Brexit - Frontier Economics

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Brexit :
L’IMPACT DES DIFFERENTS SCENARIOS DE
SORTIE DE L’UNION EUROPEENNE
Dans ce premier bulletin sur l’impact de la décision britannique de quitter
l’Union européenne, le Président de Frontier, Gus O’Donnell, examine les choix
qui s’offrent aux dirigeants politiques et aux entreprises dans toute l’Europe.
Gus a été Secrétaire du Cabinet britannique sous trois premiers ministres avant
de rejoindre Frontier en 2013. Il a une connaissance intime des mécanismes
politiques britanniques et européens et a géré de nombreuses situations de
crise lorsqu’il était Secrétaire du Cabinet. Dans les paragraphes qui suivent, il
analyse la probabilité d’un Brexit « hard », dans lequel le Royaume-Uni
couperait rapidement les ponts avec l’Union européenne, et celle d’un Brexit
« soft », dans lequel les liens seraient conservés moyennant quelques
concessions, ainsi que les secteurs de l’économie qui seront les plus touchés.
Depuis les turbulences qui ont suivi la décision des électeurs britanniques de quitter l’Union
européenne (le « Leave » l’emportant de 3,8 % avec un taux de participation de 72 % des électeurs),
les marchés ont intégré l’hypothèse d’un Brexit soft et se sont quelque peu stabilisés, c’est-à-dire
qu’ils semblent supposer qu’un nouveau premier ministre britannique s’efforcera de conserver
l’accès au marché unique même s’il lui faut céder du terrain sur l’immigration.
On comprend aisément que la logique économique pourrait conduire le Royaume-Uni sur cette voie,
mais il est encore trop tôt pour dire si les marchés ont raison ou – comme pour le référendum luimême – si un nouveau choc les attend. D’après les premiers signaux donnés par l’Union
européenne, celle-ci semble vouloir opter pour une ligne de négociation dure afin de maximiser l’effet
dissuasif de la décision britannique, peut-être sous l’aiguillon des élections prévues l’an prochain aux
Pays-Bas, en France et en Allemagne. Au Royaume-Uni, le parti au pouvoir vient tout juste d’élire
son dirigeant, tandis que le principal parti d’opposition est en pleine crise. Alors que les dirigeants
politiques des capitales européennes tentent de percer le brouillard, ce bulletin examine l’impact des
différents choix possibles.
Le Royaume-Uni a décidé de ne pas déclencher – pour l’instant – l’article 50 du Traité de Lisbonne,
qui active le mécanisme de sortie sur deux ans. Le Premier ministre, David Cameron, a constitué
une équipe de fonctionnaires chargés d’étudier les options et d’éclairer la stratégie de négociation de
son successeur. De son côté, l’Union européenne a créé un groupe de travail pour coordonner les
négociations.
Quid du Parlement britannique ? Il exigera probablement de débattre de la stratégie de sortie
britannique avant le déclenchement de l’article 50. Étant donné que la majorité des députés des
deux Chambres étaient partisans du « Remain », les débats promettent d’être orageux. De plus,
certains juristes constitutionnalistes affirment que l’article 50 ne peut pas être déclenché sans loi
parlementaire – dont le vote serait plus que houleux. Pourtant, même s’il s’avère qu’il n’est pas
légalement nécessaire, ce vote pourrait bien être politiquement essentiel.
L’une des premières tâches de Philip Hammond, ministre des Finances du nouveau gouvernement
formé par Theresa May, sera de présenter le budget intérimaire (Autumn Statement). Bien qu’il ait
nié qu’il s’agira d’un « budget d’urgence », il ne sera pas facile – d’autant que cette déclaration
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coïncidera avec les prévisions économiques publiées par l’Office de responsabilité budgétaire
britannique (OBR). Or il est probable que l’OBR estimera, comme le Gouverneur de la Banque
d’Angleterre, que si le Brexit pourrait avoir des effets ambigus sur l’inflation (la dépréciation de la
livre sterling et le ralentissement de l’économie faisant contrepoids), il est certain qu’il pèsera sur les
perspectives de croissance du Royaume-Uni pendant un certain temps.
La perspective d’un ralentissement de la croissance et d’un creusement du déficit a déjà amené le
nouveau gouvernement britannique à renoncer à atteindre un excédent budgétaire d’ici à 2020.
Avant le vote, l’Institute for Fiscal Studies estimait que le Brexit entraînerait une perte annuelle nette
de 20 à 40 milliards pour les finances publiques d’ici 2019-20. Sorti de l’Union européenne, le
Royaume-Uni aura les coudées plus franches en matière de fiscalité et de dépenses, mais il est
presque certain que les prévisionnistes diront au gouvernement qu’il a un trou plus important à
combler.
Que va-t-il se passer maintenant ?
La nouvelle Première ministre britannique, Theresa May, a déclaré que l’article 50 ne doit pas être
déclenché avant la fin de l’année. Ce délai exaspère certains États de l’Union européenne, mais dès
que le déclencheur est actionné, le compte à rebours commence. Si aucun accord n’est trouvé dans
un délai de deux ans suivant son déclenchement (et sauf accord unanime des 27 autres États
membres de l’Union européenne pour poursuivre les négociations), les échanges commerciaux entre
le Royaume-Uni et l’Union européenne seront régis par l’Organisation mondiale du commerce
(OMC). Dans ce scénario, les relations commerciales entre le
Royaume-Uni et l’Union européenne seraient soumises aux mêmes
règles qui s’appliquent à d’autres pays qui n’ont pas conclu d’accord
commercial préférentiel avec l’Union européenne.
Les véhicules à
moteur, les
produits agricoles
et l’habillement
seraient
particulièrement
touchés par un
retour aux règles
de l’OMC.
De multiples raisons expliquent que cette issue n’exerce aucun attrait
pour l’un et l’autre camp, mais surtout pour le Royaume-Uni. La
première est la perte d’accès en franchise de droits pour les
marchandises, qui augmenterait sans doute le prix des biens exportés
par le Royaume-Uni vers l’Europe continentale et vice-versa, ce qui
bénéficierait aux pays non membres de l’Union européenne qui
exportent ces marchandises. Les véhicules à moteur, les produits
agricoles et l’habillement seraient particulièrement touchés. La
deuxième est l’effet qu’elle aurait sur le commerce de services – de loin
le premier secteur de l’économie britannique, qui dégage un important
excédent à l’exportation. Les barrières qui s’élèveraient dans ce secteur
sont plus difficiles à quantifier, car beaucoup sont d’ordre
réglementaire. La perte d’accès pourrait être particulièrement grave
pour les services financiers et l’aviation (voir plus loin). Et si la libre
circulation des personnes est parfois considérée comme le « prix » à payer pour l’accès au marché
unique, elle facilite aussi le commerce de services.
D’où la recherche d’autres arrangements. Raisonnablement, seule une variante de l’option dite
« norvégienne » – la Norvège est membre de l’Espace économique européen (EEE) – donnerait au
Royaume-Uni et au reste de l’Union européenne des conditions commerciales comparables au statu
quo. En effet, un accord de libre-échange sur le modèle canadien n’offrirait pas le même accès,
notamment pour les services, tandis que les accords de libre-échange avec la Turquie se limitent
aux biens. La Suisse a conclu une série d’accords bilatéraux sans toutefois aller jusqu’à la libre
circulation totale des biens et des services, et négocie avec l’Union européenne sur la circulation des
travailleurs.
Selon le modèle norvégien, le Royaume-Uni et l’Union européenne s’engageraient sur la libre
circulation des biens, des services, des capitaux et des personnes. L’essentiel des dispositions en
vigueur aujourd’hui dans ces domaines serait ainsi conservé, à ceci près que le Royaume-Uni serait
libre d’appliquer ses propres tarifs douaniers au reste du monde. Ceux-ci ne pourraient excéder ceux
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sur lesquels l’Union européenne s’est engagée à l’OMC puisque le Royaume-Uni hérite de ces
engagements, mais ils pourraient être abaissés ou supprimés.
Les principaux défis pour le Royaume-Uni seraient alors de concilier ce modèle de Brexit soft avec
les promesses faites lors de la campagne pour le référendum.

D’abord, sur le rapatriement des pouvoirs : le Royaume-Uni aurait régulièrement besoin
d’actualiser sa législation et sa réglementation pour que celles-ci restent conformes à l’acquis
communautaire, sur lequel, bien sûr, il n’aurait plus aucune influence.

Ensuite, sur le budget de l’Union européenne : le Royaume-Uni devrait continuer à contribuer
au budget européen (comme le fait la Suisse en application de son propre modèle bilatéral).
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Enfin (et c’est le plus difficile), sur l’immigration : l’Union européenne a clairement affirmé
que la libre circulation des personnes est une condition sine qua non de l’accès au marché
unique et d’ailleurs (jusqu’ici) aucun pays n’a eu accès au marché unique sans respecter ce
principe. Des quotas ou un système à base de points comme celui qu’avaient suggéré certains
partisans du Brexit seraient incompatibles avec ce principe.
Le grand défi pour l’Union européenne serait le risque que le modèle norvégien soit vu comme un
« avantage » associé à la sortie de l’Union européenne et qu’il conforte les exigences de nouveaux
référendums dans d’autres États membres. Il faudra peser ce risque à
l’aune des pertes économiques des États membres découlant d’un
modèle de Brexit plus dur ou du retour aux règles de l’OMC. L’issue est
difficile à prévoir à ce stade, mais tout accord nécessitera une majorité
qualifiée des États membres, qui renforcerait la position dans les
En fait, le modèle négociations de ceux qui préfèrent un modèle de sortie plus radicale ou
les règles de l’OMC.
norvégien
s’apparente plus
à une négociation
qu’à une sortie du
Royaume-Uni.
En fait, le modèle norvégien s’apparente plus à une négociation qu’à
une sortie du Royaume-Uni, mais s’il peut être accepté, des compromis
sont possibles. En matière d’immigration par exemple, la Suisse – qui a
accepté la libre circulation des personnes sans obtenir en contrepartie
l’accès total au marché unique – plaide depuis quelque temps pour un
mécanisme de sauvegarde, suivant un référendum de 2014 exigeant
un contrôle quantitatif de l’immigration.
Le diable est dans les détails
Avec des années de négociations en perspective, les entreprises peinent à appréhender les
répercussions sectorielles et les risques économiques généraux. Puisque l’irritation suscitée par
« Bruxelles » et son zèle réglementaire perçu ont été au cœur d’une partie au moins de la campagne
sur le Brexit, on peut penser que l’issue du référendum offre au gouvernement britannique
l’opportunité d’alléger la charge de la réglementation sectorielle ou tout au moins de la refondre pour
mieux répondre aux besoins des entreprises et des consommateurs britanniques. Dans le même
ordre d’idée, puisque le Royaume-Uni a si souvent dit non à Bruxelles, on peut penser que la
Commission européenne saisira l’opportunité de développer la réglementation dans le sens souhaité
par le reste de l’Union européenne. Mais la tâche est indéniablement complexe de part et d’autre.
Prenons, par exemple, la politique de la concurrence, qui touche tous les secteurs de l’économie : a
priori, on pourrait penser que le Brexit aura peu d’implications sur ces règles au Royaume-Uni et
dans l’Union européenne. On pourrait décrire le régime britannique comme un régime « UE-plus »
couvrant les mêmes domaines que la Commission européenne, mais avec en plus, le pouvoir de
conduire des enquêtes sur les marchés. En outre, les cadres et outils utilisés par la CMA, l’autorité
de la concurrence britannique, pour analyser les fusions et les violations potentielles du droit de la
concurrence présentent de nombreuses similitudes avec ceux de la Commission.
Mais si l’on pousse un peu un loin l’analyse, c’est un autre tableau qui se dessine. Pour les affaires
de fusions, de cartels et d’abus de position dominante, les entreprises qui travaillent dans l’Union
européenne et au Royaume-Uni pourraient faire l’objet d’enquêtes simultanées de la Commission
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européenne et de la CMA. Elles seraient confrontées à une charge
administrative plus lourde, mais aussi à un double risque. Ensuite, se
pose la question de savoir si la politique de la concurrence
britannique et celle de l’Union européenne – jusqu’ici étroitement
alignées – commenceront à s’écarter l’une de l’autre. Le président
français François Hollande a déjà émis l’idée qu’il sera nécessaire
« d’adapter » certaines règles de concurrence européenne dans un
nouveau régime post-Brexit – même s’il est possible qu’il se heurte à
l’opposition des États membres qui sont traditionnellement plus proches
des principes britanniques.
Dans les pans de l’économie soumis à des régimes réglementaires
particuliers, le Royaume-Uni pourrait avoir encore plus de difficultés à
concrétiser les avantages de la nouvelle flexibilité que le Brexit pourrait
apporter.
Services financiers
C’est le secteur qui redoute le plus les effets dommageables du Brexit –
de la perte de l’accès aux marchés européens au risque que la
récession et la chute des prix immobiliers viennent grossir les pertes de
crédit. La chute des fonds d’immobilier commercial illustre à la fois les
craintes d’un retournement économique et d’une possible menace sur
la position de Londres en tant que première place financière
européenne.
La politique de la
concurrence
britannique et
celle de l’Union
européenne,
jusqu’ici
étroitement
alignées,
pourraient
commencer à
s’écarter
progressivement
l’une de l’autre.
Les banques établies au Royaume-Uni sont mieux capitalisées et préparées à faire face à un tel
retournement qu’elles ne l’étaient avant la crise financière, mais leur rentabilité et leur capacité à
lever des capitaux en souffriront, de même que l’offre de crédit à l’économie. Et les établissements
financiers d’Europe les plus fragiles – comme les banques italiennes en difficulté – ont aussi ressenti
l’onde de choc du Brexit.
À Londres, la City est confrontée à une forte incertitude, liée notamment à l’étroite intégration du
système britannique de réglementation financière avec celui de l’Union européenne. Le RoyaumeUni va devoir réécrire une part importante de la réglementation financière au moment où plusieurs
directives européennes sont en cours de mise en œuvre. Jusqu’ici, il a joué un rôle clé au sein de
l’Autorité européenne des marchés financiers (ESMA), mais c’est une autorité européenne dont il est
peut-être en train de se retirer.
À noter : le nouveau gouvernement britannique doit décider au plus vite de l’approche à adopter par
les entreprises basées au Royaume-Uni et les régulateurs britanniques face au portefeuille de
règlements européens en cours, en conciliant les obligations légales avec le souci d’éviter
l’application de règlements complexes qui pourraient être bientôt abrogés. Et la question clé du
« mécanisme de passeports » est à traiter de toute urgence. Les banques de l’Union européenne qui
ont des activités au Royaume-Uni devront peut-être elles aussi répondre à l’obligation de se
conformer à deux régimes réglementaires – l’un pour le Royaume-Uni, l’autre pour l’Union
européenne.
Transport aérien
Dans un secteur d’activité basé sur la connectivité internationale, le Brexit aura des implications
significatives – tant pour les passagers que pour les compagnies aériennes. À court terme, ce sont
les consommateurs et les opérateurs britanniques qui en percevront l’impact, car la dépréciation de
la livre sterling rend les voyages à l’étranger plus onéreux et augmente les coûts de carburant et le
prix des billets. Mais la sortie de l’Union européenne soulève aussi des questions relatives aux droits
de trafic qui permettent aux compagnies aériennes britanniques d’opérer dans l’Union européenne et
ailleurs à l’étranger. Pour le Royaume-Uni, la négociation du maintien au sein de l’Espace aérien
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commun européen (EACE), qui permet à toute compagnie aérienne
d’un membre d’offrir des services entre d’autres pays membres, doit
être une priorité.
Quitter l’Union
européenne
soulève des
questions
relatives aux
droits de trafic,
qui permettent
aux compagnies
britanniques de
travailler à
l’étranger.
À défaut, toutes les lignes aériennes exploitées entre des pays tiers par
des compagnies aériennes britanniques telles qu’easyJet seraient
menacées – ce qui toucherait de nombreux voyageurs européens. En
principe, chaque signataire de l’EACE pourrait s’opposer au maintien
du Royaume-Uni, notamment peut-être les États dont les compagnies
aériennes résistent mal à la concurrence de compagnies telles
qu’easyJet. Se pose aussi la question des accords bilatéraux de
service aérien entre l’Union européenne et les pays tiers, notamment
les droits de trafic transatlantiques. Au vu de ces incertitudes, le
plongeon du cours de bourse d’easyJet et d’IAG enregistré après le
référendum n’est peut-être pas surprenant.
Entretemps, la décision toujours reportée de l’expansion des capacités
aéroportuaires de la région de Londres – un des points de congestion
en Europe – est une autre victime de l’incertitude post-Brexit,
puisqu’elle a dû être reportée jusqu’à la constitution d’un nouveau
gouvernement.
À noter : il est indispensable de maintenir le Royaume-Uni au sein de
l’EACE, tant pour la bonne santé des compagnies aériennes
britanniques que pour préserver les choix offerts à tous les passagers européens qui souhaitent
quitter le Royaume-Uni ou s’y rendre en avion.
Télécommunications
L’économie du secteur des télécommunications est régie par un cadre réglementaire européen.
Même si l’autorité de régulation britannique, l’Ofcom, continue d’appliquer ses principes de base,
l’accord final négocié avec l’Union européenne pourrait donner au Royaume-Uni davantage de
liberté pour déroger à certaines règles, telles celles relatives à la séparation structurelle des
opérateurs de télécommunications verticalement intégrés.
Cependant, le Brexit diminue aussi la capacité d’influence de l’Ofcom sur le cadre européen. De
nouvelles dispositions relatives au commerce de services pourraient fragiliser la position des
entreprises britanniques en matière de vente de services de télécommunications aux grandes
multinationales. Et les consommateurs européens devront attendre pour savoir si la réglementation
européenne relative aux tarifs d’itinérance continuera de s’appliquer dans le cadre de leurs
déplacements entre le Royaume-Uni et les autres États membres.
En attendant, la demande de services tend à être plus sensible à un ralentissement économique
dans les télécommunications que dans d’autres secteurs basés sur des infrastructures. Couplée aux
incertitudes entourant l’accès aux fonds européens, cette sensibilité pourrait affecter le programme
britannique de déploiement de la fibre – domaine dans lequel le Royaume-Uni a déjà pris du retard
par rapport à d’autres nations concurrentes.
À noter : le nouveau gouvernement et l’Ofcom doivent prendre des mesures pour que les
investissements dans le développement de l’infrastructure de télécommunications ne prennent
aucun retard dans la période d’incertitude post-Brexit. Le Royaume-Uni perdra sans doute de
l’influence sur l’élaboration du nouveau cadre réglementaire européen.
Energie
Pour le Royaume-Uni – qui est importateur net d’énergie – les effets les plus visibles à court terme
découleront probablement d’une baisse de la demande liée au ralentissement de la croissance et –
malgré la faiblesse des prix du pétrole – d’une hausse des prix intérieurs de l’énergie résultant de la
dépréciation de la livre sterling (à son plus bas niveau depuis 30 ans). Dans l’intervalle, les
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incertitudes plus fortes conduiront sans doute les investisseurs à exiger un rendement plus élevé sur
les investissements en nouvelles centrales électriques destinées à remplacer le parc britannique
vieillissant. Avec la faiblesse de l’euro, d’autres membres de l’Union européenne pourraient
enregistrer des effets demande et devises similaires (quoique moins marqués).
Au Royaume-Uni, l’augmentation des factures d’énergie pourrait raviver les préoccupations relatives
à l’accessibilité, qui pousseraient le nouveau gouvernement à réduire
les taxes sur l’énergie (ce qui sera plus facile à faire hors de l’Union
européenne, mais ne contribuera pas au redressement des finances et
n’encouragera pas les économies d’énergie).
Au Royaume-Uni,
l’augmentation
des factures
d’énergie pourrait
raviver les
préoccupations
relatives à
l’accessibilité.
La pression sur les finances publiques et l’incertitude accrue ne
manqueront pas d’inquiéter le lobby des énergies renouvelables. Même
s’il est peu probable qu’elle modifie sa politique énergétique après le
Brexit, l’Union européenne sera confrontée à des défis administratifs –
par exemple, en ce qui concerne l’actualisation de ses objectifs dans le
domaine du climat et du système d’échange des droits d’émission pour
tenir compte de l’Union restreinte, si le Royaume-Uni devait se retirer
de ces éléments de la politique énergétique européenne.
Bien que l’investisseur français EDF ait signalé que le projet de
construction d’un nouveau réacteur nucléaire à Hinkley Point n’est pas
remis en cause, la décision d’investissement finale ne sera pas prise
avant l’automne et ce projet problématique pourrait connaître de
nouveaux retards. D’autre part, les incertitudes qui entourent l’accès du Royaume-Uni au marché
unique ralentiront sans doute les avancées sur de nouvelles interconnexions qui auraient permis au
Royaume-Uni de se raccorder au réseau européen.
À noter : il faut impérativement faire la lumière sur la politique énergétique post-Brexit afin de
maintenir la confiance des investisseurs à un moment où il est urgent d’accélérer les investissements
en capacités de production. Il faudra également clarifier les répercussions de tout changement de la
participation du Royaume-Uni aux politiques et aux régimes liés au climat et au CO2.
Distribution, alimentation et agriculture
La plupart des grands distributeurs du Royaume-Uni auront sans doute pris des mesures avant le
référendum pour se couvrir contre le risque le plus évident d’un Brexit – la chute de la livre sterling,
qui renchérit les importations. Leurs équipes commerciales doivent être assurées d’avoir de la
visibilité sur l’impact en termes de coûts dans les prochaines semaines, sur leurs positions
contractuelles et sur les risques auxquels ils demeurent exposés. Entretemps, les équipes
d’acheteurs doivent être prêtes à adapter les prix lorsque c’est nécessaire et avoir un plan pour la
répercussion des hausses. L’ampleur de la dépréciation de la livre sterling est telle qu’un mauvais
mix coût/prix pourrait très vite coûter très cher. Quant aux distributeurs du reste de l’Europe, les
fluctuations de change pourraient leur offrir une opportunité immédiate de proposer des produits
achetés au Royaume-Uni à des prix plus attractifs.
Même si le Brexit n’aboutit pas à l’imposition réciproque de tarifs douaniers européens, on ne sait
pas si le Royaume-Uni fera des choix différents quant aux normes européennes applicables au
secteur – telles celles qui régissent la sécurité alimentaire, l’étiquetage et la certification des produits
– ou si les termes d’un accord commercial interdiront toute modification. Un Brexit « hard » exigerait
la renégociation des accords commerciaux réciproques avec les pays tiers, auprès desquels les
distributeurs importent aussi une grande partie de leurs produits. Les distributeurs et les fournisseurs
qui commercent au Royaume-Uni ou avec lui devront suivre de près les développements relatifs aux
règlements et aux accords susceptibles de les concerner.
Pour les supermarchés britanniques et les autres distributeurs alimentaires, ces incertitudes seront
aggravées par l’impact du Brexit sur l’agriculture, aujourd’hui le plus gros bénéficiaire de fonds
européens et aussi sur certains pans du secteur faisant beaucoup appel aux travailleurs migrants.
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Pendant ce temps, le secteur rétréci de la pêche britannique a de grandes espérances (sans doute
excessives) de voir ses perspectives transformées par un désengagement des accords européens.
À noter : les distributeurs doivent rester vigilants quant à l’impact des fluctuations de change sur
leurs entreprises, car les marchés sont sensibles aux changements d’humeur politique sur la
meilleure voie de sortie du Royaume-Uni. Le nouveau gouvernement britannique doit informer
clairement sur son approche des normes et veiller à ce que les règles d’immigration ne dissuadent
pas le « tourisme de shopping ». L’évolution des normes et des accords commerciaux intéressera
ceux qui travaillent au Royaume-Uni et avec lui.
Industrie manufacturière
Théoriquement, les industriels britanniques sont les principaux
bénéficiaires de la dépréciation de la livre sterling qui a suivi le vote du
Brexit, selon qu’ils dépendent ou non de matières premières importées.
Les performances différenciées des cours de bourse depuis le vote du
Brexit – l’indice FTSE 100 des entreprises très internationalisées
retrouvant ses niveaux d’avant le référendum – montrent que de l’avis
des marchés, les exportateurs ont beaucoup à gagner, au moins
lorsque leurs résultats sont exprimés en livres sterling.
Cela étant, le résultat des décisions politiques relatives à la voie de
sortie du Royaume-Uni sera déterminant pour les tarifs douaniers avec
lesquels ces industriels devront composer, ces incertitudes pouvant
retarder les investissements et dissuader les investissements
étrangers.
À noter : la clarté sur la voie de sortie du Royaume-Uni aura des
incidences sur sa capacité à long terme à tirer profit de la dépréciation
de la livre sterling.
Théoriquement,
l’industrie
manufacturière
est le principal
bénéficiaire de la
dépréciation de la
livre sterling qui a
suivi le vote du
Brexit.
Conclusions
Ces exemples sectoriels illustrent les incertitudes et les défis auxquels sont confrontées les
entreprises britanniques, mais aussi les entreprises européennes qui travaillent au Royaume-Uni,
commercent avec lui ou sont concurrentes d’entreprises britanniques. Ils soulignent également
l’urgence de choisir la voie de sortie du Royaume-Uni maintenant qu’un nouveau gouvernement est
en place. Si de nombreuses personnalités politiques peuvent souhaiter reporter le déclenchement de
l’article 50 jusqu’à ce que la stratégie de négociation britannique soit claire, une longue liste de
questions politiques non résolues accentuera probablement le risque d’une chute de l’investissement
et d’une délocalisation de l’activité.
Gus O'Donnell
+44 (0)20 7031 7000
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