Brexit : L’IMPACT DES DIFFERENTS SCENARIOS DE SORTIE DE L’UNION EUROPEENNE Dans ce premier bulletin sur l’impact de la décision britannique de quitter l’Union européenne, le Président de Frontier, Gus O’Donnell, examine les choix qui s’offrent aux dirigeants politiques et aux entreprises dans toute l’Europe. Gus a été Secrétaire du Cabinet britannique sous trois premiers ministres avant de rejoindre Frontier en 2013. Il a une connaissance intime des mécanismes politiques britanniques et européens et a géré de nombreuses situations de crise lorsqu’il était Secrétaire du Cabinet. Dans les paragraphes qui suivent, il analyse la probabilité d’un Brexit « hard », dans lequel le Royaume-Uni couperait rapidement les ponts avec l’Union européenne, et celle d’un Brexit « soft », dans lequel les liens seraient conservés moyennant quelques concessions, ainsi que les secteurs de l’économie qui seront les plus touchés. Depuis les turbulences qui ont suivi la décision des électeurs britanniques de quitter l’Union européenne (le « Leave » l’emportant de 3,8 % avec un taux de participation de 72 % des électeurs), les marchés ont intégré l’hypothèse d’un Brexit soft et se sont quelque peu stabilisés, c’est-à-dire qu’ils semblent supposer qu’un nouveau premier ministre britannique s’efforcera de conserver l’accès au marché unique même s’il lui faut céder du terrain sur l’immigration. On comprend aisément que la logique économique pourrait conduire le Royaume-Uni sur cette voie, mais il est encore trop tôt pour dire si les marchés ont raison ou – comme pour le référendum luimême – si un nouveau choc les attend. D’après les premiers signaux donnés par l’Union européenne, celle-ci semble vouloir opter pour une ligne de négociation dure afin de maximiser l’effet dissuasif de la décision britannique, peut-être sous l’aiguillon des élections prévues l’an prochain aux Pays-Bas, en France et en Allemagne. Au Royaume-Uni, le parti au pouvoir vient tout juste d’élire son dirigeant, tandis que le principal parti d’opposition est en pleine crise. Alors que les dirigeants politiques des capitales européennes tentent de percer le brouillard, ce bulletin examine l’impact des différents choix possibles. Le Royaume-Uni a décidé de ne pas déclencher – pour l’instant – l’article 50 du Traité de Lisbonne, qui active le mécanisme de sortie sur deux ans. Le Premier ministre, David Cameron, a constitué une équipe de fonctionnaires chargés d’étudier les options et d’éclairer la stratégie de négociation de son successeur. De son côté, l’Union européenne a créé un groupe de travail pour coordonner les négociations. Quid du Parlement britannique ? Il exigera probablement de débattre de la stratégie de sortie britannique avant le déclenchement de l’article 50. Étant donné que la majorité des députés des deux Chambres étaient partisans du « Remain », les débats promettent d’être orageux. De plus, certains juristes constitutionnalistes affirment que l’article 50 ne peut pas être déclenché sans loi parlementaire – dont le vote serait plus que houleux. Pourtant, même s’il s’avère qu’il n’est pas légalement nécessaire, ce vote pourrait bien être politiquement essentiel. L’une des premières tâches de Philip Hammond, ministre des Finances du nouveau gouvernement formé par Theresa May, sera de présenter le budget intérimaire (Autumn Statement). Bien qu’il ait nié qu’il s’agira d’un « budget d’urgence », il ne sera pas facile – d’autant que cette déclaration July 2016 Juillet 2016 frontier economics coïncidera avec les prévisions économiques publiées par l’Office de responsabilité budgétaire britannique (OBR). Or il est probable que l’OBR estimera, comme le Gouverneur de la Banque d’Angleterre, que si le Brexit pourrait avoir des effets ambigus sur l’inflation (la dépréciation de la livre sterling et le ralentissement de l’économie faisant contrepoids), il est certain qu’il pèsera sur les perspectives de croissance du Royaume-Uni pendant un certain temps. La perspective d’un ralentissement de la croissance et d’un creusement du déficit a déjà amené le nouveau gouvernement britannique à renoncer à atteindre un excédent budgétaire d’ici à 2020. Avant le vote, l’Institute for Fiscal Studies estimait que le Brexit entraînerait une perte annuelle nette de 20 à 40 milliards pour les finances publiques d’ici 2019-20. Sorti de l’Union européenne, le Royaume-Uni aura les coudées plus franches en matière de fiscalité et de dépenses, mais il est presque certain que les prévisionnistes diront au gouvernement qu’il a un trou plus important à combler. Que va-t-il se passer maintenant ? La nouvelle Première ministre britannique, Theresa May, a déclaré que l’article 50 ne doit pas être déclenché avant la fin de l’année. Ce délai exaspère certains États de l’Union européenne, mais dès que le déclencheur est actionné, le compte à rebours commence. Si aucun accord n’est trouvé dans un délai de deux ans suivant son déclenchement (et sauf accord unanime des 27 autres États membres de l’Union européenne pour poursuivre les négociations), les échanges commerciaux entre le Royaume-Uni et l’Union européenne seront régis par l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Dans ce scénario, les relations commerciales entre le Royaume-Uni et l’Union européenne seraient soumises aux mêmes règles qui s’appliquent à d’autres pays qui n’ont pas conclu d’accord commercial préférentiel avec l’Union européenne. Les véhicules à moteur, les produits agricoles et l’habillement seraient particulièrement touchés par un retour aux règles de l’OMC. De multiples raisons expliquent que cette issue n’exerce aucun attrait pour l’un et l’autre camp, mais surtout pour le Royaume-Uni. La première est la perte d’accès en franchise de droits pour les marchandises, qui augmenterait sans doute le prix des biens exportés par le Royaume-Uni vers l’Europe continentale et vice-versa, ce qui bénéficierait aux pays non membres de l’Union européenne qui exportent ces marchandises. Les véhicules à moteur, les produits agricoles et l’habillement seraient particulièrement touchés. La deuxième est l’effet qu’elle aurait sur le commerce de services – de loin le premier secteur de l’économie britannique, qui dégage un important excédent à l’exportation. Les barrières qui s’élèveraient dans ce secteur sont plus difficiles à quantifier, car beaucoup sont d’ordre réglementaire. La perte d’accès pourrait être particulièrement grave pour les services financiers et l’aviation (voir plus loin). Et si la libre circulation des personnes est parfois considérée comme le « prix » à payer pour l’accès au marché unique, elle facilite aussi le commerce de services. D’où la recherche d’autres arrangements. Raisonnablement, seule une variante de l’option dite « norvégienne » – la Norvège est membre de l’Espace économique européen (EEE) – donnerait au Royaume-Uni et au reste de l’Union européenne des conditions commerciales comparables au statu quo. En effet, un accord de libre-échange sur le modèle canadien n’offrirait pas le même accès, notamment pour les services, tandis que les accords de libre-échange avec la Turquie se limitent aux biens. La Suisse a conclu une série d’accords bilatéraux sans toutefois aller jusqu’à la libre circulation totale des biens et des services, et négocie avec l’Union européenne sur la circulation des travailleurs. Selon le modèle norvégien, le Royaume-Uni et l’Union européenne s’engageraient sur la libre circulation des biens, des services, des capitaux et des personnes. L’essentiel des dispositions en vigueur aujourd’hui dans ces domaines serait ainsi conservé, à ceci près que le Royaume-Uni serait libre d’appliquer ses propres tarifs douaniers au reste du monde. Ceux-ci ne pourraient excéder ceux www.frontier-economics.com 2 frontier economics Juillet 2016 sur lesquels l’Union européenne s’est engagée à l’OMC puisque le Royaume-Uni hérite de ces engagements, mais ils pourraient être abaissés ou supprimés. Les principaux défis pour le Royaume-Uni seraient alors de concilier ce modèle de Brexit soft avec les promesses faites lors de la campagne pour le référendum. D’abord, sur le rapatriement des pouvoirs : le Royaume-Uni aurait régulièrement besoin d’actualiser sa législation et sa réglementation pour que celles-ci restent conformes à l’acquis communautaire, sur lequel, bien sûr, il n’aurait plus aucune influence. Ensuite, sur le budget de l’Union européenne : le Royaume-Uni devrait continuer à contribuer au budget européen (comme le fait la Suisse en application de son propre modèle bilatéral). Enfin (et c’est le plus difficile), sur l’immigration : l’Union européenne a clairement affirmé que la libre circulation des personnes est une condition sine qua non de l’accès au marché unique et d’ailleurs (jusqu’ici) aucun pays n’a eu accès au marché unique sans respecter ce principe. Des quotas ou un système à base de points comme celui qu’avaient suggéré certains partisans du Brexit seraient incompatibles avec ce principe. Le grand défi pour l’Union européenne serait le risque que le modèle norvégien soit vu comme un « avantage » associé à la sortie de l’Union européenne et qu’il conforte les exigences de nouveaux référendums dans d’autres États membres. Il faudra peser ce risque à l’aune des pertes économiques des États membres découlant d’un modèle de Brexit plus dur ou du retour aux règles de l’OMC. L’issue est difficile à prévoir à ce stade, mais tout accord nécessitera une majorité qualifiée des États membres, qui renforcerait la position dans les En fait, le modèle négociations de ceux qui préfèrent un modèle de sortie plus radicale ou les règles de l’OMC. norvégien s’apparente plus à une négociation qu’à une sortie du Royaume-Uni. En fait, le modèle norvégien s’apparente plus à une négociation qu’à une sortie du Royaume-Uni, mais s’il peut être accepté, des compromis sont possibles. En matière d’immigration par exemple, la Suisse – qui a accepté la libre circulation des personnes sans obtenir en contrepartie l’accès total au marché unique – plaide depuis quelque temps pour un mécanisme de sauvegarde, suivant un référendum de 2014 exigeant un contrôle quantitatif de l’immigration. Le diable est dans les détails Avec des années de négociations en perspective, les entreprises peinent à appréhender les répercussions sectorielles et les risques économiques généraux. Puisque l’irritation suscitée par « Bruxelles » et son zèle réglementaire perçu ont été au cœur d’une partie au moins de la campagne sur le Brexit, on peut penser que l’issue du référendum offre au gouvernement britannique l’opportunité d’alléger la charge de la réglementation sectorielle ou tout au moins de la refondre pour mieux répondre aux besoins des entreprises et des consommateurs britanniques. Dans le même ordre d’idée, puisque le Royaume-Uni a si souvent dit non à Bruxelles, on peut penser que la Commission européenne saisira l’opportunité de développer la réglementation dans le sens souhaité par le reste de l’Union européenne. Mais la tâche est indéniablement complexe de part et d’autre. Prenons, par exemple, la politique de la concurrence, qui touche tous les secteurs de l’économie : a priori, on pourrait penser que le Brexit aura peu d’implications sur ces règles au Royaume-Uni et dans l’Union européenne. On pourrait décrire le régime britannique comme un régime « UE-plus » couvrant les mêmes domaines que la Commission européenne, mais avec en plus, le pouvoir de conduire des enquêtes sur les marchés. En outre, les cadres et outils utilisés par la CMA, l’autorité de la concurrence britannique, pour analyser les fusions et les violations potentielles du droit de la concurrence présentent de nombreuses similitudes avec ceux de la Commission. Mais si l’on pousse un peu un loin l’analyse, c’est un autre tableau qui se dessine. Pour les affaires de fusions, de cartels et d’abus de position dominante, les entreprises qui travaillent dans l’Union européenne et au Royaume-Uni pourraient faire l’objet d’enquêtes simultanées de la Commission www.frontier-economics.com 3 Juillet 2016 frontier economics européenne et de la CMA. Elles seraient confrontées à une charge administrative plus lourde, mais aussi à un double risque. Ensuite, se pose la question de savoir si la politique de la concurrence britannique et celle de l’Union européenne – jusqu’ici étroitement alignées – commenceront à s’écarter l’une de l’autre. Le président français François Hollande a déjà émis l’idée qu’il sera nécessaire « d’adapter » certaines règles de concurrence européenne dans un nouveau régime post-Brexit – même s’il est possible qu’il se heurte à l’opposition des États membres qui sont traditionnellement plus proches des principes britanniques. Dans les pans de l’économie soumis à des régimes réglementaires particuliers, le Royaume-Uni pourrait avoir encore plus de difficultés à concrétiser les avantages de la nouvelle flexibilité que le Brexit pourrait apporter. Services financiers C’est le secteur qui redoute le plus les effets dommageables du Brexit – de la perte de l’accès aux marchés européens au risque que la récession et la chute des prix immobiliers viennent grossir les pertes de crédit. La chute des fonds d’immobilier commercial illustre à la fois les craintes d’un retournement économique et d’une possible menace sur la position de Londres en tant que première place financière européenne. La politique de la concurrence britannique et celle de l’Union européenne, jusqu’ici étroitement alignées, pourraient commencer à s’écarter progressivement l’une de l’autre. Les banques établies au Royaume-Uni sont mieux capitalisées et préparées à faire face à un tel retournement qu’elles ne l’étaient avant la crise financière, mais leur rentabilité et leur capacité à lever des capitaux en souffriront, de même que l’offre de crédit à l’économie. Et les établissements financiers d’Europe les plus fragiles – comme les banques italiennes en difficulté – ont aussi ressenti l’onde de choc du Brexit. À Londres, la City est confrontée à une forte incertitude, liée notamment à l’étroite intégration du système britannique de réglementation financière avec celui de l’Union européenne. Le RoyaumeUni va devoir réécrire une part importante de la réglementation financière au moment où plusieurs directives européennes sont en cours de mise en œuvre. Jusqu’ici, il a joué un rôle clé au sein de l’Autorité européenne des marchés financiers (ESMA), mais c’est une autorité européenne dont il est peut-être en train de se retirer. À noter : le nouveau gouvernement britannique doit décider au plus vite de l’approche à adopter par les entreprises basées au Royaume-Uni et les régulateurs britanniques face au portefeuille de règlements européens en cours, en conciliant les obligations légales avec le souci d’éviter l’application de règlements complexes qui pourraient être bientôt abrogés. Et la question clé du « mécanisme de passeports » est à traiter de toute urgence. Les banques de l’Union européenne qui ont des activités au Royaume-Uni devront peut-être elles aussi répondre à l’obligation de se conformer à deux régimes réglementaires – l’un pour le Royaume-Uni, l’autre pour l’Union européenne. Transport aérien Dans un secteur d’activité basé sur la connectivité internationale, le Brexit aura des implications significatives – tant pour les passagers que pour les compagnies aériennes. À court terme, ce sont les consommateurs et les opérateurs britanniques qui en percevront l’impact, car la dépréciation de la livre sterling rend les voyages à l’étranger plus onéreux et augmente les coûts de carburant et le prix des billets. Mais la sortie de l’Union européenne soulève aussi des questions relatives aux droits de trafic qui permettent aux compagnies aériennes britanniques d’opérer dans l’Union européenne et ailleurs à l’étranger. Pour le Royaume-Uni, la négociation du maintien au sein de l’Espace aérien www.frontier-economics.com 4 frontier economics Juillet 2016 commun européen (EACE), qui permet à toute compagnie aérienne d’un membre d’offrir des services entre d’autres pays membres, doit être une priorité. Quitter l’Union européenne soulève des questions relatives aux droits de trafic, qui permettent aux compagnies britanniques de travailler à l’étranger. À défaut, toutes les lignes aériennes exploitées entre des pays tiers par des compagnies aériennes britanniques telles qu’easyJet seraient menacées – ce qui toucherait de nombreux voyageurs européens. En principe, chaque signataire de l’EACE pourrait s’opposer au maintien du Royaume-Uni, notamment peut-être les États dont les compagnies aériennes résistent mal à la concurrence de compagnies telles qu’easyJet. Se pose aussi la question des accords bilatéraux de service aérien entre l’Union européenne et les pays tiers, notamment les droits de trafic transatlantiques. Au vu de ces incertitudes, le plongeon du cours de bourse d’easyJet et d’IAG enregistré après le référendum n’est peut-être pas surprenant. Entretemps, la décision toujours reportée de l’expansion des capacités aéroportuaires de la région de Londres – un des points de congestion en Europe – est une autre victime de l’incertitude post-Brexit, puisqu’elle a dû être reportée jusqu’à la constitution d’un nouveau gouvernement. À noter : il est indispensable de maintenir le Royaume-Uni au sein de l’EACE, tant pour la bonne santé des compagnies aériennes britanniques que pour préserver les choix offerts à tous les passagers européens qui souhaitent quitter le Royaume-Uni ou s’y rendre en avion. Télécommunications L’économie du secteur des télécommunications est régie par un cadre réglementaire européen. Même si l’autorité de régulation britannique, l’Ofcom, continue d’appliquer ses principes de base, l’accord final négocié avec l’Union européenne pourrait donner au Royaume-Uni davantage de liberté pour déroger à certaines règles, telles celles relatives à la séparation structurelle des opérateurs de télécommunications verticalement intégrés. Cependant, le Brexit diminue aussi la capacité d’influence de l’Ofcom sur le cadre européen. De nouvelles dispositions relatives au commerce de services pourraient fragiliser la position des entreprises britanniques en matière de vente de services de télécommunications aux grandes multinationales. Et les consommateurs européens devront attendre pour savoir si la réglementation européenne relative aux tarifs d’itinérance continuera de s’appliquer dans le cadre de leurs déplacements entre le Royaume-Uni et les autres États membres. En attendant, la demande de services tend à être plus sensible à un ralentissement économique dans les télécommunications que dans d’autres secteurs basés sur des infrastructures. Couplée aux incertitudes entourant l’accès aux fonds européens, cette sensibilité pourrait affecter le programme britannique de déploiement de la fibre – domaine dans lequel le Royaume-Uni a déjà pris du retard par rapport à d’autres nations concurrentes. À noter : le nouveau gouvernement et l’Ofcom doivent prendre des mesures pour que les investissements dans le développement de l’infrastructure de télécommunications ne prennent aucun retard dans la période d’incertitude post-Brexit. Le Royaume-Uni perdra sans doute de l’influence sur l’élaboration du nouveau cadre réglementaire européen. Energie Pour le Royaume-Uni – qui est importateur net d’énergie – les effets les plus visibles à court terme découleront probablement d’une baisse de la demande liée au ralentissement de la croissance et – malgré la faiblesse des prix du pétrole – d’une hausse des prix intérieurs de l’énergie résultant de la dépréciation de la livre sterling (à son plus bas niveau depuis 30 ans). Dans l’intervalle, les www.frontier-economics.com 5 frontier economics Juillet 2016 incertitudes plus fortes conduiront sans doute les investisseurs à exiger un rendement plus élevé sur les investissements en nouvelles centrales électriques destinées à remplacer le parc britannique vieillissant. Avec la faiblesse de l’euro, d’autres membres de l’Union européenne pourraient enregistrer des effets demande et devises similaires (quoique moins marqués). Au Royaume-Uni, l’augmentation des factures d’énergie pourrait raviver les préoccupations relatives à l’accessibilité, qui pousseraient le nouveau gouvernement à réduire les taxes sur l’énergie (ce qui sera plus facile à faire hors de l’Union européenne, mais ne contribuera pas au redressement des finances et n’encouragera pas les économies d’énergie). Au Royaume-Uni, l’augmentation des factures d’énergie pourrait raviver les préoccupations relatives à l’accessibilité. La pression sur les finances publiques et l’incertitude accrue ne manqueront pas d’inquiéter le lobby des énergies renouvelables. Même s’il est peu probable qu’elle modifie sa politique énergétique après le Brexit, l’Union européenne sera confrontée à des défis administratifs – par exemple, en ce qui concerne l’actualisation de ses objectifs dans le domaine du climat et du système d’échange des droits d’émission pour tenir compte de l’Union restreinte, si le Royaume-Uni devait se retirer de ces éléments de la politique énergétique européenne. Bien que l’investisseur français EDF ait signalé que le projet de construction d’un nouveau réacteur nucléaire à Hinkley Point n’est pas remis en cause, la décision d’investissement finale ne sera pas prise avant l’automne et ce projet problématique pourrait connaître de nouveaux retards. D’autre part, les incertitudes qui entourent l’accès du Royaume-Uni au marché unique ralentiront sans doute les avancées sur de nouvelles interconnexions qui auraient permis au Royaume-Uni de se raccorder au réseau européen. À noter : il faut impérativement faire la lumière sur la politique énergétique post-Brexit afin de maintenir la confiance des investisseurs à un moment où il est urgent d’accélérer les investissements en capacités de production. Il faudra également clarifier les répercussions de tout changement de la participation du Royaume-Uni aux politiques et aux régimes liés au climat et au CO2. Distribution, alimentation et agriculture La plupart des grands distributeurs du Royaume-Uni auront sans doute pris des mesures avant le référendum pour se couvrir contre le risque le plus évident d’un Brexit – la chute de la livre sterling, qui renchérit les importations. Leurs équipes commerciales doivent être assurées d’avoir de la visibilité sur l’impact en termes de coûts dans les prochaines semaines, sur leurs positions contractuelles et sur les risques auxquels ils demeurent exposés. Entretemps, les équipes d’acheteurs doivent être prêtes à adapter les prix lorsque c’est nécessaire et avoir un plan pour la répercussion des hausses. L’ampleur de la dépréciation de la livre sterling est telle qu’un mauvais mix coût/prix pourrait très vite coûter très cher. Quant aux distributeurs du reste de l’Europe, les fluctuations de change pourraient leur offrir une opportunité immédiate de proposer des produits achetés au Royaume-Uni à des prix plus attractifs. Même si le Brexit n’aboutit pas à l’imposition réciproque de tarifs douaniers européens, on ne sait pas si le Royaume-Uni fera des choix différents quant aux normes européennes applicables au secteur – telles celles qui régissent la sécurité alimentaire, l’étiquetage et la certification des produits – ou si les termes d’un accord commercial interdiront toute modification. Un Brexit « hard » exigerait la renégociation des accords commerciaux réciproques avec les pays tiers, auprès desquels les distributeurs importent aussi une grande partie de leurs produits. Les distributeurs et les fournisseurs qui commercent au Royaume-Uni ou avec lui devront suivre de près les développements relatifs aux règlements et aux accords susceptibles de les concerner. Pour les supermarchés britanniques et les autres distributeurs alimentaires, ces incertitudes seront aggravées par l’impact du Brexit sur l’agriculture, aujourd’hui le plus gros bénéficiaire de fonds européens et aussi sur certains pans du secteur faisant beaucoup appel aux travailleurs migrants. www.frontier-economics.com 6 frontier economics Juillet 2016 Pendant ce temps, le secteur rétréci de la pêche britannique a de grandes espérances (sans doute excessives) de voir ses perspectives transformées par un désengagement des accords européens. À noter : les distributeurs doivent rester vigilants quant à l’impact des fluctuations de change sur leurs entreprises, car les marchés sont sensibles aux changements d’humeur politique sur la meilleure voie de sortie du Royaume-Uni. Le nouveau gouvernement britannique doit informer clairement sur son approche des normes et veiller à ce que les règles d’immigration ne dissuadent pas le « tourisme de shopping ». L’évolution des normes et des accords commerciaux intéressera ceux qui travaillent au Royaume-Uni et avec lui. Industrie manufacturière Théoriquement, les industriels britanniques sont les principaux bénéficiaires de la dépréciation de la livre sterling qui a suivi le vote du Brexit, selon qu’ils dépendent ou non de matières premières importées. Les performances différenciées des cours de bourse depuis le vote du Brexit – l’indice FTSE 100 des entreprises très internationalisées retrouvant ses niveaux d’avant le référendum – montrent que de l’avis des marchés, les exportateurs ont beaucoup à gagner, au moins lorsque leurs résultats sont exprimés en livres sterling. Cela étant, le résultat des décisions politiques relatives à la voie de sortie du Royaume-Uni sera déterminant pour les tarifs douaniers avec lesquels ces industriels devront composer, ces incertitudes pouvant retarder les investissements et dissuader les investissements étrangers. À noter : la clarté sur la voie de sortie du Royaume-Uni aura des incidences sur sa capacité à long terme à tirer profit de la dépréciation de la livre sterling. Théoriquement, l’industrie manufacturière est le principal bénéficiaire de la dépréciation de la livre sterling qui a suivi le vote du Brexit. Conclusions Ces exemples sectoriels illustrent les incertitudes et les défis auxquels sont confrontées les entreprises britanniques, mais aussi les entreprises européennes qui travaillent au Royaume-Uni, commercent avec lui ou sont concurrentes d’entreprises britanniques. Ils soulignent également l’urgence de choisir la voie de sortie du Royaume-Uni maintenant qu’un nouveau gouvernement est en place. Si de nombreuses personnalités politiques peuvent souhaiter reporter le déclenchement de l’article 50 jusqu’à ce que la stratégie de négociation britannique soit claire, une longue liste de questions politiques non résolues accentuera probablement le risque d’une chute de l’investissement et d’une délocalisation de l’activité. Gus O'Donnell +44 (0)20 7031 7000 [email protected] www.frontier-economics.com | Brussels | Cologne | Dublin | London | Madrid 7