxième, être invité à partager une référence historique 1°) Le rire résultat d’un décodage culturel. 122 Au niveau de la réplique (ma parole, vous débarquez), le locuteur fait usage d’une expression figée dont la signification renvoie à un codage culturel (Ducrot et Todorov, 1972) montrant comment un citadin se démarque d’un provincial, comportement assez dédaigneux établissant une hiérarchie dans la connaissance en fonction de l’appartenance sociale et géographique de l’individu (le citadin est plus ‘cultivé’ que le provincial). L’humour se sert de cette figure populaire satirique en faisant appel à la connivence du récepteur qui doit répondre favorablement y trouvant son plaisir. Là aussi le choix de l’expression figée est motivé du fait qu’elle permet, d’une part, de fonctionner sous forme de sous-entendu qui, d’après Martin (1976), est « un mode d’inférence situationnelle, correspondant à un implicite pragmatique » (Neveu 2004 :269), et, d’autre part, de servir la suite du texte en lui fournissant, sur la base d’une contiguïté formelle et sémantique , une isotopie autour du léxème : débarquer et ses dérivés débarquement et embarqué (« ma parole, vous débarquez », « là où a eu lieu le débarquement », « les flics m’ont embarqué »). Les trois (pseudo) occurrences ne vont pas avoir la même incidence au double niveau énonciatif, car, si le premier et le troisième mots sont mis au service du rire, il n’en est pas du tout pour le deuxième qui permet une tout autre orientation aussi bien du discours que du texte. 2°) La référence historique : un régulateur textuel et discursif. L’implicite, au niveau du mot débarquement fonctionne en tant qu’argument montrant la position de l’énonciateur qui sait préserver tout son sérieux à une référence historique, justifiant son air moqueur vis-à-vis de l’employé. Mais à un niveau plus profond du texte, cet implicite sert à expliquer le lien organisationnel du texte où le disjoncteur et la résolution sont liés au mode référentiel du texte mêlant l’histoire à la géographie, même si cette résolution n’est que partielle puisqu’elle va servir le jeu dans sa deuxième orientation avec inversement de rôles et continuité de l’incongruité. 3. Humour et distanciation Le prolongement de l’incongruité est mis au service d’une distanciation que le locuteur instaure pour rire de lui mais aussi pour rendre compte d’une certaine réalité qu’il utilise au service de l’humour. D’après B. Prieogo-Valverde (op.cit. : 29), la réalité est présente dans l’humour et constitue le point de référence. Pour notre texte, cette réalité n’est autre que la langue qui permet 123 des jeux de mots, tels que ceux utilisés dans et par le texte et qui selon Milner (1982) ont tout à voir avec la compétence du locuteur. Ce savoir- faire linguistique le locuteur l’utilise non pour tourner en dérision autrui mais certainement comme moyen de donner à réfléchir sur le pouvoir du mot, sur la manière dont il (le mot) peut guider la communication en modulant le sens selon sa forme et son contenu sémantique qui peuvent échapper au non averti. Le jeu de mots n’est-il pas un « jeu d’esprit » (Mounin, 1974 : 188) qu’il serait bon d’entretenir au même titre que l’histoire et la géographie, pour éviter d’être égaré dans la recherche d’un sens qui n’aboutit pas, comme n’a pas abouti la communication au niveau de notre texte-corpus ? Conclusion Plaçant le mot et le génie de son utilisateur au cœur des débats, le texte de Devos est, sous l’apparence d’un texte humoristique (un sketch), une réflexion sur le pouvoir communicatif du mot qui guide la signification en fonction de paramètres tel que celui de la forme. Il reprend à sa manière la problématique du sens en la mettant en relation avec l’aspect matériel du mot, c’est-àdire le son, dénonçant « l’ordinaire effacement – illusoire – du signe, transparent, « consommé » dans l’accomplissement de sa fonction de médiation », car « le mot, le moyen du dire, résiste, s’interpose comme corps sur le trajet du dire, et s’y impose comme objet »1 sur lequel on doit s’arrêter pour réfléchir. Références bibliographiques Authier-Revuz J., (2003), « Le fait autonymique : langage, langue, discours. Quelques repères », Parler des mots, Paris, Sorbonne nouvelle, p. 67-96.. Bendhif-Syllas M., (2011), « Humour et littérature », in acta Fabula. [En ligne], consulté le 21septembre 2014) Fuchs, C., (1996), Les ambiguïtés du Français. Paris : L’essentiel, Ophrys. Fuchs, C., (2009), « L’ambiguïté : du fait de langue aux stratégies interlocutives » (LATTICE : CNRS/ENS), Travaux neuchâtelois de linguistique, 50, 3-16. [En ligne] consulté le 21/9/2014 Gaudin, F., Guespin, L., (2000), Initiation à la lexicologie française ; de la néologie aux dictionnaires. Bruxelles : Duculot/De Boeck. 1 Authier-Revuz, 2003, p. 88-89. 124 Grice, H.-P., (1979). « Logique et conversation ». Communications, n° 30, Paris : Seuil, pp. 5772. Le Goffic, P., (1982), « Ambiguîté et ambivalence en linguistique ». DRLAV, 27, 83-105 Milner, J.-C., (1982), Ordres et raisons de langue, le Seuil, 1982. Mounin, G., (1974), Dictionnaire de la linguistique, Presses Universitaires de France Neveu, F., (2004), Dictionnaire des sciences du langage, Armand Colin. Prieogo-Valverde B., (2003), L’humour dans la conversation familière, Paris, l’Harmattan. Annexe Texte de RAYMOND DEVOS A QUAND LES VACANCES J’avais dit : « Pendant les vacances je fais rien, rien, je veux rien faire ». Je savais pas où aller. Comme j’avais entendu dire « A quand les vacances ? A quand les vacances ? », je dis : - « Bon, je vais aller à Caen » Et puis à Caen, ça tombait bien, j’avais rien à y faire. Je boucle la valise, je vais pour prendre le car. Je demande à l’employé : -« Pour CAEN, quelle heure ? » Il me dit :: » Pour où ? » Je lui dis : « Pour Caen » Il me dit : « Comment voulez- vous que je vous dise quand si je ne sais pas où ? » Je lui dis :: « Comment vous ne savez pas où est Caen ? » Il me dit si vous ne me le dites pas Mais je lui dis : « Je vous ai dit Caen » Il me dit : « Oui, mais vous ne m’avez pas dit où » Je lui dis : « Monsieur, je vous demande une petite minute d’attention. Je voudrais que vous me donniez l’heure de départ des cars qui partent pour CAEN » Je dis : « Mais enfin, Monsieur, CAEN, dans le CALVADOS .» Il me dit : « C’est vague ! » 125 Je lui dis : « En Normandie .Ah , je dis, ma parole, vous débarquez. » « Ah ! il me dit, là où a eu lieu le débarquement, en Normandie, à Caen ? » Je dis : « Voilà ! » « Eh bien, il me dit, prenez le car. » Je dis : « Il part quand ? » Il me dit : « Il part au quart » Je lui dis : « Le quart est passé ? » « Eh bien, il me dit, si le car est passé vous l’avez raté » Alors je lui dis : « Et le prochain ? » Il me dit : « Le prochain, il part à 7 (sept) » Je lui dis : « Mais il va à Caen ? » Il me dit : « Non, il va à SETE » Je lui dis : « Moi, je veux pas aller à SETE, je veux aller à CAEN » Il me dit : « D’abord, qu’est-ce que vous allez faire à Caen ? » Je dis : « Rien, rien je veux rien y faire. » « Eh bien, il me dit, si vous n’avez rien à faire à Caen, allez à SETE ! » Je lui dis : »Qu’est-ce que vous voulez que j’aille faire à SETE ? » Il me dit : « Rien » « Ah, je dis, si j’ai rien à y faire, alors d’accord » « Alors je lui dis, pour SETE, il part à combien ? » « Eh bien, il me dit, il part à 19…mais avec le chauffeur, ça fait 20. » Il me dit, alors : « Vous l’avez raté » Alors, je lui dis : « C’est trop tard » Il me dit : « oui » « Pour SETE oui, mais si ça vous dit d’aller à TROYES, j’ai encore une place dans ma voiture ». Je lui dis : « Qu’est-ce que vous voulez que j’aille faire à TROYES ? » Il me dit : « Prendre le car » « Mais, je dis, pour aller où ? » Il me dit : »Pour Caen » Je lui dis : « Comment voulez-vous que je vous dise quand si je ne sais pas où ? » 126 Il me dit : « Comment, vous ne savez pas où est Caen ? Je lui dis : « Mais si, je sais où est CAEN ; ça fait une demi- heure que je vous dis c’est dans le CALVADOS, que c’est là où je veux passer mes vacances, parce que j’ai rien à y faire. « Oh, il me dit, ne criez pas, ne criez pas, on va s’occuper de vous ! » Alors, il a téléphoné au dépôt, mon vieux ! à 22 le car était là, les flics m’ont embarqué…à 3, et je suis arrivé au quart où j’ai passé la nuit. Voilà mes vacances. Raymond Devos – IPN, 1998. 127 La didactique du FLE : une discipline en construction Abdelkrim KHETTAB Université Sidi Mohammed Ben Abdellah-Maroc Résumé Le présent article est une réflexion autour de la« didactique », un concept protéiforme qui est souvent confondu avec des concepts voisins. Il sera plus exactement question d’examiner les contours de la didactique du FLE en précisant sa genèse ainsi que son évolution tant au niveau conceptuel qu’épistémologique. Nous verrons, par la suite, que cette discipline est en quête de scientificité et de reconnaissance académique vu les rapports ambigus qu’elle entretient avec les disciplines contributoires. Plus encore, le discours didactique, empreint de pluralité, reflète la diversité des postures chez les chercheurs. Après avoir explicité les différentes modalités de recherche dans ce domaine, nous exposerons, en définitive, l’état actuel de la recherche en didactique du FLE au Maroc en tant que discipline naissante. Abstract This paper examines the concept of didactics, a protean concept that is often confused with similar terms. It will issue to consider the contours of the didactics of French as a foreign language (FFL). We intend to clarify its genesis and its evolution both conceptual and epistemological. We will see later that it is still looking for academic recognition because of the ambiguous relationship it has with the contributory disciplines. Moreover, the didactic discourse, marked by plurality, reflects the diversity of res earchers postures. After explaining the different research modalities in this field,we finally expose the current state of the didactics of French in Morocco as an emerging research discipline. Introduction La didactique des langues-cultures (désormais DLC) fait partie des didactiques disciplinaires, un champ d’étude qui s’est développé particulièrement en France et dont l’objet consiste en la réflexion sur les phénomènes d'enseignement-apprentissage. Il faut reconnaître au passage que la didactique des sciences, et notamment celle des mathématiques, a irrigué les autres didactiques 128 disciplinaires avec des notions théoriques comme situation didactique, contrat didactique(Guy Brousseau, 1979) ou transposition didactique1 (Yves Chevallard, 1985). Depuis son apparition au milieu des années 70, la DLC ne cesse de revendiquer une place parmi les sciences humaines et sociales. Réputée de « discipline carrefour » (Galisson, 1986 :50) ou même d’aubergeespagnole, elleest souvent en quête d’assises scientifiques pour raffermir son statut académique. Outre la difficulté de son affiliation, aux sciences du langage ou aux sciences de l’éducation, les rapports ambigus qu’elle entretient avec les disciplines dites contributoires rendent fragiles ses soubassements épistémologiques. Au vu de ce qui précède, nous sommes amené à nous interroger sur le statut actuel de la didactique. S’agit-il d’une science affirmée ou d’un simple domaine regroupant les bonnes pratiques? S’est-elle constituée en discipline autonome ou est-elle encore en quête de maturité ? Y a-t-il un type spécifique de recherche à même de répondre aux questionnements du champ ? C’est à ces questions que nous tenterons d’apporter des éléments de réponse. I. Précision terminologique : DidactiqueVsPédagogie Il nous semble, de prime abord, nécessaire de préciser le sens des termes didactique et pédagogie, des termes si voisins que très souvent ils sont confondus voire opposés et, plus encore, chaque terme ne réfère pas toujours au même concept. Avec eux, vient parfois interférer le terme sciences de l’éducation; néanmoins, ce dernier renvoie, selon Gaston Mialar et à « l'ensemble des disciplines qui étudient les conditions d'existence, de fonctionnement, et d'évolution des situations et des faits d'éducation ». Pluridisciplinaires par définition, les sciences de l’éducation font appel à diverses disciplines : sociologie de l’éducation, psychologie de l’éducation, psychologie des apprentissages, didactique des disciplines, histoire de l’éducation, etc. Pour situer la didactique au regard de la pédagogie, il convient dès lors de distinguer deux niveaux : 1. Au niveau étymologique : 1 Utilisée initialement en Sociologiepar Michel Verret (1975). 129 Le mot « pédagogie » dérive du grec (pais, paidos) : « l'enfant », et (agogein) : « conduire, mener, accompagner, élever ». Dans la Grèce antique, le pédagogue était un esclave qui accompagnait l'enfant à l'école, lui portait ses affaires, mais aussi l’assistait à réciter ses leçons et faire ses devoirs. Le mot « Pédagogie » fait son apparition en 1495dans le dictionnaire LeRobert et en 1762 dans le Dictionnaire de L’Académie française. D’origine grecque, Didaktikos(de didaskein = enseigner) signifie « propre à enseigner » (Legendre, 1988 :179), le mot didactique a évolué d’un adjectif vers un substantif. L’adjectif « didactique », apparu le premier au Moyen âge et plus précisément en 1554 (Rosay, 1988 :16), caractérise depuis longtemps des œuvres à visée instructive. En tant que substantif, il est défini par Comenius (1628/1657) comme : « art d’enseigner ». Le même sens traverse les siècles e tse trouve rapporté par Le Robert (1955) et Le Littré (1960), évoluant ainsi jusqu’à désigner une discipline, un champ voire une science. 2. Au niveau sémantique: Généralement, la pédagogie porte son attention sur la relation fonctionnelle enseignant-élèves et sur l’action en situation, relation où la dimension affective est très prégnante. La didactique, quant à elle, renvoie au rapport de l’enseignant au savoir. Pour ce qui est de la conception actuelle du domaine, beaucoup d’auteurs constatent que la pédagogie se situe du côté de l’apprenant et fait référence à tout ce qui relève de l’apprentissage. Elle s’intéresse aux processus intellectuels et perceptifs mis en œuvre au cours de l’apprentissage ainsi que les principes méthodologiques du « comment faire-apprendre ». Par ailleurs, la didactique, selon eux, se situe du côté de l’enseignant en tant que spécialiste d’un contenu d’enseignement. Elle se résume au « quoi enseigner », par le choix du contenu, son adaptation au public et sa structuration en séquences didactiques cohérentes, tout en obéissant à une logique de progression dans les apprentissages. 3. Pédagogie et Didactique en classe : En effet, dans sa pratique en classe, tout enseignant remplit deux fonctions concomitantes et complémentaires recouvrant des types de tâches différentes :« une fonction didactique de structuration et de gestion des contenus, et une fonction pédagogique de gestion, de régulation interactive des événements en classe »(Altet, Charlier & Perrenoud, 2001 : 32).Comme le 130 souligne Tochon (1989), le fait pédagogique se déroule dans le « temps synchronique » de l’enseignement alors que le fait didactique est de l’ordre de la « diachronie », du temps fictif de l’anticipation des contenus. Du coup, « penser séparément le didactique et le pédagogique est contre-productif » (Bucheton, 2012), et pour le praticien, il est impératif de tenir les deux bouts de la chaîne. II. Didactique du français langue étrangère : évolution d’une discipline La didactique du français langue étrangère et seconde (désormais DFLES) est une discipline relativement récente. Elle a vu le jour en France et s’est développée au sein d’institutions « marginales »(CRÉDIF, BELC)1 pendant une courte durée. Les publics visés ont surtout été des publics non scolaires situés dans des établissements éducatifs non officiels. Cette caractéristique lui a permis d’opérer plus librement que les didactiques travaillant sur des disciplines correspondant à des programmes et à des examens officiels. En tant que branche de la Didactique des langues étrangères et secondes (Cuq, 2003) ou de la DLC (Galisson), la DFLES est venue succéder à la « linguistique appliquée2 », vers la fin des années 70, marquant ainsi un changement à la fois épistémologique et conceptuel. Cependant, il importe de rappeler les trois perspectives qui ont, selon nous, marqué l’histoire de cette discipline : 1. La 1ère perspective : la Pédagogie des langues : Cette période était propre aux méthodologies traditionnelles, et correspondait à la montée en puissance de la Psychologie au sein des sciences humaines. Le terme pédagogie fonctionnait comme un polysème puisque son référé englobait à la fois méthodes, manuels, outils pédagogiques, etc. En fait, il englobait toute la pratique pédagogique, prenant ainsi valeur générique englobant, alors que le terme Didactique était tombé en désuétude au cours de ce siècle. Le noyau dur de cette perspective était axé sur l’enseignant. 1 LeCREDIF : Centre de Recherche et d'Étude pour la Diffusion du Français ; alors que le BELC : Bureau pour l’Enseignement de la Langue et de la Civilisation françaises à l’étranger. 2 Appellation calquée sur AppliedLinguistics, arrivée en France avec la méthodologie audio-orale américaine et ses deux références scientifiques, le béhaviorisme et le distributionnalisme. 131 2. La 2ème perspective : la période Linguistique appliquée Cette période correspondait à la prédominance de la Linguistique au sein des sciences humaines. Le noyau dur de cette perspective était axé sur l’objet langue, et il faut signaler, qu’à ce moment de son histoire, la didactique renvoyait plutôt à un travail autour des méthodologies d’enseignement. En effet, pendant les années 60-70, la linguistique a produit des modèles si élaborés que les chercheurs dans le domaine de l’enseignement des langues ont pu penser que l’application de ces modèles « scientifiques » dans leur domaine pouvait aplanir les obstacles liés à l’apprentissage des langues. C’est une logique « descendante » et « prescriptiviste » (Bigot & Cadet, 2011 : 16) par laquelle la didactique cherchait alors à construire des modèles d’enseignement généralisables à tous les contextes. 3. La 3ème perspective : l’émergence de la didactique/didactologie: Cette période correspondait à la baisse de l’influence de la linguistique au sein des sciences humaines au profit d’autres disciplines comme la sociolinguistique, la psycholinguistique ou l’anthropologie, de sorte que, le noyau dur de cette perspective s’est déplacé de la discipline enseignée vers le sujet apprenant. Galisson, qui était un lexicologue particulièrement fécond en matière de néologisme en didactique, « proposa en 1977 de remplacer “linguistique appliquée” par “la didactique des langues étrangères” » (Cuq, 2003 : 69).En 1986, il reconfigura le champ en avançant que Didactique devient Didactologie du moment que le didacticien « réfléchit sur sa pratique et produit du discours sur cette pratique » (Galisson, 1986). La didactologie s’installe donc comme l’aboutissement d’une évolution, rendue possible grâce au développement d’un paradigme « ascendant » dans les recherches en didactique, un paradigme qui s’est construit sur la conviction que « c’est dans la pratique que naît la théorie »1. 4. Le rapport Langue-Culture en Didactique : Il revient, encore une fois, à Galisson de proposer le concept de didactique des langues et des cultures (1989), puis de le faire évoluer en didactique des langues-cultures (1992)(avec un tiret). 1 Resnik citée par Bucheton (1995, p. 207). 132 Par ce passage, il veut marquer l’indissociabilité absolue des deux éléments : Langue et Culture1. En effet, au sein de cette discipline, la langue est «un objet d’enseignement et d’apprentissage composé d’un idiome et d’une culture » (Cuq &Gruca, 2002: 80). Le principe de l’indissociabilité langue-culture trouve sa légitimité dans le rapport établi entre compétence communicative et compétence (inter-)culturelle. Il faut rappeler que l’ « approche communicative » et l’ « approche interculturelle » ont fortement préparé le terrain à l’adoption du double objectif langue-culture de sorte qu’aujourd’hui l’expression «didactique des languescultures » est largement connue et reconnue parmi les spécialistes. La langue étrangère, au fil du cursus scolaire, devient de moins en moins une finalité et de plus en plus un moyen pour la découverte et la maitrise de la culture cible. Et il n’est pas un hasard que les auteurs du Cadre Européen de Référence pour les Langues (2001) instaurent l’objectif de « compétence plurilingue et pluriculturelle » comme finalité majeure. En fin de compte, il apparait que chaque nouvelle appellation en didactique est symptomatique d’une évolution épistémologique et / ou conceptuelle, propre à un moment donné de l’histoire de la discipline. Dans cette optique, nous pouvons dire que « l’histoire de la discipline c’est aussi une histoire de concept ». (Benhamla, 2012). Suite à cette évolution de perspectives, nous serons amené à nous interroger sur les fondements épistémologiques actuels de cette discipline. III. Epistémologie et Objet d’étude en didactique : Il fut un temps où l’objet de recherche en didactique consistait à aller chercher dans les théories des sciences du langage et de la psychologie des modèles pour enseigner. C’était un présupposé épistémologique « descendant »empreint d’applicationnisme. Actuellement, la perspective s’est inversée et elle est « ascendante »,la didactique a décentré son objet vers les pratiques de classe. 1. L’objet didactique : un objet complexe Il faut reconnaitre que l’objet didactique est fondamentalement complexe1dans la mesure où il est question de réfléchir sur le processus conjoint d’enseignement-apprentissage d’une langue- 1 Sur cette corrélation à lire : Claude Lévi-strauss (1974) et Michael Byram (1992). 133 culture. En effet,« L’objet de recherche [en didactique], qui n’est jamais un item isolé et/ou isolable, est en fait une interaction d’objets dans des systèmes complexes »(J-P.Narcy-Combes, 2002). Pour réfléchir sur son objet, la didactique emprunte ses outils d’analyse à des disciplines appelées jadis « de référence »ou actuellement « disciplines contributoires » 2 telles que la linguistique, la psycholinguistique, la sociolinguistique, les sciences de l'éducation, etc. Est-ce là une dépendance épistémologique ? Ou est-ce la nature complexe du champ qui condamne la didactique à l’emprunt? 2. Une discipline en quête de scientificité : Pour certains, la didactique, assimilée à une « science de l’imprécis »(Moles&Rohmer, 1990), couvre un domaine à la fois trop vaste et trop dépendant des paramètres environnementaux pour qu’on puisse l’instituer en une véritable « science » dotée de ses propres théories. Par ailleurs, la didactique souffre d’un manque de reconnaissance académique, voire d’une « culture du mépris » (Daunay, 2011 : 13), sa scientificité est remise en cause par beaucoup d’universitaires. Ces détracteurs « ont du mal à concevoir que les didactiques des disciplines scolaires puissent correspondre à autre chose qu’à un corpus de savoir-faire empirique » (Puren, 2009). En outre, la didactique, comme discipline de recherche et de formation universitaire, peut s’inscrire dans des cursus divers 3 ,ce qui entraîne évidemment une difficile lisibilité institutionnelle de la discipline. Plus encore, un grand nombre de didacticiens, moins zélés, parait-il, préfèrent se réclamer non de la didactique mais de leurs disciplines mères telles que la linguistique, la psycholinguistique ou la sociolinguistique ; et du coup le statut de la didactique se trouve fragilisé par ceux-là-mêmes qui seraient censés la défendre. 1 « Le « paradigme de complexité » que définit E. Morin dans différents ouvrages est particulièrement adapté à la didactique des langues ». (Puren, 1999, Glossaire) 2 Appelées aussi «disciplines de proximité » (Puren, 2009), ou encore « sciences de fondement » (Narcy-Combes, 2006). 3 Sciences du langage, Littérature, Communication& Nouvelles Technologies, Cognition, Sciences de l’éducation, etc. 134 3. Une discipline parvenue à maturité ? Pour d’autres auteurs, la DLC possède sa propre épistémologie, mais forcément adaptée à la nature de son domaine. Bien entendu, la didactique ne se suffit pas, et partant, il est parfaitement légitime qu’elle recoure à d’autres disciplines pour se doter d’outils de travail. Autrement dit, la nature de ce champ complexe exige que soient prises en compte plusieurs variables enchevêtrées, à la fois d’ordre : cognitif, langagier, social, psychologique, culturel, éducatif, institutionnel et anthropologique. Ces différents constituants forment un « tissu interdépendant, interactif et inter-rétroactif » (Morin, 1999 : 17). Cependant, l’emprunt théorique, qui est une entreprise hautement périlleuse, requiert de la part des praticiens beaucoup de vigilance et un souci permanent de spécification (Daunay& Reuter, 2008). C’est là où réside l’enjeu de l’action didactique car il importe de repenser les concepts et les démarches en fonction des contextes et des objets auxquels ils s'appliquent. Au demeurant, la contextualisation didactique est un variable déterminant dans les recherches car il prémunit les acteurs contre les généralisations abusives. Il faut reconnaitre que la lente autonomisation ou, pour mieux dire, la reconfiguration disciplinaire de la didactique, qui est un processus actuellement en cours, exige des clarifications théoriques et méthodologiques de la part des didacticiens. Ceci étant dit, il convient à présent de nous demander : quels sont les types de recherches en didactique ? Et Quelle serait donc la modalité de recherche la mieux appropriée à ce domaine? IV- Quelle Recherche en didactique ? La didactique est une discipline à visée praxéologique, discipline où la pratique est à la fois le point de départ et la finalité de la recherche (Halté, 1992 ; Brassart, Reuter, 1992).Dans cette optique, la recherche en DLC peut être définie comme un acte d’« observation, d’analyse et d’interprétation des usages (ressources, pratiques, représentations) relatifs aux enseignements et apprentissages linguistico-culturels pouvant déboucher sur des propositions d'intervention »(Blanchet &Rispail, 2012). Si la plupart des didacticiens optent pour la recherche-action, il n’en demeure pas moins vrai que la recherche fondamentale assure un rôle spéculatif indispensable à la discipline en ce qu’elle lui permet de penser constamment ses objets. 135 Cependant, avant d’expliciter ces deux tendances de recherche, il importe de clarifier une confusion récurrente, du moins pour un observateur extérieur à ce champ, tant au niveau de la pratique que de la recherche. 1- Confusion disciplinaire et discours pluriel: Face à l'absence d’un paradigme dominant, nous assistons àun foisonnement méthodologique, ainsi qu’à une pluralité des choix conceptuels. Nous relevons trois causes principales pour expliquer ce kaléidoscope théorique (Daunay& Reuter, 2011 : 15). La première est que les paradigmes scientifiques n’ont cessé d’évoluer durant ces 50 dernières années, au point que les frontières entre savoirs et domaines scientifiques sont devenues moins étanches que par le passé. La seconde est que les didacticiens-chercheurs à l’université ont un double ancrage, ils proviennent d’horizons différents (linguistique, psychologie, sociologie, études littéraires, sciences de l’éducation,…), et d’où la production d’un discours pluriel reflétant leurs formations et leurs histoires personnelles. La troisième cause est que, à côté des chercheurs-universitaires, plusieurs acteurs peuvent revendiquer à bon droit la didactique: formateurs, enseignants-praticiens, inspecteurs, méthodologues, innovateurs ou concepteurs de manuel. C’est à ce titre que Michel Develay (1997 : 62-63) distingue au moins trois attitudes du didacticien :« l'attitude descriptive (du didacticien universitaire),l'attitude prescriptive (du didacticien inspecteur) et l'attitude suggestive(du didacticien formateur) ».Cette pluralité d’acteurs et d’espaces de travail conduit nécessairement à une diversité des postures de recherche. Chacune de ces recherches est amenée à penser ses problèmes en vase clos dans un contexte spécifique et on assiste dès lors à des recherches juxtaposées et redondantes. Il est à signaler que dans un domaine, où « la culture de la capitalisation scientifique n’est pas encore très ancrée dans les pratiques des chercheurs » (Daunay& Reuter, 2011),la vulgarisation des résultats des recherches en didactique se heurte, par ailleurs, à l’absence de réseaux communautaires en mesure de diffuser les savoirs et de mutualiser les expériences. 136 2- Les types de recherches : Comme nous l’avons énoncé plus haut, les avis sont partagés quant au type de recherche à adopter. Bien qu’il y ait différents types, nous relevons pour notre part deux grandes orientations : a) La recherche fondamentale : C’est une recherche « universitaire »éloignée des directives officielles et qui« vise à accroître les connaissances d’un domaine, sans se préoccuper de ses applications pratiques» (Angers, 2000 [1996] : 9), autrement dit, en l’entamant, on ne présuppose pas des retombées pratiques qu’elle pourra avoir.Un autre trait définitoire, c’est qu’elle met l’accent sur la construction théorique soucieuse d’une cohérence interne, sans se préoccuper d’une confrontation avec le réel. Elle privilégie les postures descriptive et explicative et prend du recul pour analyser les aspects positifs comme les dérives des dispositifs et des pratiques d’enseignement-apprentissage en vigueur. Sa finalité ultime consiste à modéliser les pratiques et à théoriser les phénomènes en vue de produire un savoir académique. Ce type de recherche, faiblement orienté vers l’intervention, propose rarement des dispositifs pour l’expérimentation. b) La recherche-action: Elle vise à expérimenter de nouveaux dispositifs d’enseignement, ainsi que le contrôle et l’évaluation systématique de ces dispositifs. Elle s’inscrit dans une démarche d’intervention « impliquée », propice à l’innovation pédagogique et au développement d’outils. Elle est la recherche privilégiée dans les centres de formation des enseignants. Par ailleurs, la recherche-action est préconisée par un grand nombre de didacticiens de renom 1. Selon eux, la recherche-action« est la méthodologie de la recherche la mieux adaptée pour gérer les interrogations que suscite ce domaine ». (J-P Narcy-Combes, 2002) S’il y a bien divergence au niveau des finalités et des méthodologies entre recherche fondamentale et recherche-action, la didactique a fortement besoin de leurs apports théoriques et praxéologiques, pour peu que ces savoirs soient complémentaires et non prescriptifs. Ces deux versants de la recherche concourent à la compréhension des phénomènes d’enseignement1 Pour n’en citer que quelques uns : D. Coste, Ch. Puren,Dabène, J-.P. Narcy-Combes, D. Macaire, Manesse, Nunan, Ellis, ... 137 apprentissage et peuvent conduire, in fine, àla prise de décisions politico-institutionnelles en matière d’éducation, mais ne sauraient en aucun cas se confondre avec elles. 4. Didactique du FLE au Maroc : états des lieux de la recherche Au Maroc, et pour des raisons historiques, on parle de DFLE/S pour désigner la didactique qui réfléchit sur les pratiques de la langue française au sein des institutions scolaires. En vérité, cette didactique est à ses balbutiements pour ne pas dire qu’elle est à l’état embryonnaire. Pour autant, les acteurs de la recherche sont de trois ordres : « institutionnels, scientifiques et associatifs » (Mabrour, 2013) et ils opèrent au sein: - des Établissements universitaires où les enseignants-chercheurs sont souvent de formation linguistique et/ou littéraire ; - des Centres de formation initiale aux métiers de l’enseignement ; - du Réseau des Instituts français où différentes actions sont menées en matière de formation; - d’Associations telle que l’AMEF1, ses rencontres annuelles et notamment ses universités d’été. Il importe de souligner que le REMADDIF2, un réseau récemment installé, a pour objectifs de mutualiser les recherches en didactique du français au sein des Masters et Doctorats, de soutenir les structures de recherche universitaires, et enfin de nouer des partenariats au niveau national et international. D’ailleurs, son dynamisme laisse présager qu’une communauté didactique est en cours de constitution. En matière de publications, outre mémoires, thèses et actes de colloques, on signale de temps à autre des publications individuelles orientation pédagogique. On déplore toutefois l’absence de revues spécialisées en didactique, et notamment d’une version locale de la revue Synergie3, en regard de nos deux proches voisins, l’Algérie4 et la Tunisie, qui disposent de leurs versions locales de la revue, et ce, respectivement, depuis 2007 et 2009. 1 L’Association Marocaine des Enseignants de Français. REMADDIF : Réseau des Masters et Doctorats en Didactique du Français. 2 3 Le Réseau des revues Synergies du GERFLINT(Groupe d’Études et de Recherches pour le Français Langue Internationale)est un bouquet d'une trentaine de revues de Sciences Humaines et Sociales et de Didactologie des Langues et des Cultures. http://gerflint.fr/Base/base.html 4 La revue Synergies Algérie, qui a publié plus de 100 articles en didactique, est actuellement à son 22 ème numéro. 138 Conclusion Nous avons vu, à travers cet article, que la DLC est un champ d’étude qui présente plusieurs tensions. Il y a diversité des postures et une conception plurielle de ce champ par les acteurs. Si les chercheurs forment une communauté disparate, il n’en demeure pas moins vrai que les tensions entre théorie et pratique d’une part, entre distanciation et implication, entre visée scientifique et engagement militant d’autre part, sont des facteurs qui fragilisent la discipline. Il reste à préciser enfin que le caractère non stable et évolutif de la discipline fait dire à Jacques Cortès 1 que la didactique est bel et bien « une discipline en construction et reconstruction permanentes ». Toutefois, l’avenir de la didactique, comme champ autonome de recherche susceptible d’apporter des connaissances spécifiques, est tributaire de la capitalisation des recherches, du travail en synergie et de l’instauration d’un dialogue entre universitaires, formateurs, décideurs et praticiens. Tel est, à notre sens, le défi que doit relever actuellement la didactique. Il s’agit d’entretenir entre les différents acteurs des « relations fructueuses et dépassionnées » au lieu de la défiance et du déni mutuel (Perrenoud, &al., 2008) car, en définitive, tout didacticien ambitionne d’apporter sinon des solutions, du moins des éléments d’intelligibilité des processus d’enseignement et d’apprentissage. Références bibliographiques ALTET,M.,CHARLIER, E,PERRENOUD, Ph., (2001) ,Former des enseignants professionnels: Quelles stratégies ? Quelles compétences ?, De Boeck Supérieur. BENHAMLA, Zoubeida, (2012), « De la pédagogie à la didactologie : histoire d’une discipline ou histoire de concepts ? »,Synergies Algérie,n° 15, pp. 13-23. BLANCHET, Philippe&RISPAIL, Marielle, (2012), « La Contextualisation, Enjeux épistémologiques et méthodologiques pour la recherche en didactique des langues et des cultures », Séminaire : Recherches en Didactique des Langues et des Cultures, Lima (Pérou),mai 2012. CHEVALLARD,Yves,( 1985), La Transposition didactique, Grenoble, éd. La Pensée sauvage. 1 Dans la Préface de la Revue Synergies Algérie n° 15 – 2012. 139 CUQ, Jean-Pierre &Gruca, Isabelle, (2002), Cours de didactique du français langue étrangère et seconde, Grenoble : Presses Universitaires de Grenoble. 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TOCHON, François-Victor, (1989), « A quoi pensent les enseignants quand ils planifient leurs cours ? », Revue Française de Pédagogie, n° 86, Paris, pp. 23-33. 140 ﺧﺼﻮﺻﯿﺎت اﻟﻤﺼﻄﻠﺢ اﻟﺘﺸﺮﯾﻌﻲ ﻓﻲ اﻟﺠﺰاﺋﺮ وﺿﻌًﺎ وﺗﺮﺟﻤﺔً د.إﯾﻤﺎن ﺑﻦ ﻣﺤﻤﺪ ﺟﺎﻣﻌﺔ اﻟﺠﺰاﺋﺮ2 ﯾُﻤﻜﻦ اﻟﺤﺪﯾﺚ ﻋﻦ اﻟﺘﺮﺟﻤﺔ اﻟﻤﺘﺨﺼﺼﺔ ﻋـﻨﺪﻣﺎ ﻻ ﯾﻜﻔﻲ اﻟﻤﺨﺰون اﻟﻤﻌﺮﻓﻲ اﻟﺬي ﯾﺸـﺘﺮك ﻓﯿﮫ أﻛﺒﺮ ﻋﺪد ﻣﻦ اﻟﻨﺎس ﻟﻠﻘﯿﺎم ﺑﻌﻤﻠﯿﺘﻲ ﺼﺼﺔ ) .(380 :2003 ،Lethuillierﻛﻤﺎ إﻧﮭﺎ ﻚ رﻣﻮز اﻟﺮﺳﺎﻟﺔ ﻣﺤ ّﻞ اﻟﺘﺮﺟﻤﺔ وإﻋﺎدة ﺗﺮﻣﯿﺰھﺎ ،ﻓـﺘـﺘﺪ ّﺧﻞ اﻟﻤﻌﺎرف اﻟﻤﺘﺨ ّ ﻓ ّ ﺼﺼﺔ ﺑﻄﺮﯾﻘﺔ ﺗﻘﻨﯿﺔ ).(29 -21 :1995 ،Lerat ﺗﺮﺟﻤﺔ ﺗﺘﻌﺎﻣﻞ ﻣﻊ ﻟﻐﺔ اﺧﺘﺼﺎص ﺗﺴﺘﻌﻤﻞ ﻟﻐﺔ طﺒﯿﻌﯿﺔ ﻟﻠﺘّﻌﺒﯿﺮ ﻋﻦ ﻣﻌﺎرف ﻣﺘﺨ ّ ﻓﺎﻟﺘﺮﺟﻤﺔ اﻟﻘﺎﻧﻮﻧﯿﺔ ،ﻣﻦ ھﺬا اﻟﻤﻨﻈﻮر ،ﺗﺮﺟﻤﺔ ﻣﺘﺨﺼﺼﺔ ﺑﺎﻣﺘﯿﺎز ،إذ ﺗﺘﻄﻠﺐ ﻣﻌﺎرف وﻣﮭﺎرات ﻣﻤﯿﺰة ،وﺗﺴﺘﻌﯿﻦ ﺑﻠﻐﺔ ﺗـﻘـﻨﯿﺔ ﺼﺼﺔ ﺗُﻌـﺒّﺮ ﻋﻦ اﻟﻤﺘﺼﻮرات واﻟﺤﻘﺎﺋﻖ اﻟﻘﺎﻧﻮﻧﯿﺔ و"ﺗُــﺸﻜّﻞ اﻟﻤﺼﻄﻠﺤﺎت واﻟﻘﻮاﻟﺐ اﻟﻤﺼﻄﻠﺤﯿﺔ اﻟﺪّﻋﺎﻣﺔ اﻟﺮﺋﯿﺴﺔ ﻟﮭﺎ ﻣﺘﺨ ّ ﺑﺎﻟﻤﻔﺎھﯿﻢ ودﻗﺎﺋـﻖ اﻟﻤﻌﺎﻧﻲ اﻟﺘﻲ ﺗﺤﻤﻠﮭﺎ" )اﻟﺪﯾﺪاوي.(45 :2000 ، ﺑﯿﺪ أن اﻣﺘﻼك اﻟﻘﺎﻧﻮن ﻟﻐﺔً ﯾﻤﻜﻦ وﺻﻔﮭﺎ "ﺗـﻘـﻨﯿﺔ" ﻻ ﯾﻌﻨﻲ أن اﻟﺘﺮﺟﻤﺔ اﻟﻘﺎﻧﻮﻧﯿﺔ ﺗﺮﺟﻤﺔ ﺗـﻘـﻨﯿﺔ )ﺑﻦ ﻣﺤﻤﺪ .(167 : 2013 ،ذﻟﻚ أنّ اﻟﻤ ﺪﻟﻮل ،ﻓﻲ اﻟﺘﺮﺟﻤﺔ اﻟﺘـﻘﻨﯿّﺔ ،ﻏﺎﻟﺒﺎ ﻣﺎ ﯾﻜﻮن واﺣﺪا وﻋﺎﻟﻤﯿﺎ ﺑﻐـﺾّ اﻟﻨﻈﺮ ﻋﻦ اﻟﻠﻐﺎت اﻟﺘﻲ ﺗﻌـﺒّﺮ ﻋﻨﮫ ،ﻟﻜﻨّﮫ ﻛﺜﯿﺮا ﻣﺎ ﯾﻜﻮن ﻣﺘﻐــﯿّﺮا ﻣﻦ ﻧـﻈﺎم ﻗﺎﻧﻮﻧﻲ ﻓﻲ ﺑﻠﺪ إﻟﻰ آﺧﺮ .ﻛﻤﺎ إنّ اﻟﻤﺆﺳﺴﺎت واﻟﻤﻔﺎھﯿﻢ اﻟﻘﺎﻧﻮﻧﯿﺔ ﻟﯿﺴﺖ ﻣﺘﻄﺎﺑﻘﺔ ﺑﺎﻟﻀﺮورة وﻻ ﯾﺸـﺘﺮك ﻓﯿﮭﺎ اﻟﻌﺎﻟﻢ ﺑﺄﺳﺮه ).(40 :1996 ،Durieux وﺗُﻌ ّﺪ ﻗﻀﯿﺔ اﻟﻤﺼﻄﻠﺤﺎت "ﻗﻀﯿﺔ أﺳﺎﺳﯿﺔ ﻓﻲ اﻟﺘﺮﺟﻤﺔ اﻟﺘﺨﺼّﺼﯿﺔ" )ﺣﺠﺎزي ،د.ت ،(204 :ﺑﻞ إن ّ اﻟﻤﺼﻄﻠﺢ ھﻮ "ﻋﺼﺐ اﻟﻨﺺ اﻟﻘﺎﻧﻮﻧﻲ" ،ﻛﻤﺎ ﺗﻘﻮل ﺳﻌﯿﺪة ﻛﺤﯿﻞ ) ،(35 :2009وﻋﻠﺔ اﺳﺘﻘﺎﻣﺔ ﻣﻌﻨﺎه وﺟﻼء ﻣﻀﻤﻮﻧﮫ .ﻟﻜﻦ ھﺬا اﻟﻤﺼﻄﻠﺢ ﯾﺤﯿﺎ، ﺑﺎﻟﺠﺰاﺋﺮ ،ﻓﻲ ﺳﯿﺎق ﺗﺎرﯾﺨﻲ وﻟﻐﻮي واﺟﺘﻤﺎﻋﻲ وﻗﺎﻧﻮﻧﻲ ﺧﺎص وﺗﻄﺒﻌﮫ ﺟﻤﻠﺔ ﻣﻦ اﻟﺴﻤﺎت ﺗﻤﯿﺰه ﻋﻦ ﻏﯿﺮه ﻣﻦ ﻣﺼﻄﻠﺤﺎت ھﺬا اﻟﻤﺠﺎل ﺳﻮاء ﻓﻲ دول اﻟﻤﺸﺮق اﻟﻌﺮﺑﻲ أو ﺣﺘﻰ ﻓﻲ دول اﻟﻤﻐﺮب اﻟﻜﺒﯿﺮ. إنّ ﻣﺴﺎھﻤﺘﻨﺎ ھﺬه ﺗﺮوم أﺳﺎﺳﺎ ﺗﺴﻠﯿﻂ اﻟﻀﻮء ﻋﻠﻰ ﻣﺎ ﯾﺘﻤﯿﺰ ﺑﮫ اﻟﻤﺼﻄﻠﺢ ﻓﻲ اﻟﻨﺼﻮص اﻟﺘﺸﺮﯾﻌﯿﺔ اﻟﺠﺰاﺋﺮﯾﺔ ﺳﻮاء أﻛﺎﻧﺖ دﺳﺘﻮرا أم ﻗﺎﻧﻮﻧﺎ أم ﺗﻨﻈﯿﻤﺎ ،ﻻﺳﯿﻤﺎ أن ھﺬه اﻟﻨﺼﻮص ﺗﺤﺪﯾﺪا ﻻ ﯾﺰال ﺗﺼﻮرھﺎ وﺗﺤﺮﯾﺮھﺎ ﺑﺎﻟﻠﻐﺔ اﻟﻔﺮﻧﺴﯿﺔ ،ﻋﻜﺲ اﻟﻨﺼﻮص اﻟﻘﻀﺎﺋﯿﺔ ﻣﺜﻼ ،وذﻟﻚ ﻣﻦ ﺧﻼل ﻣﺤﺎوﻟﺔ اﻹﺟﺎﺑﺔ ﻋﻦ اﻟﺘﺴﺎؤﻟﯿﻦ اﻟﺘﺎﻟﯿﯿﻦ :ﻣﺎ ھﻲ ﺧﺼﻮﺻﯿﺎت اﻟﻤﺼﻄﻠﺢ اﻟﺘﺸﺮﯾﻌﻲ ﻓﻲ اﻟﺠﺰاﺋﺮ؟ وﻣﺎ طﺒﯿﻌﺔ اﻟﺴﯿﺎﻗﺎت اﻟﻤﺆﺛﺮة ﻓﻲ وﺿﻌﮫ وﺗﺮﺟﻤﺘﮫ ﻋﻠﻰ ﺣﺪ ﺳﻮاء؟ .1 اﻟﻤﺼﻄﻠﺢ اﻟﺘﺸﺮﯾﻌﻲ: ﯾﻤﻜﻦ أن ﻧﻌ ّﺮف اﻟﻤﺼﻄﻠﺢ اﻟﺘﺸﺮﯾﻌﻲ ﺑﺄﻧﮫ وﺣﺪة ﻣﻌﺠﻤﯿﺔ ﻣﺘﺨﺼﺼﺔ ﺗُﺴﺘﻌﻤﻞ ﻓﻲ ﻟﻐﺔ اﻟﺘﺸﺮﯾﻊ .واﻟﺘﺸﺮﯾﻊ – ﻛﻤﺎ ھﻮ ﻣﻌﻠﻮم – ﺛﻼﺛﺔ أﻧﻮاع :اﻟﺘـﺸﺮﯾﻊ اﻷﺳﺎﺳﻲ )اﻟﺪﺳﺘﻮر( واﻟﺘـﺸﺮﯾﻊ اﻟﻌﺎدي )اﻟﻘﺎﻧﻮن ﺑﺎﻟﻤﻌﻨﻰ اﻟﻀﯿﻖ ﻟﻠﻜﻠﻤﺔ :ﻣﺠﻤﻮﻋﺔ اﻟﻘﻮاﻋـﺪ اﻟﻘﺎﻧﻮﻧﯿﺔ اﻟﺼﺎدرة ﻋﻦ اﻟﺴﻠﻄﺔ اﻟﺘـﺸﺮﯾﻌﯿﺔ ﻓﻲ اﻟﺪوﻟﺔ( واﻟﺘـﺸﺮﯾﻊ اﻟﻔﺮﻋﻲ )اﻟﺬي ﺗﻀﻌﮫ اﻟﺴﻠﻄﺔ اﻟﺘــــﻨـﻔﯿﺬﯾﺔ ،ﻋﻠﻰ ﻏﺮار اﻟﻤﺮاﺳﯿﻢ واﻟﻠﻮاﺋﺢ) (...ﻗﺎﺳﻢ، .(194 -179 :2009 وﻗﺪ وﻗﻊ اﺧ ﺘﯿﺎرﻧﺎ ﻋﻠﻰ دراﺳﺔ اﻟﻤﺼﻄﻠﺢ اﻟﺘﺸﺮﯾﻌﻲ ﺗﺤﺪﯾﺪا دون اﻟﻤﺼﻄﻠﺤﺎت اﻟﻘﺎﻧﻮﻧﯿﺔ اﻷﺧﺮى ﻟﻌﺪة أﺳﺒﺎب ،ﻟﻌﻞ أﺑﺮزھﺎ أنّ اﻟﺘـﺸﺮﯾﻊ ھـﻮ أھـ ّﻢ ﻣﺼﺪر ﻟﻠﻘﺎﻋﺪة اﻟﻘﺎﻧﻮﻧﯿﺔ ﻓﻲ أﻏﻠﺒﯿﺔ اﻷﻧﻈﻤﺔ اﻟﻘﺎﻧﻮﻧﯿﺔ اﻟﻤﻌﺎﺻﺮة .ﻛﻤﺎ إﻧّﮫ ﯾﺘﻤﺘﻊ ﺑﻮﺿﻊ ﺧﺎص ﻓﻲ اﻟﺠﺰاﺋﺮ: 141 ﻓﻤﺨﺘﻠﻒ اﻟﻨﺼﻮص اﻟﺘﺸﺮﯾﻌﯿﺔ ﺗﺼﺪر ﻓﻲ اﻟﺠﺮﯾﺪة اﻟﺮﺳﻤﯿﺔ ﻓﻲ ﻧﺴﺨﺘﯿﻦ وﺑﻠﻐﺘﯿﻦ :اﻟﻌﺮﺑﯿﺔ واﻟﻔﺮﻧﺴﯿﺔ ،ﻋﻠﻤﺎ أن اﻟﻨﺴﺨﺔ اﻟﻔﺮﻧﺴﯿﺔ ھﻲ اﻷﺻﻞ وﻣﺎ ﻧﻈﯿﺮﺗﮭﺎ اﻟﻌﺮﺑﯿﺔ إﻻ ﺗﺮﺟﻤﺔ ﻟﮭﺎ )ﺑﻦ ﻣﺤﻤﺪ .(2013 ،وﻣﻦ ﺛَﻢ ،ﻓﺈنّ ﻣﺼﻄﻠﺤﺎت اﻟﺘﺸﺮﯾﻊ ﻓﻲ اﻟﺠﺰاﺋﺮ ﺗﺨﺘﺺ ﺑﻤﯿﺰات ﻓﺮﯾﺪة ﻗﺪ ﻻ ﻧﺠﺪھﺎ ﻓﻲ ﻣﺼﻄﻠﺤﺎت ﺑﺎﻗﻲ اﻟﻨﺼﻮص اﻟﻘﺎﻧﻮﻧﯿﺔ ،ﻛﺎﻟﻨﺼﻮص اﻟﻘﻀﺎﺋﯿﺔ أو اﻟﻨﺼﻮص اﻟﻔﻘﮭﯿﺔ ﻣﺜﻼ. .2 ﺧﺼﻮﺻﯿﺎت اﻟﻤﺼﻄﻠﺢ اﻟﺘﺸﺮﯾﻌﻲ ﻓﻲ اﻟﺠﺰاﺋﺮ: إنّ أھ ّﻢ ﻣﺎ ﯾﻄﺒﻊ اﻟﻤﺼﻄﻠﺢ اﻟﺘﺸﺮﯾﻌﻲ ﻓﻲ اﻟﺠﺰاﺋﺮ وﺿﻌًﺎ وﺗﺮﺟﻤﺔً أرﺑﻊ ﻣﯿﺰات ﻋﻠﻰ اﻷﻗﻞ ،وھﻲ ﺗﺄﺛﺮه اﻟﻤﺰدوج ﺑﺎﻟﻨﻈﺎم اﻟﻘﺎﻧﻮﻧﻲ اﻟﻔﺮﻧﺴﻲ وﺑﻠﻐﺔ ﻣﻮﻟﯿﯿﺮ وﻣﻌﺎﻧﺎﺗﮫ ﻓﻲ أﻏﻠﺐ اﻷﺣﯿﺎن ﻣﻦ اﻟﻌﺘﺎﻣﺔ ) (opacitéوﻣﻦ ﻋﺪم اﻟﺘﻮﺣﯿﺪ. أ. ﺗﺄﺛﺮ اﻟﻤﺼﻄﻠﺢ اﻟﺘﺸﺮﯾﻌﻲ ﻓﻲ اﻟﺠﺰاﺋﺮ ﺑﺎﻟﺘﺸﺮﯾﻊ اﻟﻔﺮﻧﺴﻲ )ﺗﺜﺎﻗﻒ ﻗﺎﻧﻮﻧﻲ acculturation :(juridique إنّ ﺗﺄﺛﺮ اﻟﺘﺸﺮﯾﻊ اﻟﺠﺰاﺋﺮي ﺑﻨﻈﯿﺮه اﻟﻔﺮﻧﺴﻲ ﯾﺪﺧﻞ ﻓﻲ إطﺎر ﻣﺎ ﯾُﻌﺮف ﺑﺎﻟﺘﺜﺎﻗﻒ اﻟﻘﺎﻧﻮﻧﻲ .وﻟﻜﻦ ﻗﺒﻞ أن ﻧﺴﺘﺮﺳﻞ ﻓﻲ ﺷﺮح ھﺬه اﻟﺨﺎﺻﯿﺔ ،ﻓﺈﻧﻨﺎ ﻧﻮ ّد اﺑﺘﺪا ًء ﺗﻌﺮﯾﻒ اﻟﺘﺜﺎﻗﻒ ﻋﻤﻮﻣﺎ ) .(acculturationﻓﻘﺪ رأى ھـﺬا اﻟﻤﻔﮭﻮم اﻟﻨﻮ َر ﻷول ﻣﺮة ﻓﻲ اﻟﻮﻻﯾﺎت اﻟﻤﺘﺤﺪة اﻷﻣﺮﯾﻜﯿﺔ ﻋﺎم 1880م ،ﺛُـ ّﻢ اﻧـﺘـﻘﻞ إﻟﻰ ﻓﺮﻧـﺴﺎ ﻓﻲ 1911م ) ،(155 :2002 ،El Kaladiﻓﻲ ﻣﺠﺎل اﻷﻧﺜﺮوﺑﻮﻟﻮﺟﯿﺎ ﻗﺒﻞ أن ﯾﻜﺘﺴﺐ ﻣﻌﺎﻧ َﻲ اﺧﺘﻠﻔﺖ ﺑﺎﺧﺘﻼف اﻟﻤﺠﺎﻻت اﻟﻌﻠﻤﯿﺔ اﻟﺘﻲ اﺳﺘﻌﻤﻠﺘﮫ. واﻟﺘﺜﺎﻗﻒ ،ﻓﻲ ﻋﻠﻢ اﻻﺟﺘﻤﺎع ،ھﻮ ﻣﺠﻤﻮع اﻟﻈﻮاھﺮ اﻟﻨﺎﺟﻤﺔ ﻋﻦ اﻻﺣﺘﻜﺎك اﻟﻤﺒﺎﺷﺮ واﻟﻤﺴﺘﻤ ّﺮ ﺑﯿﻦ ﺟﻤﺎﻋـﺘﯿﻦ ﻣﻦ اﻷﻓﺮاد ﻣﺨﺘﻠﻔـﺘﯿﻦ ﻓﻲ اﻟﺜـﻘﺎﻓﺔ ،ﻣﻊ ﻣﺎ ﺗﺠـﺮّه ھﺬه اﻟﻈﻮاھﺮ ﻣﻦ ﺗﻐـﯿّﺮات ﻓﻲ ﻧﻤﺎذج اﻟﺜـﻘﺎﻓﺔ اﻷﺻﻠﯿﺔ ﻟﺪى إﺣﺪى اﻟﻤﺠﻤﻮﻋـﺘﯿﻦ أو ﻛِـﻠﺘﯿﮭﻤﺎ )اﻟﺸﻤﺎس، .(145 :2004 وﻣﻦ ھﺬا اﻟﻤﻨﻄﻠﻖ ،ﻓﺈنّ اﻟﻘﺎﻧﻮن – وھﻮ وﻟﯿﺪ اﻟﺜـﻘﺎﻓﺔ – ﯾﺘﻔﺎﻋﻞ ﻣﻊ أﻧﻈﻤﺔ ﻗﺎﻧﻮﻧﯿﺔ ﻣﻦ ﺛﻘﺎﻓﺎت أﺧﺮى ،ﻓﺈﻣّﺎ ﯾﺆﺛّﺮ ھﻮ ﻓﯿﮭﺎ أو، ﺑﺎﻟﻤﻘﺎﺑﻞ ،ﯾﺘﺄﺛﺮ ھﻮ ﺑﮭﺎ وﯾﺄﺧﺬ ﻋﻨﮭﺎ ﻣﻔﺎھﯿﻤﮭﺎ و/أو ﻣﺆﺳﺴﺎﺗﮭﺎ و/أو ﻗﻮاﻋﺪھﺎ اﻟﻘﺎﻧﻮﻧﯿﺔ وھﻮ ﻣﺎ ﯾُﻌْﺮف ﺑـ"اﻟﺘـﺜﺎﻗــﻒ اﻟﻘﺎﻧﻮﻧﻲ". ﻓﮭﻮ "ﺗﺤﻮّل ) (...ﻧـﻈﺎم ﻗﺎﻧﻮﻧﻲ ﻓﻲ ﺣﺎﻟﺔ اﺗﺼﺎل ﻣﻊ ﻧﻈﺎم ﻗﺎﻧﻮﻧﻲ آﺧﺮ" ) .(84 :1990 ،Roulandوﻛﺬا "ﻣﺠﻤﻮﻋﺔ اﻟﻈﻮاھﺮ اﻟﻘﺎﻧﻮﻧﯿﺔ اﻟﻨﺎﺗﺠﺔ ﻋﻦ اﻻﺗﺼﺎل اﻟﻤﺒﺎﺷﺮ واﻟﻤﺴﺘﻤﺮ ﺑﯿﻦ ﻧﻈﺎﻣﯿﻦ ﻗﺎﻧﻮﻧﯿﯿﻦ ،وﻣﺎ ﯾﺨﻠّـﻔﮫ ذﻟﻚ ﻣﻦ ﺗﻐﯿّﺮات ﻓﻲ اﻷﻧﻤﺎط اﻟﻘﺎﻧﻮﻧﯿﺔ ﻟﮭـﺬه اﻟﺠﻤﺎﻋﺎت أو ﺗﻠﻚ ،أي أنّ اﻟﻨﻈﺎم اﻟﻘﺎﻧﻮﻧﻲ اﻟﻤﺴﺘـﻘﺒِﻞ ﯾﻘﺒﻞ ﺑﻤﻔﺎھﯿﻢ وﻣﺆﺳّﺴﺎت ﺗـﻨـﺘﻤﻲ إﻟﻰ ﻧﻈﺎم ﻗﺎﻧﻮﻧﻲ آﺧﺮ ،وﯾﻘﻮم ﺑﺈدﻣﺎﺟﮭﺎ ﻓﻲ ﻧﺴـﻘﮫ" )ﺑﻦ ﻣﺤﻤﺪ.(78 :2013 ، وإن ﻛﺎن ھـﺬا اﻟﺘﺤ ّﻮل ﻣﺘﺒﺎدﻻ ﺑﯿﻦ ﺑﻠﺪان ﺗــﺘﺴﻢ ﻋﻼﻗﺎﺗﮭﺎ ﺑﺎﻟﻨﺪﯾﺔ اﻟﻔﻌﻠﯿﺔ ﻣﻦ ﺧﻼل ﻋﻤﻠﺘﻲ ﺗﺄﺛــﺮ وﺗﺄﺛـﯿﺮ ﺑﯿﻦ أﻧﻈﻤﺘﮭﺎ اﻟﻘﺎﻧﻮﻧﯿﺔ ،ﻓﺈﻧﮫ ﺑﺎﻟﻤﻘﺎﺑﻞ ﻏﺎﻟﺒﺎ ﻣﺎ ﯾﺮﺗﻜﺰ ﻋﻠﻰ ﻋﻼﻗﺔ ﻗـﻮّة ﺑﯿﻦ اﻟﺜـﻘﺎﻓﺎت اﻟﻤَﻌـﻨـﯿّﺔ ﺑﮭﺎ ،ﺑﻤﻌﻨﻰ أن ھﺬه اﻟﻈﺎھﺮة ﻻ ﺗُﺨﺘﺰل ﻓﻲ ﻣﺠﺮد ﻋﻤﻠﯿﺔ اﻟﺘﺄﺛﺮ واﻟﺘﺄﺛﯿﺮ "اﻟﻤﺘﻜﺎﻓﺊ" ،ﻷﻧﮭﺎ ﻏﺎﻟﺒﺎ ﻣﺎ ﺗـﺘ ّﻢ ﻓﻲ ظ ّﻞ وﺟﻮد ﺛــﻘﺎﻓﺔ ﻣﮭﯿﻤِﻨﺔ وأﺧﺮى ﻣﮭﯿﻤَﻦ ﻋﻠﯿﮭﺎ ،ﻓـﺘُﺆﺛﱢﺮ اﻷوﻟﻰ ﻓﻲ اﻟﺜﺎﻧﯿﺔ أﻛﺜﺮ ﻣﻤّﺎ ﺗـﺘﺄﺛﺮ ھﻲ ﺑﮭﺎ ﻓﻲ إطﺎر ﻋﻼﻗﺎت اﻟﻘـﻮى اﻟﺘﻲ ﺗﻌﻄﻲ اﻷوﻟﻮﯾﺔ ﻟﻠﻨـﻈﺎم اﻟﻘﺎﻧﻮﻧﻲ ﻓﻲ اﻟﺜـﻘﺎﻓﺔ اﻟﻤﮭﯿﻤِﻨﺔ. واﻟﻨﻈﺎم اﻟﻘﺎﻧﻮﻧﻲ اﻟﺠﺰاﺋﺮي ،ﻻﺳﯿﻤﺎ ﻓ ﻲ ﺷﻘﮫ اﻟﺘﺸﺮﯾﻌﻲ ،ﻣﺘﺄﺛّﺮ ﺑﻨﻈﯿﺮه اﻟﻔﺮﻧﺴﻲ اﻟﺬي أﺧﺬ ﻋﻨﮫ اﻟﻜﺜﯿﺮ ﻣﻦ اﻟﻤﻔﺎھﯿﻢ واﻟﻤﻮاد اﻟﻘﺎﻧﻮﻧﯿﺔ وﺗﺒﻨّﻰ اﻟﻌﺪﯾﺪ ﻣﻦ ﻣﺆﺳّﺴﺎﺗﮫ اﻟﻘﺎﻧﻮﻧﯿﺔ. وھﻮ ﺗﺄﺛﱡـﺮ ﯾُﻌﺰى أﺳﺎﺳﺎ إﻟﻰ اﻟﮭﯿﻤﻨﺔ اﻻﺳﺘﻌﻤﺎرﯾﺔ اﻟﻔﺮﻧﺴﯿﺔ طﯿﻠﺔ ﻋﻘﻮد ﻣﻦ اﻟﺰﻣﻦ .ذﻟﻚ أﻧﮫ ﻟﻢ ﯾﻜﻦ ﻣﻦ اﻟﺴﮭﻞ ﻋﻠﻰ اﻟﺠﺰاﺋﺮ، ﻣﺒﺎﺷﺮة ﺑﻌﺪ ﺧﺮوج اﻻﺣﺘﻼل اﻟﺬي ﺳَـــﯿّﺮ اﻟﺒﻼد ﺑﻘﻮاﻧﯿﻨﮫ طﯿﻠﺔ 132ﺳﻨﺔ ،أن ﺗُـﺸﺮﱢع وﻓـﻖ ﻧﻈﺎم ﻗﺎﻧﻮﻧﻲ ﺧﺎص ﺑﮭﺎ ،وھﻲ دوﻟﺔ ﻓـﺘﯿﺔ ﺑﺈطﺎرات ﻗﻠﯿﻠﺔ ُﺟﻠّﮭﺎ ﻣُﻜﻮﱠن ﺑﺎﻟﻠﻐﺔ اﻟﻔﺮﻧﺴﯿﺔ )ﺑﻦ ﻣﺤﻤﺪ.(80 :2013 ، 142 ﺛﻢ إنّ واﺿﻌﻲ اﻟﻘﺎﻧﻮن ﺑﺎﻟﺠﺰاﺋﺮ ﻻ ﯾﻤﻠﻜﻮن ،ﺑﺎﻟﻠﻐﺔ اﻟﻌﺮﺑﯿﺔ ،طﺮاﺋﻖ اﻟﺘﻔﻜﯿﺮ و"اﻟﻤﺨﺰون" اﻟﻤﻔﺎھﯿﻤﻲ اﻟﺨﺎص ﺑﺎﻟﺪوﻟﺔ اﻟﺤﺪﯾﺜﺔ وﺑﻜﯿﻔﯿﺔ ﺗـﻨﻈﯿﻢ أﺟﮭﺰﺗﮭﺎ وﺑﺘﺤﺪﯾﺪ ﺣﻘﻮق ﻣﺨﺘﻠﻒ اﻷطﺮاف ﻓﯿﮭﺎ وواﺟﺒﺎﺗﮭﺎ – وإن وُﺟﺪ ھﺬا اﻟﻤﺨﺰون ،ﻓﺈﻧﮫ ﯾﺘﻌﻠّﻖ ﺑﻤﺠﺎﻻت ﻣﻌﯿﻨﺔ ﻣﺜﻞ ﻗﺎﻧﻮن اﻷﺳﺮة اﻟﻤﺴﺘـﻨﺒﻂ ﻣﻦ أﺣﻜﺎم اﻟﺸﺮﯾﻌﺔ اﻹﺳﻼﻣﯿﺔ – ،ﻣﻤّﺎ ﺟﻌﻞ وﻟﻮج ﻋﮭﺪ "اﻟﺤﺪاﺛﺔ اﻟﻘﺎﻧﻮﻧﯿﺔ" وﺗﺒﻨّﻲ ﻣﺆﺳﺴﺎت وھﯿﺎﻛﻞ وﻣﻔﺎھﯿﻢ ﻏﺮﺑﯿﺔ اﻷﺻﻞ أﻣﺮا ﻻ ﻣﻨﺎص ﻣﻨﮫ. وﻟﻢ ﯾﺴﻠﻢ اﻟﻤﺼﻄﻠﺢ اﻟﺘﺸﺮﯾﻌﻲ ﻓﻲ اﻟﺠﺰاﺋﺮ ﻣﻦ ظﺎھﺮة اﻟﺘﺜﺎﻗﻒ اﻟﻘﺎﻧﻮﻧﻲ ،ﻓﮭﻮ ﻣﺘﺄﺛﺮ ﺑﻌﻤﻖ ﺑﺎﻟﻘﺎﻧﻮن اﻟﻔﺮﻧﺴﻲ ،ﻛﯿﻒ ﻻ وھﻮ ﯾﺤﻤﻞ ﺟ ّﻞ اﻟﻤﻔﺎھﯿﻢ اﻟﻘﺎﻧﻮﻧﯿﺔ اﻟﻔﺮﻧﺴﯿﺔ ،وﻧﺬﻛﺮ ﻋﻠﻰ ﺳﺒﯿﻞ اﻟﻤﺜﺎل ﻻ اﻟﺤﺼﺮ: "loi organique", "garde à vue", "droit commun", "éligibilité", "incompatibilité des mandats", "saisine"," pouvoir exécutif, législatif, judiciaire", "Conseil Constitutionnel", "collectivités …"locales", "mandat", "motion de censure", "détention provisoire", "juridiction ب. ﺗﺄﺛﺮ اﻟﻤﺼﻄﻠﺢ اﻟﺘﺸﺮﯾﻌﻲ ﻓﻲ اﻟﺠﺰاﺋﺮ ﺑﺎﻟﻠﻐﺔ اﻟﻔﺮﻧﺴﯿﺔ )ﺗﺜﺎﻗﻒ ﻟﻐﻮي acculturation :(linguistique إنّ ﺳﻄﻮة ﻓﺮﻧﺴﺎ "اﻟﻤﺴﺘﻤﺮة واﻟﺜﻘﯿﻠﺔ" ) (1983 ،Fitouriﻋﻠﻰ اﻟﺠﺰاﺋﺮ إﺑّﺎن اﻻﺳﺘﻌﻤﺎر وﺑﻌﺪ اﻻﺳﺘـﻘﻼل وﻋـﺪم ﺗﻤﻜّـﻦ ھﺬه اﻷﺧﯿﺮة ﻣﻦ اﻟﺘﺤ ّﺮر ﻣﻨﮭﺎ ﻷﺳﺒﺎب ﻋـﺪّة – ﯾﺘﻌﺬّر ﻋﻠﯿﻨﺎ اﻟﺘـﻔﺼﯿﻞ ﻓﯿﮭﺎ ھُﻨﺎ – ﻋﺎﻣﻼن ﻣﮭﻤّﺎن اﻧﻌﻜﺴﺎ ﻋﻠﻰ اﻟﻤﺠﺘﻤﻊ اﻟﺠﺰاﺋﺮي وﻋﻠﻰ ﺛــﻘﺎﻓــﺘﮫ وﻗﺪ ﺗﺠﻠّـﯿﺎ أﺳﺎﺳﺎ ﻓﻲ اﻟﻘﺎﻧﻮن واﻟﻠﻐﺔ. ﻓـﺰﯾﺎدة ﻋﻠﻰ ﺗﺄﺛﺮ اﻟﺠﺰاﺋﺮ ﺑﻨﻈﺎم ﻓﺮﻧﺴﺎ اﻟﻘﺎﻧﻮﻧﻲ ،ﻣﻦ ﺧﻼل "اﻟﺘـﺜﺎﻗـﻒ اﻟﻘﺎﻧﻮﻧﻲ" ،ﻓﮭﻲ ﻣﺘﺄﺛﺮة ﻛﺬﻟﻚ ﺑﻠﻐﺘﮭﺎ ،ﻣﻦ ﺧﻼل ﻣﺎ أطﻠﻘﻨﺎ ﻋﻠﯿﮫ "اﻟﺘـﺜﺎﻗـﻒ اﻟﻠﻐﻮي" ) ،(327 :2014 ،Benmohamedوﻧﻌﻨﻲ ﺑﮫ اﻟﺘﺄﺛﯿﺮ اﻟﻠﻐﻮي ﻟﺸﻌﺐ ﻋﻠﻰ ﺷﻌﺐ آﺧﺮ ﻓﻲ ﺣﺎﻟﺔ اﺣﺘﻜﺎك وﺗﻮاﺻﻞ وﻣﺎ ﯾﻨﺠﻢ ﻋﻦ ھﺬا اﻟﺘﺄﺛﯿﺮ ﻣﻦ ظﻮاھﺮ ﻟﻐﻮﯾﺔ. وﺑﺎﻟﻨﺴﺒﺔ إﻟﻰ اﻟﺠﺰاﺋﺮ ،ﻓﺈنّ اﻟﻈﻮاھﺮ اﻟﻠﻐﻮﯾﺔ اﻟﺘﻲ ﺗﻤ ّﺨﻀﺖ ﻋﻦ اﻻﺣﺘﻜﺎك اﻟﻄﻮﯾﻞ واﻟﻌﻨﯿﻒ ﺑﯿﻦ اﻟﻔﺮﻧﺴﯿﯿﻦ واﻟﺠﺰاﺋﺮﯾﯿﻦ – داﺋﻤﺎ ﻓﻲ ظﻞ ﻏﯿﺎب اﻟﻌﻼﻗﺔ اﻟﻨﺪﯾﺔ واﻟﺘﺄﺛﯿﺮ "اﻟﻤﺘﻜﺎﻓﺊ" – ھﻲ ﻋﻠﻰ اﻷﻗﻞ ﺛﻼﺛﺔ: أوﻻ ،اﻻزدواﺟﯿﺔ اﻟﻠﻐﻮﯾﺔ ﺑﯿﻦ اﻟﻌﺮﺑﯿﺔ واﻟﻔﺮﻧﺴﯿﺔ اﻟﺘﻲ ﺗُـﺸﻜّﻞ أﺣﺪ أوﺟﮫ اﻟﺨﺮﯾﻄﺔ اﻟﻠﻐﻮﯾﺔ ﻓﻲ اﻟﻤﻐﺮب اﻟﻜﺒﯿﺮ ﻋﻤﻮﻣﺎ وﻓﻲ اﻟﺠـﺰاﺋﺮ ﺑﺸﻜــﻞ ﺧﺎص ،وﺗـــﺘﺠﻠّﻰ ﻓﻲ ﻣﺠﺎﻻت ﻛﺜﯿﺮة ،ﻣﻦ ﺑﯿﻨﮭﺎ اﻟﺘﺸﺮﯾﻊ – ﻣﻮﺿﻮع ھﺬا اﻟﻤﻘﺎل. ﻓﺎﻟﺠﺰاﺋﺮ ﺗﺸﮭﺪ وﺿﻌﯿﺔ ازدواﺟﯿﺔ ﻟﻐﺔ اﻟﺘﺸﺮﯾﻊ ﺑﺄﻧﻮاﻋﮫ اﻟﺜﻼﺛﺔ .ﺑﻤﻌﻨﻰ أن ﺟ ّﻞ اﻟﻮﺛﺎﺋﻖ اﻟﺘﺸﺮﯾﻌﯿﺔ -ﻻﺳﯿﻤﺎ ﺗﻠﻚ اﻟﺼﺎدرة ﻓﻲ اﻟﺠﺮﯾﺪة اﻟﺮﺳﻤﯿﺔ -ﺗﻜﻮن ﻓﻲ ﻧﺴﺨـﺘﯿﻦ واﺣﺪة ﺑﺎﻟﻌﺮﺑﯿﺔ واﻷﺧﺮى ﺑﺎﻟﻔﺮﻧـﺴﯿﺔ )ﺑﻦ ﻣﺤﻤﺪ ،(66 :2013 ،وھﻮ اﻟﻮاﻗﻊ اﻟﺬي ﯾﻔﻨﺪ اﻟﻤﻮاﻗﻒ اﻟﺮﺳﻤﯿﺔ اﻟﺘﻲ ﻻ ﺗﺴﺄم ﻣﻦ ﺗﻜﺮار ﻣﻘﻮﻟﺔ ﻛﻮن اﻟﻘﺎﻧﻮن ﻗﺪ َﺣﺴَﻢ ﻣﺴﺄﻟﺔ ازدواﺟﯿﺔ اﻟﻠﻐﺔ ﺑﺎﺳﺘـﺒﻌﺎدھﺎ وإﻋــﻄﺎء اﻟﻠّﻐﺔ اﻟﻮطﻨﯿﺔ واﻟﺮﺳﻤﯿﺔ اﻷوﻟﻮﯾﺔ ،وﺑﺄنّ اﻟﻨﺴﺨﺔ اﻟﻔﺮﻧﺴﯿﺔ اﻟﺘﻲ ﺗُﺮاﻓﻖ ﻧﻈﯿﺮﺗﮭﺎ اﻟﻌﺮﺑﯿﺔ ﻓﻲ ﻛ ّﻞ ﻣﺮة ﺗﺼﺪر ﻓﯿﮭﺎ اﻟﺠﺮﯾﺪة اﻟﺮﺳﻤﯿﺔ ﻣﺎ ھﻲ إﻻّ ﺿﺢ ﻓﻲ ﺻﻔﺤﺘﮭﺎ اﻷوﻟﻰ .ﻓـﺎﻟﻘﺎﻧﻮن ﻻ ﯾـﺰال ﺗَﺼ ّﻮرُه ﺑﺎﻟﻠﻐﺔ اﻟﻔﺮﻧـﺴﯿﺔ وﺗﺤﺮﯾﺮه ﺑﻠُـﻐﺘﯿﻦ إﺣـﺪاھـﻤﺎ اﻷﺻﻞ ﺗﺮﺟﻤﺔ ،ﻛﻤﺎ ھﻮ ﻣﻮ ّ )اﻟﻔﺮﻧﺴﯿﺔ( واﻷﺧﺮى ﻟﻐﺔ اﻟﺘﺮﺟﻤﺔ )اﻟﻌﺮﺑﯿﺔ(. ﺛﺎﻧﯿﺎ ،اﻟﻄﺒﯿﻌﺔ اﻟﺘﻨﺎﻓﺴﯿﺔ ﺑﯿﻦ اﻟﻠﻐﺘﯿﻦ ھﻲ ﺛﺎﻧﻲ ظﺎھﺮة ﻟﻐﻮﯾﺔ ﺗﻤﺨﻀﺖ ﻋﻦ ﺗﺄﺛﯿﺮ ﻓﺮﻧﺴﺎ ﻋﻠﻰ اﻟﺠﺰاﺋﺮ .وﯾﺮى اﻟﻤﺨﺘﺺ ﻓﻲ اﻟﻘﺎﻧﻮن اﻟﺠﺰاﺋﺮي ،رﻣﻀﺎن ﺑﺎﺑﺎﺟﻲ ) ،(209 -207 :1990 ،Babadjiﻓﻲ ھﺬا اﻟﺴﯿﺎق ،أنّ دراﺳﺔ ھـﺬه اﻟﻮﺿﻌﯿﺔ ﺗﺴﻠّﻂ اﻟﻀﻮء ﻋﻠﻰ 143 وﺟﻮد ﺗﻮﺗﺮات ﺑﯿﻦ اﻟﻠﻐﺔ اﻟﻌﺮﺑﯿﺔ اﻟﺘﻲ ﺗُﻌ ّﺪ ﻟﻐﺔً رﺳﻤﯿﺔ ووطﻨﯿﺔ وﯾُﻄﺎﻟَﺐ ﺑﮭﺎ ﻛﺄﺣﺪ ﻣﻜﻮﻧﺎت اﻟﺸﺨﺼﯿﺔ اﻟﺠﺰاﺋﺮﯾﺔ اﻹﺳﻼﻣﯿﺔ ،وﺑﯿﻦ اﻟﻠﻐﺔ اﻟﻔﺮﻧﺴﯿﺔ ﺑﻜﻮﻧﮭﺎ ﻟﻐﺔ اﻟﺤﺪاﺛﺔ اﻟﻘﺎﻧﻮﻧﯿﺔ. ﺛﻢ إنّ ﻣﺎ ﺗﺘﺴﻢ ﺑﮫ اﻟﻮﺿﻌﯿﺔ اﻟﻠﻐﻮﯾﺔ ﻓﻲ اﻟﺠﺰاﺋﺮ ﻣﻦ ﺗﻌﻘﯿﺪ وﺗﻨﺎﻗﺾ ﻟﯿﺲ ﺳﺒـﺒﮫ ﺗﻌـﺪّد اﻟﻠﻐﺎت ﺑﻘﺪر ﻣﺎ ھـﻮ اﻟﺘـﻨﺎﻗﺾ اﻟﻜﺒﯿﺮ ﺑﯿﻦ "اﻟﻨﻈﺮي" ،أي ﻣﺎ ھﻮ ﻣﺼﺮّح ﺑﮫ رﺳﻤﯿﺎ ﻓﻲ اﻟﺨﻄﺎب اﻻﯾﺪﯾﻮﻟﻮﺟﻲ ﻟﻠﺴﻠﻄﺔ ،وﺑﯿﻦ اﻻﺳﺘﻌﻤﺎل اﻟﺤﻘﯿـﻘﻲ ﻟﮭﺬه اﻟﻠﻐﺎت .وھﻮ ﻣﺎ ﺗﺆﻛﺪه ﺑﺎﻷرﻗﺎم دراﺳﺎت ) (2002 ،Queffélec, Derradjiﺳﻠّﻄﺖ اﻟﻀﻮء ﻋﻠﻰ اﻟﺒﻮن اﻟﻜﺒﯿﺮ ﺑﯿﻦ اﻟﻄﺎﺑﻊ اﻟﺮﺳﻤﻲ ﻟﻜـ ّﻞ ﻣﻦ اﻟﻠﻐﺘﯿﻦ اﻟﻌﺮﺑﯿﺔ واﻟﻔﺮﻧﺴﯿﺔ وﺑـﯿﻦ اﻻﺳﺘﻌﻤﺎﻻت اﻟﺤﻘﯿـﻘﯿﺔ واﻟﻔﻌـﻠﯿﺔ ﻟﻜﻞ واﺣـﺪة ﻋﻠﻰ أرض اﻟﻮاﻗﻊ .وﻗﺪ ﺗﺒﯿّﻦ ﻟﻨﺎ أنّ اﻟﻔﺮق ﺑﯿﻦ ﻣﻜﺎﻧﺔ اﻟﻠﻐﺔ اﻟﻌﺮﺑﯿﺔ اﻟﺮﺳﻤﯿﺔ ) 52.10ﺑﺎﻟﻤﺎﺋﺔ( وﻣﻜﺎﻧﺘﮭﺎ اﻟﺤﻘﯿﻘﯿﺔ ﻋﻠﻰ أرض اﻟﻮاﻗﻊ ) 21.9ﺑﺎﻟﻤﺎﺋﺔ( ﯾﺠﺰم ﺑﺄنّ ﺣﻀﻮرھﺎ ﻓﻲ اﻟﺴﻮق اﻟﻠﻐﻮﯾﺔ اﻟﺠﺰاﺋﺮﯾﺔ أﻗ ّﻞ ﺑﻜﺜﯿﺮ ﻣﻤﺎ ھﻮ ﻋﻠﯿﮫ ﻓﻲ اﻟﺨﻄﺎب اﻟﺮﺳﻤﻲ ،ﺑﻌﻜﺲ اﻟﻠﻐﺔ اﻟﻔﺮﻧﺴﯿﺔ اﻟﺘﻲ ﺗــﻘــﺘﺮب ﻛـﺜﯿﺮا ﻣﻦ اﻟﻌﺮﺑﯿﺔ ﻣﻦ ﺣﯿﺚ اﺳـﺘﻌﻤﺎﻟﮭﺎ اﻟﺤﻘﯿـﻘﻲ ) 16.1ﺑﺎﻟﻤﺎﺋﺔ( ،ﻣﻊ أﻧﮭﺎ – رﺳﻤﯿﺎ – ﻻ ﺗﺤﺘﻞ اﻟﻤﻜﺎﻧﺔ ذاﺗﮭﺎ اﻟﺘﻲ ﺗﺤﻈﻰ ﺑﮭﺎ ﻟﻐﺔ اﻟﻀﺎدQueffélec, ) . (105 -104 :2002 ،Derradji أﻣﺎ ﺛﺎﻟﺚ ظﺎھﺮة ﻟﻐﻮﯾﺔ ﻧﺎﺗﺠﺔ ﻋﻦ ﺗﺄﺛﺮ اﻟﺠﺰاﺋﺮ ﺑﻔﺮﻧﺴﺎ ﻓﺘﺨﺺّ ھﺬه اﻟﻤﺮة اﻟﺘﺪاﺧﻞ اﻟﻠﻐﻮي )(interférence linguistique اﻟﺬي ﯾُﻘﺼﺪ ﺑﮫ ﻋﻤﻮﻣﺎ اﺳﺘﻌﻤﺎل ﺧﺼﺎﺋﺺ ﻟﻐﺔ ﻣﻌﯿﻨﺔ ﻓﻲ ﻟﻐﺔ أﺧﺮى ،وھﻮ ﻣﺎ ﯾﺘﺠﻠﻰ أﺳﺎﺳﺎ ﻓﻲ ﻣﯿﻮل اﻟﺘﺮﺟﻤﺔ اﻟﻘﺎﻧﻮﻧﯿﺔ ﻓﻲ اﻟﺠﺰاﺋﺮ إﻟﻰ اﻟﻠﻐﺔ اﻟﻤﻨﻘﻮﻟﺔ ،أي اﻟﻔﺮﻧﺴﯿﺔ ﺑﺎﺗّــﺒﺎع اﻟﻄﺮﯾﻘﺔ اﻟﺸﻜﻠﯿﺔ اﻟﺘﻲ ﺗُﺤﺒّـﺬ أﺳﺎﻟﯿﺐ اﻟﺘﺮﺟﻤﺔ اﻟﻤﺒﺎﺷﺮة وﻧﺴﺦ اﻟﺒﻨـﯿﺔ اﻷﺻﻠﯿﺔ. وﻣﺜﺎﻻ ﻋﻠﻰ ذﻟﻚ ،ﻧﺬﻛﺮ اﻟﻤﺼﻄﻠﺢ اﻟﺘﺸﺮﯾﻌﻲ "ﺗﻮﻗـﯿﻒ ﻟﻠﻨﻈﺮ" اﻟﺬي ﻧُﺴﺦ ﻋﻦ اﻟﺘﻌﺒـﯿﺮ اﻟﻔﺮﻧﺴﻲ " "garde à vueﻣﻦ ﺧﻼل ﻧَــــﻘْـــﻞ ﻣـﻌـﻨﺎه وﺗﺮﻛـﯿــــﺒﮫ ﻣﻦ اﻟﻘﺎﻧﻮن اﻟﻔﺮﻧﺴﻲ إﻟﻰ اﻟﻘﺎﻧﻮن اﻟﺠﺰاﺋﺮي ،ﺑﺘﻄﺒﯿﻖ اﻟﻌﻤﻠﯿﺔ اﻟﻤﺰدوﺟﺔ اﻟﺘﻲ ﺗﺮﺗﻜﺰ ﻋﻠﯿﮭﺎ ﻋﺎدةً آﻟﯿّﺔ اﻟﻨـﺴﺦ :ﺗﺤﻠـﯿﻞ ﻋـﻨﺎﺻﺮ اﻟﺸﻜﻞ اﻷﺟﻨـﺒﻲ )ﻣﺼﺪر +ﺣــﺮف +ﻣﺼﺪر( ،ﺛُــ ّﻢ ﺗﻌﻮﯾﻀﮭﺎ ﺑﻌﻨﺎﺻﺮ ﻣُﻤﺎﺛﻠﺔ ﻓﻲ اﻟﻠﻐﺔ اﻟﻤﻨﻘﻮل إﻟﯿﮭﺎ )ﺗﻮﻗﯿﻒ +ﻟـ +اﻟﻨﻈﺮ( )ﻣﺼﺪر +ﺣــﺮف +ﻣﺼﺪر( .ﻓﺄ ُﻋﯿﺪ ،ﺑﺬﻟﻚ ،ﺑـﻨﺎء اﻟﻨﻤﻮذج اﻷﺟﻨــﺒﻲ ﺑﺎﻟﻠّﺠﻮء ﻣﺒﺎﺷﺮة ،ﻓﻲ اﻟﻠﻐﺔ اﻟﻤﻨﻘﻮل إﻟﯿﮭﺎ ،إﻟﻰ اﻟﻨﺴﺦ اﻟﺸﻜﻠﻲ اﻟﻤﺤﺾ دون ﻣﺮاﻋﺎة ﺧﺼﻮﺻﯿﺎت اﻟﻠﻐﺔ اﻟﻤﻨـﻘﻮل إﻟﯿﮭﺎ أو ﻣﺎ ﻗﺪ ﯾﻨﺠﻢ ﻣﻦ ﻋﺠﻤﺔ دﻻﻟﯿﺔ ﺗُﺴﻲء إﻟﻰ اﻟﻤﻔﮭﻮم أﻛﺜﺮ ﻣﻤّﺎ ﺗﺨﺪﻣﮫ )ﺑﻦ ﻣﺤﻤﺪ.(366 :2013 ، وﻧﺸﯿﺮ ھﻨﺎ إﻟﻰ وﺟﻮد ﻣﻘﺎﺑﻼت ﻋﺮﺑﯿﺔ أﺧﺮى ﺗﺒﻨﺖ ﺧﯿﺎرات أﺧﺮى ﻏﯿﺮ اﻟﻨﺴﺦ اﻟﺸﻜﻠﻲ ،ﻋﻠﻰ ﻏﺮار "اﻟﻮﺿﻊ ﺗﺤﺖ اﻟﺤﺮاﺳﺔ" ﺑﺎﻟﻤﻐﺮب ،و"اﻻﺣﺘﻔﺎظ" ﺑﺘﻮﻧﺲ ،و"اﺣﺘﺠﺎز ﻋﻠﻰ ذﻣﺔ اﻟﺘﺤﻘﯿﻖ" ﺑﻠﺒﻨﺎن ،وﻏﯿﺮھﺎ. ﻛﻤﺎ ﯾُﻌــــ ّﺪ ﺗﻌﺒﯿﺮ "ﻗﺎﺑﻠﯿﺔ اﻻﻧﺘﺨﺎب" ﻧﺴﺨﺎ ﻟﻠﺘﻌــــﺒﯿﺮ اﻟﻔﺮﻧﺴﻲ " "éligibilitéاﻟﺬي ﯾﻘﺼﺪ ﺑﮫ " ،"aptitude d’être élu ﺑﻤﻌﻨﻰ أن ﯾﻜﻮن اﻟﺸﺨﺺ أھﻼ ﻟﯿُـﻨــﺘَﺨﺐ ،أو ﻟﯿﻜﻮن ﻣﻨﺘَﺨﺒﺎ. ﻓﺘﺤﻠﯿﻞ ﻣﺼﻄﻠﺢ " "éligibilitéإﻟﻰ وﺣﺪات ﺻﺮﻓﯿﺔ ،ﯾُـﺒـــﯿّﻦ ﺗﺸﻜّﻠﮫ ﻣﻦ اﻟﺠﺬر ) (élireﺑﻤﻌﻨﻰ اﻧـﺘﺨﺐ ،واﻟﻼﺣﻘﺔ اﻟﻤﺮﻛﺒﺔ ) (ibilitéاﻟﺘﻲ ﺗﻀ ّﻢ ﻻﺣﻘـﺘﯿﻦ (ible) :اﻟﺪاﻟﺔ ﻋﻠﻰ ﻣﻔـﮭﻮم اﻹﻣﻜﺎن واﻟﻘﺎﺑﻠﯿﺔ واﻷھﻠﯿﺔ ،و) (itéﻟﻠﺪﻻﻟﺔ ﻋﻠﻰ اﻟﻤﺼﺪر ،ﺑﺘﺤـﻮﯾﻞ اﻟﺼﻔﺔ إﻟﻰ اﺳﻢ. ﻟﻜﻦّ واﺿﻊ اﻟﻤﻘﺎﺑﻞ اﻟﻌﺮﺑﻲ "ﻗﺎﺑﻠﯿﺔ اﻻﻧﺘﺨﺎب" اﻋﺘﻤﺪ اﻟﻨﻘﻞ اﻟﺤﺮﻓﻲ ﻟﻠﻌﻨﺎﺻﺮ اﻟﻤﻜﻮﱢﻧﺔ ﻟﻠﻤﺼﻄﻠﺢ :اﻟﻔﻌﻞ )) (élireاﻧﺘﺨﺐ( واﻟﻼّﺣﻘﺔ اﻟﻤﺮﻛﺒﺔ )) (ibilitéﻗﺎﺑﻠﯿﺔ +ﻣﺼﺪر( ،دون أن ﯾﺮاﻋﻲ ﻋﺪم دﻗﺔ ھﺬا اﻟﻤﻘﺎﺑﻞ ﻓﻲ أداء اﻟﻤﻔﮭﻮم اﻷﺻﻞ ،وﻛﺬا ﻏﻤﻮﺿﮫ ﻛﻮﻧﮫ ﯾﻮﺣﻲ ﺑﻘﺮاءﺗــــﯿﻦ ﻣﺨﺘﻠﻔـــﺘﯿﻦ :ﻓﺎﻟﺸﺮوط اﻟﺘﻲ ﺗُﺆھّﻞ اﻟﻨﺎﺋﺐ ﻷن ﯾﻜﻮن ﻧﺎﺧــﺒًﺎ ﻟﯿﺴﺖ ھﻲ اﻟﺸﺮوط اﻟﺘﻲ ﺗُﺆھّـــﻞ اﻟﻨﺎﺋﺐ ﻷن ﯾﻜﻮن ﻣُﺮﺷﱠﺤﺎ ،ﻻﺳﯿﻤﺎ أن اﻟﻔﻌﻞ "اﻧﺘﺨﺐ" ﯾﺤﺘﻤﻞ اﻟﻔﺎﻋﻠﯿﺔ واﻟﻤﻔﻌﻮﻟﯿﺔ) .ﺑﻦ ﻣﺤﻤﺪ(367 :2013 ، 144 ﻛﻤﺎ إنّ اﻟﺘﻌﺮﯾﻔﺎت اﻟﻔﺮﻧﺴﯿﺔ اﻟﺘﻲ ﺧُﺺّ ﺑﮭﺎ اﻟﻤﺼﻄﻠﺢ اﻟﻔﺮﻧﺴﻲ ﺗــﺘﺤﺪث ﻓﻲ ﻣﻌﻈﻤﮭﺎ ﻋـﻦ ﺳــﻤﺔ " ،"aptitudeﺑﻤﻌﻨﻰ ﻗــﺪرة اﻟﺸﺨﺺ ﻋﻠﻰ اﻟﻘﯿﺎم ﺑﺸﻲء ﻣﻌــﯿّﻦ ﻋﻠﻰ اﻟــﻮﺟﮫ اﻷﻛﻤﻞ .وﻋﻠﯿﮫ ،ﻓﺈﻧّــﻨﺎ ﻧﺮى أنّ ﻣﻔﺮدة "أھﻠﯿﺔ" ،ﺑﻤﻌﻨﻰ اﻟﺼﻼﺣﯿﺔ واﻟﺠﺪارة واﻟﻜﻔﺎءة ،أﻓﻀﻞ ﻓﻲ ﺗﺄدﯾﺔ اﻟﻤﻌﻨﻰ اﻟﻔﺮﻧﺴﻲ ﻣﻦ ﻣﻔﺮدة "ﻗﺎﺑﻠﯿﺔ" ،اﻟﺘﻲ ﺗﻮﺣﻲ ﺑﺎﻻﺳﺘﻌﺪاد واﻟﺘﮭـﯿﺆ واﻟﻘـﺪرة .ﺛُــ ّﻢ إنّ "اﻷھﻠﯿﺔ" اﻟﻤﻘﺼﻮدة ھُــــﻨﺎ ذات طﺎﺑﻊ ﻗﺎﻧﻮﻧﻲ .وﻣﻦ ھﻨﺎ ،ﻓﮭﻲ – ﻓﻲ اﻋﺘـــﻘﺎدﻧﺎ – أدّق دﻻﻟﺔً ﻣﻦ ﻣﻔﺮدة "ﻗﺎﺑﻠﯿﺔ". وﻟﻠﺘﻌﺒﯿﺮ ﻋﻦ ﻣﻔﮭﻮم " ،"conditions d’éligibilitéاﺧﺘﺎر اﻟﺘﺸﺮﯾﻊ اﻟﺘﻮﻧﺴﻲ ﻣﺜﻼ ﻣﺼﻄﻠﺢ "ﺷﺮوط اﻟﺘﺮﺷّﺢ" ،ﻓﻲ ﺣﯿﻦ آﺛﺮ ﻛﻞ ﻣﻦ ﻣﺼﺮ وﺗﻮﻧﺲ اﻟﻌﺒﺎرة اﻟﺸﺎرﺣﺔ "اﻟﺸﺮوط اﻟﻮاﺟﺐ ﺗﻮاﻓﺮھﺎ ﻓﻲ"... ج. ﻋﺘﺎﻣﺔ اﻟﻤﺼﻄﻠﺢ : ﻻ ﺷﻚّ أنّ اﻟﻤﺘﺄﻣﻞ ﻓﻲ ﻧﺼﻮص اﻟﺘﺸﺮﯾﻊ اﻟﺠﺰاﺋﺮي ﻛﺜﯿﺮا ﻣﺎ ﯾﻘﻒ ﻋﺎﺟﺰا أﻣﺎم ﻓﻚ ﺷﻔﺮات اﻟﻌﺪﯾﺪ ﻣﻦ ﻣﺼﻄﻠﺤﺎﺗﮫ ﺑﺴﺒﺐ اﻟﺘﺮﺟﻤﺔ اﻟﺴﻄﺤﯿﺔ اﻟﺘﻲ ﺗﻔﺘﻘﺪ ﻷي دﻻﻟﺔ ،وﺗﻐﯿﺐ ﻓﻲ ﻋﻤﻠﯿﺔ ﺗﺴﻤﯿﺘﮭﺎ اﻟﺴﻤﺎت اﻟﻤﻔﺎھﯿﻤﯿﺔ أو ﯾﻈﮭﺮ ﺑﻌﺾٌ ﻣﻨﮭﺎ ﻟﻜﻦ دون أن ﯾُﻌِـــﯿﻦ اﻟﻤﺘﻠﻘّﻲ ﻋﻠﻰ ﻓــﮭﻢ اﻟﻌﻨﺎﺻﺮ اﻟﻤﻜﻮﱢﻧﺔ ﻟﻠﻤﺼﻄﻠﺢ ،وھﻲ اﻟﺼﻔﺎت ذاﺗﮭﺎ اﻟﻤﺘﻮﻓﺮة ﻓﻲ ﻣﺎ أطﻠﻖ ﻋﻠﯿﮫ ﻓﯿﻠﯿﺐ ﺗﻮارون )(1994 ،Thoiron "اﻟﺪال اﻟﻤُﻌـﺘِﻢ" أو "ﻣﻌﺪوم اﻟﺸﻔﺎﻓﯿﺔ" ) (signifiant opaqueوھﻮ ﻋﻜﺲ اﻟﺪال "اﻟﺸﻔﺎف" ) (signifiant transparentاﻟـﺬي ﯾـﺪﺧـﻞ ﻓﻲ ﻋﻤﻠﯿﺔ ﺗﺴﻤﯿـﺘﮫ أﻛﺒﺮ ﻋﺪد ﻣﻤﻜﻦ ﻣﻦ اﻟﺴﻤﺎت اﻟﻤﻔﺎھﯿﻤﯿﺔ. ﻓﺎﻟﻤﻔﮭﻮم ھﻮ اﻟﻘﺎﻋﺪة اﻟﺘﻲ ﯾُـﺒﻨﻰ ﻋﻠﯿﮭﺎ اﻟﻤﺼﻄﻠﺢ واﻟﻌﻨﺼﺮ اﻷﺳﺎس ﻓﻲ ﺗﺤﺪﯾﺪ دﻻﻟﺔ ﻣﺼﻄﻠﺢ ﻣﻦ اﻟﻤﺼﻄﻠﺤﺎت .واﻟﻨــﻈﺮ ﻓﻲ اﻟﻤﺼﻄﻠﺢ واﻟﺴـﻌﻲ إﻟﻰ اﺧﺘﯿﺎره ﯾـﺒﺪأ ،وﻓﻘﺎ ﻟﻨﮭﺞ ﺗﺴﻤﯿﺔ اﻟﻤﻔﺎھﯿﻢ ) (démarche onomasiologiqueﺑﺎﻟﻤﻔﮭﻮم اﻟﺬي ﯾﻤﺜّﻞ اﻟﻨـﻘﻄﺔ اﻟﺘﻲ ﯾﻨﻄﻠﻖ ﻣﻨﮭﺎ واﺿﻊ اﻟﻤﺼﻄﻠﺢ ﻟﻠﺒﺤﺚ ﻋﻦ ﻟﻔـﻆ ﻗﺎدر ﻋﻠﻰ ﺣﻤﻠﮫ وﺗﺄدﯾﺘﮫ ﺑﺼﻮرة ﻣﻨﺎﺳﺒﺔ )اﻟﺤﯿﺎدرة 2003 ،ب.(139 : ﺛﻢ "إنّ ﺗﺤﺪﯾﺪ اﻟﻤﻔﮭﻮم ﻋﻤﻠﯿﺔ ﻣﺰدوﺟﺔ ،إذ ﯾﻨﺒﻐﻲ ﻋﻠﻰ واﺿﻊ اﻟﻤﺼﻄﻠﺢ أن ﯾﺤﯿﻂ ﺑﺪﻻﻟﺘﮫ ﻛﺎﻣﻞ اﻹﺣﺎطﺔ ،ﻓﯿﺠﺪ ﻣﺎ ﯾﺪ ّل ﻋﻠﻰ ذﻟﻚ ﺑﺤﯿﺚ ﯾﺴﺘﻄﯿﻊ ﻣﻦ ﯾﺼﺎدﻓﮫ أن ﯾﮭﺘﺪي إﻟﻰ ﻣﻔﮭﻮﻣﮫ ﺑﮫ وﻣﻨﮫ" )اﻟﺪﯾﺪاوي.(111 :2005 ، ﻟﻜﻦ ھﻞ أدرك واﺿﻊ – أو ﺑﺎﻷﺣﺮى ﻣﺘﺮﺟﻢ – ﻣﺼﻄﻠﺢ "ﻗﺎﻧﻮن ﻋﻀﻮي" ) ،(loi organiqueﻣﺜﻼ ،أھﻤﯿﺔ اﻟﻨﻈﺮ ﻓﻲ اﻟﺴﻤﺎت اﻟﻤﻔﺎھﯿﻤﯿﺔ واﻟﺒﺤﺚ ﻋﻦ ﺗﺴﻤﯿﺔ ﺗﻌﻜﺲ أﺑﺮزھﺎ؟ اﻟﺠﻮاب ھﻮ ﻻ .ذﻟﻚ أﻧﮫ اﺳﺘﻌﻤﻞ اﻟﻤﻌﻨﻰ اﻷول ﻟـﻜﻠﻤﺔ " "organeوھﻮ "اﻟﻌﻀﻮ" وﺑﻨﻰ اﻟﻤﺼﻄﻠﺢ ﻋﻠﯿﮫ دون ﻣﻌﺮﻓﺔ ﺣﻘﯿﻘﯿﺔ ﺑﺄنّ ﺗﺴﻤﯿﺔ أﺟﮭﺰة اﻟﺪوﻟﺔ وھﯿﺌﺎﺗﮭﺎ ﺑﺎﻷﻋﻀﺎء أﻣﺮ ﻏــﯿﺮ ﻣﺄﻟﻮف ﻓﻲ اﻟﻠﻐﺔ اﻟﻌﺮﺑﯿﺔ .ﻛﻤﺎ إﻧﮫ ﺧﻠﻂ ﺑﯿﻦ اﻟﻤﻔﮭﻮم )اﻟﺪﻻﻟﺔ اﻟﻌﻠﻤﯿﺔ( واﻟﻠﻔﻆ )ﻣﺠ ّﺮد اﻟﺪﻟﯿﻞ اﻟﻠﻐﻮي( ﻓﻲ ﻋﻤﻠﯿﺔ اﻟﺘﺮﺟﻤﺔ اﻟﺤﺮﻓﯿﺔ واﻟﺴﻄﺤﯿﺔ اﻟﺘﻲ ﻻ ﺗﻌﻤّﻖ اﻟﺒﺤﺚ ﻓﻲ دﻻﻟﺔ اﻟﻤﺼﻄﻠﺢ اﻟﻌﻠﻤﯿﺔ ،ﻣﻤّﺎ ﯾﺆدي إﻟﻰ ﻓﮭﻢ ﺧﺎطﺊ ﯾﻨﻌﻜﺲ ﻋﻠﻰ ﻛﯿﻔﯿﺔ ﻧـﻘﻞ اﻟﻌﻠﻮم إﻟﻰ اﻟﻠﻐﺔ اﻟﻌﺮﺑﯿﺔ )اﻟﺤﯿﺎدرة 2003 ،أ .(27 :ﻓـ» « )اﻟﻘﺼﺎر.(40 :2008 ، ﺑﯿﺪ أنّ اﻟﻤﺼﻄﻠﺢ اﻟﻔﺮﻧﺴﻲ " "loi organiqueﺟﺎء "ﺷﻔﺎﻓﺎ" ،ﻋﻠﻰ ﺣ ّﺪ ﺗﻌﺒﯿﺮ ﻓﯿﻠﯿﺐ ﺗﻮارون اﻟــﺬي ﯾﺨﺺّ ﺑﮭـﺬه اﻟﺼﻔـــﺔ اﻟـﺪّال اﻟﺬي ﯾﺪﺧـﻞ ﻓﻲ ﻋﻤﻠﯿﺔ ﺗﺴﻤﯿـﺘﮫ أﻛﺒﺮ ﻋﺪد ﻣﻤﻜﻦ ﻣﻦ اﻟﺴﻤﺎت اﻟﻤﻔﺎھﯿﻤﯿﺔ. وﻣﺮ ّد ھﺬه "اﻟﺸﻔﺎﻓﯿﺔ" ) (transparenceإﻟﻰ أن اﻟﺼﻔﺔ اﻟﻔﺮﻧﺴﯿﺔ " "organiqueاﻟﺘﻲ ﺗﺼﻒ ھﺬا اﻟﻨﻮع ﻣﻦ اﻟﻘﻮاﻧﯿﻦ ﺗُﺤﯿﻞ ﻓﻲ اﻷﺻﻞ ﻋﻠﻰ اﻻﺳﻢ " ،"organeأي ﺟﮭﺎز أو ھﯿﺌﺔ ﻓﻲ اﻟﺪوﻟﺔ ،و/أو ﻋﻠﻰ اﻟﻔﻌﻞ " "organiserواﻟﻤﺼﺪر ""organisation ي ،ﻛﻤﺎ ﺟﺎء ﻓﻲ اﻟﺘﺮﺟﻤﺔ اﻟﺠﺰاﺋﺮﯾﺔ ﺑﻤﻌﻨﻰ ﻧﻈّﻢ وﺗـﻨﻈﯿﻢ اﻟﺴﻠﻄﺎت .وﻓﻲ ﻛﻠــــﺘﺎ اﻟﺤﺎﻟﺘﯿﻦ ،ﻻ ﻋﻼﻗﺔ ﻟﮭﺬه اﻟﺼﻔﺔ ﺑﻤﺎ ھﻮ ﻋﻀﻮ ّ اﻟﺮﺳﻤﯿﺔ "ﻗﺎﻧﻮن ﻋﻀﻮي").ﺑﻦ ﻣﺤﻤﺪ.(212 :2013 ، 145 د. ﺗﻌﺪد ﻣﺼﻄﻠﺤﺎت اﻟﻤﻔﮭﻮم اﻟﻮاﺣﺪ ) Pluralité des équivalents arabes pour un seul :(terme français ت ﻗﺎﻧﻮﻧﯿﺔ ﯾﻨﺒﻐﻲ أن إنّ ﻟﻠﻤﺼﻄﻠﺢ اﻟﻘﺎﻧﻮﻧﻲ – ﻋﻤﻮﻣﺎ – واﻟﻤﺼﻄﻠﺢ اﻟﺘﺸﺮﯾﻌﻲ – ﺧﺎﺻﺔ – ﻗﯿﻤﺔً دﻻﻟﯿﺔ ﯾﺠﺐ أن ﺗُﺤﺘﺮم وﺗﺒﻌﺎ ٍ ﺗُـﺼﺎن ،وﻣﻊ ذﻟﻚ ﻓﺎﻻﺳﺘﻌﻤﺎل اﻟﻤﺼﻄﻠﺤﻲ ﻓﻲ ھﺬا اﻟﻤﺠﺎل ﺑﺎﻟﺠﺰاﺋﺮ ﻏﯿﺮ ﻣﻮﺣﺪ ،ﻓﻨﺠﺪ ﻟﻠﻤﻔﮭﻮم اﻟﻮاﺣﺪ ﻋﺪة ﺗﺴﻤﯿﺎت ﻓﻲ اﻟﻮﺛﯿﻘﺔ اﻟﻮاﺣﺪة ،ﻣﻤﺎ ﻗﺪ ﯾﺆﺛﺮ ﺳﻠﺒﺎ ﻋﻠﻰ ﻓﮭﻢ اﻟﻘﺎﻋﺪة اﻟﺘﺸﺮﯾﻌﯿﺔ وﺑﺎﻟﺘﺎﻟﻲ ﺗﻄﺒﯿﻘﮭﺎ. وﻣﺜﺎل ذﻟﻚ: = Mandatﻣـﺪّة ،ﻣﮭـﻤّﺔ ،ﻧـﯿﺎﺑﺔ ،ﻋﮭﺪة = Juridictionﺟﮭﺔ ﻗﻀﺎﺋﯿﺔ ،ھﯿﺌﺔ ﻗﻀﺎﺋﯿﺔ ،ﻣﺤﻜﻤﺔ ،اﻟﻘﻀﺎء = Collectivités localesﻣﺠﻤﻮﻋﺎت ﻣﺤﻠﯿﺔ ،ﺟﻤﺎﻋﺎت ﻣﺤﻠﯿﺔ = Conditions d’éligibilitéﺷﺮوط اﻟﻨﯿﺎﺑﺔ ،ﺷﺮوط ﻗﺎﺑﻠﯿﺔ اﻻﻧﺘﺨﺎب ،ﺷﺮوط ﺻﻼﺣﯿﺔ اﻻﻧﺘﺨﺎب = Détentionاﻟﺤﺒﺲ ،اﻟﺤﺠﺰ وﯾﻌﺰى ھﺬا اﻟﺘﺒﺎﯾﻦ اﻟﻤﺼﻄﻠﺤﻲ ،ﻓﻲ رأﯾﻨﺎ ،إﻟﻰ ﺳﺒﺒﯿﻦ رﺋﯿﺴﯿﻦ ﻋﻠﻰ اﻷﻗﻞ ،وھﻤﺎ: أوﻻ ،ﻏﯿﺎب اﻟﺘﻨﺴﯿﻖ – وھﻮ أﺣﺪ أوﺟﮫ اﻟﻤﺮاﺟﻌﺔ – رﻏﻢ أھﻤﯿﺘﮫ ﺑﺎﻟﻨﺴﺒﺔ إﻟﻰ ﻧﺺّ ﻗﺎﻧﻮﻧﻲ طﻮﯾﻞ ﯾﺘﻀﻤﻦ اﻟﻌﺪﯾﺪ ﻣﻦ اﻟﻤﻮاد اﻟﻘﺎﻧﻮﻧﯿﺔ وﺗﻘﺘﻀﻲ ﺗﺮﺟﻤﺘﮭﺎ ﺗـﺪ ّﺧﻞ أﻛـﺜﺮ ﻣﻦ ﻣﺘﺮﺟﻢ ،ﻛ ّﻞ ﯾﺨﺘﺎر اﻟﻤﻘﺎﺑﻞ اﻟﺬي ﯾﺮاه اﻷﻧﺴﺐ ﻣﻦ وﺟﮭﺔ ﻧﻈﺮه. ﺛﺎﻧﯿﺎ ،ﻏﯿﺎب ﺑﻨﻚ ﻣﺼﻄﻠﺤﻲ ﻓﻲ ﻣﺠﺎل اﻟﻘﺎﻧﻮن ﺑﺎﻟﺠﺰاﺋﺮ ﯾﻜﻮن ﻣﺮﺟﻌﺎ أﺳﺎﺳﯿﺎ ﻟﻜ ّﻞ اﻟﻤﺘﺮﺟﻤﯿﻦ اﻟﻘﺎﻧﻮﻧﯿﯿﻦ ﻓﻲ ﺷﺘﻰ ﻓﺮوع اﻟﻘﺎﻧﻮن، ﻓﯿﺠﻨّﺒﮭﻢ ،ﻋﻦ طﺮﯾﻖ ﺗﻮﺣﯿﺪ اﻟﻤﺼﻄﻠﺤﺎت اﻟﻘﺎﻧﻮﻧﯿﺔ اﻟﻌﺮﺑﯿﺔ ،اﻟﻮﻗﻮع ﻓﻲ ﻓ ّﺦ اﻟﺘﺒﺎﯾﻦ اﻟﻤﺼﻄﻠﺤﻲ اﻟﻔﺎدح اﻟﺬي ﻧﺸﮭﺪه اﻟﯿﻮم ﻣﻦ وﺛﯿﻘﺔ ﻗﺎﻧﻮﻧﯿﺔ إﻟﻰ أﺧﺮى ،ﺑﻞ ﻓﻲ اﻟﻮﺛﯿﻘﺔ اﻟﻘﺎﻧﻮﻧﯿﺔ اﻟﻮاﺣﺪة. اﻟﺨﺎﺗﻤﺔ: ﺣﺎوﻟﻨﺎ ﻣﻦ ﺧﻼل ھﺬا اﻟﻤﻘﺎل اﻟﺘﺮﻛﯿﺰ ﻋﻠﻰ أھ ّﻢ ﻣﺎ ﯾﻄﺒﻊ ﻣﺼﻄﻠﺤﺎت اﻟﺘﺸﺮﯾﻊ اﻟﺠﺰاﺋﺮي ،ﺗﺤﺪﯾﺪا ،وﺿﻌًﺎ وﺗﺮﺟﻤﺔً ،ورأﯾﻨﺎ ﻛﯿﻒ أن اﻟﻤﺼﻄﻠﺤﺎت اﻟﻤﺴﺘﺤﺪﺛﺔ ﻓﻲ اﻟﻨﻈﺎم اﻟﻘﺎﻧﻮﻧﻲ اﻟﺠﺰاﺋﺮي ﻣﺘﺄﺛﺮة ﻓﻲ ﻣﻌﻈﻤﮭﺎ ﺑﮭﺬا اﻟﻨﻈﺎم ﻣﻦ ﺟﮭﺔ وﺑﺎﻟﻠﻐﺔ اﻟﻔﺮﻧﺴﯿﺔ ﻣﻦ ﺟﮭﺔ ﺛﺎﻧﯿﺔ، ﺑﺎﻹﺿﺎﻓﺔ إﻟﻰ ﻛﻮﻧﮭﺎ ﻛﺜﯿﺮا ﻣﺎ ﺗﻌﺎﻧﻲ ﻣﻦ اﻟﻌﺘﺎﻣﺔ وﻣﻦ ﻋﺪم ﺗﻮﺣﯿﺪ اﺳﺘﻌﻤﺎﻟﮭﺎ ،وﻛﻞ ذﻟﻚ راﺟﻊ إﻟﻰ اﻟﺴﯿﺎق اﻟﺨﺎص واﻟﻤﻌﻘﺪ اﻟﺬي ﺗﺤﯿﺎ ﻓﯿﮫ ھﺬه اﻟﻤﺼﻄﻠﺤﺎت ،ﻻ ﺳﯿﻤﺎ ﻓﻲ ظﻞ ﺗﻨﺎﻣﻲ ظﺎھﺮة ازدواﺟﯿﺔ ﻟﻐﺔ اﻟﻘﺎﻧﻮن وﺗﺤﺮﯾﺮ اﻟﻜﺜﯿﺮ ﻣﻦ اﻟﻘﻮاﻧﯿﻦ ﺑﺎﻟﻠﻐﺔ اﻟﻔﺮﻧﺴﯿﺔ ﻗﺒﻞ ﺗﺮﺟﻤﺘﮭﺎ إﻟﻰ اﻟﻌﺮﺑﯿﺔ. وﺑﻐﯿﺔ ﺳ ّﺪ ﻣﻮاطﻦ اﻟﻨﻘﺺ اﻻﺻﻄﻼﺣﯿﺔ ،ﻓﻼﺑ ّﺪ أوﻻ ﻣﻦ اﻻﻋﺘﺮاف ﺑﻮﺿﻌﯿﺔ ازدواﺟﯿﺔ ﻟﻐﺔ اﻟﺘﺸﺮﯾﻊ ﺗﺤﺪﯾﺪا وﺑﺄﺻﻞ ﺗﺤﺮﯾﺮ ﻣﻌﻈﻢ ﻧﺼﻮﺻﮫ ﺑﺎﻟﻠﻐﺔ اﻟﻔﺮﻧﺴﯿﺔ ،وﻣﻦ ﺛ ّﻢ اﻟﺘﺮﻛﯿﺰ أﻛﺜﺮ ﻋﻠﻰ اﻟﻨﺴﺨﺔ اﻟﻌﺮﺑﯿﺔ اﻟﻤﺘﺮﺟﻤﺔ وﺗﻜﻮﯾﻦ ﻣﺘﺮﺟﻤﯿﻦ أﻛﻔﺎء ﺗﻜﻮﯾﻨﺎ ﻣﺰدوﺟﺎ ﺟﺎدا وﻓﻌﺎﻻ :ﻓﻲ اﻟﻘﺎﻧﻮن )أﺑﺠﺪﯾﺎت اﻟﻤﺠﺎل ،اﻟﺘﺨﺼﺺ( وﻓﻲ اﻟﻠﻐﺔ )اﻟﺘﺤﻜﻢ اﻟﺤﻘﯿﻘﻲ ﻓﻲ اﻟﻠﻐﺘﯿﻦ(. 146 ﺼﺺ اﻟﻤُﻠ ّﻢ ﺑﺎﻟﻤﻮﺿﻮع ،اﻟﻮاﻗـﻒ ﻋﻠﻰ وﯾﺎ ﺣﺒﺬا ﻟﻮ ﯾﺴﺘﻌﯿﻦ اﻟﻤﺘﺮﺟﻢ أﺛﻨﺎء ﻧﻘﻠﮫ اﻟﻤﺼﻄﻠﺤﺎت ﻣﻦ ﻟﻐﺔ إﻟﻰ أﺧﺮى ﺑﺎﻟﻌﺎﻟِﻢ اﻟﻤﺘﺨ ّ ﻣﻀﺎﻣﯿﻨﮫ واﻟﻘﺎدر ﻋﻠﻰ اﻟﺘﺤﻜّﻢ ﻓﻲ اﻟﻤﻔﮭﻮم واﺳﺘﺨﺮاج أھ ّﻢ ﺳﻤﺎﺗﮫ ،وﺑﺎﻟﻤﺼﻄﻠﺤﻲ اﻟﺨﺒﯿﺮ ﺑﺎﻟﻤﺠﺎل اﻟﻤﻌﺮﻓﻲ ﻟﻼﺻﻄﻼح. وﺑﺎﻟﻨﺴﺒﺔ إﻟﻰ ﺗﻌﺪد ﻣﺼﻄﻠﺤﺎت اﻟﻤﻔﮭﻮم اﻟﻮاﺣﺪ ،ﻓﺈﻧﻨﺎ ﻧﺮى أن اﻟﺤﻞ اﻷﻣﺜﻞ ﯾﻜﻤﻦ ﻓﻲ إﻧﺸﺎء ﺑﻨﻚ ﺟﺰاﺋﺮي ﺧﺎص ﺑﺎﻟﻤﺼﻄﻠﺤﺎت اﻟﻘﺎﻧﻮﻧﯿﺔ ﯾﻜﻮن ﻣﺮﺟﻌﺎ ﻷھﻞ اﻻﺧﺘﺼﺎص ،ﻓﯿﺴﮭﻞ ﻋﻠﯿﮭﻢ ﻋﻤﻠﯿﺔ اﻟﺘﺮﺟﻤﺔ وﯾﻨﻌﻜﺲ إﯾﺠﺎﺑﺎ ﻋﻠﻰ ﻧﻮﻋﯿﺘﮭﺎ وﯾﻀﻊ ﺣﺪا ﻟﻠﺘﺮﺟﻤﺎت اﻟﺴﻄﺤﯿﺔ وﻟﻔﻮﺿﻰ اﻟﻤﺼﻄﻠﺤﺎت. ي ﻟـﻐﺔ ﺳﻠﯿﻤﺔً ﻣﻦ ﻋﻤﻠﯿﺔ وﻟﻌﻞ أﺣﺴﻦ ﻣﺎ ﯾﻤﻜﻦ أن ﻧﺨﺘﻢ ﺑﮫ ﻣﻘﻮﻟﺔ ﻟـﻠﻮﯾﺲ ﺑﻮدوان ) (172 :2007 ،Beaudoinﻧﻔﻰ ﻓﯿﮭﺎ ﺧﺮوج أ ّ اﺣﺘـﻜﺎك اﻟﻠﻐﺎت واﻷﻧﻈﻤﺔ اﻟﻘﺎﻧﻮﻧﯿﺔ ،ﺑﻌـﺪ أن ﻧَﻘَـﻞ اﻟﺤﺴﺮة اﻟﺘﻲ أﻋﺮب ﻋﻨﮭﺎ اﻟﻤﻔﻜّﺮ اﻟﻔﺮﻧﺴﻲ أﻟﻜﺴﻲ دو ﺗﻮﻛﻔﯿﻞ Alexis De Tocquevilleﻋﻨﺪ ﺣﻀﻮره ،ﺳﻨﺔ ، 1831ﺟﻠﺴﺔ ﻣﺤﺎﻛﻤﺔ ﻓﻲ اﻟﻜﯿﺒﯿﻚ وﺳﻤﺎﻋﮫ اﻟﻠﻐﺔ اﻟﺘﻲ ﺗﺤﺪّث ﺑﮭﺎ اﻟﻤﺤﺎﻣﻮن واﻟﺸﮭﻮد ،ﺣﯿﺚ ﻋﻠّﻖ ﻗﺎﺋﻼ: « Je n’ai jamais été convaincu (en sortant du tribunal) que le plus grand et le plus irrémédiable » malheur pour un peuple c’est d’être conquis. أي "ﻟﻢ أﻛﻦ أﺑﺪا أﻛﺜﺮ اﻗـﺘﻨﺎﻋﺎ ﻗﺒﻞ اﻟﯿﻮم )وأﻧﺎ ﺧﺎرج ﻣﻦ اﻟﻤﺤﻜﻤﺔ( ﺑﺄن أﻛﺒﺮ ﺷﺮّ ﻗﺪ ﯾﻠﺤﻖ ﺑﺸﻌﺐ وﻻ ﯾُﺸﻔﻰ ﻣﻨﮫ ھﻮ أن ﯾﻜﻮن ﻣﺴﺘَﻌﻤَﺮا" )ﺗﺮﺟﻤﺘﻨﺎ(. ﻗﺎﺋﻤﺔ اﻟﻤﺼﺎدر واﻟﻤﺮاﺟﻊ: ﺑﺎﻟﻠﻐﺔ اﻟﻌﺮﺑﯿﺔ: ﺑﻦ ﻣﺤﻤﺪ ،إﯾﻤﺎن .(2013) .إﺷﻜﺎﻟﯿﺔ ﺗﺮﺟﻤﺔ اﻟﺨﻄﺎب اﻟﺘﺸﺮﯾﻌﻲ ﻓﻲ اﻟﺠﺰاﺋﺮ .دراﺳﺔ ﺗﺤﻠﯿﻠﯿﺔ ﻣﻘﺎرﻧﺔ ﻟﻠﻨﺴﺨﺘﯿﻦ اﻟﻌﺮﺑﯿﺔ واﻟﻔﺮﻧﺴﯿﺔ ﻟﻠﺪﺳﺎﺗﯿﺮ اﻟﺠﺰاﺋﺮﯾﺔ ﺑﻌﺪ اﻻﺳﺘﻘﻼل .أطﺮوﺣﺔ دﻛﺘﻮراه ﻓﻲ اﻟﺘﺮﺟﻤﺔ .ﻣﻌﮭﺪ اﻟﺘﺮﺟﻤﺔ .ﺟﺎﻣﻌﺔ اﻟﺠﺰاﺋﺮ.2 ﺣﺠﺎزي ،ﻣﺤﻤﻮد ﻓﮭﻤﻲ) .د .ت( .اﻷﺳﺲ اﻟﻠﻐﻮﯾﺔ ﻟﻌﻠﻢ اﻟﻤﺼﻄﻠﺢ .اﻟﻘﺎھﺮة :دار ﻏﺮﯾﺐ ﻟﻠﻄﺒﺎﻋﺔ. اﻟﺤﯿﺎدرة ،ﻣﺼﻄﻔﻰ طﺎھﺮ 2003) .أ( .ﻣﻦ ﻗﻀﺎﯾﺎ اﻟﻤﺼﻄﻠﺢ اﻟﻠﻐﻮي اﻟﻌﺮﺑﻲ ،اﻟﻜﺘﺎب اﻷول ،واﻗﻊ اﻟﻤﺼﻄﻠﺢ اﻟﻠﻐﻮي اﻟﻌﺮﺑﻲ ﻗﺪﯾﻤﺎ وﺣﺪﯾﺜﺎ .ط .1 .اﻷردن :ﻋﺎﻟﻢ اﻟﻜﺘﺐ اﻟﺤﺪﯾﺚ. اﻟﺤﯿﺎدرة ،ﻣﺼﻄﻔﻰ طﺎھﺮ 2003) .ب( .ﻣﻦ ﻗﻀﺎﯾﺎ اﻟﻤﺼﻄﻠﺢ اﻟﻠﻐﻮي اﻟﻌﺮﺑﻲ ،اﻟﻜﺘﺎب اﻟﺜﺎﻧﻲ ،ﻧﻈﺮة إﻟﻰ ﺗﻮﺣﯿﺪ اﻟﻤﺼﻄﻠﺢ واﺳﺘﺨﺪام اﻟﺘﻘـﻨﯿﺎت اﻟﺤﺪﯾﺜﺔ ﻟﺘﻄﻮﯾﺮه .ط .1 .اﻷردن :ﻋﺎﻟﻢ اﻟﻜﺘﺐ اﻟﺤﺪﯾﺚ. اﻟﺪﯾﺪاوي ،ﻣﺤﻤﺪ .(2000) .اﻟﺘﺮﺟﻤﺔ واﻟﺘﻮاﺻﻞ ،دراﺳﺔ ﺗﺤﻠﯿﻠﯿﺔ ﻋﻤﻠﯿﺔ ﻹﺷﻜﺎﻟﯿﺔ اﻻﺻﻄﻼح ودور اﻟﻤﺘﺮﺟﻢ .ط .1 .اﻟﺪار اﻟﺒﯿﻀﺎء :اﻟﻤﺮﻛﺰ اﻟﺜﻘﺎﻓﻲ اﻟﻌﺮﺑﻲ. اﻟﺪﯾﺪاوي ،ﻣﺤﻤﺪ .(2005) .ﻣﻨﮭﺎج اﻟﻤﺘﺮﺟﻢ ﺑﯿﻦ اﻟﻜﺘﺎﺑﺔ واﻻﺻﻄﻼح واﻟﮭﻮاﯾﺔ واﻻﺣﺘﺮاف .ط .1 .اﻟﺪار اﻟﺒﯿﻀﺎء :اﻟﻤﺮﻛﺰ اﻟﺜﻘﺎﻓﻲ اﻟﻌﺮﺑﻲ. اﻟﺸﻤﺎس ،ﻋﯿﺴﻰ .(2004) .ﻣﺪﺧﻞ إﻟﻰ ﻋﻠﻢ اﻹﻧﺴﺎن )اﻷﻧﺜﺮوﺑﻮﻟﻮﺟﯿﺎ( .دراﺳﺔ .دﻣﺸﻖ :ﻣﻨﺸﻮرات اﺗﺤﺎد اﻟﻜﺘﺎب اﻟﻌﺮب. ﻗﺎﺳﻢ ،ﻣﺤﻤﺪ ﺣﺴﻦ .(2009) .اﻟﻤﺪﺧﻞ ﻟﺪراﺳﺔ اﻟﻘﺎﻧﻮن .اﻟﻘﺎﻋﺪة اﻟﻘﺎﻧﻮﻧﯿﺔ وﻧﻈﺮﯾﺔ اﻟﺤﻖ ،اﻟﺠﺰء اﻷول :اﻟﻘﺎﻋﺪة اﻟﻘﺎﻧﻮﻧﯿﺔ. ﺑﯿﺮوت :ﻣﻨﺸﻮرات اﻟﺤﻠﺒﻲ اﻟﺤﻘﻮﻗﯿﺔ. اﻟﻘﺼﺎر ،ﻣﺤﻤﺪ" .(2008) .اﻟﻤﺼﻄﻠﺢ اﻟﻌﻠﻤﻲ اﻟﻌﺮﺑﻲ ﺑﯿﻦ ﻣﻨﮭﺠﯿﺔ اﻟﻮﺿﻊ وﺿﺮورة اﻟﺘﻮﺣﯿﺪ" .ﻣﺠﻠﺔ ﺗﺮﺟﻤﺎن .م .17 .ع.2 . أﻛﺘﻮﺑﺮ .طﻨﺠﺔ .ص.ص .61 -38 147 .18 . م. ﻣﺠﻠﺔ ﺗﺮﺟﻤﺎن. ﻣﻘﺎرﺑﺔ ﺗﺄوﯾﻠﯿﺔ ﻓﻲ ﺗﺮﺟﻤﺔ اﻟﺨﻄﺎب اﻟﺘﺸﺮﯾﻌﻲ. دﯾﺪاﻛﺘﯿﻚ اﻟﺘﺮﺟﻤﺔ اﻟﻤﺼﻄﻠﺤﯿﺔ.(2009) . ﺳﻌﯿﺪة،ﻛﺤﯿﻞ .44-11 ص. ص. طﻨﺠﺔ. أﻛﺘﻮﺑﺮ.2 .ع ﺑﺎﻟﻠﻐﺔ اﻟﻔﺮﻧﺴﯿﺔ BABADJI, R. (1990). Désarroi bilingue : notes sur le bilinguisme juridique en Algérie. Droit et société. revue internationale de théorie de droit et de sociologie juridique. 15. L.G.D.J. Paris. 207-217. BEAUDOIN, L. (2007). La traduction juridique au Canada. Contraintes linguistiques et juridiques. L’apport de la jurilinguistique, in J-J. SUEUR (dir.) Interpréter et traduire. actes de colloque international. Faculté de Droit de Toulon, 25 et 26 novembre 2005. 171-188. Bruxelles : Bruylant. BENMOHAMED, I. (2014). La traduction juridique en Algérie entre « acculturation linguistique » et « acculturation juridique ». in Le traducteur et son texte : Relations dialectiques, difficultés linguistiques et contexte socioculturel. 8-9 Avril 2013. Université Misr pour les Sciences et la Technologie. département de français. 325-330. Egypte. DURIEUX, Ch. (1996). La traduction en milieu judiciaire : difficultés et enjeux. Revue des Lettres et de traduction. 2. 39-53. Liban : Kaslik. EL KALADI A. (2002), Acculturation et traduction. Cultures en contact. 153-168. Artois Presses Université. FITOURI, Ch. (1983). Biculturalisme, bilinguisme et éducation. Paris : Delachaux et Niestlé, Neuchâtel. LERAT, P. (1995). Les langues spécialisées. Paris : PUF. LETHUILLIER, J. (2003). L’enseignement des langues de spécialité comme préparation à la traduction spécialisée. META. vol. 48. n°3. 379-392. QUEFFÉLEC, A., DERRADJI et al. (2002) Le français en Algérie : Lexique et dynamique des langues. Bruxelles : Éditions Duculot. ROULAND, N. (1990). L’anthropologie juridique, Que sais-je ?. 2528. Paris : PUF. THOIRON, Ph. (1994). La terminologie multilingue : une aide à la maîtrise des concepts. META. vol. 39. n° 4. 765-773. 148 Compte- rendu d’ouvrage Wafa BEDJAOUI U. Alger 2 Bruno Maurer Mesurer la francophonie et identifier les francophones Inventaire critique des sources et des méthodes Paris, Editions des archives contemporaines, 2015. Coordonné par Bruno Maurer, cet ouvrage, à la fois statistique et épistémologique, met l’accent sur les réalités sociolinguistiques hétérogènes en francophonie. Il s’agit de dresser les résultats de recherches menées dans plusieurs disciplines (sociolinguistique, lexicologie, démographie) et dans plusieurs contextes (médias, écoles, internet, famille, monde du travail) en situations francophones multilingues. Objets et méthodes d’enquêtes sont donc soumis à un examen critique afin d’aider les chercheurs débutants, doctorants ou confirmés soit de travailler sur des données déjà existantes ou de construire leurs propres corpus. A l’initiative de l’Observatoire de la langue française de l’organisation international de la francophonie (OIF), en partenariat avec l’Agence universitaire de la Francophonie ( AUF) et l’Observatoire démographique et statistique de l’espace francophone (ODSEF) de l’Université de Laval (Québec) , le 2e Séminaire international sur les méthodologies d’observation de la langue française tenu à l’OIF en octobre 2014 concrétisé par la publication de cet ouvrage s’inscrit dans la lignée des rencontres scientifiques visant à la promotion de la recherche francophone. Scindé en trois parties, ce livre se propose dans la première partie, sous la plume d’Alexandre Wolff, Responsable de l’Observatoire de la langue française, d’appréhender la définition de « locuteur francophone ». L’auteur s’attarde aux notions de « francophones réels », « francophones partiels », « francophiles », « les francophones de naissance » et appuie ses propos par des exemples de situations multilingues dans lesquelles cette typologie de « francophones » est recensée à la suite de données recueillies par des quelques organismes ou à 149 l’aide des acteurs du terrain « universitaires, coopérants et autorités administratives des pays ». Or, ces sources ne tiennent pas compte de toutes les situations et doivent être examinées avec prudence et recoupées. Il est vrai que chaque source a son intérêt, mais aussi ses limites ; d’où l’importance de cet ouvrage qui constitue une ossature méthodologique à exploiter dans les enquêtes de terrain en francophonie. La deuxième partie est consacrée à l’ « inventaire critique des sources et méthodes ». Sont ainsi débattues les méthodes d’observation afin de délimiter les différentes dimensions à même de décrire l’ensemble des réalités relatives à la langue française. Pour ce faire, trois chapitres constituent cette deuxième partie. Dans le premier chapitre, il s’agit de recenser les sources mobilisables pour le recueil de données relatives à l’observation de la langue française dans le monde (pp. 14-60). Dans le deuxième chapitre (pp.61- 175), une analyse des différents types d’enquête sur les réalités francophones est amorcée. Chaque enquête est présentée par objet d’étude et porte successivement sur les points suivants : - Le comptage des francophones ; - Les pratiques langagières en francophonie ; - Les représentations des langues en francophonie ; - Le français dans un contexte plurilingue ; - Les usages du français en francophonie ; L’intérêt de ce chapitre réside dans le fait de présenter chaque enquête selon un canevas commun qui met en exergue ses principales dimensions et pointe à la fois mérites et limites. Nous jugeons indispensable d’exposer ledit canevas qui est constitué de : - Nom de l’enquête - Discipline concernée - Niveau(x) de recherche - Objets (s) - Modalités et conditions de mise en pratique - Intérêt - Limites ou points à améliorer en aménageant le protocole de recherche. 150 Les 16 enquêtes étudiées sont numérotées par objet pour permettre leur identification. L’importance de cette partie se situe dans la diversité des situations analysées et analysables, puisque d’aucunes présentent des limites en matière de protocole de recherche. Quant au troisième chapitre de cette partie (pp. 177-182), il synthétise, sous forme de tableaux, les objets de recherche et les méthodes d’enquêtes précédemment mentionnés. Deux tableaux sont ainsi mis en avant ; le premier focalise l’intérêt sur les méthodes d’enquêtes( Grille d’analyse, Baromètre de Calvet, Méthode d’analyse combinée des représentations, enquête par questionnaire sur les compétences, recensement et autres sources statistiques), tandis que le deuxième prend comme point de départ le type de données relatives « à la langue recherchée » (Connaissance et compétence, usages et pratiques, images et représentations, présence et statut). La troisième et dernière partie (pp.180-200) résume le 2e Séminaire international sur les méthodologies d’observation de la langue française. Bruno Maurer y excelle dans sa synthèse des débats qui ont porté sur les définitions de « francophones ». L’on retrouve, à cet effet, une proposition de « francophones initiaux » plutôt que de langue maternelle. Sans oublier l’intérêt accordé la question des représentations attachées à la langue française, puisqu’elle est déterminante dans les pratiques langagières. Les plus importantes recommandations auxquelles ont aboutis les différents chercheurs qui ont contribué à la publication de cet ouvrage peuvent être récapitulé en ces points : - Distanciation quant à l’exploitation des sources de données en général ; - Croisement et recoupement- autant que possible- des différentes informations (sources et études) ; - Recherche de données qualitatives (transmission familiale, la présence numérique, etc.) ; - Actualisation des grilles d’appréciation des situations de francophonie ; Etude des pistes de recherche qui privilégie les champs suivants : la transmission familiale et les espaces privés, le monde du travail, les industries culturelles et le numérique. 151 Résumés de quelques mémoires de master, de magistère et de thèses de doctorat soutenus au département de français (Université d’Alger 2) au cours de l’année 2016 Mémoires de master en « Didactique » BOUMAIZA Soumaya, « Les pratiques enseignantes de la compréhension de l’écrit en 5 e année primaire », dirigée par Pr. AMOKRANE Saliha. Melle Boumaiza nous donne à lire un travail remarquable de master sur les pratiques enseignantes de la compréhension de l’écrit en 5 e année primaire. Pour mener à bien son travail de recherche, elle tentera de répondre à plusieurs interrogations à savoir : En quoi consistent les pratiques enseignantes de la compréhension écrite en classe de 5e AP ? Comment est-elle enseignée et par quel moyen pédagogique ? Réalisé en plus de 100 pages et avec une table des matières extrêmement détaillée, nous avons pu constater l’intelligence de Melle BOUMAIZA à exploiter toutes les informations, concepts et outils pour répondre aux questionnements précédemment formulés. Une très grande objectivité se dégage également de cette appréciable recherche. Avec une souplesse stylistique remarquable, l’étudiante excelle dans la présentation de l’état de l’art de la question ainsi que des techniques d’investigation (observation et questionnaire). Deux parties scindent cette étude. La première partie qui est constituée de trois chapitres se veut une partie théorique dans laquelle la candidate s’attarde aux notions de « compréhension de l’écrit », « les processus de ladite compréhension » et « son enseignement selon les instructions officielles ». La deuxième partie est consacrée à la méthodologie du recueil des données et à leur analyse. A vrai dire, un effort considérable est fourni par l’impétrante tout au long du cette recherche. Son analyse est faite en trois temps puisque son corpus est constitué de trois « minicorpus » à savoir : le programme de la compréhension, les données recueillies de l’observation de classe et les réponses récoltées à la suite de la distribution du questionnaire. 152 Mémoires de master en « Analyse du discours et interactions verbales » BRAKTIA Sara, « Analyse des interactions verbales sur le réseau social « Facebook », Cas des groupes estudiantins du département de français de l’université d’Alger2 », dirigée par HESSAS Hakim Mlle BRAKTIA Sara se propose d’étudier les interactions verbales d’étudiants internautes dans le cadre du réseau social « Facebook ». Pour ce faire, elle a réparti son travail de recherche, qui contient plus de 90 pages, en deux chapitres clairement détaillées et délimitées. Elle consacre le premier chapitre à quatre points essentiels qui font l’objet de son cadre méthodologique et théorique. Elle nous présente, de prime abord, le corpus collecté, le cadre d’étude et le contexte d’analyse. Nous estimons que cette façon de faire (commencer par la présentation du corpus puis aller vers la théorie) est originale et adéquate à sa thématique. Elle fait ensuite appel aux concepts qui lui serviront de fondement théorique à son analyse interactionnelle. Il s’agit donc de l’analyse du discours, de l’analyse thématique, de l’analyse pragmatique et de l’énonciation. Nous tenons à signaler que l’impétrante a déployé des efforts louables quant à ses lectures théoriques, ce qui lui a permis de cerner les notions clés de son travail de recherche. Le chapitre pratique nous a également permis de confirmer ce constat notamment au travers de la lecture de la l’analyse des interactions. Presque toutes les notions théoriques ont été exploitées intelligemment. Sans oublier la grille d’analyse conçue sur la base du modèle S.P.E.A.K.I.N.G de Hymes pour analyser les compétences communicationnelles des étudiants, et ce afin de dégager les caractéristiques conversationnelles de ce groupe social dans un cadre numérique. 153 CHIKHI Assia, « Les générateurs de la violence verbale dans un forum de discussion pour poètes », dirigée par GRINE Nadia. Un imposant mémoire de master de 174 pages nous a été donné à lire. Dès les premières pages, cette recherche met en branle une implacable rigueur scientifique par la présentation détaillée de la table des matières. Il s’agit d’appréhender les générateurs de la violence verbale dans un contexte numérique précis, celui des forums de poésie. La candidate puise son socle théorique dans la communication médiatisée par ordinateur (Marcoccia, Baym, Parker) et dans l’analyse des interactions verbales (Grice, Orecchioni, Vion, Goffman). Pour mener à bien son travail de recherche, l’impétrante a divisé son travail en deux parties. La première partie est scindée en trois chapitres dans lesquels elle cernera les notions de communication médiatisée par ordinateur, de forums de discussion et de violence verbale. Elle y présentera également, dans le troisième chapitre de cette partie, la méthodologie de travail adoptée. La deuxième partie, dans laquelle elle expose les résultats de son étude, est divisée en deux chapitres. Le premier chapitre se veut « contextualisant » de ladite situation de communication qui s’inscrit en interactions verbales numériques, voire « virtuelles ». On y observe l’analyse de la violence verbale sous toutes ses formes sur le forum en question. Le deuxième chapitre met en exergue l’analyse des différents déclencheurs de la violence verbale. Nous tenons à préciser que ce travail de recherche louable s’inscrit dans le cadre des travaux « synchrones » dans la mesure où la candidate a choisi d’analyser un corpus « authentique » d’actualité. 154 IHADADENE Maya, « Altérité et stéréotypes dans le discours de presse française autour de l’affaire de la burqa », dirigée par Ait Dahmane Karima Melle Maya Ihadadene nous présente un travail original relatif à la question des représentations véhiculées sur la burqa en France. Ce travail académique comporte 116 pages suivies d’annexes dans lesquelles est inséré le corpus constitué d’articles tirés du journal français « le Monde ». Respectant les démarches requises dans tout travail scientifique, Melle Ihadadene répartit son mémoire de magistère en quatre chapitres. Elle donne un aperçu diachronique de son objet de recherche, à savoir « la burqa » dans les différentes religions célestes. Or, nous aurions souhaité voir l’étudiante expliquer le choix du terme « burqa », dans le titre, par rapport aux autres mots ayant une même signification, d’autant plus que « burqa » est rarement utilisée dans le mémoire, et est remplacé par « voile ». Dans le deuxième chapitre, la candidate met en avant ses outils conceptuels et méthodologiques de l’analyse du discours. Cependant, elle ne fait point le lien entre les différentes approches énumérées et leur intérêt par rapport à son objet d’étude et à son objet scientifique, à savoir l’altérité et les stéréotypes. Quant au troisième chapitre, il est consacré à l’étude épistémologique des représentations, du discours journalistique et de l’altérité. Ce chapitre théorique est indispensable pour une meilleure appréhension de tous les concepts clés du mémoire. Le quatrième chapitre contient les résultats de l’analyse discursive des articles recueillis sur la question de la burqa. Mémoires de master en « Sémiotique » HARDI Amel et LAGGOUN Amel, “Etude sémiotique des stratégies icono-linguistiques des caricatures d'Ali Dilem, Dirigées par Mme BEDJAOUI Wafa. Hardi Amel et Laggoune Amel ont réussi à nous présenter un mémoire de master de grande qualité scientifique qui fait montre de rigueur et de d’exigence de la démarche méthodologique et du raisonnement analytique. Sur 126 pages, elles ont pu « complexifier » un thème qui parait, de prime abord, sans intérêt. Leur réflexion a suivi un cheminement logique qui nous a permis de comprendre le choix des outils méthodologiques et des choix épistémologiques. Les impétrantes 155 ont conjointement travaillé le processus « déconstruction- construction » de l’objet de recherche qu’est les caricatures de Dilem pour parvenir à leur analyse et leur interprétation que nous estimons à la hauteur d’une recherche académique. L’objectif de ce travail de recherche est donc de comprendre comment la caricature de Dilem, ce système sémiotique complexe, s’élabore en tant que communication médiatique dans laquelle interagissent plusieurs aspects qui donnent du sens. Ainsi, les constituants de la caricature sont excellemment inventoriés, répertoriés dans une grille élaborée à cet effet. L’analyse se veut une analyse descriptive et interprétative divisée en deux parties : une première partie consiste à comparer les constituants des caricatures sélectionnées afin de repérer les redondances et de dégager une quelconque morphologie dans les caricatures de Dilem. La deuxième analyse consiste à étudier tous les messages portés par les différents systèmes de signes qui composent chaque caricature pour arriver au message que le caricaturiste souhaite véhiculer. Afin de répondre à leur problématique, les candidates ont divisé leur travail en trois chapitres dont les deux premiers sont consacrés à l'élaboration du cadre théorique sur lequel reposera l'application. En effet, le premier chapitre, intitulé « Le signe : éléments théoriques ». Il est consacré à cette science, son évolution, ses premières écoles, ses théories pionnières, ainsi que les différentes approches du signe. Le deuxième chapitre, intitulé « Image et caricature », est consacré, ensuite, à l’objet de recherche, la caricature. Ainsi, il s’agit d’abord de l’image, son histoire, son évolution, ses types, ses formes, pour arriver à la caricature, ses procèdes, ses fonctions et ses techniques. Le troisième chapitre, intitulé « Analyse et interprétation de la caricature », constitue la partie pratique. Il s’agit, de prime abord, de la présentation des journaux et des 13 caricatures sélectionnées. Par la suite, les candidates entament l’interprétation minutieuse et l’analyse détaillée des composantes des caricatures (les vêtements des personnages, les gestes des mains et des pieds des personnages, les émotions des visages, les textes des titres et des bulles et la relation texte/image) en utilisant des tableaux et des grilles. 156